Chapitres 3 : Une histoire de potion

Avant de quitter les Weasley, je reçus de Lucius Malefoy un hibou me demandant d'envisager de rester quelques jours chez eux en ramenant Scorpius et Delphini, car il avait « trouvé quelque chose qu'il souhaitait me montrer ». Venant de lui, ces propos énigmatiques ne pouvaient faire allusion qu'à une chose, il avait une piste pour expliquer l'intérêt que Voldemort avait pu trouver à avoir un enfant avec Bellatrix Lestrange, alors que le fait d'avoir une famille ne faisait à l'évidence pas partie de ses plans. Cependant une fois au Manoir Malefoy, je fus accaparé par Drago qui pour une fois avait envie de parler. Ce n'est que le lendemain matin que je pus m'isoler avec Lucius dans son bureau, ce qui ne manque pas de susciter une certaine méfiance voire un certain agacement chez Narcissa :

« Ça fait des semaines que Lucius s'enferme dans cette pièce sans vouloir me dire ce qu'il y fabrique, je constate que tu as plus de chance que moi ! » me lança-t-elle.

« Mais ma chérie, je te l'ai déjà dit, c'est juste que je me suis remis aux runes. » plaida Lucius d'une voix mielleuse « Et je sais que tu ne t'es jamais intéressée à ça. Je veux montrer à Severus la traduction d'un texte intéressant que je viens de terminer. »

« Je vais faire semblant de le croire. » grommela Narcissa sur un ton qui laissait clairement entendre qu'il n'en était rien

« Je pourrais bien avoir trouvé une réponse à la question qui nous intéresse. » murmura Lucius dès que la porte se fut refermée sur son épouse.

C'est avec surprise que je le vis attraper deux paires de gants en peau de dragon, m'en tendre une et enfiler l'autre avant d'extraire d'un tiroir un vieux bouquin tout racorni.

« Pourquoi ces gants ? » m'étonnai-je.

« Il arrive que le bouquin devienne subitement brûlant. » m'expliqua-t-il « Je me suis fait avoir une fois, maintenant je prends mes précautions. »

« Magie noire. » observai-je la voie basse.

« Effectivement. Mais je te garantis que ce n'est rien à côté du contenu ! » releva-t-il.

« Où l'as-tu trouvé ? » l'interrogeai-je .

« Tu vas rire : dans mes cachots. » répliqua-t-il nullement gêné « Mon père avait remisé tout un tas de vieux bouquins dans un coin sombre. »

« Tu veux dire qu'il avait caché ses ouvrages de magie noire par crainte d'un contrôle du Ministère. » supposai-je.

« Pas du tout ! » protesta Lucius « On voit bien que tu n'as pas connu mon père. »

« Je te rappelle que ton père n'aurait jamais reçu un vulgaire sang-mêlé dans mon genre. » lui rappelai-je.

« En effet. » admit-il dans ton débonnaire, avant d'ajouter « Encore que si tu avais déjà été officiellement l'héritier de la Maison des Prince, il aurait probablement fait une exception. »

Peu intéressé par les principes à géométrie variable de Monsieur Malefoy père, je l'encourageai à poursuivre d'un geste impatient.

« Père ne s'intéressait qu'à une chose qui était sa marotte, son obsession, les liens du sang et tous les tests magiques qui permettent de les vérifier. » reprit néanmoins Lucius « Je suis bien sûr qu'il n'a jamais ouvert un bouquin portant sur autre chose après sa sortie de Poudlard. Donc s'il a descendu certains livres dans les cachots, ce n'est, à cause de leur contenu, mais juste qu'il ne les jugeait pas assez décoratifs pour figurer dans sa bibliothèque. La preuve, c'est qu'à côté de celui-là il y avait une vieille édition des contes de Beedle le barde ! »

Ce bavardage commençait à mettre mes nerfs à rude épreuve. Heureusement Lucius en vint au fait en me tendant son bouquin ouvert à la page qu'il avait marqué.

« J'ai essayé de faire une traduction. » ajouta-t-il en me passant aussi un parchemin « Mais comme je suis un piètre potionniste, j'ai pu faire quelques erreurs. »

Je posais les deux documents devant moi. D'un ACCIO, je fis aussi venir à moi un dictionnaire de runes qui était rangé dans la bibliothèque.

