Maître des âmes

Chapitre 3 :

Hedwige

Après avoir dîné avec Charlie, Alexander rejoignit sa chambre, laissant le shérif lui monter son sac. L'homme semblait inquiet qu'il soit trop fatigué après ses deux jours de voyage et il voulait absolument qu'il se repose tranquillement. Alexander en était touché, ne se souvenant pas qu'on ait fait ce genre de chose pour lui un jour. Sirius l'aurait peut-être fait, comme ses parents, mais ils n'en n'avaient pas eu l'occasion. Le lendemain était un dimanche et le shérif ne travaillait pas. Il ne prenait qu'un seul jour de pause réelle par semaine, rarement deux fois de suite le même, et pourtant, il était tout de même toujours disponible pour les gens si le besoin se faisait sentir. Alexander admirait son dévouement. Il n'était pas étonnant qu'il soit très apprécié en ville. Il sourit un peu plus en retrouvant sa chambre. La pièce était assez grande et simple, confortable, mais il l'adorait. Il se sentait tellement bien ici. Il allait assurément y ajouter quelques petites choses maintenant qu'il se souvenait, modifier un peu la décoration, mais il ne ferait pas grand-chose.

Charlie le pria de se reposer puis il s'en alla. La première chose que fit Alexander fut de libérer un coin de la pièce, pour installer un perchoir pour Hedwige. Il mit en place la lourde étoffe enchantée qu'il avait pour créer une niche pour elle la journée. Le tissu prenait de lui même la forme d'une grosse ogive autour de la chouette, s'écartant ou se refermant suivant qu'elle dormait ou se réveillait. Un petit sort supplémentaire ferait croire à Charlie que le tissu était accroché au plafond pour pendre autour du perchoir. Il alla ouvrir sa fenêtre pour son amie qui ne tarderait probablement pas, son instinct lui soufflant. Port Angeles n'était pas loin et elle avait certainement pu le suivre même d'un peu plus loin. Il revint ensuite déposer et remplir ses gamelles d'eau et de nourriture, s'assurant que tout soit parfait pour elle. Il posa un sort sur sa fenêtre pour que le froid n'entre pas après quoi il alla se laver et se mettre en pyjama.

Il sourit lorsque Charlie passa lui souhaiter une bonne nuit. Il ferma sa porte et commença à réarranger sa chambre avec sa baguette. Il gardait toujours la pièce rangée et propre, ne restait plus qu'à mettre un peu plus de lui. Il sortit l'ordinateur portable neuf qu'il s'était offert, ainsi que son téléphone et quelques autres gadgets dont-il avait envie mais qu'il n'aurait jamais demandé à Charlie. Il avait eu l'intention de se trouver un petit job pour aider et s'acheter ce dont-il avait besoin lorsqu'il serait guéri. Ce n'était plus nécessaire. Il avait bien envie de faire beaucoup plus pour aider Charlie, participer aux dépenses mais il savait que l'homme ne le laisserait pas faire, estimant que c'était à lui de prendre ce genre de chose en charge. Il savait déjà qu'il ne pourrait pas le faire changer d'avis mais ça ne l'empêcherait pas de faire ce qu'il fallait pour aider. Que ce soit s'occuper de la maison, faire quelques réparations avec sa magie, s'occuper du jardin… Il pouvait faire tout ça pour remercier Charlie et ne pas être qu'une charge. Il refusait de l'être peu importe ce que le shérif disait. Ce qu'il y avait de bien ici, maintenant qu'il était émancipé, c'était qu'il pouvait faire de la magie et que tant que rien n'était vu directement par un non-maj, il en avait le droit. Ce qui voulait dire qu'il pouvait protéger la maison, se servir de sa magie ici pour bien des choses tant qu'il veillait à ce que Charlie ne s'en aperçoive pas.

Il sortit quelques affaires, rangea les vêtements prévus pour le monde ordinaire. Il rangea le nécessaire acheté pour ses courriers sorciers dans les tiroirs de son bureau et continua ainsi doucement un moment. Il s'assit ensuite pour lire le dossier que Orélianne lui avait donné sur les êtres magiques de la région, lisant jusqu'à être mystérieusement attiré par sa fenêtre. Il la sentit immédiatement, souriant en se disant que ça devait être ça cette fameuse sensibilité. Il savait, il percevait sa chouette. Il fixa le ciel de nuit où la neige tombait et ce fut au point exact qu'il regardait que Hedwige apparut au loin, le faisant sourire. Son cri de joie perça l'air lorsqu'elle le vit et il lui tendit son bras à travers la fenêtre, l'appelant. Elle fendit le ciel et vint se poser aussi élégamment qu'à l'habitude. Sa fenêtre donnant sur l'arrière de la maison et les montagnes, des arbres bouchant la vue, on ne pouvait pas la voir depuis l'extérieur. Il pourrait facilement l'enchanter pour que Hedwige puisse passer à travers sans l'ouvrir, entrer et sortir à sa guise. Un dernier sort d'illusion pour cacher ça ferait l'affaire, faisant croire que la fenêtre était ouverte lorsque la chouette allait et venait. Mais il faudrait qu'il sorte ses livres pour ça. Il savait que ce sort existait mais il ne l'avait jamais fait. Il ne connaissait que très peu de sorts en réalité mais il était temps de s'y mettre sérieusement dorénavant et pas seulement en défense.

Il rentra sa chouette, fermant la fenêtre puis il passa un long moment avec elle assis sur le lit, la retrouvant, la caressant, s'assurant qu'elle allait bien. Elle lui pinçait un peu les doigts, montrant son mécontentement d'avoir été ainsi écartée mais un moment de câlin et de promesses que ça n'arriverait plus l'amadoua. Lorsqu'ils furent tout les deux apaisés et somnolents, il alla la déposer sur son perchoir, lui jurant de tout aménager pour elle. Il faudrait qu'il renforce les protections de sa bague. Rien qu'en animaux non magiques, il y avait bien plus de prédateurs dangereux pour elle ici. Il était hors de question de risquer qu'elle soit blessée. Il referma l'étoffe de velours couleur de vin autour d'elle, souriant de la retrouver auprès de lui, puis il alla se coucher.

Cela ne l'empêcha pas de se lever tôt le lendemain pour préparer le petit déjeuner pour lui et Charlie. Comme à l'habitude, le shérif soupira et le sermonna gentiment en arrivant, disant qu'il devrait plutôt se reposer. Et comme à l'habitude, Alexander lui fit remarquer que ça ne le tuerait pas et qu'il pouvait bien faire ça. C'était devenu une petite routine habituelle le matin et le jeune homme appréciait. Ils furent bientôt à table, mangeant dans un silence serein. Alors que Charlie allait se charger de dégager la neige de leur allée, Alexander rangea et nettoya la cuisine. Cela fait, il remonta pour récupérer un paquet dans sa chambre, vérifiant que Hedwige dormait toujours tranquillement. Il retourna ensuite au salon, le déposant sur la table basse avant d'aller refaire un peu de café pour réchauffer Charlie quand il rentrerait.

