LE CENTRE DE FERTILITÉ
Attention : ce chapitre comprend des détails qui pourraient heurter la sensibilité de certaines personnes : violence et violence envers les animaux.
Seattle, appartement de Logan Cale, mardi 31 mai 2022, début de soirée
LOGAN
Alors que Logan expliquait le plan, qu'il avait conçu en partenariat avec Alec, à Asha, pour qu'elle puisse en informer les autres membres du S1W, Max entra dans son appartement, avec une telle violence que la porte manqua de sortir de ses gonds.
_ Il n'en est pas question ! Cria-t-elle en arrivant dans le bureau.
_ Franchement, des fois, je pourrais jurer que tu as tes règles… fit Alec.
_ Boucles-là, Alec ! Logan, c'est hors de question ! Ajouta la X5 à l'attention du journaliste.
_ De toute façon, j'ai déjà accepté, dit Alec avant que Logan n'ait pu ouvrir la bouche.
_ Je ne te laisserai pas faire ! Cria Max.
_ Vous voulez bien nous excuser ? Fit le X5, aux deux ordinaires.
Alec attrapa Max par le bras et l'entraîna dehors.
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Quelques jours auparavant, Logan s'était félicité d'avoir accepté la proposition de séparer les deux X5 pour les faire travailler avec d'autres transgéniques. Le but avait été de préparer la relève et d'augmenter le nombre de missions pour le Veilleur. Personnellement, il avait surtout accepté pour voir Alec et Max moins souvent ensemble. Officiellement, la proposition venait des deux transgéniques. Mais, très vite, il s'était rendu compte que ça avait été une idée d'Alec et que Max ne l'approuvait pas. Malheureusement pour Max et heureusement pour Logan, Alec était buté et ne changea pas d'avis.
La jeune femme devait choisir son nouveau ou sa nouvelle partenaire. Comme elle n'avait rien entreprit, c'était Alec qui s'était chargé de faire une pré-sélection. Mais, Max n'avait fait aucun effort. Pire, elle s'était montré suffisamment caractérielle pour que deux X5 se désistent.
De son côté, Alec avait réagi avec promptitude. Il avait choisi de former un X6, Dalton, qui lui était dévoué. Le premier cambriolage pour Terminal City se déroula à merveille. Mais, ce ne fut pas le cas de la première mission pour le Veilleur. Dalton était revenu, couvert d'égratignures et totalement paniqué, au centre de commande. Alec avait dû rester en arrière pour lui permettre de fuir. Le X6 reconnaissait que c'était de sa faute. Voulant impressionner son idole, il lui avait désobéi et s'était mis en danger. Alec estimait que c'était sa faute à lui. Il disait avoir commis une erreur de jugement au sujet de son apprenti. Le X5 s'était vite remis de ses blessures. Il avait finalement choisi de ne pas chercher de partenaire. Comme il l'avait rappelé, il était un spécialiste des missions en solitaire. Il avait donc décidé de continuer seul. Et, il fallait bien reconnaître qu'il était d'une efficacité impressionnante.
Seulement, l'échec de la première mission, avec Dalton, pour le compte du Veilleur, était resté en travers de la gorge de Max. La jeune femme avait reproché au cybercriminel d'avoir mis en jeu la vie d'Alec et de Dalton. Elle avait même accusé Logan de vouloir tuer Alec comme il l'avait fait avec Seth, son frère, au nom d'une "stupide mission pour le sans intérêt combat du Veilleur", d'après les termes de la X5. Bien sûr, ce n'était pas vrai. D'abord, Logan n'avait jamais voulu la mort de Seth. Il avait fini par s'habituer à l'irascibilité de cet évadé de 2009 et à l'apprécier. Ensuite, Logan ne souhaitait ni la mort de Dalton, ni celle d'Alec. Il ne pouvait pas nier qu'il n'appréciait pas le jeune homme, mais il ne cherchait pas à le tuer pour autant. Surtout que, comme l'avait dit Max dans son coup de gueule, il était bien conscient que s'il devait arriver malheur au X5 pendant une mission du Veilleur, Max ne lui pardonnerait pas. Elle avait déjà eu du mal à lui pardonner la mort de son frère, Seth. Il n'était même pas certain qu'elle ait totalement passé l'éponge à ce sujet.
La séparation des deux X5 n'avait fait qu'aggraver le côté surprotecteur de Max envers son homologue. Au point que le Veilleur avait même hésité à retirer définitivement Alec de la liste des personnes pouvant l'aider, pour éviter de provoquer la colère de la jeune femme. Mais, Alec s'était lui-même présenté à Logan pour lui apporter son aide. Concernant Max, le transgénique disait qu'il fallait qu'elle s'habitue à ne plus pouvoir contrôler sa vie. Là où le X5 voyait une obsession maladive de contrôle de la vie d'autrui, Logan voyait une affection sans limite et la crainte de le perdre. Alec avait eu l'idée de mettre Max au pied du mur. Il réalisa une mission et, après coup, il avait prévenu Max. La X5 avait été furieuse contre son ancien partenaire mais, comme il le faisait remarquer à qui voulait l'entendre, il avait l'habitude. Malgré tout, Logan avait d'abord choisi une mission simple et sans risque. Alec avait remarqué ce détail. Il avait donc fouillé dans les affaires du journaliste pour trouver une mission difficile et avait prouvé qu'il s'en sortait très bien dans d'autres situations, après avoir exécuté la mission simple.
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Là, la future mission était très différente d'une simple mission du Veilleur. Il s'agissait d'une mission complexe, possiblement avec un sauvetage à effectuer pour les S1W. La mission initiale, qui avait eu lieu plusieurs semaines en arrière, aurait dû être une mission de renseignements sans danger. Il avait été signalé, sur le réseau, que des jeunes femmes et, plus rarement, quelques jeunes hommes disparaissaient. Les disparus étaient des gens modestes, à la vie stable, voire des personnes à la vie prospère, et non des personnes isolées ou avec des problèmes financiers, comme souvent dans les trafics d'humains. L'hypothèse du trafic fut immédiatement écartée.
Le point commun des disparus ? Être passer par un institut médical privé pour les couples ayant du mal à avoir des enfants. Logan n'avait même pas été certain que cela soit un vrai problème de disparition. Il ne s'y était intéressé que parce que la cousine du frère d'un ami d'un ami d'un contact du Veilleur avait disparu. Le centre était référencé et les couples qui en sortaient avait réussi à procréer. Les "disparitions" semblaient naturelles. Les époux ne réussissant pas à avoir d'enfant, le couple volait en éclat, et le "disparu" retournait chez lui ou prenait des vacances, après avoir rompu avec sa moitié, pour changer d'air.
Il fallait juste aller faire un tour au centre et voir que rien de louche ne s'y déroulait. Parmi les membres du S1W, il y avait un jeune couple, Colin et Judy, qui n'arrivait pas à avoir d'enfant. En guise de cadeau de mariage, Logan, en tant qu'ami, et plusieurs membres du S1W avaient mis des fonds en commun, le séjour étant très cher, pour offrir l'opportunité au jeune couple de pouvoir consulter des spécialistes de la reproduction, tout en se renseignant discrètement sur un faux problème de disparition.
Plus tard, la jeune femme avait écrit dans une lettre qu'elle renonçait à avoir un enfant et avait transmis un dossier de divorce aux affaires familial du tribunal de Seattle. Elle disait vouloir se ressourcer. Elle avait pris un billet d'avion, sans retour, pour les Caraïbes. L'homme du couple disait que c'était impossible et qu'elle n'aurait jamais fait ça. Et ce, malgré le fait qu'on ait effectivement bien trouvé le dossier de divorce, rempli et signé de la main de la jeune femme, déposé au tribunal des affaires familiales, la preuve d'achat du billet d'avion et une vidéo de sécurité de la jeune femme montant dans l'avion.
