Au village, Lucy attendait impatiemment l'heure du déjeuner. L'attente lui parut interminable, coincée dans ce village à attendre et devant en permanence répondre aux sollicitations des personnes qu'elle croisait dans le village sans pouvoir bouger. Malgré toute sa bonne volonté, elle commençait à fatiguée de devoir gérer les petits tracas quotidiens de ses pauvres gens. Il n'était pas toujours aisé de sourire constamment, surtout lorsque l'envie manquait mais elle se forçait, ne voulant pas être la cause de plus de tourment. A chaque fois qu'elle se sentait faiblir, elle repensait à cette rédemptrice du nord du pays qui avait été excommunié il y a deux ans de cela parce qu'elle avait répondu trop sèchement à un bourgeois. La presse à scandale s'était emparé de l'affaire, créant de multiples rixes dans tout le pays, pour des motifs plus ou moins éloigné du problème d'origine. A deux doigts de la guerre civile, le conflit mêlait des motifs déontologiques, et religieux dans un contexte de clivage social. Elle avait toujours été de la place qu'avait pris la religion dans ce combat contre les spectres, les rédemptrices étant malgré elles associés à cela, à la rédemption des pêchés de la communauté. Elle était loin de penser que la naissance des spectres était liée à cela, mais que pouvait-elle faire contre cette croyance populaire qui gagnait notamment les communautés les plus pauvres ? Pour elle, seul Zeref était responsable, la coïncidence entre son retour et l'apparition du premier spectre étant trop évidente. Cette petite guérilla avait eu le mérite de lui montrer qu'il était plus prudent de se méfier de ce qui pouvait être dit, et rester vigilant en permanence. Certes si cela s'était produit aujourd'hui, l'excommunication n'aurait jamais été envisagée, les rédemptrices étant trop peu nombreuses, personne ne pouvait se passer de leurs services, ne serait-ce que d'une seule rédemptrice, mais le risque de guerre civile était présent dans le pays. Malgré tout, elle essayait de garder en mémoire cet aspect-là de la vie, et préférait prendre sur elle les maux du quotidien, les gens n'étant en aucun cas responsable de la situation.

Heureusement pour elle, Lucy bénéficiait d'une très bonne distraction. Ce qui était sympathique, c'était que Happy l'avait rejoint un peu plus tôt, et beaucoup étaient intrigués par ce petit chat bleu volant et parlant. Ils savaient que les exceeds existaient grâce à la Guilde n°1 de Fiore : Sabertooth qui comptaient parmi eux deux exceeds, mais ce village reculé n'en avait jamais vu, et était visiblement ravi de cette découverte. Les habitants étaient tous admiratifs devant le compagnon de la rédemptrice. Un petit chat volant et souriant à tout va, qu'il y avait-il de plus mignon ? Happy lui volait presque la vedette et c'était extrêmement plaisant.

Seulement, elle aurait préféré que Happy ne subisse pas cela, ni Natsu d'ailleurs. Ce quotidien fastidieux et pompant lui était réservé, elle ne voulait pas que les autres membres de sa guilde soient mêlés à cela, à cette tristesse journalière. Etre rédemptrice, c'était se confronter chaque jour au désarroi des grands comme des petits. Les problèmes de chacun étaient déjà bien lourds à assumer. Cana l'avait accompagné à plusieurs reprises, et ce ne fut jamais des missions très réjouissante, alors pour ces deux-là…bonjour l'ennui.

Et pourtant, Happy était un véritable réconfort pour tous, mais aussi pour Lucy. Dès qu'il était approché par quelqu'un, il effectuait un petit numéro de vol rapide, ou bien racontait des blagues aux enfants, des histoires où il était le plus grand des héros. Le petit exceed était un véritable numéro de cirque à lui tout seul. Toutefois, si Happy se donnait à fond, c'était bien parce qu'il avait compris que des poissons étaient en jeux à chaque acrobatie que les gens lui demandaient de faire. Mais peu importe, l'animation du petit exceed permettait à Lucy de souffler. Elle se permit même de s'asseoir un moment, légèrement en retrait de la foule, et de fermer les yeux. C'était si agréable d'entendre les gens rire. C'était des moments rares que Lucy avait appris à apprécier à leurs justes valeurs. Parfois, à la guilde, elle faisait pareil. Accoudée au bar, elle fermait les yeux et écoutaient ses camarades lorsque l'hilarité avait gagné le cœur de tous. Le rire avait un si grand pouvoir, un pouvoir presque aussi fort que l'amour. Il pouvait enlever toutes les peines du monde. Lucy ne riait plus beaucoup aujourd'hui, alors, quand elle entendait les autres rires, elle en profitait et s'épanouissait avec eux par la pensée. Et c'est ce qu'elle faisait à cet instant.

Elle rouvrit les yeux et croisa le regard du petit Happy qui se dandinait dans tous les sens. Elle avait envie de lui sourire, mais elle hésitait, craignant de fragiliser sa barrière en lui accordant ne serait-ce qu'un début d'armistice, et ce n'était pas ce qu'elle souhaitait. Et pourtant, au fond d'elle, elle avait l'impression que si Happy se démenait autant, c'était pour elle. Cette idée lui plaisait, mais elle devait être réaliste, même s'il était un tantinet plus intelligent que son père adoptif, il restait le coéquipier du membre le plus débile de Fairy Tail. En songeant à ce dernier, elle réalisa qu'il n'avait pas montré le moindre signe de vie depuis un petit moment. Toutefois, elle ne se soucia pas longtemps du sort de son camarade, préférant pour l'instant profiter du calme et savourant le fait d'avoir un problème de moins à gérer. Et puis, elle savait pertinemment que lorsque l'heure du repas sonnerait, il réapparaitrait comme par magie. Il y a des choses comme celle-ci dont Lucy se souvenait très bien. Sentant ses nerfs s'agiter rien qu'en songeant au mage de feu, la constellationniste stoppa ses pensées et préféra fermer les yeux de nouveau et à légèrement somnoler.