Cela ne tarda pas et l'homme se fit un plaisir de venir s'asseoir avec lui au salon, le remerciant pour le café. Lorsque Charlie était de repos. Ils faisaient ça, ils restaient à la maison à regarder la télé et à discuter tranquillement. D'autant plus qu'il était arrivé ici début novembre et que le temps n'était déjà plus au beau fixe. Aussi, avec son état de santé, Charlie l'avait gardé au chaud mais ils s'étaient promis d'aller randonner au printemps. Charlie voulait lui apprendre à pêcher et si la chose ne le tentait pas plus que ça, il était curieux de découvrir avec lui ne serait-ce que pour le plaisir de faire quelque chose avec cet homme qui ressemblait à un père pour lui.

- J'ai un cadeau pour toi, remarqua-t-il en attrapant le paquet laissé sur la table basse.

- Un cadeau ? releva le shérif en prenant la boîte carrée cachée dans un papier noir élégant.

- Pour te remercier de tout ce que tu as fait pour moi, sourit-il.

- Alex, tu n'avais pas besoin de…

- Charlie, coupa-t-il doucement mais fermement. C'est un cadeau alors ne discute pas et prend le simplement.

Souriant légèrement, l'air un peu embarrassé, le shérif ouvrit son présent, restant un moment stupéfait. Il s'avéra que ce qu'il avait dans les mains était un gros écrin renfermant une magnifique montre de grande marque. L'homme releva les sourcils, surpris en observant l'accessoire rutilant.

- J'espère qu'elle te plaît.

- Alex. Elle a dû te coûter une fortune, bredouilla-t-il. Je ne peux pas…

- Refuser, termina-t-il pour lui. Prend là simplement Charlie. C'est un cadeau et je te dois beaucoup plus que ça.

- Tu ne me dois rien.

- À tes yeux peut-être. Aux miens, je te dois énormément. Tu n'as pas idée à quel point, sourit-il doucement. Alors prend juste cette montre, ça me fait plaisir et ça, tu ne peux pas refuser, fit-il effrontément.

L'homme accepta alors, sortant le splendide accessoire pour le passer à son poignet.

- Avec une monstre pareil il va falloir que je refasse ma garde-robe aussi, s'amusa-t-il en le faisant rire.

Ils restèrent ensuite tranquilles à discuter et à regarder la télé, appréciant ce moment simple. Lorsqu'il entendit un petit bruit bien connu en provenance de l'étage, Alexander se leva pour s'y précipiter, allant récupéré une Hedwige râleuse. La fenêtre était fermée mais ce n'était visiblement pas cela qu'elle voulait, se précipitant sur son épaule dés qu'il apparut. Souriant, il repartit vers le salon avec elle, râlant à son tour lorsqu'elle lui pinça l'oreille.

- Aïe, fit-il en attirant le regard de Charlie. Oui je sais ma fille. Je sais. Tu es en colère parce que je t'ai laissé toute seule plusieurs mois. Je suis désolé ma grande. Là, calme toi, fit-il en la caressant.

Secouant ses plumes, elle cessa de lui tirer l'oreille et il revint s'asseoir près du shérif avec elle.

- Désolé, dit-il doucement. Normalement, elle dort à ce moment de la journée mais je crois qu'elle est franchement en colère d'avoir été oubliée ces derniers mois. Elle n'aime pas qu'on soit séparé.

Charlie sourit en observant l'oiseau splendide qui s'était mis à lisser quelques mèches de cheveux de son maître avec affection.

- Elle est magnifique.

- N'est-ce pas ? répondit-il avec fierté. Hedwige voici Charly, Charly, voici Hedwige, ma meilleure amie.

- Je peux ? demanda-t-il en avançant une main.

Il approuva et si Hedwige regarda cette main venir vers elle, elle se laissa volontiers caresser, retournant au lissage des cheveux de son maître après un instant.

- D'où vient-elle ? demanda le shérif.

- Le pensionnat dans lequel j'ai été, celui que mes parents avaient choisi, est très ancien. Je crois que ma famille y a été depuis aussi longtemps qu'elle existe, s'amusa-t-il. Ancienne école, anciens sports. Certains ont du foot, nous, on avait la fauconnerie. Hedwige m'a été offerte juste avant d'entrer à l'école pour ça. Elle est née en captivité en vu de faire du dressage. Nous n'avions pas que les oiseaux traditionnels de la fauconnerie mais toutes sortes de rapaces. C'est comme ça que je l'ai eu et que j'ai appris à l'éduquer et à m'en occuper. C'était presque une tradition d'en faire là bas.

- Je vois. Est-ce qu'il lui faut une volière ou autre chose ?

- Non pas besoin. Je vais simplement lui aménager un bon perchoir dans ma chambre. Elle va probablement me coller pendant quelques jours le temps de s'habituer mais elle reprendra son train train ensuite. Autant que possible, je ne l'enferme pas. Elle sort quand elle veut. Elle part voler et chasser dehors en plein air. La région devrait lui plaire pour ça. Parfois, on ne la voit pas pendant plusieurs jours, surtout lorsqu'il fait beau. Elle reste à l'extérieur autant qu'elle veut. Et quand elle en a envie, elle rentre. Elle prendra vite l'habitude de passer par ma fenêtre et si c'est fermé, elle se perchera tout près en attendant que quelqu'un vienne lui ouvrir. Si elle voit qu'il y a quelqu'un à l'intérieur, elle vient toquer à la vitre en général, sourit-il. Et elle se met devant pour demander à sortir aussi. Tu peux lui ouvrir si elle le fait quand je ne suis pas là. Je ne l'empêche jamais de sortir et elle revient toujours. Elle ne prend pas beaucoup de place et se débrouille toute seule. Je veille toujours à de qu'elle ait de l'eau et de la nourriture à son perchoir mais la plus part du temps, elle trouve elle même tout ce qu'il lui faut dehors. C'est une grande chasseuse, sourit-il en la caressant.

- Il y a plus de prédateurs ici, remarqua doucement Charlie.

- Je sais mais elle est très intelligente et elle n'est pas facile à attraper ou dénicher. Il ne lui arrivera rien j'en suis sûr. Et il est hors de question que je l'enferme. Les oiseaux ne sont pas fait pour vivre en cage.

- Je suis bien d'accord, sourit-il. Ce n'est pas tout les jours que l'on voit un tel oiseau.

- C'est vrai. C'est la plus belle. J'en suis tombé amoureux dés la première fois que je l'ai vu, sourit-il en la caressant. Elle ne m'a jamais laissé tomber. Si elle avait été libre, elle aurait été capable de me retrouver après mon accident. C'est aussi un peu pour elle que je voulais venir par ici, c'est bien plus son élément naturel même si on est encore un peu trop au sud. Ce sera déjà beaucoup mieux pour elle.

- Je crois qu'on a eu un couple comme ça dans le coin il y a une quinzaine d'années. Il faudrait demander à Billy. Les Quileute se souviennent bien de ce genre de chose.

