INVITÉS SURPRISE
Seattle, Terminal City, appartement de Max et Alec, mardi 17 mai 2022, 19h30
ORIGINAL CINDY
Original Cindy attendait que Max revienne avec les cafés. La X5 avait dû rester éloignée des locaux de Jam Pony toute la journée : les deux nouveaux investisseurs de Normal étaient venus visiter l'entreprise, en voir le fonctionnement et faire plus ample connaissance avec le gérant. Le problème était que Max, mais également Alec, ne pouvait pas être un coursier à vélo face aux deux personnes puisque, pour eux, elle était une jeune femme de la haute société. Après sa journée de travail, Original Cindy avait donc décidé de venir raconter sa journée et les derniers potins à sa Boo.
Max posa un mug de café bien chaud devant elle.
_ Boo Two n'est pas là ? Demanda la jeune femme noire, en parcourant l'appartement du regard.
_ Il ne passe presque plus de temps ici.
_ Vous vous êtes disputés ?
_ Non. On a eu une sorte de conversation… Il veut prendre ses distances.
_ Il s'est passé un truc entre vous ?
_ Non. C'est juste qu'il n'est pas bien en ce moment. Je voudrais bien l'aider, mais il refuse de parler.
_ Il a un secret ?
_ Non. Je connais l'histoire mais il… il ne veut pas qu'on l'aide. Il préfère se punir. Peu importe. Tout ça, c'est la faute de Berrisford.
_ C'est qui ?
Max hésita un instant.
_ Ça reste entre nous ? Demanda Max.
_ C'est si grave que ça ?
_ Non, mais… Alec ne veut pas que ça se sache. Il peut être très secret parfois.
_ Original Cindy ne dira rien. Juré.
_ Robert Berrisford est le père de son ex.
_ Une fille a réussi à lui présenter son paternel ? Ouah ! La classe !
_ Non. Ce n'est pas… Ce n'était pas une fille comme ça. Elle a été son premier et seul amour.
Original Cindy regarda Max pour l'encourager à lui raconter la suite.
_ Elle s'appelait Rachel. C'était la première fille qui… Son premier baiser. Il l'a rencontré lors d'une mission à l'extérieur, lorsque Manticore existait encore. Il l'a aimé de tout son cœur. Et, elle l'aimait aussi.
_ Que s'est-il passé ?
_ Elle est morte. Tuée par Manticore. Alec est persuadé que c'est sa faute. Il se punit lui-même pour ça.
_ Et le père ?
_ Ils se connaissent bien tous les deux. Avant Robert Berrisford l'appréciait et lui faisait confiance. Maintenant, il pense aussi que la mort de Rachel est de la faute d'Alec. Et, il le déteste pour ça. On l'a rencontré il y a quelques jours. Alec n'a qu'à croiser le regard de cet homme se rappeler ses souvenirs les plus durs et être plongé dans son enfer personnel. Je n'aime pas le voir comme ça. Il a déjà tant souffert.
_ Donc, Alec ne va pas bien à cause de ça. Mais, et toi ?
_ Moi ?
_ Tu n'es pas bien non plus… Et, même si je suis certaine que tu compatis à la douleur d'Alec, mon intuition me dit qu'il y a autre chose…
_ On s'est encore engueulé avec Logan.
_ Pour quelle raison cette fois ?
_ Sa jalousie envers Alec le pousse à être méchant avec lui. Je ne le savais pas cruel jusqu'au bal.
_ De quoi tu parles là au juste ?
_ Logan connaît l'histoire d'Alec et de Rachel. Il est au courant des sentiments d'Alec. Il sait que Rachel est morte et qu'Alec s'en sent responsable. Il savait que le père de Rachel serait présent à la soirée, mais il n'a rien dit. Il aurait pu, il aurait dû, au moins m'en parler. J'aurais fait en sorte qu'Alec ne croise pas la route de Berrisford. Mais, il a choisi de faire du mal à Alec. Volontairement. Il a juste dit qu'Alec n'avait qu'à se débrouiller avec son passé et il l'a traité de monstre. Alec n'a pas choisi d'être un soldat de Manticore. Pas plus que n'importe quel transgénique. Pas plus que moi.
_ Ça va s'arranger.
_ Jusqu'à présent, je n'avais jamais eu l'impression d'être différente aux yeux de Logan… Mais, je me rends compte qu'on est tous des monstres pour lui.
_ Non, mon p'tit chou. Il ne pense pas ça. Personne ne le pense. Tu n'es pas un monstre. Ni Alec. Ni Joshua. Ni personne à Terminal City.
_ J'ai eu la chance de m'évader lorsque j'étais enfant, à neuf ans. Malgré tout, je garde en mémoire les souvenirs des choses que j'ai faites. D'horribles choses…
_ Quoi que tu dises, Original Cindy sait qui tu es.
_ Une fille qui a tabassé, à mains nues, un homme jusqu'à ce qu'il en meure, alors qu'elle n'était qu'une enfant. Ils ne nous l'ont pas ordonné. On l'a fait. C'est tout. Et, ce n'en est que plus terrible.
_ Ce sont nos actes qui nous définissent. Je sais qui tu es.
_ Tu te rends compte ? J'avais à peine neuf ans et ça me hante. Alec a passé vingt-et-un ans entre les griffes de Manticore. C'est plus que le double que j'y aie vécu. Il refuse de me dire ne serait-ce qu'un mot sur cette période. Il m'a juste reproché de ne pas savoir ce qu'il pouvait ressentir. Pour les autres, il passe son temps à sourire et à faire l'idiot… Mais, c'est pour oublier.
_ Comme les femmes. Pour oublier cette Rachel.
_ Peut-être…
_ Je ne m'interrogeais pas. Original Cindy s'est toujours doutée qu'il avait eu une peine de cœur. La perte de Diamond l'a rendu comme ça aussi. C'est pour ça qu'elle l'apprécie. On est câblé de la même façon.
Des larmes commencèrent à couleur lentement sur les joues de Max.
_ Original Cindy ne peut rien pour Alec. Elle a déjà essayé, mais il ne parle pas. Même pas à Sketchy.
_ Il m'a fallu du temps pour qu'il me parle un peu. Mais, il a tendance à s'enfermer dans sa bulle quand il n'est pas bien. C'est un réflexe de soldat. Le réflexe de quelqu'un qui ne peut compter que sur lui. Enfin, c'est ce qu'il croit, même si c'est faux. Je voudrais qu'il sache qu'il peut compter sur moi.
_ Tu as essayé de discuter avec lui de façon indirecte ? Tu sais, l'air de rien, en commençant par une banalité.
_ Il me connaît trop bien : il me voit venir à des kilomètres. Il ne veut pas parler. Je ne peux pas l'aider. Là, j'ai même l'impression que j'ai perdu la confiance qu'il m'accordait.
_ Je suis sûre que tu te trompes. Il te fera toujours confiance. Laisse-lui un peu de temps. En attendant, Original Cindy peut t'aider si tu le veux. On pourrait aller se changer les idées. On a déjà prévu d'aller traîner au Crash avec la bande ce soir. Mais, on pourrait faire d'autres trucs en semaine et le week-end. Dis-moi ce dont tu as envie. Ce qu'il te faut pour aller mieux. Et, Original Cindy ira le chercher. Au bout du monde s'il le faut !
Max sourit tristement.
_ Il me faut Alec.
_ Alec ? Répéta la jeune femme.
_ Il me fait du bien, dit Max.
_ Euh…
_ Ce n'est pas à prendre au sens physique. Non, Cindy, je ne couche pas avec lui.
_ Et…
_ Et, je n'en ai pas l'intention.
_ Est-ce que vous…
_ Non, on ne s'est pas de nouveau embrassé. Je t'assure.
_ Original Cindy voulait simplement vérifier.
_ J'ai juste besoin de ses bras. J'arrive à oublier tous mes soucis quand j'y suis. Parfois, j'ai l'impression que ça lui fait du bien à lui aussi. Mais, la seconde suivante, il change de comportement.