Ce que cette dernière n'avait pas remarqué, c'était que Natsu n'était en réalité pas si loin que cela. En effet, depuis le début, Natsu surveillait sa camarade dans un coin, discrètement.

Lorsqu'il avait quitté Happy « légèrement » énervé, il avait pensé dans un premier temps qu'il resterait assis dans recoin à attendre que l'heure du repas arrive, ne comptant pas retourner auprès de Lucy. A vrai dire, l'idée de partir et de rentrer à Magnolia lui avait même effleuré l'esprit, mais la seule pensée de reprendre le train était un frein suffisamment convaincant pour le persuader de rester. Il s'était alors arrêté dans une ruelle du village, et s'était assis en tailleur sur un tonneau, boudant tel un gamin qui venait de se faire réprimander.

Il fulminait de se voir mis à l'écart par Lucy, l'amenant à penser que celle-ci ne souhaitait peut-être vraiment plus faire équipe avec eux. L'idée s'immisçait petit à petit dans son cerveau, et ça ne lui plaisait pas du tout de penser comme cela. Pourtant, il restait intimement persuadé que Lucy ne lui ferait pas une chose pareille. Après tout, c'était elle qui avait eu peur de se retrouver seul après l'examen de rang S, c'était elle qui avait émis le souhait de faire encore équipe après cette épreuve, alors pourquoi maintenant elle les rejetait ? Oui, sept ans étaient passées, et alors ? Il nota qu'il serait peut-être judicieux de rappeler à Lucy ce petit détail.

Petite fille - C'est toi qui appelle Dame Lucy par son prénom ?

Coupant sa réflexion, Natsu observa la personne, ou plutôt l'enfant qui venait de le déranger. C'était une petite fille qui était accompagnée d'un petit garçon. Ils devaient tous les deux avoir entre huit et neuf ans, tout comme Joe... Natsu secoua aussitôt sa tête pour effacer de son esprit cette comparaison avec ce garçon orphelin.

Observé de la tête au pied, Natsu voyait bien qu'il était vu comme un être excentrique depuis son intervention sur la place du village. Son image, il s'en fichait, mais le comportement de tous ses gens stimulait sa curiosité. Alors, il s'appliqua à répondre au mieux à la petite fille.

Natsu – Bah elle est bizarre ta question.

Petite fille – C'est tes cheveux qui sont bizarres…

Natsu – Mais quoi ? Ils sont normaux mes cheveux !

Petite fille – Si tu le dis…

Natsu – Et bien, pour Lucy… On appelle un ami par son prénom, non ? Or, son prénom, c'est Lucy. Regarde, ton ami, il s'appelle comment ?

Petite fille – Mathieu ! Et moi, mon prénom c'est Naria.

Natsu – Tu l'appelles Mathieu parce que c'est ton ami, et lui il t'appelle par ton prénom parce que tu es aussi son amie. Et bien moi, c'est pareil avec Lucy.

Naria – Tu es donc un ami à Dame Lucy ?

Natsu – Oui, enfin je crois…fut-il pris d'un doute en repensant aux différentes réactions de la jeune femme depuis son retour.

Mathieu – Trop cool ! Tu dois être vachement fort pour accompagner Dame Lucy !

Natsu – Je suis Natsu Dragneel ! Dragon slayer de feu et mage de Fairy Tail ! confirma t'il fièrement.

Naria – Connaît pas.

Peu habitué à son anonymat, Natsu songea : « Je sens que qu'elle ne va pas être ma copine celle-là… »

Mathieu - On voit toujours Dame Lucy toute seule en mission. J'ai jamais compris pourquoi les rédemptrices n'étaient jamais escortées en mission. Pourtant, avec tout ce qu'elles font pour nous, on devrait les protéger.

A nouveau, le mage de feu se fit la réflexion que les gamins étaient devenus un peu trop mature et intelligent à son goût.

Naria – Mais tu racontes n'importe quoi ! Elle est bien trop forte Dame Lucy, pas besoin de la protéger.
Mathieu – Bah si ! Toi, tu fais genre que tu es une fille forte et pourtant je te protège quand même ! Quand les autres viennent te dire que tes habits ne sont pas beaux, et bien moi je te défends toujours ! Bon allez on rentre, tes parents vont encore me gronder après. Au revoir Monsieur aux cheveux roses !

Le petit garçon attrapa la main de la petite fille, et la tira en direction d'une maisonnette, sans remarquer les rougeurs de sa camarade.

Natsu les regardait partir sans pour autant comprendre pourquoi des rougeurs étaient apparues sur le visage de Naria. Si lui il était bizarre, les gamins l'étaient encore plus.

En tout cas, ce petit Mathieu avait bien raison : fallait-il une raison pour protéger les siens ? Ça, Natsu l'avait compris depuis longtemps. Son instinct avait toujours pris le devant quand il s'agissait de ses amis, et jusque-là, il n'y avait pas vraiment eu d'échec, non ? Alors au lieu de douter, il allait agir, toujours selon son instinct.

Il sauta sur ses jambes, et se remit à chercher Lucy. Il avait compris que ce ne serait pas facile de rester auprès de Lucy, mais il pouvait toujours la surveiller. Comment avait dit le garçon de tout à l'heure ? Un gardien ? Pourquoi pas, l'idée lui plaisait bien. C'était une mission qu'il pouvait très bien remplir être le gardien de Lucy, et il ferait en sorte que Lucy n'en sache rien, et voilà tout.