Ils discutèrent encore un peu d'elle avant de profiter du calme. Hedwige avait fini par se rendormir sur l'épaule de son maître, appuyée contre sa tête. Alexander la caressait distraitement sans s'arrêter en regardant la télé et Charlie souriait en les observant, le tableau incroyablement doux. Ils restèrent ainsi jusqu'au déjeuner, l'adolescent retournant installer sa chouette dans sa chambre avant de venir faire à manger, refusant que Charlie s'en occupe. Un peu plus tard, comme prévu, ils virent arriver Billy avec son fils Jacob qui l'accompagnait comme toujours. Les deux aînés avaient prévu de se faire un match de base-ball et ce fut avec joie que Alexander alla leur ouvrir. S'il alla spontanément vers Billy pour l'aider à venir vers la maison avec son fauteuil roulant pendant que Jacob fermait leur pick-up, il fut vite arrêté par le Quileute :

- Non non non Alexander, stoppa-t-il. Toi, pas d'effort de ce genre jeune homme. Je suis bien trop lourd, rit-il. Et c'est dangereux avec la neige, ça glisse.

- Il a raison, fit Charlie en accourant pour s'en charger. Pas d'effort pour toi pour l'instant, rappela-t-en saisissant les poignets du fauteuil de son ami.

Les deux hommes s'en allèrent vers la maison en se saluant et en se chamaillant gentiment comme toujours, le shérif se chargeant de le faire entrer. Alexander sourit en les regardant. Billy avait toujours été infiniment gentil et prévenant avec lui, dés le début. Il avait été parmi les rares à ne pas le regarder étrangement ou avec pitié quand il ne se souvenait de rien et qu'il était complètement perdu. Il avait été protecteur, attentionné, paternel lui aussi. Il savait que les gens de la Réserve avaient aidé à chercher qui avait pu le renverser et le laisser pour mort, demandant à tous s'ils n'avaient rien vu. Rien n'avait été trouvé mais cela l'avait touché. Des témoins avaient vu de loin le pick-up le renverser mais cela s'étant produit en soirée, avec peu de lumière et sous la pluie, on n'avait pu identifier le responsable.

- Toujours aussi papa-poule sans l'admettre ces deux là, s'amusa Jacob en le rejoignant.

- Complètement, rit-il. Salut Jake.

- Salut. On rentre ? On se les gèle, râla-t-il.

Souriant, Alexander l'entraîna à l'intérieur et ils prirent naturellement le chemin de sa chambre. Il avait rencontré le jeune homme juste après être sorti de l'hôpital. Billy était venu chez Charlie comme souvent et son fils l'avait accompagné pour l'aider. On les avait présenté et si les débuts avaient été très étranges, Jacob ne sachant pas vraiment comment s'y prendre avec lui, ils avaient fini par se détendre et par devenir amis. Jacob était le seul ado de Forks qu'il connaissait pour le moment. N'allant pas au lycée et après cinq mois entre hôpital et repos à la maison, il n'avait pas fait beaucoup de rencontres. Il y avait eu Charlie bien sûr, Carlisle et le personnel médical qui l'avait entouré, quelques agents du bureau du shérif qu'il avait croisé. Il avait rencontré Billy et Jacob mais la liste n'était pas plus longue. Jacob avait beau avoir deux ans et demi de moins que lui, il s'entendait merveilleusement avec lui. Il était gentil, serviable, doux, souriant. Un peu timide sur certaines choses, parfois buté et un peu fermé mais rien qui ne soit vraiment négatif à ses yeux pour le moment.

Ils grimpèrent et s'installèrent dans sa chambre. Jacob avait promis de l'emmener à la Réserve lorsque le temps s'y prêterait mieux et que Charlie le laisserait sortir sans paniquer. Il devait avouer qu'il avait hâte d'y aller et si possible, de faire connaissance avec la tribu. Il y avait toujours eu quelque chose de fascinant pour lui chez les amérindiens et il était curieux d'en apprendre plus sur leur culture. Ironiquement, il en savait probablement plus sur les secrets des Quileute que Jacob lui même aujourd'hui. Si cela le mettait un peu mal à l'aise, il savait aussi que ce secret n'était certainement pas la seule chose à apprendre d'eux. Le dossier que Orélianne lui avait donné avait été fait pour qu'il sache comment agir avec la tribu, pour qu'il sache où étaient les limites du secret magique ici. La dame lui avait expliqué que la MACUSA avait ce genre d'informations sur toutes les communautés magiques du pays qu'il s'agisse de sorciers ou d'un peuple magique quelconque.

Il y avait jeté un coup d'œil la veille au soir. Il savait donc désormais que presque personne ne savait au sein de la tribu. Seuls les Anciens se transmettaient le secret de l'héritage magique de la tribu. Un secret qui ne serait partagé qu'avec ceux qui activeraient cet héritage. Quand au monde magique, les Anciens savaient mais ils n'en connaissaient presque rien et n'avait aucun contact avec eux, avec d'autres peuples. D'après les informations d'Orélianne, c'était encore une chose qu'ils se transmettaient entre Anciens mais cette fois, ce n'était pas dit aux métamorphes qui apparaissaient. Il se demandait pourquoi mais ce n'était pas ses affaires.

Mais pour lui, les choses étaient claires maintenant. Il ne pouvait parler du monde magique qu'avec les Anciens si le besoin se faisait sentir. Eux seuls pouvaient voir la magie sans qu'il ne transgresse la loi en leur montrant ou en leur parlant du sujet. Selon la loi, il pouvait aussi en parler aux métamorphes éveillés puisqu'ils étaient des êtres magiques de manière officielle. Seulement, si les Anciens leur cachaient ça, il y avait peut-être une raison et pour le moment, il n'irait pas contre la loi de la tribu sans mieux les connaître, sans comprendre. Cela revenait à dire qu'il ne parlerait pas magie avec les Quileute avant longtemps certainement.

- Eh mais c'est nouveau ça, fit Jacob en repérant le perchoir couvert d'Hedwige.

Curieux, il s'approcha doucement alors que Alexander allait s'asseoir sur son lit. Le Quileute alla écarter le tissu pour découvrir la chouette, surpris et émerveillé par le rapace blanc dormant paisiblement.

- Elle s'appelle Hedwige, présenta doucement Alexander en le regardant faire.

- Depuis quand tu as un tel oiseau ?

- Depuis que j'ai onze ans.

Il fallut un moment à Jacob pour traiter l'information mais il se figea soudain en comprenant, se tournant lentement vers lui l'air incertain. Alexander lui sourit légèrement et il le rejoignit sur le lit en oubliant complètement la chouette.

- Tu te souviens de quelque chose ? demanda-t-il l'air soucieux.

- De tout en faîte, répondit-il calmement en le stupéfiant. C'est revenu en une nuit.

Jacob assimila l'information, réfléchissant rapidement, tendu et inquiet.

- Est-ce que tu vas repartir ? demanda-t-il finalement.

Et Alexander fut touché de voir que l'idée lui déplaisait fortement, marquant qu'il le considérait vraiment comme un ami. Cela faisait à peine deux mois qu'ils se connaissaient et pourtant, il se sentait déjà plus proche de Jacob qu'il ne l'avait été de n'importe quel autre qu'il avait appelé ami autrefois.

