À L'AUBE D'UNE NOUVELLE ANNÉE
Ce chapitre contient peu d'action et beaucoup de descriptions : j'ai besoin de poser le cadre de mon histoire.
Quelque part dans l'état de Washington, samedi 25 décembre 2021, tôt le matin
MAX
Après autant d'attente, Max s'attendait à ce que sa première nuit avec Logan soit exceptionnelle. Ça a été bien. Évidemment. Quoique, un peu court. Logan s'était vite endormi. Elle ne lui en tenait pas rigueur. Il avait été enlevé par un gang, séquestré et malmené par le Culte de la Procréation. Il avait même essayé de se battre. C'était normal qu'il soit épuisé.
Elle le regarda dormir pendant plusieurs heures, lui caressant les cheveux, heureuse de pouvoir simplement le toucher, sans risquer de le tuer. Logan ronflait fort*. Même sans le silence, elle était heureuse d'être enfin avec lui. (*référence à Skin Game)
Elle essaya de dormir un peu, mais son repos dura à peine une heure. Son esprit et son corps bouillonnaient encore des derniers événements. À 5h30 du matin, elle décida de s'habiller et de partir en reconnaissance. Elle ne voulait pas que des Familiers puissent leur tomber dessus par surprise. Elle s'éloigna de la chambre d'hôtel en faisant des cercles concentriques.
LOGAN
Lorsque Logan se réveilla, il était seul. Il appela Max, mais personne ne lui répondit. Elle était peut-être dans la douche, mais il remarqua que les vêtements de la jeune femme n'étaient plus là. Elle ne serait jamais partie en le laissant là, tout seul. Elle devait être aller chercher le petit déjeuner ou du café, au moins. Elle reviendrait.
Ils avaient enfin pu passer leur première nuit ensemble. Il avait pu la toucher, la caresser sans en souffrir. Elle s'était donnée à lui. Et, ça avait été magique. Elle avait été fougueuse et passionnée.
Il n'y avait plus de secret entre eux. Il lui avait parlé de Seth, elle lui avait parlé de son oncle. Même l'autre type n'était plus une gêne. Leur « relation » n'avait été qu'un canular pour le protéger du virus. Elle était enfin à lui.
o0o0oOo0o0o
La faim le rattrapa. Il s'habilla et sortit à la recherche de Max. Il entendit sa voix énervée. Elle était à une cabine téléphonique.
_ Je te le jure, Alec ! Si tu racontes ça, je t'ouvre le ventre et je te pends par les boyaux ! Cria-t-elle
Il parlait.
_ Arrête de rire ! Tout de suite !
Logan se rapprocha d'elle pendant qu'elle pestait contre le transgénique à l'autre bout de la ligne. Il y avait encore quelques minutes, Logan était persuadé qu'il ne pouvait plus se sentir menacé, dans sa relation avec Max, par Alec. Que faisait-elle pour leur premier matin ? Elle était au téléphone avec lui.
_ Non ! Ne raccroche pas ! Ordonna-t-elle. Non…
Max poussa un cri de colère et raccrocha violemment le combiné. Le X5 avait dû couper la communication et devait, à présent, être hilare.
Logan regarda Max qui tentait de se calmer. Alec avait toujours réussi à la pousser dans ses extrêmes retranchements.
MAX
Alors qu'elle soupirait en se retournant, Max aperçu Logan. Toujours le même. Ses yeux bleus perçants, ses petites lunettes d'intellectuel et sa barbe mal rasée lui donnait vraiment un air sexy. Elle avança vers lui, encadra son visage de ses mains et l'embrassa. Elle était heureuse d'être là.
_ Tout va bien ? Demanda-t-il.
_ Quoi ? Oh oui. Rien d'important. Je suis officiellement en vacances de mon poste de chef de Terminal City, dit-elle avec enthousiasme. Je dois juste les tenir informer régulièrement que je vais bien et que je n'ai pas d'ennuis. Sinon, ils risquent de tous débarquer pour venir à ma rescousse.
Alors que Logan allait poser une question, son ventre émit un gargouillement. Max le pris par la main.
_ Et si nous allions manger ? Demanda-t-elle.
Seattle, Terminal City, samedi 25 décembre, 8h17 du matin
ALEC
Avoir mis Max en colère avait fait du bien à Alec. Mais, cette satisfaction ne dura pas. Son sourire disparut et il ouvrit les yeux sur l'ampleur du chantier devant lui. Il allait devoir gérer tout ce bazar tout seul, sans elle.
« Tu parles d'un cadeau de Noël ! » pensa-t-il.
Il était heureux pour elle et Logan. Il n'aimait pas la voir se morfondre. Il en avait marre des regards suspicieux du cyber-journaliste à cause de la fausse relation qu'il avait soi-disant eu avec Max. Et plus encore, il en avait marre de tous ces psychodrames sentimentaux. Une épine de moins dans le pied. Mais, il lui restait encore le plus gros merdier du monde.
Déjà, il allait devoir s'occuper de tout à Terminal City. Rien que ça, c'était un gros morceau. Il y avait beaucoup à faire. Mais, en plus, il avait maintenant 24 pensionnaires supplémentaires, à 99 % non satisfaits d'être là.
Ils avaient libéré 24 prisonniers du Culte de la Procréation. Des ordinaires ou des Familiers rebelles. Malgré le sauvetage, il craignait les réactions de ces derniers. Un vrai cheval de Troie. Après la bataille, les transgéniques ne s'étaient pas posés de question. Ils avaient secouru les prisonniers et les avaient emmenés au seul endroit sûr à leurs yeux : Terminal City.
Alec avait besoin de savoir qui était qui. Des ordinaires, même récalcitrants, n'étaient que des ordinaires : faciles à maîtriser. Les Familiers seraient plus vindicatifs. Il ne voulait pas leur dire de se regrouper par type, ordinaires d'un côté, Familiers de l'autre. Il craignait qu'une ségrégation trop franche transmette son malaise aux autres transgéniques. Actuellement, les êtres génétiquement modifiés soignaient, nourrissaient et abreuvaient tout ce petit monde sans se poser de question. Ils étaient dans le feu de l'action, en mission « récupérer les morts et soigner les blessés ».
Alec avait pris de la hauteur pour passer son coup de téléphone. Ils s'étaient regroupés dans un des grands entrepôts de Terminal City. C'était un espace vaste avec plusieurs quais de chargement. Les néons fatigués éclairaient le tumulte sept mètre plus bas. Lui, il s'était installé sur une mezzanine qui devait permettre, à l'époque où la zone contaminée regorgeait d'activité, à un contremaître de surveiller le personnel.
