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POMME ET DEPRAVATION
CHAPITRE 3
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Drago avait attendu qu'elle s'endorme entre ses bras pour s'autoriser à se fustiger mentalement. Il n'avait pas fermé l'œil de la nuit, se repassant en boucle ce moment d'extase où le visage d'une autre s'était imposé à lui. Et puis, au petit matin, il était allé lui chercher le petit déjeuner, lui avait expliqué qu'elle était absolument parfaite et lui un sombre crétin.
Iris était bien trop rafinée pour faire un esclandre, hochant simplement la tête, posant une main sur la sienne en lui souhaitant de trouver la paix avec lui-même.
Il était arrivé en retard à son premiers cours de la journée, avait laissé un Poufsouffle faire exploser sa potion et avait passé le reste de la matinée à nettoyer les dégâts.
Et puis, la semaine avait repris son cours. Drago avait opté pour la technique de l'autruche, mettant son trouble sur le compte d'une opportunité gâchée avec une femme idéale. Il s'était contraint à éloigner toutes pensées lubriques de son esprit et avait recommencé à l'appeler Weasley, laissant Rose et ses effluves de pomme au passé.
Tout ça n'était que passager, Drago en était certain, et son cours particulier allait commencer. Guettant sa montre, il fut bouleversé de nouveau. Elle serait là dans quelques instants et son esprit qui l'avait plus ou moins préservé jusqu'ici se remettait à tourner en boucle. Alors, il s'activa, tentant vainement de planifier son cours plutôt que de penser à son élève, se forçant à croire que tout ça ne s'était jamais produit, que tout était le fruit d'un rêve bizarre qu'il l'avait mis mal à l'aise.
A 14h30, la paillasse de Weasley était déjà prête. Les ingrédients pour la potion du jour soigneusement disposés à côté du chaudron en cuivre n'attendaient plus qu'eux.
A 14h45, Drago se leva de sa chaise. Elle ne devait plus tarder. Weasley n'était jamais en retard. Peut-être était-ce même là une de ses uniques qualités. Mais pourquoi était-il aussi nerveux, puisque rien ne s'était jamais passé ?
15h03.
Drago tournait en rond dans sa salle de potion depuis une bonne dizaine de minutes déjà. Il aurait pu trouver de quoi s'occuper, corriger quelques copies, mettre à jour ses notes pour son prochain cours mais il n'arrivait plus à se concentrer.
15h07.
Toujours aucune trace de Weasley. Peut-être devait-il finalement admettre qu'une partie des événements s'étaient produits ? Peut-être était-il temps d'affronter la réalité. Il l'avait serré dans ses bras, il avait reniflé ses cheveux, imaginé le goût de ses lèvres et plus encore…
Drago était un porc.
Se pourrait-il qu'elle aussi ait trouvé son attitude inconvenante ? Peut-être préférait-elle mettre un terme à leurs leçons particulières ? Cela aurait été une sage décision. Drago lui-même avait hésité à annuler le cours. Mais cela aurait rendu la chose plus concrète. Pourquoi mettre un terme à quelque chose lorsqu'on refuse tout bonnement d'accepter l'indicible ?
Non, c'était impossible à admettre. Il devait y avoir une autre explication. Drago avait eu peur. Il avait protégé son élève puis l'avait réconfortée. Ensuite, il avait fait un mauvais rêve où une femme charmante s'était métamorphosée en cette gamine qui lui pourrisait l'existance. Oui, voilà ce qui s'était passé. C'était certes étrange, un peu maladroit mais il n'y avait pas de quoi en faire toute une histoire.
Alors pourquoi n'arrivait-elle toujours pas ?
Il commençait à désespérer, se disant que, peut-être, mieux valait ranger la paillasse. Après quinze minutes de retard, elle ne viendrait plus. Il aurait dû être soulagé. Une journée de moins à affronter cette adolescente insupportable en tête à tête. Mais si Drago pouvait parader en public l'air serein et tenter de donner le change, il ne pouvait se mentir bien longtemps. Au fond, il avait pris goût à ces rencontres. Au fond, il appréciait cette jeune fille, sa spontanéité, sa soif de connaissance, son désir de perfectionnement. Il l'appréciait en tant qu'élève, c'était tout ce qu'elle était et qu'elle demeurerait.
