Bonjour tout le monde, j'espère que vous allez bien !
J'avais prévu de poster ce chapitre pour Noël, mais il s'est passé beaucoup de merde dans ma vie haha, entre mon oral de fin de trimestre, un calendrier de l'avent illustré, et d'autres événements malheureux, j'étais débordée. J'avais trop de trucs prévus et pas assez de temps pour les réaliser. Vous comprendrez que cette fiction n'était pas prioritaire dans ma to-do-list.
En plus, j'ai mis une éternité à le terminer, c'est horrible. J'avais envie d'écrire, mais au bout d'un moment je ne savais plus quoi raconter.
En tous cas, voici enfin le Deuxième Bal, j'espère qu'il vous plaira.
Bonne lecture !
VI
DEUXIEME BAL
Dans la salle la plus grande du Lycée, étaient disposées des décorations brillantes et scintillantes en tous genres. Il y avait surtout des guirlandes multicolores, aux voûtes du beau plafond, le long des vieilles fenêtres, autour des portes, sur les tables où était installé le buffet... Un peu partout, le papier métallisé de toutes les couleurs embellissait et illuminait l'espace. Au fond de la pièce, trônant fièrement, un sapin d'un vert que jalouserait les autres arbres s'il y en avait eu à l'intérieur, se dressait la pointe vers le ciel, sur le fond étoilé des grandes vitres transparentes, nettoyées pour l'occasion. D'autres guirlandes et babioles dorées de toutes sortes l'avaient assailli de toute part, pourtant il restait debout solennellement, et pas même la grosse étoile d'argent à son sommet n'aurait pu le courber. C'était un solstice d'hiver calme et doux comme on n'en espérait pas : les étoiles brillaient de mille feux sans qu'un nuage ne vint les voiler, formant les constellations que l'on reconnaissait à condition d'y jeter un œil un peu curieux. L'étoile polaire et sa petite ourse apparaissaient à droite du sapin, dans un sourire invitant et chaleureux. La lune n'était pas levée, et l'air était tant froid que sombre. Dans la salle cependant, les radiateurs marchaient à plein régime, de concert avec toutes les illuminations artificielles apportées pour la soirée : guirlandes lumineuses, chandelles dorées, mais aussi néons et spots illuminaient et réchauffaient la piste de danse qui se garnissait petit à petit d'adolescents masqués et dans des costumes accordés à leur décor. Les personnages de contes allaient et venaient, gardant leurs masques bien ancrés à leur visage, mais se reconnaissant tout de même pour la plupart.
Un Leprechaun vert rencontra un Dragon doré qu'il connaissait depuis un temps pour y avoir déjà eu à faire. Ils trinquèrent avec leurs chocolats chauds et discutèrent joyeusement, avant de se diriger vers une silhouette plus inquiétante et noire. Se tenait à ses côtés, une petite fée aux tons printaniers. Le petit quatuor s'isola dans un coin pour reprendre leurs conversations.
« Qu'est-ce que tu es sensé être, du coup ? » demanda le vert au noir.,
« Je t'avais dit que c'était bizarre... » dit-il à la fée en guise de réponse. Il reprit : « Je suis désolé mais je crois pas rester avec vous ce soir les gars, j'ai...
― Un capitaine pirate à retrouver ? » devina la fée un peu trop vite au goût du noir, dont le visage invisible rosit tout de même.
Les autres rirent doucement, ils comprenaient, alors le personnage en noir s'éloigna du reste du groupe, scrutant la foule à la recherche d'il ne savait trop quoi. Un costume élégamment bleuté franchit doucement la porte, et il faillit ne pas le voir au milieu de la foule d'autres adolescents tout aussi colorés. Cela dit, le Prince bleu qu'il avait reconnu brillait de mille feux sous les guirlandes décoratives, qui elles-mêmes malgré leurs clignotis multicolores faisaient pâle figure face à la splendeur princière qui avançait en tranchant la foule, sa longue cape suivant le mouvement, à l'aise entre les lumières et le monde. Le pas sûr, les épaules droites, un bras détendu et l'autre main reposée sur le pommeau d'une épée factice mais de belle facture, la tête haute mais le visage cherchant un repère des yeux qui étaient dissimulés sous un loup vénitien ; il traçait son chemin à travers la salle. La silhouette qui dans son costume noir s'était repliée vers un coin, se sentit un peu comme un voyeur, tant elle passa de temps à observer le prince étincelant. Elle décida de sortir prudemment de l'ombre, quoique les guirlandes ne leur laissassent qu'un espace trop restreint pour y contenir une personne. Les longs pans de tissus noirs et grisés voletèrent eux aussi alors que le spectre qui jusque là se posait en observateur avançait.
