Mes petits chats,

Je vous propose aujourd'hui la suite de "L'homme de la plage" où Steve/Chris, Bucky et Sandy vont passer un petit week-end à Ruth Lake (c'est en tout cas la première partie car un week-end, c'est long :))

C'est un peu plus léger, un peu plus amoureux aussi parce que quand on part de chez soi, les choses changent parfois plus facilement.

Je vous laisse en leur compagnie, j'espère que vous passerez un bon moment.

Je vous dis à bientôt pour la suite,

ChatonLakmé

Erratum du 01/03/24 : J'ai fais une erreur en découpant cette partie et la suivante. Le chapitre suivant a donc été augmenté de quelques pages en bas de partie.


KMUD est une station radio locale dont le siège est installé à Garberville. Ses ondes desservent notamment le comté d'Humboldt.

Le trichor désigne un liquide huileux sécrété par les certaines plantes et absorbé par les sols poreux tel que l'argile. Lors de pluie, cette huile se décompose en particules volatiles avec une odeur très particulière de terre mouillée et de végétaux en décomposition.

Fir Trees Estate peut-être traduit par « Domaine des sapins ».

Légendes d'automne est un drame historique et romantique américain sorti en 1994 avec Brad Pitt et Anthony Hopkins. Il raconte l'histoire de la famille Ludlow dans le Montana au début du XXème siècle et de l'amour des trois fils de la famille pour la même femme.

Newport Beach est une célèbre station balnéaire proche de Los Angeles, plutôt haut de gamme.

Aspen est une ville du Colorado réputé pour ses sports d'hiver. Elle attire une clientèle huppée et très fortunée.

Le BIM (Building Information Modeling) désigne des logiciels dédiés à la réalisation de bâti immobilier modélisé de manière numérique.

ED (United States Department of Education, souvent abrégé) est le département de l'administration fédérale américaine en charge de la politique en matière d'éducation. Sa mission est de promouvoir la réussite scolaire et de préparer la réussite des élèves dans un environnement devenu très concurrentiel à l'échelle mondiale en favorisant un enseignement de haute qualité, accessible à tous. Il fixe les priorités nationales en matière d'éducation. Aux Etats-Unis, l'administration de l'enseignement relève toutefois des prérogatives de chaque Etats. Le ED n'a qu'un rôle de soutien.

Guerre et Paix est un des chefs d'œuvre de la littérature russe. Ecrit par Léon Tolstoï et publié entre 1865 et 1869, ce roman historique et romantique se déroule à Saint-Pétersbourg à la fin des années 1810. Il décrit notamment les dernières guerres napoléoniennes contre l'empire russe. Guerre et Paix a été plusieurs fois adapté au cinéma et pour la télévision, notamment en 1956 dans une version condensée avec Audrey Hepburn, récompensé en 1957 par le Golden Globe du meilleur film étranger.

Le sindarin (ou gris-elfique) est une des langues imaginaires conçue par le romancier et philologue anglais J. R. Tolkien, parlée dans le monde imaginaire de la Terre du Milieu.


KMUD est une station radio locale dont le siège est installé à Garberville. Ses ondes desservent notamment le comté d'Humboldt.

Le pétrichor désigne un liquide huileux sécrété par les certaines plantes et absorbé par les sols poreux tel que l'argile. Lors de pluie, cette huile se décompose en particules volatiles avec une odeur très particulière de terre mouillée et de végétaux en décomposition.

Fir Trees Estate peut-être traduit par « Domaine des sapins ».

Légendes d'automne est un drame historique et romantique américain sorti en 1994 avec Brad Pitt et Anthony Hopkins. Il raconte l'histoire de la famille Ludlow dans le Montana au début du XXème siècle et de l'amour des trois fils de la famille pour la même femme.

Newport Beach est une célèbre station balnéaire proche de Los Angeles, plutôt haut de gamme.

Aspen est une ville du Colorado réputé pour ses sports d'hiver. Elle attire une clientèle huppée et très fortunée.

Le BIM (Building Information Modeling) désigne des logiciels dédiés à la réalisation de bâti immobilier modélisé de manière numérique.

ED (United States Department of Education, souvent abrégé) est le département de l'administration fédérale américaine en charge de la politique en matière d'éducation. Sa mission est de promouvoir la réussite scolaire et de préparer leur réussite dans un environnement concurrentiel à l'échelle mondiale en favorisant un enseignement de haute qualité, accessible à tous. Il fixe les priorités nationales en matière d'éducation. Aux États-Unis, l'administration de l'enseignement relève toutefois des prérogatives de chaque États. Le ED n'a qu'un rôle de soutien.

Guerre et Paix est un des chefs d'œuvre de la littérature russe. Écrit par Léon Tolstoï et publié entre 1865 et 1869, ce roman historique et romantique se déroule à Saint-Pétersbourg à la fin des années 1810 et décrit notamment les dernières guerres napoléoniennes contre l'empire russe. Guerre et Paix a été plusieurs fois adapté au cinéma et pour la télévision, notamment en 1956 dans une version condensée avec Audrey Hepburn, récompensé en 1957 par le Golden Globe du meilleur film étranger.

Le sindarin (ou gris-elfique) est une des langues imaginaires conçues par le romancier et philologue anglais J. R. Tolkien, parlée dans la Terre du Milieu.


L'homme de la plage

o0O0o o0O0o

Dix-septième partie


Début novembre


— « Il faudra prendre la deuxième route à droite Bucky. … Non, c'est la première sortie. Excuse-moi », marmonne Chris en regardant attentivement la carte routière.

— « D'accord », répond docilement le brun.

Inutile de tenter de convaincre son compagnon d'utiliser le GPS. Alors qu'ils roulent sur la Lower Mad Rive Road, le long de Mad River, Chris se sent l'âme d'un pionnier américain. Bucky ne lui a pas dit non plus qu'il se souvient à peu près de la route pour Ruth Lake, il ne veut pas briser son rêve d'aventurier. Il trouve ça craquant.

Son compagnon suit du bout du doigt la page imprimée avant de claquer sa langue contre son palais de satisfaction. Bucky en conclue qu'ils sont sur le bon chemin, il aurait pu le lui confirmer si le blond lui avait demandé son avis.

Un coude appuyé contre la portière, le brun cache son sourire moqueur dans sa paume. Depuis que les deux hommes avalent les kilomètres vers l'est, entouré des bois de Hettenshaw Valley, Chris a rangé son smartphone pour privilégier la vieille carte routière imprimée en 1986 que Bucky garde dans la boite à gant du pick-up.

Il ignore la raison pour laquelle son compagnon s'est persuadé que l'application GPS serait inefficace dans les bois mais c'est adorable. Ou peut-être que son compagnon trouve que c'est une méthode trop technologique.

Les deux hommes se rapprochent de la maison de David et Susan à Ruth Lake. C'est bien une maison en bois, Bucky a fini par le lui confirmer quand ils quittaient Eureka.

Chris semble ivre de joie à cette idée. Le brun le trouve terriblement séduisant dans sa tenue de bûcheron, jean sombre, polo et chemise à carreaux ouverte sur son torse, solide paire de chaussures. Il étouffe un rire dans sa main. Très sexy mais assez inutile dans la luxueuse demeure de leurs amis. Son compagnon aura bien assez le temps de s'en rendre compte et Bucky d'éclater de rire dans son cou qu'il mangera de baisers chauds.

Chris est terriblement beau dans sa tenue de trappeur des temps modernes.

— « C'est là Bucky, sur la droite », répète le blond en désignant la route.

— « Entendu. »

Le brun met son clignotant et engage docilement le pick-up sur la Lower West Side Road. Bucky devine les eaux de Ruth Lake derrière les arbres, juste à quelques dizaines de mètres. Encore quelques kilomètres puis il tourne une nouvelle fois et entre sur une route forestière qui devient rapidement couverte de terre.

Son charmant copilote tend légèrement le cou pour observer les hautes frondaisons des sapins alentours.

— « C'est tellement sauvage… Nous avons bien fait de prendre le pick-up, tu as eu raison d'insister. »

— « Merci. Tu n'aurais pas dormi du week-end si tu avais rayé la carrosserie de la Mercedes sur une branche ou si le pare-brise avait été couvert de sève », le taquine Bucky avec tendresse.

— « Le Ford est important aussi, tu l'as récupéré il y a peu de temps chez le garagiste », lui rappelle son compagnon.

— « Et il chante merveilleusement bien. »

Bucky fait ronronner un peu inutilement le moteur en appuyant sur la pédale d'accélération. Chris lui jette un regard noir avant de plisser les yeux en direction des bois.

— « Tu vas déranger les ours », proteste-t-il.

Le brun roule des yeux. Il a vraiment envie de lui dire qu'il n'y a pas d'ours dans cette partie de la Californie – Bucky n'en a jamais vu un seul pendant ses séjours – mais Chris est si beau dans sa chemise à carreaux…

Sandy se redresse sur la banquette arrière et se tortille pour passer à l'avant sur les genoux du blond. Bucky la gratte gentiment sous le menton. Oui, ils approchent.

— « Nous ne sommes plus très loin de la maison », dit-il en reconnaissant la route et les alentours.

— « Nous ne sommes plus très loin de la cabane, Bucky », le corrige Chris en regardant la carte routière. « J'ai croisé Sam à Providence ce matin, il m'a certifié que tout était exactement comme je l'imaginais. »

— « … Tu sais que Sam n'est jamais venu à Ruth Lake, n'est-ce pas ? »

Bon sang. Le brun en vient à se demander si son compagnon sera déçu de leur séjour. L'écran plat gigantesque du salon et le bouquet de plus de trois cents chaînes du câble vont lui faire un choc, même s'ils le laissent allumé sur National Geographic tout le week-end pour l'ambiance.

Chris lui jette un regard un peu incertain.

— « … Il m'a dit qu'il y avait une barque accrochée au ponton et d'énormes truites dans le lac », dit-il avec espoir.

— « C'est vrai même si je n'ai jamais vu David aller sur l'eau. Une ou deux fois, nous avons mangé de délicieux bars cuits au four mais c'est peut-être son fils aîné qui pèche… », réfléchit-il.

— « Quand on attrapera des truites, on les fera cuire au feu de bois », ajoute Chris avec conviction.

