Chapitre 56

C'était tout en pudeur, presque en silence, que les deux hommes s'étaient séparés. Au terme de leurs doux ébats, preuves - Sam l'espérait - que le futur pouvait être porteur de joie et de quiétude, et que de tout cela pouvait ressortir quelque chose de bon, le puîné avait laissé la douche à son frère en lui donnant rendez-vous dès qu'il aurait terminé. Pas de grands discours, ni d'analyse. Il lui avait simplement redit qu'il l'aimait, que rien n'avait plus d'importance à ses yeux que leurs retrouvailles, puis séché et rhabillé il était retourné à la cuisine où il se trouvait encore, occupé à essayer de rendre un peu de brillance aux œufs refroidis.
Mais ses pensées étaient troublées. L'instant d'extrême intimité qu'il avait partagé avec Dean avait été aussi merveilleux qu'inutile à restaurer la profondeur de leurs liens, et cette espèce de barrière qu'il continuait de sentir entre eux lui faisait peur. Sam avait le sentiment que tant que son frère ne se confierait pas à cœur ouvert sur ce qu'il avait vécu de l'autre côté, leur complicité était vouée à ne rester qu'une pâle copie d'elle-même, mais il n'avait aucune idée de la manière dont il devait s'y prendre pour l'amener à se livrer. Alors il prit le parti de demeurer présent, simplement. En assurant Dean autant que possible, à chaque occasion, de son affection et de son soutien.

Ce fut armé de ces bonnes intentions, prêt à faire preuve d'autant de patience que nécessaire, que Sam décida d'aborder les choses. Il laisserait à Dean tout le temps et l'espace qu'il lui faudrait, même si le cadet se languissait de pouvoir combler ce fossé aux contours mal définis qui continuait de les éloigner l'un de l'autre et, tellement conscient de cela, il en vint bientôt à renoncer à l'espoir de voir son frère le rejoindre rapidement. Il se trompa. Car Dean réapparut moins de trente minutes après qu'ils se furent quittés, entrant presque sans bruit dans la cuisine en surprenant Sam, qui se figea un bref instant près de la table, anxieux et attentiste. Un autre motif d'étonnement prolongea le stoïcisme du puîné : l'aspect de Dean. Vêtu d'habits propres, jean bleu et chemise grise sur maillot blanc, il avait remis une noix de gel dans ses cheveux, rasé son visage pour n'y laisser qu'un tapis de poils courts qui lui assombrissait tout juste les joues, et il parut presque redevenu lui-même, robuste, déterminé, sûr de lui. Presque. Car sa pâleur frappante saisit Sam immédiatement autant que la raideur de ses gestes alors qu'il s'avança, jusqu'à s'arrêter lentement au milieu de la pièce à trois mètres de son cadet.

- T'as l'air requinqué, s'entendit prononcer ce dernier, d'une voix faussement détendue. Allez, à table.
Il fit mine de vouloir s'installer pour manger, une manière d'ignorer les signaux qui présageaient de moments encore difficiles, mais l'absence totale de réaction de Dean le coupa dans son élan forcé. Sam s'immobilisa de nouveau, écrasé par le regard fixe et terne de son frère qui finit par entrouvrir la bouche avant de déclarer :
- Sam, faut que je te parle.
La crainte diffuse, latente, qui n'avait cessé de tenailler le cadet, renchérit aussitôt son sentiment d'inconfort. Quelque chose dans la voix de Dean l'avait mis en alerte. Il déglutit difficilement et, en cherchant à décrypter le regard inflexible de son frère, lui demanda bientôt sans vraiment parvenir à cacher son anxiété :
- À propos de quoi ?
Il se refusa à émettre une hypothèse. Ou plutôt, il s'évertua à faire la sourde oreille à toutes les raisons qui pouvaient amener Dean à l'aborder de manière aussi solennelle. Il sentit celui-ci chanceler, l'espace d'une seconde. Et son appréhension se fit plus nette. Tandis que commencèrent à tonner les battements de son cœur, il vit frémir les lèvres de Dean, luire un peu plus ses yeux verts, et entendit franchir la barrière de ses lèvres ces simples mots :
- C'est fini, Sam.
Le regard de Dean resta droit, comme son corps qui semblait ancré dans le marbre. Alors que Sam, lui, sentit résonner en lui ces quelques syllabes dans un écho lointain, leur onde se propageant à travers tout son être comme des ridules à la surface de l'eau. Son cerveau embrouillé - ou peut-être son cœur - chercha de quoi son frère annonçait le terme. Leur lutte contre Chaos ? Leur quête pour se retrouver ? Sa naïveté fut un bref rempart contre la prise de conscience d'une réalité incompréhensible qu'il avait instinctivement entrevue peut-être dès les premiers instants. Pâlissant à son tour, il n'en questionna pas moins, ses lèvres seules capables de bouger :
- De quoi tu parles ?