Au fur et à mesure qu'il s'approchait du Prince, plusieurs sentiments s'accentuaient en lui. Premièrement, il y avait cette petite impression de déjà vu, inexplicable et faible, mais persistante et de plus en plus difficile à ignorer. Il ressentait aussi une pointe d'excitation alors qu'il espérer reconnaître le Pirate qu'il cherchait, et craignait de plus en plus de s'être trompé, ou bien de n'être pas reconnu. Sa plus grande inquiétude cependant, qui grossissait au fond de sa poitrine et accélérait les battements de son cœur, qui le faisait douter et ralentir, était d'avoir été oublié. Le Prince lui tournait encore le dos, il marchait tranquillement vers le petit buffet, alors la silhouette noire, après une inspiration nerveuse, traça la distance qui les séparait encore, le bras levé en espérant qu'il réussisse à en poser la main gantée sur l'épaule ciblée. Le Prince se retourna avant cependant, et l'acte suspendit la main en vol, soudainement tétanisée par l'hésitation, l'espérance, ou l'anticipation du rejet.
« Hé ! Mais tu es le type de la dernière fois, pas vrai ? Le Samurai ! » demanda-t-il tandis que ses lèvres qui n'étaient pas couvertes par le masque magnifiquement ornementé se courbaient dans un grand sourire.
« Oui ! C'est moi. » répondit-il soulagé, avant d'afficher un sourire discret mais un peu plus doux.
Pendant un assez long moment, ils restèrent face à face sans rien faire d'autre que se regarder. Le moment n'était pas particulièrement gênant, contrairement à ce qu'on aurait pu penser. Il se taisaient d'un accord qui n'avait pas été prononcé, profitant simplement de la satisfaction procurée par l'aboutissement de leurs recherches respectives. Ils s'observèrent mutuellement ; le Prince était rayonnant dans son costume outremer aux broderies dorées, un grand chapeau à plumes enfoncé au sommet de son crâne ; l'autre garçon au costume noir portait une identité moins évidente, de longues manches sombres tombant presque jusqu'au sol, se fondant avec le reste d'une sorte de veste à l'intérieur surprenant de velours rougeoyant. Les regards remontèrent le long des mascarades élégantes pour se croiser, bleus, outremer contre nuit, derrière leurs masques respectifs.
« Du coup, il représente quoi ton costume ? » le Prince questionna avec une pointe d'hésitation.
« Oh ! C'est... Il est bizarre je sais, mais la fille avec qui je suis en binôme voulait vraiment faire ce genre de trucs... Bref, c'est un des trois Esprits de Noël. » expliqua-t-il en bafouillant les premiers mots, tandis que les suivants s'enchaînèrent à toute vitesse, avant de finir avec une assurance nouvelle que le Prince trouva secrètement plutôt attirante.
« Ah d'accord, tu es en fait, le futur non ? C'est une capuche là ? » l'esprit des Noëls Futurs releva sa capuche pour lui montrer, assez fier de l'enthousiasme provoqué par l'oeuvre qui n'était même pas la sienne mais qu'il portait mieux que personne.
La silhouette sombre aurait pu être terrifiante dans un tel costume, mais le doux sourire heureux que dévoilait son maque métallisé lui donnait un air plus innocent et le sourire contamina celui à qui il était destiné ; le Prince sourit en retour, attendri. Comme c'était calme, que c'était agréable, de se retrouver enfin. Ils en oublieraient presque leurs tracas personnels, comme s'ils avaient été une nouvelle personne, sous leurs beaux et scintillants maques. Ils partirent en direction du buffet se servir un gobelet de la boisson non alcoolisée qu'ils préféraient ; tout en discutant de la pluie et du beau temps, des costumes et des contes. Ils firent semblant de trinquer en s'observant, les yeux dans les yeux. Le masque du Prince n'était pas très différent du masque de Pirate qu'il avait porté à Halloween. Il était simplement beaucoup plus chic et décoré, et moins marin. Cependant on remarqua que sa forme laissait voir un mignon petit nez pointu retroussé vers le ciel quand la tête était haute, et pointé droit devant quand il baissait un peu le regard pour se pencher sur le Fantôme des Noëls futurs. Un peu à la manière d'un casque, le masque du fantôme était d'une jolie couleur métallique qui couvrait uniformément son visage, du front au bout du nez. Cela ne laissait pas beaucoup de territoire à observer, mais le Prince ne se lassait pas du menton pointu, des mâchoires carrées ni des lèvres rosées qui souriaient timidement.