- Non, je vais rester, dit-il doucement en le faisant sourire.

- Tu ne vas pas rentrer chez toi ? demanda-t-il tout de même l'air intrigué.

- Il n'y a pas de « chez moi », fit-il en remontant ses genoux contre lui. Si Charlie n'a pas réussi à retrouver ma famille, un ami ou quelqu'un c'est parce qu'il n'y a personne. Je suis tout seul, avoua-t-il. Je suis émancipé et le peu de famille que j'avais est décédé. Il n'y a plus personne. J'étais venu à Forks pour changer d'air, me trouver une maison et prendre un nouveau départ. J'aime les endroits perdus en forêt comme ça, sans trop de monde. Je venais juste d'arriver en ville pour visiter quand j'ai eu cet accident. Je me suis souvenu de tout il y a quelques jours. J'ai fait un saut à Seattle pour récupérer mes papiers et mes affaires qui étaient restés là bas et pour récupéré Hedwige. Je l'avais laissé le temps de trouver une maison où rester.

Il y eut un moment de silence dans la pièce, son ami assimilant tout ça.

- Je suis désolé, dit-il finalement.

- Tu n'as pas à l'être. C'est ma vie c'est tout. On s'imagine plein de choses quand on ne sait pas. Je sais que j'avais dis que j'espérais que j'avais une famille quelque part mais maintenant que je me souviens, c'est très bien comme ça au contraire. Je suis heureux d'être là même si j'aurai préféré qu'il n'y ait pas d'accident, dit-il plus légèrement en l'amusant.

- Alors qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?

- Charlie veut que je reste vivre ici avec lui et j'ai accepté. Je vais rester là. Juste, si tu pouvais garder ça pour toi. Je suis plutôt du genre à garder ma vie pour moi et les gens commencent enfin à m'oublier alors…

- Je ne dirai rien, promis, sourit-il. Je suis content que tu restes.

- Moi aussi.

- Et Charlie doit-être heureux aussi. Il est très attaché à toi.

- C'est réciproque. Il est génial. En fait, c'est peut-être un mal pour un bien. Bref, je vais rester dans vos pattes, s'amusa-t-il.

- Ça me va, rit-il.

Ils passèrent le reste de l'après-midi ensemble, parlant d'Hedwige un moment. Discret, Jacob ne lui posa pas de question sur son passé, agissant comme à l'ordinaire avec lui.

Le lendemain, Alexander montra ses papiers à Charlie. Le shérif avait expliqué qu'il pourrait ainsi clôturer son dossier et l'enquête sur lui. En vertu de l'asile dont-il bénéficiait, il pouvait ne mettre que le strict nécessaire dans le dossier et le classifier, ce qu'il promit de faire sans rien dire à personne pour ne pas que cela se sache et qu'il garde sa vie tranquille. Cette fois encore, Alexander n'en croyait pas sa chance d'être sous la protection du shérif qui pouvait régler ça discrètement pour lui, légalement et sans bruit. Ce fut aussi ce jour là qu'il reçu son sceau postal magique et en ce lundi, Charlie parti travaillé, il se remit lui aussi au boulot dans sa chambre, sortant ses livres, ses parchemins, ses plumes et tout ce dont-il avait besoin pour étudier. Il ensorcela ses fenêtres pour qu'on ne puisse voir l'intérieur de l'extérieur et ainsi pouvoir lancer des sorts en étant certain que personne ne s'en apercevrait. Cela irait pour les petits sortilèges mais il faudrait qu'il pense à un endroit pour les entraînements plus importants. Et à chaque fois qu'il faisait de la magie, il portait une attention particulière à ce qu'il se passait, scrutant sa magie pour voir si son traumatisme amenait d'autres changements.

Cette semaine là, il installa de nouvelles habitudes. Il mit fin à son suivis psychologique. Le psychologue n'était pas pour et Carlisle non plus, comme Charlie mais lui savait que ce ne serait pas utile avec un moldu. Est-ce qu'il avait besoin d'un suivi de ce genre ? Certainement. Est-ce qu'il y était prêt ? Non. Est-ce qu'il en avait envie ? Non. Et il ne savait même pas s'il y avait des psychologues magiques qui auraient potentiellement pu l'aider. Alors il préférait arrêter et laisser ça de côté. Si personne ne fut pour, jugeant que cela lui serait nécessaire, ils ne l'obligèrent pas d'autant plus qu'il décidait légalement pour lui même maintenant que les choses étaient remises à leur place.

Ce fut aussi ces jours là qu'il termina sa rééducation, quittant la dernière séance avec pour consigne de faire le l'exercice doux régulièrement et progressivement plus s'il le souhaitait. Il était convenu qu'il continu à voir Carlisle une fois par semaine pendant un mois au moins. Et s'il avait décidé de se faire suivre par un médicomage certainement plus adapté, il continua aussi avec le vampire avant tout pour ne pas l'inquiéter lui et Charlie. En revanche, il avait échangé les médicaments non magiques pour les potions plus efficaces. Il se mit à passer tout son temps à étudier durement, voulant se rattraper. Malgré tout, il était conscient qu'il devait s'améliorer. Premièrement, il voulait avoir son diplôme dans les temps pour ne pas être embêté avec la loi de ce côté. Et deuxièmement, il devait devenir plus fort pour se défendre au cas où. Il n'était pas naïf au point de croire qu'il n'aurait plus d'ennuis. Les ennuis le trouvaient toujours même s'il semblait avoir de la chance depuis qu'il était à Forks. Enfin, il avait de la chance si on excluait le pick-up qui l'avait renversé.

Il se mit donc sérieusement au travail, ignorant ses maux de têtes et ses malaises, pour retrouver ses vieilles habitudes en matière de santé. Cela ne l'empêcha pas de s'occuper de la maison et de préparer les repas, sa magie de retour aidant énormément. Comme prévu, Hedwige avait vite pris ses habitudes et après quelques jours à le coller de près, elle sortait à nouveau. Elle avait vite adopté Charlie lorsqu'il s'était mis à venir lui offrir une caresse et une friandise lorsqu'il passait. En deux semaines, il avait très vite refait son programme, faisant son maximum pour rattraper son retard. Encore une fois, il avait un peu de chance puisqu'il connaissait déjà certains sorts du programme de sixième année. Les cours étaient différents entre les pays mais le niveau ASPIC de base, ou peu importait le nom qu'il portait dans le pays, avait été à peu près égalisé dans le monde pour la majorité des sorciers. La plus part des pays l'avaient fait et c'était le cas des États-Unis et du Canada. Les cours secondaires différaient énormément mais les bases du diplôme obligatoire se ressemblaient beaucoup dans les pays adhérant à la Confédération Internationale. Pour les matières additionnelles et les spécialisations facultatives, il verrait plus tard. Pour lui, le plus urgent était d'obtenir son diplôme classique pour être en règle avec la loi. Il aurait tout le temps pour d'autres choses plus tard.