— « Si tu veux… »

Oh, Bucky a tellement envie de l'embrasser. Bien plus que de manger des truites arc-en-ciel parce qu'il trouve que le poisson d'eau douce a toujours un peu un goût de vase. Il n'a pas non plus très envie d'aller sur la vieille barque dont il garde un souvenir un peu inquiétant. … Peut-être que le John, le fils aîné, a laissé du matériel de pêche dans la maison. Le brun est prêt à le chercher pendant des heures si ça permet de rendre son compagnon encore plus heureux.

La joie sied particulièrement bien à Chris. Et sa chemise à carreaux ouverte sur son polo.

L'atmosphère sous les sapins est plus fraîche, chargée d'humidité et la lumière un peu étouffée par les hautes frondaisons.

Bucky remonte la fenêtre de son côté d'un geste un peu frileux.

Assise entre les cuisses largement écartées de Chris pour lui laisser de la place, Sandy renifle avec grand intérêt par l'interstice de celle du blond. Elle trépigne d'aise, pousse de petits soupirs qui ressemblent à des couinements de plaisir. Bucky fronce les sourcils. Il est presque sûr qu'il n'y a pas d'ours autour de Ruth Lake mais des coyotes ou des ratons laveurs, c'est plus que probable. Chris et lui vont devoir être prudent pour ne pas perdre la chienne dans les bois. Ou éviter qu'elle leur ramène quelque chose d'encore plus dégoûtant que le cadavre d'une mouette à demi-décomposée. Excepté cette précaution, leur week-end en famille s'annonce merveilleux.

Soudain, le pick-up rebondit violemment dans une ornière et Sandy jappe d'inquiète tout en trépignant sur le siège. Le brun voit Chris grimacer légèrement avant de la repousser. Elle vient probablement de lui marcher sur l'entrejambe. Bucky a envie d'éclater de rire, un peu moins quand la chienne se tortille et que son arrière-train s'approche dangereusement du levier de vitesse, ses pattes des boutons de commande entre les sièges avant.

Tout à coup, les fenêtres des portières s'affolent. Chris a le réflexe d'attraper Sandy par le collier avant qu'elle ne tente de sauter par la portière. Ça doit vraiment sentir bon le raton laveur dans les environs.

— « Bon sang Sand', fais attention avec tes grosses pattes de chien », grommelle Bucky en poussant sa croupe vers Chris.

— « Ce sont aussi des vacances pour elle… », la défend le blond en embrassant la chienne sur le crâne.

— « Bien sûr… » Le brun roule des yeux. « Elle va tenter de courir après les écureuils autour de la terrasse et quand elle sautera dans le lac, elle sentira la vase. Ce ne sont pas des vacances mais le paradis. »

— « Tu es tellement séduisant quand tu ronchonnes », sourit Chris en regardant par la fenêtre. « Je suis sûr que Ruth Lake ne sent pas si fort que ça. »

Le brun lève les yeux au plafond.

Oh vraiment, son compagnon a le temps de tout découvrir par lui-même. Bucky se souvient que l'odeur est particulièrement forte à l'automne, quand toute la forêt sent l'humidité et les végétaux en décomposition. KMUD a annoncé un temps très clément pour le week-end, c'est une agréable consolation si le soleil permet d'assécher un peu l'atmosphère. Le brun préfère de loin le parfum des aiguilles de sapin plutôt que celle du pétrichor.

Le pick-up continue à progresser sur la route de forestier.

Chris flâne en regardant toujours par la fenêtre, les rayons percent agréablement les branches en de délicats bandeaux lumineux. Bucky garde les yeux prudemment fixés sur leur chemin. Il sait qu'ils pourraient faire la rencontre fortuite d'un animal. Il est prudent mais se laisse aussi un peu distraire par les alentours.

Les deux hommes sont à environ cent trente kilomètres d'Eureka, deux heures en voiture mais ils semblent être partis beaucoup plus loin. Le dépaysement est total.

Bucky aime Manila Beach, l'odeur du sable chaud et des embruns. Mais ce week-end en amoureux, c'est du sérieux. Ça devient sérieux. Chris est le premier de ses petits-amis à avoir accepté d'aller à Ocean View Cimetery avec lui. Il rend tout très sérieux. Leur court séjour à Ruth Lake, leur départ sous le regard de leurs amis, a aussi le goût de quelque chose d'un peu audacieux. Bucky trouve ça délicieux.

Son compagnon caresse gentiment Sandy le long de son dos, la chienne complètement avachie contre son torse.

— « Je suis très content de passer ce week-end ici avec toi. J'adore la maison mais c'est agréable d'être un moment loin d'Eureka », reprend-il doucement.

— « Loin des regards de nos amis qui continuent à sourire quand on s'embrasse devant eux, tu veux dire ? »

— « … Quelque chose comme ça… », admet Chris en souriant. « J'ai été très sollicité par David ces derniers temps et tu passes beaucoup de temps à Providence avec Sam. Je suis heureux de t'avoir un peu pour moi tout seul. »

Bucky fait une légère embardée pour éviter une énorme branche tombée sur la route. Elle n'a pas été dégagée, pas même écartée sur le bas-côté ce qui signifie que très peu de gens sont venus à Ruth Lake dernièrement. Les pluies diluviennes des derniers jours et les bourrasques ont autant soufflé sur Eureka que dans le comté de Trinity. Son compagnon et lui vont être comme seuls au bout du monde sur une île déserte. Dans une luxueuse maison de vacances. C'est vraiment cool.

Chris se mord les joues.

— « Partir ensemble, ça fait aussi très sérieux, tu ne trouves ? »

— « Si », répond tendrement le brun.

Le blond lui jette un regard un peu timide avant de grommeler quand Sandy parvient à lui lécher le menton d'un coup de langue paresseux. Ça ressemble à un baiser et Bucky sourit. Lui aussi trouve que c'est une jolie déclaration.

Il aimerait bien que leur week-end soit le début de quelque chose d'autre pour eux. Le brun ne se considère pas comme un grand amateur de sexe, sinon il vivrait comme un enfer son abstinence des dix derniers mois, mais il désire vraiment Chris. Il a envie de le lui montrer. Pas forcément le grand galop tout de suite mais juste le toucher un peu plus. Son compagnon est déjà si beau à demi-nu, le voir dans son plus simple appareil rendra probablement sa gorge un peu sèche.

Bucky a envie d'intimité avec lui et cette idée lui réchauffe déjà agréablement le ventre. Commencer par mettre fin à leurs chambres séparées serait de son point de vue une excellente chose. Ils en discuteront ensemble mais le brun a de grandes ambitions pour leur week-end à Ruth Lake. Bucky osera peut-être lui dire tout ce qu'il a remarqué sur son corps et qui le font vibrer. Dernièrement, il le regarde intensément et un peu différemment.

— « Tu es bien pensif. J'ai dit quelque chose qui t'a gêné… »

— « Pas du tout. » Bucky secoue la tête en souriant encore. « On va se montrer combien c'est sérieux en vivant d'amour et d'eau fraîche pendant quatre jours avant de revenir dans la vraie vie. Comme si nous étions seuls au monde mais avec le câble et un canapé en cuir. »

— « … Tu te moques de moi. On va dans une maison de pêcheurs, Sam m'a dit qu'il y a avait des lits en rondins des arbres alentours », souffle son compagnon d'un air incrédule.

Le brun hausse un sourcil. Ça, c'est vrai. Son meilleur ami a dû se souvenir que quelques petites choses que Bucky lui a raconté à propos de Ruth Lake.

Il plisse légèrement les yeux.

Devant eux, la route fait un léger coude avant de se séparer en deux voies plus étroites encore. Celle de droite conduit à deux maisons privées et au Boy Scout Cove Camp un peu plus loin. Celle de gauche est une route privée menant à la maison de David et Susan, indiquée par un panneau « Fir Trees Estate ». Le brun a déjà l'impression de reconnaître la silhouette familière de la maison derrière le rideau d'arbres.

— « Je ne sais vraiment pas où tu es allé chercher l'idée que nous allions rejouer la conquête de l'Ouest ce week-end. Susan et David sont très aisés, ils ont remarquablement bon goût et ils savent recevoir. La maison de Ruth Lake est plus une maison de famille que celle de Manila et ils ont une nombreuse famille. »

— « Mais – »

— « Regarde par toi-même », sourit tendrement Bucky en désignant la route d'un léger signe de tête.

La voie décrit encore un dernier virage, s'élargit quelques dizaines de mètres plus loin avant d'aboutir sur un espace dégagé.

Les yeux rivés sur la maison, Bucky coupe le contact en souriant. Ils sont arrivés. Leur nid d'amour pour le week-end.

Chris cligne des yeux. Le brun glisse sa main sur sa nuque et la caresse tendrement du bout des doigts.

— « Pas trop déçu ? »

— « Ce n'est pas vraiment une cabane… mais elle est en bois. »

Bucky rit doucement tandis qu'il enroule ses doigts dans les petits cheveux doux et fins qui effleurent sa peau. L'esplanade dégagée met en valeur la maison dans son écrin de verdure. Elle est en bois avec une haute cheminée en moellons, toute en volumes verticaux et horizontaux assemblés comme un jeu de construction moderniste. Il y a d'agréables fenêtres mais le brun sait que les plus belles, de gigantesques baies vitrées, sont ouvertes sur le lac juste de l'autre côté.

Bucky sourit. Cette maison lui a manqué.

— « Susan a eu un véritable coup de coeur quand elle a été mise en vente il y a vingt ans mais je pense que David y a plutôt vu une bonne affaire immobilière. Elle a été construite par cet architecte célèbre – je n'arrive jamais à me souvenir de son nom – et l'immobilier à Ruth Lake est devenu plus recherché. La décoration était un peu vieillotte, ils ont tous fait refaire avec des équipements haut de gamme. »

— « … Je vois l'antenne du câble sur le toit », acquiesce Chris en souriant.

Bucky roule des yeux et se penche vers lui pour l'embrasser. Le blond enroule immédiatement ses doigts sur sa nuque pour le garder contre lui en même temps qu'il retrace le contour de sa bouche d'un coup de langue malicieux.

Le jeune homme frémit agréablement.

Ça n'a rien de platonique, pas plus que les regards qu'il pose sur son corps quand il laisse un peu aller.