Quand il retrouva sa trace, humant à plein poumon l'air du village, il s'aperçut que Happy était déjà avec elle, et il avait l'air de bien s'amuser le lascar. Le mage de feu les suivit, à chacun de leur déplacement, en cachette derrière un mur, un poteau ou dans un coin. Il put observer Lucy qui répétait presque toujours les mêmes gestes : salutation, remerciement, promesse de protection… Les gens la réclamaient, et elle répondait à leurs appels. Et ça continuait, elle bougeait de quelques mètres, et s'arrêtait de nouveau, répétait ses gestes…des gestes lui rappelant constamment ceux effectués à la soirée où elle sauva les spectres de leurs tourments en réalisant la cérémonie : des gestes minutieusement répétés, et parfaitement exécutés. Si c'était ça la nouvelle vie de Lucy, et bien il l'accompagnerait. Une équipe, c'était ça ! Peu importe la mission après tout, l'important, c'est de la réussir ensemble, pour faire honneur à Fairy Tail, et protéger ses amis.

Cependant, il fallait avouer que ses formalités étaient extrêmement gonflantes pour Natsu. Il n'avait qu'une envie, c'était de leur crier de laisser Lucy tranquille. Merde, depuis qu'ils étaient arrivés, elle n'avait pas eu un seul temps de repos.

Secrétaire de mairie – Dame Lucy !

Natsu détourna la tête en provenance de la voix et aperçut une vieille dame faire un signe de la main, comprenant immédiatement de quoi il ressortait. L'heure du repas avait enfin sonné !

Natsu – A la bouffe !cria t'il.

Il courut à travers la foule pour entrer directement dans la mairie sans attendre qu'on l'invite pour rentrer. Voyant cela, Lucy serra les poings et essaya de se retenir mais ne put s'empêcher de lui hurler dessus. Elle faisait tous ses efforts pour bien paraitre, ne pas attirer l'attention (ou du moins autant qu'elle le pouvait), et lui faisait un boucan pas possible à lui tout seul. Cet homme était sans gêne… Et le repas n'avait pas encore commencé. Devant son attitude gamine, elle s'attendait au pire pour ce repas.

Lucy – Bon allez viens Happy, on nous attend.

Happy – Aye !

Installé par l'officier public, le déjeuner se déroula dans la salle de réunion de la mairie. Une quarantaine de personne était présente. Tout le village ne rentrait pas dans la salle bien entendu, mais chacun des habitants avait voulu participer à leur manière : donner un peu à manger, servir à table… C'était un honneur d'accueillir une rédemptrice dans leur village.

Le repas se déroula sans incident particulier, enfin, à part la partie où Natsu et Happy mangeaient comme des gorets. Malheureusement pour Lucy, elle avait été placé à côté du maire, mais aussi à côté de Natsu, ce qui eut pour effet immédiat de se prendre en continue des éclats de nourriture prémâchée sur sa figure ou giclant sur ses vêtements. Ce n'est qu'après une menace bien acérée (qui ne put être retranscrite car trop cruelle) que Natsu et Happy prirent directement une fourchette et un couteau.

L'après-midi étant déjà bien entamé, Lucy prit les devants et annonça son départ en se levant. Le maire, se leva aussitôt en signe de respect et s'adressa directement à elle.

Maire – Dame Lucy, je tiens à vous remercier de votre venue, en espérant que votre passage soit signe de bénédiction pour ce village. Que les rédemptrices nous apporte la rédemption pour les fautes commises par le passé.

Le maire croisa les mains et s'inclina respectueusement devant la rédemptrice, telle une prière que Lucy devait exaucée. Un léger silence s'installa dans la salle, et Natsu et Happy eurent juste le temps de remarquer que tous les regards étaient posés sur Lucy, comme s'ils attendaient un retour de sa part. Ils en demandaient beaucoup trop à Lucy au goût du dragon slayer.

Lucy – Merci pour votre chaleureux accueil monsieur le maire, et vous pourrez remercier l'ensemble des habitants de Jintsu leur bienveillance. Soyez patient, la paix sera de retour un jour.

Elle pencha la tête en signe d'adieu, pivota sur ses pieds en attrapant son sceptre pour prendre la direction de la sortie. Natsu et Happy se levèrent et sourirent maladroitement à l'assemblée, puis ils quittèrent la salle aussi rapidement que venu... Tout en emportant quelques restes de nourriture sous le regard désabusé du maire.

Une fois dehors, Lucy s'était arrêtée devant la petite bâtisse de la mairie, le regard fixé vers le ciel. Cette solennité l'épuisait. Elle aurait aimé rester là, respirer, se pencher et s'appuyer avec ses mains sur ses genoux, mais elle n'allait pas flancher ici, sachant que Natsu et Happy n'allaient pas tarder à être à sa suite. Pour elle, montrer sa faiblesse, c'était comme dire amen au retour de Natsu, et elle n'aspirait qu'à une chose : retrouver sa solitude pour mener de nouveau sa vie terne et sans vie. Son objectif aujourd'hui était de se débarrasser de Natsu, et demain, ce serait des spectres et Zeref. Chaque chose en son temps. Lorsqu'elle les entendit arriver, elle reprit sa marche et se dirigea vers la sortie du village, suivit de près par ses deux animaux de compagnie :

Happy – Lucy ! Attends-nous !

Natsu – On n'a même pas eu l'adresse du commanditaire de la mission.

Lucy – Il suffit de redescendre le chemin légèrement au sud. Contrairement à toi, je n'ai pas chômé en attendant le repas.

La jeune femme avait directement repris son ton agressif comme par automatisme. Chaque parole que Lucy pouvait adresser à Natsu était une véritable douche froide pour lui. Pour autant, Natsu ne lâcha pas, préférant ignorer le ton sévère de son amie.