Colin, le conjoint déchu n'écouta ni les conseils de ses amis, ni ceux des membres du S1W, ni ceux de Logan, qu'il avait sollicité comme intermédiaire du Veilleur. Il avait choisi de mener l'enquête par lui-même. En conclusion, il avait été retrouvé assassiné dans une ruelle non loin de sa fausse adresse de résidence, qui avait été fourni au centre médical en guise de couverture. Grâce à Matt Sung, qui avait reconnu le visage d'un des contacts de Logan, le Veilleur avait été prévenu. Le policier avait également remarqué que le meurtre avait été grossièrement maquillé en vol de portefeuille qui avait mal tourné.
Logan étudia alors attentivement la vidéo de l'aéroport et découvrit qu'une femme avait bien pris l'avion pour les Caraïbes, mais qu'il ne s'agissait pas de Judy. Par la suite, il étudia avec attention les autres disparitions. Il trouva des irrégularités à chaque fois. Il s'en voulut de ne pas avoir été plus précautionneux. Il aurait pu sauver une vie, a minima.
La brochure vantait un centre sécurisé, dans un écrin de verdure, loin des tumultes du monde, pour permettre au couple de se ressourcer et de ne se focaliser que sur lui. Il y avait tout un tas de commodités sur place : pressing, salle de sport, cuisine gastronomique… Les gens y venaient en pension complète : totalement logés et nourris pendant leur séjour. Le bâtiment se situait sur la Tiger Moutain, à l'ouest de Seattle, en pleine forêt, loin des routes. Le centre se trouvait en zone blanche : isolé du réseau mobile et internet. Dans une Amérique Post-Impulsion ça n'avait rien de surprenant. Mais, cumulé au reste, cela semblait avoir été fait exprès.
Tant bien que mal, Logan réussit à obtenir trois images satellite, de mauvaise qualité, du site. Il ne repéra rien d'anormal. En allant à Terminal City, pour voir si Dix pouvait améliorer les clichés, Logan croisa Alec. Nerveux de cette rencontre, à cause du comportement de Max, il fit tomber les images. En les ramassant, le X5 demanda, spontanément au journaliste, ce qu'il faisait avec des images satellite d'un site militaire. Le transgénique avait dit ça avec tellement de naturel que Logan lui-même regarda de nouveau les photos en cherchant ce qui semblait évident aux yeux de l'ancien soldat. Il ne vit rien. Dix réussit à affiner la définition des clichés et le coup d'œil expert d'Alec s'avéra juste. Ce fut à ce moment que le transgénique prit part à la mission.
Malgré une étude acharnée, Logan n'obtint pas d'information sur les disparus. Il fallait donc retourner sur place. Asha et plusieurs membres du S1W s'étaient portés volontaires. Mais, cette fois-ci, il fallait des professionnels. Alec, ayant été également un ami de l'homme décédé, avait immédiatement mis à disposition ses compétences pour s'infiltrer dans le centre médical. Il fallait être deux pour cela. La partenaire de choix du X5 fut Max. Il était évident qu'elle accepterait qu'il fasse cette mission si elle était près de lui. Par ailleurs, la X5 avait déjà travaillé en compagnie de Colin et Judy. Alec n'aurait aucun mal à convaincre la jeune femme.
Logan n'aimait pas l'idée de faire une nouvelle fois appel à William et Coralie Montrose. Premièrement, parce que les deux personnages avaient été très sollicités dernièrement et qu'il valait mieux éviter de trop jouer avec l'usurpation d'identité de William Montrose. Deuxième et principale raison, aux yeux de Logan, Max et Alec semblaient trop à l'aise dans le rôle du jeune couple amoureux.
Malheureusement, le centre médical était sélectif sur les nouveaux venus. Et Logan avait remarqué qu'il y avait toujours un temps entre la disparition d'une personne et l'arrivée d'un nouveau couple au centre. Il fallait donc appâter les dirigeants de l'institut avec un couple VIP, pour qu'ils ouvrent leur lieux de travail. William et Coralie Montrose avaient une notoriété trop importante pour être ignorés. Par ailleurs, ils étaient jeunes et récemment mariés, mais n'avaient pas d'enfant et aucun grossesse en vue. Sur le papier, le scénario était idéal.
État de Washington, Tiger Mountain, jeudi 2 juin 2022, 18h00
ALEC
Alec conduisait tranquillement la voiture de Logan sur les routes sinueuses de la Tiger Mountain, tandis que Max parcourait les documents falsifiés fournis par le journaliste. D'après Logan, une disparition ayant eu lieu récemment, les deux transgéniques ne risquaient rien. Le X5 avait hésité à accepter cette mission car cela signifiait devoir travailler avec Max. C'était comme demander à un junkie de garder un stock d'héroïne sans avoir le droit d'y toucher. Mais, il voulait réellement faire la lumière sur les raisons de la mort de Colin, son ami.
Être William et Coralie Montrose le temps d'une soirée, c'était une chose, être William et Coralie Montrose au quotidien, sur plusieurs jours, s'en était une autre. Il avait fallu inventer de nouvelles histoires tout en respectant ce qui avait été précédemment dit. Un problème de procréation était tabou dans la société et la consultation de spécialistes encore plus. D'où leurs aspects plus modestes. La Lamborghini était restée au garage et ils utilisaient un véhicule commun pour ne pas attirer le regard des badauds, à savoir la voiture de Logan dont les plaques d'immatriculation avaient été falsifiées.
Leurs styles vestimentaires seraient aussi plus raisonnables que leurs tenues de soirée. Alec n'avait pas énormément de modification à faire. Il s'était procuré plusieurs chemises neuves de bonne facture, ainsi que deux vestes, deux cravates, qu'il n'avait pas l'intention de porter, et trois pantalons. Il devait juste faire "fils de bonne famille" et ça, il savait faire.
Le vrai défi était pour Max. Au revoir pantalon moulant et panoplie de motard. Au début, elle et Original Cindy étaient parties en repérage pour que la X5 puisse "faire les boutiques" façon cambriolage. La jeune femme refusant tout ce que sa meilleure amie proposait, Alec mandata Cindy de faire les emplettes par elle-même et avait monopolisé Max pour qu'elle n'ait pas son mot à dire. Il était assez curieux du résultat qui allait apparaître lorsque la transgénique ouvrirait sa valise. Déjà là, il était étrange de la voir en pantalon en tissu beige, accompagné d'un chemisier élégant, et en mocassin de cuir brun et le sac à main assorti. Max avait fait une crise en voyant sa tenue de voyage et avait failli renoncer à la mission. Il avait fallu qu'Alec, Logan, Original Cindy et Asha joignent leurs forces pour la convaincre. La jeune femme était très nerveuse à l'idée de découvrir le contenu de son bagage.
Pour s'occuper durant le trajet d'une heure et demi, Max étudiait les documents administratifs du couple Montrose tout en faisant un résumé à Alec. Une dizaine de minutes avant leur arrivée, Max gloussa de satisfaction. Compte-tenu de son agacement, ce rire ne présageait rien de bon pour lui.
_ Je peux savoir ce qui t'amuse ? Demanda-t-il.
_ Très cher William…
« Ça commence mal » pensa le X5.
_ Tu es impuissant, dit Max en souriant.
Alec manqua de faire piler la voiture.
_ Ça ne va pas de dire des choses comme ça ! S'exclama-t-il.
_ Ce n'est pas moi qui le dit… répondit la jeune femme, retenant à peine son rire. C'est "ta" prise de sang et "ton" analyse de sperme qui le disent.
_ Elles disent quoi ?
_ Tu manques de testostérone et tu as un début de diabète, et ton sperme est d'une piètre qualité. C'est pour ce genre de détail que j'adore Logan. Coralie va parfaitement bien.
_ William n'est pas impuissant. Le problème est hormonal. Je vous en foutrais de l'impuissance moi ! Pesta-t-il, alors que Max riait aux éclats.
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Max eut un mal fou à reprendre son sérieux. Elle faillit louper la localisation du début de la zone blanche. Elle pouffait encore régulièrement, lorsqu'ils arrivèrent à l'entrée de la cour de l'institut, mais l'ambiance quasi-militaire de la zone la calma rapidement. Un garde sortit d'un kiosque en bois, près du quel se trouvait un brasero, pour l'heure éteint. L'homme, qui leur leva la barrière de sécurité, était armé d'un fusil d'assaut. Il était évident que l'endroit était plus qu'un centre contre l'infertilité.
