LUTTES

Attention : contenu sexuel dans ce chapitre


Seattle, zone de stockage de Terminal City, mercredi 25 mai 2022, fin de matinée


ALEC

En train de préparer la prochaine commande à passer auprès de la mafia chinoise, Alec faisait le point sur les fournitures nécessaire à la poursuite du développement de Terminal City. Logan arriva et vint se poster près de lui.

_ Salut Alec, dit Logan.

_ Salut, répondit Alec sans lever la tête. Si tu cherches Max, elle est au garage, avec l'équipe des mécanos. On a tous les deux posé un jour de congé à Jam Pony parce qu'un idiot, C.J. pour ne pas le nommer, à voulu nous aider et a mis le bazar.

_ En fait, c'est toi que je voulais voir.

_ Hein ? Fit le jeune homme en regardant l'ordinaire.

_ Je pourrais te parler ?

_ C'est ce que tu es en train de faire…

_ Seuls, dit Logan, en désignant les transgéniques autour d'eux.

Alec guida Logan dans son bureau, à côté de celui de Max.

_ Qu'y a-t-il ? Demanda le X5.

_ L'autre jour, en venant déposer des choses pour Luke et Dix, j'ai entendu dire que…

_ Que ?

_ Que Manticore… que Max et toi aviez des enfants.

Alec explosa de rire.

_ T'inquiètes, mec. C'était juste un gros malentendu.

_ Un malentendu ?

_ Ouais. Tu te souviens des gamins auxquels tu as filé des faux-papiers, pour entrer au Canada. Tu sais, les quatre X6 et le petit X8 avec sa trompette. Juste après la destruction de Manticore ?

_ C'était eux ? Demanda le journaliste.

Le jeune homme hocha la tête.

_ Ils vont bien ? Demanda l'ordinaire.

_ Ouais. Ils sont venus nous rendre visite ce week-end. Ils ne connaissaient que Max et moi à Terminal City et, en arrivant, ils ont indiqué chercher leurs parents. D'où le malentendu. Ça a fini en camping dans l'appartement, qui n'est d'ailleurs pas fait pour y vivre à sept. On leur a fait visiter Seattle et tout. On s'est bien marré. Ils sont repartis lundi soir. C'était super crevant ! Ça me conforte dans mon idée de ne pas avoir de mômes ! Jamais de la vie !

_ Ah…

_ T'inquiètes pas pour ta meuf : c'est ta garce rien qu'à toi !

_ "Garce" ? demanda Logan.

_ Je suis toujours contrarié. Je dois encore me venger pour l'histoire de l'herpès. J'hésite encore à vrai dire…

_ Tu hésites à te venger ?

_ Bien sûr que non ! J'hésite sur la façon dont je vais me venger. Chacune de mes idées me semble trop douce. Je crois que je vais faire un cumul. Plus ça va, plus elle prend de liberté avec ma vie privée. Je tolère pas mal de trucs, mais là, il faut que je la calme un bon coup. Il faut que je tape là où ça lui fera le plus mal.

_ Alec… es-tu en train de dire que… tu me sembles…

_ Impétueux ? Malicieux ?

_ Euh…

_ Intimidant ? Menaçant ?

Logan soupira. Il perdait patience.

_ Sexy comme un dieu ? Ajouta alors Alec, histoire de le taquiner un peu plus.

Comme le transgénique s'y attendait, Logan ne sut pas quoi répondre, ni quoi faire. Mais bon, il était de bonne humeur et il avait décidé d'être magnanime… pour l'instant.

_ Je crois me rappeler que tu voulais me parler, dit-il. À moins que ce soit déjà fait et que je ne vois pas en quoi on avait besoin de venir ici…

_ Oui, euh… Je… Je voulais te présenter des excuses.

_ Euh… d'accord. Mais, pourquoi ? À ma connaissance, tu ne m'as rien fait, dit Alec. Ou, peut-être que je deviens sénile ? Après tout, j'ai vieilli de vingt ans ces derniers jours. Faites des gosses !

_ Je m'excuse pour Berrisford, dit alors Logan, figeant le sourire d'Alec. Je savais qu'il serait présent au bal et je n'ai rien dit. Je reconnais que j'ai eu tort. J'aurais dû vous prévenir, Max et toi. Les reproches qu'elle m'a fait été justifiés.

Logan soupira et prit une expression de chien battu. Alec ne savait pas quoi répondre : il ne s'était pas attendu à ça.

_ Je dois y aller, dit l'ordinaire. Je dois retrouver Syl et Krit pour une mission du Veilleur. Tu diras à Max que je t'ai présenté des excuses. D'accord ?

_ Ouais… répondit machinalement Alec.

Logan sortit du bureau, les épaules voûtées.

Alec sentit la contrariété l'envahir. La journée avait bien commencé pourtant…

o0o0oOo0o0o

Même à l'époque où il n'était qu'un simple soldat de Manticore, Alec avait toujours aimé la vie. Cela signifiait qu'il aimait énormément de choses dans le monde. A contrario, il y en avait peu qu'il n'aimait pas. À vrai dire, les choses, qu'il n'aimait pas, pouvaient se compter sur les doigts des deux mains. Mais là, il subissait l'assaut de trois des choses qu'il n'aimait pas : la souffrance de ses proches, faire ou avoir fait du mal aux gens, involontairement, en particulier suite à sa vie d'assassin professionnel, mais pas que… et être mêlé à des affaires qui ne le regardait pas.

Il sortit de son bureau et marcha d'un pas franc vers l'atelier de mécanique. Dix et Luke avaient inventé un nouveau genre de pompe hydraulique, qui avait un purificateur intégré. Le but était de simplifier l'approvisionnement en eau courante et potable de Terminal City. Actuellement, l'eau était pompée directement dans la baie. Ensuite, il fallait la transférer vers un autre circuit pour la purifier. Max et plusieurs autres transgéniques travaillaient sur le prototype.

Alec entra dans l'atelier. Il se dirigea immédiatement vers Max, occupée à vérifier le panneau de contrôle de la machine. Il plaqua les mains sur le panneau, de part et d'autre de Max pour l'empêcher de partir.

_ Dehors ! fit-il fortement.

Dans la foulée, tous les transgéniques présents se hâtèrent de sortir de la pièce. Max pivota sur elle-même pour faire face au X5.

_ On est en train de travailler là ! Qu'est-ce qu'il te prend ? Demanda la jeune femme, les sourcils arqués de contrariété.

_ Tu ne crois pas que c'est à moi de te dire ça ? Répondit Alec, alors que la porte venait d'être claquée par le dernier transgénique en partance.

_ Pousse-toi ! Dit Max.

_ Pourquoi Logan vient-il de me présenter, à moi, des excuses pour votre dispute au sujet de Robert Berrisford ?

_ Il aura pris son temps…

_ Max ! S'exclama Alec, en la libérant de ses bras.

_ Quoi ?

_ Je ne veux pas être mêlé à vos histoires, encore moins à vos engueulades !

_ Il ne s'est pas bien comporté, répliqua Max.

_ Max, si Logan se comporte mal avec moi, c'est à moi d'aller régler ça avec lui, pas à toi.

_ Sauf que tu ne l'aurais pas fait ! Tu penses être responsable de la mort de Rachel, mériter la haine de Berrisford et mériter de souffrir. Je n'allais pas rester sans rien faire ! Il fallait t'aider.

_ Mais, t'engueuler avec ton mec n'a pas fait de bien, ni à moi et encore moins à toi. Ça n'a aidé personne.

_ Je voulais faire quelque chose que te ferait du bien.

_ Tu l'as fait : tu m'as obligé à rester avec les gamins et toi pendant le week-end. Au début, j'ai été con. Rien de nouveau, tu le sais. Mais, ça m'a fait du bien. T'engueuler avec Logan n'a fait que vous faire du mal à tous les deux. Et, à moi, par extension, parce que je n'aime pas vous voir mal.

Max baissa les yeux.

_ Excuses-moi, dit-elle à voix basse.

_ Excuses acceptées.

Alec passa la main sous le menton de la jeune femme pour l'obliger à le regarder dans les yeux.

_ Être en couple, c'est suffisamment galère. C'est une lutte de tous les instants. Je ne vaux la peine que Logan et toi vous vous disputiez.

_ Tu vaux plus que ce que tu crois, répliqua la jeune femme.

_ Merci. Mais, encore une fois, je ne dois pas, je ne veux pas être un sujet de dispute. S'il te plaît.

Max le regarda intensément, avec ses grands yeux ronds, légèrement humides d'émotion. Elle était belle à mourir. Il s'éloigna d'elle, par sécurité.

