Mars 1515
Il était dans les pages intérieurs.
- Heureux ? sourit Roger en se penchant par-dessus l'épaule de son fils.
Ace étala le journal sur le pont du voilier sans perdre son sourire. L'article qu'il avait corrigé juste devant Morgans, eh bien, il était là, dans les pages intérieurs, dans le dossier politique de South Blue. Et en bonus, il y avait même la photo qu'ils avaient pris en découvrant le dossier.
- Très. Mais ce n'est qu'un premier pas. Mais vu qu'il a fallu l'aide de maman, je sais pas trop comment le prendre. Oui, je lui suis reconnaissant mais de l'autre...j'ai l'impression d'être un boulet incapable de faire les choses par moi-même.
- Ne dis pas ça, Ace. Deux adolescents ont découvert de beaux dossiers. Ta mère est la meilleure informatrice de South Blue, et pourtant, c'est ton article, peu importe sa qualité, qui l'a mise au courant. Et encore une fois, malgré la qualité, sans compter que les Révolutionnaires ont fait un gros coup pour libérer ces malheureux, à côté, tu as provoqué une enquête. Même si la qualité n'a pas attiré trop d'attention, tu as alerté assez de personnes pour que ça remonte aux meilleures oreilles pour changer les choses.
- Tu dis ça pour me rassurer ou tu le penses vraiment ? se renseigna le jeune zoan en grattant entre les deux oreilles de sa panthère.
Et il leva les yeux vers l'esprit de son père qui eut un petit rire.
- Ace, tu es peut-être mon petit prince, mais je sais ce que c'est de vouloir partir à l'aventure, d'accomplir quelque chose d'important avec ses propres mains. Si ta mère veut te protéger, moi, je serais là pour te pousser toujours plus loin. Et je sais que tu peux arriver au sommet. Pour l'instant, je sais que tu peux arriver à t'imposer sur la première page. Peut-être un jour, prendre la place de Morgans à la direction ?
Ace revint à l'article qu'il avait réussi à faire atterrir à l'intérieur du journal le plus lut au monde.
- Peut-être, mais ce n'est pas ce que je veux au final. Je veux savoir.
- Savoir quoi ?
- Je suis persuadé encore aujourd'hui que ton exécution était en grande partie par peur que tu parles. Tu as trop vu, tu sais trop de choses. Ne serait-ce que ce qu'il s'est passé pour que Garp-san devienne un Héros, par exemple. Je veux voir ce que toi, oncle Rayleigh et tous les autres aviez découvert.
- Et pourquoi tu ne me le demandes pas ? s'étonna Roger.
- Pour la même raison que j'ai voulu me démerder seul pour devenir journaliste. Et tout comme Luffy ne m'a jamais demandé de t'interroger sur la nature du One Piece.
Roger éclata de rire en approuvant la réponse de son fils.
- Tu as de la visite, appela l'esprit d'une grande blonde en tenue moulante avec de nombreuses ceintures de minutions et un grand sombrero.
- Ah ? Où ça, Roja ?
Ace se releva et alla rejoindre l'esprit de son aïeule pirate qui lui pointa un petit navire qui se rapprochait rapidement du voilier à l'arrêt de l'adolescent au milieu d'East Blue. Le D. leva sa longue vue et observa l'embarcation en approche, avant de chercher un pavillon.
- Quand on parle du passé... ils voguent sous le pavillon de Doke no Baggy, soupira le brun en baissant la lunette.
Il la replia et passa une main dans son dos, dans l'intérieur de sa chemise et décrocha sa hache avant de croiser les bras pour attendre les nouveaux venus. Il espérait ne pas devoir recourir à son akuma no mi. Rayleigh lui avait donné les prix des différents marchés quand il avait été mis au courant à l'époque. Et vu ce qu'on demandait pour le fruit du nekomata à l'époque, le D. n'avait certainement pas envie de dessiner une cible de ce type sur son crâne.
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Buggy fronça les sourcils en voyant quatre de ses hommes revenir avec l'air de s'être proprement refait le portrait. Ils étaient couverts d'ecchymoses et marchés en canard.
- Vous avez réussi à échapper à des marines ? se renseigna le capitaine clown.