Max eut un rire triste.
_ J'ai peut-être aussi besoin d'entendre les bruits des battements de son cœur.
La jeune femme noire haussa un sourcil interrogateur.
_ J'aime bien coller mon oreille contre sa poitrine.
_ Chou, comment tu fais quand il n'est pas là ? Ça doit arriver régulièrement, non ? Tu ne passes pas tant de temps que ça dans ses bras… Si ? As-tu quelque chose de particulier à dire ?
_ Non. Je… Je fais des efforts pour résister à cette étrange… bizarrerie qui m'arrive.
_ Tu parles de ton attirance pour lui ?
_ Je ne suis pas attirée par lui. Je le trouve juste… rassurant. Quand il n'est pas là et que je ne suis pas bien, je me contente de lui piquer ses fringues et de me coucher dans son lit. C'est moins efficace que ses bras, mais c'est mieux que rien…
_ Attends. Tu dis que tu vas fouiller dans son armoire pour ensuite te pieuter dans son lit ?
_ Non ! Je ne me permettrais pas de fouiller sa chambre. Ça ne se fait pas ! En plus, des vêtements propres ne m'intéressent pas. Je préfère enfiler un truc qu'il a déjà porté.
_ Genre T-shirt sale ?
_ Pas si sale que ça ! Je veux simplement qu'il y ait son odeur dessus.
Original Cindy n'en croyait pas ses oreilles. Avec Alec, Max se comportait comme une petite-amie qui se languissait de son mec.
_ Et, à Logan, tu lui piques quoi comme fringues ? Demanda-t-elle.
_ Je ne lui en pique pas. Je te l'ai dit, on s'est encore disputé.
_ Mais, en temps normal, sans dispute, tu lui empruntes quoi ? Ça ne t'arrive jamais de lui emprunter une chemise, un T-shirt, le matin ou après avoir fait l'amour avec lui ?
_ Non. Je ne lui emprunte rien, répondit tranquillement Max.
_ Pourquoi ?
_ Je n'en ai pas besoin, dit Max en haussant les épaules. J'ai des habits chez lui.
_ Tu as des habits ici aussi, mais tu préfères ceux d'Alec.
_ Je ne les préfère pas particulièrement. J'aime bien en porter de temps en temps. Quoique… Ses T-shirt sont vraiment confortables. Je ne sais pas comment il fait, mais il arrive à trouver des trucs vraiment agréables à avoir sur soi. Tu sais, comme les robes. Je n'ai toujours pas réussi à lui faire dire où il les avait achetées… ou volées.
_ Dis-moi, Max, pourquoi tu ne sors pas avec Alec ?
_ Avec Alec ? Qu'est-ce qui te prend de dire ça, Cindy ?
_ Vous êtes proches tous les deux, non ?
_ Officiellement, même si, là, tout de suite, je pense que c'est un salaud, je sors avec Logan.
_ Tu sortirais avec Alec s'il n'y avait pas Logan ?
_ Non ! On parle d'Alec là.
_ Justement. On parle du type que tu adores embrasser, que tu adores câliner, dont tu piques les fringues…
_ On n'est pas comme ça, avec Alec, dit Max.
_ Pourquoi ?
_ Parce que c'est un coureur de jupon, qui ne peut pas s'empêcher de sauter une nana dans les vingt-quatre heures après l'avoir rencontrée. Il est incapable d'être proche d'une fille sans s'envoyer en l'air avec elle. Enfin… à part Rachel.
_ Et, à part toi, répliqua Original Cindy.
_ Et, à part toi, répliqua Max.
_ Je ne compte pas, dit la jeune femme noire.
_ Pourquoi ça ? Questionna Max.
_ On chasse le même gibier. Je ne suis pas une fille à ses yeux. Je suis un pote avec une paire de nibards. C'est tout. Toi, tu es spéciale pour lui.
_ Tu délires là, dit Max en secouant la tête.
_ Je ne crois pas. Il pourrait peut-être même passer dans le camp de monogame pour toi.
_ Il en est physiologiquement incapable.
_ Et…
_ Cindy ! Je t'adore. Mais là, tu m'agaces. Je ne vois pas pourquoi tu me prends la tête avec ce qu'il pourrait y avoir entre Alec et moi ! J'ai déjà Logan sur le dos pour ça ! À la base, tu ne voulais pas me raconter les ragots de la journée ?
Max se leva brusquement. Elle prit les mugs de café sans ménagement et se dirigea vers la cuisine, pour les laver dans l'évier.
« Bon sang » songea Original Cindy. « Elle ne se rend même pas compte qu'Alec est plus son petit-ami que Logan ne l'a jamais été. Ils ne couchent pas ensemble, mais elle est complètement dépendante de lui du point de vue sentimentale… et du point de vue physique aussi. Quoi qu'elle en dise. »
Cindy se demanda pourquoi Max fréquentait Logan. Bien sûr, il y avait leur relation "professionnelle". Mais, elle s'interrogeait sur leur relation intime. Avant sa capture par Manticore, à la mi-2020, la jeune femme n'avait pas d'incertitude concernant sa Boo et le journaliste. Mais, quelques mois plus tard, il y avait eu le virus. C'était dur, mais cela ne semblait plus être le seul problème entre eux. La situation des transgéniques faisait peser un lourd fardeau sur les épaules de son amie. Et, il y avait la crainte de tuer l'homme que la transgénique aimait, par accident. Puis, finalement, ils avaient pu être ensemble. Mais, moins d'un mois après le "début" de leur histoire, ça ne fonctionnait plus… Par moment, la jeune femme noire avait l'impression que son amie se forçait à être avec Logan. Comme si elle devait à lui, et à eux, une relation.
Seattle, appartement d'Alec du centre-ville, vendredi 20 mai 2022, 21h00
MAX
Alec ne revenait toujours pas à l'appartement.
Max le voyait en coup de vent à Terminal City et à Jam Pony. Lorsqu'ils déjeunaient avec les autres coursiers, il était toujours aussi bavard et discutait joyeusement. Mais, lorsqu'il ne parlait pas avec quelqu'un, il affichait une mime sombre et un regard triste.
Joshua s'en était aperçu. Lorsqu'il avait questionné le X5, celui-ci lui avait répondu avec son éternel mantra. Malgré tout, l'homme-chien avait appris de ses erreurs et ne croyait pas le "je vais toujours bien" d'Alec. Il était même venu voir sa little fella pour ça. Devant l'insistance du big fella, et après lui avoir faire promettre de ne pas en parler à qui que ce soit et surtout pas à middle fella, Max expliqua brièvement l'histoire de Rachel. Joshua n'en fut que plus triste pour son ami. Il commenta l'histoire en disant qu'il comprenait mieux pourquoi Alec avait si bien pris soin de lui à la mort d'Annie : ils avaient vécu un drame similaire.
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Max voulait qu'Alec revienne à Terminal City. Même s'il ne souhaitait pas parler, elle pourrait au moins veiller sur lui. Alors, elle avait décidé de prendre son courage à deux mains et d'aller le chercher.
Elle frappa à la porte de sa "garçonnière". Elle savait qu'il était là : d'abord, elle avait vu sa moto ; ensuite, elle savait qu'il prenait toujours le temps de se préparer avant une soirée au Crash.
_ Alec, c'est Max, cria-t-elle à la porte comme il ne venait pas ouvrir. Je force ta porte si tu ne m'ouvre pas.
La porte se déverrouilla et il apparut, torse nu. Il s'écarta pour la laisser entrer. Il devait sortir de la douche à en juger par les perles d'eau dans ses cheveux et sur sa nuque.
_ Fais comme chez toi, dit-il en désignant le canapé.
_ Tu vas bien ? Demanda-t-elle, en le regardant mettre une chemise.
_ Je vais toujours bien.
« Pas ça ! Il recommence à se comporter comme avant » gémit-elle, intérieurement.