Maintenant qu'il voyait la scène en contrebas, il pouvait voir les visages inquiets, septiques et parfois dégoûtés des anciens prisonniers à l'égard des transgéniques. Presque aucun regard de gratitude. Il n'en vit que deux en fait. C.J. Sandeman était ravi d'être à nouveau parmi eux. Il avait déjà voulu faire partie de la population de Terminal City en se faisant passer pour un X5. Une très mauvaise imitation d'ailleurs. Il était sans aucun doute complètement fou, mais pas méchant, ou du moins, pas volontairement. L'autre personne satisfaite n'était autre que le colonel Donald Michael Lydecker. Même s'il ne l'avait jamais rencontré personnellement, il l'avait vu de loin et il avait entendu parler de lui à Manticore. D'abord, ce fut un génie militaire, un génial officier, puis un incapable, enfin un traître. Alec n'avait jamais osé demander directement à Max de lui parler de Lydecker, mais il savait qu'il lui avait fait du mal, à elle et à ses frères et sœurs bien-aimés. Max avait choisi de le sortir de l'asile du Conclave malgré tout. Elle n'avait pas dit pourquoi elle l'avait secouru. Ça allait être à lui d'apprivoiser cette bête.
Il poussa un long soupir. Mole et Joshua étaient derrière lui.
Joshua ne voyait jamais le mal nulle part, sauf chez Ames White. Il lui avait, littéralement, arraché la tête pendant la bataille. Alec s'inquiétait de ce que ce geste pouvait faire à son ami. Joshua n'avait jamais été un tueur, ni même un soldat. C'était un artiste avec un cœur d'enfant. Même pour un soldat, ôter la vie était un acte bouleversant. Il le savait pertinemment car il l'avait fait bien trop de fois. Tous les visages restaient gravés dans la mémoire et le sang restait toujours sur les mains… Joshua ne serait plus jamais le même à présent. Ça aussi, il allait devoir gérer.
Mole était différent. Tuer n'était pas compliqué, mais garder les gens en vie était un problème pour lui. Il avait toujours eu la gâchette facile. Il détestait les ordinaires et haïssait les Familiers. Il regardait aussi la scène du bas et Alec savait qu'il voyait, comme lui, les 99 % insatisfaits. Il les aurait probablement tous abattus pour se simplifier la vie.
Alec aurait juste voulu pouvoir prendre une douche et dormir pendant plusieurs heures, mais il avait du travail.
Il appela C.J. Ce dernier hésita, comme s'il n'était pas sûr qu'Alec s'adressait à lui. Alec lui fit signe de monter. C.J se fraya un chemin et arriva, tout intimidé, sur la gauche d'Alec.
_ Heureux de ne pas être un X5 finalement ? Lança Alec pour détendre l'atmosphère.
_ Euh… je ne sais pas vraiment quoi répondre, dit C.J.
_ Bienvenu dans le monde des blagues pourris d'Alec, mec, fit Mole en mâchouillant son cigare.
_ Oh ! J'aime les blagues, répondit C.J. en se forçant à rire.
Et, c'était un spectacle effrayant à voir : il mériterait de voir un dentiste. Alec soupira à nouveau pour se donner une contenance.
_ Dis-moi, tu connais plusieurs Familiers, non ?
_ Quelques-uns. Ils ne m'aiment pas vraiment.
_ Comme c'est surprenant, dit Mole.
Alec lui lança un regard noir. L'homme lézard baissa les yeux et s'approcha pour mieux voir la scène du bas, il se plaça de l'autre côté de C.J.
_ Tu en reconnais quelques-uns en bas ? Demanda Alec.
C.J. en désigna trois. Trois sur vingt-quatre. Le ratio parut erroné à Alec. Joshua s'était approché à son tour, sur la droite d'Alec. Pendant qu'Alec réfléchissait à un moyen discret d'identifier les Familiers, Joshua s'était mis à jouer avec son collier. Même s'il s'agissait du symbole du Culte de la Procréation, c'était un cadeau de Sandeman à son fils, Joshua. Et Joshua y tenait beaucoup.
C.J. poussa un cri de stupeur qui fit sursauter Alec. Il venait de voir le pendentif de Joshua.
_ Où as-tu eu ça ? Bafouilla-t-il. Tu n'as pas répondu à ma question la dernière fois.
_ Le père l'a donné en cadeau à Joshua, quand il était petit.
_ Le père ?
_ Sandeman, le père perdu parmi les hommes.
C.J. regarda Joshua avec étonnement.
_ Tu es Joshua ? Demanda C.J.
_ Oui, Joshua. C'est le nom que père m'a donné
_ Ah ! S'exclama C.J. en bousculant Alec pour être près de l'homme-chien. Tu es Joshua !
_ Oui, Joshua est Joshua.
Mole émit un son entre un rire et un grognement devant l'absurdité de la conversation. Alec resta sans voix.
_ Tu es mon cocker ! S'exclama C.J. en prenant Joshua dans ses bras.
Joshua lança un regard implora à Alec, visiblement perturbé par ce câlin inattendu. Alec eut du mal à imaginer Joshua, et ses presque deux mètres de haut, en petit chien de compagnie. Mole tentait de retenir un fou rire dans son dos.
_ Que veux-tu dire par là ? Demanda le X5 après s'être raclé la gorge.
_ Quand j'étais petit, on avait un cocker, Joshua. Il était adorable. Il suivait père partout, et moi, je lui racontais tous mes secrets. Le plus gentil de tous les chiens du monde.
« Le plus gentil de tous les chiens du monde », ça, ça correspondait déjà mieux à Joshua.
_ Il est mort de vieillesse ?
_ Non, répondit C.J, la mine sombre. Ames était méchant avec lui. Ames a toujours été méchant avec tout le monde. Il a toujours aimé faire du mal aux gens. Même aux gentils.
Joshua s'était mis à grogner.
_ Surtout aux gentils, compléta C.J. Un jour, Ames a attrapé Joshua par les oreilles pour lui mettre la tête dans un seau d'eau. Il s'amusait à lui mettre la tête dans l'eau, puis à l'en sortir. Joshua criait. J'ai voulu l'en empêcher. Ames m'a frappé et m'a poussé en gardant la tête de Joshua dans l'eau. Il m'a cassé le bras et a noyé Joshua, termina-t-il au bord des larmes. Mon père m'a promis qu'un jour, il rendrait la vie à Joshua.
L'homme-chien grognait encore plus fort après avoir entendu l'histoire du meurtre de Joshua, premier du nom.
_ Joshua a tué… commença Joshua.
_ Qui ? Demanda C.J.
_ Joshua a tué Ames White.
Alec ferma les yeux de douleurs. Ames White, même mort, il faisait des ravages. Mole ne riait plus. Il appréciait Joshua aussi et, tout comme Alec, il craignait les effets que cela aurait sur l'homme-chien. Un grondement sourd remontait de la poitrine de Joshua pendant que C.J. le dévisageait.
_ Tu as tué Ames ? Tu as tué mon frère ?
_ Joshua l'a tué. Il était méchant. Il voulait faire du mal aux personnes que Joshua aime. Il a tué Annie.
C.J. regarda autour de lui, comme pour chercher quelqu'un pour lui dire quoi faire.
_ Alors, Ames a été puni ? Dit finalement C.J. tout haut comme s'il se posait la question à lui-même.
La colère de Joshua redescendit doucement comme s'il venait de se rendre compte de ce qu'il avait fait. Il était perdu. Alec n'aimait pas voir son ami ainsi. C'était précisément ce qu'il craignait.
_ Alors, c'est vraiment fini ? Demanda C.J. à Joshua.
_ Joshua ne comprend pas.
_ Ames a été puni, il ne fera plus de mal à personne. Il ne me fera plus jamais de mal, n'est-ce pas ?