- De toi et moi, asséna Dean avec une réactivité qui fit comprendre à Sam sa détermination avant même le sens exact de ses mots. Je veux qu'on arrête.

Le coup était tombé sans prévenir. Sam, yeux à demi écarquillés, en absorba le choc avec autant d'impassibilité extérieure, que de dévastation intérieure. Il n'y crut pas. Pas complètement. Le sang gelant dans ses veines, il ressentit un froid qui lui déchira les entrailles comme des fissures dans la glace, puis une brusque vague de chaleur remonta d'il ne sut où pour relancer son cœur à la hâte, imprégner sa peau de sueur et écraser sa gorge. Dean restait impassible.
- Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes, souffla Sam sur un ton qui dénota le peu de crédit qu'il accordait à une interprétation littérale, en dépit d'une angoisse bien réelle.
- On arrête, lui répéta son frère, tout à fait calme mais d'une volonté farouche, en douchant aussitôt ses espoirs d'une expression maladroite.
Dean ne prononça pas un mot de plus. Et laissa son frère dans un désarroi total, car le regard qu'il opposait à ce dernier attestait de son plein sérieux.
Sam, qui s'était attendu, au pire, à découvrir les noirs détails de son expérience dans l'autre réalité dont Dean n'avait su comment les lui dire, mit un moment avant de retrouver l'usage de la parole.
- Si c'est ma faute, émit-il enfin dans un murmure glacé, je... Si j'ai mal compris, sous la douche, excuse-moi, je ne...
- T'y es pour rien, je te reproche rien, Sammy, coupa l'aîné en tâchant de rester ferme, même si ses traits répondirent au choc qu'il provoquait chez son frère. C'est moi, c'est ma décision.
Résolument, Sam ne put y croire. Le regard intense qu'il lui lança sembla défier Dean d'oser faire durer la plaisanterie mais quand il fut clair que ce n'en était pas une, ses yeux n'eurent qu'une seule et unique question à lui hurler.
- Je comprends rien, protesta le cadet des Winchester. Pourquoi ?
Sans cesser de le regarder droit dans les yeux, Dean serra les lèvres, qui tremblèrent imperceptiblement. Le mélange de colère et de détresse qu'il vit saisir les pupilles de Sam lui fit comprendre que son cadet était prêt à l'entendre, et ce fut pour lui, en plus du signal qu'il ne pourrait plus se dérober, l'ultime encouragement à crever l'abcès.
- Écoute, y'a un moment que ça me trotte dans la tête, confia-t-il en essayant de paraître le plus calme possible après la bombe qu'il venait de lâcher. Et ce qu'on a vécu en se battant contre cette chose... ça a fini de lever le doute.
- Quoi ? s'éleva Sam en s'agitant subitement, à la fois choqué et déboussolé par ce qu'il venait d'entendre. Mais quel rapport ?
Il en eut une idée et, pris d'un regain d'espoir de voir Dean mettre de l'ordre dans les siennes, il avança d'un pas nerveux pour clamer :
- Tu t'es posé les mêmes questions quand les Erotes ont déboulé ici, quand tu te voyais pas comment concilier notre vie dehors avec ce qu'on est devenus. T'es sous le choc de tout ce qui s'est passé mais ça te passera quand t'auras digéré !
Il caressa réellement l'espoir, un trop court moment, de changer la perspective sous laquelle Dean voyait les choses. De lui rappeler ses luttes intérieures mais surtout qu'il était venu à bout de cette bataille, et qu'il avait alors choisi d'accepter ses désirs autant que ses sentiments qui, s'il ne les avait jamais clairement avoués, étaient parfaitement connus de Sam. Mais son frère ne lui fit pas ce cadeau. Et d'yeux luisants de larmes sèches, étouffant sa douleur, il murmura malgré la peine qui lui crispa les lèvres :
- Non, Sam. Ça passera pas.
Détourner le regard aurait été une insulte. Un déni de ce qu'ils avaient vécu, et comme si son chagrin s'était tari, gelé dans son cœur, Dean opposa à Sam, effaré, la pâleur figée d'une froide rudesse. L'incompréhension et le refus catégorique d'une telle issue, aussi injuste qu'inexplicable alors que leurs reins brûlaient encore du feu qui les avait unis un temps plus tôt, se disputèrent le cadet en rallumant chez lui une ardeur qui fit fondre la glace qui lui sclérosait les veines. Ses poings se durcirent, à l'instar de ses yeux écorchés, et plus terrifié qu'en colère il gronda avec force :
- Qu'est-ce que tu me fais? C'est le matin d'après, un mois plus tard ? La fin de la cuite ?
Le ton âpre et le regard accusateur de Sam furent les flèches qui vinrent fendre le cœur de Dean, mais il se blinda pour n'en surtout rien laisser paraître. Il avait mis des jours pour trouver le courage d'entamer la mise à mort d'une partie de ce qu'ils étaient l'un pour l'autre, et rien, à présent qu'il avait commencé, ne pouvait plus y mettre un terme.
