Ann était en pleine crise existentielle devant le miroir de la salle de bain.
Carmen était revenue vers midi pour ensuite ressortir dans l'après-midi avec Kali. A cet instant, ça avait arrangé la journaliste qui s'était dit que puisque c'était quand même un rendez-vous galant avec un proche de son amie, elle avait pensé que rester discrète sur le sujet serait une bonne idée. Sauf que voilà, là, elle se regardait dans la glace pour voir que sa tentative de maquillage avait mal tournée. En soupirant, elle se nettoya le visage et jeta les cotons démaquillant dans la poubelle de la salle de bain.
Le maquillage était à exclure. Beauté naturelle, donc. Cela faisait bizarre aussi de voir la couleur naturelle de ses yeux. La cendre douce typique de la famille, c'était rare quand elle le voyait, elle était plus habituée à ses yeux de yôkai.
Elle s'en détourna pour retourner vers la pièce à coucher et ouvrit son placard pour chercher dans ses affaires, toujours en sous-vêtement. Elle hésita un moment avant de choisir sa tunique et jupe traditionnelle. La seule tenue un peu habillée et vraiment féminine qu'elle avait. Avec, elle retourna à la salle de bain pour s'habiller puis se coiffa. Une courte tresse ferait l'affaire. Elle se regarda à nouveau dans le miroir.
Elle ferma les yeux pour retenir la nausée.
D'accord, elle comprenait pourquoi elle se sentait mal.
Elle inspira profondément. Elle pouvait tenir pour un rendez-vous. Ce n'était qu'un des premiers symptômes, elle pouvait encore tenir. Marco serait de l'autre côté de la Red Line et elle, en route pour Water Seven, quand elle devrait redevenir Ace. Tout se passerait bien, il ne saurait rien de tout ça.
Elle termina de nouer la ceinture de tissu de sa jupe et attrapa son châle sur le bord du nid, puis ses chaussures les plus adaptées à sa tenue. Elle se dépêcha de se chausser et se dirigea vers la sortie du trimaran sous le regard intrigué de sa panthère.
- Je vais être absente pour la soirée, voir la nuit. Je ne sais pas encore. Tu dis aux filles de ne pas s'en faire, d'accord ?
Pour toute réponse, la paramecia se leva du banc où elle paressait pour se frotter au pot d'hibiscus qui se développait bien dans son coin. Ce n'était pas l'espèce comestible, certes, mais c'était celle à partir de laquelle sa famille avait développé le bissap qui avait donné la couleur rouge à l'origine des célèbres olives de Baterilla. Comprenant le message, Ann cueilli une des fleurs avec précaution. Elle la regarda un instant avant de la mettre derrière l'oreille gauche. Il n'y avait qu'à prier pour que Marco ne comprenne pas le langage des fleurs ni la signification de la position de la fleur. Elle inspira profondément, passa le châle sur ses épaules avant de sortir enfin.
- Souhaite-moi bonne chance, lança la D. avant de fermer la porte.
Elle arrangea le kairoseki à son majeur et avec précaution, rejoignit le grove. Elle n'allait pas très loin, certes, mais elle était dans des groves mal famé en étant bien habillé et en apparence pas armée. Une cible parfaite pour les barjots en tout genre. Mais non, la zone était calme. Entre la présence des Tenryuubito et les Shirohige au large, on se tenait à carreaux.
C'est sans grande difficulté qu'elle arriva dans un des groves plus correct, dans la zone des soixante-dix. La zone hôtelière de la mangrove. De là, trouver le restaurant fut simple. Surtout quand Marco tenait littéralement le mur à proximité en regardant les étoiles.
- Bonsoir. Navrée pour l'attente.
- Bonsoir. Aucun souci, je viens d'arriver, yoi.
Il lui sourit calmement.
Il avait échangé sa tenue pour laquelle il était connue pour une autre plus habillée lui aussi. Un costume gris avec une ceinture fait d'un large de tissu rouge nouée avec élégance autour de sa taille. Et il avait aussi un par-dessus tout aussi gris que son costume, mais le veston dessous était ouvert, dévoilant une chemise blanche avec les trois premiers boutons d'ouvert.
Dieu qu'il était élégant.
- Tu es ravissante, nota Marco.
- Merci, rougit Ann. Je n'ai pas vraiment l'habitude de me préparer comme ça.
Cela fit rire le Phénix qui lui prit sa main pour y déposer un baise-main, droit sur l'anneau de kairoseki.
- Je suis honoré par l'effort. Le kairoseki est nécessaire, cependant ?
- D'un côté, j'ai pas envie d'attirer l'attention de mauvaises personnes à cause de mon zoan, alors que je suis déjà habillée comme ça. De l'autre, j'aime profiter d'une soirée en bonne compagnie sans les hommes de ma famille qui jouent les chiens de garde moralisateur. Ils sont certainement là, mais je ne les vois pas et ne les entend pas… et c'est tout ce que je demande.
- Je peux comprendre. Allons-y, avant qu'on ne décide de refiler ma réservation à quelqu'un de plus politiquement correct.
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Le dîner, bien que chic, n'était pas hors norme ou très luxueux. Ils avaient discuté de tout et de rien, principalement famille et voyage. Ils avaient pas mal ri et sourit des anecdotes de l'autre, bien que Marco parlât le plus, ayant eu une vie clairement plus trépidante que celle de la jeune journaliste. Et elle était ravie de boire chacune de ses paroles, à le dévorer des yeux, et clairement, il n'était pas indifférent non plus. Puis, la conversation avait dérivé sur des sujets plus terre à terre, comme les passions, hobbies et autre. Ann apprit notamment que le kiseru dont Carmen avait parlé était utilisé pour fumer des herbes relaxantes et qu'il faisait littéralement la taille de ses jambes, en plus d'être un cadeau d'un vieil ami. Marco quant à lui apprit la passion pour la musique d'Ann, des cours qu'elle avait pris et de la guitare qu'elle avait eu pour ses six ans de la part de son oncle Javier. Il eut d'ailleurs un rire en apprenant qu'à l'instar de Haruta, la demoiselle devant lui était une fan du groupe SKA-P natif de South Blue et aux discours antisystème et altermondialiste.