Joshua acquiesça.
_ Et, père a tenu sa parole, il a ramené Joshua !
Joshua haussa les épaules ne sachant que dire.
_ Merci, dit C.J. En prenant de nouveau Joshua dans ses bras.
Joshua soupira et se relâcha.
Alec vit alors une seconde épine disparaître du bazar à gérer. Joshua avait été pardonné par le plus proche parent de sa victime, il s'était senti soulagé et s'était pardonné à lui-même. Et il avait un nouvel ami. Ce qui serait une excellente distraction. Vu le travail qui l'attendait, Alec n'aurait pas pu passer beaucoup de temps avec l'homme-chien. Hors Joshua était très demandeur de présence humaine.
Alec fut stupéfait de la vitesse à laquelle l'une des problématiques, qui l'inquiétait le plus, avait été résolue. Avec un peu de chance, le reste suivrait.
Effectivement, l'épine numéro trois ne tarda pas à disparaître. Grâce à C.J. et à Joshua.
C.J. n'était peut-être pas un Familier en tant que tel : il n'avait jamais passé le rite de l'initiation et n'avait aucun don, sauf si la folie en était un. Mais, les Familiers présents le connaissaient. Le voir en permanence avec Joshua, en train de s'esclaffer et se raconter des histoires sur leur père, car oui, ils avaient décidé qu'ils étaient frères, fit prendre conscience aux autres que les transgéniques, y compris les monstres, n'étaient pas aussi mauvais que le montrait leur apparence.
Pour le coup, les Familiers avaient plus de mal avec les séries X, extérieurement si semblables aux ordinaires. Pour les discussions avec eux, Alec prit rapidement conscience qu'il valait mieux qu'il soit accompagné d'un trans-humain. Et, pas Mole de préférence, trop grognon, trop agressif. Ni le duo C.J. et Joshua, trop ingérables dans leur enthousiasme. En général, il demandait à Luke de l'accompagner. La gentillesse qui émanait de lui fonctionnait bien. Les « vrais » Familiers, qu'on pouvait distinguer avec leur cicatrice en forme de caducée sur l'avant-bras, une idée de C.J. pour les repérer avait été de leur donner des hauts à manches courtes, s'étaient finalement montrés assez bavard sur le Culte. Ils étaient ravis d'en être libérés. Même si les informations qu'ils avaient données correspondaient à ce que les transgéniques avaient déjà découvert, ils avaient fait l'effort de parler.
Les « faux » Familiers étaient en fait comme C.J, plus des ordinaires soumis aux pratiques délirantes d'un culte de malades mentaux. Les autres ordinaires étaient des gens qui avaient trop fouiné. Ceux-là n'étaient d'aucune utilité.
L'épine suivante avait été de remettre tout ce petit monde en liberté et en sûreté. Alec avait regretté le Veilleur et son réseau pour faire disparaître les gens. Les faux-papiers avaient été plus dures à obtenir sans Logan. Mais, il avait réussi à se procurer le numéro d'Asha. Elle avait été surprise de son altruisme et de sa générosité et elle avait donc accepté de les aider. Même si, en vérité, Alec voulait simplement qu'ils partent.
Quant au côté sûreté et disparition dans la nature, lui, il était totalement foireux. Il demanda juste aux anciens prisonniers de faire profil bas, loin de Seattle. Alec avait mis en place un numéro d'urgence au cas où l'un d'eux aurait un problème. Et, il espérait que cette ligne ne sonne jamais. Qu'il était chiant de devoir se préoccuper de parfaits inconnus. Logan devait être un masochiste pour faire ça de son plein gré et depuis des années. Une telle dévotion pour autrui devait être d'origine pathologique…
Asha l'avait beaucoup aidé. Mais, il avait dû faire quelques concessions et lui parler des Familiers. En dehors de leurs victimes, de Logan, de l'inspecteur Clemente et de l'agent Gottlieb, aucun ordinaire n'avait connaissance de leur existence. Il avait longtemps pesé le pour et le contre. Il craignait qu'elle puisse être en danger à cause de ça. Même s'ils n'étaient pas particulièrement proches, il s'en serait voulu s'il lui était arrivé quelque chose. Asha lui avait assuré qu'elle serait prudente et qu'elle n'en parlerait pas. En revanche, il avait fait une découverte surprenante en parlant de secrets avec elle : elle croyait que Logan travaillait pour le Veilleur, elle ignorait qu'il était le Veilleur. Il s'était vaguement demander pourquoi Logan avait caché ce détail à la jeune femme. Puis, il avait eu d'autres choses à penser et à faire.
o0o0oOo0o0o
L'air de rien, les choses rentraient dans l'ordre les unes après les autres. À l'aube du nouvel an, tous les anciens prisonniers étaient partis, en dehors de C.J. et Lydecker. Le premier était visiblement incapable de s'occuper de lui-même et Joshua préférait l'avoir près de lui. Il valait mieux garder un œil sur le second. À part ça, il ne restait plus que les transgéniques et les tracas quotidiens à gérer. Quelques événements imprévus virent, mais rien de dramatique.
o0o0oOo0o0o
Alec était sollicité de partout. À chaque fois qu'il voulait faire une pause et se reposer, on venait le chercher à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il ne prenait même pas le temps de manger avec les autres transgéniques alors qu'ils avaient ouvert une cantine collective où tous se rassemblaient. C'était le point de rencontre Terminal City. Il avait insisté pour que tous les transgéniques de la ville mutante y mange, au moins, une fois par jour, dans un esprit de cohésion. Mais, lui, il n'avait pas le temps pour faire ami-ami et il mangeait toujours sur le pouce.
Très vite, Alec eut besoin de se changer les idées, mais personne n'aurait accepté qu'il se tourne simplement les pouces. Alors, il alla voir Normal, qui était à Terminal City une fois par semaine, le week-end. Il venait rendre visite à sa filleule préférée, comme il aimait l'appeler, bien qu'elle soit sans doute la seule : Eve, la fille de Gem, qu'il avait mise au monde pendant la prise d'otage de Jam Pony.
Alec voulut reprendre son travail à mi-temps chez Jam Pony. Il n'en pouvait plus de rester en permanence à Terminal City. Il aimait la liberté, le fait de pouvoir circuler à vélo et flâner. Normal ne pouvait pas résister au retour de sa rock star. Il fut accueilli chaleureusement par ses anciens collègues, même par ses ex. Le fait qu'il soit officiellement un transgénique les rendaient même assez curieuses, pour son plus grand plaisir…
Seattle, Jam Pony, mercredi 29 décembre 2021
NORMAL
La prise d'otage avait eu deux conséquences importantes sur l'entreprise de livraison. D'abord, une publicité gratuite avec un afflux de commande, puis la fuite du personnel. Une positive, une négative.
L'entreprise avait été sous les feux des projecteurs pendant une journée. Même s'il s'agissait de projecteurs de police, toute publicité était bonne à prendre. Des journalistes avaient interviewé Normal. Tout le monde savait qu'il avait repris une entreprise, créée en 1999, en faillite au moment de l'Impulsion, qu'il l'avait remise à flot, et qu'il savait gérer, seul, une armée de coursiers à bicyclettes, qu'il n'avait pas été terrifié pendant la prise d'otage, qu'il avait mis un enfant au monde et qu'il s'était montré généreux et compréhensif envers les transgéniques. Il fut aussi dévoilé qu'il était célibataire. Il devint donc un parti très en vogue.