- J'ai pas d'explication, avança-t-il avec une sorte d'indifférence, C'est ce que je ressens, c'est tout.
- Pas d'explication ? s'écria Sam, yeux écarquillés, sans en croire ses oreilles. Va pourtant falloir que tu m'en donnes une, parce que je comprends rien ! On vient de se retrouver, on était là, tous les deux, sous la douche, et cinq minutes après tu me dis que c'est fini ?
Soutenir à cet instant le regard à vif de son frère, qui voyait tomber sur lui le terrible couperet, compta parmi les pires épreuves que Dean eût jamais traversées. Il serra tant les dents qu'un goût de sang finit par lui venir en bouche, mais il boirait le calice jusqu'à la lie.
- Désolé, j'aurais pas dû laisser faire, regretta-t-il. J'aurais dû te le dire avant qu'on... J'ai pas assuré, c'est ma faute.
- C'est pas des excuses que je veux ! tonna brusquement Sam, cette fois hors de lui, en cognant du poing sur le bord de la table métallique. Ce que je veux c'est que tu me parles ! Que tu me dises ce qui se passe, pourquoi tu décides d'un seul coup de faire un virage à cent quatre-vingt !
- Sam, je suis désolé si ça te blesse, reprit Dean en lui opposant le plus grand calme malgré ses jambes qui menaçaient de ne plus le porter. Mais on savait bien que ça pourrait pas durer toujours.
« Lâche l'affaire, Sammy... lâche l'affaire, je t'en supplie. »
- Et pourquoi pas ? renchérit le puîné qui n'était visiblement pas prêt à renoncer. On était bien, on... On avait fait la paix avec nous-mêmes !
- Sam, répéta-t-il dans un gémissement, sans pouvoir s'empêcher, cette fois, de baisser les yeux. Je t'en prie, ne complique pas les choses.
- Et qui complique les choses, Dean ? riposta le cadet en sentant la détermination de son frère vaciller. Tu peux pas me balancer un truc comme ça et t'en tirer avec une esquive, t'as compris ?
Il avança encore, plus que Dean ne l'aurait cru, et se saisit brutalement du bras de ce dernier.
- Parle-moi ! somma Sam. T'es plus le même depuis que t'es revenu, si quelque chose te mine, s'il s'est passé quelque chose que tu...
- Il s'est rien passé ! jeta Dean aussitôt en ramenant vivement son bras. Rien du tout, c'est clair ?
Il affligea son cadet d'un regard mauvais et lui tourna subitement le dos pour remettre entre eux deux mètres de distance. Sam, meurtri, voulut lui laisser le bénéfice du doute, se tenir à ses engagements de patience et d'écoute, mais il n'y avait rien à écouter si Dean ne lui disait rien, et convaincu que son frère lui mentait il s'emporta en prononçant ces mots qui dépassèrent de loin sa pensée, ces mots qu'il regretterait longtemps :
- C'est ça, défile-toi ! Et surtout, cache ta joie d'être revenu ! À croire que t'aurais préféré rester là-bas !
Il sursauta au son de sa propre voix, choqué par les mots qu'il venait lui-même de prononcer, au point de douter une seconde avoir été capable d'une telle attaque. La peur et la peine avaient parlé en son nom, et eurent pour effet de piquer au vif Dean qui, pourtant loin de lui porter grief, fut forcé de laisser éclater pour combattre sa sensation d'asphyxie :
- Mais putain, Sam, regarde les chose en face ! C'est ça ton projet de vie ? Continuer à te taper ton frère ?
La réalité de leurs relations, Sam l'avait actée depuis longtemps, et la pérennité de l'intimité qui les liait, même s'il ne l'avait jamais fermement prise pour acquise, avait été de moins en moins sujet au doute à mesure qu'il l'acceptait. Mais, face à la douleur qu'il vit crisper les traits de son frère, face à la détresse dans son regard, le cadet des Winchester réalisa qu'il n'en serait jamais de même pour Dean. Et cette brutale prise de conscience lui fit mal, plus que n'importe quoi d'autre, car il comprit avec une violence inouïe que cette proximité fusionnelle, cet amour d'un autre ordre qu'il avait cru les unir, n'avait été qu'une illusion.
- Tu... regrettes ce qui s'est passé ? eut-il à peine la force de demander, la voix aussi tremblante que ses yeux qui se remplirent de larmes.
- Je regrette rien du tout, lui jura Dean derrière son masque de contrition, criant sans un bruit son absolue sincérité. C'est pour ça qu'il vaut mieux que ça s'arrête maintenant.