L'enceinte était entourée par une clôture de plusieurs mètres couronnée de barbelés, comme à Manticore. Une petite tour de surveillance se trouvait dans un coin, à leur gauche, perchée sur un pan de falaise. Le garde, muni d'un fusil à canon long, idéal pour le tir à distance, devait avoir une vue d'ensemble sur la zone. Et, il y avait des gardes armés qui patrouillaient deux par deux sur le terrain. À leur carrure et leur démarche, il ne faisait aucune doute qu'ils étaient soit d'anciens militaires, soit des mercenaires expérimentés.
Alec stationna la voiture de Logan aux côtés d'autres véhicules civiles. Les transgéniques échangèrent un regard avant de descendre comme si de rien n'était. Deux soldats s'approchèrent d'eux.
_ William et Coralie Montrose ? Demanda le plus costaud des deux hommes, de façon abrupte.
_ Oui, répondit Alec.
_ Veuillez nous suivre.
Alec se dirigea vers le coffre.
_ Nous allons nous charger de sortir vos bagages et de les porter dans votre chambre. Clé du véhicule, Monsieur, ajouta-t-il l'homme.
« Donc, les bagages sont effectivement fouillés et la voiture, confisquée… On se croirait plus dans un centre de détention » pensa le X5. « Heureusement que Logan nous a prévenu et qu'on n'a rien d'étrange avec nous… ».
_ Dis donc, minauda Max, qui devait être arrivée aux mêmes conclusions qu'Alec. On se croirait à l'armée ! S'exclama-t-elle avec un faux étonnement.
_ C'est pour votre sécurité, Madame.
« Ou pour autre chose » pensa Alec.
_ Notre sécurité ? On risque quelque chose ici ? Fit Max. On n'a rien vu de bizarre sur la route. Seattle est plus dangereuse.
_ Cet endroit est totalement autonome en énergie. Nous avons des réserves d'eau, de nourriture et d'essence. Les gens des environs nous envient et n'hésitent pas à passer à l'attaque. Nous faisons ce qu'il faut pour les faire partir.
_ Et bien, merci Monsieur, fit Alec en tendant la main droite vers l'homme. C'est rassurant de savoir que vous êtes là.
L'homme serra fermement la main du transgénique. Un militaire n'aurait jamais fait un tel geste. Il aurait salué ou il serait resté neutre. L'homme était donc un mercenaire.
_ Je n'aurais jamais imaginé qu'il pouvait y avoir du danger hors des villes, commenta Max, dans son rôle de riche citadine naïve.
_ Ne vous inquiétez pas, Madame. Dès que vous aurez passé ces portes, vous ne saurez plus que nous sommes ici.
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À l'intérieur du bâtiment, un agent de sécurité, en costume cravate, probablement un autre mercenaire, les prit en charge. Les soldats donnèrent la clé de voiture à une secrétaire, qui les accrocha sur un portant spécifique, près de cinq autres jeu de clés, et disparurent dans un couloir avec les valises. La secrétaire leur donna des brochures aux allures touristiques et l'agent de sécurité commença la visite et la présentation des lieux.
L'endroit était spacieux et comportait tout le nécessaire pour être autonome. On expliqua que le sous-sol, qui n'était pas prévu pour être visité, contenait les réserves de vivres, les produits médicaux, les produits d'entretien, et une buanderie pour le nettoyage de linge. Le dernier étage ne se visitait pas non plus. C'était les appartements du personnel permanent de l'établissement. Le rez-de-jardin était constitué des cuisines, de la salle à manger commune, de deux grands salons et de deux autres plus petits, une salle de sport, un piscine en intérieur, et d'une salle de détente avec un grand téléviseur et un billard.
Ils croisèrent d'autres hommes en costume qui arpentaient les couloirs.
Le jardin, qui avait été dissimulé à leur vue à l'arrivée par le bâtiment, était vaste et paysagé. Dans ce petit parc privatif, il y avait des tables de tailles moyenne pour déjeuner ou jouer aux cartes, un cour de badminton, de jolis bassins ça-et-là, des chaises longues pour se reposer au soleil. À croire que l'Impulsion n'avait jamais eu lieu. Max et Alec y rencontrèrent les autres pensionnaires. Cinq couples, entre trente et quarante ans, relativement aisés. Ils auraient pu les croiser au gala ou au bal en tant que William et Coralie Montrose. Mais, personne ne les reconnut. Ce qui était très bien en soi.
À l'étage, il y avait les salles de consultation médicales des médecins spécialisés, ainsi un psychiatre pour les thérapies de couple. Enfin, les chambres des clients. Après un tel étalage de pièces grandioses aux fonctions multiples, Alec fut surpris par la taille modeste de leur chambre. On leur expliqua que la chambre n'était faite que pour dormir et pour les activités intimes. Le reste du temps, en raison de leur planning chargé, ils seraient ailleurs.
Max feignit d'être désorientée et demanda s'il était possible d'avoir un plan des lieux. On lui répondit qu'elle trouverait toujours un membre du personnel pour la guider, de jour, comme de nuit. Déambuler la nuit, sans se faire remarquer, en quête de renseignements allait être difficile. D'autant qu'il y avait des caméras de sécurité à plusieurs endroits.
En franchissant la porte de la chambre, Alec nota immédiatement le léger bourdonnement caractéristique d'un appareil enregistreur. Il pencha un peu la tête, en feignant de dissimuler un bâillement et repéra l'emplacement de l'engin. Il devait s'agir d'une caméra, probablement nocturne, muni d'un micro. Son orientation donnait en plein sur le lit.
« Ces gens sont des pervers ! » pensa-t-il. « Ils espionnent les couples pourquoi voir comment ils baisent ».
Tout de suite à droite de l'entrée, il y avait une petite salle d'eau avec les toilettes incluses. Ensuite, il y avait la partie chambre : un lit double sur la droite, encadré de deux petites tables de chevet, après l'angle de la salle de bain, une grande armoire en face de la porte d'entrée, à côté de laquelle se trouvait un bureau, lui-même devant une fenêtre. Dans l'autre angle de la pièce, il y avait un fauteuil, puis un guéridon. Un grand miroir sur pied faisait le lien entre le meuble et la première table de chevet.
Max contourna les valises, devant le bureau, pour tenter d'ouvrir la fenêtre.
_ Oh ! S'exclama-t-elle. C'est coincé.
_ Les fenêtres sont toutes condamnées, Madame.
_ Mais, comment faites-vous pour aérer ? Ce n'est pas sain !
_ Le système de ventilation est très efficace. Soyez sans crainte.
« Mouais… c'est une prison de luxe… enfin, à part la chambre qui est nulle » pensa Alec.
_ Je vous laisse défaire vos bagages. Il y a de la place sous le lit pour glisser les valises vides. Vous pouvez aussi vous rafraîchir avant de venir dîner dans trente minutes. Quelqu'un vous attendra devant la porte de votre chambre, dit l'homme.
_ Merci, Monsieur, fit Alec, en le raccompagnant à la porte. Tiens ! Il n'y a pas de verrou ! Ajouta-t-il.
_ Ce n'est pas nécessaire. Personne ne viendra de votre chambre. Bonne soirée. Madame, Monsieur, dit l'homme en partant.
Alec pivota et fit une grimace à Max, car il se savait dans l'angle mort de la caméra. Elle lui répondit par un sourire forcé. Ils n'allaient même pas pouvoir échanger librement dans leur chambre. Pire (ou mieux), s'ils étaient surveillés dans leur chambre, cela voulait dire qu'ils allaient devoir se comporter comme un couple y compris dans cette pièce, avec tout ce que ça pouvait inclure comme activités de couple cherchant à avoir un enfant. Coucher avec Max n'aurait pas été un problème. Mais, coucher avec elle, par obligation, devant une caméra… Déjà que sans la caméra ça ne s'était pas fait à Manticore, il était évident qu'ici, cela ne se ferait pas. Ils allaient donc être rapidement démasqués. Ils ne pouvaient pas compter non plus sur le fait de faire la mission discrètement, de nuit, puisque la surveillance rendait les choses particulièrement compliquées.