À l'entrepôt, il recevait directement des lettres lui étant destiné. Des lettres de parfaites et parfaits inconnus. On le complimentait, on fantasmait… Une femme l'avait demandé en mariage dès la première lettre. On le menaçait aussi : son intervention n'avait pas été du goût de tout le monde. Il reçut quelques lettres de menaces, mais sans plus. Il reconnaissait avoir eu des préjugés, mais il avait appris.
La lettre, qui l'avait le plus ému, venait de Louise Klein, son ex-petite amie transgenre. Elle le félicitait pour son courage et sa grandeur d'âme. De la même façon qu'il avait été capable d'accepter qu'elle avait été un homme, de la même façon qu'il avait entendu qu'elle préférait les femmes, il avait accepté les créatures transgéniques. Elle lui annonça que s'il avait besoin d'aide ou si les transgéniques en avaient besoin, elle ferait de son mieux pour aider.
Aider les créatures transgéniques…
Max, sa petite insolente et Alec, son garçon… en y réfléchissant, à eux deux, ils avaient sans doute connu plus d'adversité que toute la ville. Pourtant, ils étaient des jeunes d'une vingtaine d'année comme n'importe lesquels. Plus agréable pour certains, comme Alec. Plus… difficile à cerner pour d'autres, comme Max.
Il se rappelait de Biggs, un garçon discret, poli et travailleur. S'il avait été un monstre, il ne serait pas mort : il avait refusé de se battre. Combien d'homme dans le monde pouvaient se vanter d'être pacifique au point de se laisser abattre par quelques clochards ? Et Cece ? Renfermée et autoritaire, mais plus souvent à l'heure qu'une horloge suisse. Prête à servir de bouclier humain pour protéger quelqu'un d'autre. Elle avait été abattue par les autorités qui ignoraient qu'elle était différente. Eux, ils avaient abattu une innocente.
Les transgéniques n'avaient fait de mal à personne. Il y avait le jeune garçon, Dalton, si sérieux et si courageux pour un enfant… privé d'enfance. Il imaginait facilement Alec avoir été pareil dans sa jeunesse. Et Gem, cette jeune femme qui a porté à terme un enfant conçu dans de mauvaises conditions et pour de mauvaises raisons, mais qui était prête à se battre pour sa vie et celle de sa fille. Normal avait été ému par le regard de cette jeune mère et son sourire. Eve était l'innocence incarnée. Il s'était promis que la petite n'aurait jamais à vivre de moments durs tant qu'il serait en vie. Il avait décidé qu'elle serait sa filleule. Et si, par malheur, il arrivait quelque chose à Gem, il élèverait Eve comme sa propre fille, même s'il devait aller vivre tel un mendiant à Terminal City. Mais, il espéra que ce jour n'arrive jamais.
Toutes les semaines, il allait voir ces trois-là. Dalton, mini-Alec comme il le surnommait, et Dalton adorait s'entendre appeler ainsi, vivait avec Gem. Normal gardait volontiers la petite fille lorsque sa mère était occupée. Il avait découvert la joie de faire découvrir à Gem et Dalton les petits plaisirs simples de la vie : manger une glace sur la baie, lécher une cuillère de beurre de cacahuètes… À plusieurs reprises, hors des murs de la ville mutante, on les avait pris pour une famille. C'était bizarre, mais aussi flatteur. Il s'inquiétait de leur condition de vie à Terminal City. Même si Alec, le monstre lézard et les deux autres créatures non identifiées, avaient fait des miracles, Terminal City restait un taudis.
Normal voulait participer au financement de la ville mutante d'une façon ou d'une autre. Avec la publicité, les commandes de livraison de lettres et de colis avaient explosé. Il s'en était réjoui au début. Sauf que les coursiers avaient déserté en grand nombre. Pour certains, ça avait été l'épreuve même de la prise d'otage qui les avait fait fuir. Quelques-uns avaient même quitter l'état. D'autres, quatre exactement, étaient partis de répulsion contre les transgéniques. Ils avaient tous été approchés par les médias. Les personnes ordinaires aiment se vautrer dans le malheur des autres. Du coup, les gens voulaient avoir leur dose de célébrité par procuration. C'était devenu à la mode d'avoir un ancien otage dans son personnel. Des entreprises avaient fait des offres d'embauche aux salaires scandaleusement indécents. Certains anciens coursiers avaient accepté.
Fort heureusement, un noyau dur s'était formé autour de la princesse nubienne, Cynthia « Original Cindy » McEachin. Des anciens coursiers, refusant de céder à la drague éhontée d'autres entreprises, comme le très silencieux Sky. Même ce débile profond de Calvin Théodore, alias Sketchy, avait choisi de rester travailler à temps partiel, tout en continuant le journalisme, à Jam Pony pour… le plaisir de travailler à Jam Pony. Preuve qu'il devait bel et bien avoir une case en moins. Au final, l'effectif de Jam Pony était de… sept salariés, dont certains à temps partiel. Là où avant, ils étaient plusieurs dizaines.
Ce bon à rien de Druid, avec ses blagues idiotes de tamponner des code-barres à ses collègues, était revenu en suppliant Normal de le reprendre. Il faisait partie de ceux qui avaient succombé à un plus gros salaire. Mais, la vie d'animal de foire, même bien payé, était vite devenue un calvaire pour cet électron libre et provocateur. Normal, encore contrarié de la blague du tampon, avait accepté de la reprendre à l'essai. À la première réflexion, il serait viré. Le jeune homme avait dû se refaire accepter des autres coursiers, en particulier de Sky, la victime de sa blague.
L'effectif de Jam Pony atteignit le glorieux chiffre de huit…
Un jour, il y eut une grande animation, au niveau des vestiaires, chez les huit. En s'approchant pour leur crier dessus et leur rappeler qu'ils étaient payés à livrer des colis et non à jacasser, il reconnut un invité-surprise : Herbal Thought. Herbal, son ancien meilleur coursier, avait quitté son emploi peu de temps après le décès présumé de Max, avant l'été 2020. La « mort » d'une de ses meilleures amies l'avait beaucoup affecté. Il ne comprenait pas comment son Dieu avait pu permettre une telle chose. Il disait qu'il avait besoin de faire le point sur lui-même, sur sa vie et se rapprocher de sa femme, celle qu'il aimait, car la vie était trop courte. Tous les deux avaient donc quitté Seattle pour aller explorer le pays, rencontrer des gens comme eux et des gens différents d'eux. Après plus d'un an et demi, ils étaient revenus s'installer à Seattle.
Herbal et sa compagne avaient décidé d'ouvrir une salle de sport, de méditation et de relaxation. Il pouvait prêcher sa foi et elle pouvait enseigner le bien-être. Il ne voulait pas redevenir un coursier à vélo, mais il invita tout le personnel de Jam Pony à passer le voir et à se relaxer chez lui. Ce serait gratuit pour eux. Même s'il ne comprenait toujours rien à sa façon de parler, Normal avait assisté à plusieurs sessions. Il était évident que des cours de relaxation lui feraient le plus grand bien, surtout s'ils étaient gratuits.