- Du tout.
- C'était...
Les blessés échangèrent un regard, comme se demandant si ça valait la peine de mettre le boss en colère en lui disant la vérité. Puis, l'un fit la chose intelligente et donna un message plié en deux à leur capitaine.
- On... on nous a... recommandé de vous donner ça.
- Huuuun ?
Baggy arracha le papier des mains de son matelot et le déplia.
"Le petit bébé a bien grandit. Je ne suis pas un gosse pourrie gâté d'East Blue, Baggy. Alors, tu restes dans ton coin, je resterais dans le mien, et ce, en mémoire de mon père. Mais que tes gars viennent me chercher à nouveau des noises, et je t'assure que tu verras comment on gère les gars comme toi en South Blue. Je suis un chat noir, j'apporte le malheur si on me cherche. Ah et si tes gars te parlent d'un mec, c'est normal."
Le capitaine pirate soupira en voyant qui avait signé le message. Un simple nom de famille gravé au fer rouge dans sa mémoire.
Portgas.
- Vous l'avez donc rencontré, hun ? demanda rhétoriquement Baggy en revenant à ses hommes.
- Vous connaissez ce fou furieux, senshô ?
- J'ai navigué avec son père, et bosser brièvement avec son oncle. Des fous furieux, ces D., je peux vous l'assurer.
Il soupira et rangea le message dans sa poche pour poser ses mains sur les épaules de ses gars.
- Allez, j'vous offre la prochaine tournée. Prenez garde à ne pas recroiser sa route. Et si ça se refait, évitez les hostilités.
Et il leur tapota le dos avec compassion.
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Iro appuya ses pattes avant sur une vitrine en imitant Ace qui observait lui-même dans la boutique de vêtement. L'argent brûlait dans sa poche. Il avait failli s'évanouir en voyant la somme qu'il avait reçu en échange du chèque de Morgans. Il aurait dû voir le montant avant de le déposer, mais ce n'était pas pour ça qu'il avait écrit, donc il n'en avait pas eu la curiosité. D'où le pourquoi il avait failli tourner de l'œil devant la guichetière.
S'il était à présent devant une boutique de fringue, c'est parce qu'il se rappelait du commentaire de Morgans. Certes, il avait été question de la jupe de Baterilla, à cet instant, mais le message derrière était tout aussi important. Un journaliste se doit d'avoir l'air professionnel. Il serait impossible pour Ace d'être pris au sérieux avec ses chemises et ses baggys. Rien ne l'empêcherait de les utiliser en infiltration, mais une tenue "propre" serait toujours mieux pour les rencontres officielles.
- Quand faut y aller, faut y aller, soupira l'adolescent. Bon sang, c'est dans ce moment-là que j'aurais besoin de Sabo et je t'interdis de te foutre de moi, tonton. Va plutôt hanter ta fille.
L'esprit de Javier fit mine de se coudre la bouche en suivant son neveu dans la boutique. Heureusement, la vendeuse fut compréhensive devant l'air perdu de l'adolescent et, gros bonus, elle était transgenre, donc, tout à fait apte à comprendre pourquoi ce jeune cherchait une tenue "sérieuse mais non-genré".
Le zoan perdu fut orienté directement vers les costumes trois pièces et plus, mais il n'eut pas vraiment le temps d'observer les modèles qu'il se retrouva rapidement dans une cabine d'essayage avec quatre ensembles à essayer, et une vendeuse un peu trop enthousiaste à l'idée de l'habiller. Il commençait à avoir l'impression d'être une de ces infâmes poupées Barbie dont il avait entendu parler quand il était à l'école primaire.
Iro s'était assise devant la cabine et regardait le manège avec une claire perplexité si on en croyait sa fourrure blanche. Et à côté, Javier et Roger se marraient comme deux idiots devant le spectacle.
- Celui-ci est parfait ! s'exclama enfin la vendeuse en frappant dans ses mains après qu'il ait trouvé son bonheur.
Echevelé et ébouriffé, avec même une de ses oreilles retournées, Ace se regarda dans le miroir alors que la vendeuse qui l'avait assisté lui remonter proprement ses manches au-dessus des coudes.