Sam eut la sensation d'un coup terrible reçu en plein visage. Et sous ses pieds parut brusquement s'ouvrir une seconde fois la bouche de l'Enfer. Le regard implorant, prenant tout à coup toute la mesure des sentiments qu'il portait à son frère, il le supplia dans un silence de mort de lui dire qu'il n'était pas sérieux ; de revenir sur sa décision, précipitée, irréfléchie, impossible. Dean, d'yeux aimants, doux et torturés, brillants de l'évidence qu'il n'avait jamais voulu lui faire de mal, se rapprocha d'un demi-pas en donnant l'impression de se retenir d'aller plus loin, et terminant d'anéantir les espoirs de Sam il déclara :
- Je t'aime, Sammy. Y'a rien, rien au monde qui changera ça. Jamais. Mais, crois-moi. C'est mieux comme ça.

Quelque chose dans l'expression de Dean, dont quiconque aurait pu jurer qu'elle ne changea pas, sonna le glas. Ce fut comme si la flèche fichée dans le cœur de Sam le transperça finalement de part en part, et ni sa tête qui criait son besoin d'appeler Dean à la raison, ni ses tripes qui brûlaient du désir de le retrouver encore, tendre, aimant, passionné, insolent, enthousiaste, n'eurent la force d'exprimer le moindre son ; le moindre geste. Le coup ne fut pas seulement rude. Il fut dévastateur. L'ampleur de ce qu'il perdait, et le manque atroce qu'il allait subir, qu'il subissait déjà, se répandirent dans son esprit comme une tache d'huile, grippant ses méninges d'une crasse noire qui lui interdit de songer à autre chose qu'au désarroi qui lui coupa le souffle et les jambes. K.O, il dut prendre appui sur le bord de la table, et la tête se mit tant à lui tourner qu'il eut peur de tomber.
- Je suis désolé, gémit Dean. Je... Je suis désolé.
Il ne sut que dire d'autre. Il avait déjà tout dit, et conscient d'avoir déjà fait bien assez de mal à son frère, il tourna les talons, meurtri par les conséquences - inévitables - de ses actes. Sam, qui s'aperçut de son départ, releva alors précipitamment la tête comme en réaction à un péril immédiat. Et dans un sursaut viscéral, il s'écria :
- Dean, attends. Dean... Attends ! Dean !
L'aîné de la fratrie resta sourd à ses appels, qui moururent dans l'écho métallique de la cuisine où il l'abandonna. Et c'en fut fini de cette épreuve qui les avait brisés tous les deux.

Ce fut pantelant, en nage et le cœur battant la chamade que Dean se replia dans sa chambre. Il ferma la porte, y resta un long moment adossé en anticipant le moment où il entendrait Sam surgir pour clamer sa révolte, mais les secondes devenant des minutes, puis les minutes défilant les unes après les autres, il fut finalement évident que son cadet ne viendrait pas. Le sentiment de panique décroissant lentement, subsista alors la désolation engendrée par la pleine conscience de ce qu'il avait fait, et terrassé par une souffrance immense il s'effondra, littéralement, pour fondre en larmes en se ratatinant à même le sol, appuyé au pied de son lit. La tension extrême accumulée ces jours derniers s'évacua violemment, et avec elle remontèrent les épouvantables bouffées de terreur qu'un futur sans joie ni saveur inspira. Il n'avait pas imaginé que rompre avec Sam puisse être si dur. Ni pris la mesure du sentiment de perte, abyssal, qui trouait son cœur à présent frigorifié. Il s'était cru suffisamment fort. Il n'en était rien. Sa détermination avait eu beau être sans faille, les ravages causés par sa décision étaient extrêmes, tels que l'étaient désormais ses doutes d'avoir eu raison. La peur d'avoir tout perdu, bien plus que ce qu'il s'était résigné à abandonner, fut un tison ardent fiché de biais au tréfonds de son âme, et jeté en pâture au pire des désespoirs, il geignit entre deux sanglots d'une voix atone, le visage enfoui dans le creux de ses bras :
- Aidez-moi, pitié... Dites-moi que c'est ce qu'il fallait faire...
Il serra plus fort ses épaules dans ses mains et n'eut plus qu'à prêter le flanc à un sentiment de solitude comme il n'en avait sans doute jamais connu de toute sa vie. Sam avait peut-être raison : si c'était pour souffrir ainsi, revenir en valait-il la peine ? Il savait pourtant pourquoi il en était arrivé là, et le petit objet dur qu'il sentit soudain au creux de sa paume le lui rappela. Dean ne se souvint ni du moment où il avait sorti le morceau d'ambre de son autre jean, ni de celui où il l'avait repris en main. Mais, quand il releva la tête pour observer la résine dorée capter la lumière des lampes, une timide chaleur revint habiter son cœur et atténuer sa peine. Elle était là, la meilleure preuve qu'il avait bien agi. Dans ce caillou jaune qui cristallisait toute l'espérance dont il s'était privé pour la donner à Sam, et alors qu'un infime rayon de lumière parvint enfin à percer rien de plus qu'un chas d'aiguille dans le voile d'obscurité qui l'avait englouti, il reçut un signe du Ciel, littéralement. Comme si sa prière avait été entendue.
