Note de l'auteur : Je suis désolée, je viens seulement de réaliser à quel point le formatage était pourri dans les deux premiers chapitres. C'est corrigé, et j'ai appris de mon erreur. J'espère que c'est plus lisible à présent. N'hésitez pas à me faire signe si vous avez des astuces pour faire mieux.

Résumé du chapitre précédent : Quelques jours après être retourné au Manoir pour les vacances de Noël, Draco prend extrêmement mal l'ordre déguisé de Lucius de courtiser Astoria Greengrass. Furieux de voir ses parents tenter de continuer à diriger sa vie alors qu'il les estime responsables de la déchéance de leur nom, et par extension, de son avenir, il quitte le Manoir, transfère son argent sur un nouveau compte à Gringotts et passe la nuit chez sa tante.

Le lendemain, Andromeda profite de sa présence pour lui confier Edward quelques heures le temps de faire ses emplettes de Noël. Potter étant à l'Académie, Draco se retrouve donc seul avec son cousin.

/

Les minutes filèrent à toute vitesse, et Draco n'eut pas le temps, ni, heureusement, l'occasion de s'inquiéter d'être seul dans la maison avec un bébé de huit mois. Edward ne parut pas se formaliser de l'absence de sa grand-mère et de son parrain, et s'amusa de ses enchantements et de son attention.

Draco l'accompagna, émerveillé, dans ses tentatives de marcher en s'agrippant à la table basse, et s'amusa à y poser des jouets pour l'encourager à avancer pour les attraper. Il n'accorda que quelques secondes de son attention à penser à la réaction de ses parents à son absence au manoir, et repoussa ses réflexions en adoucissant la chute de son cousin avec les mains sous ses aisselles.

Il entendit Andromeda rentrer dans la maison alors qu'il était en train de changer Edward. Son cousin était devenu grognon et la teinte orange de ses cheveux et bleue marine de ses yeux l'avait laissé supposer qu'il était temps de le faire dormir un peu.

Le bébé gigotait et geignait en essayant d'échapper à ses soins, et même sa peluche préférée n'arriva pas à le cajoler. Il la jeta par terre avec un pleur frustré et agita ses petits pieds, martelant les poignets de Draco qui essayait de nouer ses langes.

« Besoin d'aide ? » Supposa sa tante en entrant dans la pièce. Draco lui jeta un coup d'œil soulagé, mais Andromeda ne vint pas le remplacer. Elle se posta à côté d'eux et attira l'attention d'Edward en caressant doucement ses cheveux cramoisis et en embrassant son front avec des murmures inintelligibles.

Draco réussit à terminer son change et à reboutonner son pyjama, le cœur serré en se demandant si l'agitation de son cousin n'était pas finalement due à sa seule présence auprès de lui.

/

Une tasse de thé froid oubliée à sa gauche, Draco souleva son coude pour vérifier ses notes de cours de Défense contre les Forces du Mal, puis fit doucement gratter sa plume sur son parchemin avec concentration.

Edward dormait depuis presque une heure, et Andromeda était occupée à répondre à des courriers à la même table que lui, dans la partie salle à manger derrière le canapé du salon. Un feu craquait doucement dans la cheminée, et le silence était tel qu'ils sursautèrent tous les deux lorsqu'un hibou toqua avec insistance de son bec à la fenêtre.

« Encore toi. » Souffla Andromeda en reposant sa plume avec un léger agacement, avant de se lever.

Draco tourna les yeux vers la fenêtre donnant sur l'avant de la maison, et regarda sa tante accepter l'enveloppe attachée à la patte d'un hibou chétif qui hulula avec courroux. Il eut un éclair de soulagement en ne reconnaissant pas l'animal. Ce n'était donc pas une lettre de ses parents.

« Moi aussi j'en aurais assez, à ta place. » Commenta Andromeda en direction de l'oiseau. « Mais c'est plutôt à ta maîtresse qu'il faudrait te plaindre. »

S'agissait-il d'un courrier de la plus jeune Weasley à l'attention de Potter ? Draco songea à la dispute qu'il avait surprise entre l'ex-petite-amie et la meilleure amie du Survivant en Novembre. La sorcière n'avait-elle donc pas encore abandonné ?

Draco observa Andromeda donner une friandise au petit hibou puis refermer la fenêtre après son envol dans la fraîcheur de cette grise journée d'hiver. Elle déposa l'enveloppe sur le manteau de la cheminée avant de remettre une buche dans l'âtre.

Il retourna à son devoir. Weasley avait mentionné que Granger était la seule personne à qui Potter daignait s'adresser ces derniers mois, et le commentaire d'Andromeda sous-entendait que la situation entre eux n'avait pas changé. Il n'était pas certain de ce qui le surprenait le plus. L'acharnement de Weasley à tenter d'obtenir une réponse de Potter, ou celui de ce dernier à ne pas lui en donner ?

Il réchauffa son thé d'un coup de baguette et le porta à ses lèvres en regardant sa tante se rassoir. Elle lui adressa un sourire étroit puis baissa les yeux vers ses parchemins. Draco allait faire de même lorsqu'elle lui adressa la parole.

« Est-ce que tu as besoin de rester ici quelques temps ? »

La main de Draco trembla alors qu'il reposait sa tasse dans sa soucoupe. Il regarda son devoir un instant avant de relever les yeux pour croiser le regard brun de sa tante qui l'observait avec patience.

Il n'eut soudainement pas assez confiance en sa voix pour ouvrir la bouche, et il hocha faiblement la tête, une boule dans la gorge. Avait-il pu entendre de l'acceptation dans sa question ? Méritait-il une telle bienveillance ? Était-il si transparent à ses yeux pour qu'elle comprenne si rapidement qu'il avait besoin d'un refuge ?

« Jusqu'à la rentrée ? » Essaya-t-elle de lui faire préciser.

Draco s'éclaircit difficilement la gorge, submergé par une vague de tristesse qui enferma sa cage thoracique dans un étau. Il sentit son menton trembler, et il serra les dents en hochant à nouveau la tête, les yeux baissés vers ses doigts toujours serrés autour de la hanse de sa tasse de thé.

« D'accord. Il vaudrait mieux qu'on te trouve un lit alors. »

Il réussit à la regarder à travers l'humidité de ses yeux, et déglutit sous son sourire indulgent. Elle n'était pas étrangère au besoin de fuir, se souvint-il. Elle, comme son cousin Sirius, s'étaient échappés des griffes acérées de la famille Black avant lui. Elle ne pouvait pas être mieux placée pour comprendre la situation dans laquelle il se trouvait.

Draco releva le menton et renifla discrètement.

« Merci. »

/

Draco se réveilla dans un sursaut, désorienté. Il se redressa dans son lit de fortune, la baguette à la main, et battit des paupières en avisant Andromeda qui se redressait au-dessus de lui après l'avoir légèrement secoué.

« Harry est à Ste-Mangouste. » Chuchota-t-elle avec urgence pour ne pas réveiller Edward qui semblait toujours dormir profondément dans son berceau à côté de lui. « Je peux te laisser avec Teddy ? »

Draco mit une seconde à donner un sens à ses mots, avant de hocher la tête.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » Demanda-t-il d'un ton bas, la voix rendue rauque par le sommeil.

« Je ne sais pas encore. » Répondit-elle avec empressement, le visage anxieux dans la pénombre de la chambre. Il ressentit soudainement toute son angoisse et s'en voulut de la ralentir dans ses mouvements.

« Allez-y, je m'occupe d'Edward. » Affirma-t-il en posant la main tenant sa baguette dans ses draps. Elle le remercia et quitta rapidement la pièce.

/

Edward s'était réveillé en pleurant, les joues rouges et chaudes, et Draco s'était précipité dans la chambre qu'il avait quitté aux aurores après avoir tourné dans son lit pendant des heures.

Il l'avait changé et calmé d'un biberon, et il naviguait à présent dans la maison à la recherche de la fiole de potion pour les gencives, son cousin bavant allègrement sur son épaule. Persuadé qu'il allait profiter de l'absence d'Andromeda et de Potter pour faire ses dents de façon spectaculaire, il retourna la chambre d'Edward avec angoisse.

Il reposa son cousin dans son berceau pour libérer ses mains, et, ignorant la salive qui avait maculé le col de sa chemise, inspecta la commode pour la seconde fois. Il espérait ne pas devoir fouiller la chambre d'Andromeda, ou pire, celle de Potter pour mettre la main sur la potion.

« Dadadadaaa ! » Hoqueta Edward derrière lui, et bien qu'il ne fût pas certain que ces syllabes soient vraiment sa façon de l'appeler, comme le Survivant semblait le penser, il lui répondit.

« J'arrive. J'essaye de trouver cette foutue fiole avant que tu ne te mettes à hurler. »

Comme pour se moquer de lui, Teddy se remit à pleurer alors qu'il fouillait dans les tiroirs remplis de linge et de bric-à-brac, serrant son cœur d'angoisse.

Il tourna la tête vers lui pour le voir debout accroché au bord de son berceau, ses cheveux blonds aplatis sur son crâne par la transpiration et ses yeux mauves dépassant à peine ses petits doigts serrés sur le bois blanc.