_ Bon ! Fit-il en frappant dans ses mains. Tu veux me faire plaisir ? Va voir ton chéri et dit lui qu'il est pardonné.

_ Mais…

_ Je ne veux aucun refus, dit Alec. Il avait l'air plus pitoyable que Joshua le jour où il n'avait plus de peinture bleue… Tu connais l'air de chien battu de Joshua, non ? Imagine sur Logan.

_ Alec…

_ Maintenant, tu files !

_ Alec, je dois finir d'aider les autres au montage de la machine, dit Max, avec sérieux.

_ Je m'en charge, dit le X5. Toi, tu y vas. Logan est allé voir Syl et Krit.

_ Merci, dit la jeune femme, en commençant à avancer vers la sortie.

_ Dégages de là, p'tite tête ! Fit Alec, en mettant une claque sur les fesses de Max, alors qu'elle le dépassait.

« Merde ! C'est parti tout seul ! » pensa Alec, totalement paniqué par son geste.

Il regarda par-dessus son épaule pour guetter la réaction de la X5. Elle était tétanisée. Après plusieurs secondes, elle se remit en marche sans s'être retournée.

« Il va vraiment falloir que je trouve un truc pour ne pas flancher en sa présence… » pensa Alec. « Non, il faut carrément que je trouve un moyen pour qu'elle ne soit pas physiquement proche de moi ! Il faut que je lutte contre moi et mon envie d'elle ! ».


Seattle, locaux de Jam Pony, mercredi 25 mai 2022, 13h20


ORIGINAL CINDY

Original Cindy revenait de ses livraisons de la matinée. Elle donna à Normal les récépissés des clients. Alors qu'elle se dirigeait vers les casiers, elle aperçut Sketchy, assis seul à une table, les sourcils froncés.

_ Salut Sketch, dit-elle en s'approchant de lui.

_ Salut… répondit-il machinalement.

_ Qu'est-ce qu'il y a pour que tu sois si déprimé ? Nathalie ne t'a quand-même pas encore fichu à la porte ?

_ Quoi ? Euh… non ! Je ne suis pas déprimé, je suis concentré. C'est les photos de promo, dit-il en désignant les clichés éparpillés sur la table.

Suite à la visite des investisseurs, Normal avait commandé à Sketchy des photographies de l'équipe de Jam Pony. Le but était de montrer l'ambiance (officiellement) toujours joyeuse et la cohésion entre le personnel. Des copies des meilleurs clichés seraient transmisses aux investisseurs. Plus tard, elles seraient utilisées pour la campagne de recrutement des deux futures succursales. Bien entendu, il y avait eu la photo de groupe avec Normal près d'eux, aux allures de photographie scolaire. Il existait une version de ce cliché sans Alec et Max, pour les investisseurs.

Le patron de Jam Pony avait autorisé que des photographies moins officielles soient prises. Les plus belles de ces dernières seraient encadrées et affichées dans les locaux du Secteur 4 en guise de décoration, à la place des graffitis. Ça avait été une super matinée. Exceptionnellement, le mardi matin, le service de livraison avait été fermé. Il avait fait beau et Normal les avaient payés à poser pour des photos. Que demander de plus ? L'ambiance avait été conviviale. Les coursiers avaient pu poser comme ils le souhaitaient. Ils avaient pu poser en petit groupe : les filles ensemble, les garçons en train de chahuter, les plus habiles en train de faire des figures à vélo… Original Cindy avait demandé une photo toute simple avec sa Boo. Quand on avait cru Max morte, près de deux ans en arrière, la jeune femme s'était rendue compte qu'elle n'avait aucune image de son amie.

Sketchy soupira.

_ La photo avec ma Boo est là ? Demanda Cindy.

_ Ici, répondit le jeune homme.

C'était une photographie très sympathique.

_ Original Cindy peut l'embarquer ?

_ Ouais, vas-y. J'ai les négatifs à la maison si tu veux un double.

_ Qu'est-ce qui te fait réfléchir comme ça ? Demanda-t-elle en regardant la table. Tu as du mal à choisir ?

_ Non, je pense avoir trouver celles que je vais proposer à Normal.

_ Alors ?

_ Je réfléchissais à un truc… Je crois que j'ai loupé quelque chose… d'important.

_ Ne fais pas trop fonctionner ta cervelle, Sketchy, elle n'est pas habituée. C'est en train de te faire du mal…

Sketchy posa quatre clichés devant la jeune femme. Des clichés de Max et Alec.

_ Max et Alec sont les plus sexy de la boîte. C'est con de ne pas pouvoir les faire participer à la campagne de recrutement. Rien que pour leurs gueules, les gens auraient postulé…

_ Ouais et on aurait eu une tripotée de cœur brisés grâce à Alec… fit la jeune femme.

_ Du coup, je leur ai proposé de prendre des photos juste d'eux deux, continua le jeune homme, sans tenir compte de la remarque de la jeune femme. C'est un peu parti en vrille.

C'était comme un film. Le premier cliché montrait Max et Alec, côte-à-côte. Alec avait glissé la main derrière la tête de Max et lui faisait des oreilles de lapin. Au second cliché, Max se retournait et voyait le geste d'Alec. Ensuite, on la voyait se jeter sur lui. Puis, elle était sur son dos à lui tirer les cheveux.

_ Je trouve celui-là parfait, commenta Sketchy, en montrant un cinquième cliché. Je leur avait dit de me regarder en souriant.

Max est à cheval sur le dos d'Alec, un bras autour de ses épaules et l'autre main sur sa poitrine. Lui, il tenait les jambes de la jeune femme pour qu'elle ne tombe pas. Max avait la tête appuyée contre celle d'Alec et faisait un sourire radieux. Aussi radieux que celui du jeune homme. Ce cliché montrait la complicité et l'affection des deux X5.

_ Cette photo est vraiment géniale ! S'exclama Original Cindy. Tu as fait du bon travail, ajouta-t-elle sincèrement. Tu devrais la proposer aussi à Normal pour qu'elle soit encadrée et affichée.

_ Merci.

_ Alors, c'est quoi ton problème ?

Sketchy lui donna deux autres photos. On y voyait Alec perdre l'équilibre et Max tomber. La septième photo montrait Max, au sol, allongée sur le dos, une jambe pliée. Alec, en appui sur ses mains, était presque allongé sur elle.

_ J'ai fait un agrandissement, dit alors Sketchy, en donnant une dernière image.

C'était un gros plan des visages des deux X5. Max, souriante, avait le visage éclatant de joie. Lui aussi souriait. Les sourires d'Alec étaient toujours beaux. Mais celui-là, il n'y avait pas de mot pour le qualifier. Les deux transgéniques ne regardaient pas l'objectif. Ils se regardaient. Leurs yeux étaient pétillants de bonheur.

_ On n'est pas de bons amis, marmonna Sketchy.

_ Pourquoi ?

_ Entre la photo où ils étaient sur mon canapé et là, je me rends compte qu'on est passé à côté d'un truc énorme. Je crois que Max et Alec s'aiment bien… Et, je crois que c'est bien au-delà d'une simple amitié. Je me demande s'ils s'en rendent compte ? Ces temps-ci, j'ai l'impression qu'Alec ne voit aucune nana. Pas même un coup d'un soir. En même temps, je vois qu'il est greffé à Max. Du côté de Max aussi, c'est bizarre. J'ai le sentiment que rien ne va plus entre Max et Logan… Max et Alec ont l'air d'avoir un crush l'un pour l'autre.

Bien entendu, Sketchy ne connaissait pas l'étendu des anecdotes et les quelques confidences de Max au sujet d'Alec.

_ Tu crois qu'on doit leur en parler ? Demanda-t-il. À Max et Alec ?

_ Surtout pas… souffla Original Cindy. Surtout pas…

« Si même un ex-cobaye de laboratoire d'expérience psychomédicales* comme Sketchy arrive à se rendre compte de ce qui se trame entre Alec et Max… Ça va devenir une galère de préserver les sentiments de ma fille. Une vraie lutte. » (*référence à Before the Dawn)


Seattle, Terminal City, jeudi 26 mai 2022, 19h30


LOGAN

Son ordinateur portable sous le bras, Logan se dirigea vers le centre de commande de Terminal City pour aller voir Dix, en compagnie de Max.

C'était une chose étrange de marcher près d'elle. Techniquement, leur dispute était passée et ils étaient toujours ensemble. Mais, il restait une distance entre eux. Alec avait bien transmis ses excuses à la jeune femme, qui s'était elle-même excusée pour sa réaction excessive. Mais, elle avait redit au journaliste qu'il n'était plus question fasse du mal, même indirectement, à un transgénique, qu'il soit Alec ou non.