_ Tu avais un truc à me dire qui ne pouvait pas attendre qu'on soit au Crash ? Demanda-t-il, en continuant de s'habiller.
_ Tu ne voudrais pas qu'on parle ?
_ Parler de quoi ? Je n'ai rien à te raconter, moi… Ah si ! J'ai empêché un vieux de se faire percuter par un camion l'autre jour, pendant que j'allais livrer un colis. Il marchait en lisant son journal et il a commencé à travers la route. Je l'ai attrapé et tiré en arrière. Il s'est excusé, croyant m'avoir bousculé et il est reparti.
Max soupira : elle ne savait pas comment s'exprimer face à lui.
« Je voudrais que tu reviennes vivre à Terminal City » pensa-t-elle. « Bon sang, Max ! Ce n'est pas si difficile à dire ! » s'agaça-t-elle contre elle-même.
_ Max ? fit Alec pour l'interpeler. Allo ? Tu es là ?
_ Ah ? Pardon… C'est juste que je…
« Je voudrais que tu reviennes vivre à Terminal City. »
_ Logan et moi, on s'est disputé… finit-elle par dire.
_ Et, alors ? Ce n'est pas la première fois. Tu l'aimes. Il t'aime. Et blablabla… Ça va s'arranger. Vas voir Cindy pour ce genre de truc.
_ Non. Écoutes, Alec… On s'est disputé parce que…
Max ne termina pas sa phrase car son bipeur venait de sonner. Elle soupira.
_ Ça doit être lui, dit Alec en désignant l'appareil, dit Alec. Va voir ton petit-copain. T'inquiète, je dirai aux autres que tu auras du retard.
Max soupira de nouveau.
_ Tu préfères que je dise à la bande que tu ne viendras pas ? Tu pourras prendre ton temps avec Logan, ajouta le X5.
Max tendit la main pour éteindre son bipeur et continuer d'essayer de parler à Alec, mais elle reconnut le numéro : ce n'était pas celui de Logan.
_ C'est Terminal City, dit-elle à Alec.
_ C'est fou le stress que tu es capable de dégager avec seulement quelques mots… commenta Alec.
_ Je peux téléphoner ?
_ Quand as-tu l'intention de te racheter un téléphone ? Demanda Alec en lui prêtant le sien. On n'est plus en guerre. La police n'a plus aucun intérêt à te mettre sur écoute*. (*référence à Skin Game)
Max composa le numéro pendant qu'Alec lui faisait un signe de tête pour qu'elle sorte de l'appartement avec lui. Elle se leva malgré son manquant d'envie. C'était raté pour avoir une discussion intime ce soir.
_ Alec ? Demanda la voix de Dix.
_ Non, c'est Max. Tu m'as bipée ?
_ Ouais, un groupe de jeunes transgéniques vient d'arriver à Terminal City.
_ Bah, faites comme d'habitude, dit Max, en sortant de l'immeuble d'Alec, avec ce dernier.
_ Impossible. Ils sont juste de passage. Ils n'ont pas prévu de s'installer ici pour l'instant.
_ C'est quoi cette histoire ? Demanda Max en fronçant les sourcils.
_ Un cas particulier semble-t-il…
_ Pourquoi sont-ils venus ? Ils ont des problèmes ? Ils sont blessés ? Traqués par les Familiers ? Demanda Max, alors qu'Alec était venu se coller à elle pour écouter.
_ Non, répondit la voix de Dix. Ils cherchent leurs parents.
Alec saisit la main de Max et appuya sur le bouton haut-parleur de son téléphone.
_ Salut Dix. C'est Alec.
_ Salut.
_ Si tu n'es pas à l'aise pour leur expliquer comment les bébés étaient conçus à Manticore, tu peux demander à Magenta.
_ Ou demande à Gem, ajouta Max. Elle sait y faire avec les petits. Elle sera plus délicate que Magenta.
_ Non, vous n'y êtes pas. Ils vous ont demandé, dit la voix de Dix.
_ Tu viens dire qu'ils cherchaient leurs parents, fit remarquer Alec.
_ Précisément. Ils veulent voir leur maman Max et leur papa Alec.
_ Quoi ? Firent les deux X5.
_ Ils ont l'air de bien vous connaître, l'un et l'autre. Le plus jeune réclame beaucoup sa mère. Vous devriez venir… tous les deux… On vous attend dans la salle de réunion.
Dix raccrocha, laissant Max et Alec dans une grande incompréhension.
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Arrivée à la ville des mutants, en compagnie d'Alec, Max avançait nerveusement vers le centre de commande.
Qu'est-ce que Manticore lui avait fait ? Elle ne voulait pas être mère. Pas pour l'instant, peut-être un jour… si Logan et elle étaient toujours ensemble d'ici là. Comment les scientifiques avaient-ils fait ? Elle avait été inconsciente un moment après avoir eu le cœur transpercé par une balle et avoir été greffée. On lui avait peut-être prélevé des ovules pour une fécondation in vitro. Mais, si cette option avait été choisi pour Alec et elle, pourquoi les avait-on mis ensemble pour le programme de reproduction ? Comment allait-elle dire à Logan qu'elle était la mère des enfants d'Alec ? Dix n'avait pas précisé de chiffre, mais ils étaient plusieurs. Il semblait aussi qu'ils étaient venus à Terminal City par leur propre moyen. Ça voulait dire qu'ils étaient indépendants. Mais, Max n'avait été capturée par Manticore qu'au printemps 2020. Les enfants ne pouvaient pas avoir plus de deux ans. Comment était-ce possible ? Les scientifiques pouvaient-ils accélérer la croissance d'enfants transgéniques ?
Devant la porte à double battant, elle se tordait les mains de nervosité. Elle sursauta en sentant la main d'Alec se glisser entre les siennes, puis soupira de soulagement. Quoi qu'il y ait derrière cette porte, et même s'il n'était pas en grande forme, Alec serait avec elle. Il lui sourit et elle lui sourit en retour. Ils franchirent la porte ensemble, main dans la main.
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Ils croisèrent Mole, de très bonne humeur. Il les suivit en marmonnant un "Je sens qu'on va bien se marrer".
Ils passèrent la porte de la salle de réunion. Aussitôt, Max reçut un boulet de canon contre son ventre et eut le souffle coupé. Le garçon de neuf ans, accroché à son abdomen, leva le visage vers elle, en souriant.
_ Trompette ! S'exclama-t-elle en rendant son étreinte à l'enfant.
Elle tourna la tête vers Alec, dont la tête dépassait d'une mêlée de X6. Il la regarda avec un air si dépité qu'elle explosa de rire… tout comme Mole.
Max reçut les étreintes de Zéro, Guibole, Gerbe et Bricole avec autant de joie. Alec, qui avait droit à un gros câlin de Trompette, foudroyait Mole du regard : l'homme-lézard se tordait de rire.
_ Sympa la famille ! Lançant Luke.
_ Soldats ! Fit Alec.
Personnes ne bougea.
_ Les enfants ! Dit-il.
Les quatre X6 rejoignirent le X8 et se collèrent affectueusement à lui.
_ Max, aide-moi, steuplait, dit Alec.
_ Dix, on a un appareil photo ? Demanda Max, alors que Mole hurlait de rire.
_ Vous devriez peut-être les ramener chez vous, dit tranquillement Dix, en rehaussant son monocle.
_ On a une maison ? S'exclamèrent les jeunes, toujours accrochés à Alec.
_ Je me sens vieux d'un seul coup… souffla le X5.
_ On a un appartement. On y va ? Dit Max, en essayant de ne pas rire.
Les X6 prirent les sacs de voyage. Trompette donna la main à ses deux "parents", un sac à dos sur lui.
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Les "enfants" découvrir avec enthousiasme la "maison".
_ Maman, dit Alec. Il va falloir qu'on ait une sérieuse discussion avec les petits, là !
_ Hé, les gars ! Fit Max. Vous venez par ici ?