Et puis, alors qu'il avait perdu tout espoir, la porte s'ouvrit subitement, dans un fracas. Sursautant presque, il se retourna pour trouver une Miss Weasley en sueur, les joues rougies, les cheveux plus emmêlés que jamais. Et Drago, en une seconde, décréta qu'il reviendrait ce professeur froid et exigeant qu'il avait toujours été.
- Je suis désolée Professeur, je n'ai pas vu l'heure, s'excusa-t-elle à bout de souffle.
- Je ne vous attendais plus, Miss Weasley. Encore quelques secondes et vous auriez trouvé cette salle complètement vide.
- J'étais à la bibliothèque je… je voulais terminer quelque chose avant de venir. Le temps est passé si vite et, quand j'ai regardé ma montre, l'heure était déjà bien avancée.
- Si ces leçons vous demandent trop de travail et empiètent sur vos autres cours, nous ferions peut-être bien d'y mettre un terme.
- Non ! s'exclama-t-elle, un peu plus fort qu'elle ne l'aurait dû.
Son teint vira au rouge et, bredouillante, elle sortit un long parchemin de son sac.
- C'est le devoir. Celui qui ne valait pas mieux qu'un Troll. Je l'ai refait.
- J'avais déjà annulé votre note, Miss Weasley.
- Je sais, mais ce n'était pas juste. Ça m'a pris un peu de temps et ce délai comptera sûrement dans ma note mais, tant pis, je voulais tout de même vous remettre quelque chose de convenable. Enfin, j'espère.
Drago hocha la tête, attrapa le parchemin, le déposa sur son bureau et se retourna vers elle.
- Mettons nous au travail, déclara-t-il en désignant le chaudron du bout du menton.
- Très bien, Professeur. Quelle est la potion du jour ?
- Une potion de vieillissement.
Elle semblait déçue en l'entendant mais ne fit aucun commentaire. Elle attrapa un élastique qui compressait son poignet et noua ses cheveux sommairement. Il admira la grâce de ses mains agrippant sa chevelure, l'érotisme de sa nuque, mise à nue devant lui et se retint de ne pas se donner une gifle. Wesley ne bougeait plus, le regardant sans émettre le moindre mouvement.
- Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
Avait-il laissé transparaître son trouble ? Avait-elle remarqué que ses yeux lubriques s'étaient trop longuement posés sur elle ?
Qu'est-ce qu'elle pouvait être stupide quand elle voulait.
- Je me disais simplement que… et bien, nous n'avions pas terminé le veritaserum.
Drago pinça les lèvres, dissimulant un petit sourire amusé.
- L'explosion de la semaine dernière ne vous a pas suffit ? Je vous savais étourdie, Weasley, mais pas pyromane.
Elle gloussa et Drago ne put s'empêcher de laisser naître un sourire. Il devait se ressaisir, contrôler son visage et demeurer neutre. Et puis, miraculeusement, elle l'aida à reprendre ce rôle.
- Sauf votre respect, Professeur, je ne suis pas certaine d'être totalement responsable de cette explosion.
Le visage de Drago se ferma. Mais pour qui se prenait-elle, à la fin ? Weasley, elle, affichait un petit sourire mutin, un air de petite fille sage qui sait pertinemment qu'elle a dépassé les limites.
Et puis, la respiration de Drago se bloqua. Une sensation étrange lui rongea les entrailles comme si, soudainement, il pouvait sentir chaque goutte de sang ruisseler entre ses veines. Comme si son estomac rebondissait, comme si tous ses organes cherchaient à fuir la chaleur réconfortante de son corps.
Non, cela ne pouvait pas recommencer. Pas encore. Pas avec elle.
Il secoua la tête, tentant de reprendre ses esprits et leva les bras en l'air en retournant s'asseoir à son bureau.
- Faîtes comme bon vous semble, Weasley.
Il attrapa un parchemin pris au hasard, fit semblant de le lire et ne releva plus le regard vers elle. Son cœur battait la chamade, son souffle avait du mal à sortir correctement de ses poumons. Drago était en sueur.