Il portait un simple ensemble pantalon à pince et chemise marron, avec par-dessus, un gilet sans manche orange sombre avec des boutons en acier.
- Il faudra faire des ajustements pour que ça puisse s'adapter à un corps de femme, aussi, nota la femme en se reculant avec une mine pensive.
- Je peux pas le prendre, répondit l'adolescent en commençant à défaire le veston.
- Mais il te va super bien, mon chou ! Qu'est-ce qui t'en empêche ? Le prix ?
- Non. C'est le tissu. Poissard comme je suis, je serai pas surpris de devoir me battre. Et si je peux pas bouger sans risquer de le déchirer ou de me retrouver bloquer…
La vendeuse le regarda en mettant ses poings sur ses hanches.
- T'es pas un peu compliqué ?
- Vous connaissez pas la moitié, marmonna l'adolescent alors que ses oreilles s'aplatissaient sur son crâne avec lassitude. Mais c'est soit ça, soit craché sur une opportunité qui m'a été offerte pour réaliser mon rêve et rentrer mes queues entre les jambes chez moi.
Il poussa un profond soupir et s'inclina.
- Je vais me changer. Merci pour votre temps.
- Stop stop stop.
Le D. retint une grimace quand la femme lui attrapa l'oreille.
- Grimpe sur ce tabouret, j'ai des ajustements à faire. Et tu te tais, gamin.
Ace referma sa bouche dans un claquement bruyant et monta sur un tabouret bas pour que la vendeuse et apparemment, couturière, fasse des ajustements au niveau des ourlés.
- Tu as demandé des vêtements neutres pour te travestir sans changer de garde-robe ? se renseigna la vendeuse.
- C'est l'idée, mais un peu plus compliqué. Si je dis que j'ai peut-être ou peut-être pas accès à des variantes des hormones d'Ivankov…
La femme lui jeta un regard perplexe.
- Laissez tomber.
- Tu as des vêtements de femmes ajustées à me prêter en référence ? Je pense que ça sera plus simple, sauf si tu connais de tête les mensurations après travestissement.
- Je peux vous apporter ça, mais vous comptez faire quoi ?
La femme se releva et poussa Ace vers la cabine avec un sourire.
- Tout les vêtements ici, c'est moi et mes ami.e.s qui les avons faits. Alors, refaire cet ensemble pour qu'il soit plus adapté à toi ne posera aucune difficulté. Allez, hop hop, changes-toi et va me chercher de quoi avoir des mensurations de femmes, que je me mette au boulot !
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Puisque la femme, Katheline (même si Ace s'était demandé si elle avait réussi à faire des démarches légales pour remplacer son deadname avec ce prénom vu ce qu'il avait entendu de la politique LGBTQ++ locale), lui avait demandé un délai d'une semaine pour lui faire sa tenue, l'adolescent avait donc consacré cet arrêt forcé dans son errance pour trouver un sujet pour satisfaire le défi de Morgans. Il avait entendu deux trois rumeurs qu'il avait gardé en note, mais pas de quoi faire un bel article. Cependant, et surtout histoire de prouver au directeur du journal qu'il faisait vraiment quelque chose, il avait écrit quelques billets sur le sujet qu'il avait ensuite transmis dans une enveloppe et donner au NewCoo qui lui avait apporté le journal dernièrement.
Journal qu'il conserva précieusement puisqu'il était question de l'équipage qu'avait rejoint sa cousine. Et maintenant qu'elle n'avait plus Rouge pour la garder tranquille, Amelia montrait à tous qu'elle était une sacrée teigne. Prime de départ : 77 millions de berrys. Nom : La Zorra. Ace n'était pas surpris. Sa cousine avait bien assez de talent pour se fondre dans le décor et manipuler les informations pour cacher son lien avec les Portgas. Même sa prime la montrait avec le visage partiellement masqué à cause de ses cheveux.