— « Prêt à découvrir la vie de trappeur au XXIᵉ siècle ? », souffle-t-il chaudement contre ses lèvres.

Chris acquiesce lentement et ouvre la portière. Sandy saute devant lui et s'ébroue avant de partir en reconnaissance dans les alentours, la truffe au sol. Bucky descend et s'étire avec plaisir.

— « … Ce n'est vraiment pas ce que j'imaginais mais c'est magnifique », reprend son compagnon en claquant la portière derrière lui, un sifflement d'admiration aux lèvres. « J'ai soudain l'impression d'être incroyablement riche. »

— « Tu n'as pas encore vu l'intérieur », rit joyeusement le brun en prenant leurs sacs à l'arrière du pick-up. « Susan est vraiment une femme de goût et elle déteste être prise au dépourvu. La maison est presque suréquipée par rapport au temps qu'ils viennent passer ici. »

Quand Bucky venait enfant et adolescent, il se sentait aussi l'âme d'un très riche homme d'affaires quand il s'installait dans sa chambre. Elle faisait le double de la sienne à Manila, avec une salle de bain privée et une terrasse pour lui tout seul.

Chris prend son sac et le remercie d'un sourire tandis qu'il le passe à son épaule.

— « J'ai hâte de voir ça. … J'ai entendu dire que le câble permet d'avoir accès à plus de trois cent chaînes, j'ai envie de vérifier. »

— « Quel homme des bois tu fais. Tu n'as plus envie de taquiner la truite ? », se moque Bucky en marchant vers la porte d'entrée.

— « Ne ris pas », le gronde Chris en lui pinçant les côtes. « … Je suis presque un peu gêné d'accepter un tel cadeau. Une nuit ici pourrait coûter au moins deux cents dollars si David décidait de louer la maison. »

Bucky évaluerait facilement au double le prix de la nuitée, la maison est aussi élégante et bien agencée qu'un hôtel très haut de gamme. Il sort les clés de la poche de sa veste et jette un regard à son compagnon.

— « Accepte de te laisser choyer quand tu le mérites, Chris. »

— « Tu vas devoir me rappeler que je suis censé travailler tout à l'heure parce que je ne suis pas certain de m'en souvenir… »

— « Je peux faire cet effort pour toi », renifle légèrement Bucky avec crânerie. « Je sais que Susan et David seront ravis que tu leur racontes combien tu as adoré ton séjour ici alors profite. »

— « Ils aiment le poisson, n'est-ce pas ? On pourra leur ramener des truites. »

— « Tu as une grande confiance en tes capacités », ricane le brun en sifflant Sandy qui est en train de s'éloigner, attirée par le sous-bois.

Le brun est en train d'ouvrir la porte d'entrée, de chercher l'alarme pour la déconnecter quand la chienne se met à japper vigoureusement en direction de la route.

Bucky tourne la tête, surpris de voir une vieille Nissan apparaître sur l'esplanade et se garer non loin du pick-up. Il distingue deux occupants dans le véhicule, un homme âgé à l'air bourru et une femme aux cheveux un peu trop teints pour son âge. Celle-ci ouvre la fenêtre de sa portière et leur sourit d'un air avenant.

— « Bonjour. Nadia nous a dit que la maison serait occupée pour le week-end mais nous avons entendu le bruit d'un moteur alors nous sommes venus vérifier », rit-elle doucement

Chris acquiesce sagement tandis que Bucky plisse imperceptiblement les yeux. Il croit les reconnaître, il lui semble qu'ils habitent une maison voisine sur Ruth Lake, à l'embranchement droit de la route forestière. … Mr et Mrs Martins. Il ne se souvient pas de leur prénom mais se rappelle très bien que le passe-temps favori de la dame est de mettre son nez un peu épaté dans les affaires de ses voisins.

Bucky lui adresse un sourire poli mais Mrs Martins le remarque à peine, ses petits yeux dardés sur son compagnon.

— « Vous êtes les amis de Susan et David ? », poursuit-elle avec curiosité. « Je connais très bien leur famille proche mais vos visages me sont inconnus… Je suis persuadée que vous êtes des gens très bien mais on n'est jamais trop prudent, n'est-ce pas ? »

— « Sans doute », répond mollement le brun.

Le rire de la femme tinte un peu faux mais, trop curieuse, elle descend déjà de la Nissan et marche vers eux.

Bucky espérait que le couple reparte une fois sa petite inspection faite et avec matière à spéculer tout le week-end une fois de retour chez eux. Il soupire doucement. Il doit se montrer poli mais la manière dont elle les dévisage le crispe. Il doit être poli mais il n'en a pas envie.

— « Je ne suis pas venu depuis des années à Ruth Lake mais vous vous souvenez peut-être de moi. Quand j'étais adolescent, vous me racontiez tout ce que vous remarquiez en observant les gens au camping de l'autre côté du lac », raconte-t-il d'un ton un peu narquois. « Vous aviez des jumelles si je me souviens bien. »

Mrs Martins cligne des yeux avant de rougir légèrement de gêne. Elle hausse les épaules.

- « Comme je l'ai dit, on n'est jamais trop prudent », répète-t-elle en dardant ses yeux sur eux. « … Vous êtes le petit garçon qui venait avec sa mère, n'est-ce pas ? Vous étiez voisins de Susan et David à Eureka. »

— « C'est bien cela. James mais tout le monde m'appelle Bucky. »

— « Oui, Bucky Barnes ! », s'exclame-t-elle avec ravissement. « Je disais à mon mari que c'était très amusant à prononcer ! Tous ces B… »

Le brun serre légèrement les dents malgré la main de Chris qui caresse gentiment ses reins.

Mrs Martins est bien plus proche d'eux à présent, Bucky se demande comment et quand elle est parvenue à se rapprocher de la sorte. Elle semble avide d'entrer dans la maison ou que le couple le lui propose. C'est hors de question. Susan ne l'a jamais fait malgré les tentatives plus ou moins subtiles de sa voisine. Sa vieille amie apprécie peu ses manières et sa curiosité envieuse, elle a toujours été polie sans chercher à cultiver cette relation de voisinage qui la rebute. Le brun se souvient d'une rencontre en forêt avec sa mère lors de laquelle Mrs Martins s'était épanchée sur l'air de grande dame de leur vieille amie et la froideur arrogante de David. Une tentative bien mal jouée de sa part car Winnifred Barnes était une personne loyale et honnête.

Il fronce les sourcils. Il n'a pas non plus un nom amusant, merci bien.

La femme le dévisage avec attention, puis Chris. Bucky se raidit un peu plus.

— « … Oui, je vous reconnais maintenant. Vous avez toujours ces mêmes yeux bleus, ceux de votre mère. Comment se porte-t-elle ? Vous n'êtes pas venu avec elle cette fois ? »

— « Elle nous a quittés il y a – »

— « Oh, quel dommage. Je me souviens que c'était quelqu'un de très bien, très amical », le coupe-t-elle.

Menteuse.

Jouant distraitement avec les clés de la maison, Bucky esquisse un sourire courtois mais froid pour prendre congé. Il n'a pas envie d'en apprendre plus.

— « Ces retrouvailles étaient agréables mais nous avons eu chacun une semaine difficile et – »

— « Bien sûr, bien sûr. Chacun d'entre nous apprécierait de se détendre dans une luxueuse maison quand une connaissance vous le propose. Fir Trees Estate est de loin la plus belle de Ruth Lake », rit-elle d'une manière un peu outrée. « Vous êtes venu avec un ami ? »

L'attitude de Bucky est sans doute ce qui l'empêche de monter la première marche du perron pour se rapprocher encore. Elle doit se hausser d'une manière ridicule sur les pieds pour dévisager plus à son aise son compagnon dans son dos. Chris tient Sandy par le collier et garde les yeux baissés, silencieux et discret. Bucky a envie de lui donner les clés pour qu'il se réfugie à l'intérieur mais son compagnon est un homme plus poli que lui. Entendant la question de Mrs Martins, il lève légèrement la tête et lui sourit. Bien trop joliment au goût du brun. Leur voisine ne va jamais partir.

— « Je m'appelle Chris, je suis le nouveau maître d'œuvre de David. »

— « Oh. Vous êtes là parce qu'il y a un problème avec la maison ? »

La voix de Mrs Martins tinte de tant de joie gourmande et mauvaise que Bucky ne peut s'empêcher de lui jeter un regard noir. Vraiment très noir. Vipère mesquine et gluante.

— « Je remplace David pour un rendez-vous professionnel avec un architecte », répond Chris.

— « … Un architecte ? Bon sang, cela ne leur suffit pas de posséder la plus belle maison du coin ? Ils veulent encore faire plus ? », grince-t-elle.

— « Ce n'est qu'un projet », élude habilement le blond. « Je leur rends ce service et Susan et David ont été assez gentils pour nous suggérer de rester pour le week-end, Bucky et moi. Comme il vous l'a dit, la semaine a été difficile et nous avons besoin de passer un peu de temps ensemble. »

La lueur dans les prunelles de la femme est soudain très laide. Orageuse. Bucky est certain de voir son mari cracher par terre à côté de leur voiture.

— « Vous êtes venu ensemble… », répète-t-elle un peu stupidement.

— « Oui, ensemble », grogne Bucky en tendant les clés à Chris. « Tu peux rentrer avec Sandy ? J'arrive tout de suite. »

— « … Je prends ton sac », répond lentement le blond.

Leurs doigts se serrent un instant autour du porte-clés et Bucky le rassure d'un sourire. Les Martins ne sont pas dangereux, juste stupides et intolérants. Il a déjà géré ça et rien ne viendra interférer dans son parfait week-end d'amour au bord de Ruth Lake.

D'un air parfaitement nonchalant, le brun descend le perron pour marcher jusqu'au pick-up et sortir la couverture de la chienne et un demi sac de croquettes. Il va et vient sans se préoccuper des voisins, sans même les voir.

Au pied des marches, Mrs Martins se dandine d'un air un peu ridicule. Elle ouvre la bouche mais Bucky lui jette un regard si glacial quand il passe à côté d'elle qu'elle rougit et bat en retraite.