Max s'assit sur la table basse et fit signe à Alec de la rejoindre, pendant que les X6 et le X8 s'asseyaient sur le canapé. Les filles sur les bords extérieur et les garçons au centre. Trompette était assis sur les genoux de ses deux frères.
_ Je suis tellement contente de vous voir ! Dit Max.
_ Nous aussi ! Dit Trompette.
_ On a vu Terminal City dans le journal télévisé, dit Bricole.
_ Mais, on n'était sûr que ce ne soit pas un canular, dit Guibole.
_ Ou un piège comme le signal de regroupement, dit Zéro.
_ On a mis du temps à se décider à venir, dit Gerbe.
_ Vous avez eu raison. Ça a été un peu le bazar à un moment, dit Max.
_ Un sacré gros bazar, ajouta Alec.
_ On voulait vraiment vous revoir !
_ Vous savez qu'on n'est pas vos parents ? Demanda Alec.
_ Alec ! Un peu de tact, s'il te plaît ! Dit Max.
_ Max, j'ai vingt-trois ans et tu en as vingt-deux. Zéro doit avoir vingt ans.
_ J'ai dix-neuf ans, corrigea Zéro.
_ Ça ne change pas grand-chose.
_ On sait que vous n'êtes pas nos vrais parents, dit Zéro. Mais, on s'est renseigné.
_ On a découvert que, si tout le monde avait un père et une mère biologiques, dit Gerbe, ce n'était pas forcément les liens du sang qui étaient les plus importants.
_ Comme entre nous, dit Bricole. Mais, pour savoir qui on est et où on va, il faut savoir d'où on vient.
_ Alors, on a réfléchi tous ensemble, dit Guibole. On n'a même pas eu besoin de voter. On est tous tombé d'accord dès le début.
_ On voulait vraiment un papa et une maman, dit Trompette.
_ Et pourquoi nous ? Demanda Alec.
_ Tu as dit "Papa est revenu" quand tu nous as trouvé dans la grange, dit Zéro.
_ C'était une façon de parler… marmonna Alec.
_ Alec est flatté, dit Max, en donnant un petit coup de coude au X5.
_ Au garage où je travaille, il y a un type qui a été adopté, dit Bricole. Il a cherché ses parents biologiques et les a trouvés. Mais, il a été super déçu. Il a dit, qu'au final, ses vrais parents, c'était ceux qui l'avaient aimé et appris les choses de la vie.
_ C'est avec vous deux qu'on en a appris le plus sur la vraie vie, dit Gerbe.
_ Tu as risqué ta vie pour nous, dit Guibole. Comme une mère l'aurait fait pour son enfant.
_ Il n'y avait que vous pour être nos parents, expliqua Zéro.
_ On ne voulait que vous, corrigea Trompette.
_ Et, c'est un honneur, dit Max.
Elle sentit la main d'Alec dans son dos. Il tapotait les doigts contre elle. Il lui parlait en morse et il disait : "s'ils se mettent à chialer, ce sera ta faute, et tu te débrouilleras seule pour les gérer". Max donna un coup d'épaule à Alec.
_ Vous restez longtemps ? Demanda-t-elle.
_ On partira lundi soir, dit Zéro. Il faut qu'on soit rentré pour mardi matin pour le travail.
_ On est en week-end prolongé : lundi, c'est férié au Canada, dit Bricole.
_ C'est la journée nationale des patriotes. On l'a vu à l'école, dit fièrement Trompette.
_ Vous faites quoi comme travail ? Demanda Max.
_ Je suis l'assistant d'un météorologue, répondit Zéro. Au début, il voulait quelqu'un de solide pour porter son matériel dans des endroits insolites. Puis, il s'est rendu compte que j'avais un cerveau. Il m'a fait lire pas mal de documents et de livres. Maintenant, je l'aide aussi pour ses calculs.
_ Moi, je travaille au secrétariat de l'université, dit Gerbe. Ça me permet d'avoir une réduction sur les cours du soir. Officiellement, aucun de nous n'a de diplôme, alors j'essaye d'en obtenir un vrai.
_ Dans quel domaine ? Demanda Max.
_ En chimie.
_ Je bosse dans un garage. Je moque d'avoir un vrai diplôme, moi. Ce qui est cool, c'est que j'ai le droit récupérer gratuitement les pièces défectueuses non réparables et invendables. Je m'amuse à inventer des trucs, dit Bricole.
_ Un jour, je serai motard parachutiste livreur de pizza ! dit Trompette.
_ Ça, c'est cool comme projet ! dit Alec.
Trompette ria.
_ Mais, pour l'instant, je vais à l'école, reprit-il. La maîtresse m'a fait sauté une classe.
_ Il s'ennuie beaucoup, dit Zéro. Il ne lui a fallu qu'un mois pour être le premier de sa nouvelle classe. On ne veut pas qu'il attire trop l'attention sur lui.
_ Après l'école, il faut vous trouver un coin tranquille pour un entraînement physique : pour courir et tout. Il a besoin de se défouler. C'est à vous de l'y aider, dit le X5. Demain, j'irai voir Lizzie. C'est notre institutrice, expliqua-t-il. Elle vous donnera des conseils pour l'occuper et le faire travailler en dehors de la sa classe.
_ Et toi, Guibole ? Demanda Max.
_ J'ai décidé de trouver quelque chose de plus intéressant, répondit le X6.
Aussitôt, Zéro fit une grimace et les filles furent gênées. Il y avait un point de discorde entre eux. Max capta le regard en coin d'Alec. Lui aussi avait remarqué la tension qui venait d'apparaître. Alors que Max allait en demander la cause réelle. Le ventre de Trompette émit un puissant gargouillement.
_ Mais, vous êtres affamés ! S'exclama-t-elle. Alec ?
_ Il n'y a plus personne au réfectoire à cette heure-ci, dit Alec.
_ S'il y a tout ce qu'il faut, je peux voir pour nous faire un truc, dit Guibole. Je suis cuisinier.
_ Tu es en week-end, mec, répondit Alec. Et, Sweetpeas*, notre cuistot en chef, est super territorial. Faut imaginer un trans-humain à moitié requin et bison. Bref, poilu avec des dents aiguisées. Deux mètre cinquante de haut, cent soixante kilos. Quand il cogne, ça déménage. Il ne va pas apprécier qu'un inconnu soit entré dans sa cuisine, même si on te couvre.
_ Et, il s'appelle Sweetpeas ?
_ C'est à cause de ses yeux… fit Max. Ils sont tous petits.
_ Je vais nous chercher des pizzas, décréta Alec. Des demandes particulières ?
_ Tu seras en moto ? Demanda Trompette.
_ Il y a des chances. Mais, je crains de devoir laisser mon parachute au garage, dit Alec, en faisant un clin d'œil à l'enfant.
_ On mangera ce qu'il y aura, répondit sobrement Zéro.
_ Si on peut éviter l'ananas… commenta Bricole.
_ Et, les anchois, ajouta Gerbe.
_ C'est noté.
_ Merci, Alec fit Max, en lui tendant de l'argent pour qu'ils partagent les frais.
Alec lui prit l'avant-bras et lui parla à nouveau en morse : "Je fais juste livreur de bouffe. C'est ton escouade. Pas la mienne."
Sa main glissa le long du bras de Max et il prit l'argent avant de partir.
Max se mit réfléchir en regardant la porte close. Alec était venu jusqu'à l'appartement et il reviendrait. Il fallait qu'elle trouve une astuce pour le faire rester. Les "enfants" seraient l'excuse parfaite.
Pendant l'absence du X5, Max envoya les petits à la douche, en leur disant d'économiser l'eau chaude. Malgré tout, le ballon fut vidé. Alec et elle se doucheraient plus tard, lorsqu'il le ballon se serait un peu rechargé.