C'est bien trop tôt que le repas prit fin et donc, qu'ils durent quitter le restaurant. Ils marchèrent un instant, jusqu'à la limite entre le grove hôtelier et le grove sans-lois. Ils marchèrent côte à côte, en silence, dans la nuit, avec pour seul compagnie les bulles de la mangrove et des bruits des touristes.
Puis, ils s'arrêtèrent.
- Eh bien… merci pour cette soirée, remercia Ann avec un léger rougissement. C'était très agréable.
- Le plaisir est pour moi, yoi. J'ai passé un agréable moment en ta compagnie.
Les rougeurs sur les joues de la brunette s'intensifièrent. Et Marco adorait voir cette teinte sur la peau basanée et tachetée de la jeune femme. Objectif : atteindre la même couleur que la fleur qu'elle portait à l'oreille.
- Puisque Carmen et toi êtes amies, il est clair qu'on se reverra. J'espère néanmoins avoir l'occasion de t'inviter pour un autre rendez-vous, Ann, yoi.
Le rouge s'intensifia mais ce n'était pas encore ça.
- Ce sera avec plaisir. Vraiment.
Elle joua nerveusement avec les franges de son châle avant de se dresser sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue.
- A bientôt, souffla-t-elle.
Elle se relaissa tomber sur ses talons et recula d'un pas comme pour s'en aller, retenant un rire devant les yeux écarquillés du blond figé qui toucha sa joue du bout des doigts. Là, elle tourna les talons et commença à s'éloigner.
- Attend !
Ann s'arrêta et refit face au pirate qui la rejoignit à grand pas. Il sembla avoir un débat interne pendant un instant, avant de lever ses mains pour prendre entre elles le visage de la brune. Avec délicatesse, comme s'il craignait qu'il se brise entre ses doigts. Il se pencha vers elle et l'embrassa sur les lèvres. Avec hésitation au début. Puis, il fit mine de reculer quand la jeune femme n'y répondit pas, mais le geste fut avorté quand elle s'accrocha à l'arrière de son crâne pour approfondir l'échange. Et le pirate fut plus qu'heureux de se plier à la demande. Et c'est dans ce genre de situation qu'il était heureux de son talent en apnée, parce qu'il n'avait clairement pas envie de se détacher de la bouche au parfum sucrée. Une de ses mains lâcha la joue pour s'enrouler autour des hanches étroites de la jeune femme et elle se plia sans résistance, réduisant encore plus l'espace entre eux.
Jusqu'à ce qu'elle tapote l'épaule du blond avec un doigt.
Alors, il recula, permettant à la brune de reprendre son souffle.
Victoire.
Elle était aussi rouge que la fleur à son oreille. Ses yeux de cendres douces étaient brillants et ses lèvres étaient humides et malmenées par le baiser. Mais elle souriait. Un sourire pas trop grand, mais heureux et un brin absent, certainement dû au manque d'oxygène. Mais elle avait assez de cohérence pour pointer quelque chose du doigt derrière lui. Il se retourna et leva un sourcil en notant qu'il s'agissait d'un hôtel.
- J'aime les femmes entreprenantes, yoi, sourit-il en comprenant le message.
Il passa un bras autour des épaules de la brune et avec un sourire complice, ils rejoignirent le bâtiment en question. A l'accueil, Marco aligna de beaux billets au réceptionniste après les avoir montrés au denden de surveillance derrière le guichet en guise de preuve.
- Je ne promets rien sur l'état du lit demain matin, alors, c'est pour rembourser les possibles dégâts qu'on aura causés, yoi.
Ann attendait près de l'ascenseur, à porter d'oreille et le commentaire la fit sourire. Elle allait passer une bonne nuit, elle en était certaine. La clef en main, il vint la rejoindre et une fois enfermée dans l'ascenseur, ils reprirent leur baiser passionnel. Le pantalon du blond était assez moulant pour dire qu'il était assez excité pour passer aux suites des festivités. Mais ce n'est pas pour autant qu'il ne loupa pas un détail qu'Ann ne voulait pas aborder ce soir. Le Phénix venait de passer une main sur ses bras, la remontant langoureusement sous la manche courte de la tunique, jusqu'à l'épaule. Et il s'arrêta dans son baiser en faisant redescendre la main. Là, il prit le membre légèrement musclé entre ses doigts et l'observa.
- C'est quoi ces marques de griffures ?
- Rien d'intéressant, répondit Ann.
Le blond lui jeta un regard disant qu'il n'était pas convaincu et suivi les marques du doigt pour voir qu'elles allaient jusqu'au dos, avant que la brune ne la prenne dans la sienne et lui attrape le col de son autre main. Collée au mur de l'ascenseur comme elle était, elle ne pouvait pas échapper à cet examen. Alors, il lui restait la distraction. Elle prit l'initiative dans le baiser, avant de murmurer contre les lèvres du blond :
- Ce n'est rien qui nécessite que tu t'y intéresses ce soir.
L'ascenseur s'ouvrit à cet instant, permettant à Ann de sortir dans le couloir après avoir piqué les clefs au blond. Elle les agita avec un sourire taquin, avant de s'aventurer dans le couloir en cherchant la chambre que son compagnon de la soirée avait payé pour eux. Comprenant qu'il avait touché un sujet sensible et qu'elle ne souhaitait pas s'y attarder, Marco la rejoignit rapidement. Il l'attrapa par les hanches avec un bras, accélérant le pas jusqu'à la chambre.