— « … Nous allons vous laisser profiter de votre séjour. … Vous restez uniquement pour le week-end, n'est-ce pas ? »

— « Chris et moi prolongerons peut-être aussi au début de la semaine prochaine, nous ne sommes pas encore décidés », répond-il avec une certaine jubilation en la voyant se crisper.

— « Bien entendu, bien entendu. Au revoir », marmonne-t-elle.

Elle s'engouffre dans la Nissan sans un regard en arrière. Son mari démarre sur les chapeaux de roue et la voiture s'éloigne aussi rapidement qu'elle était arrivée.

Bucky ricane. Il lui a donné un os énorme à ronger pour les jours à venir, il espère qu'elle s'étouffera avec. Qu'ils s'étoufferont tous les deux.

Le brun remonte le sac de croquettes de Sandy sur sa hanche et entre dans la maison. Chris s'empresse de venir l'aider, ses lèvres s'égarant sur sa tempe.

— « Je crois que les voisins n'apprécient pas que nous nous aimions… »

— « Mrs Martins n'aime pas grand-chose à part raconter des méchancetés sur les gens autour d'elle tout en prétextant être la meilleure personne au monde », grommelle Bucky en fermant la porte derrière lui. « Dommage que l'eau du lac soit si froide à cette époque de l'année, j'irais bien nager complètement nu jusqu'à leur maison l'air de rien. Elle est un peu plus loin à l'est. »

Son compagnon étouffe un rire malicieux dans ses cheveux. Le brun soupire d'aise tandis qu'il enroule ses doigts dans le bas de son polo.

— « Allons nous installer, nous avons perdu assez de temps comme ça. »

Bucky entre dans le salon et sourit.

Rien n'a changé, tout est exactement comme dans ses souvenirs et la vue de leurs sacs de voyage soigneusement posés à côté du canapé le réchauffe agréablement.

Il marche jusqu'aux baies vitrées.

Le panorama sur Ruth Lake s'offre à lui à cent quatre-vingts degrés, la terrasse en teck a été balayée et Nadia a sorti mobilier de jardin et brasero pour les soirs à venir. Elle a aussi composé un panier de bienvenue, posé sur l'immense plan de travail de la cuisine ouverte sur le salon.

Bucky rit en voyant Chris en train de lire l'étiquette de la bouteille de vin. David a du goût, c'est probablement un excellent cru.

— « … C'est presque aussi bien qu'une cabane de pêcheur. Et il y a du bois sur les murs », sourit malicieusement le blond en la reposant avec soin.

Le jeune homme éclate de rire et arrange le panier de Sandy non loin de la cheminée en pierre. La chienne vient immédiatement s'y coucher et pose sa tête sur le rebord dans un soupir satisfait. Bucky la gratte gentiment entre les oreilles. Oui, ils vont être très bien ici pour les jours à venir.

— « Les chambres sont à gauche du salon. Je te laisse choisir la tienne, je vais vérifier la chaudière et le chauffe-eau. »

Chris prend lentement son sac de voyage et passe la bandoulière à son épaule. Ses doigts jouent distraitement sur le nylon tissé, un peu nerveux.

— « … Bucky… »

— « La chambre d'ami que j'occupais quand je venais a la plus belle vue sur le lac. C'est la dernière porte au fond du couloir, à gauche. Quand on vient à Ruth Lake, c'est celle qu'il faut prendre », poursuit le brun en souriant.

— « C'est la tienne. »

— « Il n'y a pas mon nom marqué sur la porte et j'avais douze ans. Si tu t'y installes, je prendrai la chambre d'ami juste de l'autre côté du couloir. La porte en face de la tienne. »

Chris fronce les sourcils.

Bucky se demande l'espace d'un instant s'il ne va pas lui rétorquer que, puisqu'ils sont si près l'un de l'autre, ils pourraient tout aussi bien dormir ensemble dès aujourd'hui. C'est sans doute vrai mais le brun ne veut pas qu'ils soient mal à l'aise et son compagnon a l'air un peu incertain. Mieux vaut attendre ce soir et voir si, plongés dans cette atmosphère de vacances, les choses changent naturellement.

Retrouver cette maison qu'il connaît depuis son enfance, avec son parfum caractéristique qui lui évoque ses amis, tord aussi quelque chose dans son ventre. Sans doute que Chris et lui ne testeront pas la literie en faisant l'amour dès aujourd'hui mais l'idée qu'ils découvrent même leur intimité ici le gêne un peu. Bon sang, Susan le saurait avant qu'ils n'ouvrent la bouche pour la remercier de ce séjour. Elle saurait et ce serait mortellement gênant même s'il est un homme adulte avec une sexualité à peu près épanouie et active.

Bucky traverse le séjour pour ouvrir la boîte à clés à côté de l'entrée et récupérer le porte-clé des locaux techniques de la maison. Il tire doucement Chris par son polo pour l'attirer à sa bouche. Les lèvres de son compagnon sont chaudes et douces, il les brosse gentiment contre les siennes.

— « Tu peux aussi ouvrir toutes les autres portes et choisir ta chambre. Je me souviens qu'il y a deux suites parentales dont l'une avec une baignoire à remous », dit-il gentiment.

— « … Celle en face de la tienne sera très bien. Ce sera un peu comme si on était ensemble », sourit doucement Chris.

Le blond l'embrasse une dernière fois et s'éloigne dans l'espace nuit.

Resté dans la cuisine, Bucky cligne des yeux. Il observe sa silhouette, habillée de cette ridicule chemise à carreaux et de ce jean sombre qui lui fait des fesses à se damner. Ses épaules semblent démesurément larges dans le couloir étroit. Devant la porte de la chambre d'ami, Chris lui jette un regard et le brun acquiesce lentement. Son compagnon disparaît dans la pièce. Bucky joue distraitement avec le trousseau de clés, les yeux dans le vague.

— « Bucky ! Il y a vraiment un lit à baldaquins en rondins ! Sam avait raison ! », s'exclame vigoureusement le blond. « Bon sang, je m'installe ici ! »

Le jeune homme éclate de rire. Il s'éloigne dans la partie opposée de la maison, un sourire tendre aux lèvres. Il ne sait plus réellement à quoi ressemble la chambre d'ami voisine dans le couloir mais peu importe, elle lui conviendra parfaitement. La maison est très grande et il ne veut pas être trop éloigné de Chris.

Ce sera un peu comme si on était ensemble.

Oui mais pas encore réellement. Oui mais pas tout à fait.

Il essuie ses paumes sur son jean.

Susan saurait et peut-être trouverait-elle ça impoli.

Ce serait aussi mortifiant que la fois où elle l'avait surpris un matin ici en train de savonner un boxer souillé par un rêve érotique avec le jeune Brad Pitt dans Légendes d'automne.

o0O0o

Appuyé contre Chris, Bucky somnole à moitié quand la sonnette de la maison résonne dans le salon désert. Les deux hommes se sont installés sur la terrasse, dans une généreuse nappe de soleil pour boire un café après leur déjeuner. Le brun se sent tellement bien, lové dans la confortable banquette en rotin, qu'il baille doucement et enfouie son nez dans le polo de son compagnon.

Sandy dort non loin d'eux, allongée de tout son long sur le teck agréablement tiédi. Elle frémit à peine et pousse parfois de lourds soupirs de volupté.

Chris bouge imperceptiblement contre lui et Bucky grommelle légèrement, les yeux fermés.

— « Il est trop tôt. Dis à ton architecte de revenir plus tard. »

— « S'il revient plus tard, nous nous serons probablement endormis tous les deux et nous n'entendrons pas la sonnette de l'entrée », proteste mollement le blond.

— « Sand' nous réveillera. Elle a l'ouïe plus fine que toi et moi réunis. »

Chris ricane légèrement. Son torse tressaute doucement contre le sien et Bucky rouvre paresseusement les yeux. Leur invité sonne une fois de plus mais la chienne ne cille pas. Espoir inutile donc.

Le brun lui jette un regard noir.

— « Il est aussi en week-end, il doit avoir au moins hâte que nous d'en finir avec ce rendez-vous pour rentrer à San Francisco et profiter de sa famille. »

— « Ou il pense que ce week-end est une agréable balade dans le comté sauvage de Trinity et il va rester plus longtemps que nécessaire », maugrée-t-il avec mauvaise foi.

Son compagnon lui pince malicieusement la hanche sous son pull fin et Bucky glousse légèrement.

Chris se lève. Il glisse un coussin sous sa tête alors que le brun se laisse tomber un peu puérilement sur le matelas et repousse les mèches folles sur son front.

— « Je vais refaire du café pour lui offrir une tasse. Tu en veux ? »

— « Tu es trop gentil, il ne va jamais vouloir repartir… »

Le blond roule des yeux et rentre dans la maison en riant.

Bucky soupire de contentement. Il est allongé en plein soleil, l'assise de la banquette est parfaitement moelleuse sous sa tête et le coussin est doux. Il étouffe un bâillement dans sa main.

— « Reviens vite ! », l'appelle-t-il de l'autre côté de la terrasse.

Un éclat de rire lui répond depuis le salon dont les baies vitrées sont largement ouvertes pour faire entrer la chaleur de l'après-midi.

La sonnette de l'entrée cesse enfin de résonner dans la maison. Le jeune homme entend la voix étouffée de Chris qui accueille l'architecte de San Francisco, il ne parvient pas à se souvenir de son nom.

Il se redresse légèrement contre le dossier de la banquette et observe le salon. Le rendez-vous de Chris porte un costume avec veston, il a les cheveux poivre et sel, renoué en un chignon négligé sur le sommet de son crâne. Malgré les mètres qui les séparent, Bucky voit les tatouages qui couvrent ses avant-bras. L'homme a retiré sa veste pour rester en veston et bras de chemise pour être plus à son aise.

Le brun hausse un sourcil. L'architecte est charismatique et branché. Comme Tony, exception faite qu'il est mieux coiffé et que la barbe qui couvre ses joues à une coupe moins ridicule. Le brun ricane tout seul.

Chris échange encore quelques mots avec lui avant de le conduire vers la cuisine pour lui offrir un café.

Bucky se rallonge et ferme les yeux. S'il s'assoupit un peu, le temps passera plus vite et son compagnon sera à nouveau à ses côtés. Quelque chose lui cache la lumière du soleil et il rouvre paresseusement les yeux. Chris lui sourit tendrement et pose devant lui un nouveau mug rempli de café et une boîte ouverte de biscuits au beurre. La marque estampée dessus est française.