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Alec alla vers Max et souleva la valise de la jeune femme pour la mettre sur le bureau. Il en fit autant avec la sienne. Dos à la caméra, ils commencèrent à mettre leurs affaires dans l'armoire prévue à cet effet. Max poussa un long soupir en ouvrant sa "valise surprise". Alec prit leurs deux trousses de toilettes et alla les déposer dans la salle de bain. Il se figea en se rendant que, là aussi, il y avait une caméra. Plus discrète, certes, mais elle était là, au-dessus des toilettes. Il devait être possible de faire ses besoins sans être vu, en étant probablement entendu, mais la caméra devait filmer la douche et un bord du lavabo. La douche était faite pour accueillir deux personnes en même temps et avait des parois en verre… d'une transparence impeccable. En tant que William et Coralie, Alec et Max n'auraient aucun répit. Il allait devoir prévenir sa partenaire.
Il soulagea vessie, parce qu'il le fallait bien, et retourna auprès de Max. La jeune femme était figée devant sa valise. En arrivant à sa hauteur, Alec faillit exploser de rire en voyant ce qu'elle tenait dans les mains et qui la pétrifiait : une nuisette courte et sexy en satin. En faisant semblant de l'aider à vider le bagage, il se rendit compte que Max n'avait rien d'autre que le déshabillé pour dormir. Même ses dessous étaient… de vrais sous-vêtements de femme : de la lingerie fine. Le séjour allait être dur sur plusieurs points.
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Après un dîner qui s'avéra délicieux, les deux transgéniques étaient retournés dans leur chambre. Ils étaient en permanence collés l'un à l'autre, mais c'était pour parler en morse en se touchant. Max voulait partir et Alec ne pouvait pas l'en blâmer. Mais, aucun d'eux ne savaient comment faire. Il leur faudrait au moins toute la journée du lendemain juste pour se repérer à l'intérieur du centre. Seulement après, ils pourraient envisager un plan d'évasion.
Pour la soirée, Alec avait trouvé une parade pour la salle de bain et Max, une parade pour le sexe du premier soir.
Pour la salle de bain, Alec alluma l'eau chaude au maximum pour créer de la buée, puis il se servit d'un petit morceau dédoublé de papier toilette pour couvrir l'objectif de la caméra. Il faudrait juste penser à l'enlever après la douche. Ils allèrent ensemble dans la salle de bain et firent semblant de prendre une douche un peu coquine, alors qu'ils se relayaient sous le jet continu. Ils se respectaient assez pour ne pas s'observer. Alec libéra l'objectif la caméra, pour simuler la baisse de la quantité de buée, et ils commencèrent à se brosser les dents, côte à côte, toujours enroulés dans leurs serviettes. Ils avaient oublié un détail important en alla ensemble dans la salle de bain : prendre leurs tenues de nuit. Comme Max préférait remettre ses vêtements du voyage, quitte à perdre en crédibilité, Alec sortit pour se changer et récupérer la nuisette de Max au passage, pour la lui donner, pendant qu'elle faisait semblant de s'occuper d'elle devant le miroir embué de la salle de bain. Alec n'avait aucune honte à montrer ses fesses à une caméra : il l'avait déjà fait.
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Il s'installa côté gauche du lit, en boxer et T-shirt, les draps remontés jusqu'en-dessous de sa taille, et étudia le planning de leur séjour. Effectivement, ils n'avaient pas beaucoup de temps libre la première semaine. Un nouveau planning leur serait donné, en fonction de l'évolution de l'objectif de procréation, pour la semaine suivante.
Max déposa quelques produits de beauté et commença à se coiffer devant le miroir. Alec tourna la tête pour lui parler du planning, mais son cerveau, entre autre, bugga. Elle était incroyablement belle et séduisante dans la nuisette de satin. Le vêtement lui allait à la perfection. Juste assez serré pour permettre à Alec de voir les bosses formés par les tétons de la jeune femme et de distinguer les coutures de sa culotte, et juste assez ample pour permettre à la jeune de bouger sans contrainte.
Alec resta pétrifié devant cette vision. Max dut sentir son regard car elle tourna le visage vers lui.
_ Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle doucement.
_ Tu es magnifique, fit-il.
Max fut d'abord surprise, puis elle lui sourit avec tendresse.
_ Merci, Will chéri.
Elle regarda à nouveau le miroir et recommença à se brosser les cheveux. Cette réponse avait un goût amer pour Alec. Ce n'était William qui avait parlé et les mots ne s'adressaient pas à Coralie. Il les avait dit sans réfléchir.
Il reprit la lecture des documents ou, du moins, il essaya. Il n'arrivait pas à se concentrer car sa vision périphérique et son cerveau restaient fixés sur Max. Elle posa sa brosse à cheveux sur le guéridon et passa la main dans sa belle cascade brune, faisant s'emballer le cœur du jeune homme.
Max se tourna vers le lit et prit sans ménagement les papiers des mains d'Alec et les posa sur la table de chevet avant que le jeune homme n'ait eu le temps de faire la moindre contestation. Puis, elle grimpa sur le lit et s'installa à califourchon sur lui. Sous cet angle, Max portant une nuisette en satin était un spectacle encore plus incroyable. Par réflexe, il posa les mains sur le haut des deux cuisses de la jeune femme. Elle ramena ses cheveux sur son épaule droite, se pencha sur lui et la chevelure devint un rideau noir, bloquant sa vision périphérique. Max s'approcha de son visage et vint coller sa tempe à celle du jeune homme. Ils restèrent ainsi quelques secondes avant que la X5 ne se redresse brusquement en s'exclamant :
_ Oh ! Mon chéri, quel dommage que tu sois si fatigué !
Elle posa les mains sur son torse et le caressa.
_ C'est vrai que tu as eu beaucoup de travail ces temps-ci. En plus, tu as conduis pour venir ici. Tu aurais dû me laisser faire. Mon pauvre chéri, ajouta-t-elle en laissant caressant la joue.
C'était l'excuse de l'absence de relation sexuelle le premier soir. La fatigue de William. C'était plausible pour un ordinaire. Bien que cela soit vexant pour Alec en tant que X5, il avait accepté cela. Il fallait bien commencer par un bout et ils n'avaient aucune idée du nombre d'excuses qu'il allait leur falloir.
Max, ou plutôt Coralie, se laissa tomber en roulant sur le lit à côté de son mari. Elle lui déposa un baiser sur la joue, lui souhaita bonne nuit et éteignit la lumière.
Max, réellement Max, se nicha au creux du bras gauche d'Alec, et se colla contre son flanc de tout son long. Lui, il n'osa pas bouger. Il osa encore moins toucher aux draps qui remontaient jusque sous sa taille. La masse de tissu masquait idéalement sa dureté. Avoir vu Max dans une nuisette sexy, et l'avoir senti sur lui, avait eu sur lui un effet bien réel. Le séjour allait être vraiment dur.
Perdu dans sa lutte mentale pour ne pas flancher, il faillit louper le début de la conversation en morse, initié par Max.
État de Washington, Centre contre l'infertilité, samedi 4 juin 2022, début d'après-midi
MAX
C'était une étrange mission que celle qu'Alec et elle devaient réaliser. Le point positif était qu'elle avait une bonne excuse pour passer les nuits dans les bras du X5. Néanmoins, elle avait dû mal à se laisser aller. Le fait d'être filmée dans la chambre y était pour beaucoup. Même à Manticore, ils avaient le droit à un minimum d'intimité. La nuit, elle devait faire semblant de dormir. Elle ne pouvait même pas observer tranquillement Alec dans son sommeil. De toute façon, ça aurait été dure. Le transgénique la tenait fermement dans ses bras, le visage enfoui dans les cheveux de la jeune femme ou dans son cou. Presque comme s'il voulait se fondre en elle. Ce n'était pas que ça la dérangeait, c'était plutôt qu'elle avait du mal à faire la part des choses concernant son ressenti et ses envies.