Avec une grimace anxieuse, Draco le reprit contre lui, et le fit tressauter d'un bras pour le calmer en fermant des tiroirs et en rouvrant d'autres avec sa main gauche.

Il trouva enfin la fiole en-dessous d'autres flacons d'essences diverses et la posa sur la commode dans l'espoir de trouver quelque chose contre la fièvre aussi.

Il déboucha difficilement plusieurs filtres sans étiquette pour les renifler pendant qu'Edward se mettait à mâchouiller sa chemise en gémissant piteusement. Une affreuse odeur de Cèdre de l'Atlas, qui sentait plus l'urine de félin que son nom le laissait penser, lui fit tourner la tête et il toussa avec dégoût en éloignant la fiole de son visage. Il la posa et la reboucha maladroitement d'une main, avant de se remettre à fouiller.

Il mit enfin la main sur un flacon au liquide rosé qui portait le symbole d'un apothicaire du chemin de traverse et la mention claire d'une utilisation contre la fièvre.

« Merci Merlin. » Soupira-t-il en l'empochant avec l'autre, avant d'embrasser la tempe d'Edward qui sanglotait sur sa clavicule. « C'est bientôt fini mon grand. » Lui promit-il.

/

Andromeda rentra chez elle alors que Draco appliquait la pâte infâme sur le coin de gencive gonflée d'Edward pour la troisième fois de la journée. Le bébé émit un cri strident en essayant de tourner la tête, mais il était maintenant assez plié à l'exercice pour anticiper ses mouvements.

Edward afficha une moue dégoûtée en tirant sur sa chemise, menaçant d'en arracher quelques boutons. Draco tenta de se faire pardonner en embrassant sa joue rebondie avant de lever les yeux vers sa tante qui entrait dans le salon en retirant sa longue cape bleu marine.

Il chercha son visage, étrangement inquiet pour Potter même s'il avait du mal à l'imaginer succomber à quoi que ce soit après avoir survécu deux fois à un Avada Kedavra. Les traits fatigués d'Andromeda étaient tendus, même si elle réussit à esquisser un sourire en les voyant assis dans le canapé. Draco avait eu le temps d'imaginer son angoisse à être réveillée au milieu de la nuit pour apprendre qu'il était arrivé quelque chose à Potter, après avoir perdu sa propre fille, Auror elle-aussi. Le parallèle était impossible à ignorer.

« Ça va aller. » Dit-elle, répondant à sa question silencieuse.

Edward se tortilla en entendant sa voix et babilla en tendant les bras dans sa direction. Elle posa sa cape sur l'accoudoir du canapé et accepta l'enfant tendu par Draco.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » Osa-t-il demander en la regardant enlacer son petit-fils en fermant les yeux. Il espéra que son soulagement était dû au réconfort d'avoir Edward contre elle, et non en constatant qu'il était entier après presque quatorze heures sous la garde de Draco.

Il n'avait rien vu dans la Gazette du Sorcier, qu'il avait réceptionné à la fenêtre de la cuisine ce matin, qui puisse lui donner un indice quant aux événements de la nuit.

« Ils n'ont pas jugé bon de m'informer des détails. » Soupira Andromeda, ses yeux se rouvrant avec colère. « Je sais juste qu'il a été blessé par plusieurs sortilèges. »

« Vous n'avez pas pu le voir ? »

« Si. Mais il était toujours inconscient quand je suis partie. »

Elle écarta Edward d'elle pour regarder son visage en souriant malgré ses yeux tristes, et Draco sentit quelque chose se tordre en lui. Qu'avait-il donc bien pu se passer pour que Potter soit toujours hors d'état autant de temps après son arrivée à Ste-Mangouste ?

« Tu as été gentil avec Draco ? » Entendit-il Andromeda demander. Edward répondit par un rire en lui attrapant le nez.

/

Potter ne rentra que le lendemain, accompagné d'Andromeda. Draco n'eut le temps de le voir qu'une seconde, alors qu'il passait devant l'entrée de la cuisine où il était en train de faire déjeuner Edward.

Son teint lui parut livide. Sa robe pourpre était assombrie par ce qui devait être du sang séché au niveau de sa taille. Andromeda le guida dans les escaliers, grommelant après son obstination lorsqu'il refusa qu'elle le fasse léviter jusqu'à l'étage.

Teddy lui prit la cuillère des mains, et Draco baissa les yeux vers lui. Potter devait être très amoché pour ne même pas avoir pris le temps de saluer son filleul.

Il les écouta gravir lentement les marches, puis leurs pas évoluer à l'étage. Edward tapa sa cuillère sur sa table en soufflant comme un cheval. Il avait les cheveux aussi orange que la purée de carotte que Draco avait été en train de lui faire avaler.

Il reprit délicatement la cuillère et se concentra à nouveau sur lui. Ne pas penser à ses parents, ne pas penser à Poudlard, ne pas penser à l'invraisemblable propension de Potter à récolter des blessures. Juste son cousin et sa bouche avide, ses mains pleines de carottes et ses yeux ambrés louchant sur la cuillère dans sa bouche.

/

Draco posa sa plume et leva les deux mains vers son visage pour se frotter les sourcils, les tempes, la bouche, puis le menton, avant de lentement pencher la tête de chaque côté pour faire craquer son cou. Il s'étira le dos contre le dossier de sa chaise puis avisa son long rouleau de parchemin d'Arithmencie, maintenu en place en son milieu par une tasse de thé à présent vide.

« -plètement inconscient ! »

La voix stridente de Granger le fit sursauter et il regarda vers l'entrée du salon, puis vers le plafond. La meilleure amie de Potter était arrivée dans l'après-midi, un jour après sa sortie de Ste-Mangouste. Draco n'avait pas recroisé le Survivant, qui était resté enfermé dans sa chambre, visité par Andromeda et Edward, puis à présent par Granger qui semblait avoir perdu le contrôle sur son sortilège de silence.

« Ne me prends pas pour une idiote ! Ron m'a tout raconté ! » Cria-t-elle encore.

Draco tendit l'oreille mais n'entendit pas la réponse de Potter. Un cri perçant d'Edward le fit néanmoins se lever, et il contourna précipitamment la table pour sortir du salon et gravir les escaliers.

« Est-ce que tu essayes de te faire tuer ?! C'est ça que tu veux ?! » Hurla Granger, sa voix de plus en plus forte à mesure qu'il progressait vers les pleurs de son cousin. Il ouvrit la porte de sa chambre et la referma derrière lui.

Edward était debout, accroché au bord de son berceau, lui lançant un regard larmoyant avec la bouche tremblante. Draco ramassa sa peluche puis l'attrapa pour le tenir contre lui.

« Mais parle-moi, bon sang ! » Poursuivit Granger, sa voix se brisant.

Draco fit doucement le tour du berceau en murmurant dans l'oreille de Teddy pour le calmer, l'enveloppant de sa magie. Ses pleurs se tarirent rapidement, fatigué qu'il était. La porte de la chambre de Potter s'ouvrit et des pas résonnèrent dans le couloir, puis dans l'escalier.

La porte d'entrée claqua, et depuis la fenêtre de la chambre d'Edward, Draco put voir Granger traverser le jardin en enfilant son manteau, avant de disparaître brutalement dans un craquement magique.

Il continua à bercer Edward, planté devant la fenêtre, observant les branches nues des chênes s'agiter sous le vent glacial. Il retourna les mots de Granger dans sa tête avec malaise. Qu'avait donc fait Potter pour s'attirer un tel sermon et de telles blessures ?

La porte s'ouvrit dans son dos et il se retourna lentement. La main sur la poignée, le Survivant soutint son regard avec un mélange de fatigue et de colère. Son expression glissa vers un air désespéré qui le mit profondément mal à l'aise.

« Je peux le prendre ? »

Draco baissa les yeux vers Edward, qui suçait son pouce contre lui. Il traversa doucement la chambre et confia le bébé endormi et sa peluche à Potter, avant de le contourner pour retourner à ses devoirs.

/

Après un dîner silencieux, le premier repas auquel Potter avait participé depuis son retour de Ste-Mangouste, Andromeda rassembla leurs assiettes et se leva pour les déposer dans l'évier. Draco quitta sa chaise, sa volonté de participer le surprenant lui-même. Mais peut-être était-ce surtout une façon pour lui d'échapper à l'air sombre du Survivant qui semblait tinter la cuisine d'une ambiance qui le rendait anxieux.

Lorsque Potter prit place devant l'évier, Andromeda mit les poings sur les hanches avec agacement.

« Harry. »

Draco tritura le torchon qu'il avait déjà dans les mains, priant pour qu'Edward se réveille et lui donne une raison de s'échapper.

« Je m'en occupe. » Gronda presque Potter, ouvrant le robinet. Sa posture indiquait clairement qu'il mettait son poids sur son côté droit. Du peu que Draco avait pu grappiller ces derniers jours, il avait reçu une rafale de sortilèges du côté gauche de son dos, dont un Difindo qui lui avait presque traversé la hanche.

Il se demanda soudainement si Potter n'était pas une sorte de masochiste. C'était la seule chose qui pouvait expliquer son envie de faire la vaisselle alors qu'il tenait à peine debout.