— « Qu'est-ce que c'est ? »

— « Un cadeau de l'homme horrible qui vient nous déranger pendant notre week-end », se moque le blond en l'invitant à se servir. « Il a conscience qu'un rendez-vous professionnel organisé un week-end n'est pas très agréable, il me remercie en gâteaux d'avoir accepté de l'honorer à la place de David parce qu'il est un emploi du temps terriblement compliqué. Et il a hâte de rentrer à Newport. »

— « Il n'habite pas à San Francisco ? », demande Bucky en se redressant sur les coudes.

— « Si mais il est en week-end avec sa femme et leurs trois enfants à Newport et il a promis qu'il serait de retour avant la fin de l'après-midi. »

— « … Alors il est sympa ? »

— « Très sympa, il veut que je l'appelle par son prénom », s'esclaffe joyeusement Chris. « Nous allons faire aussi vite que possible et une fois que je serai à nouveau libre, on pourra aller marcher en forêt. Ou essayer de pêcher. »

Bucky reprend un biscuit, c'est délicieux. Il essuie les miettes autour de sa bouche de son pouce avant de crocheter un doigt dans le passant du jean du blond pour l'attirer à lui. Chris se laisse docilement faire, un sourire aux lèvres. Le brun tente de ne pas s'attarder sur le fait que, ainsi assis devant lui, il a le visage au niveau de son ventre et de son entrejambe. Ce n'est pas le moment.

— « On en reparle quand tu as fini », sourit-il alors que son compagnon l'embrasse.

— « Je te laisse la boîte de gâteaux pour supporter la séparation ? », répond Chris du tac-au-tac.

Le brun éclate de rire et refuse d'un signe de tête. À nouveau debout contre le dossier, Bucky voit l'architecte qui attend dans le salon, un sourire aux lèvres. L'homme le remarque et lui adresse un salut amical de la main auquel il répond d'un sourire et d'un signe de tête.

Toute convenance sociale à présent respectée, il se rallonge et joue de ses orteils nus avec le soleil qui nimbe généreusement la terrasse en teck. La météo est assez clémente pour lui permettre de retirer ses chaussettes et ses chaussures. Il entend le clapotement des vagues qui viennent se briser contre les pilotis de la terrasse, provoqué par un canot à moteur qui vrombit plus loin sur le lac.

Dans son dos, la voix des deux hommes s'éloigne vers le fond de la maison avant de s'éteindre complètement.

Bucky croise les mains sur son ventre.

Il espère que le projet de l'architecte plaira à David et que son ami acceptera de faire les travaux. Un hammam et d'autres équipements de bien-être seraient particulièrement appréciables même s'il n'a rien à reprocher à la maison. Ce serait juste encore meilleur.

Avant le déjeuner, il a feuilleté les documents déjà envoyés par Mr Beyeler – il se souvient enfin de son nom – et il n'a eu aucune difficulté à se projeter en observant les modélisations en 3D. Son enthousiasme a été un peu refroidi par la lecture des devis estimatifs dont les montants représentent environ une année de son salaire. Parfois, il oublie combien David et Susan ont de considérables moyens financiers à leur disposition.

Le brun repense au sourire avenant de l'architecte, à sa boîte de délicieux biscuits. Cela l'éloigne agréablement de l'homophobie presque palpable du couple Martins. C'est bien plus agréable. Chris mérite ça.

Il baille une nouvelle fois, termine de grignoter son gâteau avec plaisir. Il aurait dû garder la boîte avec lui.

Les voix des deux hommes se précisent à nouveau.

Bucky a à peine le temps de se redresser et de se donner une allure un peu plus digne que le blond et son interlocuteur sortent sur la terrasse. Il passe une main dans ses cheveux pour les arranger, tire sur le bas de son polo et s'empresse de se rechausser. Il n'est pas un enfant. Mr Beyeler lui sourit une nouvelle fois avant que Chris ne l'entraîne à l'extrémité ouest de la terrasse. Le brun les observe étudier avec soin la façade de la maison du côté du lac puis la vue sur celui-ci. L'architecte a un carnet à la main sur lequel il griffonne des croquis. L'homme prend des mesures à l'aide d'un boîtier laser, dessine encore puis montre les pages de son carnet à Chris qui acquiesce et fait quelques commentaires. Le brun le trouve toujours sexy quand il travaille.

Il adresse un sourire un peu gêné à son compagnon quand celui-ci le surprend. Les deux hommes rient ensemble puis marchent lentement vers lui. Mr Beyeler ferme son calepin d'un geste sec.

— « J'ai toutes les informations qu'il me manquait. Vous pourrez annoncer à Mr Dumault que je vais lui envoyer rapidement une autre proposition plus adaptée à l'esthétique de la maison », dit-il.

— « David m'a chargé de vous préciser que rien ne presse. Nous approchons de l'hiver et même si le climat est clément en Californie, il préfère que les travaux se déroulent au printemps. Cela rendra les choses moins pénibles pour tout le monde. »

— « Les entreprises qui travaillent pour moi vont apprécier cette délicatesse. Nous croulons sous les demandes à cette époque de l'année et il faudrait que tout soit déjà construit pour les fêtes de fin d'année », soupire l'homme en haussant les épaules. « Le propriétaire d'un grand chalet à Aspen m'a demandé d'aménager une piscine intérieure et une salle de sport sous la propriété, avec vue sur les montagnes. Il veut que tout soit terminé dans un mois alors qu'il m'a commandé des lambris en mélèze et qu'il faudra plusieurs semaines pour faire venir le bois d'Europe… »

Bucky ricane en coin. C'est ridicule. Les forêts du Colorado sont magnifiques, pourquoi faire venir du bois de l'autre bout de l'Atlantique ?

Mr Beyeler lui jette un regard de connivence, un sourire malicieux aux lèvres. Il range avec soin son carnet dans la poche intérieure de sa veste de costume, l'enfile avec élégance avant de lui tendre la main. Bucky s'empresse de la serrer. Ses doigts sont ornés de bagues en argent, plutôt cool. Sa peau est chaude et légèrement calleuse, un peu comme celle de Chris depuis qu'il escalade les échafaudages des chantiers. C'est bien. L'architecte est un homme de terrain, David préfère ça.

— « Enchanté, Caleb Beyeler. Je suis désolé de vous avoir dérangé pendant votre séjour ici. J'aurais préféré que les choses se passent autrement. »

— « Bucky. Chris m'a dit que vous aviez aussi écourté votre week-end à Newport pour ce rendez-vous, nous sommes quittes », lui répond le brun du tac-au-tac.

L'homme lui jette un regard un peu interdit avant de rire joyeusement, pas rancunier. Bucky sourit aussi. Chris a raison, son interlocuteur est vraiment sympa. Le brun remarque aussi qu'il a un très discret anneau en argent à l'oreille droite. Bucky a toujours trouvé ça cool, il n'a jamais osé se faire percer les oreilles parce qu'il a une terrible phobie des aiguilles. Cela augmente considérablement le capital sympathie de Caleb.

— « Nous avons loué une maison pour le week-end. Nous étouffions un peu à San Francisco alors ma femme a eu l'idée de cette mise au vert. Les enfants sont encore à l'âge où ils acceptent de voyager avec nous, nous voulons en profiter le plus possible », reprend-il d'un air bonhomme.

— « La vue sur l'océan est très belle dans ce coin », acquiesce le brun.

— « Vous connaissez ? »

— « Chris et moi habitons à Manila Beach, j'ai une maison sur les dunes. »

— « Vous êtes un homme chanceux ! », s'esclaffe Caleb. « Malgré ce paysage de rêve vous venez passer le week-end à Ruth Lake ? »

Bucky hausse les épaules en souriant.

Sandy s'est rapprochée d'eux, intriguée par la présence de cet inconnu. Elle le renifle avec une insistance presque gênante avant de japper de contentement quand l'architecte s'accroupit devant elle pour la caresser avec effusion. Sandy s'empresse de rouler sa tête contre son torse, froissant sa belle chemise et son veston à deux cents dollars. Le brun n'est pas un expert mais il pense que ça doit être son prix. Les motifs du tissu lui rappellent un peu ceux d'un costume que Tony portait il y a quelques mois lors d'une visio sur Skype.

Il observe la chienne se rouler de plaisir sur les chaussures italiennes en cuir, c'est un peu gênant aussi.

— « San Francisco n'est pas non plus un endroit désagréable à fréquenter », le taquine le brun. « Nous avons seulement lié l'utile à l'agréable. »

— « Touché », acquiesce l'homme en souriant. « Nous avons fait un peu la même chose d'une certaine manière, un séjour en famille au vert. »

Bucky opine en riant.

Caleb prend congé et lui tend à nouveau la main avant de s'éloigner avec Chris qui le raccompagne.

Sur le seuil du salon, l'homme regarde alentour et fronce légèrement les sourcils.

— « Est-ce qu'on pourrait encore voir le futur emplacement de l'extension ? Votre ami m'a fait penser à quelque chose que j'aimerai vérifier. »

Chris acquiesce et les deux hommes disparaissent dans la maison. Bucky se sent un peu fier.

Il s'assoit sur le teck agréablement chaud et joue avec Sandy qui se tortille de joie devant lui. Tout pour éloigner son attention de Ruth Lake à présent qu'elle est parfaitement réveillée.

Quelques minutes plus tard, son compagnon le rejoint. Il caresse sa nuque du bout des doigts avant de l'embrasser tandis qu'il s'assoit sur la banquette en rotin.

— « Caleb a regardé les essences des arbres autour de la maison pour choisir au mieux celui du nouveau bardage », lui explique-t-il.

— « Pas de lambris en mélèze d'Europe alors ? »

— « David changera d'architecte s'il lui fait une telle proposition », rit le blond. « Il a fait de nouveaux croquis qui sont plus adaptés à ce qu'il veut je pense. Ce rendez-vous tombait mal mais il était nécessaire Bucky. »

Le brun dodeline légèrement de la tête. Il recule un peu pour s'appuyer contre la jambe de Chris et hausse les épaules.