Logan savait qu'il avait eu tort de cacher la présence de Berrisford au bal. En y réfléchissant, la réaction de colère de la jeune femme avait été prévisible : elle avait tendance à protéger chaque membre de la communauté des mutants. Alec, aussi antipathique qu'il soit aux yeux de Logan, ne faisait pas exception. Max était probablement encore plus vigilante avec lui qu'avec les autres. Le seul, dont elle prenait autant soin, était Joshua. Les trois fella étaient très soudés. Parfois plus soudés que Max ne semblait l'être avec Syl et Krit.

Arrivés à l'entrée du bâtiment, Max le quitta pour se diriger vers le garage. Il continua seul. Soudain, un hurlement retentit si fort que Logan sursauta et lâcha son ordinateur qui se brisa au sol. Le cri, c'était la voix de Max. Il courut vers le garage.

Un groupe de transgéniques paniqués se tenaient à bonne distance de Max, qui tenait une bâche à la main. Logan avança jusqu'à elle. Il n'y avait pas besoin de mots pour comprendre l'expression horrifiée sur le visage de la jeune femme ou la raison de son hurlement. La Ninja de Max avait été aspergée de peinture bleue. Sur le flan gauche de la machine, il y avait une phrase peinte en rose : "j'ai de l'herpès".

_ On est désolé, dit doucement un transgénique. On s'est demandé pourquoi ta moto était bâchée, mais on n'a pas osé y toucher. On s'est dit qu'il y avait une raison…

_ On peut tenter de retirer la peinture. On pourra ensuite polir la carrosserie et la repeindre, dit un autre.

_ Elle sera encore plus belle.

_ Oui, on en prendra soin. Ne t'en fais pas, cheffe.

Logan eut pitié pour les pauvres transgéniques du garage. Ils essayaient de faire de leur mieux pour calmer Max. Mais, dans sa vengeance, Alec était allé trop loin. Personne n'avait le droit de s'en prendre à la Ninja.

_ Cette fois, je vais le tuer ! Hurla Max.

Elle courut vers le centre de commande et Logan la suivit tant bien que mal.

_ Où est-il ? Cria-t-elle.

_ Qui est-ce que tu cherch… commença Luke.

_ Vu l'état de Max, je parierai sur Alec, coupa Dix.

Max les fusilla du regard.

_ Le futur macchabée est au gymnase où il entraîne des X6, fit Mole.

Max avança vers le gymnase. Logan la suivit. Mole, Luke et Dix s'étaient joints à lui. Max ouvrit la porte battante de la salle de sport. Logan et les autres pénétrèrent à sa suite.

Alec était torse nu, les mains bandées comme un boxeur sur le point de combattre, face à un groupe de jeune X6, sagement assis pour écouter leur leçon.

_ C'est pourquoi il est essentiel de garder le contrôle de vos émotions, dit Alec pour, visiblement, finir l'explication qu'il venait de faire aux jeunes.

_ Alec ! S'exclama Max.

_ Démonstration, dit Alec aux transgéniques, sans se tourner vers la jeune femme.

_ Comment as-tu osé ? Cria Max.

Alec se tourna pour faire face à Max.

_ Que t'arrive-t-il, Maxie chérie ? Demanda-t-il tranquillement.

_ Je t'interdis de m'appeler comme ça !

_ Comme quoi, chaton ?

_ Ah ! Fit Max, en envoyant un coup de poing vers Alec, qu'il dévia facilement.

_ Que puis-je faire pour toi, mon cœur ? Demanda-t-il en souriant.

_ Tu as osé dégueulasser ma moto ! Voilà ce qu'il y a ! cria Max lança la jambe vers le X5, qui l'esquiva.

_ Et alors, ma puce ? Tu avais osé dégueulasser ma réputation. Œil pour œil, dent pour dent…

_ Ma moto est une extension de mon âme !

_ Voyons, rayon de soleil, que devrais-je dire de ma réputation ?

_ Je te hais ! Cria-t-elle en se jetant sur lui.

Cette fois, Alec n'esquiva pas, mais il encaissa le coup. Les deux X5 commencèrent à se battre pour de bon. C'était sans comparaison avec leur combat dans la cage. C'était plus proche de leur combat, dans l'appartement de Logan, après la fuite de Max et la contamination de Logan par le virus, lorsqu'Alec était venu les chercher pour les ramener à Manticore. À une grosse différence près : Alec affichait un sourire satisfait et maîtrisait totalement la situation. Il semblait avoir tout calculé. De l'attaque sur la moto, à ce combat. Même les noms doux qu'il donnait à Max, à chacune de ses phrases, n'étaient que des provocations pour augmenter la fureur de la jeune femme. Là, il lui faisait faire exactement ce qu'il voulait.

Max donna un coup dans le vide, suite à une nouvelle esquive d'Alec, et en perdit l'équilibre. Le X5 pouffa de rire. La jeune femme se redressa rapidement.

_ Je vais t'exploser la face. On verra si tu te marres encore après ça !

Elle fit plusieurs mouvements en lançant des coups de pieds en direction d'Alec, qui para chacun d'eux, faisant crier la jeune femme de rage.

_ Voyez les mouvements de mon sucre d'orge. Ils sont particulièrement fluides. Bien qu'elle n'ait pas fini sa formation de combat à Manticore, elle a compensé en apprenant le combat de rue, expliqua Alec, continuant son cours aux X6. Elle effectue ses mouvements de façon intuitive.

Logan entendit des murmures approbateurs derrière lui. En se retournant, il constata que de nombreux transgéniques étaient venus assister au combat entre leurs deux dirigeants. Même les enfants de l'école étaient là.

_ Même si vous maîtrisez les techniques de combats, vous devez continuellement vous entraîner. C'est votre capacité à improviser, à rebondir face à chaque situation, qui vous permettra de l'emporter. Laissez votre imagination vous guider. Inventez vos propres enchaînements.

Alec effectua une série d'attaque. Max esquiva facilement et gracieusement.

_ Voyez comme ma chérie est flexible et souple. Regardez ses mouvements de hanches. Lorsqu'on la connaît, on se rend compte que sa démarche elle-même est basée sur ses capacités de combat. C'est une mémoire physique. Le corps est habitué à réagir face à certaines situations. Toujours sur le qui-vive. Le corps de mon petit trésor a toujours cette façon sexy de bouger. Mais, si elle bouge les hanches de cette façon, c'est simplement pour avoir toujours les appuis nécessaires pour un combat inopiné. C'est naturel. C'est beau. Du grand art. Combattre contre elle, c'est comme des préliminaires, ajouta Alec, avec une voix mielleuse.

_ Arrêtes avec tes allusions immondes ! Ordonna Max.

_ Malheureusement, comme je le disais en début de cours, même avec un corps parfait, des techniques de combat et une capacité à improviser parfaite, le corps et les muscles ne font pas tout. Le mental est extrêmement important. Si l'esprit est soumis à des émotions puissantes, il n'y a plus assez de place pour un traitement efficace des données de combat. Il y a alors de nombreuses failles qui peuvent être exploitées par l'adversaire.

Soudainement, l'expression décontractée du visage d'Alec laissa place à une expression sérieuse et déterminée. Il attaqua Max avec brio. Chacun de ses coups atteignait le corps de Max avec efficacité. Max perdait littéralement du terrain et trébuchait à chaque coup reçu. Elle finit par perdre l'équilibre et tomber violemment au sol. Alors qu'elle commençait à se redresser, Alec se mit rapidement au-dessus d'elle, la saisit par le col et lui envoya un violent coup de poing au visage. Logan vit la tête de Max retomber au sol et elle ferma les yeux de douleur. Profitant du fait que Max ait été sonnée par ce dernier coup, Alec s'installa sur elle, les jambes sur celles de la jeune femme, et lui plaqua les bras à terre en le tenant par les poignées.

_ Au final, dit Alec, d'un ton professoral, si vous vous retrouvez sous le coup d'une émotion forte, vous devez être capable d'en prendre conscience et de prendre du recul par rapport à la situation. Si vous n'arrivez pas à apaiser votre esprit, ayez au moins conscience que vous êtes dans un état de faiblesse. Dans ce cas, battez en retraite. La retraite n'est pas une action de couard ou de lâche. C'est une stratégie : "rester en vie aujourd'hui pour pouvoir se battre demain". Elle vous permettra de vous focaliser plus facilement et vous donnera le temps d'analyser la situation. Ça a été l'erreur de Max aujourd'hui. En réagissant comme elle l'a fait, elle est tombée dans mon piège. Elle a réagi trop rapidement et elle s'est laissée berner par les apparences. Elle s'est lancée à mes trousses en me laissant lui dicter l'endroit et le moment du combat. Moi, j'ai prêt. Si elle avait pris du recul, elle aurait maîtrisé la totalité des conditions de combats et elle aurait peut-être même pu avoir un effet de surprise. Le résultat de ce match aurait pu être tout autre.