Seulement, au bout de ces deux semaines, il se sentait déjà épuisé avec une migraine qui refusait de s'en aller. Plusieurs problèmes se posaient déjà. Le plus flagrant : il avait besoin d'un endroit sûr ou faire de la magie. Un endroit assez grand avec le nécessaire pour s'entraîner à ses sorts mais aussi pour travailler les potions. Sans parler qu'il comptait travailler rapidement beaucoup plus la défense en prévision de ce qui pourrait se passer. Il avait pensé à aller en forêt mais même en s'enfonçant loin, il n'était pas certain d'être en sécurité et à l'abri des regards. Un lieu clôt et protégé aurait été bien mieux. Aussi, s'il était bien décidé à rester vivre avec Charlie, il envisageait sérieusement d'acquérir une propriété non loin pour en faire une maison magique où travailler et au besoin, recevoir des sorciers et des êtres magiques. Cela pouvait aussi être prudent d'avoir une maison magique sécurisée au cas où il se passerait quelque chose.

Deuxième point, il avait vraiment besoin d'avoir des nouvelles du Royaume-Unis pour surveiller. Il ne cessait de se poser des questions et de s'inquiéter, ignorant totalement ce qui avait pu se passer depuis son départ. Il refusait de commander la presse britannique par prudence pour ne pas se faire repéré. Un sorcier perdu au bord du Pacifique dans une zone où il n'y avait presque pas de sorciers et qui commandait la presse britannique… c'était un indice trop stupide et évident à ses yeux. Il apprenait encore lorsqu'il s'agissait de se cacher, de brouiller sa piste, de protéger sa nouvelle vie et de ne pas faire de bêtise mais jusque là, il se débrouillait assez bien en faisant preuve de logique. Peut-être était-il un peu obsédé avec cela mais dans son cas, un excès de prudence semblait tout à fait raisonnable. Il ne savait pas comment s'y prendre lui même aussi, il se disait qu'il pourrait peut-être demander à Orélianne. La dame saurait certainement l'aiguiller depuis le MACUSA.

Son soucis suivant était plus d'ordre logistique. Il devait refaire ses réserves de fournitures magiques pour ses études, particulièrement pour les potions et il ne pouvait stocker tout ça ici. Il pouvait garder le tout dans son médaillon magique mais ce n'était vraiment pas pratique. La question du local pour la magie s'imposant un peu plus. Il avait également des affaires à voir avec les gobelins pour la gestion de ses biens même si cela n'était pas vraiment urgent. Il y avait tout cela et plusieurs autres petites choses diverses qui le préoccupaient. Il réfléchissait encore à la meilleure manière de gérer tout cela.

Mais après deux semaines de travail, de magie, de réflexions et d'inquiétude, il était épuisé, avec une migraine tenace et des malaises bien présents. Cela s'était particulièrement fait sentir cette nuit là. Il n'avait quasiment pas dormis, sa tête pulsant douloureusement, il avait la nausée, il était étourdis et ne se sentait pas bien du tout. Carlisle, comme le médicomage avaient dit qu'il devait se reposer et il avait peut-être un peu forcé ces derniers jours en dormant peu et en travaillant beaucoup que ce soit sur ses études, sa magie, pour entretenir la maison, pour ses problèmes ou, et surtout, pour s'inquiéter de sa situation.

Abandonnant l'espoir de parvenir à dormir, il s'assit au bord de son lit, attrapant sa bouteille d'eau pour boire un peu. Seulement, au lieu de l'aider à se sentir mieux, cela provoqua une puissante vague de nausée. Se levant précipitamment, il courut jusqu'à la salle de bain de l'étage, se maudissant quand il rentra dans le mur en trébuchant, faisant un boucan du diable alors que Charlie dormait. Il n'eut pas le temps de s'en préoccuper, s'effondrant juste à temps devant la cuvette pour recracher l'eau qu'il venait de boire, la bile remontant dans sa gorge. Il avait réussi à maîtriser ses nausées toute la nuit mais il ne pouvait plus. Une puissante bouffé de chaleur le secoua et cela n'arrangea pas sa migraine. Sa vision se brouilla, des points noirs dansant devant ses yeux, son ouïe assourdie. Les haut de cœur se multiplièrent sans contrôle et il commença à peiner à respirer, maudissant ce fichu chauffard à qui il devait cela.

Il n'entendit pas Charlie arriver en catastrophe, l'appelant avec inquiétude. Il ne pouvait que serrer la porcelaine de toutes ses forces en tentant de contrôler un minimum son souffle, plus rien d'autre ne perçant ses sens si ce n'était la douleur. Il se mit à trembler sans contrôle, les larmes ruisselant sur son visage rougi. Il ne commença à prendre conscience de la présence de l'homme que lorsque celui-ci s'accroupit derrière lui, lui frottant le dos et venant plaquer un linge imbibé d'eau froide sur son front déjà en sueur. Cela l'aida à reprendre pied et doucement, le malaise cessa, le laissant à bout de souffle. Lorsque ses sens acceptèrent de reprendre du service, il s'aperçut qu'il était affalé contre Charlie qui rafraîchissait son visage brûlant en continuant ses caresses apaisantes dans son dos. Cela faisait du bien. Ça faisait tellement de bien.

- C'est passé ? demanda-t-il finalement le ton bas et calme.

- Ouais, désolé, bredouilla-t-il la voix rauque.

- Ne t'excuse pas ce n'est rien, rassura-t-il immédiatement. Viens, il vaut mieux retourner au lit. Je vais t'aider.

Il approuva lourdement et laissa Charlie le remettre délicatement sur ses pieds. Tout se mit immédiatement à tourner autour de lui et si le shérif ne l'avait pas tenu fermement, il se serait effondré à nouveau. Ce fut en le portant pratiquement que l'homme le ramena patiemment à son lit sans le bousculer. Il le rallongea, repliant les couvertures en sentant à quel point il avait chaud pour l'instant. Il s'assit près de lui, posant une main sur son front avec inquiétude.

- Tu es chaud, remarqua-t-il.

- Ça va passer. C'est le malaise, murmura-t-il.

- Tu en as beaucoup trop fait ces derniers jours, constata-t-il simplement.

Il regarda autour de lui, avisant le matériel d'étude éparpillé dans la chambre. Ce n'était pas le bazar, ce n'était jamais le bazar dans la chambre d'Alex. Mais il y avait de nombreux livres sortis et ouverts, des feuilles de papiers pleines de notes, des stylos et autres fournitures. Bien sûr, Alexander avait placé un charme dans la pièce pour que tout ce qui était sorcier apparaisse moldu pour les autres. Un livre de sorts devenait un livre de math, une plume un stylo, un parchemin une feuille à carreau… C'était plus simple que de tout sortir et ranger à chaque fois avec le soucis de faire en sorte que Charlie ne voit rien. Avec ce charme qu'il avait cherché le premier jour, il pouvait laisser ses affaires en place sans inquiétude. Le shérif observa tout cela. Il avait beau ne pas être beaucoup à la maison, il avait bien compris que son protégé s'était mis au travail et qu'il ne lésinait pas sur les efforts. Mais ce n'était pas ce dont-il avait le plus besoin en ce moment. Et à côté de cela, il continuait à s'occuper des tâches ménagères et de la cuisine sans qu'il ne parvienne à le faire arrêter. La maison n'avait jamais été aussi propre et rangée alors qu'il n'avait que peu de temps à y consacrer avec son travail. Il était impossible de ne pas voir les efforts d'Alex. Quand à la cuisine, il n'avait pas aussi bien mangé depuis des années. Mais il s'en fichait pas mal si cela nuisait à la santé du jeune homme encore très fragile. Il revenait de loin et il le savait bien pour avoir absolument tout suivi depuis l'accident.