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Alors qu'Alec et les enfants s'installaient sur le canapé pour regarder la télévision, tout en mangeant, Max fouilla discrètement dans les poches du blouson du X5. Elle lui prit les clés de sa garçonnière et de sa moto, son portefeuille avec ses papiers et son argent en liquide. Il avait moins de chance de partir sans ça. Après réflexion, elle prit aussi ses propres affaires personnelles pour qu'Alec n'ait pas l'idée de se servir des siennes. Elle trouva les cachettes les plus insolites possibles pour qu'Alec n'ait pas l'idée de chercher à ces endroits ou tombe dessus par hasard : une casserole, derrière le réservoir des toilettes, sous le meuble de la salle de bain, au milieu d'une pile de vêtements dans son armoire, dans une chaussure…
Alors que Max sortait de sa chambre, au motif d'enfiler un pull, elle découvrit sa famille du week-end serrée sur le canapé. Elle ne savait pas qu'on pouvait y faire tenir quatre X6, un X8 et un X5… et bientôt un second. Alec était comprimé dans le coin à gauche, avec Trompette lové contre lui, ensuite il y avait Zéro, Bricole et Guibole. Gerbe était assise sur l'accoudoir droit, les jambes sur celles de Guibole et elle avait un bras autour de son cou. Max fit le tour du canapé et décida de s'installer à la manière de Gerbe. Elle se mit sur l'accoudoir et posa les jambes sur Alec, tout en se pressant contre son épaule. Il ne broncha pas. Il bougea même pour mettre son coude sur ses jambes.
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La soirée passa ainsi tranquillement. Elle sentit la main d'Alec presser doucement sa jambe pour attirer son attention.
_ Il faudrait penser à mettre les petits au lit, dit-il très bas. Tout le monde n'a pas d'ADN de requin.
Max regarda le canapé. Trompette dormait déjà, tout comme Bricole. Gerbe et Guibole somnolaient l'un contre l'autre. Elle croisa le regard de Zéro, réveillé et droit comme un soldat devait l'être, mais un voile de fatigue était imprimé sur son visage.
_ Les filles dans ta chambre et les garçons dans la mienne ? Demanda Alec.
_ On en a parlé pendant que tu étais dehors. Ils préfèrent partager ton lit, comme pour le canapé.
_ Même si mon lit est grand, ils vont être serrés…
_ Ça nous plaît de faire ça de temps en temps, chuchota Zéro. Ça a quelque chose de rassurant…
_ Comme Ben, commenta doucement Max, en caressant les cheveux d'Alec.
_ Ben ?
_ Quelqu'un qui nous a quitté et qui nous manque à tous les deux, expliqua Max. Tu dormiras dans ma chambre, dit-elle au X5, qui la regarda d'un air perplexe.
Les enfants passèrent à la salle de bain, à tour de rôle, pour se brosser les dents, pendant que les deux X5 rangeaient les restes. Le groupe de jeunes avaient décidé que les filles dormiraient à gauche, Trompette serait au milieu, entre Bricole et Zéro, lui-même à côté, de Guibole.
Max voyait Alec regarder avec lassitude le bazar dans sa chambre. Elle récupéra une tenue pour qu'il puisse dormir et la lui mis entre les mains. À sa manière de la regarder, elle comprit qu'il n'avait pas l'intention de dormir à l'appartement cette nuit. Il faisait bonne figure pour l'instant, mais elle devrait faire preuve d'adresse pour le garder, une fois leurs invités endormis. Elle était fière d'avoir eu l'idée de cacher ses affaires et, surtout, elle était satisfaite qu'il ne s'en soit pas encore aperçut.
Comme elle devait continuer à gagner du temps, lorsque Trompette réclama une histoire aux X6, Max suggéra que ce soit Alec s'en raconte une de ses aventures. Elle en profita pour aller se brosser les dents et prendre une douche.
Alors qu'elle se rinçait, elle entendit le robinet du lavabo s'ouvrir et l'eau de la douche la brûla. Elle ferma rapidement le robinet en face d'elle et passa la tête derrière le rideau. Alec, les bras croisés et mécontent, se tenait près du lavabo.
_ Ça ne va pas ou quoi ?!
_ Où tu as mis mes clés et mon argent ? Demanda-t-il en refermant le robinet du lavabo.
_ Tu n'en as pas besoin, répondit-elle.
Elle attrapa sa serviette du bout des doigts, se sécha à toute vitesse, derrière le rideau, et s'enveloppa dedans. Elle sortit et fit face à Alec.
_ Max, dit fermement Alec. Où sont mes affaires ?
_ Je te le dirai demain.
_ Je veux rentrer chez moi.
_ Tu es chez toi, répliqua-t-elle.
_ Je ne souhaite pas passer la nuit ici.
_ Alec. Les jeunes sont venus nous voir. Tous les deux. C'est important qu'ils te voient.
_ Ils m'ont vu. Et là, ils dorment. Je peux partir. Ça n'y changera rien.
_ Moi, je trouve que ça change tout.
_ Je me moque de ce que tu penses, Max.
_ Je sais que tu n'es pas en forme, en ce moment. Mais, laisses de côté ta gêne et ton mal-être. Prends sur toi.
Sans attendre de réponse, elle sortit de la salle de bain et se dirigea vers sa chambre. Du coin de l'œil, elle vit que la porte, de la chambre où dormaient les petits, était entrebâillée. Elle espéra qu'aucun d'entre eux n'ait entendu les paroles d'Alec. Alec la suivit. Elle ferma la porte derrière lui.
_ Alec ! Ce n'est pas en te cachant ou en t'enfermant dans ton appart minable que tu vas aller mieux.
_ Je vais très bien. Et, quand bien même, ça ne te regarde pas !
_ Ça me regarde ! Rétorqua Max.
_ De quel droit ? Ma vie et ce que j'en fais, c'est mon problème. Et seulement le mien, pesta Alec.
_ Je ne te laisserais pas aller dans cette voie-là.
_ De quoi tu te mêles ? Pour qui tu te prends pour me dire quoi faire ?
_ Je suis ton amie. Ça fait partie de mon boulot de te dire les choses, même si tu n'as pas envie de les entendre.
_ Pourquoi tu t'obstines ?
_ Parce que je suis Taureau !
_ Tu m'emmerdes ! Cracha Alec.
_ Toi aussi. Maintenant, sors d'ici que je m'habille et vas prendre ta douche !
Alec se redressa et recroisa les bras.
_ Bouges ! Fit Max.
_ Non, dit Alec.
_ Je voudrais me changer.
_ C'est toi qui m'as invité dans ta chambre, je te signale.
_ S'il te plaît ? Dit Max.
_ Premièrement, j'ai déjà vu 99 % de ton corps. Je vis avec toi. Tu t'es déjà baladée en string devant moi ou avec une culotte en dentelle légère et je t'ai vu sans soutien-gorge il n'y a pas très longtemps. Deuxièmement, je peux sans problème imaginer le pourcentage restant. Même si je ne suis pas certain que ça en vaille la peine. Enfin, troisièmement, laisses de côté ta gêne et ton mal-être. Prends sur toi, dit-il sur le ton qu'elle avait employé précédemment.
Alec ne bougerait pas d'un pouce. Elle le savait. Il la provoquait dans le seul but qu'elle craque et qu'elle lui rende ses affaires pour qu'il puisse partir. Elle ne perdait pas cette bataille.
Elle hésita sur la marche à suivre pour la suite. Elle pouvait effectivement se mettre nue. Ça ne changerait pas grand-chose dans le fond. Mais, sur la forme… Elle commença alors par lui tourner le dos, ce serait plus facile en ne voyant pas les yeux du X5. Puis, elle vit son armoire et se dirigea vers elle. La plupart de ses habits étaient courts. Elle n'avait que deux robes, mais il s'agissait des robes de soirée, elle ne pouvait pas les enfiler comme ça. Elle regarda deux pulls sur une étagère. Ils étaient un peu plus long que le reste de ses habits. Mais, c'était l'une des cachettes utilisées pour dissimuler les effets personnels d'Alec. Elle ne pouvait pas y toucher. Elle envisagea sérieusement d'ôter sa serviette, dos à Alec, mais, en baissant les yeux, elle vit le tas de vêtements qu'elle venait de laver. Ils étaient propres, mais pas encore pliés et rangés. Son salut était là ! Elle fouilla dans la pile et en sortit un T-shirt d'homme.