La porte fut rapidement ouverte, puis refermée à clef derrière eux. Pendant que Marco se débarrassait en quatrième vitesse de son par-dessus et de ses chaussures, il conserva son regard sur la jeune femme qui s'était rapprochée de la table de chevet. Elle retira avec précaution la fleur de ses cheveux, puis l'anneau de kairoseki. Elle défit ses cheveux et les secoua, dévoilant rapidement deux oreilles de chat à la fourrure noire, marquée d'or, au milieu des boucles sombre. Puis, elle retira sa tunique par le haut. Une bande fourrure de la même couleur descendait le long de sa colonne, séparant en deux le dos tacheté. Et en dépit du sous-vêtement, Marco pouvait voir que sur les épaules et les côtes, les mêmes marques de griffure qui l'avait alerté dans l'ascenseur, se répétaient ici même. En sentant le regard sur elle, la yôkai se retourna, offrant la vision de deux yeux d'argent liquide malicieux. Les mêmes marques de griffure, encore une fois. Cette fois, sur la poitrine, bien qu'en partit masquées par le soutien-gorge sans bretelle. Avant qu'il ne puisse poser de question, la jupe tomba en tas autour des chevilles. Là aussi, il y avait des cicatrices de griffure. Directement sur la zone pelvienne.
- On t'a agressée ? s'inquiéta le blond.
- Oh non, sourit narquoisement la brune.
Avec un déhanché diabolique, elle le rejoignit. Ses deux queues se balançaient dans sa marche. Elle se colla à lui avec un mauvais sourire et il se raidit en sentant des griffes s'enfoncer dans son dos. L'idée, qu'elle se soit fait elle-même ces marques, l'inquiétait dans le fait qu'elle devenait assez probable.
Mais il avait perdu la bataille.
Il s'était perdu dans les puits d'argent des yeux de la fille contre lui.
- Les nekomatas sont des maîtres de l'illusion… attention où tu regardes, j'ai du mal à encore très bien contrôler ce don. Je ne l'ai découvert que tout récemment, je ne sais pas vraiment comment t'aider si tu t'y perds.
- Je ne sais pas ce que tu caches, mais tu as réussi ta mission de diversion.
Il était juste impossible de garder la tête froide devant cette fille. Elle était plus petite, plus frêle, mais en dépit de son comportement maladroit et timide envers lui, le pirate ne pouvait que se rendre à l'évidence. Elle le tenait dans le creux de sa main, sous son emprise, clairement sous hypnose.
Il la poussa un peu violemment pour qu'elle tombe sur le lit. Il se dépêcha de finir de se déshabiller pour la rejoindre, avec pour objectif de lui faire hurler son nom durant toute la soirée qu'ils passeraient ensemble.
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Ace ouvrit brutalement les yeux sur l'obscurité de la chambre qu'il parvenait à percer avec ses yeux de chat. En dépit des couleurs dénaturées qu'il affrontait avec son akuma no mi par rapport à sa vision humaine, il pouvait se repérer facilement. C'est pour ça, qu'alors qu'il étouffait dans le lit, il réalisa rapidement qu'il aurait un souci pour rejoindre la salle de bain pour atténuer la brûlure de sa peau de femme.
Un souci chaud et confortable qui dormait le menton dans le creux de son cou et un bras autour de ses hanches.
Il avait envie de hurler de douleur, de vomir, mais il ne pouvait pas réveiller Marco. Pas quand il avait l'air si heureux et paisible dans son sommeil. Alors, doucement, avec des mains tremblantes, Ace replia la couverture sur le Phénix et tenta de se débarrasser du bras qui le retenait. En réponse, le pirate se blotti un peu plus contre lui.
Le yôkai ferma les yeux pour essayer de se concentrer en dépit de son cerveau en alerte maximale qui hurlait à toute blinde que son identité n'était pas en adéquation avec son corps. Il savait ça, merci. Son corps se changea en chat, chose plus simple dans son état et certainement moins choquante pour Marco s'il venait à se réveiller. Sans compter que le corps sinueux capable de prouesses qui rendait l'humanité chaque jour un peu plus perplexe pouvait se glisser sans souci sous le bras possessif qui l'encerclait. Dans d'autres circonstances, il aurait été très heureux de voir à quel point le blond s'était accroché à lui dans son sommeil, mais là, il avait autre chose en tête. Le chat à deux queues sauta du lit et fonça aussi silencieusement que possible sur ses pattes pour rejoindre la salle de bain. Dedans, il s'enferma à clef, avant de se recroqueviller dans le noir sous sa forme humaine. En position fœtale dans l'obscurité, il se mordit une lèvre et ferma les yeux au point de crisper ses paupières. Il tremblait, il brûlait, il souffrait. Sa peau était trop étroite pour lui. Ce n'était pas lui.
Ses griffes se plantèrent dans sa peau alors qu'il essayait de contenir sa souffrance.
Il ne pouvait pas réveiller Marco. Il ne pouvait pas le laisser le voir dans cet état.
Il n'avait même pas conscience du sang qui coulait sur ses membres. Il avait juste ce démon dans la peau qui cherchait à lui faire comprendre que ce corps n'était pas le bon, qu'il n'était pas lui. Et ça, il l'avait bien compris.
Il s'allongea sur le carrelage froid, toujours recroquevillé sur lui-même, essayant de réunir la concentration nécessaire pour procéder au changement de genre tout en résistant à l'envie de s'arracher sa poitrine avec ses propres griffes. Il les enfonça d'ailleurs un peu plus dans ses bras tremblants, faisant couler toujours plus de sang. La démangeaison familière se manifesta enfin, puis s'évanouit, suivi bientôt par la douleur et la brûlure. Il n'y avait plus qu'un jeune homme haletant sur le carrelage ensanglanté de la salle de bain. Il resta là, un long moment, trop long moment, versant des larmes silencieuses, écoutant la respiration calme et tranquille du dormeur de l'autre côté de la porte.
