Confidences
– C'était peut-être une sorte de sixième sens, d'instinct, tu vois ? s'enquit-il. Quoi qu'il en soit, ça a développé ce besoin presque maladif d'être recherché, d'être aimé.
– On aspire tous à la même chose, Buck.
– Je n'ai jamais connu ça, tu sais. Enfin, je sais que mes parents m'aiment, que Mads aussi mais... Tu sais être aimé autant que j'aime. Pas une fois. C'est comme si plus je donnais et moins je...
Il releva les yeux vers Eddie qui l'observait en silence.
– Je divague, excuse-moi !
– Non pas du tout, le rassura-t-il. Je veux dire, je te comprends. Vraiment.
– Qu'est-ce qui s'est passé ? Avec la mère de Chris, je veux dire. Enfin, si tu...
– Je crois qu'on s'est seulement éloigné.
– Mais tu l'aimais.
– Je l'aimais, confirma-t-il. Elle était la mère de mon fils. Mais avec le temps, je ne sais pas, j'avais tendance à fuir ma vie, en m'enfermant dans le travail. Ça a eu raison de mon mariage.
Eddie se redressa détournant le regard de lui. Sa chaleur manqua immédiatement à Buck. C'était incroyable la façon dont ils étaient proches en si peu de temps, combien Buck se sentait bien avec lui.
– Il y a deux ans, je traquais un de ces salopard, poursuivit Eddie en regardant par la fenêtre. J'étais si proche de lui, trop proche et il m'a vu venir. Il m'a ciblé et... il m'a demandé de choisir entre Chris et Shannon.
– Eddie..., souffla-t-il choqué.
– Choix impossible mais pourtant je l'ai fait, confirma-t-il. Je ne l'ai jamais dit à personne avant aujourd'hui. J'ai mis Chris en sécurité et je suis parti chercher ma femme. Elle était encore vivante, tu sais, à peine mais elle était vivante. Elle m'a demandé de prendre soin de Christopher avant de rendre son dernier souffle.
Buck sentait son cœur se briser en mille morceaux pour Eddie.
C'était tellement injuste ce qui lui était arrivé. Il ne méritait pas ça et Christopher non plus. Il avait l'air d'un petit gars super et Buck l'adorait déjà.
Tout comme il aimait la compagnie de son père.
– Eddie je..., commença-t-il en posant doucement sa main sur son bras pour lui apporter son soutien.
Eddie posa sa main sur le sienne, l'emprisonnant entre ses doigts. Puis, il tourna les yeux vers lui et Buck le trouvait tellement parfait. Eddie lui sourit doucement et Buck sentit son ventre se réchauffer.
Il ne devait pas putain, mais Eddie était tellement...
– J'ai guéri Buck, lui assura-t-il.
– Ouais mais, je veux dire, c'était ta femme, la mère de ton fils...
– Je sais.
– Et ce type...
– A eu ce qu'il méritait.
Buck fronça les sourcils avant de comprendre.
– Est-ce que tu l'as... ?
– Non, rit-il amèrement. Pas que l'envie m'ait manqué, plutôt l'occasion. Ma coéquipière l'a fait. Je ne lui aie pas demandé, elle a juste dit qu'il était armé et qu'elle avait malencontreusement tiré au beau milieu de son front. Mais on sait tous que si elle ne l'avait pas fait, ça aurait été moi.
– Je suis content qu'elle l'ait fait dans ce cas. Ça t'aurait poursuivi Eddie.
– Je sais. J'espère juste que ça ne la poursuivra pas elle.
Buck acquiesça.
Il se recala dans le fond du canapé et Eddie garda sa main dans la sienne en l'imitant.
Buck regarda la table basse jonchée de papiers. Eddie avait ressorti, il ne savait d'où, un tableau blanc sur lequel il avait inscrit une liste de noms dont Buck n'avait aucun souvenir.
– Tu sais, l'année dernière, j'ai failli perdre ma mère.
– Elle m'a dit, confirma Eddie. Un violeur en série qu'elle poursuivait.