— « Il a apporté des biscuits délicieux pour se faire pardonner et il est sympa », répond-il et son compagnon embrasse à nouveau sa nuque en riant. « Tu me racontes ce qu'il projette maintenant ? »

— « … Je ne sais pas très bien dessiner. »

— « Eh bien, décris-le-moi. J'ai beaucoup d'imagination », se moque gentiment le brun.

Bucky sait que Chris fait exprès de l'assommer de termes techniques. Il se venge en lui parlant de BIM, de fermes et de chevrons. Peu importe, lui non plus n'est pas rancunier.

o0O0o

— « Bucky, je pense que j'en ai une ! La ligne tire ! »

— « C'est bien. Tire plus fort alors. »

Le brun lève paresseusement les yeux du roman qu'il est en train de lire, allongé de tout son long sur la banquette en rotin. Chris et lui ont avancé le meuble pour être proche l'un de l'autre tandis que son compagnon s'essaye à la pêche. Bucky a eut de la patience pendant quarante-cinq minutes avant d'aller chercher son roman dans son sac de voyage. Il est un soutien silencieux et à peu près attentif.

Suffisamment pour avoir peu avancé dans sa lecture ces dix dernières minutes.

La vue de Chris, assis au bord de la terrasse avec sa canne à pêche, est très distrayante.

Sandy est allongée contre sa cuisse, plus impliquée que lui dans cette activité qui l'ennuie.

La ligne tire encore, le blond aussi. La chienne se redresse rapidement et, le cou tendu vers l'eau, la queue battant l'air avec enthousiasme, elle jappe bruyamment. Sandy est aussi assidue que Chris mais cette fois, elle aboie plus longtemps.

Bucky plisse les yeux et observe la surface de l'eau avec intérêt.

Il entend le bruit de quelque chose qui tombe dans un ploc sonore avant que le silence n'envahisse à nouveau les bords de Ruth Lake.

Chris se penche puis sort sa ligne de l'eau. L'appât a disparu, tout est à recommencer comme les dix tentatives précédentes. À moins que ce ne soit quinze. Ou vingt.

Ses épaules s'affaissent légèrement de dépit.

Le brun lui tend gentiment l'assiette dans laquelle ils ont roulé des boules de mie de pain en guise d'amorce. Son compagnon arme à nouveau son hameçon et jette la ligne devant lui. Sandy se rallonge contre lui avec un gros soupir, la tête pendant hors de la terrasse.

— « Je l'ai encore manqué », marmotte Chris en serrant ses doigts sur la canne à pêche. « Les truites de ce lac sont trop intelligentes, je ne vais jamais y arriver. »

Bucky sourit tendrement tandis qu'il jette une boulette de mie à Sandy qui la gobe aussitôt.

— « Pour ce que cela vaut, j'admire sincèrement ta patience. Tu pêches depuis presque deux heures alors que tout le poisson de Ruth Lake te fuit. C'est très impressionnant », dit-il en regardant sa montre.

Chris lui jette un regard noir avant de se concentrer à nouveau sur les mouvements du bouchon qui flotte doucement.

— « Nous augmenterions nos chances de manger du poisson cuit au feu de bois ce soir si tu essayais avec moi. »

— « Je t'ai déjà dit qu'il y en avait dans le congélateur », rétorque Bucky du tac-au-tac.

— « Ça n'a rien à voir », grommelle son compagnon en lui jetant un regard noir.

Le brun s'esclaffe. Il tend la jambe pour le chatouiller du bout du pied dans les côtes. Chris se dégage d'un mouvement d'épaule mais Bucky le voit sourire.

— « Je trouve que la pêche est un passe-temps ennuyeux mais de mon fauteuil, tu rends ça un peu plus intéressant. Je préfère de loin te regarder faire et je n'y arriverai pas si j'étais assis juste à côté de toi en tenant une stupide canne à pêche. »

— « Tu as regardé le prix de celles qu'on a trouvé dans la maison sur internet et tu as manqué de t'étrangler. Ce n'est pas une stupide canne à pêche », lui rappelle le blond.

— « Tout ce qui coûte cher n'a pas forcément de valeur. Tu portes une casquette râpée que tu as trouvé Dieu seul sait où et je peux déjà t'assurer que tu rentreras avec à Eureka parce que tu es bien trop séduisant avec », sourit Bucky.

Il le chatouille encore du bout du pied.

Chris enroule ses doigts autour de sa cheville, les glisse plus haut sous la jambe du pantalon en lui jetant un regard par-dessus son épaule.

Bucky déglutit. Sa main est brûlante sur sa peau.

— « Je t'ai entendu rire quand je l'ai mise. »

Le brun se mord les joues. Impossible de faire autrement quand Chris l'a rejoint sur la terrasse, la canne à pêche en main avec un adorable sourire de joie aux lèvres. Le logo brodé est un peu ridicule, une pioche et une pelle croisées devant un pin sur un fond de paysage lacustre. Il est persuadé que c'est l'emblème du comté de Trinity et que jamais son compagnon n'a porté quelque chose d'aussi laid depuis qu'ils se connaissent.

— « Je me suis moqué de la couleur. Ce vert kaki délavé ne peut aller à personne », botte-t-il en touche.

— « … C'est amusant parce que tes initiales sont inscrites au feutre noir à l'intérieur. Je l'ai trouvé dans un tiroir de son ancienne chambre », lui répond Chris d'un air nonchalant.

— « … Tu te moques de moi… » Le blond retire la casquette pour lui prouver ce qu'il dit et Bucky grogne. « Mince, d'où est-ce que ce truc peut bien sortir ? …J'avais meilleur goût que ça quand j'étais ado. »

— « Je suppose que c'était une attention délicate de ta mère pour éviter que tu n'attrapes de coup. Je suis sûr que tu la portais à l'envers, la visière sur la nuque. Adorable petit rebelle », ricane le blond.

Le jeune homme se penche en avant pour lui donner un coup de poing dans l'épaule et Chris éclate de rire.

Bucky l'observe avec adoration. Malgré la visière, son compagnon a attrapé un léger coup de soleil sur le bout du nez. Il pourrait se moquer, vraiment, mais Chris est trop charmant. C'est toujours la même histoire de chemise de bûcheron à carreaux et de barbe de trois jours sur ses joues. Le soleil creuse des ombres séduisantes sur son visage, souligne le relief de sa mâchoire.

Chris est beau dans le soleil de Manila Beach, il l'est aussi à Ruth Lake mais différemment.

Bucky l'aime éperdument de toutes les manières possibles.

Le blond tire sur sa cheville pour l'attirer à lui.

Déséquilibré, Bucky vacille sur la banquette en rotin et suit le mouvement en glissant sur la terrasse. Il lit dans le regard malicieux de son compagnon que celui-ci ne le lâchera pas. Le brun se contorsionne pour récupérer son roman et s'assoit en tailleur à côté de son compagnon. Il se redresse, le dos désagréablement tendu. Il récupère les coussins de la banquette pour tenter de s'installer plus confortablement plutôt que de quitter Chris. … Il était quand même mieux installé sur la banquette.

Chris le remercie d'un sourire avant d'être distrait par le mouvement ondulatoire du flotteur sur l'eau, au bout du fil de nylon un peu lâche. Avant arrière, avant arrière, avant arrière.

— « Tu peux venir là », le taquine le blond en montrant ses cuisses.

Bucky lorgne un instant dessus avant d'observer sa posture, les bras repliés contre son torse pour tenir la canne à pêche. Il se mord les joues. Tentant mais…

— « Si la ligne mord, tu risques de me faire tomber à l'eau en tirant », marmotte-t-il sans envie.

— « Homme de peu de foi… Je te sauverai la vie », sourit Chris.

Le brun lui pince les côtes mais une seconde plus tard, il a la tête posée sur ses cuisses, la nuque parfaitement calée. Bucky oublie son livre sur son ventre puis soupire d'aise quand la main de son compagnon se perd gentiment dans ses cheveux.

Un silence confortable s'installe.

Le brun garde un œil prudent sur le bouchon qui flotte au-dessus de l'hameçon mais il ne fait que danser doucement sur l'eau. Il abandonne, un sourire lascif aux lèvres tandis que son compagnon continue à jouer avec ses longues mèches sombres.

— « Tu ne m'as jamais raconté pourquoi tu avais choisi de devenir traducteur », dit finalement Chris.

Bucky penche la tête en arrière pour le regarder avant de hausser les épaules.

— « C'est une histoire banale. »

— « Tu veux bien me la raconter quand même ? »

Ses doigts chauds descendent lentement sur son cou et dans sa nuque.

Le brun frissonne légèrement. Il est sensible à cet endroit, surtout depuis que Chris aime y planter des baisers chauds.

Bucky se réinstalle correctement sur ses cuisses et ferme les yeux. La caresse est délicieuse, il ne voit plus aucun intérêt à continuer à lire les aventures du héros de son roman.

— « Une année, le ED a mis Guerre et Paix de Tolstoï au programme de littérature des dernières années. Maman adorait ce roman, elle m'en avait lu une version adaptée quand j'étais enfant. Pendant le second trimestre, elle rentrait tous les soirs à la maison en rouspétant parce que ses élèves considéraient qu'avoir vu l'adaptation au cinéma de 1956 était suffisante. »

— « Il y a trente ans, les lycéens aimaient regarder des films des années 1950 ? », demande Chris d'un ton dubitatif.

— « C'est une excellente adaptation avec Audrey Hepburn, tout le monde aime Audrey Hepburn », répond le brun d'un air d'évidence. « Maman était sincèrement touchée que personne n'apprécie ce livre autant qu'elle alors j'ai commencé à le lire pour lui faire plaisir et pouvoir en parler avec elle. » Bucky rit doucement. « J'avais onze ou douze ans et le style était horriblement difficile pour moi. Je n'ai pas abandonné, j'ai fait des recherches pour comprendre les mots trop compliqués et je regardais les livres de la bibliothèque d'Eureka pour comprendre à quoi ressemblait les endroits que l'auteur décrivait. Ça a fini par me fasciner. Je me suis intéressé à l'histoire de la Russie, à ces grands personnages, à son art. Quand j'ai vu du cyrillique pour la première fois, c'était comme le sindarin du Seigneur des Anneaux. »

— « Le quoi ? »

Bucky se redresse vivement sur ses coudes et jette un regard interdit à son compagnon.