Tous les transgéniques hochèrent la tête et approuvèrent, alors que Max peinait à remettre ses idées en place.

_ Fin de la leçon, dit Alec, d'une voix forte. Rompez !

Tous les transgéniques se dirigèrent vers les sorties en échangeant leurs impressions sur cette leçon de combat. Logan avait cru que la vengeance d'Alec était ce qu'il avait fait à la Ninja de Max, mais il se rendit compte que la vraie vengeance était le combat et l'humiliation publique que la jeune femme venait de subir. D'ailleurs, Max devait en avoir conscience puisque Logan apercevait une larme couler le long de la joue de la jeune femme. Max ne pleurait que d'émotion, jamais de douleur physique. Alec n'avait pas bougé et continuait de la maintenir avec au sol. Alors que Logan faisait un pas en avant, Mole le saisit par l'épaule et le fit sortir avec lui.

_ Crois-moi, mec. Il ne faut pas rester dans les parages avec ces deux-là après une telle lutte. Tu ne ferais qu'aggraver les choses. Ils vont devoir causer.

L'ordinaire aperçut alors Luke et Dix, tenant le cadavre de son ordinateur portable. Ça lui était complètement sortit de la tête. Il ne put que soupirer.


Oregon, quartiers nord de Roseburg, vendredi 27 mai 2022, un peu avant minuit


MAX

Max trottait près d'Alec, du mieux qu'elle pouvait, en tenant un grand sac de sport. Le X5 transportait un sac similaire.

_ Quand je pense que je me suis laissé amadouer par des mots doux… souffla Alec. Je n'en reviens pas de mettre laisser avoir !

_ Quels mots doux ? Grogna Max. T'es pas bien dans ta tête, toi. Je t'ai proposé un boulot !

_ Tu m'as dit : "tu as envie de te faire quarante-deux milles dollars ?".

_ Et alors ?

_ C'est comme si tu m'avais susurré des cochonneries à l'oreille !

_ Ce n'est pas de ma faute si tu as l'esprit lubrique ! Pesta Max, en se glissant dans un coin sombre pour reprendre son souffle.

_ Je te déteste… marmonna Alec, en se massant les mains, après l'avoir suivie.

Max avait été contactée par un de ses revendeurs d'objets d'art. À plus de cinq heures de route de Seattle, à Roseburg, dans l'Oregon, un collectionneur privé, et blanchisseur d'argent sale de la mafia, à ses heures perdues, possédait plusieurs statuettes de chevaux en bronze. Malgré une forte demande de la part d'acquéreurs potentiels et officiels, il refusait de vendre ses statues. Alors, un homme avait décidé de passer une annonce pour obtenir les chevaux de façon illégale. Comme le type était en lien avec un gros groupe de criminels, Max n'avait eu aucun scrupule.

Les finances de Terminal City et les siennes allaient bien, mais celles du Veilleur et du S1W étaient au plus mal. Logan ne cessait de se faire des nœuds au cerveau pour ça. Alors, Max voulut lui renvoyer l'ascenseur pour toutes les fois où le journaliste avait aidé les transgéniques. Elle avait même essayé de convaincre Alec de donner une partie de sa part. Naturellement, il avait refusé. Ce n'était pas surprenant venant d'un égoïste comme lui, mais elle n'avait rien dit et n'insista pas. C'était déjà bien qu'il soit là.

Max venait d'apprendre qu'il ne fallait pas aller trop loin contre Alec, que ce soit dans ses paroles et dans ses actes. Il lui avait montré que, s'il le voulait, il pouvait répliquer plus fort qu'elle. Alec n'avait pas été suffisamment fou pour s'en prendre réellement à la moto de Max. Il s'était procuré une vieille bécane sur laquelle il avait ajouté des pièces de carrosserie pour lui donner l'apparence d'une Ninja Kawasaki. Il l'avait peinte en noire. Ensuite, il l'avait substituée avec la vraie moto. Le pire était qu'il avait dû passer du temps pour préparer son piège. Alec avait toujours dit qu'il pouvait lui tenir tête s'il le voulait vraiment et il lui avait prouvé.

De son côté, Max reconnaissait qu'elle avait merdé. Si elle y avait regardé de plus près, elle aurait vu que la moto n'était pas la sienne. Et, si elle avait pris son temps, elle n'aurait pas été humiliée en combat. Dans l'état d'esprit dans lequel elle avait été, cela avait été une lutte perdue d'avance. Mais, elle reconnaissait, à mi-mot, et jamais devant Alec, que ça lui avait fait du bien d'être remise à sa place. Il était bon de se rappeler de ses propres limites.

o0o0oOo0o0o

Concernant le cambriolage, il y avait plusieurs points délicats. D'abord les objets à voler : plusieurs statuettes en bronze. C'était encombrant et ça pesait lourd. Il fallait bien être génétiquement amélioré et avoir une grande force physique pour pouvoir les porter. Ensuite, il fallait être au moins deux compte-tenu du nombre de statuettes. Enfin, et pas des moindre, Roseburg abritait une base de la Garde Nationale des États-Unis. Lorsqu'Alec et elle s'étaient faits remarquer, ce n'était de simples gardiens ou des mercenaires qui s'étaient mis à les traquer, mais carrément des militaires.

Les sacs rembourrés contenant les statuettes pesaient lourd et cela faisait mal à porter à bout de bras. Pour compliquer les choses, ils avaient dû laisser leurs motos en dehors de la ville pour ne pas se faire remarquer en arrivant. En conclusion, Max et Alec étaient en train de déambuler, chargés comme des bêtes de somme, dans les quartiers nord de la ville pendant que des militaires les poursuivaient.

_ On ne peut pas continuer à courir toute la nuit, dit Alec. Il faut qu'on se trouve une planque.

_ Sauf que pour pouvoir chercher une cachette, il faudrait déjà semer le groupe qui nous colle au train.

Alec passa la tête et observa la rue.

_ On est dans le quartier des plaisirs, dit-il.

_ Tu m'en vois ravie… marmonna Max.

_ Tu as quoi comme soutif ?

_ Alec ! Ce n'est pas parce qu'on est dans un quartier chaud que tu peux me faire du rentre dedans.

_ Maxie chérie, le jour où je te ferais du rentre-dedans, crois-moi, tu le sauras. C'était une question professionnelle.

_ Je ne vois pas ce que mes sous-vêtements ont de professionnel…

_ Ne me dis pas que tu portes une de ces horribles brassières de sport, fit Alec les yeux rivés sur sa poitrine.

Max croisa les bras pour couvrir ses seins.

_ Putain ! T'es chiante ! Tu ne pourrais pas faire un effort de temps en temps pour mettre un truc un peu sexy.

_ Mes sous-vêtements ne regardent que moi !

Alec fit une moue boudeuse.

_ Et, c'est plus confortable pour faire un cambriolage, ajouta Max.

_ Ah ! Dit Alec, après avoir de nouveau regardé la rue. Je viens de trouver une parade à ton manque de sex-appeal.

_ Oh, vraiment ? Dit Max avec sarcasme.

_ J'ai une idée pour nous débarrasser des gens qui nous collent, dit Alec, sans relever.

Max regarda par-dessus son épaule alors qu'il regardait un groupe de prostituées.

_ Il est hors de question que je me fasse passer pour une pute ! Dit Max.

_ De toute façon, sans moi, tu n'y arriveras pas. Encore moins en étant habillée comme un sac à patate, ajouta Alec avant qu'elle n'ait eu le temps de répliquer.

_ C'est une mauvaise idée.

_ Bah, en entendant je n'ai pas mieux en stock. Et toi ?

La jeune femme secoua la tête. Elle entendait les pas cadencés des soldats se rapprocher.

_ Diriges-toi lentement vers la ruelle, là-bas, sans te retourner, en frôlant le groupe femme. Je suis derrière toi.

Max fit ce qu'Alec lui avait dit. Elle manqua de se retourner en entendant le groupe de femmes glousser aux paroles mielleuses du X5. Elle atteignit la ruelle. Il y avait un couple, enfin un client et une fille de joie selon tout vraisemblance, en train de négocier un prix avant de faire une "transaction". Elle attendit qu'Alec soit à côté d'elle pour le foudroyer du regard.

_ Et maintenant ? Demanda-t-elle.

_ Mets-toi en soutif et enroules ça autour de ton cou, dit Alec en lui donnant un boa en plumes bleues.

_ Tu délires là.