Plus tard, lorsqu'Alec vint voir Normal pour retravailler pour lui, l'ordinaire était aux anges. Alec avait un sens aigu de l'économie. Il fit à son patron la meilleure offre de partenariat possible. Normal avait désespérément besoin de main d'œuvre et les transgéniques avaient besoin de travailler et de gagner de l'argent. Jam Pony devint la première entreprise employant majoritairement des transgéniques : 86 %. Officiellement, seuls Normal et Alec savaient qui était qui pour des raisons de sécurité. Mais, dans l'entreprise de livraison, les huit coursiers d'origine n'étaient pas dupes quant à la nature des nouvelles recrues. D'autant qu'elles montraient autant de respect à Alec qu'à Normal. Le jeune homme avait dû préciser très tôt, qu'à Jam Pony, c'était Normal le patron, pas lui. Les transgéniques avaient été surpris, mais avaient tous obéis.
L'emploi de personnel génétiquement modifié avait amélioré le rendement. Ils étaient travailleurs, disciplinés, infatigables et polis. Fort de ce savoir, Normal s'était quand-même demandé comment sa Missy Miss était devenue… elle, mal-aimable et toujours en retard. Alec n'avait proposé que des X5, au physique humain, à l'embauche pour que les clients ne s'alarment pas et pour ne pas attirer l'attention sur des physiques différents.
Bref, en un mot, Normal était ravi. L'année 2022 promettait d'être extraordinaire. Son entreprise prospérait et en embauchant des séries X, il contribuait aux finances de Terminal City et cela donnerait un avenir à sa petite Eve. Il envisageait même d'ouvrir deux franchises, dans les quartiers nord de Seattle, dans les secteurs huppés 30 à 38, et dans le sud-ouest de la ville, dans les secteurs industriels 20 à 25. Pour cela, il lui faudrait trouver des investisseurs extérieurs, mais il s'en occuperait plus tard.
Seattle, Terminal City, vendredi 31 décembre 2021, 23h50
ALEC
Alors que la fête du Nouvel An battait son plein à Terminal City, Alec était, seul, à l'infirmerie de la ville à étudier les données épidémiologiques de la ville de Seattle.
Dans la nuit de 24 au 25 décembre, le « fléau » des Familiers avait traversé les cieux. Leur Avènement. C'était une comète. Les membres du Culte de la Procréation étaiet persuadés que le passage de l'objet céleste avait relâché une maladie, un agent pathogène dont les serpents étaient porteurs sains.
Il avait fallu du temps pour convaincre C.J. pour qu'il autorise un prélèvement de sang sur son serpent, George, pour pouvoir l'analyser. Le problème fut que le sang de George était un bouillon de culture. Ni le docteur Carr, ni le docteur Shankar n'avaient de réponse. Les transgéniques devaient donc chercher par eux-mêmes.
À Manticore, Alec avait eu plusieurs fois affaire à X5-018, à présent nommée Magenta. C'était une des premiers X5 conçus. C'était aussi une X5 ratée : son physique n'était pas adéquat. Elle avait les cheveux presque gris et, surtout, elle avait les pupilles violettes. Néanmoins, les scientifiques l'avaient gardé en vie pour l'étudier. Comme elle coopérait, ils avaient décidé que son intelligence pourrait être mise à contribution dans leurs recherches scientifiques. Il y avait des X5 spécialisés en médecine de guerre, mais elle était la seule X5 à avoir eu une formation de biochimiste et de généticienne. Bien que tous savent qu'elle n'avait pas eu le choix, pour de nombreux transgéniques, Magenta était plus un médecin de Manticore, qu'une transgénique comme eux. Par conséquent, rares étaient ceux qui lui parlaient. Alec faisait déjà partie de ceux qui lui adressaient la parole, bien avant la destruction de Manticore. Même si elle lui avait toujours fait peur avec ses regards sévères.
Ce fut dans ce contexte, qu'il lui demanda de prendre la tête de l'infirmerie de Terminal City et de mener les recherches. Elle lui avait envoyé un de ses regards acérés, mais avait accepté. Le problème était qu'elle ne pouvait pas tout faire toute seule, il lui fallait un assistant. Alec dût donc endosser ce rôle. C'était un peu flippant au début, mais il s'y était habitué. C'était l'une des rares X5 à ne pas lui avoir fait des avances, c'était donc reposant. Il aimait que les femmes le charment, mais il détestait devoir les repousser. Il ne pouvait pas se permettre d'avoir de relations frivoles à Terminal City, pas avec son statut de dirigeant. Magenta n'étant pas intéressée, il pouvait travailler et passer du temps avec elle sans se soucier des conséquences. Et, contrairement à Max, elle le respectait. D'ailleurs, il lui avait dit tout ça. En retour, elle l'avait remercié de lui parler avec franchise et de lui avoir confier un poste où elle se sentait utile. Il pouvait être l'une des rares personnes à pouvoir dire qu'il était ami avec elle.
Les transgéniques ne savaient pas grand-chose sur le « fléau ». Ils savaient que les symptômes de la maladie apparaissaient rapidement. Il y en avait, au moins, trois : une forte fièvre, un état de faiblesse et une perte de connaissance. Enfin, ça, c'était les symptômes qu'avait eu le fils d'Ames White. Max n'avait rien eu. Leur hypothèse était que le sang de Max, avec son ADN dépourvu de séquences inutiles, pouvait servir de vaccin.
Juste avant la bataille contre la forteresse du Conclave, Max lui avait fait promettre, si elle devait mourir, de ne pas hésiter à se servir de son corps pour en extraire son sang et produire la plus grande quantité de vaccin possible*. Fort heureusement, Max avait survécu. (*référence à After The Dark)
La comète avait survolé la planète depuis une semaine. Par mesure de sécurité, il fallait surveiller les épidémies. Alors, il regardait les courbes et les graphiques des maladies des différents serveurs hospitaliers, préalablement piratés. Si une épidémie inconnue venait à se déclarer, il devrait faire revenir Max au plus vite à Terminal City… Et, il le paierait cher.
Néanmoins, une semaine après le passage de la comète, il n'y avait rien d'anormal. Il avait donc ordonné à Magenta d'aller faire la fête avec le reste de la population de transgéniques. Plus que tout autre, elle devait être avec eux pour s'intégrer. Elle n'avait pas le droit de quitter la fête avant l'aube du premier janvier.
La stratégie d'Alec fonctionna. Dans la journée, du premier de l'An, Magenta revint à l'infirmerie avec un assistant, un jeune X5, matricule 584, nommé Hector. C'était un spécialiste de la médecine de terrain. Juste avant la destruction de Manticore, toute l'unité d'Hector avait été tuée dans une mission. Unique survivant, et traumatisé, il avait été retiré du service actif et avait passé un temps considérable en Psy-Ops. Lui aussi était un outsider. C'était bien qu'ils se soient trouvés, Magenta et lui. Alec nota qu'Hector regardait Magenta avec une grande dévotion, même si cette dernière ne le remarquait pas. Ça leur ferait du bien à tous les deux… Enfin, si Hector arrivait à avoir plus d'ardeur qu'un cul-de-jatte.