- Dean.
Intérieurement, il tressaillit de tout son être. Cette voix caverneuse, il l'aurait reconnue entre mille, et le choc qu'il éprouva en l'entendant inopinément lui fit l'effet d'une décharge électrique. Des leva ses yeux emplis de larmes. Les écarquilla. Il crut à peine ce qu'il vit, mais c'était bien lui, dans son éternel imperméable froissé : debout près de la porte close, Castiel étais revenu.
- C... Cass ?
Dean se leva lentement en maintenant rivé sur l'ange un regard ébahi. Ce dernier, les traits tirés, lui adressa un léger sourire fatigué, mais avant qu'il puisse confirmer qu'il était bien là, son ami se précipita vers lui pour le serrer dans ses bras. Le chasseur, saisi par un surplus d'émotion, tut la reconnaissance éternelle qu'il lui voua de réapparaître à cet instant précis, mais ce présent n'eut pas de prix et après les épreuves traversées, c'était la seule chose à peut-être pouvoir lui mettre un peu de baume au cœur. Profitant de l'étreinte sans hâte de la rompre, Castiel avait le même ressenti.
- C'est toi, poussa Dean dans un immense soupir de soulagement en lui mouillant le col. T'es bien là, sain et sauf...
- Je vais bien, le rassura l'ange sur un ton affectueux. C'est bon de te revoir.
Ils demeurèrent enlacés un long moment, sans rien dire, puis se séparèrent. Ragaillardi malgré tout par le retour providentiel de son ami de toujours, Dean essuya rapidement ses yeux du revers de la manche avant de les planter avec chaleur et tendresse dans ceux de Castiel.
- Mais où t'étais passé ? jeta le chasseur. La peur que tu nous as fait...! On t'a appelé je ne sais combien de fois, et rien ! Ça va, t'es sûr ?
- Maintenant, oui, assura-t-il en hochant la tête. Enfermer Chaos dans sa prison a été plus difficile que prévu, mais on y est arrivé. Problème réglé. On n'en entendra plus parler.
Il ne cacha pas sa satisfaction pour ce triomphe annoncé, que Dean mit quelques secondes à intégrer.
- T'es... C'est bien vrai ? fit-il en se séchant le nez d'un coup de poignet, les yeux grands ouverts. Vous l'avez eu ? Gueule de Goudron est au trou ?
- Après l'exécution du sort, expliqua Castiel, le combat s'est poursuivi dans sa dimension. Mais bien que très affaibli, il a longtemps résisté. Les jeunes anges se sont bien battus mais ils manquent d'expérience. Je crois que je ne les ai pas soumis à un entraînement assez...
- Chaos est aux fers, c'est pas une blague ? le coupa Dean avec élan.
Il resta suspendu aux lèvres de Castiel qu'il vit acquiescer faiblement.
- Pour de bon, oui, fut-il heureux d'annoncer. Tout danger est maintenant écarté.

L'annonce produisit sur lui un effet que Dean n'avait pas prévu, en dépit de toutes les fois où il s'était imaginé voir le bout de cette énième crise, parfois en y greffant une fin heureuse, souvent en craignant une sombre issue. Il aurait dû se sentir soulagé, mais ce fut plutôt une sorte d'indifférence qui prédomina. Comme si le terme acté de ce combat qui s'était imposé à eux à bas bruit, et qui leur avait coûté très cher, n'avait plus tellement d'importance. En temps normal, il aurait harcelé son ami de questions pour connaître tous les détails. Mais le cœur de Dean tremblait bien davantage pour Sam ; battait plus fort pour Castiel dont le retour était une formidable bouffée d'air frais. Le reste glissait presque sur lui, et l'ange, constatant sa affliction, s'inquiéta d'emblée :
- Dean, à l'évidence tu es bouleversé. Qu'y a-t-il, que s'est-il passé pendant mon absence ?
Là, l'aîné des Winchester leva des yeux qui ne furent plus que détresse. Tout lui revint en mémoire comme en pleine figure et déborda aussitôt tel un flot d'eau bouillante. Dévasté, il narra pendant près d'une heure tout ce qui était arrivé. Depuis l'accident dans la grotte, dont Castiel n'avait pas pris conscience, et qui les avait emportés à des milliers de kilomètres de là, Éros et lui, jusqu'à son retour ici après avoir découvert un Sam identique dans la réalité répliquée. Et puis, la décision radicale que ces événements l'avaient amené à prendre. L'ange l'avait écouté, grave, pratiquement sans rien dire.

- Tu sais tout, soupira Dean, assis dos voûté sur le bord de son lit, aussi épuisé que s'il avait couru un marathon. Ce qui s'est passé entre Sam et moi... c'est fini.
Ces deux derniers mots s'étouffèrent dans sa gorge et il lui fut difficile d'empêcher une larme de couler de ses yeux rougis. Castiel, qui n'avait pas bougé d'un pouce pendant tout le récit, observa un long moment de silence en visant son ami d'un regard dépité.