_ Il faut qu'on se fonde dans le décor, dit-il en redressant un baril vide. Les démonstrations d'affection en public sont gênantes. Les gens ont tendance à détourner le regard en voyant un couple juste s'embrasser dans la rue. Les soldats sont des hommes comme les autres. Vu l'ambiance, ils ne s'amuseront pas à regarder de près les gens en pleine action. Il faut que tu aies l'air de faire le trottoir et, moi, que j'aie l'air d'un client. Comme nos deux voisins, dit-il alors que le client et la professionnelle commençaient à échanger des baisers.

_ Tu trouves qu'on a le look pour ça ?

_ C'est pourquoi tu dois virer ton haut et mettre ce fichu truc en plume, répondit Alec en mettant les sacs dans le baril.

Il tendit les mains à Max pour qu'elle lui donne ses vêtements. Elle soupira mais fit ce qu'il dit.

_ On se gèle, se plaint-elle, pendant qu'il mettait ses habits dans le baril avec les sacs.

_ Couvres-toi avec le boa, dit-il en ajoutant son blouson avec le reste de leurs affaires.

_ Ce truc a une odeur suspecte, fit-elle entre ses dents.

_ Ne fais pas ta sucrée. Tu prendras une douche en rentrant.

_ Je ne fais pas ma sucrée.

_ Grimpe, fit Alec en désignant le baril.

Max s'assit du mieux qu'elle put. Ce n'était pas très confortable.

_ Arrêtes de gigoter, dit Alec en déboutonnant son pantalon pour laisser voir son boxer.

_ J'aimerais t'y voir.

_ Ouvres les cuisses, dit-il.

_ Un "s'il te plaît", ça t'arracherait la gueule ?

_ Tu y mets du tien ou tu râles ? Demanda le jeune homme.

_ Je préfère râler.

Alec lui écarta lui-même les cuisses et s'y installa. Il posa les mains derrière elle et elle s'accrocha à son cou. Il se pencha vers elle et colla sa tempe gauche contre la sienne. De cette façon, il pouvait surveiller la sortie nord-est de la sortie, tandis qu'elle regardait là où ils étaient entrés, au sud-ouest.

Après seulement quelques minutes en position statique, elle sentit Alec se crisper. Les doigts sur son dos, il lui indiqua qu'un convoi militaire venait de se stationner au bout de la ruelle. Un peloton trotta du côté de l'entrée.

_ Allez vérifier cette ruelle ! Ordonna quelqu'un.

Avant qu'elle n'ait eu le temps de paniquer, Alec avait bougé. Il la plaqua contre lui et l'embrassa avec fougue. Comprenant où il voulait en venir, elle lui répondit en plongeant sa langue dans la bouche du X5, en lui caressant le dos d'une main et la nuque de l'autre. C'était un étrange baiser. Il avait toujours bon goût, bien évidemment, mais le fait qu'ils soient en train de surveiller les alentours, tout en s'embrassant, avait quelque chose de déconcertant.

Quatre militaires pénétrèrent dans la ruelle et s'arrêtèrent à peine un mètre après Alec et Max.

_ Bordel ! Fit l'un des soldats. On perd notre temps ici !

_ Je suis d'accord, dit un autre. On cherche deux voleurs. Je ne vois pas deux gars se planquer ici.

« En fait, vous devriez chercher un gars et une fille. Si vous saviez… » pensa Max, avant de gémir, malgré elle, alors qu'Alec, à moitié couché sur elle, venait de lui mordiller le lobe de l'oreille.

_ En plus, entre les filles et les couples en rut, cet endroit est un enfer, dit un troisième.

_ Comment les gens font pour réussir à baiser en pleine rue ? Demanda le dernier. C'est tellement glauque ici… Moi, je n'arriverai jamais à avoir la trique dans un endroit pareil. C'est dégueu !

_ Ces gars-là sont soit des alcoolos, soit des junkies trop défoncés pour se rendre compte de ce qui les entoure. Quant aux filles, elles ont l'habitude de se faire prendre n'importe où, n'importe quand et dans n'importe quelles conditions, répondit le second, alors que la femme de l'autre "couple" gémissait à son tour.

_ Tu sembles bien au courant, commenta le premier. Au fait, comment va ton épouse ?

_ Je t'emmerde, Wilson, répondit le second.

Les deux autres soldats estimèrent qu'il valait mieux partir et aller patrouiller ailleurs avant que leurs collègues n'en viennent aux mains.

Alec rompit le baiser et colla son front sur celui de Max. Oui, ça avait été un drôle de baiser. Au chaud, dans les bras du X5, elle garda les yeux fermés pour mieux écouter. Les soldats, qui avaient quittés la ruelle, s'éloignaient de plus en plus.

_ On boucle la ville, hurla un homme. Contrôlez-moi les identités de chacun.

_ Chef ? Et, les gens qui iront travailler au matin ? Demanda un homme. On n'a pas les effectifs pour contrôler toute la population de la ville.

_ Les voleurs voudront profiter de la nuit pour s'enfuir. Si on ne les a pas attrapés d'ici là, ça voudra juste dire qu'ils ont déjà filé et que vous êtes une bande d'incapables.

Max nota le départ du convoi au nord-est au moment où elle se rendait compte que sa respiration s'était synchronisée avec celle d'Alec.

Quelques secondes plus tard, elle ouvrit les yeux au même instant qu'Alec ouvrait les siens. C'était un spectacle à compter le souffle, surtout à cette distance. Cependant, dans les faits, ça fit augmenter la vitesse de sa respiration. Pendant ce temps, elle percevait les cris de jouissance de la prostituée et le martèlement de son client sur elle, accompagné de sons gutturaux. Et, il fut impossible de dire si c'était Max ou Alec qui avait bougé en premier, mais ils recommencèrent à s'embrasser avec ferveur.

Il n'était plus nécessaire de surveiller les soldats. C'était mieux ainsi. Max n'avait plus qu'à se préoccuper des lèvres d'Alec, de sa langue qui l'embrasait, de ses mains qui l'enflammaient et de son corps, qu'elle maintenait contre elle en serrant les jambes autour de sa taille.

Le client jouit bruyamment et la prostituée cria de façon théâtrale. Alec raffermit sa prise et serra davantage Max. Elle entendit vaguement le client et la prostituée échanger quelques mots avant que l'homme quitte la ruelle en frôlant les deux transgéniques.

Max sentit quelque chose de froid atterrir sur la peau de son épaule. Quoi que ce fut, elle bouillonnait tellement à l'intérieur, que ça avait dû s'évaporer sur elle. Puis, elle sentit encore la sensation, puis encore, puis encore… Alec se détacha d'elle alors qu'une averse commençait à déverser des trombes d'eau sur eux. La prostituée courut hors de la ruelle en poussant de petits cris.

Alec aida Max, dans un état second, à descendre du baril. Il lui mit son blouson sur la tête. Il attrapa ensuite les habits et les deux sacs. Puis, il prit Max par la main et l'entraîna dans la rue principale.

o0o0oOo0o0o

La rue principale se vida rapidement et les hôtels de passe furent pris d'assaut. Tout le monde cherchait un refuge contre la pluie. Après plusieurs minutes, Alec et Max entrèrent dans un hôtel crasseux. Le tableau derrière le guichetier montrait qu'il restait des chambres.

_ Quinze dollars l'heure, soixante pour la nuit, dit l'homme bedonnant, sans détourner le regard de son poste de télévision.

Alec posa les sacs par terre, les habits de Max par-dessus. La jeune femme fut presque choquée en sentant la main du X5 lâcher la sienne. Il fouilla dans les poches de son blouson de cuir pour prendre son portefeuille et donna soixante dollars.

_ Fiches de renseignements, fit l'homme en leur faisant glisser deux feuilles.

Alec déposa un billet de dix dollars sur chaque feuille. L'homme fit glisser une clé sur le comptoir. Alec la récupéra. Il reprit les affaires et la main de Max.

o0o0oOo0o0o

La chambre comportait un grand lit, encadré par deux tables de chevet, couvert avec un édredon élimé et un poste de télévision avec sa télécommande. Il n'y avait même pas d'armoire. Rares devaient être les gens qui restaient plus d'une nuit. Il y avait deux fenêtres, donnant sur la rue, dont une dont la vitre avait été remplacée par une planche en bois qui laissait entrer l'air. Une arche, avec un rideau épais en guise de porte, donnait sur une petite salle de bain, avec toilettes incluses.

Max, restée debout près de la porte d'entrée, s'attendait presque à voir passer des cafards ou un rat. Alec fit le tour de propriétaire. Il ouvrit les draps pour les vérifier et secoua la tête avec satisfaction. Au moins, c'était propre.