Andromeda jeta un regard exaspéré à Draco, qui ne sut pas avec quelle expression lui répondre.

« Garde un œil sur lui. » Lui ordonna-t-elle avant de tourner les talons.

Draco grimaça légèrement. Il avait été trop souvent la source des problèmes de Potter pour être à l'aise avec l'idée d'être son gardien. D'autant moins lorsqu'il irradiait de lui une telle colère. Mais il était un invité dans cette maison, et la dernière chose qu'il souhaitait faire était décevoir sa tante.

Il s'arma de courage et essuya la première assiette.

Potter travailla en silence, le visage tendu. Draco le surveilla alors qu'il posait régulièrement une main sur le bord de l'évier pour garder son équilibre. Il était tenté de lui dire qu'il était ridicule, mais, à la différence du Survivant, apparemment, il n'était pas suicidaire.

« Pourquoi est-ce qu'elle ne veut pas qu'on fasse ça par magie ? » Demanda-t-il pour détourner sa propre attention de Potter qui peinait à récurer un fait-tout en fonte.

« Parce que ça donnerait un goût aux aliments. » Répondit l'apprenti Auror entre ses dents, dubitatif. Il remonta ses lunettes d'un coup de poignet avant de s'accrocher brutalement au plan de travail. Draco faillit lâcher le verre qu'il avait dans les mains.

« Un goût ? » Demanda-t-il à préciser lorsqu'il n'eut plus l'impression qu'il allait s'évanouir en basculant de côté.

Potter haussa une épaule. Il avait maintenant plus l'air de souffrir que d'être en colère, et Draco n'arriva pas à choisir ce qu'il préférait.

« Tu peux le soulever ? » Lui demanda le Survivant, les deux mains maintenant accrochées au bord de l'évier.

Draco avisa le fait-tout au fond de l'évier, et, voyant que Potter n'était pas près de se décaler pour le laisser le prendre confortablement, dû se tordre pour attraper le plat en fonte. Il se contorsionna avec effort pour éviter de percuter Potter avec son coude et posa un peu brutalement le plat humide sur le plan de travail.

« Merde. » Laissa-t-il échapper. Il comprenait qu'il n'ait même pas essayé de le soulever. C'était un poids à faire éclater les sutures magiques les plus solides.

Draco l'essuya maladroitement, puis le déplaça un peu plus loin, n'ayant aucune idée d'où le ranger.

« Désolé pour Hermione tout à l'heure. » Dit alors Potter à voix basse, sans émotion. Draco fronça les sourcils en attrapant la cuillère en bois qu'il lui tendait.

« Il s'est vite rendormi. » Répondit-il, essayant inexplicablement de tempérer la gravité de la situation.

Potter ne commenta pas et ils finirent la vaisselle en silence.

/

La veille de Noël vit arriver un sapin entre les deux fenêtres du salon. Draco l'avisa, interdit, après être descendu dans la pièce en attendant que Potter finisse de prendre son interminable bain. Le jour se levait à peine et l'arbre scintillait au milieu de la vue d'un ciel bleu foncé s'éclaircissant au-dessus des chênes.

Il avait complètement oublié Noël.

« Qu'est-ce que tu en penses ? » Lui demanda Andromeda, assise dans le fauteuil près de la cheminée, Edward sur ses genoux. Son cousin triturait le tricot sur lequel sa tante travaillait et sa chevelure avait copié la teinte bleu pâle de la laine.

Draco fut soudainement pris de panique. Il ne pouvait pas rester ici et imposer sa présence à Noël, aux côtés de victimes et de survivants de la guerre, et de leurs fantômes, alors qu'il avait été de l'autre côté. Mais qu'était-il donc en train de faire ? Qu'est-ce qui lui avait pris, de s'immiscer ainsi dans leur vie, de se relaxer dans leur refuge, comme s'il était l'un d'entre eux ?

Quel genre de monstre était-il pour les forcer à supporter sa présence ?

Il ne réalisa qu'il grimpait les escaliers qu'en arrivant à la dernière marche. Il rencontra Potter qui, avec ses cheveux humides et son t-shirt informe, prenait toute la place dans le couloir et le força à s'arrêter.

« La salle de bain est libre. »

Draco s'y précipita et, les doigts enfoncés dans sa marque des ténèbres, se jeta sur les toilettes pour y vomir son petit déjeuner.

« Andy ! » Appela Potter avec urgence dans son dos. Il sentit une main sur son épaule, mais n'eut pas le temps de la dégager que son estomac se soulevait à nouveau. Il toussa et cracha, ses ongles tentant d'arracher la honte qu'il portait sur lui à travers la manche de son pyjama.

/

Draco arracha son bras droit de la poigne douce d'Andromeda, qui secoua légèrement la tête avec un regard d'avertissement.

« Je sais ce qu'il y a là-dessous, Draco. »

Il serra les dents. La nausée était passée, la crise de panique éloignée, mais ses mains tremblaient toujours et la honte l'écrasait.

« Laisse-moi te soigner. » Insista-t-elle.

Ses sorts de diagnostic lui avaient sans doute montré les ravages qu'il avait eu le temps de faire à son avant-bras avant qu'elle ne monte les escaliers et tende Edward à Potter pour s'occuper de lui.

« Je peux le faire tout seul. » Réussit-il à articuler entre ses dents. Il tenta de cacher son bras contre lui, s'enfonçant dans le fauteuil de la chambre de Teddy, repoussé sous la fenêtre pour laisser la place à son lit entre la commode et le berceau de son cousin.

Il sentit le regard d'Andromeda sur lui sans réussir à le soutenir. Elle soupira.

« D'accord. »

Elle déposa un linge et deux fioles sur ses genoux.

« Désinfectant. Cicatrisant. » Prononça-t-elle en désignant les potions.

Elle se redressa en s'appuyant sur l'accoudoir et s'éloigna en contournant le berceau. Il osa lever les yeux vers sa cascade de ses cheveux châtains, et retint sa respiration en croisant son regard lorsqu'elle se retourna.

« Je sais ... Exactement, Draco, ce que c'est de grandir dans ce genre de famille. »

Il baissa des yeux s'embuant immédiatement de larmes, ses doigts se serrant sur son bras malgré la douleur.

« Il y en a qui succombent à la folie, comme Bellatrix. D'autres qui reproduisent ce qu'ils ont vécu, avec le cœur glacé, comme ta mère. Il y a ceux ont la chance de réussir à fuir, comme Sirius, comme moi. Et il y a ceux qui ont la force de saisir l'opportunité de se rebeller contre ce qu'on leur a appris, comme Regulus. Et comme toi. »

Les paupières closes, Draco sentit des larmes tracer deux lignes parallèles sur son visage brûlant de honte, et il se recroquevilla en avant, terrassé. Il fut secoué d'un sanglot qu'il avait l'impression de contenir depuis des années, et qui s'était nourrit de sa haine, de sa terreur et de sa souffrance.

Pourquoi s'était-il autant acharné pour les satisfaire ? Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez lui pour s'être enfoncé à ce point dans ce chemin obscur ? De quelle force osait-elle parler à son sujet, pour lui qui avait attendu le danger passé avant de fuir ?

Andromeda l'enveloppa soudainement, ses bras se croisant dans son dos et ses cheveux encadrant son visage dans une caresse sentant la lavande. Il s'entendit pleurer comme un enfant mais fut incapable de reprendre le contrôle sur lui-même.

« C'est une cicatrice, Draco. Pas une marque. » Lui dit-elle près de son oreille, et ses sanglots s'intensifièrent, la tristesse débordant la honte pour l'engloutir.

/

Potter faisait sautiller Edward sur ses genoux quand Draco entra dans le salon, tendu malgré sa longue douche et les heures qu'il avait passé dans son lit à tenter de se reprendre.

« Allez, dernière fois Teddy, j'ai trop mal. » Gémit le Survivant en penchant le bébé hilare en arrière avant de le redresser et de le faire sauter à nouveau en agitant ses jambes.

Draco tourna les talons. Il n'était déjà pas armé pour affronter Potter d'habitude, il ne se sentait pas la force de le faire à cet instant.

« Malfoy, attends. » Entendit-il, et il ferma les yeux une seconde en carrant les épaules. « Tu peux prendre Teddy ? Je vais aider Andromeda dans la cuisine. »

Draco se retourna lentement et se prépara à sonder le visage de Potter pour y trouver une insoutenable pitié ou une irrespirable haine. Il ne trouva ni l'une ni l'autre, et le regarda, décontenancé, poser de bruyants baisers sur les joues d'Edward qui lui arracha ses lunettes en gloussant.

Potter tourna alors ses yeux nus dans sa direction, les étrécissant comme s'il était déjà trop loin pour bien le voir.

« J'ai besoin que tu le prennes pour me lever. »

Draco quitta son immobilité pour attraper Teddy, qui agita les lunettes avec une exclamation surprise. Il le tourna dans ses bras pendant que Potter se redressait difficilement en grognant. L'odeur de bébé de son cousin enveloppa son visage et apaisa son cœur douloureux. Il enfouit son nez dans ses cheveux bordeaux.