Durant la seconde journée de la mission, ils s'étaient mis d'accord pour explorer au maximum le complexe médical pour s'imprégner du plan des lieux, en repérer les caméras de surveillance, en estimer le nombre du personnel et tenter de trouver un coin non surveillé. Ce fut elle qui trouva leur "coin fétiche". Au milieu du jardin, loin de la palissade qui délimitait le centre de la forêt, entre un vieil hêtre et un buisson d'hortensia, il y avait trois mètres carré, dépourvus du désagréable bourdonnement des caméras et des micros. Par sécurité, au cas où quelqu'un savait lire sur les lèvres ou s'ils étaient surveillés d'une autre façon, ils échangeaient à voix basse et se comportaient comme un couple l'aurait fait dans un coin tranquille : en passant un temps considérable enlacés.
Le soir, ils avaient fait semblant de faire l'amour sous la douche, toujours sous le couvert de la buée et du morceau de papier collé sur l'objectif de la caméra de la salle de bain.
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Le matin du troisième jour, elle commença à stresser. Aucun d'eux n'arrivait à savoir pourquoi l'institut médical était surveillé comme un complexe de Manticore. Rien n'était suspect en dehors des gardes armés à l'extérieur et des costauds en costard à l'intérieur. Ils ne comprenaient pas pourquoi il y avait des disparus et une mise en scène pour couvrir une exécution. La mission était en train de s'éterniser. Et, c'était ça, son vrai problème.
Alec et elle étaient surveillés, jusque dans leur chambre, et ils étaient censés être un couple désireux d'avoir des enfants. En dehors de la chambre à coucher, ils étaient très proches. Ils s'enlaçaient, se tenaient par la main, se chuchotaient des choses en souriant. Ils ne s'embrassaient pas. Lorsqu'un autre couple leur avait fait la remarque, ils avaient joué les pudiques et avaient dit que ça les gênait de s'embrasser en public. Mais, dans la chambre, ils allaient devoir trouver une parade. Max était à court d'idées.
En vérité, elle n'aurait pas été totalement contre le fait de coucher avec Alec. Ça aurait été se mentir à elle-même si elle ne s'avouait pas qu'elle en avait envie. Juste une fois "pour se gratter", comme l'aurait dit Original Cindy. Mais, en sachant qu'il y avait une caméra dans la chambre, ça la répugnait. Alec réfléchissait plutôt à un moyen de casser la caméra sans se faire repérer ou feindre un accident. Mais, plus il réfléchissait, moins les idées germaient dans sa tête.
Alors qu'elle se rendait à son rendez-vous avec le gynécologue du centre, en début d'après-midi, Max était particulièrement nerveuse à l'idée que chaque minute la rapprochait du soir et de la chambre. Au moins, elle n'aurait pas à faire semblant d'être nerveuse pour l'examen médical. Elle arriva à l'heure devant la porte du bureau à l'étage et frappa à la porte. Une infirmière sortit du bureau et lui demanda de patienter sur une chaise dans le couloir. C'était étrange. Jusqu'à présent, tout s'enchaînait à la minute près.
On finit par lui dire d'entrer dans le bureau. La pièce était relativement spacieuse. Elle faisait presque la taille de la chambre à coucher. Il y avait une moquette bordeaux au sol et un papier peint beige au mur. On la fit s'asseoir sur une unique chaise molletonnée qui faisait face à un bureau en bois massif. Le médecin, en blouse blanche, assis en face d'elle, semblait nerveux. Il y avait un autre homme dans la pièce, en costume élégant, qui lui tournait le dos en regardant par la fenêtre. Il était grand et mince, avec les cheveux grisonnants. Il n'était probablement par là pour le service de sécurité et devait être un autre médecin du centre, qui assistait un collègue.
L'instant suivant, trois soldats armés entrèrent par une porte sur le côté, par laquelle Max aperçut brièvement la salle d'auscultation. De façon synchronisée, trois autres soldats arrivèrent dans son dos. Tous braquaient des tasers dans sa direction. Le médecin se leva sans un mot et se hâta de partir. L'homme de dos se tourna afin et le ventre de la X5 se noua.
_ Dois-je vous appeler Coralie Montrose ou Linda Eastman ? Demanda tranquillement l'homme.
_ Docteur George, souffla la jeune femme.
_ Ravi de voir que vous vous souvenez de moi, dit l'homme de l'agence fédérale de santé publique, qui l'avait retenue captive à l'hôpital Harbor Lights, avant de vouloir l'emmener avec lui à Atlanta, lorsqu'elle s'était prise une balle dans le ventre. Moi, je ne vous ai jamais oublié… continua le docteur.
Max resta silencieuse.
_ Après votre fuite, soit dit en passant spectaculaire, je suis allé à Washington et on m'a mis en contact avec un homme du Pentagone. Je leur avais donné tous les éléments : vos prises de sang, les analyses, même les photos qu'on avait prises de vous. On m'a dit de garder le silence et que je serai récompensé pour mon patriotisme.
Comme Max ne réagissait pas, le docteur haussa le ton.
_ Vous avez ruiné ma carrière ! Hurla-t-il. J'ai été mis à pieds, puis renvoyé. On a traîné mon nom dans la boue. On m'a traité de fou. Ma femme m'a quitté et je n'ai plus le droit de voir mes enfants !
C'était triste, mais Max n'y était pour rien. Elle se contenta de rester immobile tandis que l'homme vociférait sur elle.
_ Lorsque votre existence, à vous et vos semblables, a été révélée au grand jour, à Terminal City, en plein cœur de Seattle, j'ai cru qu'on allait me réintégrer. Mais non ! Ils ont cherché à me faire tuer ! Heureusement, j'avais eu l'intelligence de mettre de l'argent sur un compte offshore. J'ai dû recommencer ma vie à cause de vous ! Mais, je devais garder des précautions.
« D'où les mesures de sécurité… »
_ Je suis revenu dans l'état de Washington pour vous surveiller, vous et les autres de votre espèce. J'ai engagé des mercenaires pour me constituer une armée personnelle pour me défendre. J'ai acheté cet endroit et j'ai créé ce centre pour l'infertilité. J'ai dû me rabaisser à aider des personnes ne pouvant concevoir un enfant. Si la nature les a dépourvu de ça, c'est qu'ils ne sont pas dignes de se reproduire. C'est dégoûtant.
« Penser que certains être humains sont inférieurs et qu'ils ne méritent pas d'avoir des enfants… Avec une telle mentalité, il pourrait être un Familier… » pensa Max.
_ Mais, ma protection et le fonctionnement de cet endroit vaut cher. Et, je dois m'abaisser encore plus…
« Les disparitions ! » pensa Max.
_ Mais, on n'est pas là pour parler de moi. Mais de vous.
Max se força à respirer calmement.
_ C'était intelligent de disparaître de la circulation, de changer de vie, de changer de nom… Puis, vous vous êtes trouver un nouveau benêt pour qu'il devienne votre mari. Au moins, ce coup-ci, vous avez visé haut. William Montrose. L'héritier d'une famille incroyablement riche. Joli tour de force.
Alec n'avait pas été démasqué. Ce fut une source de soulagement pour la jeune femme. Il faudrait qu'elle remercie Asha d'avoir eu l'idée de conseiller aux deux X5 de se faire effacer le code-barre au laser, comme à l'époque où les transgéniques étaient traqués.
_ Au début, je me suis demandé comment vous aviez fait pour approcher un tel homme. Mais, vous êtes une très belle femme. Même en venant d'un milieu social différent, vous avez une beauté exotique suffisamment exceptionnelle pour séduire n'importe qui. Et, le fait qu'il soit riche a dû vous convaincre d'accepter ses avances. Si tant est que vous ayez un minimum d'affection pour lui, sachez qu'il ne lui sera fait aucun mal. Il découvrira bientôt que vous l'avez quitté pour refaire votre vie sans lui. Je ne peux pas permettre qu'il arrive quoi que ce soit à quelqu'un de son statut. Cela m'apporterait trop d'ennuis. J'ai horreur des détectives privés et j'ai déjà dû me débarrasser de quelques uns d'entre eux…
_ Que voulez-vous de moi ? Demanda enfin Max. Je n'y suis pour rien dans vos ennuis.