- Vous n'allez pas m'aider ? demanda-t-elle finalement, partagée entre la surprise et la déception.
Drago ferma les yeux, rien qu'une seconde. Bien sûr qu'il allait l'aider. Il ne pouvait pas décemment lui donner des cours particuliers en restant assis derrière son bureau. Et puis, s'il ne bougeait pas, c'était la catastrophe assurée. Alors, se promettant de rester à bonne distance et de ne pas quitter la potion des yeux, il finit par hocher la tête et se leva.
Le visage de Weasley s'était illuminé, rayonnant d'impatience. Elle sautilla presque en allant chercher les ingrédients, n'émit pas la moindre plainte en dénervant la langue de Murlap et alla même jusqu'à lui jeter une œillade de défi lorsqu'elle ajouta le dernier nerf dans la préparation.
Drago tenta de l'ignorer, de ne pas laisser ses lèvres muter dans cette ignoble grimace qu'on osait nommer sourire. Ce fut un lamentable échec. Elle gloussa et Drago sourit de plus belle. Il se détestait.
Comme par miracle, elle parvint au bout de la préparation. Ce sérum ne devait pas valoir grand chose mais le simple fait qu'elle parvienne à exécuter les étapes restait très impressionnant.
- On teste ? demanda-t-elle, reprenant son air sage qui fit chavirer Drago.
- Vous me semblez bien sûre de vous, Weasley. Vous êtes parvenue à terminer la potion mais rien n'indique qu'elle est réussie pour autant.
- C'est pourquoi il faut la tester.
Drago leva les yeux au ciel. Cette gamine était une insupportable entêtée.
- Donnez-moi ça, dit-il en agitant les doigts vers elle.
Lorsqu'elle frôla ses doigts, lui remettant la fiole, Drago sentit un courant électrique le traverser.
C'était une mauvaise idée. Une horrible idée. Et si seulement la potion fonctionnait ? S'il se mettait à formuler, à voix haute, toutes ces pensées qu'il tentait d'enfouir au fond de lui ? S'il lui révélait brusquement les détails de sa soirée avec Iris ?
Alors, sage ou plutôt prudent, il se contenta d'inscrire le nom de la potion, de son auteure et la date du jour sur la fiole.
- Ce sera tout pour aujourd'hui, Weasley.
- On se revoit après les vacances ? demanda-t-elle, toujours aussi souriante.
Drago hocha la tête, se disant qu'il avait bien besoin de deux semaines de répit pour mettre un peu d'ordre dans ses pensées, pour prendre du recul et remettre en question sa propre intégrité.
Mais le sort en décida autrement. Scorpius était venu le voir, dans le Poudlard Express qui les ramenait tous les deux à la maison. Le wagon professoral était normalement interdit aux élèves. Encore un privilège que Drago lui accordait.
- S'il te plait, avait-il supplié, son yeux de cockers mis en avant.
- Et pourquoi c'est toujours à moi d'héberger ? avait soupiré Drago. Je passe plus de temps avec ces gosses que tous leurs parents réunis et je dois encore me les coltiner pendant les vacances ? Il ne leur arrive jamais d'avoir envie de les voir ?
- On serait bien allé chez Albus mais son père n'a pas aussi bien pris la nouvelle que nous l'avions espéré…
- Potter est un tocard.
Scorpius leva les yeux au ciel.
- Il a juste besoin de temps. Il ne s'attendait pas à ça. Il n'est pas contre, mais il n'est pas encore prêt à nous voir nous balader main dans la main, son fils et moi.
- Ah parce qu'en plus je vais devoir vous voir vous balader main dans la main, moi ?
Scorpius lui décrocha un sourire irrésistible, un sourire qui lui avait toujours permis d'ouvrir toutes les portes, et plus particulièrement celles de Drago Malefoy.
- C'est bon, maugréa-t-il en acceptant malgré tout.
- Merci papa ! s'exclama Scorpius, radieux. Albus et Rose vont être fous de joie, dit-il en ouvrant la porte du compartiment.
- Attends, Weasley aussi ?
Mais Scorpius avançait déjà dans le couloir, ignorant volontairement la question de son père.