« Merci. » Dit Potter en reprenant ses lunettes.

Draco le regarda quitter le salon en s'aidant de l'encadrement de la porte, la démarche encore tendue par sa blessure à la hanche.

Lorsqu'il l'entendit discuter avec Andromeda, il souleva Edward et lui embrassa le front. Son cousin lui tira les cheveux, et il délogea doucement sa main en se tournant vers le sapin illuminé.

« Tu m'as manqué. » Confia-t-il à Teddy à voix basse.

Son aveu ne sembla pas l'émouvoir.

/

Draco ne pouvait s'empêcher de penser à ses parents, et à leur veillée traditionnelle de Noël. Les sermons sans fin de son père, les commentaires culpabilisants de sa mère déguisés en remarques innocentes, l'avalanche de nourriture servie par les elfes qu'ils dégustaient du bout des lèvres, et la longueur de la nuit avant qu'ils puissent prétendre être une famille aimante devant des cadeaux extravagants.

Il leva les yeux de son livre, absorbant le calme du salon autour de lui. Le feu ronflant dans la cheminée, le lent clignotement du sapin, le clic des aiguilles d'Andromeda, les bâillements étouffés de Potter qui, étalé de tout son long dans le canapé, tenait un magazine de Quiddich au-dessus de sa tête.

« Va te coucher Harry. » Somma Andromeda sans lever les yeux de son travail.

Potter l'ignora et tourna délibérément une page.

« Le père Noël ne peut pas passer si les enfants ne sont pas couchés. » Ajouta-t-elle, arrachant un rire à Draco. Potter tourna les yeux vers lui avec un sourcil haussé, avant de regarder dans la direction d'Andromeda, clairement amusé.

« Pourquoi moi et pas Malfoy ? »

« Je suis plus vieux que toi. » Fit remarquer Draco, se surprenant à esquisser un sourire moqueur.

Potter roula des yeux dans sa direction.

« Il n'a surtout pas failli perdre une jambe il y a quatre jours. » Releva Andromeda, et Potter se renfrogna. Il se concentra à nouveau sur son magazine et resta obstinément allongé.

Draco tourna la tête vers sa tante, qui lui envoya un regard à la fois amusé et consterné. Il lui sourit étroitement, puis se concentra à nouveau sur sa propre lecture. Il était lui-même fatigué, éprouvé par son épisode de la journée, mais il rechignait à quitter le confort de son fauteuil et la chaleur de la cheminée. Il craignait de se retrouver seul avec ses pensées et que la respiration lente d'Edward ne soit pas suffisante pour l'empêcher de retomber dans une spirale d'auto-apitoiement.

Il détestait Noël. Il détestait cette mascarade familiale avant même que Voldemort ne s'installe au Manoir et y fasse régner la terreur. La fête lui rappelait tout ce qu'il avait aimé dans son enfance et qu'il avait vu disparaître, se transformer au fil des années. L'innocence et la joie, l'émerveillement et l'excitation, peu à peu et inexorablement remplacés par le devoir, les faux-semblants, l'anxiété et la crainte de décevoir.

« Bon, et bien, puisque vous n'avez pas l'air décidé... Sortons les biscuits. » Souffla Andromeda en se penchant pour poser son tricot sur la table basse. Son ton était léger mais son expression était figée. Draco vit Potter tourner un regard inquiet dans la direction de sa tante avant de sembler forcer son visage à prendre un air intéressé.

« Gingembre et cannelle ? » Demanda-t-il.

« Oui Harry, gingembre et cannelle. » Sourit Andromeda avec indulgence avant de quitter le salon.

Draco vit le Survivant baisser son magazine pour fixer le plafond avec fatigue.

« Réveille-moi si tu vois que je m'endors. » Demanda-t-il à voix basse. « Je ne veux pas qu'elle reste toute seule. »

Draco le dévisagea, mais Potter ne tourna pas le regard vers lui. Il soulevait ses lunettes pour se frotter les yeux.

« D'accord. » Murmura-t-il, le cœur serré. Il tourna les yeux vers la porte, percevant faiblement le bruit d'Andromeda préparant thé et biscuits dans la cuisine. Le premier Noël d'Edward était aussi le premier Noël qu'elle passait sans son mari et sans sa fille. Draco se demanda si elle comptait observer la veillée, comme la plupart des Sang-purs avant Noël. Au fil des siècles, les Saturnales s'étaient déplacées pour coïncider avec les fêtes moldues, mais certains rituels n'avaient pas encore disparu à la merci de leur culture.

Il lui parut difficile de tenir une nuit blanche, et peu probable que Potter y arrive. Mais si Andromeda elle-même n'arrivait pas à lui faire entendre raison, il y avait bien peu de chance pour qu'il y arrive lui-même.

/

Ce fut finalement Andromeda qui s'endormit la première. Ils le réalisèrent quand ils l'entendirent doucement ronfler, la tête tournée vers Draco et la cheminée, son tricot lâchement posé sur ses genoux. Ils échangèrent un regard amusé et soulagé.

Potter posa doucement sa tasse de chocolat sur la table basse et sortit sa baguette pour lentement incliner le fauteuil d'Andromeda, avant de faire léviter une couverture de mailles blanches sur elle.

Draco, qui l'avait observé lutter contre le sommeil pendant deux longues heures, ne fut pas surpris de le voir poser ses coudes sur ses genoux et retirer ses lunettes pour se frotter le visage.

« Je vais rester avec elle. » Offrit-il sans réfléchir.

Potter ouvrit un œil, puis l'autre, dans sa direction, puis étouffa un bâillement contre son coude, les mains prises par sa baguette et ses lunettes.

« D'accord. Merci. » Répondit-il en hochant la tête. Il poussa des deux mains sur le canapé et se leva en chancelant, pendant que Draco s'émerveillait presque de l'absence de suspicion sur son visage, lui qui il y avait quelques mois à peine, avait sorti sa baguette en le voyant penché sur le berceau de Edward.

« Bonne nuit. » Lui dit Potter.

« Bonne nuit. » Répéta-t-il en le regardant quitter le salon en remettant ses lunettes.

/

Le canapé portait toujours l'odeur de Potter lorsque Draco émergea quelques heures plus tard. Il sortit un poing de sous une couverture qu'il ne se souvenait pas avoir eu sur lui en s'endormant, et se frotta un œil.

« Voilà, reste avec Dada deux minutes. » Entendit-il près de lui, le forçant à soulever les paupières.

Potter posa Edward assis sur son torse sans cérémonie et s'éloigna en laissant Draco, éberlué, sortir les deux bras de la couverture pour tenir son cousin, qui remuait les fesses en souriant. Ses yeux passèrent subitement du vert au gris, plutôt qu'en observant leur dégradé habituel.

« Bonjour Edward. » Sourit-il avec affection.

Son cousin lui frappa énergiquement le sternum avec des syllabes inintelligibles, le faisant grimacer. Il se redressa en le tenant contre lui, et vit qu'Andromeda n'était plus dans son fauteuil.

Le bruit de l'eau s'écoulant dans la plomberie depuis la salle de bain et le claquement de la porte des toilettes du rez-de-chaussée le renseigna quant aux activités des autres résidents de la maison, et il bâilla contre les cheveux noirs de Teddy avant de lui embrasser la tempe.

« Joyeux Noël. » Lui dit-il doucement, l'œil sur le sapin clignotant et les paquets cadeaux qui entouraient son pied.

« Gouda ! » Lui répondit inexplicablement son cousin.

/

Draco trempa sa nouvelle plume blanche dans son nouvel encrier avec satisfaction. La hampe cerclée de métal était très confortable, et les enchantements empêchant l'encre de gouter étaient assez fins et délicats pour ne pas le distraire lorsqu'il écrivait. Il utilisait rarement des plumes enchantées pour cette raison. Ses doigts étaient sensibles à la magie.

Il reprit le cours de sa dissertation de Métamorphoses, ignorant les grognements de Potter qui jetait courrier sur courrier dans la cheminée. Il se savait dire s'il s'agissait de lettres de fans ou des correspondances plus personnelles, mais il avait l'air particulièrement irrité.

Il posa plusieurs fois sa plume de Crosette pour prendre sa baguette et transfigurer des jouets d'Edward qu'il avait disposé sur la table, testant les subtilités des textures et matériaux pour s'inspirer. Il se savait particulièrement doué en Métamorphoses, mais il travaillait souvent d'instinct et avait du mal à développer l'aspect théorique de la transfiguration à l'écrit.

« Tu es gaucher ? »

Draco tourna la tête vers Potter, qui, planté devant la cheminée, le regardait avec surprise.

« Oui ? » Hésita-t-il. Il reprit sa plume. « Comme la plupart des Sang-purs. » Fit-il remarquer, avant de grimacer intérieurement. Évoquer leur différence de statut et mentionner en même temps le manque d'observation de Potter n'était peut-être pas une bonne idée compte tenu de son agacement précédent.

Mais Potter se contenta de froncer les sourcils, songeur.

« Ron n'est pas gaucher. »

Draco n'avait aucune idée ni aucun intérêt pour la main la plus habille de Weasley. Il savait juste que Granger lui avait enfoncé son poing droit dans la figure quelques années plus tôt.