_ Ce n'était peut-être pas volontaire de votre part, mais vous êtes à l'origine de tout ce qui m'est arrivé ! Ce qui m'est arrivé n'a été possible qu'à cause de vous !
_ Et quoi alors ?
_ Vous me devez une vie. Votre vie !
_ Vous allez me tuer ?
_ Vous tuer ? Certainement pas. Je vais vous garder en vie. Rien que pour moi. Je vais vous étudier. Désormais, chaque parcelle de vous m'appartient.
_ Vous croyez vraiment que je vais me laisser faire ? Demanda Max.
_ Je n'ai pas l'intention de vous laisser le choix. Messieurs !
Alors que Max se levait rapidement pour attaquer le docteur George, elle ne parvint pas à éviter l'un des coups de taser. Elle perdit l'équilibre et un autre choc électrique survint. Puis, un troisième. Elle perdit connaissance sous le regard satisfait de l'ancien agent fédéral.
État de Washington, Centre contre l'infertilité, samedi 4 juin 2022, 21h30
ALEC
Alec marchait lentement vers sa chambre. Il voulait retarder au maximum le moment fatidique de retrouver Max. Les deux transgéniques avaient trouvé des parades pour ne pas coucher ensemble le deux premières nuits. Mais, ce soir, Alec n'avait aucune idée. Il réfléchissait à ça depuis le matin. Lors du déjeuner, il avait pu échanger avec la jeune femme. Elle, non plus, n'avait pas d'idée. S'il désirait réellement faire l'amour avec Max, il ne voulait pas que ça se passe sous la contrainte et encore moins devant une caméra de pervers. Il avait envisagé de détruire le dispositif de façon inopinée, mais la caméra était encastré dans la moulure du plafond de la chambre. Il aurait fallu démonter la corniche pour accéder à la caméra. Aucune idée crédible ne lui était venue. Même s'il avait repéré le local informatique qui gérait, entre autre, la vidéo surveillance, il n'avait pas pu y entrer, ni même s'en approcher. Alors, il prenait tout son temps pour retourner à la chambre en espérant que Max aurait eu une idée de son côté.
William et Coralie avaient passé l'après-midi séparé. À trop se mettre la pression pour avoir un enfant, un couple pouvait se créer des troubles psychologiques entraînant, eux-mêmes, davantage de difficultés pour la conception. Les couples avaient tous été désunis pour la demi-journée. Alec avait eu un rendez-vous assommant avec le psychiatre. Max devait avoir rendez-vous avec le gynécologue de son côté. Ensuite, les hommes et les femmes devaient passer du temps entre eux pour se relaxer. Il avait joué au badminton, avait nagé, avait regardé un match de football américain, avait joué aux cartes, avait dîné et avait joué au billard.
Avant d'atteindre l'escalier qui le mènerait à l'étage, il passa devant l'accueil.
_ Monsieur Montrose, fit timidement la secrétaire.
_ Bonsoir, Bridget, répondit-il.
_ J'ai là un mot pour vous. De la part de votre femme.
_ Un mot ? S'étonna-t-il, en récupérant la lettre.
Il ouvrit l'enveloppe sur place et lut la lettre manuscrite.
« Will chéri,
Je m'excuse d'être trop lâche pour oser te parler en face à face.
Les mots que tu vas lire vont te faire du mal. Saches que j'en suis désolée. Je n'ai jamais voulu te faire de mal. Tu es l'homme le plus gentil et le plus doux que je connaisse. Je ne pensais pas qu'il existe quelqu'un comme toi en ce monde. Tu es sans doute la meilleure chose qui me soit arrivée de toute ma vie. C'est pourquoi il est très dur, pour moi, de t'écrire ce qui va suivre.
Depuis que je suis toute petite, je rêve de vivre un conte de fée. Je rêvais de prince charmant et je t'ai rencontré. Le plus parfait des hommes.
Avec toi, j'ai vraiment cru réaliser mon rêve. L'homme de mes rêves, le mariage de mes rêves… Tout ce déroulait à merveille. Puis, nous avons voulu avoir un enfant.
Ce n'est pas de ta faute. Je sais que si tu le pouvais, tu serais en bonne forme et tu me ferais cet enfant que je désire tant. Mais, cette attente, tous ces examens médicaux… C'est trop pour moi. C'est trop dur.
J'aurais tant voulu être la mère de tes enfants.
Je te connais. Tu es trop romantique et loyal pour te détourner de moi. Mais, c'est mauvais pour nous deux de s'acharner. Ça nous rend nerveux et on réfléchit trop. Nous avons perdu la spontanéité de notre relation. C'était ce qui faisait tout son charme. C'est pourquoi, c'est à moi de faire ce qui est bon pour nous deux. J'ai besoin de vivre ma vie et de fonder une famille. Et, toi aussi.
Peut-être qu'avec une autre femme, plus patiente et mieux faite que moi, tu auras la vie que tu mérites.
Ne me cherches pas. Je ne te mérite pas. Vis ta vie sans moi.
Dans des années, si j'ai de la chance, ma route croisera de nouveau le tienne. Nous aurons chacun une nouvelle vie et nous seront épanouis. Mais, les contes de fée ne sont pas réels.
Alors, je te dis : Adieu, William.
Coralie, qui t'a aimé de tout son cœur. »
Alec lut et relut la lettre plusieurs fois de suite. Toujours plus choqué à chaque lecture. C'était insensé. Max ne pouvait pas partir ainsi. Il chercha, encore et encore, le message codé dans la lettre. Mais rien. C'était bien l'écriture de Max. Il n'y avait aucune hésitation dans le dessin des lettres. Cependant, il y avait un détail que l'excellent faussaire, qui avait dû rédiger la lettre à la place de Max, ignorait : Coralie Montrose n'existait pas. Lui-même n'était pas le vrai William Montrose. Tout ceci était une mise en scène. Max venait de disparaître tout comme les autres victimes. Mais, les instigateurs de cette disparition s'étaient attaqués aux mauvaises personnes.
Alec se tourna vers la secrétaire avec un regard dur.
_ Je suis désolée, dit-elle. Madame Montrose m'a remis cette lettre et m'a demandé d'appeler un taxi pour elle. Elle m'a même donné dix dollars pour que je ne vous en parle pas avant ce soir.
_ Où est-elle ? Demanda Alec.
_ Je l'ignore. Elle n'a pas dit où elle souhaitait aller. C'était il y a plus de trois heures déjà. Elle est sans doute loin à l'heure qu'il est.
_ Mensonge, fit Alec.
_ Je suis vraiment désolée pour vous, Monsieur Montrose. Mais, ce sont des choses qui arrivent plus souvent que l'on pourrait le croire. Vous connaissez sans doute ses habitudes. Si vous partez maintenant, vous pourrez peut-être la retrouver.
Alec plia la lettre pour la mettre dans sa poche et monta l'escalier à grandes enjambées. Il entra dans la chambre. Toutes les affaires de Max avaient disparu. Mais, il n'y avait aucune trace de lutte. Il ferma les yeux pour se concentrer afin d'entendre le moindre petit bruit environnant. Il voulait entendre la voix de la jeune femme, aussi lointaine fut-elle, pour savoir dans quelle direction la chercher. Il ne perçut rien d'autre que les pas lourds des deux armoires à glace venant se mettre dans l'encadrement de la porte.
On lui signala que le centre avait pour vocation de venir en aide aux couples. Un homme seul n'avait rien à faire en ces lieux. On lui imposa d'emballer ses affaires et de partir sur le champ. Un chèque lui sera envoyé pour lui rembourser une partie des frais avancés.