- Tu as besoin de te reposer Alex, posa-t-il. Tu as besoin de voir un médecin aussi.

Il était inquiet. L'adolescent était atrocement pâle, encore tremblant et l'air confus, grimaçant de douleur.

- Pas besoin, murmura-t-il doucement. Et puis c'est dimanche.

Charlie fit la grimace. C'était vrai et il n'y avait pas de consultation à l'hôpital aujourd'hui. Seulement, il l'emmènerait aux urgences si nécessaire. L'hôpital de Forks n'était jamais surchargé de toute manière et il savait qu'il valait mieux suivre Alexander de près en ce moment. Il regarda l'heure. Il était encore tôt mais il devait aller travailler dans un peu plus d'une heure. Il n'avait vraiment aucune envie de laisser son protégé seul dans cet état.

- Tu as pris tes médicaments ? demanda-t-il en écartant ses cheveux de son visage.

- J'en ai repris il y a moins d'une heure. Mais ça n'a pas eu beaucoup d'effet, grimaça-t-il.

Il ferma douloureusement les yeux, sa migraine implacable, comme la fièvre qui montait. Il n'avait plus fait de malaise aussi violent depuis un moment. Il avait vraiment trop forcé ces deux dernières semaines mais que pouvait-il faire d'autre ? Charlie réfléchit rapidement. Il pouvait emmener Alex aux urgences pour qu'il voit un médecin mais il doutait que ce soit une bonne idée de le lever et de le faire sortir dans cet état. En ce dimanche, il n'y avait pas de médecins disponibles à l'hôpital et dans la petite ville, il n'y avait pas de cabinet indépendant. Tous allaient à la clinique. Il devait bien y avoir un médecin de garde qui pouvait venir mais il ne saurait pas grand-chose du cas d'Alexander. Aussi, il prit la seule option acceptable à ses yeux :

- Je vais appeler le docteur Cullen pour voir s'il peut passer, dit-il.

- Non, protesta l'adolescent. Il doit être de repos aujourd'hui. Ne le dérange pas ça ira.

- Alex, tu as besoin de voir un médecin et tu as besoin que quelqu'un reste veiller sur toi un moment. Le docteur Cullen a dit qu'on pouvait l'appeler n'importe quand. Repose toi, je vais l'appeler et ce n'est pas discutable, trancha-t-il.

Le jeune homme eut l'air franchement embarrassé à cette idée mais il laissa bien vite tomber, gémissant à un nouvel élan de douleur qui lui fit tourner la tête. Charlie attendit que cela passe avant de se lever pour aller récupérer son téléphone et appeler le médecin. Celui-ci avait été clair sur le fait de ne pas hésiter à l'appeler pour Alex, n'importe quand, alors il le fit. Il répondit très vite malgré l'heure matinale de ce dimanche et Charlie n'eut que quelques explications à donner avant qu'il ne propose directement de passer voir son jeune patient, ce qu'il accepta avec joie. Il alla enfiler un pantalon pour être un peu plus présentable puis il retourna auprès d'Alexander qui ne semblait pas mieux, bien au contraire.

- Le docteur Cullen arrive Alex, dit-il en prenant sa main.

- Désolé, dit-il à nouveau.

- Pas besoin de t'excuser, assura-t-il. Reste tranquille.

Il resta au chevet du jeune homme, inquiet de le voir dans cet état. Alexander le touchait au cœur depuis la première minute. Il avait d'abord été touché de voir une personne aussi lourdement blessée et en danger de mort à cause d'un chauffard. Cela avait été encore pire en découvrant son âge. Il se souvenait de la seconde où il s'était penché sur lui pour voir son état et qu'il avait réalisé qu'il s'agissait d'un adolescent paraissant plus jeune que sa fille. Puis on avait découvert qu'il n'avait pas eu la vie facile et il avait été impossible de trouver sa famille. Chaque nouvelle chose l'avait un peu plus touché et quand il l'avait vu éveillé, amnésique et tellement perdu et anxieux, il avait terriblement voulu l'aider et le protéger. Il n'avait pas compris comment personne n'avait pu se présenter pour lui, pourquoi il n'avait rien trouvé dans les avis de recherches. Alexander avait été trouvé habillé décemment, propre, avec des bijoux de valeur… Il n'avait rien d'un sans abri errant ou d'un fugueur, plus d'un jeune en vacances d'été en forêt. Seulement, il n'y avait eu ni famille, ni ami, ni personne.

Son affection pour lui n'avait fait que grandir. Alexander était un jeune homme attachant, fort, poli, doux, calme… Il n'avait pas hésité quand il avait eu besoin d'une maison. Il avait pu le connaître encore plus et il n'avait décidément rien d'un adolescent classique. Il ne demandait rien, ne se plaignait jamais, respectait les consignes qu'il donnait… De lui même, il s'était mis aux tâches ménagères avec une grande application et vu sa cuisine, la chose n'était pas nouvelle et même carrément automatique malgré son amnésie. Sa chambre était toujours rangée, il ne faisait pas de bruit, faisait son maximum pour ne pas gêner, serviable et toujours souriant. Il s'était vite débrouillé tout seul pour aller à l'hôpital pour ses rendez-vous. Si Charlie avait d'abord insisté pour l'accompagner, le jeune homme n'avait pas voulu déranger son travail et avait préféré prendre le bus quitte à passer beaucoup de temps à attendre à cause de l'avance qu'il devait prendre avec le peu de créneaux qu'il y avait. Il allait d'ailleurs à ses rendez-vous médicaux sans rechigner et sans qu'on ait à lui rappeler. Il était tout ce qu'un adolescent de seize ans n'était pas.

Et maintenant qu'il se souvenait et qu'il lui avait donné les grandes lignes de sa vie, il ne s'était que plus attaché à lui. Il n'osait imaginer à quoi avait dû ressembler sa vie pour qu'il en soit là aujourd'hui. Oui, Alexander avait peut-être un héritage confortable mais clairement, c'était tout ce qu'il avait de bien. Il savait qu'il avait eu une enfance de violence, qu'il n'avait jamais connu ses parents morts de manière atroce. Il avait perdu la seule famille qui lui restait récemment et de toute évidence, son entourage n'avait été ni sincère, ni bienveillant et pire, il avait été intéressé, cupide et manipulateur avec lui. Tout cela était déjà certain même si Alex n'avait pas donné de détails. Mais il y avait forcément beaucoup plus. Sinon, le jeune homme n'aurait pas eu son émancipation et surtout, il ne se serait pas retrouvé à bénéficier de l'asile politique et à devoir s'expatrier ainsi. Il ne fallait pas être une lumière pour deviner que ce qu'il s'était passé dans sa vie était bien plus grave qu'il ne voulait bien le dire pour qu'il ait cela, pour qu'il vienne se cacher dans une petite ville bien loin de sa terre d'origine. Et tout cela dans la vie d'un enfant de seize ans était beaucoup trop. Alors il voulait veiller sur lui, le protéger et essayer de lui donner une vie plus ou moins normale. Alexander le méritait largement, c'était une évidence à ses yeux.