Au moins, Alec pouvait rendre son tablier d'assistant scientifique. C'était toujours ça de pris. Sauf que, une semaine plus tard, il dû se replonger dans les sciences médicales : Magenta essaya de tuer Hector. Pas volontairement, certes, mais elle avait bien failli y parvenir.
Les deux apprentis scientifiques conçus par Manticore avaient voulu en savoir plus sur la toxine sacrée des Familiers. Magenta avait donc eu l'idée d'injecter le sang de George directement à Hector. Le pauvre X5 avait eu les mêmes symptômes que ceux qui avaient été décrits chez Ray White. De mémoire de transgéniques, c'était la première fois que l'un d'eux tombait malade. Fort heureusement, le corps d'Hector avait produit les anticorps nécessaires. Il avait quand-même été inconscient pendant deux jours. Grâce à cela, ils avaient pu, par association avec les anticorps, découvrir la nature du « fléau » : une bactérie, un bacille pour être exact.
Alec, ainsi que Mole et Dix, avait pensé que le Culte de la Procréation pouvait leur porter un coup terrible s'il parvenait à les contaminer de façon massive, avec leur eau potable par exemple. Une contamination de la sorte aurait mis KO la population de Terminal City pendant deux jours entiers et les Familiers auraient pu facilement les décimer. Pour éviter cela, petits groupes par petits groupes, il fut voté d'injecter du sang de serpent à tous les transgéniques de plus de cinquante kilos. Pour les plus légers, les plus jeunes, Alec avait choisi d'attendre le retour de Max et de sa capacité à résister, sans symptômes, à la bactérie, pour pouvoir les vacciner.
Les Familiers ne pourraient plus les attaquer sur ce front-là.
Alec n'avait même pas pu être tranquille pendant ses quarante-huit heures de « maladie » lié à son injection : il avait eu un million d'autres choses à faire. Ce fut deux journées comme les autres en somme…
Seattle, Terminal City, samedi 15 janvier 2022, minuit
ALEC
Assis dans son bureau, Alec regarda sa montre indiquer minuit et passer au 15 janvier. Il était fatigué. Il avait l'impression que cela faisait deux ans qu'il travaillait d'arrache-pied pour Terminal City alors que cela ne faisait qu'un peu plus de deux semaines. Il n'avait même pas eu le temps de faire la fête pour le Nouvel An.
Il soupira. Il regardait toujours sa montre qui venait de passer à minuit et une minute. Dans quatre heures et quarante-trois minutes exactement, ce serait l'anniversaire de Rachel. Elle aurait eu 20 ans aujourd'hui. Il n'irait pas sur sa tombe. Il n'en avait pas le droit : elle était morte à cause de lui.
Minuit et deux minutes. Il n'y avait même pas pensé l'année dernière. Pourquoi y pensait-il maintenant ? Parce qu'il aurait voulu qu'elle soit là, pour lui parler avec toute sa douceur et sa gentillesse naturelle. Il avait besoin de se confier à quelqu'un… quelqu'un qui l'aurait apaisé et réconforté. Il venait d'un monde impitoyable qu'il n'avait pas choisi. Pendant quelques semaines, elle lui avait apporté plus de douceur que pendant la totalité de sa vie. Elle lui manquait.
Il essaya de reporter son attention vers le compte-rendu qu'il rédigeait à l'attention de Max. Il voulait qu'elle soit au courant de tout, sans qu'il ait à passer des heures à lui raconter les détails. De toute façon, elle n'aurait pas supporter de l'entendre parler pendant des heures… même si c'était au sujet de Terminal City. Max était le contraire de Rachel.
Avec sa vision périphérique, il perçut un bref changement de luminosité en provenance de sa montre. Il était minuit et trois minutes. Il soupira. À ce rythme, la journée allait être longue.
Il repoussa le compte-rendu et posa le front sur son bureau. Il savait que son corps avait faim, mais il ne ressentait pas le besoin de manger, et encore moins la force. Il était fatigué, mais n'arrivait pas à s'endormir. Il ferma les yeux et essaya de ralentir volontairement son rythme cardiaque et sa respiration, histoire de faciliter l'endormissement. Il entendit son cœur battre lentement dans ses oreilles et cela lui rappela le rythme du monitoring cardiaque qui suivait le cœur de Rachel, plongée dans le coma. La journée allait vraiment être longue.
Quelques coups furent frappés à la porte de son bureau. Pas de repos pour les braves. Alec se redressa et se secoua les épaules.
_ Entrez, fit-il.
Un X5 de l'équipe de nuit entra dans son bureau d'un pas hésitant.
_ Oui ?
_ Chef, l'équipe qui devait récupérer le chargement de vivres auprès de la Triade est revenu les mains vides. Un certain Monsieur Jiang a dit qu'il voulait vous voir et renégocier les termes du contrat…
Ce type commençait sérieusement à l'agacer et ce n'était pas la bonne journée pour venir l'agacer. L'ancien interlocuteur d'Alec avait eu un « accident » avec un hachoir à viande. Monsieur Jiang avait repris le dialogue et, dès le début, il y avait eu des étincelles. Il fallait une petite remise à niveau. Alec ouvrit le tiroir de son bureau et en sortit en pistolet 9mm.
_ Je veux que l'équipe y retourne, mais qu'elle se tienne en retrait le temps que je renégocie le contrat, dit-il en enfonçant le chargeur dans l'arme.
Le X5 se mit au garde à vous et sortit après Alec.
Seattle, territoire de la Triade, samedi 15 janvier 2022, 00h57 du matin
ALEC
En moto, il rejoignit le territoire de la Triade. Alec, non, le X5-494 entra dans l'entrepôt déterminé à obtenir ce qu'il voulait. Jiang donnait envie au X5-494 de reprendre son emploi de tueur professionnel. L'asiatique commença un discours énervant et 494 dut se retenir de lui coller une balle au milieu du front, après avoir tenu seulement soixante-deux secondes.
« Respire, 494, sois patient ».
Puis, Jiang commença à parler des roulures de transgéniques, de ces phénomènes de foire, des ces animaux qui n'avaient aucun droit… et le coup partit, presque, tout seul. 494 regarda Jiang s'écouler au sol en ramenant les mains sur son genoux droit. À cette distance, un pistolet 9mm explosait littéralement une rotule. Même avec une prothèse, le chinois boiterait à vie.
« Un moindre mal » pensa-t-il, « ça aurait pu être le cerveau... c'est toujours ça de pris ».
_ Quelqu'un d'autre veut négocier avec moi ? Demanda-t-il d'une voix claire et forte pour couvrir les hurlements de Jiang.