« J'ai dit la plupart. Pas tous. »

Potter baissa le regard vers le feu dans la cheminée, puis jeta le reste de ses courriers dedans d'un geste désinvolte. Les flammes s'intensifièrent momentanément.

« C'est vrai que... La plupart des Weasleys le sont. Je n'avais jamais fait attention. » L'entendit-il dire à voix basse. « Neville l'est aussi. Andromeda. Sirius. » Énuméra-t-il en écarquillant de plus en plus les yeux. « Luna. Kingsley. Tes parents. »

Draco déglutit avec une grimace intérieure.

« Pourquoi je n'avais jamais remarqué ? » Poursuivit Potter, abasourdi.

« Est-ce vraiment important ? » Demanda Draco.

« Est-ce que mon père était gaucher ? » Interrogea le Survivant en tournant finalement la tête vers lui, les sourcils froncés au-dessus de ses yeux grand-ouverts.

« Aucune idée. » Émit Draco avec hésitation. « Désolé. » Ajouta-t-il lorsque Potter détourna le regard vers l'âtre. « Tu peux peut-être le déduire avec des photographies ? » Proposa-t-il.

L'apprenti Auror le regarda à nouveau, interdit, avant de sortir du salon aussi rapidement que sa blessure le lui permettait.

Draco garda le regard fixé sur l'encadrement de la porte avec malaise, avant de baisser les yeux vers sa dissertation. Il ne comprenait pas en quoi ce genre de détail était important, mais il avait eu la sensation d'avaler une pierre en voyant son air presque désespéré.

Il eut à peine le temps de se reconcentrer sur ses devoirs. Potter redescendit lourdement les escaliers une quinzaine de minutes plus tard et revint dans le salon avec un album dans la main. Draco le regarda s'asseoir à la chaise vacante à côté de lui, envahissant son espace vital avec son odeur de magie et de chocolat.

« Aide-moi. » Ordonna-t-il presque en ouvrant l'album entre eux, et Draco fut tenté de l'envoyer balader. Il n'avait aucune envie de parcourir les photographies de tous les morts de Potter, pour des raisons évidentes.

Ses yeux tombèrent sur les visages souriants de Lily et James Potter et son estomac se tordit.

« Est-ce qu'il n'y a pas quelqu'un qui pourrait te renseigner ? » Essaya-t-il d'esquiver, bien que l'idée d'utiliser des photographies venait de lui.

« Tout le monde est mort, Malfoy. » Lui répondit sèchement Potter en tournant la page, découvrant des photos de ses parents et de leurs amis. Lupin, Black, Pettigrow. Tous morts.

« Shacklebolt ? » Tenta-t-il d'une voix serrée par la boule qu'il avait dans la gorge.

« Je n'ai pas tellement envie de lui adresser la parole, compte-tenu du fait qu'il essaye de persuader Robards de me virer de l'académie. » Siffla Potter avec acidité, le faisant écarquiller les yeux de surprise. Ils voulaient le renvoyer ?

« Les Weasley ? » Essaya-t-il encore.

« Malfoy. » Gronda Potter, son odeur d'orage s'intensifiant. « Aide-moi. S'il-te-plaît. » Ajouta-t-il plus doucement, et Draco serra les dents.

Il se força à analyser les mains et les postures de James Potter au fur et à mesure des photographies, essayant d'ignorer la quantité absurde de fantômes entre les pages.

« Il tient son balai de la main gauche en volant. » Fit-il remarquer.

« Moi aussi. Et toi aussi, maintenant que j'y pense. » Rétorqua Potter.

Draco se frotta le front avec un soupir. Pourquoi un droitier utiliserait sa main la moins forte pour maintenir son balai ?

« Remontre celle où il te porte. » Demanda-t-il.

Le Survivant tourna quelques pages, et s'arrêta sur une photographie sorcière montrant James Potter serrer son fils contre lui avant de le soulever en l'air et de lever le visage vers lui. Il se refusa à jeter un coup d'œil à Potter. Son cœur se serrait bien assez comme ça.

« Tu es contre son épaule gauche, au début de la boucle. C'est peut-être un hasard. Mais je porte Teddy comme ça. »

Du coin de l'œil, il vit Potter s'appuyer sur son dossier avec un soupir. Il tourna la page.

« Qui est-ce ? » Demanda Draco en désignant le couple d'inconnus se tenant, en robe d'Aurors, aux côtés de son père.

« Les parents de Neville. »

Draco grimaça. Pas morts. Mais peut-être pas en état de répondre à son étrange interrogation.

« Il tient sa baguette de la main gauche. » Remarqua-t-il alors.

« Hmm. » Émit Potter, avant de tourner la page à nouveau. La photographie d'un jeune sorcier était coincée devant l'image de Sirius Black sur une énorme moto.

« Regulus ? » Demanda Draco. Les deux hommes se ressemblaient énormément malgré leur flagrante différence d'expression. L'un avait l'air constipé de Snape alors que l'autre souriait largement comme un enfant.

« Oui. Je l'ai trouvée dans la maison de Sirius. » Répondit Potter en marquant une pause sur la double page malgré l'absence de son père. Draco ne commenta pas le malaise que provoquait chez lui cette collection de morts, mais suspendit le mouvement de sa main gauche venant couvrir la marque des ténèbres sur son bras droit.

La page suivante montrait Lily, enceinte, tendant une tasse de thé à Lupin, tous deux assis dans des fauteuils devant une cheminée, le sourire aux lèvres.

« Droitière. »

« Oui... » Murmura Potter. Draco serra les dents en le voyant caresser le visage de sa mère, et résista à sa brutale envie de fuir.

/

« Pourquoi est-ce que Shaklebolt essaye de te virer de l'académie ? » Osa finalement demander Draco ce soir-là, après avoir lentement essuyé leurs trois verres pour se laisser le temps de rassembler son courage.

Le profil de Potter se tendit, l'articulation de sa mâchoire saillant devant son oreille. Peut-être n'était-ce pas un sujet approprié pour le jour de Noël.

« Parce qu'il estime que je me mets inutilement en danger. » Dit-il finalement entre ses dents, frottant une assiette plus que nécessaire.

Draco entendit l'écho de sa dispute avec Granger et hésita à poursuivre en rangeant les verres dans un placard. Il n'était pas tellement étonné par sa réponse. C'était peu ou prou le comportement de Potter depuis qu'il était subitement réapparu dans le monde sorcier à onze ans.

« Et... C'est le cas ? » Essaya-t-il de le faire préciser. Potter avait les mains dans l'eau. Il risquait au pire de recevoir l'éponge dans la figure si ses questions ne lui plaisaient pas.

« Ça dépend du point de vue. » Grogna le Survivant. Draco plissa les yeux en attrapant l'assiette propre qui l'attendait sur le plan de travail. En le regardant continuer à favoriser son côté droit malgré ses cinq jours de convalescence et les soins d'Andromeda, et en faisant intérieurement l'inventaire de toutes les blessures qu'il avait vues sur lui ces derniers mois, il avait tendance à partager le point de vue de Shaklebolt. D'autant que plusieurs semaines s'écoulaient entre chacune des visites de Draco. Il était probable qu'il n'en ait pas vu la moitié.

« Ron s'est retrouvé à découvert et j'ai vu son bouclier faiblir donc je me suis mis devant lui. » Expliqua finalement Potter. Draco suspendit ses gestes, l'assiette dégoulinant sur ses chaussures. Le Survivant soupira, les épaules tombantes, un mélange complexe de fatigue et d'énervement sur son profil.

« Pourquoi ne pas avoir lancé un Protego pour remplacer le sien ? » Réagit Draco avec stupeur.

« Parce qu'apparemment je suis un imbécile suicidaire. » Cracha Potter, lui faisant serrer ses doigts sur l'assiette humide dans un couinement.

Draco déglutit et se remit à essuyer après une dernière seconde d'immobilité.

« Apparemment. » Acquiesça-t-il sans pouvoir s'en empêcher. Il échappa au regard furieux de Potter en lui tournant le dos pour poser l'assiette sèche sur la table derrière lui. « Et pourquoi est-ce que vous vous retrouvez dans une situation aussi dangereuse après seulement cinq mois à l'académie ? » Demanda-t-il pour détourner son attention de son commentaire.

Potter ne répondit pas et posa bruyamment une seconde assiette lavée à côté de l'évier. Il lui jeta un nouveau coup d'œil, semblant cette fois-ci chercher à l'évaluer plutôt qu'à lui envoyer sa fureur dans la figure.

« Est-ce que tu sais combien de Mangemorts et affilés sont encore en fuite ? »

Draco attrapa l'assiette avec malaise.

« Non. »

« Une trentaine, selon les estimations. »

Il écarquilla les yeux de surprise. Il avait su les sympathisants de Voldemort nombreux, mais il pensait que le Ministère avait déjà largement fait le ménage.

« Et sais-tu combien d'Aurors ont pu montrer patte blanche pour reprendre leur poste au Département de la Justice Magique ? »

Draco ne répondit pas, essuyant mécaniquement l'assiette en attendant qu'il lui annonce un chiffre ridiculement bas.