_ Je vais nous chercher à manger, dit Alec en récupérant son manteau. Il y a de l'eau chaude et des serviettes propres. Tu devrais prendre une douche pour te réchauffer. Je prends la clé et je ferme derrière moi. D'accord.

_ D'accord. Fais attention aux soldats, dehors.

_ Tu me connais, dit-il en sortant.

Max vérifia qu'il n'y avait pas de bestioles sous le lit et y glissa les sacs. Elle se doucha rapidement car l'eau chaude ne lui apporta aucun réconfort. Ce n'était pas qu'elle avait froid ou chaud, c'était qu'elle était encore sous le coup de ce qui s'était produit dans la ruelle. Si le premier échange lingual l'avait presque laisser de marbre, la suite l'avait remué. Elle avait eu une telle montée de désir pour Alec qu'elle se demanda si elle n'était pas en chaleur. Mais, le timing ne collait pas : c'était trop tôt.

o0o0oOo0o0o

Max, juste enroulée dans une serviette, était en train d'étendre du mieux qu'elle pouvait ses habits au moment où Alec revint. Il avait l'air d'avoir pris une douche, tout habillé. Le ventre de la jeune femme poussa en grognement tonitruant à l'odeur de la pizza achetée par le X5. Il lui donna la boîte à pizza et deux canettes de soda, puis alla prendre une douche. Max récupéra ses vêtements pour les mettre à sécher avec les siens. Avec la fenêtre cassée, la chambre était presque aussi humide que l'extérieur et elle n'était pas sûre que ce fusse possible.

_ Tu aurais dû manger tant que c'était chaud, dit Alec en sortant de la salle de bain, sa serviette autour de la taille.

_ Si j'avais ouvert la boîte, la pizza aurait été glacée pour toi. Au moins, là, elle sera tiède pour nous deux.

C'était bizarre de parler de chaleur avec Alec vue leurs derniers échanges sulfureux.

_ J'ai mis nos affaires à sécher, mais je doute que ça marche. Entre le temps pluvieux et la super fenêtre…

_ Ce sera mieux que rien, répondit-il.

Il alluma la télévision, qui afficha un film pour adulte. Max se concentra encore sur les vêtements pour cacher l'embrasement de ses joues. Alec zappa et tomba sur un autre film pour adulte. Puis, il y en eut un troisième, qui arracha un "beurk" au jeune homme. Pour lui faire dire ça, le film devait vraiment être particulier… Enfin, il y eut une émission sur la reproduction des animaux. Il y en avait pour tous les goûts.

Alec laissa l'émission. Il appela Max pour qu'elle vienne manger. Assis sur le côté gauche, comme à son habitude, il installa la pizza prédécoupée entre eux et donna une canette à Max.

Elle regardait distraitement la télévision en mangeant son côté de la pizza. Heureusement qu'elle était là et qu'elle faisait un bruit de fond. C'était toujours mieux que le silence gêné entre les deux transgéniques.

Alors qu'elle allait prendre le dernier morceau de sa moitié de pizza, la main d'Alec prit la part sous son nez. Elle lui envoya un coup dans le bras.

_ Hé ! C'est ma part de pizza ! Dit Max.

_ Considère ça comme ton pourboire pour me remercier d'être aller me geler les couilles pour aller chercher à bouffer.

_ Je ne t'ai rien demandé, dit Max en attrapant la main d'Alec avant qu'il ne mette la part dans la bouche.

Le X5 se dégagea violemment. Il s'ensuivit ensuite une lutte acharnée pour la dernière part de pizza.

Max finit saisir la part. Elle coinça son genou contre le ventre d'Alec, pour faire balancier, et jeta son corps en arrière pour éloigner efficacement le morceau des mains d'Alec. Avec rapidité, il poussa la jambe Max sur le côté et se jeta sur elle, bras tendu, pour saisir la part. Elle ne s'était pas attendue à ça. La tête à l'envers, elle ne put que regarder le morceau de pizza lui échapper de la main et atterrir par terre, le côté garni au sol.

Furieuse, Max serra le poing et ramena le bras près de son corps, tout en ramenant sa tête dans l'axe. Alec en fit autant. Et là, la fureur de la jeune femme s'envola en une seconde.

La lutte étant terminée pour cause de KO, elle prit conscience de la position dans laquelle ils se trouvaient tous les deux. Alec était allongé sur elle, qui avait une cuisse pliée contre la taille du jeune homme. Le bras, qu'elle avait ramené, était plus contre Alec que contre elle. Leurs visages étaient si proches que leurs nez se frôlaient. Fatalement, sa respiration accéléra et elle se rendit compte que la serviette, autour de son corps, était desserrée et prête à se défaire totalement d'elle-même.

Les deux X5 se regardèrent pendant un moment. Ce fut Alec qui se pencha et l'embrassa tendrement, mais, comme au gala de charité, ce fut elle qui lui répondit avec passion, pour reprendre là où ils s'étaient arrêtés dans la ruelle, avec une intensité encore plus forte.

Alors que la main d'Alec remontait le long de sa cuisse et se glissait sous la serviette, le bipeur de Max émit le son strident de sa sonnerie, figeant les deux transgéniques pendant plusieurs secondes. Puis, le téléphone portable d'Alec vibra. Il se mordit les lèvres, remonta doucement la serviette sur les seins de la jeune femme et se redressa pour répondre. Max s'assit sur le bord du lit en resserrant fermement sa serviette.

_ Oui ? Fit Alec après avoir coupé le son de la télévision. Mouais. Oui, je te la passe.

Alec tendit son portable. À voir l'expression sur le visage d'Alec, elle savait qui c'était : l'homme avec le meilleur timing du monde… ou le pire… selon le point de vue.

_ Salut Logan, dit-elle, pendant qu'Alec remettait la serviette autour de sa taille.

_ Salut Max. Tu vas bien ?

_ Ça va, dit-elle alors qu'Alec jetait les emballages vides et le cadavre de la part de pizza.

_ Sur le réseau, j'ai reçu une alerte disant que la Garde Nationale recherchait deux voleurs à Roseburg. C'est Alec et toi ?

_ Oui, répondit Max. C'est nous.

_ Tu es sûre que ça va ?

_ Oui, oui. Notre présence a juste été détectée. Ils ne savent même pas que je suis une femme et ils cherchent deux gars. Tu vois ? Rien de grave.

_ D'accord. Vous rentrez bientôt ?

_ Non. Les soldats ont bouclé la ville jusqu'au matin.

_ Tu veux que je prévienne Mole ou Dix ?

_ Non. On s'est trouvé une planque pour la nuit. Ça va aller, répondit Max, en voyant la serviette d'Alec atterrir au pied du lit, à côté d'elle.

_ Qu'est-ce que tu fous ? Demanda-t-elle à Alec, à voix basse.

_ Max, tu es sûre que ça ira ? Fit Logan.

_ Les draps sont propres et secs, répondit Alec. Je vais dormir un peu. Je n'ai pas d'ADN de requin, moi…

_ Et, tu es obligé de te foutre à poil pour ça ? Fit-elle entre ses dents.

_ Max ? appela Logan.

_ Ma serviette est mouillée, dit Alec.

_ Et, alors ? répliqua-t-elle.

_ Je n'aurais pas réussi à dormir avec elle, répondit Alec.

_ Max ? Tu m'entends ? Demanda Logan.

_ Quoi ? fit-elle.

_ Max, tout va bien ? demanda le journaliste.

_ Hein ? Oh non… Euh oui… c'est… C'est juste Alec qui me disait qu'il allait essayer de dormir un peu.

_ Ah, d'accord. Je peux rester en ligne avec toi toute la nuit, si tu veux, dit Logan.

_ Non ! Répondit vivement Max.

Ce n'était pas possible. Pas avec ce qu'il s'était passé dans la ruelle, puis dans la chambre. Et, encore moins avec Alec à côté d'elle. D'abord, il aurait entendu tout ce qu'elle aurait dit. Même avec une moitié de conversation, il aurait été capable de comprendre le reste. Enfin, Max était presque certaine que l'ouïe du X5 était assez fine pour capter les paroles de Logan depuis le téléphone.

_ Euh… je veux dire non. Tu… Il est tard. Toi, non plus, tu n'as pas d'ADN de requin. Va te coucher, dit Max. Je suis en sécurité. On se voit bientôt.

_ OK. Essaye de te reposer un peu quand-même. Il n'y a pas de raison qu'Alec soit le seul à se ménager.

_ Je vais essayer. Allez, bisous.

_ Bisous. Je t'aime, dit Logan.

_ Ouais. Moi aussi, répondit Max.

Max coupa la connexion et redonna son téléphone à Alec, qui le posa sur la table de chevet près de lui.