Marco ne pouvait pas le voir comme ça.
C'était à présent l'unique pensée dans le crâne d'Ace.
Avec fébrilité et des gestes patauds, il se redressa et déverrouilla la porte avec précaution, avant de l'entre-bailler.
Rien ne bougea dans la chambre.
Alors, le D. prit sa forme animale et se glissa hors de la pièce, dans la chambre. Là, à pas de velours, rasant le sol avec son ventre tellement il veillait à être discret, il contourna le lit pour s'arrêter au niveau de la fenêtre. Il se retourna, observa la forme assoupit du pirate dans le lit, puis s'en détourna à contre-cœur. Il reprit sa forme humaine, ouvrit la fenêtre, puis sauta au dehors à nouveau sous sa forme animale, disparaissant dans la nuit. Dans sa course, il ne retint pas ses larmes.
Il se détestait.
Il détestait son corps.
Son esprit.
Il trouvait un mec bien et il fallait que son souci de genre se rappel à lui au pire moment ! Cela ne pouvait pas arriver pendant qu'ils étaient en mer ! Non, pendant la nuit, dans les bras de son rendez-vous ! Qu'est-ce qu'il allait penser à son réveil ? Qu'il s'était foutu de lui ? Servi de lui ?
Il arriva au trimaran, ouvrit la porte avec ses pattes et se glissa dans la zone de vie. Il remarqua l'heure dans la cuisine. Quatre heure vingt.
S'il se rappelait bien, à deux heures, Marco et lui étaient toujours à leurs petites affaires.
De mieux en mieux, maintenant qu'il s'avérait qu'il n'avait quasi pas dormi.
Il souffla par le nez, passa une patte sur son museau pour essuyer ses larmes et retint un grognement en voyant les traces de pattes sanglantes sur le sol qu'il laissait. Il nettoierait ça plus tard. Il se déplaça en silence vers le coin nuit pour récupérer de quoi s'habiller. Il entendit du mouvement dans le nid et la lumière de chevet s'alluma, dévoilant que Carmen s'était réveillée
Elle s'extirpa de la queue de serpent de Kali et se leva.
- Ace. Salut, bailla Carmen en s'étirant.
Elle alla rejoindre la cuisine pour se faire du thé.
- Tu veux que je te fasse quelque chose ?
Ouf, elle n'avait pas encore vue les traces de pattes sanglantes sur le sol.
- Salut, souffla-t-il à voix basse. Fais ce que tu veux, j'en prendrais aussi.
Il se dressa sur ses pattes arrière et batailla un instant avec les portes de placard pour les faire coulisser. Il soupira et se rassit sur ses pattes arrière.
- Tu veux bien me donner un coup de main, s'il te plaît ?
Elle approcha et elle vit les pattes en sangs. Elle pinça son nez.
- Donc… et pour les blessures, tu comptes aussi avoir besoin d'aide ?
Elle pointa les taches de sang sur le sol.
- Tu me laisseras les regarder après une douche. Et ce n'est pas une proposition.
- Ce que tu veux, juste ouvre-moi ce placard que je puisse m'habiller après la douche, répondit d'une voix morte le D. sans même chercher à lutter.
Carmen soupira, avançant pour ouvrir le placard.
- Voilà. Va te doucher, on discutera si tu veux ensuite. Je te fais un chocolat chaud à la chantilly, je crois que tu en as besoin.
Le journaliste ne prit pas la peine de répondre. Il attrapa le strict minimum dedans pour ne pas être indécent, avant de filer vers la salle de bain avec les vêtements dans sa gueule. Il referma la porte derrière lui et reprit sa forme humaine. Il se prit une douche chaude pour se calmer les nerfs, mais bien vite, les larmes recommencèrent à couler. Ses poings tremblèrent et se recouvrirent de Haki, alors que ses griffes se plantaient dans ses paumes de mains pour se retenir d'enfoncer son poing au travers le carrelage mural. Il regarda l'eau rougeâtre qui coulait entre ses pieds alors que ses larmes roulaient sur son nez et ses joues, se faufilant parfois entre ses lèvres closes.
Il avait raison en disant, ces quelques jours en arrière, que c'était son portrait qu'on trouvait à la définition du mot pathétique dans le dico.
Il termina de se laver, se débarrassant avec regret de l'odeur de Marco qui était encore sur sa peau, puis sortit de la douche. Il se sécha rapidement, restant précautionneux avec les griffures sur ses bras, avant d'enfiler son boxer et son pantalon cargo. Il ressortit de la salle de bain après avoir jeté la serviette légèrement sanglante au sale et retourna vers son placard. Dedans, il prit un sweat-shirt et un hoodie qu'il s'enfilerait après les soins et referma le placard.
Sans un mot, il rejoignit Carmen à la table de la cuisine et posa ses vêtements sur la table. Iro, éternel soutien émotionnelle en temps de crise, vint se frotter à ses jambes en ronronnant pour tenter de le réconforter.
- Va me chercher ma sacoche, s'il te plaît, ma grande, demanda doucement Ace en caressant sa panthère.
Celle-ci n'en fit qu'à sa tête et s'allongea à ses pieds, le menton sur les genoux de son père d'adoption. Il posa une main absente sur la tête soyeuse de la femelle et ne bougea pas le moins du monde pendant que Carmen soignait les griffures qu'il s'était infligé dans sa crise.