« Cinq. »

Potter lui jeta un regard ironique, sa bouche s'étirant dans un horrible sourire sarcastique.

« Je ne compte pas Shaklebolt et Robards. »

« Pourquoi si peu ? » Demanda Draco d'une voix blanche.

Potter retourna son buste en face de l'évier et prit une seconde pour s'appuyer sur le plan de travail et soulager sa hanche avant de soulever la dernière assiette de l'eau savonneuse pour la frotter.

« Morts, soupçons de complaisance, preuves formelles de corruption, démission, blessures, stress post-traumatique. » Énuméra-t-il. « Il reste cinq titulaires pour nous encadrer en dehors des cours et des entraînements. Robards a pris la décision de nous envoyer sur le terrain dès le mois de Septembre. Il n'a pas le temps ni le loisir d'attendre qu'on soit parfaitement opérationnels. »

Draco posa la deuxième assiette derrière lui avec une angoisse croissante. Il n'avait eu aucune idée que le monde sorcier était encore aussi dangereux en dehors des murs de Poudlard, et qu'il n'y avait que cinq Aurors et une poignée d'apprentis pour les défendre.

« Tenté par la carrière d'Auror alors ? » Lui demanda Potter avec ironie. « On aurait bien besoin d'un petit coup de main. »

Draco lui jeta un regard sidéré en acceptant l'assiette qu'il lui tendait.

« Potter, tu réalises que Weasley serait mort si j'avais été là à ta place ? »

Le Survivant pinça les lèvres avec tristesse en nettoyant un couteau. Draco ne lui laissa pas l'occasion d'acquiescer.

« Le Ministère a demandé de l'aide internationale ? »

La Gazette du Sorcier ne faisait aucune mention de la tension actuelle, par ignorance ou par souci de ne pas alerter une population peinant déjà à se relever après la chute de Voldemort, et n'avait pas non plus parlé d'une coopération avec d'autres nations sorcières. Mais cela semblait à Draco être la solution la plus rapide pour éliminer le danger.

« Je ne sais pas. » Répondit doucement Potter. « Je sais juste que le département est en relation avec des services moldus. » Il déposa une poignée de couverts propres à côté de l'évier. « Je suis censé assister à une réunion avec ... » Il déglutit et secoua la tête en s'appuyant sur le plan de travail.

Draco suspendit ses gestes, craignant de le voir basculer.

« Désolé, je ne suis pas censé en parler. » Se reprit-il en replongeant les mains dans l'eau.

« Qu'est-ce que des moldus pourraient bien faire contre des Mangemorts ? » S'étonna Draco, ignorant son commentaire.

Potter haussa un sourcil sans le regarder.

« Bien plus que ce que tu crois. Ils ont énormément de ressources et d'informations. Il y a tout un département au Ministère dédié à la surveillance de leurs services, et une grosse équipe d'Oubliators qui travaille à les empêcher de découvrir le monde sorcier. »

Draco essuya les couverts en silence, avec l'impression d'avoir fait un pas de travers et de se retrouver dans une version alternative de son monde déjà trop complexe.

« Voilà une autre idée de carrière. » Proposa Potter avec humour.

« Passer son temps à effacer la mémoire des gens ? » Railla Draco.

« Espionner les espions. » Corrigea le Survivant en vidant l'évier.

« Flatté que tu m'en penses capable, mais j'ai peur que ma méconnaissance des moldus soit un sacré handicap. » Nota Draco en ouvrant un tiroir pour y ranger les couverts.

Potter souffla un rire et se tourna pour appuyer le bas de son dos au comptoir en s'essuyant les mains, son poids sur sa jambe droite.

« Tu n'as pas pris Étude des Moldus comme matière pour les ASPIC ? »

« Heu, non, Potter. » Réagit Draco en refermant le tiroir, surpris qu'il se pose la question. « Divination non plus. »

« C'était du sarcasme. » L'informa l'apprenti Auror avec une exaspération amusée.

Draco eut un sourire hésitant dans sa direction, puis rangea les assiettes.

/

« Nourris-le avant qu'il te saute dessus. » Conseilla Potter, comme s'il parlait d'une bête sauvage.

Il baissa les yeux vers la cuillère de purée de brocolis qu'il tenait dans la main, puis l'avança vers Teddy, qui ouvrit grand la bouche.

Il ne lui restait plus que deux jours chez Andromeda avant de devoir retourner à Poudlard. Il avait encore des cours à préparer, des exercices d'Arithmencie à finir, et des nœuds à l'estomac qui lui coupaient l'appétit. Maintenant qu'il savait à quel point sa vie à Poudlard était harassante, il était encore plus anxieux d'y retourner qu'à la rentrée de septembre. Il n'avait même plus Blaise sur qui compter.

Il nourrit machinalement Edward, peinant à y trouver le plaisir simple qu'il ressentait habituellement en s'occupant de lui. Son cousin eut l'air de le sentir et s'amusa à postillonner sa purée dans toutes les directions, à laisser retomber ses bouchées sur la tablette pour les étaler avec ses mains, puis à attraper la cuillère pour tartiner son visage.

Après trois tentatives de lui reprendre délicatement la cuillère, Draco sentit qu'il perdait son calme et s'appuya sur le dossier de sa chaise avec une grande inspiration.

« Je peux prendre la main si tu veux. » Émit Potter, en bout de table. Draco faillit refuser et l'insulter en prime, mais il serra les dents sans le regarder.

« D'accord. » Dit-il en se levant. Il quitta la cuisine d'un pas raide et se réfugia dans la chambre de Teddy pour ruminer son angoisse.

/

Enfiler son uniforme après les vacances avait été une torture, et il n'était pas passé loin de se démantibuler en transplanant à Pré-au-Lard pour retourner à l'école.

Deux semaines après son retour à Poudlard, Draco avait déjà perdu tout le poids qu'il avait pris chez Andromeda et se sentait au bord de la rupture. A sa charge de travail s'ajoutait l'impression de n'avoir sa place nulle part dans le château, et l'angoisse pas si irrationnelle d'y voir à nouveau surgir une horde de Mangemorts.

Il n'avait toujours pas de nouvelles de ses parents, mais cette inquiétude était presque au second plan dans son esprit, à présent. Il avait des choses plus pressantes pour occuper son anxiété.

Ses rêves étaient enfumés et étouffants. Il s'y voyait mourir dans les toilettes à côté de Charity Burbage avant d'être englouti par les flammes. Hors de la bulle d'air qu'était Edward, il suffoquait.

A chaque fois qu'il voyait Granger en cours, et les occurrences étaient nombreuses puisqu'elle semblait viser au moins autant de ASPICs que lui, il brûlait de lui demander des nouvelles de son cousin, de sa tante, même de Potter, pourvu que quelque chose le sorte de sa propre tête.

Il dévorait la Gazette du Sorcier de la date du jour en haut de la première page jusqu'aux notes de l'imprimeur en bas de la dernière, guettant la moindre nouvelle concernant le Département de la Justice Magique, les Aurors, les Mangemorts, son père, Potter.

Une lettre d'Andromeda arriva comme une bouffée d'air frais au milieu des émanations d'un Feu-deymon. Il n'osa pas la lire au petit-déjeuner, et il quitta précipitamment sa table pour l'ouvrir sur la route vers son prochain cours, décryptant avidement ses élégantes boucles avec les doigts serrés dans la lettre.

Teddy allait bien malgré une nouvelle poussée de dents. Potter était retourné à l'académie. Andromeda trouvait la maison bien grande. Il était attendu dès la prochaine sortie à Pré-au-Lard.

Se sentant absolument pathétique et ridicule d'avoir envie de pleurer de soulagement, ainsi adossé au mur devant la porte de la classe de Défense contre les Forces du Mal, il ne réussit à se contrôler qu'après avoir soigneusement plié la lettre pour la glisser dans la poche intérieure de sa robe.

Il n'avait jamais vraiment ressenti ce besoin viscéral de rentrer chez lui. Chez Andromeda. Il se repassait ses derniers jours chez elle, se maudissant d'avoir été aussi mal luné par angoisse et d'avoir gâché un temps précieux qu'il aurait pu passer avec Edward.

Il cacha ses mains encore tremblantes dans les poches de sa robe en voyant les Septième-Années de Serpentard et de Poufsouffle approcher. Il passa le cours de Défense à écrire mentalement sa réponse à sa tante.

/

Le Professeur McGonagall déclara le cours terminé, et ses camarades et lui rangèrent leurs affaires en silence, abasourdis par la densité de la leçon dispensée lors de ces deux dernières heures.

« Monsieur Malfoy, si vous pouviez rester un moment. » Demanda-t-elle doucement alors qu'il se levait pour quitter sa place, déployant déjà mentalement son planning du reste de la journée.

Il s'immobilisa, se sentant pris comme une licorne dans le faisceau d'un Lumos. Qu'avait-il donc fait ? Il lui semblait lui avoir rendu les devoirs demandés, et il ne pouvait pas se tenir plus à carreaux que ce qu'il faisait déjà.