- Je ne comprends pas, dit-il avec perplexité. Tu as fait un choix qui te rend malheureux, et je suis certain que c'est la même chose pour Sam... Pourquoi as-tu fait ça ?
Dean leva lentement la tête et braqua longuement sur lui des yeux effarés.
- T'as compris ce que je t'ai dit ? se fendit-il révolté. Les deux Sam sont une seule et même personne ! Là-bas, il a morflé mais il va s'en sortir. Eileen est là avec lui, et ils vont fonder une famille, et... ça a pu arriver parce que j'ai disparu.
Sa tête retomba au bout d'une seconde, comme si elle était soudain devenue trop lourde à porter. À deux pas de lui, Castiel arrondit les yeux d'un air scandalisé.
- Es-tu en train de dire qu'il est mieux sans toi ? Que Sam, ici, serait mieux sans toi ? Dean, ne vois tu pas l'importance que tu as pour ceux qui t'aiment ?
Castiel, étonné par la vigueur de sa propre voix, détourna les yeux un court instant. Mais sa gêne n'avait pas lieu d'être car Dean n'y avait pas prêté attention. Le regard vide, enflé de larmes pareilles à des gouttes de rosée désespérément accrochées à ses longs cils, il n'entendait que le vent d'hiver souffler dans son cœur gelé, et l'écho de la lueur d'espoir qu'il refusait de laisser s'éteindre.
- Ce que je vois c'est que sans moi, mon frère a une chance d'échapper à cette vie pourrie, se répéta-t-il l'air effondré. Mais pas si je ne mets pas de la distance.
Castiel soupira silencieusement et alla lentement s'asseoir sur une chaise, près de la porte. Il avait l'impression de n'avoir jamais vu son ami aussi malheureux, mais peut-être aussi jamais aussi décidé à tout sacrifier, et cela l'effraya.
- Je sais pas pourquoi, là-bas, je lui ai demandé de pas me ramener alors que je crevais sur cette pique, évoqua le chasseur après avoir retourné cette question cent fois dans sa tête. Peut-être que je me suis dit que Sam n'avait plus besoin de moi. Que j'ai perdu courage, ou que je pensais briser un cycle. Ou alors je me suis décidé à être humble, à accepter ce que me réservait la vie, maintenant qu'on avait tourné la page avec Chuck et ses dés pipés. J'ai pas arrêté de me demander pourquoi, Cass... Mais finalement, peu importe la raison. Ce qui compte c'est qu'au final, j'ai sûrement pris la meilleure décision pour lui.
Cette vision des choses heurta Castiel, qui se retint d'exprimer trop vivement sa désapprobation.
- Ne crois pas qu'il serait plus heureux sans toi, protesta-t-il néanmoins, comment peux-tu penser ça ? Est-ce que c'est pour ça que tu as mis un terme à votre relation ?
Les yeux de Dean, jusqu'ici perdus dans la vague, cessèrent un peu de dériver. Il secoua lourdement la tête, ses lèvres parcourues de tremblements, et soutint des trémolos dans la voix en essayant de faire preuve de courage :
- C'est un mal pour un bien. J'ai retrouvé mon frère, là-bas. Mon frère, et rien de plus. J'ai bien vu que ce qu'on est devenus l'un pour l'autre ici, à cause de ces putains de dieux, ça n'a ni sens, ni avenir. Alors, peu importe ce que ça me coûte, peu importe à quel point ça fait mal... Il faut que ça s'arrête.
Il s'étouffa une seconde dans un énième sanglot, qu'il réprima juste avant de chasser les larmes de son visage. Castiel paraissait atterré.
- J'ai pas le droit de lui faire ça, tu comprends ? gémit Dean en se tournant vers l'ange dans l'espoir de le voir lui donner raison. Pas après avoir vu le futur qui lui tend les bras. J'ai essayé de protéger Sam depuis qu'on est tout petits, ça a été ma raison d'être, je le priverai pas plus longtemps d'une chance de vivre sa vie. Il a assez donné pendant ces quinze ans où il a replongé par ma faute. Il avait tout fait pour avoir une vie normale, et je suis allé le chercher. Je referai pas cette erreur. C'est à moi de lui rendre sa liberté.
La portée de ce à quoi son ami renonçait sciemment apparut alors clairement à l'agent du Ciel. Tout au long de la crise dont ils sortaient enfin, Castiel n'avait pas réellement saisi à quel point les frères Winchester avaient été affectés par l'influence des Érotes, mais il en eut à présent une idée précise tant les sentiments qui déchiraient le cœur de Dean étaient limpides.
- Tu te trompes, tenta-t-il de lui démontrer avec l'unique souci d'atténuer son désespoir. Ton frère n'a pas subi la vie que vous avez menée, comme tu as l'air de le croire. Il a eu maintes occasions de retourner à son ancienne existence, mais il a fait le choix de rester à tes côtés.