Il savait qu'il aurait droit à une conversation épuisante, certainement moralisatrice et tout le bordel, mais il était juste…
Il avait passé une nuit magique, parfaite… et tout était partit en cendre avec cette fichue bombe dans son crâne. Ce truc qui disait que tomber amoureux ne ferait que le laisser brisé. Il ne pouvait pas trouver quelqu'un qui puisse accepter ce souci de genre. Parce qu'il ne trouvait pas de repos. Chaque fois qu'il faisait ce changement, c'était juste remettre à zéro un compte-à-rebours avant la nouvelle crise qui le détruirait un peu plus.
Il ne remarqua la fin des soins que lorsque Carmen lui mit un chocolat chaud avec de la chantilly entre les mains. Mais avant qu'il ne puisse faire quoique ce soit, elle le serra contre lui.
- Sache que je suis inquiète pour toi. Et que, si tu as besoin, tu peux me parler. Mais… Emmène, pitié, des pansements. Juste le temps du retour si ça t'arrive et que tu t'arraches les bras.
Ace resta les bras ballants, à l'abri du giron de la logia.
Il ouvrit la bouche, pour s'expliquer, mais aucun son ne sortit. Il la referma dans un claquement sec et ce qu'il détestait le plus arriva : il pleura devant témoin. Là, contre Carmen, alors qu'il pensait avoir déjà bien utilisé ses réserves, les larmes recommencèrent à couler.
Une nuit de rêve qui se termine par un cauchemar.
Il n'avait plus d'énergie.
Finalement, il repoussa Carmen et se leva. Il récupéra sa sacoche de boulot et sortit les documents qu'il devait recopier. Il se prit un de ses dial et passa le casque autour de son cou. Il avait laissé l'anneau de kairoseki dans la chambre d'hôtel et ce truc n'était pas adapté pour des personnes ayant les oreilles sur le haut du crâne. Il se lança la musique et se mit au boulot, ignorant le monde autour de lui après avoir enfilé sweat et hoodie.
Il voulait oublier cette nuit.
Oublier pourquoi il se sentait misérable.
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Assit dans le lit, dans la lumière grise de l'aube de l'automne, Marco ne savait quoi penser. Outre qu'il avait mal, qu'il se sentait misérable, qu'il se rappelait enfin de pourquoi il avait arrêté de chercher le grand amour. Cependant, il y avait des choses étranges autour de lui qui le laissait perplexe.
Il avait passé une nuit parfaite, avec une fille merveilleuse. Il avait enfin eu une nuit paisible, la première depuis bien trop longtemps.
Mais au réveil, une réalité un peu plus banale s'était immiscée sur son petit nuage rose.
Il était seul.
Elle n'était plus là.
Elle l'avait dit pourtant. Les nekomatas étaient des maîtres de l'illusion, il devait faire attention à ne pas tomber dedans, mais c'était trop tard, il était déjà pris au piège quand elle lui avait dit ces mots. Et le voilà, seul au réveil, tenant avec précaution la fleur d'hibiscus d'Ann dans le creux d'une de ses mains.
Mais si elle avait fui… pourquoi avait-elle tout laissé derrière ? Pourquoi est-ce qu'il y avait du sang ? Sans compter que l'empreinte sur la fenêtre et la porte de la salle de bain, imprimé sur les poignets par le sang, c'étaient des marques d'hommes.
Avait-elle eu un souci ?
Si c'était le cas, il aurait dû le réaliser, se réveiller, pourquoi n'avait-il donc rien perçu ?
En soupirant, il se leva, se doucha et se rhabilla avec son beau costume de la veille au soir. Un effort qui lui semblait risible devant la froide réalité du jour. Puis, une fois prêt, il regarda les affaires de la brune à l'abandon dans la chambre. Il entendait encore son rire, ses gémissements, sa façon si particulière d'appeler son nom, de lui réclamer toujours plus.
Il l'avait dans la peau. Et il le regrettait amèrement.
Décidant au moins d'avoir des explications, il ramassa les vêtements, les jetant sur un de ses avant-bras. Son regard tomba sur l'anneau de kairoseki sur la table de nuit. Il s'en saisit et le fourra suffisamment vite dans sa poche de pantalon pour ne pas prolonger le contact. Puis, il prit la fleur, caressant du pouce un de ses pétale.
Sans la quitter du regard, il laissa l'hôtel et rejoignit le Calypso.
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Ace déposa un post-it sur la pile de dossier qu'il avait fini de recopier, signifiant que c'était pour les Shirohige, avant de plier le plaid et de le ranger dans le placard. Il prit sa hache, sa sacoche et se glissa hors du trimaran, profitant que Carmen soit occupée pour passer inaperçu. Il avait besoin de se vider la tête. Il allait trouver la base révolutionnaire locale pour faire sa livraison et marcher dans la mangrove pour se vider le crâne.
En quelques pas, il s'éloignait déjà en silence du navire, tirant un peu plus la capuche large de son hoodie sur son crâne, prêt à une visite intensive des zones sans lois. Tout pour ne pas se rappeler. Il avait assez mal à la tête après avoir tant pleuré.
Il se retourna en entendant Iro le rejoindre. Il s'accroupit un instant pour l'enlacer, profiter de sa chaleur réconfortante, avant de se relever.
- Allons à l'aventure.
Étrangement, il n'y avait pas de fantôme depuis son coup de gueule d'hier. Cela le faisait se sentir seul et vulnérable. Encore plus misérable, alors qu'il s'était habitué à leur présence.
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Marco arriva en vue du Calypso pour voir que Carmen était dehors, avec sa première cigarette de la journée, semblerait-il. Il n'était pas certain que venir ici, après ce qu'il s'était passé, soit une bonne chose, mais au moins, il pourrait rendre à Ann ses affaires. Et clairement, elle était passée par-là, puisqu'il voyait les marques de pattes de chat sanglante sur le pont se dirigeant vers la cabine. Quoiqu'il y avait la panthère, Iro, s'il se rappelait bien. C'était peut-être elle qui s'était blessée.