Le bouquin dégoté par Lucius était hors d'âge. Plus que d'un vrai livre, il s'agissait de recettes de potion griffonnées à la main et qui avait été reliées par une couverture. Pendant un long moment, je parcourus alternativement la recette du livre et la traduction qu'en avait fait Lucius en vérifiant çà et là quelques mots dans le dictionnaire.

« Une potion de régénération. » lâchai-je finalement en ne prenant conscience d'avoir parlé tout haut qu'en entendant le son de ma propre voix.

« Avec son propre enfant en ingrédient de potion. » lança Lucius en écho. « Si je ne me suis pas trompé en traduisant. »

« Non, à quelques détails près, tu as vu juste. » soupirai-je « Quelle monstruosité, si c'était vraiment là le but de la naissance de Delphini. »

J'avais beau avoir vu pas mal d'horreurs dans ma vie, je peinais à me défendre contre la nausée qui m'envahissait à la lecture de cette recette.

« En tout cas ça expliquerait pourquoi IL avait besoin que Bellatrix porte un enfant de LUI. » remarqua Lucius « Jamais je n'avais imaginé qu'IL puisse souffrir de SON physique au point de vouloir retrouver à toute force SON allure originelle. »

Je secouai la tête, s'il avait vu assez juste dans sa traduction, Lucius se trompait dans son interprétation :

« C'est plus que ça, tu sais. Cette potion aurait permis à Voldemort de réparer bien d'autres choses que son enveloppe corporelle. »

« Mais de quoi parles-tu ? » s'étonna mon interlocuteur qui avait grimacé quand j'avais prononcé le nom du Seigneur des Ténèbres.

« Je parle de son âme. » précisai-je.

« SON âme ? » railla Lucius « C'était bien la dernière de SES préoccupations ! »

« Oui et non. A la fin de sa vie, l'âme de Voldemort était trop affaiblie pour qu'il puisse songer à la partager encore. Cette potion lui aurait permis de résoudre ce problème. » expliquai-je.

« Tu veux dire qu'après avoir pris cette potion IL aurait pu créer de nouveaux Horcruxes ? » s'écria Lucius.

« C'est exactement ça ! » répliquai-je.

« Dans ce cas, l'enjeu était en effet suffisant, pour qu'IL demande à Bellatrix de LUI « fabriquer » l'ingrédient de potion dont IL avait besoin. » constata-t-il d'un ton écœuré.

Lucius Malefoy avait beaucoup de défauts et peu de principes, mais il avait aussi un amour inconditionnel pour son fils et son petit-fils pour lesquels il aurait sans hésitation donné sa vie. Je savais qu'il n'y avait pas de pire péché à ses yeux que d'envisager à l'inverse de sacrifier son enfant pour assurer sa propre survie.

« Au moins, cela donne une explication logique à l'existence de Delphini. » observai-je.

Lucius s'était levé. Après avoir fait les cent pas quelques minutes, il s'adossa à la fenêtre pour me faire face à nouveau.

« Arrête-moi si je me trompe. Cette potion ne pouvait fonctionner que tant qu'IL était vivant ? » m'interrogea-t-il.

J'acquiesçai d'un mouvement de tête sans comprendre où il voulait en venir.

« Donc, ça veut dire que, puisqu'IL a vraiment disparu, Delphini ne risque plus rien. » poursuivit-il.

Je ne partageais pas totalement son soulagement.

« Je me demande quand même pourquoi ceux qui l'avait emmenée, ont continué à s'en occuper de loin en loin et même pourquoi ils l'ont gardé en vie si elle n'était plus d'aucune utilité. » remarquai-je.

Mais, après des mois d'inquiétude – d'inquiétude pour Delphini, mais surtout de crainte à l'idée de décevoir Narcissa s'il n'arrivait pas à protéger sa nièce - Lucius était décidé à se rassurer.

« Ils n'ont juste pas osé l'abandonner complètement après avoir sans doute reçu énormément d'argent pour s'en occuper. » supposa-t-il.

Je lui aurais bien objecté que c'était là un raisonnement bien-pensant digne d'un gryffondor, mais comme je n'avais de concret à lui opposer, je me contentai de me taire. D'ailleurs, il était déjà passé à une autre idée :

« Pas question d'en parler à Narcissa. Elle adorait sa sœur et elle a déjà bien assez souffert de ce que Bellatrix était devenue à la fin de sa vie. Il est inutile de lui faire davantage de peine avec cette histoire qui n'a plus de sens aujourd'hui. »

J'acceptai malgré la petite voix dans ma tête qui me rappelait combien il peut être dangereux de se rassurer à bon compte.