Son fils allait avoir sa peau.
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- C'est quoi ce truc ? demanda Scorpius.
Drago était confortablement installé devant la cheminée. Un livre à la main, il feuilletait distraitement les pages, tentant sans grande réussite d'ignorer les voix qui braillaient à l'étage.
Il releva les yeux pour regarder son fils, ferma son livre et prit un air sérieux.
- Ça s'appelle des préservatifs.
- Ça ne m'avance pas beaucoup.
Drago réprima un rire. Il se souvenait de sa propre réaction, la première fois qu'il avait passé la nuit avec une moldue.
- Potter et toi n'avez pas encore dix-sept ans alors il est hors de question d'utiliser la magie à la maison. Je peux compenser quand il est question d'allumer le feu ou de soulever un truc plus lourd que vous mais pour ça, ne comptez pas sur moi.
- Je ne vois vraiment pas où tu veux en venir, papa.
- Ça sert à vous protéger. Tu le mets ou… ou lui enfin bon, ça je ne veux pas le savoir. Vous le mettez tous les deux, voilà, c'est mieux. Avant de… et bien, voilà quoi.
Scorpius sembla comprendre. Ses joues virèrent brusquement au rouge et ses yeux s'exorbitèrent. Si Drago n'avait pas été aussi mal à l'aise, il aurait explosé de rire.
- Attends, tu veux dire que… ça remplace les potions et les sortilèges pour… ?
Drago hocha la tête.
- Je sais bien que tu ne risques pas de le mettre enceinte, ne me regarde pas avec cet air ahuri. Mais ce n'est pas pour autant que vous ne devez pas vous protéger. Je ne sais pas où Potter est allé traîner avant toi et je ne veux pas le savoir. Donc vous mettez ça et on en parle plus. Et par pitié, descends toi-même ta poubelle. Je n'ai aucune envie d'expliquer à notre elfe ce que c'est que ce truc.
- Heu… d'accord et bien… merci ?
- C'est ça, répondit Drago, chassant son fils à grand renfort de gestes dans le vent.
La paternité avait eu du bon pour Drago. En quelques secondes, il avait mûri, prenant conscience que l'avenir tout entier d'un petit être dépendait de lui. Alors, il avait mis tous ses préjugés, ses anciennes convictions et sa propre éducation de côté pour tenter d'offrir à Scorpius ce qu'il y avait de mieux. A voir son fils grandir de jour en jour, devenir peu à peu un beau jeune homme, conscient de ses actes, respectueux des autres et de lui-même, Drago avait l'impression de ne pas s'en être trop mal sorti.
Il reprit sa lecture mais n'eut pas le temps de tourner trois pages que de nouveau, des pas se firent entendre dans l'escalier. Il voulait bien être progressiste, parler de contraception et de méthodes moldues à son fils, mais qu'il ne compte pas sur lui pour lui faire une démonstration sur une banane. Il ne fallait pas pousser.
Soupirant, il releva la tête, s'attendant à devoir de nouveau répondre à des questions gênantes quand son visage se ferma. Elle était là. Debout, dans son salon, les mains nouées entre elles et le visage légèrement penché. Elle le regardait, l'air timide. Drago, avachi dans son fauteuil, se redressa immédiatement. Il épousseta sa veste, pour se donner contenance, et alla même jusqu'à se racler la gorge.
- Je suis désolée de vous déranger, dit-elle avec une moue irrésistible.
Insupportable. Sa moue n'était rien d'autre qu'insupportable. Weasley toute entière l'était et il ne pouvait en être autrement.
- Oui ? demanda Drago, grinçant.
- Albus et Scorpius parlent d'aller faire une balade en balais, ce soir, vous voyez.
- Et alors ? insista-t-il, perdant visiblement patience.
- Et bien, je me disais que je pourrais leur laisser un peu d'intimité. Je suis toujours avec eux mais peut-être ont-ils besoin de se laisser du temps, en tant que couple.
Alors elle avait enfin remarqué que sa constante présence était irritante. Peut-être finirait-elle par comprendre que lui non plus n'avait plus vraiment envie qu'elle l'approche.