Natsu – Dis, Lucy, tu fais souvent des repas comme ça ?

Lucy – Oui, répondit-elle sans plus d'explication que cela.

Happy – Je comprends pourquoi tu as pris du poids Lucy.

Lucy – Je ne t'ai pas sonné sale matou, lança t'elle sèchement.

Happy – Aye…

Natsu – C'était chiant, et super solennel. Et puis ce discours à la fin, c'était déprimant.

Lucy – Si tu n'es pas content Natsu, ne te gêne surtout pas pour rentrer, je ne te retiens pas.

Happy – Lucy à surement du manger une arrête de travers, la Lucy polie du repas à disparue pour faire renaître la Lucy acariâtre.

Elle continuait d'avancer en accélérant le rythme de ses pas, souhaitant profondément les étriper afin de les faire taire. S'ils ne cessaient pas leurs commentaires dans la minute, elle savait que ça allait mal finir.

Lucy – Ecoute Happy, si tu as envie de continuer à voler avec tes jolies petites ailes, tu ferais mieux de tourner sept fois ta langue dans ta bouche.

Happy – Natsu, je vais rester derrière toi, je crois que je ne vais pas revenir indemne de ce voyage… commenta t'il légèrement inquiet.

Lucy - Et si tu te contentais de miauler ?! Non ?

Happy – Je ne sais pas faire !

Lucy – Mais bien sûr, un chat qui ne miaule pas… Vous êtes vraiment pénibles. Intenable, comme au repas, de vrai porcs tous les deux. Il serait peut-être temps que vous appreniez à vous comporter en société.

Natsu – Bah contrairement à toi, les dîners de princesse, on ne connait pas.

Happy frappa de sa petit patte la jambe de Natsu, car si Natsu n'avait pas compris ce qu'il risquait avec cette phrase, Happy lui, avait bien saisit qu'il marchait sur des œufs avec Lucy. Si seulement Natsu pouvait réfléchir de temps en temps, la relation avec Lucy serait beaucoup plus facile. Happy pensait sérieusement qu'avec un peu de patience, Lucy deviendrait un peu plus aimable avec le temps. Mais Natsu n'était pas la personne la plus patiente du monde et ça, Happy le savait très bien. Il n'allait pas attendre très longtemps que Lucy « redevienne Lucy ».

Lucy s'était arrêtée, sans se retourner, essayant de garder son calme. Natsu remarqua les poings serrés de la jeune femme et il comprit trop tard son erreur, ayant certainement abordé un sujet sensible.

De son côté, elle hésitait entre le frapper, l'insulter, garder le silence, ou l'envoyer dans le premier train venu le laissant en proie à son mal des transports pour le restant de ses jours. Comment une personne disparut depuis sept ans pouvait causer autant de problème ? C'était douloureux d'évoquer ce genre de chose, si lointaine et si proche à la fois. Car en effet, ce qui l'énervait c'était encore une fois sa franchise et cette vérité qui lui faisait si mal. Elle qui avait quitté les codes de la noblesse pour se retrouver coincée dans un monde, bien entendu différent, mais aux règles tout aussi rigides. Se rendait-il compte de la portée de ses mots ? Certainement que non, il ne se rendait pas compte du mal qu'il pouvait lui faire en parlant ainsi. Réfléchir avant de prononcer des mots, ce n'était pas de l'apanage de Natsu.

Lucy se ressaisit, elle y réfléchirait plus tard. Tous ses efforts, ses prises sur soi… que Natsu arrivait à réduire en un instant, c'était si rageant. Elle en conclua que le silence était d'or pour le moment. Elle reprit sa marche rapide et décida de ne parler qu'en cas d'impératif nécessité.

Natsu et Happy laissèrent Lucy prendre de l'avance avant de reprendre également leur marche. Quand ils furent assez loin, Happy se mit aussi tôt à réprimander son ami, tout en chuchotant :

Happy – Natsu, t'abuses vraiment. Pourquoi tu la braques comme ça ?

Natsu – Non mais attends, et toi ? Tu ne lui sors pas des vacheries peut-être ?

Happy – Mais moi je fais des blagues ! Je suis de nature un comique ! T'es pas au courant ?

Natsu – Ah oui ? Et quand elle veut t'arracher les ailes, c'est drôle peut être ?

Happy – T'es bête ! C'est une façon de communiquer, c'est un moyen pour elle de me dire que je suis le plus beau chat du monde !

Natsu – Quoi ?! Tu dis n'importe quoi ! Arracher les ailes, ça veut juste dire arracher des ailes !

Happy – C'est pour rigoler, elle ne le ferait pas… Enfin je crois. Elle m'aime trop !

Natsu – N'importe quoi. Si te traiter de sale matou ça veut dire qu'elle t'adore, moi elle me vénère peut-être ?!

Happy – Pfff, mais tu ne comprends rien aux femmes toi.

Happy s'envola au-dessus de son compagnon, mais sans s'approcher de trop près de Lucy, sentant encore son aura meurtrière se dégager de son corps. Natsu marmonna deux ou trois reproches à l'égard de son compagnon, puis se mit à renâcler le temps de finir le trajet.

Au final, le calvaire aphasique ne dura pas longtemps. Les trois amis arrivèrent devant une maison reculée dans l'arrière campagne, dont la façade laissait largement apparaitre la richesse des habitants. Une barrière entourait l'ensemble de la maison, achevé par un immense portail noir.

Malgré le magnifique ciel bleu qui trônait au-dessus d'eux, cet édifice paraissait peu chaleureux, au point de décourager tout visiteur de pénétrer la demeure. Toutefois, cela n'empêcha pas Lucy de pousser le portail pour remonter la légère pente qui menait jusqu'à la maison. Avant de frapper, elle s'arrêta devant la porte d'entrée, mais sans se retourner, elle s'adressa une dernière fois à ses compagnons de route.