Il s'arrêta au bord de la rive, hésitant, avant de soupirer.
- Bonjour Carmen.
- Bonjour, Marco… Tu veux un café ? proposa sa filleule avec une voix douce en pointant l'intérieur du navire.
Il hésita. Vraiment. Puis, son Haki lui fit réaliser qu'Ann n'était pas là. Mais est-ce que ça valait la peine de s'attarder ? Il était un grand garçon, il pouvait comprendre qu'on ne cherche pas autre chose qu'un coup d'un soir, même s'il aurait préféré qu'elle soit honnête à ce sujet. Il soupira, l'air défait et tendit les vêtements.
- Je ramène juste ceci.
Il n'avait pas besoin de préciser pourquoi il ramenait les vêtements de son amie à sa nièce, c'était une adulte, elle était assez intelligente pour comprendre d'elle-même. Elle soupira longuement en frottant son visage.
- Rentre. Je pense que l'on a besoin de parler. Et tu as intérêt à le faire.
Parler de quoi ? Il n'y avait rien à dire, outre s'il avait fait une bêtise. Elle termina de faire le chemin jusqu'à son oncle, prenant les affaires mais lui attrapa le bras en le regardant dans les yeux.
- Vraiment. Rentre avec moi dans le Calypso et vient boire quelque chose de chaud. On va parler longuement. Je vais juste devoir aller chercher quelqu'un.
Il fut plus ou moins poussé dans le navire et la première chose qu'il vit, ce fut l'hibiscus dans son pot de fleur, et ses belles fleurs rouges. Sur le noir de la terre, elles ressemblaient à du sang, comme dans les cheveux d'Ann. Il ne remarqua même pas Carmen s'en aller. Il retira de sa poche la fleur froissée et la déposa délicatement au pied de l'arbre auquel elle avait appartenu, avant de continuer à avancer. Il passa devant le coin chambre, encore obscur et haussa un sourcil en voyant le réaménagement particulier du dortoir en un gros tas de coussins, de tapis et de couverture. Du mouvement lui apprit que l'autre zoan de la bande était dedans. Deux yeux mauves le regardèrent depuis le fin fond des coussins, sans un mot, avant que Kali ne se lève, se dressant sur sa queue. Les cheveux en bataille, elle s'approcha de la lumière de la cuisine, emmitouflé dans le gros hoodie pelucheux qui lui servait de haut de pyjama. Avec habitude, elle ondula autour des meubles pour atteindre la cafetière qu'elle lança, avant de se détourner pour retourner se coucher.
- Ce n'est pas ce que vous croyez, dit-elle par-dessus son épaule.
Et elle disparut dans le nid à nouveau. En soupirant, Marco tira l'anneau de kairoseki de sa poche et posa sa veste sur le dossier d'une des chaises pour s'asseoir. Il laissa tomber l'anneau au milieu de la table et attendit le retour de Carmen.
C'est là qu'il remarqua les dossiers bien rangés sur la table, avec le post-it « Shirohige » collé dessus. Il ouvrit le premier, reconnu la copie des documents qu'il avait vu hier, et le referma.
Plus qu'à attendre sa filleule.
Elle revint peu après pour s'asseoir à la table.
- Bien… J'ai des choses à te dire. Et je veux que tu m'écoutes jusqu'au bout.
Il la regarda à moitié convaincu. Enfin, convaincu était un grand mot.
- Ace est mon ami. Et je sais que tu as clairement eu des atomes crochus avec lui. Mais, ce n'est ni toi, ni lui le souci actuellement. Il y a un souci qu'Ace ne veut pas te montrer, de peur que tu le rejettes. Alors, mon ami use de la seule méthode qui a fonctionné jusqu'à présent, la fuite. Et je veux que tu comprennes que lorsqu'Ace est arrivé au navire, c'est au bord des larmes et rongé par la situation. C'est un problème médical. Et tu as une idée de quoi il est question si tu cherches sur le nekomata ou que tu relies les points. Mais, cette nuit fut clairement quelque chose pour vous deux de magique et Ace a paniqué. Donc…Tu vas réfléchir à ce que je viens de te dire et tu reviendras ici, ce soir. Rayleigh s'occupe d'Ace pour lui faire comprendre que tu l'accepterais quoiqu'il arrive ou qui il est.
Marco la regarda d'un air perplexe.
- Carmen… pourquoi parles-tu d'Ann comme d'un homme ?
Avec les activités d'hier soir, le blond était à 10000% certain que c'était une femme pas un travesti. Et où était le rapport avec le fruit du démon ?
Carmen soupira et se mit à réfléchir. Marco essayait de comprendre ce qu'on lui racontait. Transgenre ? En admettant que ce soit le cas, qu'est-ce qui aurait pu se passer durant leurs quelques instants entre la fin de leur échange et le réveil problématique. Et pourquoi le sang ? Certes, les marques de griffures, notamment sur la zone pelvienne et la poitrine, cela pouvait s'apparenter à une possible dysphorie de genre, mais pourquoi donc prendre la fuite comme ça ?
Il sortit de ses pensées en voyant que sa nièce le regardait d'un œil critique.
- Pourquoi son nom de plume est masculin ? Et je suis sûre que tu as vu quelque chose qui ne colle pas dans la chambre. Puisque c'est une question médicale, je ne peux te le dire franchement. Mais, réfléchis deux secondes en mettant les points ensembles. Surtout, que sont capable de faire les nekomata ?
- Si tu as décidé de me parler par énigme, je rentre au Moby Dick, soupira Marco.