– Ouais. La canicule avait provoqué une gigantesque panne d'électricité et ma mère n'a pas pris la mesure du danger. Avec mon père, on venait de finir une intervention et on a entendu soudain l'opérateur nous demander de changer de canal de toute urgence. Quand on a entendu qu'un officier de police se faisait agresser en direct sur notre radio, suivi immédiatement par l'identifiant de ma mère...
Buck sentit un frisson lui parcourir l'échine.
Ce souvenir le hanterait toute sa vie mais la détermination et la douleur qu'il avait vu dans le regard de son père lui avait fait peur.
– Hen, ma collègue m'a dit de changer de canal mais j'étais complètement paralysé. Elle a fini par couper ma radio. Je crois qu'à ce moment-là, je pleurais déjà. Quand Chim, le copain de ma sœur, a essayé de faire la même chose avec celle de mon père, il lui a dit que s'il approchait la main de sa radio, il lui briserait les doigts.
Buck se souviendrait toujours de la tête de son futur beau-frère quand Bobby l'avait menacé. Il avait dégluti et reculé lentement les mains en l'air.
– Mon père nous a ensuite fait grimper dans le camion et on a filé à toute vitesse jusqu'au lieu de l'agression. On entendait encore et encore ce que ce salopard faisait à ma mère et j'avais tellement peur pour elle... Mais mon père, il n'avait pas peur. Il était animé par une rage froide.
Eddie acquiesça comme s'il comprenait.
– Quand on est arrivé, il a sorti la hache du camion, prêt à démembrer cet enfoiré. Et ensuite, il y a eu le coup de feu. Je crois que mon monde s'est effondré à ce moment-là. Mon père a ordonné à Chim de me garder dehors et il est entré avec Hen. Il s'est avéré que c'était ma mère qui avait tiré sur ce salopard. Elle lui a explosé les couilles, rit-il nerveusement. Carton plein, il ne pourra plus jamais s'en servir pour détruire des vies.
– Une bonne chose, Buck.
– Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si...
– Et heureusement tu n'as pas eu à le découvrir. Le métier que ta mère et moi faisons comportent des risques, tout comme celui que ton père et toi faites. Nous avons tous accepté de prendre ces risques.
– Je sais, mais ça n'en est pas moins effrayant quand ce sont ceux que tu aimes qui risquent leur vie.
– Et c'est humain de ressentir ça, lui assura-t-il en passant sa main sur sa joue.
Buck ploya contre la caresse.
La paume d'Eddie était si chaude. Il essuya ses larmes d'un geste du pouce. Buck leva ses yeux sur lui et un tendre sourire apparut sur les lèvres d'Eddie. Il était si beau, si gentil, si... parfait.
Buck était conscient qu'il commençait à s'accrocher à lui et il savait que ça n'allait pas bien se finir pour lui mais il était irrémédiablement attiré par lui.
Il se pencha vers lui, lentement, et Eddie l'imita. Ils étaient dans l'espace l'un de l'autre et Buck approcha ses lèvres des siennes, ployant sous son souffle.
– On devrait, souffla Eddie.
– Ouais ?
– ... aller se reposer.
– Je...
Son cerveau rattrapa soudain ce qu'Eddie venait de dire et ce qu'il était en train de faire et il posa son front sur son épaule, ayant envie de disparaitre sous terre.
Eddie avait raison. Ce n'était pas le moment de coucher avec le collègue de sa mère.
– Désolé, pleurnicha-t-il. Je suis stressé et...
– Ça va Buck, murmura-t-il en caressant ses cheveux comme pour le maintenir contre lui. Ça été une journée difficile émotionnellement parlant.
Buck se redressa à contre cœur et se leva sans oser à affronter son regard.
– Tu es sûr que tu ne veux pas récupérer ton lit ?
– Va dormir, confirma Eddie. Je te verrai demain. Je compte travailler encore un peu.
– Te tues pas à la tâche.
– J'y penserai, répliqua-t-il amusé.
– Bonne nuit, Eddie.
– Bonne nuit, Buck.