Lucy – Ecoutez-moi bien tous les deux, cette mission est simple et ne nécessite pas de magie. Vous avez juste besoin d'être beau et de vous taire. C'est une mission de sécurité, ses nobles veulent juste se rassurer en se faisant escorter. Il n'y a pas de mission plus basique… Alors, pas de connerie.

Happy/Natsu – Aye sir !

Au fond d'elle, elle savait qu'avec Natsu, une mission n'était jamais une ballade tranquille. Elle avait eu le temps de se rappeler de tous les dégâts qu'il pouvait causer même dans les missions plus simples. Or, elle ne pouvait pas se permettre de perdre un seul joyau. Elle n'en avait pas le temps, préférant assurer au maximum la réussite de cette mission, priant sincèrement qu'aucun débordement n'intervienne.

Elle attrapa la corde de la cloche suspendue à la porte d'entrée et sonna. Après quelques minutes d'attente, un majordome ouvrit la lourde porte en bois, s'adressant poliment aux visiteurs. Remarquant leurs tatouages, le majordome les invita à le suivre sans poser plus de question. La demeure contrastait en tout point avec le village qu'ils venaient de traverser. Même si celle-ci n'évoquait pas de richesse superflue, il n'en était pas moins évident que les propriétaires des lieux vivaient aisément. Les faisant patienter dans la salle à manger, chacun observait les lieux, allant de l'argenterie brillamment astiquer aux meubles modernes et aux coulures des murs dorés. Un homme en costume noir très élégant entra par la suite dans la pièce, il titillait sa petite moustache tout en examinant les arrivants du jour, puis fut suivit par une très belle femme portant une robe bouffante violette, cintrée par un ruban noir, et portant à merveille un grand chapeau du même ton. Ce couple d'une cinquantaine d'année hochèrent la tête en signe de salutation, suivit de près par le majordome qui apporta un plateau pour le thé :

Homme – Bonjour, nous sommes Monsieur et Madame Lénord. Je vous remercie d'avoir accepté cette mission. Vous savez, par les temps qui courent, il est difficile de trouver des mages téméraires osant braver le danger des spectres et des guildes noires.

Lucy – Ravie de vous rencontrer Monsieur Lénord. Je suis Lucy Heartfillia et voici Natsu Drag…

Mr Lénord – Lucy Heartifillia vous-dites ? dit-il en interrompant la jeune femme blonde.

A ce nom, la noble avait émis un hoquet de surprise tout en plaçant sa main devant sa bouche comme pour faire taire ce qu'elle n'avait pas pu retenir, tandis que le noble, fronça les sourcils devant cette annonce, doutant franchement de l'identité de la femme blonde qui se présentait à lui.

Habituée par ce genre de réaction dans ses missions dites classiques, Lucy attrapa son sceptre dans son dos avant de le poser droit devant elle tout en levant sa main droite affichant le symbole de Fairy Tail, ceci étant en principe un gage de son identité suffisant.

Lucy – L'important Monsieur Lénord, c'est que nous sommes de Fairy Tail, et que c'est bien notre guilde qui a accepté votre mission. Après, si vous n'êtes pas satisfaits, nous pouvons repartir. Nous ne souhaitons pas travailler avec des personnes qui ne nous accordent pas leur confiance.

Mde Lénord – Non, ne vous inquiétez pas, mon mari est un peu brusque mais il ne se soucie en réalité que de notre sécurité.

Lucy – Je n'en doute pas.

Mr Lénord – Sans vouloir vous offenser, vous ne devriez pas être occupé à chasser les spectres, ou de…

Natsu – Lucy n'est pas là en tant que rédemptrice. Elle a aussi une vie, comme tout le monde.

Leurs visages se tournèrent vers cet homme qui n'avait pas encore décroché un mot depuis qu'il avait franchi le palier de la maison. Natsu dévisageait le noble, n'appréciant guère les insinuations déplacées du commanditaire de la mission. L'idée que Lucy soit obligée se justifier était scandaleuse. Alors qu'il trouvait sa femme charmante, Natsu ne faisait pas du tout confiance en cet homme qui jugeait bien trop rapidement sa coéquipière.

Lucy regardait aussi Natsu, et se surprit à le remercier inconsciemment pour son intervention. Alors qu'elle l'engueulait dès qu'elle le pouvait, lui, sans rancune, l'avait défendu. Elle savait pertinemment que le noble n'avait en réalité pas douté un seul instant de son identité, mais tout simplement de l'objet de sa présence ici, chose qui arrivait souvent lorsqu'elle prenait des missions hors compétence de rédemptrice. Natsu avait dit tout haut ce qu'elle ne disait jamais, et même si elle ne l'avouerait jamais, cela lui faisait du bien, mais les gens n'étaient malheureusement pas prêts à entendre cette vérité de sa part. Lucy, la rédemptrice, c'était tout ce qu'elle était aujourd'hui.

Lucy – Bon, allez-vous nous donner les détails de la mission ?

Mr Lénord – Hum,…Oui, je vous laisse voir les détails avec ma femme.

Il hocha rapidement la tête, esquissa un maigre sourire avant de quitter la pièce. L'atmosphère s'apaisant de suite, la femme du noble soupira profondément tout en justifiant le comportement de son mari.

Mde Lénord – Pardonnez lui, il a certainement dû allez vérifier votre identité. Notre richesse est convoitée par de nombreuses personnes, autant des villageois que des bandits, ce qui rend mon mari très suspicieux. Et je dois dire que nous ne nous attendions pas à ce que la rédemptrice de Fairy Tail se présente en personne.

Lucy – Il n'y a pas de problème. Il n'est pas le premier réfractaire que je rencontre.