_ Hé ! Mais, c'est mon T-shirt, fit Alec. Quand as-tu l'intention de me le rendre ?
_ Je n'en ai pas l'intention. Je vais le garder, répondit Max.
Elle enfila le vêtement, qu'elle le savait suffisamment long pour lui couvrir le haut des cuisses. Puis, elle fit glisser sa serviette vers le bas.
_ Dans tes rêves. J'adore ce T-shirt. Il est confortable, fit Alec.
_ Oui, c'est ce que j'ai noté, dit-elle en enfila une culotte simple. Sois mignon, puisque tu vas prendre ta douche, profites-en pour mettre ma serviette à sécher.
Alec sortit de la chambre avec ses habits, mais sans la serviette de Max. Elle décida de le suivre.
_ Tu comptes rester là ? Demanda Alec.
À la base, elle voulait surtout s'assurer qu'il aille bien se doucher. Mais, lorsqu'elle se rendit compte qu'elle était enfermée dans la salle de bain avec lui, elle sentit ses joues chauffer légèrement.
_ Il faut bien que je mette ma serviette à sécher… Ne te gêne pas pour moi. Après tout, moi, j'ai déjà vu 100 % de ton corps.
Max se maudit d'avoir dit ça. D'accord, elle savait qu'elle ne devait pas perdre la bataille de la provocation, mais elle trouvait elle-même qu'elle y allait trop fort. En particulier quand Alec se déshabilla devant elle, sans aucune gêne, avant d'entrer dans la douche.
_ Je récupère tes vêtements, dit-elle en sortant.
C'était vrai, elle l'avait déjà vu nu. Mais, elle n'avait pas été elle-même à ce moment-là : elle avait été un chat, et elle n'avait pas vraiment eu toutes ses facultés mentales sur le coup. Contrairement à l'instant présent. Malgré elle, l'image du corps d'Alec se fixa dans sa mémoire. Elle le trouva bien mieux fait que dans ses souvenirs.
De retour dans sa chambre, elle plia les habits d'Alec comme un robot. Peut-être que Cindy avait raison : peut-être qu'elle était physiquement attirée par Alec. Puis, elle comprit. C'était de la faute de Manticore. Il devait y avoir un truc dans l'ADN d'Alec qui le rendait physiquement attirant. Sans parler du fait qu'il était bien bâti. Ça expliquait pourquoi il avait tant de succès. Max en fut rassurée. Elle n'avait aucun problème. C'était juste qu'Alec était fait ainsi.
Elle prit un bouquin et s'installa du côté droit de son lit, pour laisser le côté gauche à Alec, et commença à lire pour se donner une contenance. Alec arriva, toujours contrarié, éteignit la lumière sans un mot et se coucha. Elle mit le livre de côté et se tourna vers Alec.
_ Bonne n… commença-t-elle, en voulant lui caresser les cheveux.
_ Ne t'avises surtout pas de me toucher, dit froidement Alec.
Max reporta son attention sur le livre. Avec sa vue, elle pouvait continuer à lire dans la pénombre. Mais, elle passa la nuit à surveiller Alec. Pas de peur qu'il parte. À ce stade, il ne partirait pas avant le matin au plus tôt. Elle surveilla Alec pour savoir s'il dormait bien.
Alec passa une mauvaise nuit et dormit à peine. Elle l'aurait bien pris dans ses bras, mais il ne se laissa pas faire.
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Dans l'appartement, les enfants finissaient leur petit-déjeuner tranquillement. Alec avait commencé à faire la vaisselle. Max et lui n'avaient pas discuté du programme d'activité à faire avec les petits pendant le week-end. En fait, ils n'avaient pas discuté du tout. Depuis la nuit et les mots froids d'Alec, refusant qu'elle le touche, il ne lui avait pas adressé la parole. Il ne lui avait même pas dit bonjour.
Un son étrange surpris Max et fit sursauter Alec si fort, qu'il lâcha l'assiette, qu'il avait dans les mains, qui se brisa dans l'évier. Tous se tournèrent vers la source du bruit. Trompette avait ouvert le couvercle du piano et avait appuyé sur une touche.
_ Je peux ? Demanda Trompette, avec sa petite voix d'enfant.
Max se tourna vers Alec. C'était le piano de Sandeman, qui avait été offert à Alec par Joshua. Il était le seul à pouvoir donner une autorisation… ou pas. Max craignait sa réaction.
_ Il n'est pas accordé, dit simplement Alec.
Trompette appuya sur une autre touche.
_ C'est pour ça qu'il fait un bruit bizarre ?
Trompette appuya sur une troisième touche.
_ Je ne connais pas cette note, commenta l'enfant.
_ Ce n'en est pas une, dit Alec. Je te l'ai dit, le piano n'est pas accordé.
_ Ça veut dire quoi ?
_ Ta trompette, pour qu'elle fasse un joli son, tu dois la démonter et la nettoyer, non ?
_ Oui.
_ Un piano, c'est un peu pareil. Sauf qu'il faut aussi régler les harmoniques en plus.
_ Tu peux l'accorder ? Demanda le petit.
Max regarda Alec. Il était indécis. Il n'avait plus touché à un piano depuis la mort de Rachel Berrisford. Les X6 aussi suivaient l'échange en silence. Là, en une seconde, Max vit le masque du soldat apparaître sur le visage d'Alec. Il accorderait l'instrument, mais il le ferait comme s'il devait entretenir un fusil.
Alec essuya ses mains et pris une étrange trousse plate, dissimulée derrière le piano. Les X6 se réunirent autour de Trompette pour observer les gestes d'Alec. Il commença par ouvrir le piano. Max ne s'était jamais demandé à quoi ressemblait l'intérieur d'un piano, mais elle n'aurait jamais pensé que cela était si complexe. Il y avait toutes sortes de pièces bizarres avec des câbles. À voir la réaction des enfants, eux non plus.
Max fut surprise d'entendre un rire léger venir d'Alec suite aux réactions de surprise.
_ Le piano est un hybride, comme nous, dit le X5, en caressant le clavier. C'est à la fois un instrument à corde, comme un violon, mais c'est aussi un instrument à percutions.
Il attrapa une pièce blanche et un peu ronde, la tira et la lâcha. Elle frappa une corde et dégagea un son.
Alec expliqua alors le fonctionnement de l'instrument et définit les différentes pièces, ainsi que leur rôle. Il détailla chaque étape, en répondant aux questions. Bricole, sans surprise, s'intéressa à la mécanique de l'instrument, tandis que Trompette s'amusait à nommer les sons. Les trois autres X6 posaient des questions plus simples. Alec testait ses réglages en jouant des notes et en faisant des accords. Ce n'était pas une mélodie à proprement parler, mais c'était beau.
Max ne dit rien. Elle observait Alec. À mesure que le temps passait, elle voyait le masque du soldat s'adoucir face à la naïveté infantile. Et, ses sourires furent plus nombreux.
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Presque de trois heures plus tard, Alec ferma enfin le piano. Les enfants réclamèrent qu'il en joue. Max pensa qu'il hésiterait, mais il accepta immédiatement. Il s'installa devant le clavier et se mit à jouer. Jusqu'à présent, elle ne l'avait vu jouer qu'une fois, dans le sous-sol de la maison de Sandeman. Ce jour-là, en jouant, son visage était fermé, comme celui du soldat au fond de lui, les pensées tournées vers la jeune femme qu'il avait aimée et les fautes qu'il estimait avoir faites. Là, sous l'influence innocente de Trompette, de Zéro, de Guibole, de Bricole et de Gerbe, il jouait pour le plaisir des siens et pour lui. Son visage était épanoui et lumineux. Ses doigts semblaient rebondir sur les touches et jouaient une mélodie joyeuse.