- Et pour quoi, au final ? répliqua Dean en jetant à nouveau vers lui un regard perdu. Qu'est-ce qu'il a à gagner à me faire passer avant le reste ?
- C'est la même chose pour toi, asséna l'ange. il est ta priorité.
- Justement. C'est pour ça que je veux qu'il saisisse cette chance d'être heureux. Eileen est la personne dont il a vraiment besoin, c'est lui-même qui me l'a dit. Mais elle ne sera pas toujours là. Et si demain je meurs pour de bon... pas question qu'il finisse sa vie tout seul.
Il renifla, mâchoires crispées, puis se leva pour faire un pas en avant, le regard vague. Castiel eut le sentiment qu'il avait perdu toute envie de se battre, si ce n'était l'envie de vivre elle-même.
- Qu'est-ce que tu as derrière la tête ? sonda-t-il avec une sévérité relative mais réelle et volontaire, destinée à le mettre implicitement en garde contre une décision inconsidérée. Est-ce que tu envisages de disparaître et de laisser Sam ici aussi ?
L'éventualité, sinon la tentation, avait tant trotté dans sa tête que Dean ne fut guère surpris de l'entendre, même dans la bouche d'un autre. Mais il n'envisageait plus d'aller jusque-là. La douleur de l'autre Sam était trop vive à sa mémoire, et il serra l'ambre plus fort au creux de sa main.
- Je sais pas si j'aurai la force de l'abandonner de mon plein gré, fit-il confidence d'une manière que Castiel trouva aussi inquiétante qu'ambiguë. Mais je me dis qu'il aurait ptet mieux valu pour tout le monde que je reste là-bas.
Castiel accueillit ce vœu avec rejet. Il se leva de sa chaise et enjoignit avec force :
- Dean, tu déraisonnes. Tu dois le lui dire. Lui expliquer ta décision.
- Non ! s'écria Dean en lui jetant tout à coup un regard épouvanté. S'il apprend pourquoi je fais ça il ne l'acceptera pas. Castiel ! Ce que j'ai vu de sa vie là-bas, et le fait-même que je l'aie vu, jamais il ne doit être mis au courant. Jure-le moi ! Je t'en prie, tu dois me jurer que tu lui diras rien de ce que je t'ai raconté.
Castiel avait eu peu d'occasions de lire une telle frayeur dans les yeux de son ami, qui resta dans la fébrile attente d'une réponse. Il ne plut guère à l'ange de se faire complice d'une entreprise qui ne pouvait que rendre ses deux camarades malheureux, mais il eut moins le cœur encore d'ajouter aux tourments qui submergeaient déjà son plus proche compagnon. L'air grave et ennuyé, il soupira, puis cédant à sa propre faiblesse, il promit sans enthousiasme :
- Ce n'est pas à moi de le lui dire. Je respecterai ton choix mais je t'implore de réfléchir. Je pense que tu commets une erreur.
Un mélange de soulagement et de reconnaissance défigea les traits de Dean, qui se remit à respirer. Mais alors que ses larmes se remirent à couler, il réalisa que même si se confier à Castiel lui avait fait un peu de bien, il resterait seul à saisir la nécessité de ses actes.
- Tu ne peux pas comprendre, regretta-t-il en se retournant tout en séchant encore ses yeux rouges. Mais merci, Cass. Merci.
Ce dernier demeura un instant circonspect. Il ne tint pas rigueur à Dean de ses propos hâtifs mais, dans l'intérêt de ce dernier, essaya de lui démontrer que tout ange qu'il était, son jugement méritait peut-être d'être considéré.
- Tu penses que je ne peux pas comprendre qu'on puisse éprouver un amour tel qu'on soit prêt à tous les sacrifices ? posa-t-il humblement.
Le cœur du chasseur manqua un battement et, son cou rougissant de honte, il tourna lentement un regard penaud dans sa direction. Ils n'en avaient jamais reparlé. Mais Dean sut presque tout de suite, sans l'ombre du moindre doute, à quoi Castiel faisait référence. Et il fut mortifié d'avoir pensé - et peut-être même espéré - que l'ange ait pu oublier ce qu'il lui en avait coûté d'avoir obtenu le salut des siens par le pacte inique conclu avec Néant.
- Je sais que tu penses que depuis mon retour, j'ai perdu un peu de l'humanité que j'ai acquise à votre contact au cours de toutes ces années, confia Castiel avec indulgence, égard et respect en confirmant l'intuition de Dean. Mais c'est faux. Jack m'a ramené, et la mission qu'il m'a confiée m'accapare pleinement, c'est exact, mais je suis le même que celui qui t'a dit adieu.
La gorge de Dean devint plus étroite et, stoïque, il ne put détacher ses yeux mouillés de son ami, qui avança d'un pas.