La musique se fit un peu plus consistante au bout d'un moment, et avec une curieuse assurance, le Prince se pencha en direction du fantôme, tant courtois que drôle ou provocateur, il demanda :
« Ô esprit, me feriez-vous l'honneur de m'accompagner sur la piste de danse ? »
Une main sur son cœur, l'autre en avant vers l'autre garçon, il était en réalité terrifié à l'idée que son camarade ne se vexât ou ne le repoussât. Il refusait orgueilleusement cependant de se redresser de lui-même pour se rétracter, maintenant qu'il s'était jeté à l'eau il attendrait une réponse. Hors de question de gâcher son effet pour un petit coup de stress. Des gouttelettes désagréablement froides de sueur commençaient à perler de son front, sous les paillettes de son masque, quand une main finement gantée se déposa dans la sienne, tendue qui patientait à peine tremblante d'anticipation ou de peur. Le regard du Prince se redressa avant le reste de son buste, rayonnant et rassuré, simplement ravi, alors que les mains se serraient d'avantage l'une dans l'autre. En un mouvement circulaire fluide, son autre main déplaça élégamment son grand chapeau sur son crâne brun, et les plumes qui l'ornaient suivirent le mouvement de façon hypnotique, avant de continuer à danser légèrement une fois que le couvre-chef fut de retour à sa place. Les yeux de l'Esprit avaient suivi le mouvement souple avec un intérêt enfantin, dissimulés derrière le masque métallique en losange. Les deux petites fentes qui leur permettaient de voir n'étaient pas assez larges pour permettre aux autres de les apercevoir, mais en étant assez près et avec une bonne lumière, le Prince aperçut plusieurs fois dans la soirée une douce étincelle éclairer les mystérieuses pupilles de son partenaire de danse.
Danser ensemble était très amusant pour les deux garçons, parce que l'Esprit était un terrible danseur et que le Prince qui pourrait très bien régner dans le domaine lui apprenait comment faire. Ils l'avaient déjà remarqué lors du bal d'Halloween mais ne s'y étaient pas attardés, ce soir ils apprenaient l'un à l'autre les techniques et les mouvements. Le grand manteau à franges épaisses et sombres de l'Esprit des Noëls futurs masquaient la plupart de ses mouvements hasardeux, mais l'œil de son Prince était aiguisé et il le reprenait régulièrement.
« Non, attends. Tu perds le rythme. Viens là, approche-toi je vais te montrer. »
Les mains hâlées et soignées du prince se posèrent sur les hanches de l'Esprit, qui frissonna au contact, malgré les épaisseurs de tissus qui séparaient les morceaux de peau de chacun. Il avait déjà du mal à se concentrer sur la musique, et le contact des mains sur ses hanches, et la chaleur corporelle du Prince tout près dans son dos, et sa voix suave derrière sa tête, ça n'allait pas aider sa concentration. Une des mains se souleva cependant. Il la sentit remonter le long de son dos, le bout des doigts frôlèrent sa joue, et elle s'arrêta au sommet de son crâne pour baisser sa capuche. Il se sentit exposé, à la merci d'un garçon qu'il ne connaissait pas et dont la main venait de se reposer là où elle était en premier lieu, sur sa hanche droite ; et d'une certaine façon c'était agréable. Les lèvres du Prince, que son masque ne couvrait pas, s'approchèrent encore de son oreille tandis que les mains le poussaient à se balancer à un rythme régulier qui était probablement celui de la musique qui passait. Il ne l'entendait plus, il n'y avait plus que ces mains sur ses hanches, et cette chaleur dans son dos, et ce souffle dans son cou, et cette voix dans son oreille qui expliquait calmement les pas.
En un mouvement l'ambiance avait changé du tout au tout entre les deux adolescents. Ils se balançaient au rythme régulier de la musique, un peu mal-à-l'aise mais n'osant pas protester de peur de briser quelque chose. La magie du moment, la façon dont ils dansaient tous les deux au milieu de dizaines d'autres élèves costumés, mais réussissaient à se sentir seuls au monde, seul avec l'autre. C'était ce qui était magique, ils ne l'auraient brisé volontairement. La position était étrange, mais d'une grande tendresse. Le rythme était un peu trop rapide, alors ils ne se balançaient que sur les temps forts, et le Prince profita d'une cadence particulière du morceau pour faire se retourner son partenaire dans ses bras.