Mde Lénord – Je vous remercie Dame Lucy. Concernant cette mission, mon mari et moi même souhaitons nous rendre chez des cousins près d'Onibus. Nous avons une calèche, il suffira juste de nous escorter le temps du trajet. Et si la mission réussie, ce dont je ne doute pas, nous n'hésiterons pas à faire appel à vous de nouveau pour le voyage retour.

Lucy – Bien Madame. Et quand partons-nous ?

Mde Lénord - Demain, en fin de matinée. Il y a trois heures de trajet environ.

Happy – Pourquoi vous ne prenez pas le train ? C'est plus rapide.

Mde Lénord – Mon mari à le mal des transports, le train l'insupporte mais il supporte mieux la calèche car il peut profiter de l'air pur, et on peut s'arrêter à tout moment.

Natsu – Hey, on va peut-être finalement bien s'entendre ! ricana-t-il à l'idée de voir cet homme vider ses tripes.

Lucy – Mon collègue a aussi le mal des transports, répliqua t'elle en souhaitant expliquer la réponse de Natsu à la noble.

Mde Lénord – Oh, vraiment ? N'est-il pas étrange de choisir ce genre de mission avec ce genre de maux, non ?

Lucy – Et oui, mais il n'est pas très intelligent vous savez.

Prêt à se défendre, Natsu ouvrit la bouche avant de remarquer un léger sourire de la part de Lucy. Un sourire simple, à la Lucy, comme il la connaissait. Il se détendit aussitôt, appréciant ce redoux des plus agréables pour le dragon slayer après toutes ses disputes.

Mde Lénord – A présent, notre majordome va vous présentez vos chambres.

Lucy – Sans vouloir abuser de votre hospitalité, il y a-t-il deux chambres ?

Mde Lénord – Bien entendu.

Lucy – Ouf…

Majordome – Si vous voulez bien me suivre.

Le trio suivit le majordome jusqu'à l'étage. Lucy avait eu droit, du fait de son statut, à la plus belle des deux chambres. Le maitre des lieux avait eu le temps de se renseigner et avait donné pour consigne de s'assurer du bon séjour de la rédemptrice. Avoir les bonnes grâces d'une rédemptrice était pour le noble toujours une bonne chose.

Après avoir dîné auprès de leurs hôtes, chacun regagna sa chambre, Lucy s'exilant sans dire un mot dans sa chambre, prenant grand soin de refermer la porte derrière elle. Elle n'avait pas encore digéré les allégations de Natsu, et elle ne comptait pas lui pardonner aussi facilement. Il l'avait traité comme une petite précieuse, et c'était bien l'une des choses qu'elle supportait le moins.

Dans cette pièce silencieuse, la pression de la journée rejaillit en elle et une immense fatigue la frappa. Elle observa sa chambre et constata qu'en plus d'un lit à baldaquin, elle disposait d'une salle de bain personnelle, d'une coiffeuse et d'un immense placard murale. Elle posa son bâton d'incantation à côté de la coiffeuse, puis elle s'assit devant le miroir de celui-ci et se regarda intensément pendant quelques minutes En cette fin de journée, ses cernes étaient extrêmement marqués, les yeux brillants de fatigue faisant ressortir ce contraste, le maquillage ne faisant plus vraiment son effet. Elle se désola de voir son reflet, elle n'avait que 24 ans, mais on pouvait facilement lui rajouter quelques années au compteur. Elle entreprit alors de détacher ses cheveux, retirant délicatement sa pince tout en la posant sur la tablette de la coiffeuse. Sa chevelure blonde tomba doucement sur son épaule, avant de s'épanouir le long de son dos.

Tout à coup, elle sursauta en entendant la porte de sa chambre claquer, laissant place à Natsu et Happy qui entrèrent en trombe dans la pièce. Elle les observa dans le miroir, criant tels des gamins, se jetant sur le lit officiellement attribué à la blonde. Elle soupira, mais ne dit mot, reprenant son activité comme si de rien était.

Elle prit la moitié droite de sa chevelure afin de les passer par-dessus son épaule. Ensuite, elle peigna ses cheveux avec une lenteur et une douceur qu'elle ne s'octroyait que très rarement. C'était son petit moment de plaisir, de tranquillité. Ce mouvement sûr et sans danger la rassurait, tout bêtement. Se peigner, c'était quelque chose de simple à faire, un peu futile mais qui lui permettait de se soucier de son bien-être et uniquement de cela. Dans ce mouvement, elle arrivait à déconnecter son cerveau de la réalité, et laissait le vide envahir son esprit. Elle était certaine que quoi qu'il puisse se passer à l'avenir, toujours elle pourrait toujours continuer à se brosser les cheveux, aussi bête que cela puisse être. Une chose qui ne changerait jamais, avoir des certitudes lui permettait d'avancer, de suivre son chemin sans s'effondrer. Ainsi, pour ne pas gâcher ce moment, elle préféra ne pas hurler sur Happy qui griffait les rideaux ou sur Natsu qui salissait toute la chambre avec ses chaussures crasseuses. Elle savait qu'à la moindre contrariété, elle n'arriverait jamais à calmer ses nerfs jamais avant de dormir. Alors elle prit sur elle, malgré l'envie pressante de les attraper et de les jeter par la fenêtre. Natsu et Happy sautaient sur son lit dans tous les sens, défaisant avec grand plaisir les draps de son lit soigneusement bordé. Malgré le bruit, elle se concentra sur la brosse qui démêlait un à un ses cheveux.