Pour en revenir à Ace et son défi, il avait choisi sa meilleure arme pour récolter des informations : son exotisme. Il était clair que les habitants d'East Blue n'avaient pas pour habitude de voir des gens venir de d'autres océans. Même les Marines étaient généralement des natifs. Là où pour les autres océans, on n'hésitait pas à poster des gars avec l'expérience de la Grand Line pour essayer de garder le contrôle de la population, ici, c'était tellement paisible qu'on ne s'embêtait pas pour si peu. C'est pour cela que lorsque l'adolescent avec sa guitare proposa à un bar ses talents musicaux en faisant bien ressortir son accent de Baterilla (allant même jusqu'à user volontairement de plus de mots castillans que nippons), on accepta immédiatement. Le bar choisi n'était pas fait au hasard. Avec sa dégaine et son âge, il lui était impossible d'entré dans un pub réservé à la noblesse, qui était la couche de population la plus susceptible d'avoir des squelettes dans ses placards. Il était peut-être éduqué pour être apte à récoltait des informations, mais il n'avait pas le talent incroyable de son oncle pour se fondre dans la foule sans effort. C'est pour ça que le D. chantait dans un bouge bon marché où il pouvait ainsi être en contact avec les employés/ouvriers de ses cibles. Et eux, ils avaient la langue bien pendue, surtout sous l'effet de l'alcool. Plus leur employeur était un enfant de salaud, plus les serviteurs étaient susceptibles de parler. Alors, pendant qu'il jouait les airs mélancoliques de chez lui, bien à l'abri sous sa casquette gavroche, l'adolescent conservait ses oreilles à l'affut. C'est comme ça qu'il apprit pour cette île. Cependant, avant de s'y jeter, il fit des recherches, allant jusqu'à appeler Rayleigh pour se faire confirmer si on avait fait un papier sur le sujet. Le vieux en tomba des nues en apprenant de quoi il voulait parler, mais sa compagne, Shakky, eu la gentillesse de confirmer que son instinct avait vu juste. On n'avait pas reparlé de cette île depuis l'air de Rocks, et à l'époque, sa notoriété était toute autre.
C'est donc avec un petit sourire et les doigts croisés que le jeune zoan écrivit à Morgans un message cryptique : « Il parait qu'il fait bon vivre à Nassau. Peut-être un peu trop. Mais certains privilèges de naissance l'autorise. »
Une fois le message posté, il avait pris ce qu'il restait de ses économies après avoir fait le plein de carburant, d'eau douce et de nourriture pour lui et Iro, et il était allé chercher son costume. Dès qu'il passa le seuil, Katheline lui sauta dessus pour lui mettre des vêtements dans les bras et le pousser dans cabine en le pressant pour qu'il essaye ce qu'elle avait fait.
Et la différence fut notable dès qu'il commença à se changer. Le tissu était non seulement plus solide, mais aussi plus élastique, donc, moins de risque que cela cède s'il devait se battre (il avait eu quelques escarmouches à terre comme en mer, mais pas de quoi mettre à défaut l'entraînement qu'il avait reçu de Javier et Pedro). Dans le veston, il y avait des pochettes discrètes où il pourrait ranger des outils plus controverser. Il en avait une plus grande sur le pec, parfaite pour un carnet de note avec un crayon. Quant à la coupe de la chemise tout comme du veston, elle était plus large sur le devant. Certes, il avait de quoi resserrer le veston s'il était trop large avec une boucle dans le dos, mais le but du système était de pouvoir accommoder son petit bonnet B de sa forme féminine. Pareil pour le pantalon. L'entrejambe était fait pour accommoder son appareil masculin, mais la ceinture était pensée pour des hanches de jeune femme.
Quand il sortit pour se regarder dans le miroir, il eut un grand sourire. Il avait l'air très pro comme ça. Cela le vieillissait même un peu, lui donnant facilement deux trois ans de plus.
- Chausses-toi, lui demanda la femme en lui donnant une boite à chaussure. Tes espadrilles ne sont pas faîtes pour aller avec ça.
L'adolescent prit la boite et s'assit pour l'ouvrir.
- J'ai une amie qui tient une boutique de déstockage militaire. Ces rangers font assez habillés pour que tu puisses les mettre avec. Et c'est assez solide pour te protéger les pieds, lui dit la vendeuse.
- Ils ont toujours pas changé de modèle, depuis le temps, c'est triste. Et nostalgique. J'avais les mêmes à mon époque, commenta l'esprit de Bruno qui avait décidé de le suivre aujourd'hui.