- Tu veux que je te ramène chez toi ?
Weasley sursauta. Peut-être parce qu'il l'avait tutoyé, ou parce que sa voix était soudainement devenue rauque. Il ne savait pas vraiment pourquoi il avait fait ça. Entre les murs de Poudlard, la question ne se posait pas, c'était une élève, il la vouvoyait systématiquement. Ici, dans sa propre maison, elle était simplement l'amie de son fils. Une gosse de dix-sept ans qui traînait chez lui, embaumant toute sa maison de sa foutue odeur de pomme.
- Non, je me disais qu'on pourrait peut-être en profiter pour essayer de préparer une nouvelle potion ?
Drago soupira. Lourdement, de manière si sonore qu'elle eut un mouvement de recul.
- Non je… désolée de vous avoir dérangé je… je vais rentrer chez moi. Je transplanerai, pas la peine de vous déranger.
Drago leva les yeux au ciel.
- Pour que tu te désartibules avant d'arriver chez toi ? Hors de question. Si ta mère apprend que je t'ai laissé transplaner sans permis, je ne donne pas cher de ma peau.
- J'ai mon permis depuis un an, vous savez.
- Vraiment ?
- Oui. J'ai bientôt dix-huit ans.
Alors comme ça, Weasley était plus âgée que son fils. Il l'apprenait. Il ne sut pourquoi, cette nouvelle lui caressa la peau comme une douce brise. Bien que cela ne change pas grand-chose à son quotidien. Elle restait son insupportable élève.
- Je passe dire au revoir aux garçons et je m'en vais.
Elle n'avait pas monté la première marche de l'escalier que la voix sombre de Drago se mit à résonner.
- Rejoignez-moi à neuf heures, dans le hall. Et mettez quelque chose de chaud. Je dois déjà me coltiner les microbes de tout le monde toute l'année, hors de question que vous rameniez un rhume jusque chez moi.
Et tout à coup, elle redevenait son élève. Pour autant, son sourire ne manqua pas de lui contracter l'estomac. Drago inspira lourdement, refusant catégoriquement de ressentir de nouveau cette étrange sensation. Elle finit par hocher la tête, reprit sa marche dans les escaliers et Drago songea à se crever les yeux pour avoir osé admirer sa démarche chaloupée jusqu'au palier.
- Les caprices de Niffleur sont des plantes extrêmement rares et particulièrement difficiles à attraper. J'ai repéré quelques bourgeons dans le parc, pendant les dernières vacances. Je pense qu'elles sont désormais en fleurs.
Weasley enroula son écharpe encore une fois autour de son cou. Elle semblait avoir pris sa remarque de toute à l'heure au pied de la lettre. Drago s'en amusa mais ne fit aucun commentaire. Il ouvrit la porte d'entrée, la précéda et referma derrière elle.
De son coin de l'œil, il la vit sortir sa baguette pour les éclairer tous les deux. Drago posa sa main sur la sienne. Ses doigts étaient chauds d'avoir été longuement nichés dans ses poches. Ignorant le sang qui battait contre sa tempe, Drago la fit baisser sa baguette, se tournant vers elle.
- Nous allons devoir nous contenter de la lune, ce soir, expliqua-t-il. Les pétales de caprices fanent au contact de la magie.
- A quoi ressemble cette plante ? demanda-t-elle, apparemment passionnée par le sujet.
- Elle n'a rien de vraiment remarquable, une tige banale, des herbes prolifiques tout autour. Elle est particulièrement anodine, à l'exception de ses pétales qui ont une jolie couleur cuivrée. Elle pousse dans les bosquets, nous n'aurons pas à aller bien loin pour la repérer, la lune se reflétera sur ses feuilles.
- Devrons-nous les cueillir à la main ?
- Absolument. Et être le plus silencieux possible. Les caprices portent bien leur nom, au moindre bruissement, elles se dessèchent et ne sont plus d'aucune utilité.
Voilà qui l'arrangeait bien. Si elle demeurait silencieuse, à peine visible dans la nuit tombée, Drago devrait pouvoir s'accommoder de sa présence. Ils avancèrent à pas de loup dans le parc du manoir. Il la devançait d'un demi-pas et elle semblait se calquer sur ses gestes, attentive.