Entre temps, Natsu avait eu le temps de tomber la tête la première sur le sol à la suite de leur bataille de polochon, faisant rire aux éclats l'exceed. Un futur bien prévisible qui fit râler le mage de feu. Une fois que les petites étoiles liées au choc de sa tête contre le parquet eurent disparues de son champ de vision, Natsu remonta fissa sur le lit avec Happy qui sautait toujours en faisant grincer les ressorts. Calmer par sa chute, il se frotta la tête douloureuse et décida d'observer Lucy, concentrée et calme comme il ne l'avait pas encore jamais vu depuis son retour. Elle semblait apaisée, sereine. Habituellement attachés, Natsu remarqua que les cheveux de la jeune femme avaient poussé, avec une longueur un peu moindre que celle qu'il avait pu voir dans les photos des magazines. Il aimait bien la regarder faire ça. Sans le vouloir, ça l'apaisait aussi, surtout après cette journée tumultueuse. Elle ne disait rien, seul le bruit des ressorts et les rires de Happy égayaient la pièce. Le mage de feu songea alors que c'était peut-être le moment de retenter une approche avec Lucy, dans un climat qui lui semblait plus serein.

Natsu – C'est pas juste, t'as une super chambre toi. Nous, elle est toute petite et toute pourrie.

Elle continua à se brosser les cheveux, ne lui adressant qu'un léger regard si furtif que Natsu ne le remarqua à peine. Il restait sans réponse de sa part, mais il considérait que c'était toujours mieux que de se faire crier dessus.

Happy – C'est vrai que cette chambre est bien plus grande. Il y a du favoritisme je trouve.

Natsu – Hey on y prend goût au luxe ! Ce matelas est vraiment top. On va bien dormir ici !

Happy – Aye !

Lucy - …

Natsu – Bon cette mission ne va pas être bien dure. On ne va peut-être même pas taper sur du méchant, fit-il en boudant. Mais après, quand tu auras le temps entre deux missions de rédemptrice, on ira faire une grosse mission ! Hein Happy ?! Vaincre une guilde de noire par exemple !

Lucy - …

Natsu – Bon, si tu veux, on emmènera Erza et l'autre congélo.

Happy – Et moi ! et on pourra emmener Charuru ?

Natsu – Yosh ! Avec Wendy. Et pourquoi pas Lilly aussi si tu veux.

Happy – Non ! Pas Lilly ! Il va draguer Charuru !

Natsu – Rooo t'es compliqué.

Un petit sourire s'échappa du visage de Lucy en voyant le petit chat bleu prendre une mine boudeuse en songeant à Lilly. Sa passion à sens unique pour Charuru, et sa persévérance dans cette relation étaient touchante. C'était à se demander si Happy n'était pas un peu maso lorsqu'on voyait les retours que pouvait lui faire la petite exceed.

Terminant de démêler sa chevelure, elle posa sa brosse, et entreprit de se démaquiller, puis Lucy se ravisa ne voulant pas montrer davantage les cernes qu'elle avait à ses compagnons. Elle reposa son coton et se dirigea vers la salle de bain afin de se changer. Elle ferma la porte derrière elle en rêvant du bain bien chaud qu'elle allait prendre.

Ensemble, ils l'avaient regardé s'en aller silencieusement. Natsu, s'allongea sur le ventre en regardant la porte close de la salle de bain, et souffla en relâchant sa déception. Elle aurait pu au moins réagir quand il avait dit clairement qu'ils allaient dormir ici. Elle l'ignorait complétement, alors oui, c'était mieux que de se prendre la tête avec elle, mais bien loin d'être satisfaisant.

Natsu – Pfff… Il faut que je dise quoi Happy ?soupira-t-il à nouveau.

Happy – J'en sais rien. Même mes talents de comique ne lui font aucun effet. Elle est peut-être fatiguée…

Peu convaincu par la réponse de son compagnon, Natsu se leva et examina de plus près la chambre. La nuit était tombée mais on pouvait grâce au clair de lune apercevoir la vue que donnait la fenêtre sur les monts enneigés de Fiore. Il avança, étudiant chaque recoin de la pièce, et tomba sur le bâton d'incantation que Lucy emmenait partout avec elle, à l'instar de ses clés. C'était la première fois qu'il le voyait vraiment, n'ayant encore pas eu l'occasion de détailler ce bout de bois maudit qu'il prit dans les mains.

En fait, c'était plus un sceptre qu'un simple bâton. Très simple à première vue, divers symboles figuraient sur la hanse du sceptre, ressemblant plus ou moins aux symboles des esprits stellaires de Lucy. Un fin ruban vert foncé, très resserré remontait en croisé le long du manche, séparant les symboles un a un. Au sommet trônait une petite sphère avec un autre symbole inconnu pour le mage de feu, représentant apparemment un serpent qui se mordait la queue. Quelque chose se dégageait du sceptre, comme une aura magique propre à l'objet, tel une lacrima. Il retourna le sceptre, le faisant bouger d'une main à l'autre, avant de s'arrêter.

Son ouïe fine lui permit de savoir que Lucy était en train de sortir de son bain. Il préféra alors reposer doucement le sceptre à sa place et retourna rapidement sur le lit auprès de Happy comme si de rien n'était. Vu les humeurs taciturnes de son amie, il préféra retourner là où il était, faisant en sorte que Lucy ne sache jamais qu'il ait osé toucher son sceptre.

L'instant suivant, la porte de la salle de bain s'ouvrit et Lucy se dirigea directement vers le placard laissé à sa disposition simplement vêtu d'une serviette blanche enroulée autour de sa taille, sans se préoccuper de Natsu et Happy. Elle constata avec plaisir que de multiples vêtements étaient rangés et placés ici à son attention, et en profita donc pour choisir un pyjama propre.

Les deux compères se regardèrent étonnés par l'indifférence de Lucy par rapport à sa nudité. Habituellement, Lucy leur criait dessus en les sommant de partir de la chambre avant d'avoir l'honneur de recevoir un Lucy kick.