- Merci d'y avoir pensé, sourit Ace en se chaussant tout en essayant de ne pas réagir au commentaire de son aïeul.
- Tu verras, une fois que tu te seras accoutumé, tu te sentiras dedans comme dans des chaussons, continua le mort.
Boucles en places et lacets fait, Ace se leva. Là, Katheline lui passa une cravate noire autour du cou et lui montra comment la nouée, avant de le tourner à nouveau vers le miroir.
- Et voilà petit chat. Tu ressembles plus à un adulte qu'à un fugueur maintenant.
- Est-ce vraiment une fugue si mon seul parent est capable de savoir à la minute près chacun de mes actes alors qu'on est dans deux océans différent ? demanda avec amusement le D en caressant doucement sa cravate.
- Vu comme ça… et maintenant, tu vas faire quoi ?
- Outre vous payez en vous remerciant chaleureusement pour le travail que vous avez fait alors que rien en vous y obligeait ?
Katheline lui mit une petite taloche à l'arrière du crâne et plia les vêtements encore dans la cabine pour les mettre dans un sac en papier où attendait déjà ceux que le D. avait laissé à la femme pour qu'elle ait une idée de ses mensurations féminine.
- Je suis à l'essai. Je dois trouver un truc pour prouver que j'ai ce qu'il faut pour être un bon journaliste. On m'a laissé une chance, je n'ai pas l'intention de la laisser filer.
- Oooh, eh bien, tu as vraiment l'air d'un reporter comme ça, jeune homme. Et je te souhaite bonne chance. Envoie-moi de tes nouvelles, d'accord ?
Le sourire du zoan était lumineux quand il lui promit qu'il le ferait.
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Quelques jours plus tard, il était au large de Nassau.
Et il entendait déjà la musique assourdissante et électronique alors qu'il n'avait pas encore jeter l'ancre dans le port. Son ouïe féline était mise au supplice, alors, il opta le système D : coton et cire. Au moins comme ça, il ne risquait pas de devenir sourd. Et Iro lui en était reconnaissante d'y avoir eut droit elle aussi. Mais ce n'était pas que pour ça qu'il s'était arrêté. De sa longue vue, il observait le port et les grandes villas de l'île. Certes, il avait l'air professionnel, mais il ne pourrait pas se faire passer pour un gosse de riche, alors, autant s'assurer que l'entré était libre. Et ça lui donnait aussi des premières notes pour son futur article. La taille des navires et leur type disait énormément sur la population locale. L'absence de navire de pêche disait autre chose. La nourriture devait être importé d'une île voisine.
Alors, il posa sa longue vue et entra dans la cabine. Il vérifia son nouvel appareil photo (un instantané puisque Sabo avait pris l'autre) et surtout, la lanière accrochée à celui-ci. Il allait attendre la nuit pour se rapprocher de l'île et cacher son navire. Il serait peut-être plus discret.
C'était ce qu'il espérait, mais une fois la nuit tombée, il y avait des projecteurs partout dans le ciel diffusant des millions de couleurs et des feux d'artifices. A croire que la fête ne s'arrêtait jamais.
Tant pis.
Ace remonta l'ancre et laissa son voilier glisser doucement sur l'eau noir pour rejoindre le port. A quelques nœuds de là, il baissa la voile et sortit une rame pour finir d'avancer avec plus de discrétion. Heureusement que le mât pouvait se démonter, cela permit au D. de cacher son navire plus discrètement dans l'ombre d'un yacht. Là, il prit sa forme animale. Ses deux queues s'entrelacèrent pour donner l'illusion d'en n'être plus qu'une, et entre ses crocs, il prit la lanière de l'appareil photo. Il regarda Iro qui se leva de là où elle faisait sa sieste et ensemble, les deux félins filèrent hors du voilier pour affronter la nuit de fête.
Ce n'était pas bien difficile de s'y infiltrer.