Manticore avait fait d'Alec un soldat capable de jouer du piano. Mais, dans le fond, Alec était un pianiste, un artiste, qui aimait jouer de son instrument.
Finalement, Alec lança un jeu. Il jouait un accord et les autres devaient en deviner les notes, à l'oreille, sans regarder le clavier. Sans surprise, Trompette fut le plus doué. Il était suivi par Bricole, puis par Gerbe et Guibole, ex-æquo, enfin, par Zéro, en bon dernier. Pour lui, Alec jouait des notes simples.
_ Do ? Demanda Zéro.
_ Redis-le, dit Alec.
_ Doooo.
_ Ah… Cette note n'existe pas… commenta Alec. Tu n'as pas l'air très accordé, mon gars.
Trompette et les autres X6 rirent de bon cœur.
_ Max ? Fit Alec.
La X5 sursauta. Alec ne lui avait pas adressé la parole jusqu'alors.
_ Max ?
_ Oui, dit-elle, en s'approchant.
_ Tu as suivi toutes les explications. Ferme les yeux et dis-nous ce que tu entends.
La jeune femme obéit et Alec joua une note.
_ Laaaa, dit Max.
Alec explosa de rire, comme tous les autres, à l'exception de Zéro. Max ouvrit les yeux et dévisagea le X5.
_ Je crois qu'on sait de qui tient Zéro. C'est le fils de sa mère. Ils n'ont aucune oreille musicale !
Max attrapa un coussin du canapé et le lança sur Alec qui l'attrapa au vol.
_ Bataille de polochons ! Cria-t-il.
Max attrapa l'autre coussin, pendant que les enfants étaient partis chercher les oreillers. Ils passèrent le reste de la matinée à batailler en riant.
Seattle, jetée du port de Seattle, samedi 21 mai 2022, 13h30
MAX
Assis au bord de la jetée du port, Trompette, Gerbe, Guibole, Bricole, Zéro, Alec et Max finissaient leurs sandwichs en regardant les bateaux. L'appartement ayant été saccagé par leur lutte familiale, à grand renfort de coussins et d'oreillers, et dévoilant au passage certaines des cachettes utilisées par Max pour dissimuler les affaires d'Alec, il fut décidé d'aller manger dehors.
_ Qu'est-ce qu'on fait cet aprèm ? Demanda Guibole.
_ Je pensais qu'on pourrait se balader en ville et vous faire découvrir des coins sympas, répondit Max.
_ On pourra aller faire les boutiques ? Demanda Gerbe.
_ Sérieux ? Demanda Bricole.
Gerbe lui envoya un coup de coude dans les côtes.
_ Ouais, je voudrais aussi aller faire les boutiques, corrigea Bricole.
_ Euh… commença Max.
Elle n'avait jamais été très portée sur les boutiques.
_ Pause ! Fit Alec. Une plongée dans les mystères féminins risque d'en terrifier plus d'un. Je propose que les filles aillent faire les boutiques, et que les garçons fassent des trucs fun. Des objections ?
_ Je vote pour la séparation des sexes, répondit Zéro.
_ Même chose, dit Guibole.
_ Les boutiques, ça veut dire essayer des habits et tout ? Demanda Trompette.
_ Oui, répondit Alec.
_ Alors, je veux aller avec les garçons !
_ Trompette, tu es un garçon, fit remarquer Zéro. Tu n'avais pas besoin de dire ça.
_ Alec, dit Max. Je te rappelle que tu vas avoir un enfant avec toi. Les trucs fun doivent rester tout public. Compris ?
_ Oui, maman, lui fit-il avec insolence.
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Comme prévu le groupe de garçons partit. Max, Gerbe et Bricole entrèrent dans l'équivalent d'une boutique de vêtements dans ce monde post-Impulsion. Max soupira en voyant Gerbe se frayer un chemin avec joie au milieu des habits. Bricole avança avec moins d'entrain, mais elle parcourut les rayonnages. Faire les boutiques n'avait jamais été le point fort de Max. Elle se demanda si elle ne devait pas appeler Original Cindy ou Kendra pour l'aider. Mais, elle ne pouvait pas faire ça : c'était censé être une sortie de famille.
Elle retrouva Bricole, assise devant une cabine d'essayage, la mime blasée.
_ Gerbe est là-dedans ?
_ Ouais, soupira Bricole.
_ Tu sais, on aurait pu faire autre chose si tu ne voulais faire les boutiques.
_ On avait besoin de s'éloigner des garçons, dit Gerbe, de l'autre côté du rideau.
_ Pourquoi ? Demanda Max.
_ Gerbe veut te parler des garçons justement… répondit Bricole.
« J'aurais dû appeler Kendra » pensa Max.
_ Hé ! Fit Gerbe.
_ Quoi ? C'est toi qui m'a pris la tête pour pouvoir parler avec Max.
_ Ne dis pas ça comme ça, dit Gerbe, en sortant de la cabine, une petite robe bleue sur le dos. Je suis comment ?
_ C'est mignon, répondit Max.
_ Je ne suis pas certaine qu'il le remarque… dit Bricole. Il est à côté de la plaque.
_ Donc, tu as un garçon en vue, dit Max.
Gerbe sourit bêtement et retourna dans la cabine.
_ Et toi, tu as quelqu'un ? Demanda Max à Bricole.
_ Elle encore plus nulle que moi, dit Gerbe.
_ Ça ne m'intéresse pas vraiment toutes ces histoires, dit Bricole.
_ Tu préfères les filles ? Demanda la X5.
« Il faut peut-être que j'appelle Cindy… » pensa Max.
_ Non, je ne crois pas. C'est juste que je ne vois pas l'intérêt de perdre mon temps avec ces broutilles. Un jour, je me trouverai quelqu'un et je me poserai, mais ce n'est pas à l'ordre du jour. Ni dans les prochains jours, se dépêcha d'ajouter la X6.
Gerbe sortit de la cabine et recommença à fouiller parmi les vêtements.
_ Je ne sais pas comment faire pour lui dire qu'il me plaît vraiment, dit Gerbe à Max.
_ Vous vous connaissez depuis longtemps ? Demanda Max.
_ C'est Guibole, dit Bricole.
_ Oh ! Fit Max.
_ On s'est embrassé trois fois. Mais, depuis, il ne se passe plus rien.
_ Si, corrigea Bricole, il s'est fait virer. Encore.
_ D'où la tension d'hier soir quand on parlait travail… dit Max.
_ Il parle mal à ses patrons, se chamaillent avec ses collègues, arrive en retard. À croire qu'il fait tout pour être renvoyer à chaque fois, expliqua Bricole.
_ C'est terrible parce qu'il cuisine vraiment bien. Il est doué, dit Gerbe. Et, je ne dis pas ça parce que je l'aime bien…
_ Zéro a voulu lui parler et ils ont fini par se battre. C'est compliqué d'avoir un emploi en moins pour notre budget de vie. Le loyer et la nourriture sont cher. Il faut racheter régulièrement des habits pour Trompette car il grandit vite, expliqua Bricole.
_ Je devrais peut-être arrêter les cours, dit pensivement Gerbe.
_ Non. On était tous d'accord pour que tu passes ton diplôme, dit fermement Bricole.
_ Pour Guibole, il a des problèmes depuis que vous avez passé la frontière ? Demanda Max.
_ Non, pas du tout. Au début tout se passait bien, dit la blonde.
_ Et, un jour, il est rentré en disant qu'il ne retournerait plus travailler au resto où il bossait. On a voulu le convaincre de changer d'avis, mais c'était trop tard.
_ Trop tard ? Demanda Max.
_ En partant, il a frappé un de ses collègues, accessoirement, le fils de son patron, et il lui a cassé le nez.
_ Vous plaisantez ? S'exclama Max.
_ Depuis, c'est la galère. Entre les amis de son ancien patron qui refusent de l'embaucher et son comportement…
_ Ça a commencé quand ? Demanda Max.