Aujourd'hui, Lucy désormais s'en fichait. Au cours de quelques soirées un peu trop arrosées en compagnie de Cana, elle avait pris conscience que son corps, qu'elle avait toujours su bien conçu dans le monde stéréotypé de l'idéal féminin, faisait l'objet de la convoitise de nombreux hommes. En rajoutant son statut de rédemptrice, elle était devenue une figure de choix. Coucher avec la « sauveuse », quoi de mieux pour se vanter… Et elle assumait complément cette part d'elle. Elle n'oserait jamais se qualifier de femme fatale mais elle avait pu prendre dans l'assurance dans le domaine, et occulté tout ce qui pouvait être plus ou moins lié à la pudeur, surtout avec le mage de feu. Lucy se rappelait très bien que ce dernier était aussi ignorant qu'un gamin de dix ans à ce sujet, un parfait illettré des mots en lien avec le thème de la sensualité ou du désir. Quand à Happy, et bien c'était un juste un chat après tout. Alors, qu'elle soit à moitié dénudée ou non, cela importait peu pour elle, préférant continuer sa petite vie en les ignorants royalement.

Voyant le manque d'intérêt que pouvait leur porter la constellationniste, Happy et Natsu firent semblant de chuchoter pour que Lucy entende bien leurs propos :

Happy – Regarde Natsu, Lucy a oublié de mettre des vêtements. On dirait Grey !

Natsu – Aye ! Imagine si on lui arrache sa serviette !

Happy – Aye ! Elle deviendrait folle…Ah bah non, elle l'est déjà !

Les deux amis pouffèrent doucement. Tandis que Lucy roula des yeux, se remettant à la recherche de vêtement pour la nuit dans le placard. Lorsqu'elle trouva ce qu'elle désirait, elle le posa sur le bord de sa coiffeuse, s'assit sur le côté de la chaise en croisant les jambes. Sa patience ayant atteint sa limite, Lucy se racla la gorge. C'était l'heure qu'ils déguerpissent enfin de sa chambre.

Lucy – Bon, vous pouvez peut-être dégager, non ? Il est temps d'aller au pieu.

Dans le même temps, elle ouvrit un tiroir de la coiffeuse et scruta les diverses affaires que contenait le tiroir. Elle se dénicha une lime à ongle que Lucy utilisa en attendant patiemment que les deux intrus quittent bien gentiment sa chambre. Ne sachant plus quoi dire, Happy et Natsu bondirent sur le sol, n'ayant pas vraiment envie de quitter les lieux, et s'approchèrent de Lucy. Une fois plus près, Natsu regarda sa camarade faire ce drôle de geste qu'elle répétait en se frottant étrangement les ongles.

Natsu – Pourquoi tu fais ça Luce ?

Lucy – Pour faire des mains plus jolies. Autre question débile avant de partir ? répondit-elle sèchement.

Un frisson désagréable le parcouru en entendant le ton froid de la jeune femme, regrettant de suite le retour des hostilités, tandis qu'Happy ne sut retenir un petit rire moquer à l'égard de son compagnon. Préférant ne pas répondre à sa phrase assassine, le mage de feu se pencha un peu plus sur les mains de Lucy pour l'observer, se positionnant au-dessus d'elle et à quelques centimètres de ses mains. Il arqua un sourcil, s'interrogeant sincèrement de l'utilité de se limer les ongles ou tout simplement d'avoir de beaux ongles. Il se frotta le menton, toujours en pleine réflexion, puis dériva son regard des mains de Lucy pour descendre légèrement plus bas sur les jambes de la jeune femme. Il n'avait jamais remarqué, mais la peau blanche de Lucy donnait une impression de douceur, comme du coton. Il eut une soudaine envie irrésistible de les toucher pour vérifier si son instinct lui disait vrai. Il tendit alors un doigt et s'approcha doucement de la jambe de Lucy, curieux. Alors qu'il n'était plus qu'à quelques centimètres de son but, il fut interrompu par la voix de Lucy qui n'avait pas pour autant arrêter sa petite manucure.

Lucy – Happy, si tu n'ordonne pas très vite à Natsu de cesser ce qu'il s'apprête à faire et de rentrer dans sa chambre, explique-lui qu'il se retrouvera bientôt attacher la tête à l'envers par une corde, et que je me ferais un plaisir de le balancer dans tous les sens jusqu'au petit matin, de sorte à ce qu'il ne puisse pas dormir tellement que son mal des transports sera virulent.

Natsu – Aaaahhh ! Non pas ça !

Rien qu'à l'évocation de ses nausées, le mage de feu se retrouvait hoqueta d'écœurement et courut dans sa chambre à toute vitesse. Happy le suivit tranquillement tout en se moquant de son camarade.

Happy – Tu sais comment parler à Natsu toi !

L'exceed s'en alla en rigolant pour rejoindre son ami et referma la porte. Lucy se permit alors de sourire. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas autant sourit en une seule journée. Alors comme ça, il avait voulu toucher ses jambes ? Étonnée par cette démarche singulière, elle arrêta sa manucure pour observer de plus près ses propres jambes… Non, elles étaient parfaitement épilées, ce n'était donc pas cela le problème. A bien y réfléchir, c'était peut-être justement cela qui avait interloqué Natsu : ne pas avoir de poil comme les hommes. Ignorant comme il l'était, cela ne l'étonnerait même pas. C'était certainement cela, il devait être intrigué par le fait qu'elle n'avait pas de poil aux pattes comme lui. Et oui, dix-huit ans, mais toujours aussi simplet sur les choses de la vie. Désormais seule, elle enfila son pyjama, se démaquilla enfin pour son plus grand plaisir, et s'endormit aussi vite que couché, à l'instar de ses deux voisins de chambre.