Des boites de nuits et des bars se faisaient concurrence partout sur la totalité de l'île, s'élevant parfois sur plusieurs étages pour ensuite s'enfoncer profondément sous le sol. La lumière était trop aléatoire et artificielle pour qu'on prenne garde aux flammes fantomatiques sur les pattes du D. en vadrouille ou même à ses marquages dorés. Pour le coup, les deux félidés n'attiraient pas plus l'attention que des chats de gouttières. Ce que nota le plus rapidement Ace, ce fut l'argent. Il aurait dû s'en douter, après tout, c'était un repaire de gosses de riches. Mais l'argent était partout. Et pour tout. Comme s'il pleuvait du ciel. Et c'était la porte ouverte à tous les vices. Tous les écarts.
Il le réalisa bien vite en trouvant le corps d'une fille morte dans une allée. On dansait et s'amusait à trois pas d'elle, mais personne n'en avait rien à faire. La femme devait avoir l'âge d'Amelia, mais elle était déjà froide. Ses vêtements étaient arrachés et son corps porté clairement les marques d'une agression. Mais le pire, c'était l'argent. On lui avait mis une liasse de billets dans le vagin, avant de l'abandonner là, comme ça. La bile remonta à sa gorge alors qu'il reprenait forme humaine. Personne ne le remarqua ou du moins, ne fit de commentaire sur sa présence. Avec des mains tremblantes, il prit le cadavre en photo avant de lui fermer les yeux. Puis, il se retransforma et continua son enquête, cherchant à savoir pourquoi personne ne réagissait.
Et le constat était horrible.
A l'époque de Roger, Nassau était une île pirate, un ilot sans loi au milieu d'East Blue. Puis, la Marine était arrivée et avait chassé les criminels pour que d'honnêtes gens puissent y vivre.
Mais aujourd'hui, les plus friqués en avaient fait un paradis de la débauche éternel.
L'argent était roi.
Personne ne se cachait. Il n'y avait d'ailleurs aucun lieu pour ça. Peu importe ce qu'il se passait, la fête continuait. Plus d'une fois, Ace intervint au milieu de la jeunesse dorée pour empêcher une agression. Mais c'était comme vider l'océan avec une passoire.
Il y avait la drogue aussi.
Les dealeurs avaient pignon sur rue, écoulant des drogues plus étranges et plus illégales les unes que les autres à prix d'or, sans personne pour dire « STOP ».
En faîte, plus il s'avançait dans l'île, plus il croisait de corps. Trop de corps pour qu'il puisse les évacuer seul. Un fêtard tombait toutes les heures sur cette île infernale, mais la foule continuait à grossir et à s'amuser. Une des photos prise montrait des jeunes se trémoussant littéralement sur des cadavres et des ossements. Partout où on tournait la tête, morts et vivants se côtoyer dans cette fête qui aurait rendu fier les démons. Et c'était sans parler des esprits. Certains continuaient de délirer comme s'ils n'avaient pas réaliser qu'ils étaient morts depuis longtemps, quant à d'autre, ils hurlaient contre le destin. Mais la grosse majorité était silencieuse. Ils étaient là, assit ou debout sur chaque toit, chaque angle de rue, vider de toute substance, regardant la foule sans la moindre émotion.
Quand Ace leva l'ancre, il s'efforça de tout retranscrire dans son carnet de note, avant d'aller s'enfermer dans la douche sous l'eau chaude, hanté par la vision.
Dans une autre vie, pour se sauver d'une vision d'horreur, il n'aurait pas dit non à une bonne bouteille. Mais après cette soirée à avoir vu des jeunes à peine plus vieux que lui s'enivrant avec des cocktails plus sordides les uns que les autres… il se fit la promesse de rester sobre et clean jusqu'à la fin de ses jours.
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Le soldat de garde cligna des yeux à la demande de la demoiselle devant lui.
- Un registre des personnes disparut d'East Blue ? répéta-t-il.
- Oui, dit calmement Ann.
- Et qu'est-ce que tu veux en faire ?
- Fermer quelques dossiers, je l'espère. Au pire, vous donner du boulot en plus, j'en ai peur.
Même si dubitatif, le marine accepta de l'orienter vers une île avec une copie des archives de l'océan. Heureusement pour elle, ce n'était pas Loguetown. Elle… elle ne se sentait pas encore prête à mettre les pieds sur l'île où son père avait vécu ses derniers instants.