Maintenant, il le voyait comme un fils et il était prés à veiller sur lui comme tel d'autant plus qu'il était certain qu'il resterait et qu'il pouvait s'attacher réellement à lui sans craindre de voir une famille débarquer et l'emmener. Le voir dans cet état l'angoissait terriblement. Depuis qu'il se souvenait, Alex avait encore changé un peu et c'était normal. Il avait l'air moins perdu et confus. Il se tenait encore plus droit. C'était discret mais il émanait de lui quelque chose de différent, de plus fort, de plus guerrier, de plus assuré. Il semblait bien plus préoccupé aussi, déterminé à travailler comme s'il n'avait pas le choix. Il s'était fait encore plus calme et plus secret. Mis à part ce qu'il lui avait déjà dit en grandes lignes et sur Hedwige, il ne lui avait rien raconté de son passé et de sa vie, aucun détail. Il n'en parlait pas du tout. Le retour de sa mémoire ne semblait pas le choquer mais assurément, cela avait déclenché quelque chose en lui. Et ce quelque chose le poussait à travailler en mettant son repos de côté.

Il faisait comme si tout allait parfaitement bien et les signes étaient discrets mais Charlie voyait bien que quelque chose l'inquiétait. Là encore, il pariait sur sa situation. Il savait qu'il venait de fuir son pays, de prendre son indépendance, d'obtenir l'asile… Avec son amnésie et le trou temporel qu'elle laissait, cela devait lui donner l'impression que cela datait d'hier. Le jeune homme avait de quoi être inquiet et être sur les dents. Pourtant, en prenant en compte tout ça, il était tout de même exceptionnellement calme et maîtrisé. Il aurait eu de quoi être plus agité et instable. Même s'il ne savait pas grand-chose, deviner que Alexander était un jeune homme remarquable, responsable avec derrière lui une vie particulièrement complexe et difficile n'était pas compliqué. Il espérait vraiment l'aider, l'apaiser et lui donner une existence plus ordinaire.

Il détourna le regard de son visage pâle et fiévreux en entendant une voiture arriver. Se levant, il alla dans la chambre d'en face pour voir l'avant de la maison, souriant en voyant le docteur Cullen sortir de sa berline dans l'obscurité du matin. Il portait sa grosse sacoche de médecin et avançait à grands pas l'air préoccupé. Il descendit pour lui ouvrir et l'accueillir, lui expliquant un peu plus ce qu'il s'était passé en montant à l'étage avec lui. Alexander ne se rendit même pas compte qu'il arrivait, confus. Sans même prendre le temps d'enlever son manteau, le médecin s'assit près de lui, posant quelques questions au shérif pour en savoir plus avant de se pencher sur son jeune patient :

- Alexander ? Alexander c'est Carlisle, fit-il calmement. Est-ce que tu m'entends ?

- Carlisle ? bredouilla-t-il après une petite minute.

- C'est moi, sourit-il.

Infiniment patient et délicat, il l'examina, lui posant quelques questions. Charlie compléta avec ce qu'il savait, spécifiant l'heure à laquelle il avait pris ses derniers médicaments. Carlisle redressa un peu le jeune homme, le poussant à essayer de se reposer, rassurant. Puis il sortit avec Charlie dans le couloir.

- Il est épuisé mais ça ira, assura-t-il. Il n'y a rien d'alarmant. Il doit se reposer et se détendre. Est-ce qu'il a fait quelque chose de particulier hier ?

- Non mais depuis deux semaines, il s'acharne sur ses études, soupira-t-il. Je ne suis pas beaucoup à la maison mais je suis sûr qu'il ne fait pas vraiment de pause. Il continu aussi avec les tâches ménagères et la cuisine même si j'essaye de le faire arrêter. Il est têtu à ce sujet.

- Est-ce qu'il y a eu des crises d'angoisses ou autres du genre depuis que sa mémoire est revenue ?

- Non. Il est même exceptionnellement calme et maîtrisé. Ça ne semble pas l'avoir perturbé au contraire. Il est plus tranquille dans un sens, plus assuré aussi. Mais c'est comme s'il avait sonné la fin de ses vacances et qu'il s'était remis au travail avec beaucoup d'acharnement.

- Il prend des cours par correspondance ?

- Oui. Il avait prévu une année comme ça le temps de se trouver un endroit où vivre.

- Est-ce que l'école lui met la pression pour qu'il rattrape ? Je peux les contacter pour leur expliquer et leur faire un certificat s'il le faut.

- Ce n'est pas nécessaire. Il a déjà tout réglé avec eux. Ils n'ont pas du tout fait d'histoire. Ils lui laissent du temps, vont aménager le reste de son année, ses examens et il aura des allégements. C'est lui qui ne semble pas vouloir se permettre ces allégements.

- Je vois. Est-ce qu'il vous a parlé un peu de sa vie ?

- Seulement les très très grandes lignes pour que je puisse comprendre et clôturer son dossier. Mais je peux comprendre qu'il soit stressé par tout ça. Je pense qu'il digère mal le retard qu'il a pris. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment. Il n'en parle pas du tout et il ne raconte rien. Je ne crois pas qu'il veuille le faire.

- On peut comprendre qu'il retrouve sa vie chamboulée. Ce n'est pas une situation facile à gérer encore moins pour un adolescent qui n'a pas d'entourage antérieur pour le soutenir. Tout est nouveau ici et ce n'est pas facile. Il gère déjà remarquablement bien tout ce qui lui est arrivé. Pour l'instant. Il a besoin de repos. Il n'y a pas de signe alarmant mais il faut être prudent. Il reste fragile.

- Bon, je vais appeler le bureau pour voir si je peux me faire remplacer aujourd'hui pour veiller sur lui. Il ne doit pas rester tout seul comme ça si jamais il y a autre chose, dit-il l'air inquiet.

- Je peux rester avec lui si vous le voulez, proposa le médecin. Je suis de repos aujourd'hui et je n'ai rien de prévu au programme. Je peux rester à son chevet et comme ça, je serai là s'il y a quoi que ce soit.

- Non, je ne veux pas gâcher votre journée…

- Cela ne me dérange pas le moins du monde, sourit-il. Au contraire. Allez travailler tranquillement. Je vais rester et m'assurer qu'il va bien et qu'il se repose.

- Je serai plus tranquille si vous êtes avec lui, concéda-t-il. Vous êtes sûr que ça ne vous dérange pas ?

- Pas du tout et je vous avoue que je serai plus tranquille aussi. Alexander est un jeune homme en or. Il mérite qu'on veille sur lui.