_ Après leur premier baiser, dit Bricole, pendant que Gerbe rougissait.
_ C'est étrange ça… fit Max.
_ Je ne sais pas ce que j'ai fait pour le rendre violent, dit Gerbe.
_ Je ne pense pas que ce soit ta faute, dit Max. Parfois, les garçons sont bizarres…
_ Comme Alec ? Demanda Bricole.
_ Pardon ?
_ On le trouve un peu bizarre avec toi, continua Bricole.
_ On sait que vous vous êtes disputés hier soir. On vous a entendu, dit Gerbe. C'est à cause de nous ?
_ Non ! Alec n'est pas bien en ce moment, expliqua Max. Il n'a pas trop le moral. C'est tout.
_ J'ai une copine de cours qui dit qu'il faut faire une fellation à son copain pour lui remonter le moral, dit Gerbe. Elle dit que ça marche super bien. Tu as essayé ?
_ Je ne… Ce n'est pas parce qu'on a accepté d'être vos "parents", qu'Alec et moi, on est ensemble.
_ Ah bon ?
_ Vous n'êtes pas ensemble ? Demanda Bricole, sur un ton suspicieux.
_ Non. On ne l'est pas, répondit Max.
_ Pourtant, on jurerait que vous êtes ensemble.
_ Ce n'est pas comme si vous preniez vos douches ensemble et tu te balades en serviette devant lui, fit remarquer la mécanicienne.
_ Et, on dirait que tu portes ses T-shirt pour dormir, ajouta Gerbe. Je fais ça parfois, avec les vêtements de Guibole.
Les deux X6 les avaient beaucoup observés, Alec et elle, mais elles en avaient fait de hâtives et mauvaises conclusions.
« Pourquoi tout le monde croit qu'on est en couple avec couple ? » s'exclama Max mentalement.
_ Non, non ! Alec et moi, on est juste ami.
_ Et, vous vivez ensemble.
_ On est colocataire. Sauf qu'on ne verse pas de loyer… on est co-résident. Il s'avère qu'on vit de façon assez naturelle, sans se prendre la tête. J'ai fréquenté un certain nombre d'homme et Alec aussi a ses fréquentations. On sait tous les deux à quoi ressemble l'autre sexe. On n'est pas particulièrement pudique. C'est tout. On a assez de respect pour l'autre, même s'il est peu vêtu, pour ne pas se sauter dessus. On n'est pas des obsédés. C'est vrai qu'on se raconte des trucs et on s'entend bien. Mais, on n'est pas ensemble pour autant.
Max observa les deux X6 en face d'elle. Elles n'avaient pas l'air d'être convaincues. Elles affichaient le même regard qu'Original Cindy avait eu en début de semaine.
« Pourquoi les gens pensent tous qu'il y a quelque chose entre Alec et moi ? » gémit intérieurement Max.
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Après une journée bien chargée, Max fut heureuse de pouvoir s'allonger sur son lit. La même organisation que la veille était prévue. Alec rejoignit Max dans sa chambre et se coucha sur le dos.
_ Faudrait qu'on cause des enfants, dit-il. J'ai appris des trucs.
_ Oui, moi aussi. Il faudrait que tu parles à ton fils.
_ Lequel ?
_ Guibole. Au sujet des problèmes qu'il a au travail.
_ Tout va bien, répondit Alec.
_ Tu devrais lui parler. Il s'est battu avec Zéro.
_ Les gars, ça ne parle pas entre eux de problèmes de garçons. Les gars, ça se cogne dessus pour s'expliquer.
_ Ah ouais ? Bah, c'est stupide, dit Max.
_ Pour une fille, peut-être. Mais, pour un garçon, ça vaut au moins six mois de thérapie. Je t'assure.
_ Alec !
_ J'ai déjà parlé avec lui, dit le X5. Et avec Zéro.
_ Pourquoi tu ne me l'as pas simplement dit ?
_ Parce que t'es une femme et que je savais que tu allais me prendre la tête quoi qu'il arrive.
Max donna un coup dans le bras de son agaçant voisin.
_ Aïe ! Un peu de tendresse pour le père de tes gamins.
_ C'est ta séance de thérapie, répliqua Max.
_ Ça ne marche qu'entre mecs.
_ Pourquoi il se bat ? Demanda Max.
_ Pour un truc que je juge légitime.
_ Alec ! Il s'est battu avec Zéro.
_ Ouais et, comme je te le disais, ça vaut une thérapie. Ils se sont compris. Zéro trouve aussi que c'est légitime. Mais, ça ne change rien au fait que son ancien patron raconte des horreurs sur Guibole, pour qu'il ne soit pas embauché ou pour le faire virer lorsqu'il trouve un job.
_ Tu ne vas pas m'en dire plus ?
_ Ça va le faire. Les gars essayent déjà de trouver une solution. Et, ne t'inquiètes pas, il ne sera fait aucun mal à l'ancien patron.
Max s'enfonça dans le lit en bougonnant.
_ Et toi, qu'as-tu appris ? Demanda Alec.
_ Les filles s'inquiètent pour Guibole. Surtout Gerbe. Elle a un gros faible pour lui.
_ Ça tombe bien. Lui aussi.
_ Vraiment ? Mais, ils se sont embrassés trois fois et il ne se passe plus rien.
_ Il veut faire les choses correctement. Il veut d'abord trouver un emploi stable. Ensuite, et pas avant, il dira à Gerbe ce qu'il ressent.
_ Mais, ça n'a pas de sens…
_ C'est une histoire d'orgueil masculin.
_ Encore un truc stupide ! Quel est le rapport avec Gerbe ? Elle fait plein d'efforts pour que Guibole se sente bien et…
_ Elle lui rend visite tous les jours, à son lieu de travail, quand il en a un.
_ Oui, mais…
_ Elle arrive toute jolie et toute pouponnée.
_ Et alors ?
_ Une jolie blonde qui vient rendre visite à un mec, là où il bosse, ça attire l'œil et les remarques. Le fils de l'ex-patron de Guibole a eu des mots déplacés envers Gerbe. Alors, Guibole lui a collé son poing au milieu du visage. Quant au père, il raconte à qui veut l'entendre que Guibole est un désaxé violent et ancien drogué, et que Gerbe se prostitue.
_ Quoi ?!
_ Je t'avais dit que les coups de colère de Guibole étaient légitimes. Zéro va tenter un truc en rentrant. Il m'en tiendra informé.
_ Tu me donneras les nouvelles ?
_ T'inquiète pas, môman.
_ Par contre, toi, tu peux arrêter de te moquer de moi, dit Max, pôpa.
_ Est-ce que tu te rends compte qu'on a vieilli de vingt ans là ? Vingt ans : neuf mois de grossesse plus l'âge de notre aîné.
_ Qu'est-ce que tu racontes encore comme bêtise ?
_ On est là, deux parents crevés après une journée avec leurs gosses, vautrés dans un lit, à débriefer sur nos ados et leurs histoires de cœur. Comme un vieux couple. C'est super flippant !
Max rigola de bon cœur.
_ Arrêtes de parler et dors. On a encore une grosse journée familiale devant nous. Rester éveillé le soir, ce n'est plus de ton âge… dit-elle.
_ Tu es hilarante, dit Alec avec ironie.
Max ria.
_ Max ?
_ Oui ?
_ Merci de m'avoir obligé à rester.
_ Avec plaisir… crétin.
_ Bonne nuit, peau de vache.
Par réflexe, elle tendit la main vers la tête d'Alec, mais elle arrêta son geste en se rappelant qu'il ne voulait pas d'affection.
_ Tu peux me caresser les cheveux, si tu en as envie, murmura-t-il.
Elle hésita à lui demander s'il voulait bien lui ouvrir ses bras, mais elle se dit qu'il valait mieux ne pas brusquer Alec et être raisonnable.
_ Dors bien, Alec, dit-elle en passant la main dans les cheveux soyeux du X5.
à suivre
*Sweetpeas signifie petits pois