— « Tu es sérieux ? Tu n'as jamais lu le roman ou vu les films ? »

Chris lui jette un regard un peu incertain avant d'éclater de rire. Le brun lui donne un rude coup de poing dans l'épaule et se réinstalle sur ses cuisses, l'air un peu boudeur. Son compagnon se fait pardonner d'une caresse tendre dans ses cheveux.

— « Tu es meilleur comédien que pêcheur », ronchonne-t-il.

— « Continue ton histoire, s'il te plaît. Ta mère a été heureuse de ce que tu as fait pour elle ? »

Bucky lui jette un regard un peu suspicieux mais Chris sourit doucement, sans malice dans ses yeux bleus. Il hoche la tête.

— « Elle a été ravie. Ne le dis à personne mais elle me lisait les copies de ses élèves et on les commentait ensemble. Je n'étais pas mauvais en analyse littéraire à cette époque… Pendant un été, j'ai pris des cours de russe au centre social d'Eureka, juste par curiosité. Je n'ai jamais arrêté », achève le jeune homme avec nostalgie.

Chris caresse gentiment son front.

— « Tu es incroyable. D'autres personnes se seraient contentés de regarder aussi l'adaptation pour le cinéma mais tu voulais lui faire vraiment plaisir. »

- « Je n'avais que ma mère depuis mes trois ou quatre ans tu sais », note doucement Bucky en frottant son nez contre son poignet. « Mon père nous a quitté immédiatement après leur divorce et je n'ai plus réellement eu de nouvelles de sa part. Nous étions juste tous les deux et elle a tout fait pour que je ne manque jamais de rien. »

— « … Il ne te manque pas ? », demande prudemment le blond.

Bucky se mord légèrement les joues.

Au début si, bien sûr. Il était un petit garçon et il l'appelait le soir en pleurant dans son lit. Non pas que Georges Barnes ait beaucoup joué avec lui, il passait son temps à travailler et à avoir une liaison avec une de ses collègues de bureau. Ça, Bucky l'a appris quand il était adolescent et il ne lui a jamais pardonné.

Il hausse légèrement les épaules.

— « Plus maintenant », avoue-t-il après un silence. « Il a refait sa vie du côté de Minneapolis dans le Minnesota, nous nous appelons à Noël. Nos chemins ne se croiseront plus maintenant et si je le voyais dans la rue, je ne suis pas certain que je le reconnaîtrai. Quand j'ai quitté Eureka pour aller à l'université, j'ai pleuré comme un enfant dans les bras de maman. Mon père s'est contenté de dire qu'il espérait que je sois boursier parce qu'il n'avait pas les moyens de me payer l'inscription. »

Chris renifle légèrement de désapprobation et le brun embrasse sa paume. C'est mignon de le voir en colère quand ses principes sont bafoués.

— « … C'est peu délicat de sa part. »

— « C'était surtout assez faux », ricane Bucky d'un air amer. « Il payait mal la pension alimentaire et quand l'avocat de maman le lui a fait remarqué, il a découvert qu'il conduisait un coupé sport. À partir de là, je n'ai plus rien attendu de lui. »

— « Je suis désolé Bucky. »

Le brun sourit et hausse les épaules.

— « Ce n'est pas si grave, j'avais ma mère et elle me donnait plus d'amour que mon père n'aurait jamais pu le faire. C'est un homme originaire du Texas, les hommes du Sud n'expriment pas leurs sentiments. »

— « … Comme un cow-boy ? »

Bucky éclate de rire et il pince malicieusement le genou de son compagnon.

— « Je ne sais pas ce que tu es en train d'imaginer mais si tu veux… Le seul moment où il a montré qu'il ressentait quelque chose est quand maman est tombée malade. Il est venu la voir à Providence une fois. Je n'étais pas là, je ne sais pas ce qu'ils se sont dit mais maman avait l'air satisfaite. » Il se mord les joues, la gorge un peu serrée. « Il m'a aidé après son décès, pour gérer les déclarations administratives et l'organisation des obsèques. Il est parti tout de suite après l'enterrement mais il était resté à mes côtés et ce n'était pas pour l'argent. Maman n'avait pas vraiment de patrimoine à part la maison de Manila et un peu de liquidités. … Je lui suis reconnaissant pour ça. »

Les caresses de Chris sont particulièrement apaisantes. Son compagnon bouge légèrement sous lui et Bucky sent qu'il ne tient plus la canne à pêche que d'une main. L'autre est posée sur son torse, chaude et réconfortante.

Il se racle légèrement la gorge, un peu ému. Il n'a pas pensé à Georges Barnes depuis très longtemps, à cette période de sa vie aussi. Le cancer est vraiment une sale chose.

— « Je suis aussi reconnaissant que sa maladie lui a laissé assez de répit pour me voir diplômé et avoir mon premier contrat de traducteur dès ma sortie de l'université, je ne voulais pas qu'elle s'inquiète pour moi », souffle-t-il avec mélancolie avant de sourire. « Elle disait qu'elle ne doutait pas de mes capacités, elle était plus circonspecte sur le fait que j'étais encore célibataire. Toutes les mères disent que leur petit garçon est beau. »

— « Tu es beau Bucky. »

La paume de Chris pèse un peu plus sur sa poitrine. Le brun rougit un peu.

— « Tous les petits-amis disent ça aussi », le taquine-t-il en cherchant son regard.

— « Les autres ne m'intéressent pas, il n'y a que toi qui comptes », répond Chris en haussant les épaules. « Tu sais déjà que j'étais heureux de te revoir à mon réveil à Providence… »

— « Oui, tu étais rassuré de voir que tu n'étais pas complètement seul. »

— « Je n'ai pas été totalement honnête avec toi. » Le blond baisse les yeux sur lui, un sourire tendre aux lèvres. « J'étais aussi rassuré parce que je me souvenais que tu étais beau et qu'en étant avec toi, je serai encore en sécurité. … J'ai aussi cru que nous étions déjà ensemble. »

— « Je ne serai pas venu te voir comme un voleur par la fenêtre si c'était le cas », proteste Bucky, la gorge serrée.

— « Même si on avait été marié, Sandy n'aurait pas pu entrer dans Providence », lui rappelle gentiment le blond et le jeune homme rougit sans pouvoir s'en empêcher. « … Quand tu m'as invité à habiter avec toi, je savais déjà qu'il n'y avait rien entre nous et j'ai cherché dans tous les recoins de la maison une autre personne. Je n'imaginais pas que tu puisses être célibataire. »

— « … Parce que je suis beau ? »

— « Bien sûr. C'est la raison pour laquelle j'ai été discret et distant les premiers jours. Tu pouvais être en couple et ne pas habiter avec cette personne, je ne voulais pas trop m'attacher à toi et apprendre que finalement, je devais te partager. » Chris se mord les joues, les oreilles un peu rouges sous sa casquette. « Ça m'inquiétait tellement que j'ai fini par demander à Sam si tu voyais quelqu'un. J'étais tellement rouge que j'ai cru que j'allais saigner du nez. »

— « … Tu ne lui as pas demandé quand tu as commencé à avoir des sentiments pour moi ? »

— « Je lui ai demandé à nouveau à ce moment-là mais la première fois, nous étions colocataires depuis seulement une semaine », avoue le blond.

Bucky cligne des yeux, parfaitement incrédule. Il ne parvient pas à croire qu'il a compté si fort pour Chris depuis le début. Bien entendu, le brun sait pour le manque de confiance, le besoin d'être rassuré par sa présence, mais que son compagnon le voulait déjà pour lui tout seul

… Il ne parvient pas non plus à croire que Sam a pu garder ce secret quand lui-même tombait irrémédiablement amoureux dans son coin.

— « … Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? »

— « Je ne voulais pas être indiscret ou te gêner, nous étions deux inconnus l'un pour l'autre. Et après, c'est de moi dont j'ai eu honte », admet Chris avec embarras. « Quand Sam m'a dit que tu étais célibataire, je me suis senti très égoïstement fier de voir que je comptais pour toi. Tu aurais pu passer du temps avec n'importe qui d'autre à Eureka, fréquenter des gens bien plus intéressants. Quand tu revenais du centre-ville, j'avais toujours peur que tu me dises que tu avais fait une rencontre et que tu sortais pour la nuit. … Lors de notre dispute après le bain de Sandy il y a deux mois, l'idée que tu quittes la maison m'a torturé toute la nuit. Même dans une boîte de nuit à peine éclairée à Arcata, tout le monde t'aurait abordé. »

— « N'exagère pas non plus mon pouvoir de séduction… »

Bucky rit mais le son est un peu étranglé. Il se redresse sur ses coudes. Il sent son compagnon appuyer doucement sur son torse pour le convaincre de rester allongé mais c'est hors de question.

Le brun s'assoit.

Chris garde les yeux rivés sur sa ligne toujours immobile, le visage rouge.

Bucky déglutit.

— « Je regarde souvent les visages des gens que je croise dans les rues d'Eureka pour travailler ma mémoire. Il y a eu des tas de visages, des tas de personnes mais pour moi, tu restes le plus bel homme que j'ai vu », chuchote le blond.

Le brun rampe sur ses fesses pour se rapprocher de lui. Il enroule un bras autour de sa taille, pose sa tête contre son épaule.

— « … Je n'ai plus pensé à personne d'autre que toi quand tu as accepté de venir habiter avec moi. Tomber amoureux de toi a été si facile qu'on pourrait en faire un scénario de soap-opera », marmotte-t-il en frottant son front contre le coton de sa chemise.

— « Pour moi aussi. »

Chris embrasse ses cheveux. Les deux hommes appuient un instant leurs têtes l'une contre l'autre, plongés dans un silence réconfortant. Le blond brosse doucement son nez dans ses cheveux.

— « … C'est pour cette raison que mes souvenirs ne me manquent pas… Ou pas vraiment », corrige-t-il alors que Bucky lui jette un regard. « Si je me rappelle de rien, c'est qu'il n'y a rien dont je devais vraiment me souvenir. »

— « Tu ne peux pas le savoir », rétorque doucement le brun.