- Je comprends ce que tu ressens, reprit-il avec modestie. Et je peux t'affirmer que pour Sam, ça n'aurait pas de sens ici, sans toi. Je le sais parce que je sais bien l'amour qu'il te porte.
Castiel s'interrompit pour retenir des mots qu'il avait déjà prononcés et qu'il pensa inutiles de répéter. Il ne l'avait jamais fait depuis sa résurrection et était convaincu que le moment présent s'y prêtait moins que jamais. Il baissa les yeux un instant, mais encouragé par le silence que Dean, troublé, fit durer, il osa déclarer en relevant la tête :
- Ce que je veux dire c'est que tu es essentiel pour ceux qui tiennent à toi. Et j'en fais partie. Alors... si demain, être là, près de Sam, te semble trop difficile, je serai là près de toi pour te soutenir.
Dean aurait presque été content d'avoir les yeux embués de larmes car ainsi elles noyèrent l'émotion que suscitèrent les propos de Castiel. Il eut envie d'aller l'étreindre mais s'en retint au dernier moment, préférant d'instinct se fendre d'un sarcasme qu'il voulut innocent.
- Heureusement que t'es là, remercia-t-il en essuyant de nouveau son nez d'un air empâté. Au moins ici, t'as pas plié bagage.
Castiel hésita à répondre. Mais la spontanéité et la sincérité de l'ange, conjuguées à sa tendresse envers Dean, parlèrent pour lui.
- Tu dis que là-bas, les anges se sont retirés au Paradis, souleva-t-il d'une voix moins assurée. Que j'ai fait mes adieux à Sam et que je n'ai pas répondu à tes appels. Ça ne me surprend pas. Car même si j'aime Sam profondément, je ne crois pas que je resterais tourné vers une Terre où tu n'es plus. Après tout... si ton âme avait rejoint le Paradis, quelle raison aurais-je d'en partir ?
Sa dernière phrase avait été à peine audible, mais Dean en avait toutefois entendu chaque mot, perçu chaque son, ressenti chaque inflexion, et le sens qu'elle revêtait ne fit pas le moindre doute. Castiel se souvenait de tout. Absolument tout. De leurs adieux, des circonstances dans lesquelles ils s'étaient produits, et de ses sentiments. Gauche, le chasseur ne sur trouver ni les mots ni l'attitude, et bredouilla après un temps indéfini :
- Cass, je...
- Désolé, je parle pour ne rien dire, le coupa aussitôt l'ange en affectant le plein aplomb. Mais crois-moi quand je te dis que partir serait la pire décision que tu puisses prendre. Pour nous tous.
Dean le fixa longtemps d'un regard transparent, désarmé, et lorsqu'enfin il hocha la tête en détournant les yeux, Castiel sut que même de façon dérisoire, il l'avait aidé. Il hésita un court moment sur quoi lui dire désormais, et convint simplement de l'écouter. Mais l'aîné des Winchester parut retourner se perdre dans ses pensées dont il ne sembla nonobstant plus l'esclave. Castiel comprit et préféra le laisser en paix, se contentant seulement d'ajouter :
- Je vais aller prévenir Sam que tout est terminé avec Chaos. Ne t'inquiète pas, je ne lui dirai rien à propos de ce que tu viens de me confier, tu as ma parole.
Le regard effrayé que lui avait soudain lancé le chasseur s'apaisa un peu. Castiel s'attarda quelques secondes, au cas où son ami voulût lui dire autre chose, mais celui-ci se tut et alla juste se rasseoir sur son lit, comme exténué.
- Appelle-moi, que tu en aies besoin ou juste envie, offrit Castiel.

Et le bruissement de son trench-coat trahissant son départ, il disparut en un battement de cils. Dean finit par poser le regard à l'endroit où son ami s'était tenu un instant plus tôt et s'en voulut de ne pas avoir su lui dire combien il était heureux de le savoir vivant, et à quel point son soutien comptait à ses yeux. Mais Sam était tout ce qu'il avait à l'esprit. La seule personne au monde à présentement pouvoir guider ses actes et ses pensées, et pour lui, il avait sans doute réellement envisagé de disparaître de sa vie. Il était revenu sur cette idée. Parce que la peine immense de son frère, sans lui, lui avait brisé le cœur, et aussi parce qu'il savait que Castiel avait raison : abandonner les siens ne ferait qu'ajouter du malheur au malheur. S'il fallait aux Winchester réapprendre à vivre rien qu'en frères, comme Dean les y condamnait, c'était ensemble, côte à côte, qu'ils devraient y parvenir.
Restait pour Dean à savoir si Sam était capable de l'accepter, alors qu'il se sentit bien mal et également un peu coupable d'être à l'origine des sentiments que l'ange nourrissait toujours à son égard. Car contrairement à ce dont il avait fini par se persuader avec plus ou moins de conviction au fil des derniers mois, il ne pouvait dorénavant plus nier que ces sentiments, auxquels il avait cru n'avoir jamais l'occasion de répondre, n'avaient pas disparu.