Kali soupira et arriva dans la cuisine. Elle jeta devant le commandant un passeport de South Blue. Perplexe, le blond regarda le document officiel. Le document datait un peu, ça se voyait. Il l'ouvrit. Une photo d'une demoiselle d'une dizaine d'années apparut avec un grand sourire. Elle n'avait pas encore la cicatrice à l'œil. Le nom disait clairement Portgas D. Anabela, second prénom, Ace. La section pour le nom du père était vide. Ah, intéressant de savoir son âge, pour le coup. Elle faisait plus vieille qu'elle ne l'était.
Avant qu'il ne puisse s'y attarder, Kali jeta un autre passeport sur la table.
- Gardez le premier ouvert, recommanda la zoan.
- Cela m'avance à quoi ?
Il ne s'attendait pas à une taloche de l'adolescente. Carmen pointa le passeport de la main, aussi agacé que Kali en fait.
- D'accord, d'accord...
Il coinça le premier avec un doigt pour l'empêcher de se refermer, prit le second et l'ouvrit. Pour s'arrêter en voyant l'image. La photo était plus récente. Un jeune homme, une quinzaine d'année. Marco fronça les sourcils en retournant au premier. Il y avait une trop forte ressemblance entre la demoiselle et le jeune homme sur le second. Bien trop pour que ce soit juste un frère. Et tout le reste était identique. D'un à l'autre. Ce qui changeait, c'était les prénoms. Le nom d'Anabela avait été retiré sur le passeport du jeune homme.
- Qu'est-ce que...
- Les nekomatas sont de vieux chats mâles qui se changent en vieille femmes. Une jeune demoiselle nekomata donne donc..? commença sarcastiquement Kali.
- L'inverse, compléta alors Carmen. Maintenant, c'est compréhensible ?
- Et me le dire plus clairement ? Bon sang... Donc, crise de dysphorie, changement de genre, je devine correctement, yoi ?
- Oui. Mais le dire clairement viendrait à briser le secret médical. Même si tu es aussi médecin.
Elle avait un point sur le sujet, il devait l'admettre. Il la regarda récupérer les passeports et il n'y opposa aucune résistance.
- Faut juste que Rayleigh ait aidé Ace à ne pas se ronger de l'intérieur pour ses incertitudes. Donc, tu fais ce que tu veux. Mais avant que l'on parte demain, tu as intérêt à lui avoir parlé. Wedi deall ?
- Oui, j'ai compris.
Marco eut un léger sourire et frotta alors la tête de Carmen assez énergiquement avant de sortir.
- Merci pour le café.
Il récupéra au passage la fleur qu'il avait laissé dans le pot à l'entrée. Il remit la veste sur ses épaules et la glissa dans une poche intérieure de son vêtement. Sur le pont, il accéléra le pas et bientôt, le Phénix prenait le ciel, les yeux plissés.
.
.
Rayleigh soupira et s'arrêta au pied de l'immense arbre qui surplombait une salle des ventes. Il leva la tête et regarda vers son sommet.
- Tu veux pas descendre ?
Le vent de novembre lui répondit.
- Ah, misère, je me fais trop vieux pour tout ça.
Il se décala de deux pas et se hissa sur une bulle qui sortit de terre à cet instant, l'embarquant dans les airs. Quand il atteint les premières branches, il sauta dessus et leva la tête pour voir son filleul sur sa gauche, à peine au-dessus de lui, sur une autre branche.
Ace s'était assis contre le tronc, sa hache plantée à côté de sa tête, et il s'était enfoncé dans son hoodie, les mains dans la poche kangourou de celui-ci. De sous la capuche, on n'avait seulement la vision des yeux d'argent qui brillaient dans la pénombre. Brillant de par leur couleur, mais il n'y avait pas de vie dedans. Aisément, Rayleigh vint le rejoindre et s'assit à proximité de son quasi neveu. Il tira de sa poche sa flasque d'alcool et l'offrit au fils de son défunt capitaine.
- Je suis encore mineur, rappela Ace avec une voix basse privée de la moindre émotion.
- Tu es assez vieux pour avoir une vie sexuelle, tu es donc assez vieux pour boire, dans ma logique, n'en déplaise à ta mère.
- Nassau m'a fait passer l'envie de toucher à l'alcool.
Rayleigh haussa des épaules.
- Plus pour moi, donc.
Et il se but une rasade de sa fiole, avant de la reboucher pour la ranger.
- Carmen est venue me chercher au saut du lit en panique. Tu as fait une crise, c'est ça ?
Il n'eut aucune réponse.
- Je me souviens encore du coup de fil de Crocus, quand il m'a appris que durant l'une de tes mauvaises phases, tu avais presque réussi à t'arracher la poitrine. Tu devrais sérieusement songer à te couper ces griffes. Ou voir un psy.
- Qu'est-ce que tu veux ? demanda avec lassitude le jeune homme.
- Parle-moi d'hier soir. Ou ce matin. Enfin, de ce qu'il s'est passé pour que tu te décides de broyer du noir en jouant à chat perché.
L'une des queue d'Ace frappa la branche dans un geste d'agacement.
- J'essaye de t'aider, Ace, pas de te faire la morale ou de te jeter la pierre.
Il tendit une main pour faire tomber la capuche du jeune homme et lui caressa doucement le crâne entre les deux oreilles dans un geste apaisant.
- Même si on s'est vu que peu souvent, par crainte que quelqu'un s'en rende compte et ne commence à soupçonner ton lien avec mon vieil ami, tu m'es précieux. Tu es ma famille, Ace. Alors…
- Pourquoi tu es ici ? coupa Ace.
- Carmen m'a demandé de l'aide et quand j'ai su qu'il s'agissait de toi, je savais qu'il fallait que je me bouge et que je t'aide.
Le yôkai n'avait pas l'air convaincu.
- Marco lui a ramené tes affaires, avec la tête de quelqu'un qui a été poignardé en plein cœur.
Roger soupira de lassitude en voyant son fils remettre sa capuche au commentaire de Rayleigh.