_ Ça te dérange si je laisse la télé allumée pendant que tu dors ? Demanda Max à Alec. Avec le son au minimum.

_ Non, vas-y. Ça me bercera.

o0o0oOo0o0o

Max continua à regarder l'émission sur la reproduction des fauves, puis il y eut une nouvelle émission animalière. Enveloppée dans une serviette humide, les cheveux trempés, elle avait l'impression qu'elle subissait les assauts de la mauvaise météo comme si elle était dehors. Elle savait pertinemment qu'enfiler ses habits ne l'aurait pas aidée. Elle avait d'autant plus froid qu'elle pouvait facilement comparer sa situation actuelle à celles dans la ruelle, ou plus tôt, dans la chambre, lorsque le corps chaud d'Alec était contre elle.

Sa nervosité ne l'aidait pas à se détendre ou à faire abstraction du froid. Elle était nerveuse à cause de ce qu'il s'était passé plus tôt avec Alec. Et, elle était encore plus nerveuse parce qu'Alec ne dormait toujours pas. Elle l'entendait à sa respiration.

Un courant d'air se fraya un chemin dans la chambre et un violent frisson lui arracha un gémissement involontaire.

_ Max ? Fit Alec, après avoir poussé un long soupir.

_ Oui ?

_ Viens te mettre au lit.

_ Non, merci.

_ Max, insista Alec. Vire ta serviette et viens te mettre sous les draps. Tu y seras mieux.

_ Non, ça va. En plus, je n'ai pas sommeil.

_ Je ne te parle pas de dormir.

« Quoi ! » cria intérieurement Max. « Non ! C'est impossible ! »

_ Max, dit Alec en s'asseyant.

La jeune femme se concentra sur la télévision et se força à ne pas se tourner vers son voisin.

_ Max. Je ne vais pas te sauter dessus. Tu n'as pas à t'en faire pour ça.

Elle craqua et regarda par-dessus son épaule.

_ Pour ma part, j'ai envie de dormir, mais tu fais trop de bruit en claquant des dents. C'est impossible de s'endormir dans ces conditions. Les draps sont chauds. Je t'assure. Donc, enlève ta serviette mouillée et viens te réchauffer. Tu n'auras qu'à continuer à regarder la télé. Moi, je dormirai de mon côté du lit.

_ D'accord, murmura-t-elle. Tu peux te tourner s'il te plaît ?

Alec opina du chef et se recoucha, dos à elle. Max constata que, comme l'avait dit le X5, les draps étaient chauds, et elle se réchauffa en quelques minutes. Alec, de son côté, ne tarda pas à s'endormir.

Au bout d'un moment, Max coupa le son de la télévision, laissant défiler les images, et se mit sur le côté pour regarder le dos d'Alec bouger en fonction de sa respiration. Elle n'arrivait plus à faire le point sur ses pensées ou sur ses envies. Elle passa la nuit à observer Alec et à réfléchir.

o0o0oOo0o0o

Max fut réveillée par une dispute dans le couloir de l'hôtel.

« Bouclez-là ! » pensa-t-elle.

Les personnes en colère se déplacèrent et les cris de la dispute s'éloignèrent. Elle soupira de soulagement et frotta le bout de son nez sur la peau chaude du dos d'Alec.

« La peau d'Alec ! » s'exclama-t-elle, en ouvrant brusquement les yeux.

Alec avait fait ce qu'il avait dit : il était resté de son côté du lit. Mais, ce ne fut pas le cas de Max. Elle avait observé le X5 jusqu'à l'aube, mais cette vision apaisante avait eu pour effet de l'assoupir pendant une petite heure. Et, dans son sommeil, elle avait rejoint le corps d'Alec pour l'enlacer. Elle était à moitié à cheval sur lui.

_ Salut, dit Alec. Quand tu seras réveillée, je veux bien que tu me rendes mon corps… Il est déjà tard et on en a pour presque six heures de route…

C'était très gênant. Max, les joues en feu, se détacha doucement de lui. Alec s'assit sur le bord du lit et se leva presque aussitôt. Les yeux de Max se trouvèrent alors pile à la hauteur des fesses du transgénique. Morte de honte, ou d'autre chose, elle enfouit son visage dans l'oreiller, qui embaumait l'odeur d'Alec. Elle préféra l'odeur à la vue. C'était plus facile à gérer en terme d'émotion.

o0o0oOo0o0o

Max et Alec se mirent rapidement en route et quittèrent l'hôtel sans échanger un seul mot. Du point de vue de la jeune femme, ce n'était pas plus mal. Elle ne savait plus où se mettre.

L'averse de la nuit avait laissé la place à un soleil radieux et le trajet vers Seattle aurait pu être agréable, si les vêtements avaient pu sécher un peu. Malheureusement, beau temps ou non, rouler avec des habits mouillés faisait que Max avait toujours un peu froid.

o0o0oOo0o0o

Après avoir fait la moitié de leur trajet-retour, après Portland, Alec fit signe à Max. Ils s'arrêtèrent sur une aire d'autoroute, non loin de Castel Rock. Toujours chargés des sacs de butin, ils entrèrent dans un restaurant saturé de routiers en pause déjeuner.

Une serveuse, entre deux âges, les installa sur une banquette face au comptoir, dissimulé par les autres clients, et prit leurs commandes. Max n'avait qu'une moitié de pizza, moins une part, dans le ventre et mourrait de faim.

Max laissa échapper une expression de surprise en goûtant son cake salé. C'était excellent. Elle se tourna vers Alec. Il semblait subjugué par son omelette, accompagnée de bacon grillé. Ils ne tardèrent pas à échanger leurs assiettes respectives pour goûter le plat de l'autre. Titillés par leur curiosité féline et leur gourmandise, ils commandèrent des plats différents. Et, c'était toujours succulent.

Au final, ils se trouvèrent à essayer tous les aliments de la carte, en partageant à chaque fois de façon équitable, et s'extasièrent à chaque fois. Inquiète d'une consommation si impressionnante, la serveuse leur demanda de payer leur addition au fur et à mesure des nouvelles commandes.

o0o0oOo0o0o

Après deux heures au chaud et après avoir avalé un repas plus que copieux, Max était rassasiée et physiquement apaisée. Alec et elle commandèrent leurs cafés et payèrent la fin de l'addition à la serveuse. Plus tard, un homme, d'une cinquantaine d'années, en tenue de cuisinier, arriva avec les cafés et une grande coupe colorée, sur un plateau.

_ Qu'est-ce que c'est ? Demanda Max, alors que l'homme déposa la coupe devant eux.

_ Une recette spéciale de milk-shake vanille-fraise, répondit l'homme.

_ On vous doit combien ? Demanda Alec, en attrapant son portefeuille.

_ C'est cadeau, répondit l'homme. Il paraît que ça fait deux heures que vous goûtez à toute ma cuisine et que vous n'en faites que des éloges.

_ Alors, c'est vous ! S'exclama Alec. Vous êtes mon héros !

_ Je crois bien que c'est le meilleur repas que j'ai fait de toute ma vie, ajouta Max.

_ Vous êtes marié ? Demanda Alec. Parce que, là, je veux vous épouser et vous ramener chez moi jusqu'à la fin de ma vie !

_ Je l'ai vu en premier, dit Max en plaisantant.

_ Haha ! Fit l'homme. Vous me flattez tous les deux.

_ Pourquoi êtes-vous dans un endroit comme celui-ci ? Demanda le jeune homme. Avec un tel talent, vous pourriez avoir un restaurant dans une grande ville.

_ C'était mon ancienne vie. Ma femme a la santé fragile. Alors, on a déménagé pour vivre au calme.

_ Romantique et fin cuisinier, je crois que je suis amoureuse, dit Max en riant.

_ Petite effrontée, commenta le X5, en lui faisant un clin d'œil, qui fit rire le cuisinier.

_ Revenez quand vous voulez, les enfants, dit l'homme.

L'homme passa à d'autres tables pour saluer des connaissances avant de retourner en cuisine.

_ J'envisage vraiment de m'organiser pour revenir ici, à l'occasion. Après toi, ajouta Alec, en faisant glisser la coupe devant Max.

Max observa la coupe rosée. Le mélange était parsemé de confettis comestibles en forme de cœur, rouge comme la paille qui y était plongée. C'était mignon comme tout… et délicieux.

À la moitié du milk-shake, le silence soudain du restaurant, après le départ de la majorité des clients, fit que la jeune femme releva la tête. Et, elle fut pétrifiée par ce qu'elle vit. Le bas du comptoir était un long miroir. Cela se faisait souvent, dans les espaces clos, d'ajouter des miroirs pour donner une impression de grandeur. Avec les autres clients, elle ne l'avait pas remarqué avant. Le problème de ce miroir était ce qu'elle y voyait. Elle voyait le reflet de son visage stupéfait.