Les autres Serpentards et les Serdaigles quittèrent la classe avec une lenteur insoutenable malgré le regard agacé de McGonagall dans leur direction. D'un sec mouvement de baguette, elle fit claquer la porte derrière le dernier élève avec un soupir, puis lui adressa, inexplicablement, un petit sourire.

« Je ne souhaite pas me substituer à votre Directeur de Maison, Monsieur Malfoy, mais j'ai peur que le Professeur Slughorn ne soit pas aussi sensible que moi aux états d'âme de ses élèves, et, je me trompe peut-être, mais je sens que vous n'allez pas très bien. »

Draco fut foudroyé par une multitude d'émotions successives. Le soulagement, de comprendre qu'elle ne l'accusait pas de quelque chose. La honte, d'être ainsi percé à jour par la Directrice de Poudlard elle-même. L'incompréhension, ne sachant pas ce qui l'avait trahi. La culpabilité, de laisser un ancien membre de l'Ordre du Phoenix s'inquiéter pour un Mangemort. Et il fut aussi brutalement piqué dans sa fierté, ce qui expliqua sans doute pourquoi il eut le réflexe de relever le menton en soufflant par le nez comme un imbécile.

McGonagall haussa les sourcils, peu impressionnée, mais son sourire se fit plus triste.

« Je ne saurais que vous conseiller de discuter un peu avec Madame Pomfrey. Beaucoup de vos camarades souffrent du contrecoup de la guerre et, laissez-moi finir Monsieur Malfoy, je suis tout à fait au courant de votre degré d'implication, et c'est justement ce qui me fait croire que vous avez particulièrement besoin de ses conseils. »

Draco referma la bouche qu'il avait ouvert dans le but de l'interrompre, et détourna le regard en serrant les dents. Il était hors de question qu'il s'humilie à se plaindre à l'infirmière de crouler sous la pression alors qu'il avait fait partie de la raison pour laquelle d'autres élèves avaient besoin de son assistance.

« Même si c'est juste pour lui dire que vous êtes stressé, ou que vous dormez mal, faites-le, s'il-vous-plaît. Vous avez été exonéré, vous êtes un de mes élèves, brillant de surcroit, et je détesterais vous voir abandonner en si bon chemin. » Poursuivit-elle doucement.

Ses mots lui piquèrent le nez et les yeux, et il déglutit en serrant la bandoulière de son sac dans sa main, le cœur en morceaux. Il hocha la tête, n'ayant aucune confiance en sa voix.

/

Draco força ses mains à se détendre sur ses genoux, essayant de projeter une image plus calme que ce qu'il ressentait. Pomfrey tourna quelques pages d'un impressionnant dossier médical qu'elle avait à son sujet avec un air songeur, puis s'arrêta sur une longue liste qu'elle parcourut en faisant doucement glisser son doigt vers le bas du parchemin.

« Si ça ne tenait qu'à moi, vous seriez tous suivis par un Psychomage. » Marmonna-t-elle, avant de tapoter un élément de la liste. Draco étrécit les yeux pour essayer de lire à l'envers, sans succès.

Il avait refusé sa proposition de prendre rendez-vous à Ste-Mangouste. Il avait déjà eu bien du mal à forcer ses pieds à le guider jusqu'à l'infirmerie. Il se voyait mal expliquer à un guérisseur inconnu qu'il était constamment au bord de la crise de panique parce qu'il était volontairement revenu sur le lieu de ses crimes et qu'il se sentait seul au milieu de ses anciennes victimes.

« Mais j'ai entendu dire que vous êtes un Occlumencien. Est-ce vrai ? »

Il hocha la tête avec raideur.

« Hm... » Émit-elle pensivement. « Utile en temps de guerre, mais très dommageable en temps de paix. Ça ne nous laisse pas beaucoup d'autres options qu'utiliser des potions pour essayer de vous soulager un peu. »

Il était de toute façon hors de question qu'il laisse un Legillimencien fouiller son esprit, même si sa tante Bellatrix n'avait pas assez assailli ses pensées les plus intimes pour qu'il érige une barrière permanente autour de sa psyché.

« J'aimerais éviter d'ajouter la dépendance à la liste de mes ... symptômes. » Articula-t-il difficilement.

L'infirmière le jaugea avec les lèvres serrées, puis ses yeux dérivèrent vers la vitrine derrière lui, qui contenait une grande quantité de son stock de potions.

« Vous avez la chance de souffrir de bien moins d'allergies que d'autres Sang-Purs, Monsieur Malfoy. » Dit-elle en le regardant à nouveau. Loué soit le peu de consanguinité dans son arbre généalogique. « Je peux formuler un traitement qui limiterait la dépendance, mais il sera bien moins efficace, et potentiellement plus impactant sur vos capacités intellectuelles. »

Draco grimaça. A quoi bon se sentir mieux à Poudlard pour ne plus être capable de suivre ses cours convenablement ?

« Il n'existe pas de potions calmantes qui ne soit pas addictive et qui ne m'empêche pas de travailler normalement ? »

Madame Pomfrey eut une moue peinée en regardant à nouveau la liste sous ses yeux.

« Une telle potion a été développée par le Professeur Snape, mais vous êtes allergique à la racine de Valériane. »

Son cœur se serra à la mention de son ancien Directeur de Maison. Il s'était surpris à faire le deuil d'une figure paternelle à sa mort, alors qu'il l'avait presque méprisé de son vivant.

« Est-ce qu'il y aurait autre chose qui pourrait vous soulager ? » Interrogea l'infirmière en recentrant leur discussion. « Un aménagement particulier ? Un accès à la salle de bain des préfets pour vous détendre, par exemple ? »

Draco eut une moue circonspecte en regardant ses mains. Il s'imaginait déjà, submergé, stressant à l'idée d'être en train de perdre son temps dans l'eau chaude au lieu de faire ses devoirs.

« Certains élèves m'ont demandé d'avoir la possibilité de rentrer chez eux le week-end, ça pourrait peut-être vous aider aussi ? »

Il releva les yeux avec surprise et espoir, ses doigts se serrant dans le tissu de son pantalon noir.

/

Il avait été terriblement anxieux en écrivant à Andromeda pour lui demander s'il pouvait abuser de son hospitalité tous les week-ends. Il avait failli abandonner, se persuadant intérieurement qu'il n'avait pas le temps de voir Edward et de faire tous ses devoirs convenablement s'il ne restait pas les week-ends à Poudlard, mais il savait que c'était sa crainte d'appeler à l'aide qui le poussait dans cette voie.

Il s'était forcé à envoyer sa lettre, et avait passé la journée à souhaiter ne pas l'avoir fait, la honte et la peur du rejet lui grignotant le cœur. Il était à ce point peu sûr de lui que la réponse affirmative de sa tante le laissa dubitatif. Elle s'était probablement forcée à accepter.

Il termina la semaine avec un examens de Sortilèges qui le laissa lessivé et fébrile. Il força la porte bloquée de son dortoir et ignora Blaise qui batifolait bruyamment derrière ses rideaux avec Farley. Il n'était pas sûr de reconnaître sa voix. Il rassembla les affaires dont il aurait besoin pour le week-end, n'ayant pas eu le temps de les préparer le matin même. Il s'était réveillé engourdi d'un sommeil sans rêves et presque comateux dû à une potion, et avait titubé jusqu'à la Grande Salle avec à peine quelques minutes devant lui pour manger quelque chose.

« Qu'est-ce que tu fous ? » Grogna Blaise, et Draco tourna les yeux vers sa tête qui dépassait de ses rideaux. Ses épaules avaient l'air nues, et il grimaça intérieurement avec dégoût. Il passait ses vendredi soir à la bibliothèque, habituellement. Zabini devait être surpris de ne pas avoir le dortoir pour lui à cette heure-ci.

« Je ne sais pas avec qui tu es, mais elle n'a pas l'air de s'amuser autant que toi. » Fit-il remarquer en se détournant pour déposer son pyjama dans son sac.

« Ferme ta gueule Malfoy. Comme si tu y connaissais quelque chose. » Gronda la voix de ... Andrea Burke ? Il tenta de laisser son commentaire rouler sur lui mais sa fierté fut étrangement pincée. Qu'est-ce que ça pouvait bien faire, qu'une Sixième-Année se moque de son manque d'expérience ? Il avait bien trop de choses en tête pour que le sexe ait un quelconque intérêt pour lui.

A cours de répartie, il préféra se taire plutôt que de s'enfoncer, et ferma son sac. Il quitta le dortoir sous le majeur levé de Blaise dans sa direction, et eut à peine le temps de fermer la porte que la magie d'un sort de verrouillage lui chatouilla les doigts à travers le métal de la poignée.

/

Surpris par le nombre d'élèves quittant le château en même temps que lui, Draco suivit le chemin menant à la limite du parc en direction de Pré-au-Lard. Il crut repérer Granger un peu plus loin, avec d'autres Septième-Années. Il n'avait pas remarqué que le château se vidait ainsi le week-end. Il avait cru qu'ils restaient enfermés dans leur salle commune, et sautaient certains repas comme il le faisait quand il était trop concentré sur ses devoirs.