Et puis, sans prévenir, elle déposa sa main sur son épaule. Drago sursauta. La chaleur du contact l'envahit, transperçant les couches de laine pour se déposer délicatement sur sa peau. Weasley pointait du doigt un bosquet. Elle venait de repérer un caprice.
- Bien joué, Weasley.
A son tour, elle sursauta. Drago venait de lui montrer l'étendue de ses talents de légilimens. Il lui accorda un petit sourire en coin, se délectant du regard captivée qu'elle posait sur lui.
Ils avancèrent, plus doucement encore. Arrivés devant la plante, ils se mirent à genoux. Drago prit le temps de l'examiner, vérifiant qu'elle n'était pas trop jeune pour être cueillie. Il se tourna vers Weasley et comprit rapidement l'ironie de la situation. Sans laisser une chance à ses pensées de vagabonder, il lui fit signe d'approcher. Elle dû se coller à lui pour ne pas masquer la lueur de la lune. Drago serra les dents pour ne pas frissonner, posa avec délicatesse ses longs doigts fins à la base de la plante. Il les fit rouler sur la tige, comme pour apaiser la fleur. Et puis, brusquement, il resserra sa poigne, contraint la tige entre deux de ses doigts et l'arracha du sol. Elle était venue sans résistance, se laissant convaincre par son apparente expérience et sa prétendue douceur.
Weasley lui décrocha un sourire qui valait des millions. Drago resta de marbre, il devait se préserver.
Ils en trouvèrent trois autres avant qu'elle ne lui demande d'essayer, du bout des lèvres, dans un murmure contre son oreille qui lui chatouilla les sens.
Elle l'avait observé les fois précédentes et se sentait prête. Mais quand elle déposa ses doigts sur la tige, la fleur se mit à se débattre. Weasley commençait à paniquer, jetant des regards de détresse à son professeur. Alors, Drago dû se résoudre à joindre ses mains aux siennes. Encore une fois. Les joues de Rose devinrent roses et la fleur docile. La caresse qu'il donnait à la plante n'avait d'égale que celle qu'il infligeait aux doigts rafraîchis de son élève. Le caprice était redevenu sage et Drago n'avait plus de raison de continuer à la cajoler. Alors, il resserra sa main autour de celle de Weasley, tira fermement et finit par lui offrir la fleur.
Elle lui sourit, timidement, du bout des lèvres. Elle tendit les mains pour attraper le caprice et Drago ne bougea pas. Ni quand elle avança vers lui, ni quand elle posa sa main sur la sienne. Il ne bougea pas quand elle noua ses doigts au sien, ni quand elle s'approcha de lui. Il ne bougea pas quand elle ouvrit subrepticement les lèvres, ni quand elle commença à mordiller la fine peau qui les recouvrait. Il ne bougea pas quand elle planta ses yeux dans les siens mais mit fin au contact quand elle mima un merci, son souffle chaud venant buter jusqu'à son visage.
Pourquoi gardait-il sa main dans la sienne alors qu'ils rentraient tous les deux au manoir ? Pourquoi la laissa-t-il l'accompagner jusqu'à son laboratoire pour consigner les échantillons de plantes ? Pourquoi ne lui fit-il aucune remarque quand elle posa son menton sur son épaule, regardant au-dessus de lui ses mains habiles déflorer les pistilles ?
Elle était si proche de lui quand il se retourna que c'en devenait indécent. D'ici, Drago pouvait compter chaque tache de rousseur qui colorait sa peau. Il remarqua le petit grain de beauté qui se frayait un chemin jusqu'à son iris, le bout retroussé de son nez qui venait chatouiller le sien, la douceur de ses lèvres quand elle les déposa sur sa joue.
- Merci Drago, souffla-t-elle à son oreille, avant de s'évaporer dans la nuit.
Il resta dans son laboratoire, sans bouger, pendant une éternité. Il n'osait cligner des yeux, de peur de voir ce souvenir enchanteur s'envoler avec elle. Il n'osait porter sa main à sa joue, de peur de rendre cet acte réel.
Rose Weasley devait rentrer chez elle.