Elle venait de comprendre la décoration de la coupe du milk-shake. Et, pour la première fois, elle comprit les allusions des uns et des autres au sujet d'Alec et elle. Ils étaient proches. Vraiment très proches. Elle ne s'en était pas aperçue. Ils étaient assis l'un contre l'autre. La jambe droite de la jeune femme était collée de tout son long contre la jambe gauche de son voisin. Max aurait pu avoir les jambes sur celles d'Alec que leur reflets auraient été à peine différents. Alec buvait tranquillement son café, dans sa main droite. Le bras gauche du X5 était appuyé sur le dossier, dans le dos de Max, lui encadrant les épaules. Il ne la touchait pas mais, visuellement parlant, on aurait dit qu'il la tenait contre lui.

Le reflet Alec posa sa tasse de café. Le reflet de son bras quitta le dossier et se posa sur le reflet de l'épaule de la jeune femme. De sa main libre, le reflet d'Alec saisit le reflet de la coupe en entourant la main de Max. Alec se pencha sur elle. Ses cheveux lui frôlèrent l'arête de la mâchoire. Il pinça doucement les lèvres autour de la paille pour aspirer le contenu de la coupe. Max trouva que ce geste reflété avait quelque chose de sensuel.

Alec et elle avait l'air d'un couple. N'importe qui les auraient vu ainsi. Même elle, elle eut un doute en voyant leurs reflets presque enlacés. C'était étonnamment troublant. Mais, sans plus. Elle n'était pas gênée, ni embarrassée. Elle était juste troublée par ce qu'elle voyait. Elle ne savait pas quoi faire… ou penser.

Alec aspira les dernières gouttes du mélange et se redressa en soupirant de satisfaction. Max le regarda enfin directement. Il était beau.

« Depuis quand je le trouve beau ? » se demanda-t-elle, toute hébétée.

Le X5 la regarda dans les yeux et la fit rougir. Il fit un sourire en coin et son pouce droit alla caresser doucement la lèvre inférieure de la jeune femme. Il ramena alors son pouce, avec une fine goutte de milk-shake, contre ses propres lèvres et le suça. Max eut une folle envie des lèvres du jeune homme. Fort heureusement, son hébétude la paralysait.

_ Max ?

_ Oui ? Répondit-elle, machinalement.

_ Tu vas bien ? Demanda Alec, avec une réelle sollicitude, particulièrement attrayante.

_ Je vais toujours bien, répondit-elle, en reprenant subitement possession de son corps.

Alec rigola de cette réponse.

_ C'est ma réplique, ça…

_Tu n'as qu'à porter plainte pour violation des droits d'auteur, dit-elle en réussissant à s'écarter du X5.

C'était une sensation toujours désagréable de devoir s'éloigner de lui. Elle se redemanda si elle n'allait pas avoir ses chaleurs sous peu malgré le timing qui ne correspondait pas.

_ Dis-moi… je pensais à un truc… commença Alec.

_ Vas-y. À quoi tu penses ? fit Max, ravie de pouvoir essayer de se concentrer sur un sujet plus intellectuel que physique.

_ Je me disais qu'on pourrait peut-être…

« Avoir une relation ? » s'exclama Max, en terminant la phrase d'Alec dans sa tête.

_ Voir pour former deux autres X5 aux missions du Veilleur. Ou des X6 peut-être…

Max hocha la tête de soulagement et le transgénique prit ça pour une approbation.

_ Comme ça, continua Alec, Logan pourrait avoir trois équipes de transgéniques.

_ Oui. C'est une bonne idée, dit-elle. Tu as déjà des transgéniques en vue ? Il en faudrait deux qui arrivent à s'entendre, à s'entendre avec Logan et à comprendre ses idéaux.

_ Non, tu…

_ Quoi ?

_ Tu n'as pas compris ce que je disais.

_ Et, qu'est-ce que tu disais ? Demanda-t-elle.

_ Je disais qu'on pourrait former deux séries X.

_ Oui. Et ?

_ Chacun de nous.

Max ne comprenait pas où Alec voulait en venir.

_ Chacun de son côté, ajouta-t-il au bout d'un moment.

_ Pourquoi voudrais-tu que…

_ Pour qu'on n'ait plus à travailler ensemble tous les deux.

_ Je te demande pardon ? Répliqua-t-elle vivement.

_ Je crois qu'il faut qu'on arrête de partir en mission ensemble, Max.

_ Et, qu'est-ce qui te fait penser ça ? Demanda-t-elle, froidement.

_ Tu as vu ce qu'il s'est passé hier ?

_ Tu parles du fait qu'on ait mené à bien une mission ? Fit-elle, en retenant sa colère.

_ Max, on n'est plus… On n'arrive pas à prendre du recul lorsqu'on est ensemble. On est trop focalisé l'un sur l'autre. On est distrait et on s'amuse. On n'aurait jamais dû se faire repérer hier. On a tous les deux merdé.

_ C'est arrivé une fois. Et, alors ?

_ Max… C'est comme ça à chaque fois qu'on est en mission, maintenant. Que ce soit pour un simple cambriolage ou pour un mission plus périlleuse. C'est dangereux pour nous deux. Et, je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit à cause de moi. Je ne m'en remettrai jamais, ajouta-t-il en lui caressant la joue.

Alec la regarda, les yeux troublés d'émotion. Elle voyait toute sa détresse, toute sa peur et toute sa sincérité. Elle eut un pincement au cœur. C'était vrai. Les missions étaient devenues amusantes grâce à la présence d'Alec. Peut-être trop amusantes…

_ Je crois qu'il faut aussi qu'on arrête de vivre ensemble, ajouta Alec après plusieurs secondes.

Cette fois, ce ne fut pas un pincement au cœur qu'elle ressentit, mais un déchirement.

_ Tu me mets dehors ? Demanda Max.

_ Non, dit rapidement Alec. Je… Je t'ai dit que ma maison serait la tienne si tu le voulais…

_ Je le veux, coupa Max.

Alec fit un sourire triste et amer.

_ Je ne te mettrais jamais à la porte. Mais, il faut qu'on arrête de passer du temps ensemble… juste tous les deux.

_ Pourquoi ? J'ai fait quelque chose de mal ? Demanda Max, les larmes aux bords des yeux.

Alec secoua la tête en silence. Pourquoi faisait-il ça ? Pourquoi disait-il tout ça ?

_ Reste à l'appartement. Tu peux prendre ma chambre si tu veux, dit Alec. Tu y seras mieux. Elle est plus grande. Tu as toujours bien aimé y être.

« C'est parce que c'était ta chambre, et que tu y étais, que j'aimais être dedans. Sans toi, ce ne sera plus pareil. » pensa Max, rendu muette par son chagrin.

_ C'est moi qui partirait. Je retournerai vivre au centre-ville. Maintenant que tout va bien, il n'est plus nécessaire de vivre à Terminal City.

_ Alors, tu me quittes vraiment ? Demanda Max, en sentant une larme rouler le long de sa joue.

_ On se verra toujours. Tous les jours à Jam Pony. Tous les samedis aux réunions. Et, on se croisera sans doute à Terminal City.

_ Mais, ce ne sera plus comme avant.

_ Et, c'est une bonne chose, conclut Alec. Pour tout le monde.

o0o0oOo0o0o

Max lutta pour faire bonne figure pour sortir du restaurant dans la dignité. Elle dût lutter pour se présenter devant son revendeur et faire affaire avec lui. Elle était si déprimée qu'elle n'arriva pas à profiter de ses derniers moments avec Alec. Elle avait l'impression qu'on venait de lui arracher une partie de son âme.

La lutte la plus dure fut d'aller voir Logan en compagnie d'Alec. Le X5 donna la totalité de l'argent au journaliste, y compris sa part. Il détailla ensuite "leur" projet, à Max et à lui, de travailler séparément pour pouvoir former et rallier d'autres soldats transgéniques à la Cause. Les deux hommes parlèrent avec animation des options possibles pendant plusieurs dizaines de minutes. Ce fut horrible.

o0o0oOo0o0o

Finalement, Alec partit directement vers centre-ville et son "chez lui", en saluant Max et Logan d'un simple geste de la main. L'ordinaire proposa à la jeune femme de rester chez lui, mais elle refusa au motif qu'elle voulait se changer.

Max rentra à Terminal City. Arrivée, à "son" appartement, elle ferma la porte derrière elle et se retourna pour se rendre compte que l'appartement ne serait plus jamais le même si Alec n'y vivait plus. Elle explosa en sanglot et tomba à genoux.


à suivre