Il enfonça le nez dans son écharpe. Le mois de janvier était particulièrement glacial, et il accéléra le pas, à la fois pour se réchauffer, réduire le temps qu'il devrait passer dehors, et faire venir plus vite le moment où il pourrait serrer Edward contre lui. Il transplana bruyamment de l'autre côté du portail et tituba contre la barrière du jardin d'Andromeda, les tympans sifflants.

Sa tante ouvrit la porte d'entrée alors qu'il suivait le chemin de gravier, et son sourire bienveillant dénoua une partie de la tension qu'il avait dans le corps.

« Bonsoir. » La salua-t-il poliment en approchant.

« Bonsoir Draco. » Sourit-elle en ouvrant plus grand la porte. « Entre. »

« Dacaca mimi ! » Cria Edward quelque part dans la maison, avant de rugir de rire. Draco s'esclaffa, n'ayant aucune idée de ce que son cousin essayait de dire, mais incroyablement heureux d'entendre sa voix.

« Merci de m'accueillir. » Dit-il en passant le pas de la porte.

« Avec plaisir Draco. » Énonça sincèrement Andromeda. Elle visa ses chaussures de sa baguette et il réalisa qu'il avait traîné de la neige jusqu'au tapis de l'entrée. Il ferma la porte derrière lui avec une grimace d'excuse.

Elle le guida jusqu'au salon après qu'il eut retiré sa cape et son écharpe. Potter était assis sur une chaise là où se trouvait habituellement la table basse, dos à la cheminée, et Edward était assis sur son genou, gloussant en voyant le Survivant faire apparaître et disparaître une balle en lévitation près de lui.

Potter lui adressa un sourire étroit, qui disparut rapidement avec un froncement de sourcils.

« Tu es malade ? » Lui demanda-t-il en guise de salutation.

« Harry... » Souffla Andromeda en se déplaçant entre la cheminé et lui, la baguette à la main.

« Non. » Répondit machinalement Draco. Avait-il l'air si mal en point que ça ? Avec malaise, il réalisa qu'il ne se souvenait pas s'être regardé dans un miroir ces derniers jours. Il leva une main pour se recoiffer avec gêne.

« Allez Teddy. Va jouer avec Dada. » Déclara Potter en se désintéressant de lui pour soulever le bébé et le lui tendre. Draco traversa rapidement la distance le séparant de son cousin, ignorant le ridicule surnom pour savourer la sensation de son petit corps chaud se blottissant contre lui.

Il s'éloigna des deux autres sorciers et leur tourna le dos pour qu'ils ne puissent pas voir l'émotion sur son visage, et caressa doucement les cheveux bleutés d'Edward en silence.

/

Teddy s'était lassé de ses câlins et Draco avait fini par s'asseoir sur le canapé en le laissant gambader à quatre pattes dans le salon à la poursuite de ses jouets animés. Andromeda pestait contre les cheveux de Potter, qui semblaient repousser à chaque fois qu'elle détournait le regard d'un côté de sa tête pour couper ceux se trouvant de l'autre.

« Je t'avais dit que c'était sans espoir. »

« Est-ce que tu ne le ferais pas un peu exprès juste pour avoir raison ? » Grommela Andromeda en agitant sa baguette au-dessus de son crâne.

« Bien sûr Andy, je fais exprès de faire pousser mes cheveux pour ressembler à un épouvantail. » Railla Potter en roulant des yeux. Il avait l'air en bien meilleure forme que la dernière fois que Draco l'avait vu, malgré les cernes sous ses lunettes.

« En parlant d'épouvantail, est-ce que tu veux que je te coupe les cheveux aussi, Draco ? »

Il s'étouffa avec sa salive.

« Pardon ? »

Sa tante eut l'air contrit et agita une main dans sa direction.

« Je ne veux pas dire que ... »

« Si si. » Approuva Potter avec un rire. « C'est une bonne description. Maigre comme un bâton et aussi ébouriffé qu'après un match de Quiddich. »

Draco se sentit s'empourprer et fronça les sourcils en direction d'Edward qui se mettait debout en s'appuyant sur la jambe de Potter. Ce dernier lui caressa la tête puis posa une main sur sa cuisse, paume vers le haut, pour que son filleul tape énergiquement dedans.

Pas étonnant qu'il soit tombé dans l'embuscade de McGonagall si c'était l'image qu'il renvoyait. Il se frotta le visage avec embarras. Son apparence avait été le cadet de ses soucis ces derniers mois.

« Pourquoi tu n'irais pas donner son bain à Teddy ? » Proposa Andromeda. « Mouille toi les cheveux et je te les couperai ensuite. »

Draco sauta sur l'occasion d'échapper à cette discussion.

/

Draco fit léviter une nouvelle bulle, qui éclata devant le visage d'Edward, le forçant à fermer les yeux en riant aux éclats. Il se détendit assez pour rire avec lui, le son paraissant étrange à ses oreilles. Quand avait-il ri pour la dernière fois ? Même Teddy sembla surpris, écarquillant les mêmes yeux verts que Potter dans sa direction. Ils virèrent instantanément au gris, ses cheveux perdant leur tinte bleutée pour glisser vers le blond.

« Mini Draco. » Sourit-il, et Edward tapa du plat de ses mains dans l'eau, l'éclaboussant.

« Daco ! » S'exclama-t-il, avant de s'intéresser à la mousse sur ses mains.

Draco s'assit sur ses talons, soufflé.

« Bravo Teddy. C'est ça, Draco. » Répéta-t-il doucement, et son cousin lui envoya un sourire éclatant.

« Bou. »

« Bulle ? » Demanda-t-il. Il leva la baguette pour faire léviter plusieurs bulles, se demandant néanmoins si la syllabe émise par Edward n'était pas juste due au hasard.

Il réchauffa doucement l'eau pendant qu'il tentait d'attraper la mousse flottante, puis lui savonna les cheveux tant qu'il était occupé. La porte s'ouvrit alors sur Potter, qui avait absolument la même coupe de cheveux que d'habitude.

« Il faudrait le faire manger bientôt sinon il va être chiant à coucher. » L'informa-t-il, et Teddy se tourna vers lui en entendant sa voix, manquant de culbuter au-dessus de son bac d'eau. Draco le maintint debout des deux mains.

« Il n'est pas encore lavé. »

« Bé. » Acquiesça Teddy en tendant les bras vers Potter, qui lui sourit en secouant la tête.

« Draco va te laver et après je te ferai manger. » Lui expliqua-t-il, son prénom paraissant toujours aussi étranger à ses oreilles en sortant de sa bouche.

Edward se mit à protester au départ de Potter, et il ressentit une ridicule jalousie de l'attachement de son cousin envers lui. Le Survivant avait l'air de passer son temps libre à s'occuper de lui, il n'y avait rien d'illogique à ce que Teddy le préfère à Draco.

/

Draco n'arrivait pas à croire qu'il ait tenu aussi longtemps sans se faire couper les cheveux. Il regarda les mèches sous son menton disparaître à la périphérie de son champ de vision, Andromeda progressant rapidement autour de sa tête.

« Tu as les cheveux tellement fins. » S'émerveillait sa tante en passant la main sur son crâne, faisant tomber des mèches coupées qui s'évaporèrent sous ses yeux. Il avait les cheveux de son père. Et ses yeux. Et sa bouche, son menton et ses pommettes. Pas étonnant qu'il ait évité les miroirs ces dernières semaines.

« Les cheveux des Black sont bien plus épais. » Poursuivit-elle comme si elle avait lu dans ses pensées. « Mais tu as les yeux de la famille. »

« J'ai les yeux de mon père. » Corrigea-t-il.

« Je trouve qu'ils ressemblent plus à ceux de Sirius. » Nota Andromeda en le contournant pour se poster devant lui. Elle lui leva doucement le menton.

« Tutut Teddy, pas touche ! C'est moi qui tiens la cuillère. » Entendirent-ils Potter dire depuis la cuisine.

« Ils sont plus clairs que ceux de ton père, il me semble. » Sourit sa tante, ses propres yeux sombres rivés sur les siens. « Et la forme... Définitivement Black. »

Elle leva les yeux vers son crâne et le coiffa du bout des doigts. La sensation était étrange. Il eut un frisson dans le dos. Il n'avait pas été touché aussi intimement depuis ... Il ne fut pas capable de trouver depuis quand.

« Je pense que c'est bon. Je peux faire plus court si tu veux, mais je trouve que ça te va bien comme ça. »

Elle s'écarta d'un pas et Draco se releva de la chaise pour se regarder dans le miroir ancien qui surplombait la cheminée.

Il eut du mal à ne pas fuir son propre regard. Il avait l'air épuisé et tendu. Il se concentra sur ses cheveux pour échapper à ses yeux hantés, qui peu importait ce qu'Andromeda disait, lui faisaient penser à ceux de Lucius, et passa une main dedans.

« Quels kilos en plus et ça sera parfait. » Ajouta-t-elle.

Il sourit maladroitement au reflet de sa tante, puis se détourna du miroir.

/

Merci pour vos kudos et commentaires ! J'ai beau toujours me dire que j'écris pour moi et pour moi seule, il faut être honnête, ça fait toujours du bien de se savoir lue et appréciée. N'hésitez pas à être critiques, vous êtes tous mes bêta lecteurs.