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En quittant le centre, Alec suivit la route à vive allure jusqu'à la frontière de la zone blanche, que Max et lui avaient noté lors du trajet aller. Il braqua le volant et la voiture s'enfonça à travers les arbres et la terre. Des branches basses se brisèrent et firent grincer la carrosserie, mais il ne s'y intéressa pas. Il arrêta le véhicule lorsqu'il estima qu'il était suffisamment dissimulé par les arbres. Il prit son téléphone portable et se dirigea à un mètre après la fin de la zone blanche. Il composa rapidement le numéro de Terminal City.
_ Oui ? Fit une voix timide.
_ C'est Alec. Je veux parler à Dix.
_ Il n'est pas…
_ Je me moque de savoir ce qu'il fait ou où il est. Soldat, c'est maintenant que je veux lui parler, cria-t-il, même s'il est aux chiottes !
_ Oui, Monsieur !
Après soixante-deux interminables secondes, la voix de Dix résonna dans son oreille.
_ Alec, un problème ?
_ À ton avis ? Max a disparu selon les mêmes modalités que les autres victimes !
_ Je croyais que ce n'était pas…
_ On s'en moque du pourquoi et du comment ! Je veux tout ce que tu as sur le centre : plan du bâtiment, réseau électrique, liste du personnel, images satellites… Je veux tout.
_ Tu sais bien qu'on n'a rien trouvé…
_ Dix, je ne suis pas d'humeur à être patient là !
_ Je m'en charge. Tu veux une équipe d'intervention ?
_ Dis à Mole de se préparer. Mais, je ne veux aucune action tant qu'on ne sait pas ce qu'il est advenu de Max. Hors de question de risquer sa vie.
_ Luke, fit Dix, avant qu'Alec n'entendent les pas précipités du conjoint de son interlocuteur, qui devait avoir écouté la conversation.
_ Et, si tu croises Logan, dis-lui que je l'emmerde avec ses statistiques à la con et au fait qu'on ne risquait rien !
_ Je te contacte dans trente minutes.
_ Vingt, corrigea Alec. Chaque minute compte et vingt, c'est déjà trop, ajouta-t-il avant de raccrocher.
Il serra fort son téléphone de son poing droit et lança le poing gauche, avec rage, sur le tronc de l'arbre en face lui, faisant sauter plusieurs centimètres d'écorce. Il vida ensuite lentement les poumons pour se calmer et s'obligea à inspirer lentement. Il entreprit alors de retirer les échardes qui étaient venues se loger dans son poing gauche. Il leva ensuite la tête pour scruter la cime des arbres. Il finit par remarquer un immense séquoia de soixante mètres environ, plus grand qu'un immeuble de vingt étages, dont le sommet dépassait allègrement celui des autres arbres. Le tronc était trop lisse et dénué de branches basses pour être escalader à la main. Alec récupéra une longue sangle dans la voiture de Logan, encercla le tronc avec, prit une extrémité dans chaque main et commença son ascension. Malgré sa force et son habileté, il lui fallut quelques minutes pour atteindre le sommet et s'y installer de façon stable. Il dirigea son regard vers le centre médical.
À cette distance, même avec sa vue améliorée, il ne pouvait pas voir les détails. Néanmoins, il y voyait suffisamment pour observer les silhouettes des gardes et les trajets de leurs patrouilles. Le mercenaire en poste sur la tourelle devait avoir une vue sur la route en contrebas. Un convoi, même avec les phares éteints serait repéré. L'équipe de secours allait devoir se stationner hors de la zone et continuer le trajet à pieds, entre les arbres pour rester invisible. Le garde dans le kiosque, au niveau de la barrière d'entrée, ne bougeait pas. Il y avait un maître chien avec son animal, qui faisait le tour du bâtiment, dans le sens inverses des aiguilles d'une montre. Trois autres gardes faisaient aussi le tour du centre, dans l'autre sens. Alec était surpris qu'il y ait si peu de gardes visibles. Il était certain d'en avoir aperçu une dizaine à l'arrivée. À ceux-là, il fallait ajouter les gars en costard qui se baladaient dans les couloirs. Il avait vu quatre visages différents. Compte-tenu des rotations et du repos de chacun, il fallait compter un bas mot une quinzaine de type sachant se battre, peut-être une vingtaine. Il choisit le chiffre le plus élevé pour ne pas avoir de mauvaises surprises. D'autant qu'il n'avait toujours aucune idée de ce que les mercenaires protégeaient. Rien ne lui disait, non plus, que le personnel aux allures civiles, serveurs, jardiniers, agents d'entretien, commis… n'aient pas un minimum de formation de défense. En fonction de ce qui méritait la protection d'hommes entraînés, ce n'était pas impossible. Il décida alors que chaque membre du personnel était un ennemi. Lorsqu'il passerait à l'action, il ne s'embarrasserait pas de prisonnier.
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Dix le rappela à la seconde prévue.
_ Qu'est-ce que tu peux me dire ? Demanda Alec, immédiatement après avoir décroché.
_ Je te confirme que le centre est totalement indépendant. Le bâtiment a été construit par un milliardaire paranoïaque dans les années quatre-vingts. Le gars voulait pouvoir survivre à toutes les catastrophes naturelles qui pourraient arriver dans les environs. Après l'éruption du mont St-Helens en mai quatre-vingts, un prophète aurait prédit l'éruption du mont Rainier, à cent kilomètres au sud.
_ Abrège, coupa Alec.
_ L'eau est puisée dans une nappe phréatique, mais il y a des réservoirs d'eau de pluie sur le toit. Les égouts sont rejetées à plusieurs kilomètres, directement dans une station d'épuration, sans passer par le réseau local. Tu ne pourras pas passer par les canalisations. Le centre a sa propre source d'électricité et des éoliennes, plus en altitude, peuvent prendre le relais à tout moment. La bonne nouvelle est que le temps a été clair. Les images satellite ne montrent aucune entrée, ni sortie, si ce n'est toi il y a une demi-heure, durant les trois derniers jours. Max doit toujours être sur place. Les images thermiques montrent une grosse source de chaleur côté ouest du bâtiment, en sous-sol. Cela peut être, aussi bien, de la chaleur mécanique qu'une zone qui consomme beaucoup d'électricité. Je commencerais par là.
_ Personnel au sol ?
_ Une dizaine d'hommes visible. Aucun équipement lourd en surface. Véhicules de type tout-terrain et transport de troupes, immobiles depuis une semaine. Je ne peux pas avoir accès aux images satellite de plus de sept jours : elles sont détruites au fur et à mesure que d'autres sont enregistrées. Ça a déjà été compliqué de pirater discrètement les satellites qui viennent de me servir.
Alec décida d'entrer seul dans un premier temps. Il indiqua où Mole et les renforts devaient se stationner pour ne pas être repérés, et l'itinéraire qu'ils allaient devoir prendre. Si, à l'aube, Alec n'avait pas donné signe de vie, les renforts devaient entrer en force dans le complexe. Les conséquences importaient peu.
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Au sol, Alec se changea rapidement. Il enfila les vêtements les plus sombres qu'il avait : un pantalon noir et un T-shirt de nuit. Il se moquait éperdument de son apparence. Il voulait simplement être le plus discret possible en retournant à l'institut. Il avait remarqué que le garde qui tenait le kiosque de garde, à l'entrée de la cour, avait la même taille et la même corpulence que lui. Il lui prendrait son treillis et infiltrerait les lieux grâce à cela.
Alors qu'il avançait discrètement vers le centre, son ouïe perçut un petit bruit strident. Il ramassa trois pierres, de taille moyenne, et attendit le couinement suivant. Il lança la première pierre dans les herbes devant lui pour débusquer un rongeur forestier. La seconde pierre frappa l'animal qui mourut sur le champ. Il s'approcha de la bête et recouvrit la troisième pierre de sang. Il se soucia peu de la créature, tout ce qu'il désirait était une distraction olfactive pour le chien qui arpentait la cour de l'institut. Le corps de sa petite victime servirait de repas à une autre bête. Telle était la triste vie que menait les proies. Lui, il était un prédateur et les gens de l'institut ne s'en rendraient compte que trop tard.