Les hommes de mains ne s'étaient pas attendus à un geste aussi radical de sa part. Ils le connaissaient. Alec, ou le X5-494, s'était fait une bonne, ou mauvaise, réputation auprès des truands de la ville. Ils étaient impitoyables, alors il devait l'être encore plus. Certains, mais pas tous, avaient levé leur arme vers lui. Tous hésitaient. Règle numéro 11 en temps de guerre : ne jamais montrer de crainte envers les sous-fifres. Il leur lança un regard de défi. Quelques-uns reculèrent même. Ses méthodes n'auraient sans doute pas plu à une certaine X5, mais elle n'était là…
_ Toi ! Dit Alec au petit homme qui se tenait précédemment derrière Jiang avec un bloc-notes.
_ Monsieur ? Fit timidement le petit homme.
_ Tu viens d'avoir une promotion… Félicitations.
_ Euh… Merci.
_ C'est l'inventaire ? Demanda-t-il en faisant un signe de tête vers le bloc-notes.
Le petit homme acquiesça.
_ Les soldats de « mon » armée viendront chercher la totalité de la marchandise prévue.
_ D'accord. Et le paiement ?
_ Monsieur Jiang vient de le réceptionner, il me semble…
L'homme déglutit avec difficulté.
_ Votre nom ? Demanda sèchement Alec.
_ Wa Ping.
_ Monsieur Wa Ping, commença Alec, dois-je vous rappeler que moi et les miens sommes des machines de guerre ? Entraînés depuis le berceau pour être des tueurs… froids, méthodiques et sans pitié…
Ping hocha la tête.
_ Si nous venions à déferler sur vous, nous l'emporterions, même si nous subissions quelques pertes… Ce sont les risques de notre condition, nous y sommes parfaitement habitués. Vous, vous seriez balayés…
Alec haussa les épaules pour signifier que cela n'avait pas d'importance pour lui.
_ Mais… il n'est pas dans notre intérêt tactique de faire cela. Ni dans votre intérêt… Nous préférons traiter avec la Triade en tant que partenaire commercial. N'êtes-vous pas de mon avis ?
_ Partenaire commercial, répéta Ping. C'est bien.
_ Les prochaines livraisons seront livrées comme à l'ordinaire et au prix négocié avec feu Monsieur Kai.
_ Oui.
_ Essayez de me doubler et vous serez payé comme Monsieur Jiang. Essayez de doubler les miens et ce sera la déferlante…
_ Ce ne sera pas nécessaire. La Triade apprécie le partenariat commercial avec Terminal City. Vous faites partie de nos meilleurs clients…
_ Alors, pourquoi je ne vois pas vos hommes préparer la marchandise ? Demanda tranquillement Alec.
Ping claqua des doigts et des dizaines de chinois se mirent à transporter des caisses dans la zone de fret.
_ C'est un plaisir de faire affaire avec vous, Monsieur Wa Ping, dit Alec en s'inclinant comme le voulait la coutume chinoise.
_ Le plaisir est pour nous, répondit Ping en s'inclinant à son tour.
La partie de poker était gagnée. Les chinois ne s'en prendraient pas à Terminal City. À lui ? Plus tard peut-être. Mais, pas aujourd'hui. Par ailleurs, il s'en moquait. Il avait déjà préparé des consignes dans le cas où il disparaîtrait. Et puis… mourir un 15 janvier ne l'aurait pas dérangé outre mesure…
Seattle, Terminal City, samedi 15 janvier 2022, 4h42 du matin
ALEC
De retour dans son bureau à Terminal, Alec retourna s'asseoir. Il ôta le chargeur et rangea son arme dans le tiroir. De ce même tiroir, il sortit un verre et une bouteille de Whisky Dalmore. C'était une cuvée post-Impulsion, mais c'était un vrai whisky d'Écosse, passé en contrebande.
On frappa à sa porte pour la seconde fois de la journée. Il regarda sa montre : 4 heures et 44 minutes.
_ Joyeux anniversaire, lança-t-il à la bouteille.
C'était une cuvée spéciale à 40°, nommée « Rachel ». Il se servit un verre et le but d'une traite. Alec sentit le liquide lui brûler l'œsophage pour rejoindre son estomac vide. Parfois, il enviait les ordinaires et leur nature chétive. Il enviait leur capacité à s'enivrer. Ça ne risquait pas de lui arriver...
On toqua à nouveau à la porte de son bureau. Il se leva et sortit de son bureau pour gérer Terminal City et les embrouilles quotidiennes.
Seattle, aux abords de Terminal City, samedi 15 janvier 2022, 19h56
ALEC
La journée avait été longue et éprouvante. Une fois le soir venu, Alec avait hâte de retourner s'enfermer de son bureau. Alors qu'il rentrait à Terminal City, après avoir fini avec un énième problème de fournitures, Alec sentit qu'on l'espionnait. Il posa sa moto contre le grillage et fit semblant de consulter son téléphone. On l'observait du coin de café en face de de la ville mutante. Ils devraient être deux. Il sentit que la tension avait descendu brusquement. Quelque chose devait avoir perturbés les deux espions. Il en profita pour les prendre à revers. Ils se chamaillaient par langage gestuel militaire. Il aperçut leur tatouage, c'étaient deux X5. Un jeune homme aux cheveux noir corbeau et une petite blonde.
_ Je peux vous aider ? Demanda Alec, appuyé sur le mur comme si la situation était tout à fait normale.
Les deux transgéniques sursautèrent. Ils le dévisagèrent un instant et se jetèrent dans ses bras pour l'enlacer sans dire un mot.
« Tiens, odeur intéressante » pensa Alec.
_ OK, les gars. Ce n'est pas que je n'aime pas les plans à trois, même si je préfère quand c'est deux filles avec moi, mais je ne suis pas certain que ce soit le lieu, ou le bon moment.
Ils se reculèrent d'un même mouvement. La fille avait presque les larmes aux yeux. Et le garçon le regardait de façon incrédule.
_ Ne soit pas vexé, mec, je te trouve très sexy, ajouta Alec à l'attention du gars.
_ Mais… commença le garçon.
_ … Ben, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Tu ne nous reconnais pas ? Demanda la fille.
_ Ah, soupira Alec, c'était donc ça… Et moi qui pensais que mon sex-appeal faisait des ravages… Vous me cassez tous mes effets, là, ajouta-t-il en riant devant leurs visages abasourdis. Je suis Alec, mon matricule est 494, je suis un clone de Ben. Et, si vous connaissez son nom, c'est que vous êtes deux des évadés de 2009. C'est quoi vos petits noms ?
_ Je suis Krit, X5-471. Et elle, c'est Syl, X5-701, dit le garçon pendant que la fille avait toujours l'air en état de choc.
_ Oh, une partie du commando d'assaut pour la destruction du laboratoire des échantillons génétiques ! S'exclama Alec. Jolie pagaille, au fait.
_ Euh… merci, je crois… répondit Krit.
_ Bon, bah je vous emmène voir papa ? Demanda Alec
_ Papa ?
_ Lydecker.
_ Quoi ? Fit Syl
_ T'inquiète pas poupée, je ne mords pas… sauf si on me le demande, lui dit-il avec un clin d'œil.
Syl le regarda avec un air dégoûté et Krit se tendit face à lui.
« Très intéressant comme réaction » pensa-t-il.
Il leur fit signe de la suivre. Syl et Krit ramassèrent leurs sacs posés au sol. Alec récupéra sa moto et, au lieu de se diriger vers l'entrée de Terminal City, il se dirigea vers un immeuble tout proche.