Maintenant qu'ils sont en couple et que tout est si solide, Bucky se sent un peu plus à l'aise pour parler de la vie perdue de son compagnon. Il a moins d'appréhensions quant à leur futur et parfois, cette satisfaction provoque en lui un vieux souvenir de culpabilité. Dans la balance pèse son bonheur parfait et égoïste contre l'homme que Chris était avant de le rencontrer et dont ils ne savent toujours rien. Bucky ne fait pas grand-chose pour l'empêcher de pencher de plus en plus fort de son côté.

Son compagnon rit doucement.

— « C'est vrai, je n'en sais rien. Mais je suis amoureux de toi et ça me rend heureux, je pense que c'est déjà plus que ce que la plupart des gens partagent. Ça me suffit Bucky. Et tu es vraiment, vraiment très beau », le taquine le blond.

Bucky roule des yeux. Il embrasse l'épaule de Chris par-dessus son polo. L'étoffe est agréablement tiède de la chaleur de son corps et du soleil toujours généreux malgré la fin de la journée.

— « Pas autant que toi… Et je te propose de cesser immédiatement cette conversation parce que nous ne parviendrons jamais à tomber d'accord. »

Chris éclate de rire et lui pince malicieusement la hanche.

— « Tu me trouves beau même avec cette casquette ? »

— « Je t'en offrirai une autre dès que nous serons rentrés à Eureka », acquiesce vigoureusement Bucky. « Tu es sexy avec une casquette et ta chemise de bûcheron. »

— « Tu t'es aussi moqué quand tu m'as vu avec », lui rappelle Chris.

— « Question de principe sinon je passerai mon temps à te contempler stupidement », réplique le brun en battant des cils. « Tu es… tellement, tellement sexy bordel. »

Chris sourit et enroule un bras autour de sa taille pour l'attirer plus près.

Bucky suit le mouvement, il se redresse légèrement sur ses genoux, sa bouche déjà posée sur celle de son compagnon.

Le blond le tire, le presse plus fort contre son torse tandis que sa langue passe la barrière de ses lèvres. Leur baiser se fait plus profond et langoureux. Bucky sent ses cuisses et le bas de son dos tirer légèrement mais un frisson de plaisir remonte le long de sa colonne vertébrale, anesthésiant l'inconfort de sa position.

Il entend vaguement le bruit métallique de la canne à pêche, un mouvement gêné de Chris pour la poser sur le côté, fixée sur un support que Bucky avait oublié. Il grogne car cela l'empêche de se coller correctement à son compagnon.

Finalement, Chris pose ses deux mains sur sa taille pour le ramener contre lui. C'est un peu maladroit, un peu brouillon mais le brun finit par se retrouver assis sur ses cuisses, ses jambes sur le côté.

Malgré les étincelles de plaisir qui picotent agréablement dans ses terminaisons nerveuses, Bucky s'accroche à deux mains autour de sa nuque pour se tenir, les lèvres et les reins en feu.

— « Si tu me lâches, je t'entraîne avec moi dans la vase », menace-t-il, le souffle court en considérant leur équilibre un peu précaire.

— « Je ne le ferai pas mais d'accord », grogne Chris contre son visage.

Comme pour appuyer ses paroles, le blond enroule puissamment ses bras autour de sa taille et presse presque douloureusement leurs corps l'un contre l'autre. Bucky halète légèrement, bouche contre bouche.

Perdu dans le plaisir, il sent que Chris croise maladroitement les jambes sous ses fesses pour le soutenir et asseoir son équilibre. Rassuré par son caractère un peu moins instable – le brun sent les muscles fermes sous lui et ses grandes jambes écartées – il s'autorise à détacher une de ses mains de son cou pour arracher la casquette de Chris. Son compagnon proteste contre ses lèvres dans un grondement rauque qui vient alimenter les braises couvant dans son ventre. Bucky étouffe un gémissement un peu honteux contre sa bouche tandis qu'il plonge avec délice ses doigts dans les longues mèches claires de son compagnon. Sa barbe frotte plus que jamais contre ses joues, son torse se soulève puissamment contre le sien malgré une respiration un peu erratique et le brun est au paradis. Il entend à peine le tintement joyeux de la clochette accrochée en haut de la canne à pêche alors que le fil se tend brusquement.

Dérangé dans sa volupté, il rouvre paresseusement les yeux, bien plus préoccupé par les caresses de Chris sur la peau nue de ses hanches. Son compagnon a glissé une de ses mains sous son polo.

— « … Tu as une touche », marmonne-t-il en enfonçant presque voluptueusement ses doigts dans ses cheveux.

— « Ouais, elle est juste entre mes bras. »

Le jeu de mots est facile, assez mauvais pourtant Bucky sourit. Chris glisse sa main dans le creux de ses reins pour le rapprocher encore, toujours plus près et plus fort.

Il grogne contre sa bouche, son souffle est brûlant sur ses lèvres et le brun se cambre imperceptiblement de plaisir contre lui. Il étouffe un rire dans sa bouche que son compagnon s'empresse d'avaler. Mince, Chris fait des trucs incroyables avec sa langue et ses doigts sur –

— « Je ne suis pas difficile à attraper », ricane le brun en gigotant légèrement sur ses cuisses. « Tu as l'air d'avoir enfin attrapé une de ses foutues truites arc-en-ciel, la canne à pêche tintinnabule comme un carillon de Noël. »

— « Il y en aura d'autres plus tard », marmonne son compagnon à son oreille.

— « … Prétentieux. »

Oh. Oh.

Chris est en train d'embrasser avec expertise la longue ligne de son cou, parsemant la peau de baisers brûlants, retraçant le dessin d'un tendon du bout de la langue. Bucky gigote plus fort, les reins chauds. Il commence à se sentir excité.

Son compagnon ne semble pas avoir la moindre envie de se détacher de lui, pas même pour le laisser respirer. Le brun n'est pas mauvais en apnée quand il s'agit d'amour. Il plonge même très profond.

Les grandes mains de Chris pétrissent ses hanches et la chair tendre de sa chute de reins et Bucky esquisse un geste pour se mettre à califourchon sur ses cuisses. Ce serait un peu osé, ça ressemble quand même à une position un peu sexuelle. Le brun fronce les sourcils, bouge légèrement son bassin pour tenter de trouver une alternative pour se fondre un peu plus en lui. Et peut-être bouger d'une façon un peu sexy. Chris, ses petits soupirs et ses grognements font franchement flamber son désir dans son bas-ventre.

Oui, s'il se tourne, bascule les jambes de part et d'autre de son bassin et reste assis sur lui, ça pourrait être acceptable.

Ça ressemblerait aussi furieusement à la position du Yab-yum. Merde.

À côté d'eux, Sandy aboie férocement en direction du bouchon de l'hameçon qui tressaute joyeusement à la surface de l'eau. Elle se trémousse, se dandine, se tortille sur la terrasse, semblant hésiter à tenter sa chance et à sauter dans le lac pour aller vérifier par elle-même. Bucky la repousse gentiment d'une main quand elle tente d'enfoncer sa tête dans son torse pour attirer son attention.

Il y a finalement un autre ploc, particulièrement bruyant et Sandy jappe comme une furie.

Puis le silence.

Le brun rit contre Chris. Son compagnon semble avoir perdu une splendide truite, une énorme truite.

— « Tu l'as manqué… », note-t-il en haletant dans son cou.

— « Je te l'ai dit, je parviendrai à en pêcher d'autres plus tard. »

Bucky sourit et caresse les petits cheveux dans la nuque de son compagnon. Il a vraiment chaud et il a besoin de respirer. Quand Chris se penche encore vers lui pour l'embrasser, le brun plonge la tête dans son cou et suce doucement la chair tendre de sa gorge. Ça semble aussi indécent que d'être assis en Yab-yum sur Chris. Un suçon.

— « Est-ce que tu m'aurais raconté tout ça si nous étions restés à Manila ? », demande-t-il en brossant la peau chaude de ses lèvres.

— « Je l'aurai fait mais probablement plus tard. Je te l'ai dit, je ne suis pas très fier d'avoir été aussi égoïste », avoue le blond d'un air gêné.

— « J'aime quand tu es égoïste. »

Bucky sourit affectueusement pour le rassurer. Bien sûr qu'il ne lui en veut pas d'avoir voulu le garder pour lui seul, le brun a fait la même chose et il trouve ça sexy.

Chris le remercie d'un sourire timide qui étouffe un peu le feu qui couve dans son aine.

Il y a un temps pour tout, pour la passion et le désir et un autre pour la tendresse. Le suçon et l'assise des cuisses solides et musclées de Chris sont assez pour aujourd'hui.

Sandy semble apprécier l'intention. Elle rampe doucement vers eux, force son museau entre leurs corps enlacés pour poser sa tête sur leurs bassins. Chris la gratte gentiment sur le crâne et elle soupire de bien-être en fermant les yeux. Ils appuient leurs fronts l'un contre l'autre.

— « Demain, je te raconterai peut-être dans le détail comment je suis tombé amoureux de toi », dit le blond d'un air nonchalant.

— « … Possible que ça m'intéresse. »

Gêné par la tête de Sandy, Bucky descend lentement des cuisses de Chris et s'assoit à côté de lui. Ils recommencent à s'embrasser, plus lentement et paresseusement. Le blond glisse une main sous le bas de son polo et appuie sur sa hanche nue pour l'allonger doucement sur la terrasse en teck. Bucky cherche maladroitement autour de lui les coussins de la banquette pour les glisser sous leurs têtes.

Dans la chaude nappe de soleil, ils s'enlacent doucement et se bécotent, leurs mains effleurant leurs corps par-dessus leurs vêtements.

Le brun cligne des yeux de surprise quand il entend la clochette de la canne à pêche recommencer à tinter joyeusement. Bon sang, Chris est vraiment un homme chanceux. Il tente de lui faire remarquer qu'il serait bon de ne pas trop tenter sa bonne fortune – Bucky a fini par avoir envie de manger de la truite cuite au feu de bois – mais son compagnon fredonne doucement de plaisir contre lui, une de ses jambes glisse distraitement entre ses cuisses. C'est bon de sentir son corps peser ainsi doucement contre le sien, juste flanc contre flanc.

Bucky prend sa joue en coupe et caresse l'arête de sa mâchoire de son pouce.

La canne à pêche carillonne toujours. Sandy jappe encore.

Ce sont les bruits d'une célébration.