- Ace, parle-moi. Je veux t'aider, mais il faut que tu me parles, insista Rayleigh sous l'air compatissant de son défunt vieil ami.
- J'ai merdé, répondit enfin le jeune homme.
- Tu veux vraiment me faire tourner en rond, n'est-ce pas ?
Pour toute réponse, son filleul se recroquevilla sur lui-même.
- Très bien. Si tu le prends comme ça, je vais rester ici sur cette branche jusqu'à ce que tu daignes parler.
- Si ça peut te faire déguerpir plus vite, soit.
Finalement, avoir géré Roger pendant tout ce temps lui donner un avantage incomparable pour travailler sur le fils.
- Depuis deux trois jours, je commençais à ne pas me sentir bien. Hier soir, en me préparant, j'ai capté que j'étais pas loin d'une crise. J'aurais dû faire la chose intelligente et annuler, mais je… je voulais absolument aller à ce rendez-vous, avoua Ace. Alors, je me suis dit que j'avais encore du temps. Que lorsque la crise serait sur moi, lui, il serait de retour dans le Shin Sekai, et moi, en route pour Water Seven. Qu'il saurait jamais. Que je pourrais garder ça pour moi.
- Le rendez-vous en lui-même s'est bien passé ?
Une légère rougeur gagna les joues de son filleul.
- Oui. Et ça rend tout ça encore plus douloureux. Si ça avait été un coup d'un soir, comme c'est déjà arrivé, j'me serais pas mis dans cet état. C'est juste… c'était presque irréel tellement c'était romantique. Puis, sur le départ, il m'a embrassé, alors qu'on allait se séparer.
Ace se recroquevilla un peu plus sur lui-même.
- Ouais, j'ai eu des aventures à droite et à gauche, assez pour qu'on puisse me coller l'étiquette fille facile, si j'en crois les sous-entendus de papa… mais je n'avais jamais encore embrassé quelqu'un. Et… et quand il l'a fait, j'ai compris que j'étais désespérément amoureux. Que ce n'était pas juste un crush doublé d'une attirance mutuelle, mais vraiment amoureux. Le reste de la nuit n'a fait que le confirmer. Je doute que tu veuilles les détails.
- Je peux facilement imaginer, je suis un homme marié, rit Rayleigh.
La rougeur s'intensifia sur le visage du jeune zoan au point d'éclairer sous la capuche.
- Et c'est là qu'il y a eu la crise ?
- Je me suis réveillé parce que je m'étouffais. Parce que je brûlais et me noyais en même temps. Mais… mais j'ai pas pu rejoindre la douche. Marco dormait contre moi. Il me tenait contre lui. Il avait l'air si paisible, si serein dans son sommeil… je… après ce qu'on avait vécu, lui montrer ça…
Il se montra de la tête aux pieds d'un geste de la main.
- Et qu'il puisse croire que je… je sais pas, que je me suis joué de lui ? Que je l'ai trompé ? J'ai pas le bon terme… je voulais pas qu'il se sente trahi, déçu. Alors, je me suis dit qu'il valait mieux qu'il me déteste pour être parti et qu'il n'ait pas le temps de s'attacher, de se faire de faux-espoirs, plutôt qu'il découvre Ace. Je… je voulais pas lui faire mal. Le décevoir.
- Et c'est tout à ton honneur, mon grand, lui dit calmement et patiemment son parrain. Seulement, je te rappelle une chose que tu as oublié dans ta panique. Marco, je le connais bien. Il avait un an de plus que toi quand ton père a trouvé la clef pour atteindre la dernière île de la Grand Line. C'est pour te dire à quel point je le connais. Et même si Roger, dans toutes ses tendances papa poule, va m'en vouloir, je peux te dire que tu as fait une erreur en fuyant. Tu aurais dû le réveiller quand la crise est survenue, puis lui expliquer le souci une fois le stress passé. Parce que le Marco que je connais, c'est un homme compréhensif et patient.
A nouveau, la main de Rayleigh se posa sur le haut du crâne du jeune homme.
- L'homme que je connais ne t'aurait pas jeté ou accusé du pire en te voyant ainsi torturer.
Un sourire malicieux apparut sur le visage du vieux pirate.
- Il t'aurait plutôt ramené au lit pour te démontrer par l'exemple ce qu'il pense de ton affaire, et je doute me tromper en disant qu'il y a peu de chance que tu aurais été en état de marcher droit en quittant la pièce.
Le Mei-Ô éclata de rire en sentant la brusque chaleur sous la capuche, disant que son filleul devait rougir très fort.
- Tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas te calmer les nerfs, puis, discuter avec lui. Moi, je vais aller le voir pour lui dire où te trouver, parce que s'il a parlé avec tes amies et saisit ce qu'il s'est passé, il va se mettre à ta recherche, donc, autant lui faire gagner du temps.
La main qu'il avait dans la capuche du brun glissa jusqu'à l'arrière du crâne alors qu'il se rapprochait de la boule humaine qu'était le garçon. Là, il attira vers lui la tête de son filleul pour coller leur front l'un contre l'autre.
- Et si en dépit de l'assurance que j'ai qu'il ne te jettera pas, il te brise le cœur, je ramènerai moi-même sa dépouille à Edward en lui expliquant que son fils a joué avec les sentiments de mon filleul et que c'est quelque chose que je ne tolère pas. On est d'accord ?
- …t'es plus doué pour ce genre de chose que le vieux.
- J'ai un cerveau, contrairement à ton père.
- OI ! C'est un coup bas, ça ! protesta l'esprit.
- Tu évites de le faire courir et tu l'attends ici ?
- D't'façon, j'avais l'intention de faire une connerie humanitaire pour me passer les nerfs.
- Quel genre de bêtise ?
Ace pointa la salle de vente sous eux.
- Y'a des Tenryuubito dedans.
- Oh misère.