Seattle, appartement de Lydecker, samedi 15 janvier 2022, 19h56
ALEC
Il stationna sa moto sur le parking et ouvrit la porte du hall avec un digit code. Il entra dans le couloir et pris l'escalier pour aller au premier étage. Il pressa la poignée d'un appartement. La porte était verrouillée. Il sortit un petit étui noir de la poche interne de son manteau et crocheta tranquillement comme si c'était la seule chose à faire devant deux inconnus. Il entra avec nonchalance dans l'appartement en disant « C'est moi ! ». Syl et Krit le suivirent, mal à l'aise.
_ Alec, si la porte est verrouillée, c'est qu'il y a une bonne raison ! S'exclama Lydecker du fond de la cuisine.
_ Elle n'était pas verrouillée, répondit Alec le plus sérieusement du monde.
_ Je ferme toujours derrière moi, pesta Lydecker
_ Vous devenez sénile, ma parole !
Un flot de jurons s'éleva de la cuisine.
_ À part ça, je vous apporte deux de vos bébés.
Lydecker fut surpris d'apercevoir deux de ses X5 en compagnie d'Alec.
_ Syl, Krit. Vous allez bien ?
Alec observa attentivement ces retrouvailles. L'homme était sincèrement soulagé de voir les deux jeunes gens. Après la capture de Zack et de Max, ils étaient partis sans dire un mot. Et, comme Zack était amnésique, il n'y avait plus aucun moyen de les contacter. Alec avait donné un maximum d'informations à Lydecker sur ses enfants afin de l'amadouer. Ça avait marché. Lydecker lui avait même raconté plusieurs anecdotes, comme la mission pour la destruction du laboratoire des embryons. Le colonel était d'un naturel grincheux et renfrogné, et il était perturbé par la ressemblance physique entre Alec et Ben. Alec avait donc mis un point d'honneur à rien faire dans son comportement pour ressembler à Ben. Et, cela commençait par un manque de respect total pour la vie privé du militaire. Alec était amusé des réactions de l'homme qui étaient très semblables à celle de Max. « Tel père, telle fille » avait-il pensé. C'était pour lui un vrai divertissement de faire sortir Lydecker de ses gonds.
Il aurait sans doute dû être ailleurs, ou au moins regarder ailleurs, car il ne faisait pas parti de cette « famille », mais les regards noirs de Lydecker étaient marrants, même s'ils voulaient dire « Tu n'as rien à faire ici ». La situation devint encore plus amusante lorsqu'Alec s'aperçut que Syl, lui lançait les mêmes regards, comme l'aurait fait Max. Il se demanda si toutes les filles de la « famille » étaient faites dans le même moule. Il trouva alors le surnom parfait pour Syl. Il avait hâte de jouer avec.
Au bout d'un moment, Alec prit la parole :
_ Bon, ce n'est pas que votre caquetage n'est pas intéressant, mais il est tard et je vais devoir vous trouver des logements.
_ Pour qui tu te prends ? Demanda Syl exaspérée par la présence du X5. Parce que c'est toi qui dirige peut-être ?
_ Précisément, répondit tranquillement Alec
Syl grimaça et jeta un coup d'œil à Lydecker.
_ Terminal City est une ville indépendante, expliqua Lydecker. Avec une sorte de maire élu.
_ Au premier tour, ajouta Alec, s'amusant du regard écœuré de Syl. 98 % d'avis favorables, 6 abstentions.
_ Impressionnant, s'étonna Krit. Tout le monde est de Manticore ? demanda-t-il sans fausse curiosité.
_Oui, des trans-humains et des séries X. Il fallait avoir au moins 16 ans pour voter. Les plus jeunes des X6, les X7 et les X8 n'ont pas pu participer, dit Alec.
_ Ils doivent vraiment te faire confiance alors, dit Krit.
« Je l'aime bien, lui » pensa Alec.
_ Les états de services de 494 sont exemplaires. C'est un des X5 les plus gradés produits par Manticore L'un des rares officiers : il est lieutenant. Il est plus gradé de Terminal City. Il avait déjà la confiance des séries X et il a su gagner celle des trans-humains, dit Lydecker.
_ Il a l'air imbu de sa personne, commenta Syl.
_ On n'est pas le meilleur quand on le croit, numéro 2, mais quand on le sait, répondit Alec.
_ Numéro 2, c'est quoi ça ? Demanda Syl.
_ L'abréviation de ton surnom officiel.
_ Qui est quoi ?
_ Peau de vache numéro 2, dit Alec avec un sourire mauvais.
_ Quoi ?
_ Ne sois pas jalouse, tu t'en sors très bien dans ton rôle.
_ Je vais te botter le cul ! S'exclama Syl.
Alec explosa de rire. Lydecker leva les yeux au ciel. Il était de notoriété publique qu'Alec surnommait Max « la peau de vache » et qu'elle le menaçait sans cesse de lui « botter le cul ».
_ Syl, arrête. Crois-moi, tu n'iras nulle part sur cette voie face à lui. Ne lui fais pas le plaisir de rentrer dans son jeu, dit Lydecker.
Alec riait tellement qu'il en avait mal au ventre. Il eut un mal fou à se concentrer à nouveau.
_ Non pas que je n'aime qu'on parle de moi, dit-il le sourire aux lèvres. Mais, il faut qu'on s'organise. Toi, fit-il en pointant Syl, il y a une place avec une X6. Et toi, mon mignon, tu pourras prendre l'appartement libre. Il nous en restait justement un. On n'a pas encore fini de rénover les autres.
_ On peut partager avec Syl, dit alors Krit.
_ On évite les galères au maximum à Terminal City. Les filles avec les filles, et les gars avec les gars… Sauf si… commença Alec d'une voix pleine de sous-entendus.
_ Oh, on est ensemble, dit alors Krit tout naturellement.
Alec explosa à nouveau de rire. La sacro-sainte fratrie de Max ! Tous frères et sœurs, sans aucun autre lien affectif que la fratrie ! En voilà, deux qui avaient bien dérapé. Il l'avait senti lorsqu'ils l'avaient pris dans leurs bras en le prenant pour Ben. Leurs odeurs étaient identiques. Cela voulait dire qu'ils couchaient régulièrement ensemble. Sans parler de la tension de Krit quand Alec avait fait une allusion graveleuse à Syl. Alec en eu les larmes aux yeux. Krit le regardait sans comprendre la bombe qu'il venait de lâcher. Syl était toujours en mode « J'emmerde le monde ». Et Lydecker détourna les yeux car il était le seul à avoir compris la raison de l'hilarité d'Alec.
o0o0oOo0o0o
Plus tard, le petit couple s'installa dans l'appartement libre.
Alec avait hâte que Max revienne juste pour qu'il puisse voir son visage en découvrant la relation entre une de ses sœurs et un de ses frères.
o0o0oOo0o0o
La vie était bien remplie. Et, il gérait Terminal City plutôt bien à son goût, même sans Max.
Finalement, le seul point qu'Alec n'arrivait pas à gérer, en l'état actuel des choses, était son propre sommeil, mais, même si Max était là, elle n'y pourrait pas grand-chose.
à suivre