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Le gardien du kiosque eut la nuque brisée avant même de se rendre compte qu'il avait de la visite. Alec lança la pierre ensanglantée de toutes ses forces, qui atterrit à plusieurs mètres de sa position. Il se changea rapidement, jeta ses propres habits et ses chaussures dans le brasero et se rinça les mains avec la gourde du défunt mercenaire. Il repoussa le corps du mercenaire, dans l'ombre, sous le comptoir. Il se mit ensuite à faire semblant de feuilleter une revue de sport devant lui et attendit avec impatience le passage du maître-chien et de son fidèle compagnon.
Lorsque l'homme arriva, il se redressa légèrement et fit un signe de la main en prenant soin de ne pas exposer son visage à la lumière. Alors que l'agent cynophile lui envoyait un "Hé, Tony !", le chien aboya et se précipita vers l'endroit où Alec avait jeté la pierre couverte de sang. L'homme courut à la suite de son animal. Il faudrait du temps à l'humain pour comprendre qu'il n'y avait rien et il lui faudra encore plus de temps pour calmer son chien, excité par l'odeur du sang.
Alec attacha le couteau de combat, à lame standard de vingt-deux centimètres, à sa jambe et mis un pistolet 9 mm classique à sa ceinture. Le soldat du kiosque avait aussi un fusil d'assaut à disposition, mais le transgénique ne voulait pas paraître trop agressif pour ne pas attirer l'attention. Il sortit ensuite du kiosque et de dirigea vers l'ouest du bâtiment, où se trouvait la zone étrangement chaude, signalée par Dix, et qui coïncidait aussi avec ce qui semblait être le point de départ de toutes les patrouilles des gardes armés. Les traces au sol lui disaient que le trajet était souvent emprunté. La radio, qu'il avait récupéré, grésilla, mais il ne répondit pas. La vigie, sur la tour de surveillance, le siffla avec l'efficacité d'un New-yorkais appelant un taxi. Alec se tourna face à la tourelle et leva la tête sans crainte. Avec la distance et la luminosité, il ne risquait pas d'être reconnu. Il montra la radio, la secoua et haussa les épaules pour signaler qu'elle ne fonctionnait pas, même si c'était un mensonge. Il fit ensuite un signe vers l'ouest de l'institut. La vigie leva son pouce en l'air et retourna à sa surveillance de la route en contrebas.
Presque arrivé à destination, il vit deux soldats en train de partager une cigarette. Il s'assura que personne n'était aux alentours et se dirigea directement vers eux. Croyant à l'un des leurs, les deux mercenaires ne se méfièrent pas. Lorsqu'il fut à moins d'un mètre, il se déplaça avec sa vitesse de transgénique et brisa la nuque du premier. Le temps que le second se rende compte de la chose, sa nuque fut aussi brisée. Alec porta les corps derrière un gros buisson. Avec la perspective, la prochaine patrouille ne verrait pas les deux morts en tenue de camouflage. Il faudrait que quelqu'un emprunte le même itinéraire que lui pour remarquer que quelque chose n'allait pas. Sans odeur anormal, car il n'avait pas fait couler le sang, lorsque le chien reviendrait avec son maître, il ne sentirait rien non plus.
Il ramassa la cigarette et fit semblant de fumer. Il attendait que le garde qui patrouillait seul approche dans son dos. Une fois l'homme à porter de mains, il répéta les gestes précédents et son corps alla rejoindre les deux autres. À présent, à l'extérieur du centre médical, il ne restait plus que l'homme sur le poste de garde, occupé à surveiller l'accès par la route, et l'agent cynophile. Il hésita un instant, envisageant de prendre directement le bâtiment d'assaut, mais il voulait être sûr de pouvoir battre en retraite sans que Max n'ait à se battre. Il ne savait pas si elle pouvait être blessée. Alec jeta le mégot dans la canette de soda, qui faisait office de cendrier, près de l'encadrement d'une porte affichant un panneau "Entrée réservée au personnel".
Alors que le chien aboyait encore, par intermittence, à l'opposé du terrain, Alec se faufila rapidement, dans l'ombre, jusqu'au pied de la tourelle. Quelques secondes plus tard, une autre nuque fut brisée. Le maître-chien, excédé par son animal, fit demi-tour et reprit son itinéraire en sens inverse. Sens, qui lui permettrait de voir les corps derrière le buisson. Le X5 fut tenté de prendre l'arme de précision de la vigie pour abattre l'homme restant et le chien mais, dans le silence nocturne, le bruit de la détonation aurait alerté les gardes à l'intérieur du centre. Il ne devait pas donner l'alerte. Il sabota simplement le fusil, qui ne pourra pas être utilisé contre lui, lorsqu'il partirait.
Alec se laissa glisser au sol et se dépêcha de rejoindre l'ouest du bâtiment. Il entendit la porte d'entrée du centre s'ouvrir et un garde, de l'intérieur, demander à son collègue, la raison de l'excitation de chien. L'agent cynophile avait presque vu juste. Il avait imaginé que son animal avait dû sentir la présence d'un lapin et s'apprêtait à l'enfermer à la caserne le temps qu'il se calme. La porte se referma dans un claquement sec et les pas de l'homme, accompagnés des jappements du chien, reprirent leur route en direction du transgénique. La conversation entre les deux mercenaires prouvait que l'institut possédait bien une zone militarisée et, surtout, elle donnait à Alec le moyen de faire que la cessation des aboiements soit crédible.
Moins de cinq minutes plus tard, le crâne du maître-chien fut transpercé par un couteau de combat, habilement lancé. Le chien s'élança, les babines retroussées, et bondit sur le transgénique qui bascula en arrière. Alec roula sur lui-même et l'animal se retrouva sous lui. Ainsi prisonnier et immobilisé, l'animal ne put rien faire lorsque le X5 l'étrangla.
Toujours par soucis de discrétion, et dans le cas où quelqu'un sortirait, les corps de l'animal et de son maître rejoignirent les trois autres. Ne sachant s'il y avait un ou plusieurs autres chiens, le X5 prit le couteau de combat non ensanglanté d'une de ses victimes au buisson. Cela pourrait toujours servir.
Enfin, Alec entra à l'intérieur du bâtiment.
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Une alarme incendie et deux extincteurs lui faisaient face. Une porte blanche, à sa gauche, devait rejoindre la cuisine à en juger par le bruit de vaisselle et les ordres hurlés. Alec enfonça la casquette kaki sur sa tête et leva le col de sa veste au maximum pour dissimuler son visage. À partir de maintenant, il ignorait tout de son environnement, il devait agir comme un commando. Il prit ensuite l'escalier sur sa droite, le 9 mm à la main.
Le bas de l'escalier était clos et il arriva sur une double porte coupe-feu sur la gauche. Il la franchit doucement et en silence. Il leva les yeux, mais ne vit aucune caméra. Aucun bourdonnement, non plus, ne vint à ses oreilles. Hors, ce coin précis aurait été un point stratégique pour une surveillance. Donc, soit les personnes, qui géraient l'endroit, étaient sûres que personne de non-autorisé ne viendrait là, soit ce qui se déroulait au sous-sol était tellement contestable qu'il ne fallait pas qu'il puisse en avoir de trace vidéo. Le transgénique imagina que la réponse était les deux.
Le couloir face à lui se situait sous la face nord de l'édifice. Sous l'escalier, dans un local de maintenance, il découvrit un gros groupe électrogène. C'était lui la source de chaleur détecté par Dix. Il y avait ensuite deux portes sur la gauche, à plusieurs mètres d'intervalle, qui arboraient chacune d'un panneau "Défense d'entrer". Encore plus loin, le couloir s'ouvrait sur une arche qui laissait voir la partie buanderie, d'où s'élevait le ronronnement sourd des machines à laver le linge. Devant l'arche, le couloir bifurquait sur la gauche et il y avait un angle mort.
Dans la mesure du possible, il devait d'abord repérer les lieux, pour s'assurer de ne pas être pris au dépourvu, puis sauver Max.
Il s'avança dans le couloir, bien déterminé à secourir la femme qu'il aimait.
à suivre