Une fois à destination et les documents en main, elle s'assit à l'une des tables d'études, et armer des photos qu'elle avait prise (et qui continuer encore et toujours à lui retourner l'estomac), elle fit des comparaisons. Malheureusement, sur les centaines de corps qu'elle avait immortalisé (les autre trop avancé dans leur décomposition pour qu'elle arrive à le faire sans vomir), tout juste une dizaine avaient retrouvé leur nom.
Alors, plus attristé que jamais, en dépit des tentatives de son père pour lui remonter le moral (Javier la hantait de moins en moins, préférant garder un œil sur Amelia maintenant qu'elle avait une prime), Ann retourna à son voilier et se fit une belle tasse de chocolat chaud. Elle resta là, un bon moment, assise par terre à regarder le large, Iro ronronnant contre elle. Comme pour le coup de la traite d'esclave, elle n'avait pas cru tomber sur quelque chose d'aussi gros et sordide en menant l'enquête. Et devant ça, elle ne pouvait constater qu'une chose.
Elle était contente d'être un zoan et donc, plus humaine techniquement parlant, parce qu'elle avait honte. Honte du genre humain. Honte de ces gens sans pudeurs révérant l'argent comme seul maître et se permettant toutes les dérives grâce à lui.
Le denden sonna, la tirant de sa morosité.
En soupirant, elle se leva, resserrant son châle sur ses épaules et rentra dedans pour décrocher, priant pour que ce ne soit pas sa mère.
« Ah ! Ace ! Je commençais à me demander si tu n'avais pas baissé les bras pour rentrer chez toi ! » nargua la voix de Morgans au bout du fil.
- Je suis trop obstinée pour ça, dit le D. avec un air morose. Que puis-je pour vous ?
« J'ai reçu tes billets. Même si ça reste des pistes à exploiter plus profondément dans le futur, ils peuvent, en l'état actuel, servir à boucher des trous éditorial, si nécessaire. Mais j'attends plus que ça, pour t'embaucher, et tu le sais. Alors, tu as laissé entendre que tu voulais parler de Nassau. Comment avance l'enquête ? »
- Elle est finie. J'ai tout à mettre en forme à présent. Et j'ai des photos…
« Splendide ! »
- Par contre… il y a de forte chance qu'il faudra les censurés. Je me demande encore comme j'ai réussi à ne pas vomir en découvrant tout ça.
« A ce point ? »
- On va dire que l'île avait des mœurs plus propres à l'époque de Gol D. Roger. Et vu quelques noms que j'ai réussi à avoir, on va toucher à de grosses fortunes et de belles lignées d'East Blue.
« Tu me mets l'eau à la bouche. »
Cet homme l'écœuré. Vraiment.
« J'attends ton article sous peu. Ne me déçoit pas, frappe là où ça fait mal.»
- Je vais pas me gêner.
En raccrochant, elle prit sa plume et une feuille vierge pour commencer l'article. Et elle commença en donnant des noms. Les dix noms qu'elle avait réussi à retrouver dans son enquête. Et pour chacun, les circonstances de la mort quand elle le pouvait. Dans le reste de l'article, elle parla avec le langage le plus illustré possible les dérives et les horreurs qu'elle avait vu durant ces quelques heures. L'indifférence euphorique des drogués et alcooliques. C'était difficile de rester de marbre, mais elle fit un effort de garder un ton détaché alors que sa main tremblée sur le papier.
Enfin, elle envoya son article et attendit.
Pendant tout ce temps, elle resta dans son coin, au milieu de l'océan avec Iro. Immobile en dépit des intempéries. Parfois, des pirates venaient lui rendre visite, mais elle les envoyait chier avec sa hache.
Au bout de trois jours, Morgans la rappela, avec un sérieux à faire peur.
« Je ne vais pas publier ton article en l'état. »
Ann ne dit rien.
Elle s'était rendue malade pour rien.
« Il sera au cœur d'un dossier spéciale. C'est trop gros, il y a bien trop de ramification à faire sur cette affaire. Je vais mettre toutes mes équipes sur le sujet et je compte sur toi pour continuer d'enquêter. »
Elle avait bien entendu ?
« En d'autres termes… tu es prise, Ace. »