- Je suis bien d'accord. Dans ce cas d'accord mais appelez moi s'il y a quoi que ce soit. Je rentrerai.

- Bien.

La chose entendue, Charlie réintégra la chambre, venant s'asseoir près de son protégé.

- Alex ? appela-t-il en captant avec mal son attention défaillante.

- Hum ? fit-il.

- Je vais aller travailler mais le docteur Cullen va rester avec toi. Sans discuter, dit-il en le voyant froncer les sourcils. Repose toi mon grand.

- 'kay, bredouilla-t-il.

Charlie sourit doucement, le confiant ensuite au médecin, le priant de ne pas hésiter à se servir dans les placards s'il voulait boire ou manger quelque chose. Carlisle approuva avec un doux sourire, lui promettant de bien veiller sur l'adolescent et de le prévenir au moindre problème. Un moment plus tard, Charlie était parti et Carlisle était assis auprès d'Alexander toujours vaseux et peu alerte. Il le laissa tranquille, observant autour de lui. Pour un adolescent, la chambre était remarquablement bien tenue. Le seul début de léger désordre qu'il y avait était ses affaires de cours éparpillées sur le bureau et tout autour, prouvant qu'il travaillait. Il pouvait comprendre que ce trou de plusieurs mois dans sa vie était un traumatisme pour lui et qu'il ressentait probablement le besoin de rattraper son retard. Mais il avait avant tout besoin de se reposer et de se détendre sans stress. Qu'il se sorte de cet accident avec si peu de séquelles était incroyable. Bien des médecins avaient crus qu'il ne se réveillerait même pas de son coma, encore moins qu'il le ferait sans séquelle neurologique ou physique. Pourtant, il l'avait fait et malgré tout, les symptômes et les malaises qu'il avait étaient bien peu de chose comparé à ce qu'il aurait pu avoir. Le jeune homme revenait de très loin et aurait encore besoin de temps pour être vraiment remis. Il avait fini sa rééducation mais cela ne voulait pas dire qu'il était guéri. Il était juste assez bien pour reprendre doucement sa vie normale.

Il regarda un peu plus la pièce. Il y avait l'ordinateur portable du jeune homme, son téléphone, son lecteur de musique. Il y avait quelques livres et ses affaires de base mais peu de choses au final et rien de très personnel. Cela ne faisait pas très longtemps qu'il vivait là et avec sa mémoire défaillante, parvenir à personnaliser n'était pas si évident. Cela viendrait probablement. Alexander était un jeune homme simple et sobre, il ne s'attendait pas à voir une grande extravagance chez lui mais il espérait qu'il pourrait découvrir davantage son véritable esprit avec le temps. Si sa famille et lui ne resteraient pas indéfiniment à Forks, ils avaient tout de même quelques années à passer ici. Ils n'étaient arrivés que quelques semaines avant Alexander l'été dernier. Il pourrait donc côtoyer l'adolescent un bon moment. Il avait rencontré beaucoup de monde dans sa vie et il ne manquait donc pas de le noter lorsqu'il rencontrait quelqu'un de particulier. Alexander était de ceux là, des personnes qui marquaient à vie sans qu'on sache forcément dire pourquoi. Et il était toujours intrigué par son odeur étrangement plate et inintéressante pour un vampire.

Il n'avait encore parlé de ça à personne chez lui et comme il évitait de penser à ses patients chez lui, Edward n'en savait rien. Son fils avait beau entendre les pensées de tout le monde, il ne savait pas tout loin de là. La seule chose qu'il avait noté était qu'il s'était pris d'affection pour Alexander et étant donné que tous à Forks savaient qui était l'adolescent et ce qui lui était arrivé, ce n'était pas vraiment un secret. Réfléchissant, il se dit cependant qu'il pourrait peut-être envisager de demander à Edward ou peut-être à Alice ou même Jasper s'ils pouvaient aider Alexander dans ses études. Avoir de l'aide de quelqu'un qui semblait être de son âge pourrait peut-être l'apaiser à ce sujet. Et ses enfants pourraient vraiment l'aider efficacement, connaissant ces niveaux de cours par cœur. Avec cette odeur qu'il avait, sa présence et même son sang ne faisait ni chaud ni froid aux vampires. Même Jasper pourrait être à l'aise avec lui. Ainsi, Alex pourrait avoir de l'aide et du soutient pour ses études et ses enfants pourraient rencontrer une âme comme on n'en rencontrait pas tout les jours. Décidé, il se dit qu'il lui en parlerait quand il se sentirait mieux.

Son regard fut soudain attiré par un léger mouvement dans un coin. Regardant, il découvrit qu'il semblait y avoir quelque chose recouvert par une grande et lourde étoffe. Ce n'était pas ses affaires et il n'était pas dans ses habitude de fouiller, aussi, malgré sa curiosité, il n'alla pas voir. Seulement, il y eut des bruits étranges en provenance du tissu et en se concentrant un peu dessus, il reconnu l'odeur d'un oiseau. Il resta un peu interloqué en pensant reconnaître l'espèce à son parfum. Des oiseaux comme ça, il en avait croisé pas mal en Alaska. Un harfang des neiges. Mais cela semblait peu probable. Qu'est-ce qu'un tel rapace ferait dans la chambre d'Alex ? Il identifia pourtant presque assurément l'animal lorsqu'il émit un petit cri caractéristique. Une seconde plus tard, un éclair blanc fusait hors du tissu. Il se baissa précipitamment pour l'éviter et il vit le harfang se poser sur la tête de lit, s'y accrochant alors qu'elle était plaquée contre le mur. Il cria à nouveau vers lui l'air menaçant et il resta stupéfait. C'était bien la première fois qu'il voyait un animal agir ainsi face à un vampire. Habituellement, ils s'enfuyaient avec panique, la chose instinctive face à eux. Mais présentement, l'oiseau lui criait dessus d'un air menaçant. Il sauta d'ailleurs sur le lit entre lui et Alex, ouvrant ses ailes avec menace, Carlisle le regardant avec une certaine fascination.

- Hedwige, bredouilla une voix faiblarde.

Immédiatement, le rapace se tourna vers Alexander qui semblait parvenir à se concentrer de nouveau un peu. Il leva une main faiblarde et l'oiseau sautilla vers elle, venant jouer avec ses doigts de son bec.

- Il n'y a rien à craindre ma belle, murmura-t-il en venant la caresser délicatement.

De manière surprenante, cela apaisa l'animal qui vint pourtant se nicher près de lui, Alex l'entourant d'un bras avec douceur. Carlisle le vit cligner un peu plus des yeux comme pour s'éclaircir les idées et il lui laissa le temps dont-il avait besoin. Se levant de sa chaise prise au bureau, il revint s'asseoir près de lui, posant une main sur son front toujours brûlant. Cela tira un soupir à l'adolescent et il sourit.

- Tes mains sont froides, murmura-t-il distraitement.

- Excuse moi, répondit-il en retirant ses doigts.

- Pas grave. Normal pour un vampire, soupira-t-il en le pétrifiant complètement.

Avait-il bien entendu ? Alexander venait-il de le qualifier de vampire ?