Cette fois ils se faisaient face, heureux que leurs masques dissimulassent leur panique intérieure, déçus qu'ils cachassent le visage de leur vis-à-vis. Ils étaient si près qu'on n'aurait pu glisser une nouvelle tête entre les leurs, les regards plongés l'un dans l'autre, elles tombaient l'une vers l'autre sans semblait-il pouvoir s'en empêcher, sans même qu'ils ne s'en rendissent compte.
La musique s'arrêta en un claquement retentissant de cymbale, faisant sursauter les deux garçons, qui s'éloignèrent sous la surprise. Pendant quelques secondes, ils se fuirent du regard avant de retourner l'un à l'autre finalement, comme irrémédiablement attirés. L'Esprit avait remis sa capuche aussitôt qu'il avait pu, le Prince replaçait son chapeau nerveusement.
« Euh, il fait un peu chaud, non ?
― Si. Si, on sort ?
― Mh, oui. Bonne idée. Allons dehors oui, on sera mieux. »
Leurs mains se rejoignirent alors qu'ils se dirigeaient vers la cour. Un vent léger mais glacial soufflait délicatement entre les branches garnies des épicéas, avant de venir caresser les joues rosies des personnes présentes. Peu de gens. Eux deux, principalement, et d'autres aventureux qui voulaient prendre l'air, froid de décembre. C'était frais, c'était une petite claque, mais ça donnait l'impression de respirer à nouveau, après une longue apnée inconsciente. Parfois, des adolescents sortaient de la salle en rigolant, et d'autre rentraient. Ils sortaient fumer une cigarette, ou simplement se rafraîchir comme eux et les autres aventureux. L'Esprit et le Prince s'étaient un peu éloignés, installés où ils étaient pour Halloween, calmement et naturellement. Des mains frottèrent énergiquement les épaules auxquelles elles étaient reliées, bien que la tête refusât d'admettre qu'il faisait froid.
« Tu peux venir sous ma cape, si tu veux. » proposa l'Esprit maladroitement. Au regard perplexe de son vis-à-vis, il tenta de se reprendre, de se justifier : « Je veux dire, mon costume, j'ai ce manteau qui est énorme et... Enfin, on y rentre probablement à deux, tu vois ? Et, si tu as froid, euh... Ça ne me dérange pas de partager un peu.
― Oh. » Répondit simplement le prince, et pendant un moment, le spectre eut peur de l'avoir brusqué ; un sourire se tendit cependant sur les lèvres du Prince, et il murmura un « Merci. » avant de venir se glisser sous le bras chaud de son ami, son grand chapeau passant sur leurs deux têtes.
Ils restèrent profitant de la chaleur de l'autre, assis sur un banc à peine éloigné de la sortie. Tapis dans l'ombre, les gens qui passaient ne faisaient pas attention à eux, trop occupés à leurs propres affaires préoccupantes. Il n'était pas de nature bavarde, mais l'Esprit réengagea tout de même la conversation, parce qu'il aimait parler avec son Prince charmant.
« A quelle heure tu pars, aujourd'hui ?
― Euh... J'ai oublié de demander. Du coup je sais pas. Sûrement minuit, comme la dernière fois.
― ... Dommage. »
Le prince acquiesça dans un soupir à fendre l'âme, et l'étreinte entre les deux garçons se resserra un peu. Ils n'avaient plus particulièrement froid.
« On se montre nos visages, avant que je doive repartir ? » Demanda soudain le Prince, enthousiaste, il s'était redressé légèrement, s'écartant à peine de l'autre pour pouvoir le voir à travers les fentes de leurs deux masques. Le tissu du grand manteau entre eux était tendu, mais loin de craquer. Le regard de l'Esprit se fit fuyant.
« Je... Je ne sais pas si c'est une bonne idée.
― Hein ? Pourquoi ?
― Eh bien, beaucoup de gens ne m'apprécient pas plus que ça. » Tenta-t-il de s'expliquer.
Le Prince était sincèrement confus : « Pourtant t'es génial comme type, j'comprends pas.
― Non, c'est... Ça va bientôt être ton heure de toute façon. »
Il sortit son téléphone et constata, il était effectivement bientôt minuit. Il insista tout de même :
« On peut au moins échanger nos numéros ?
― ... Ok, fais voir. » Il tapa les cinq nombres sur le cellulaire que lui tendit son prince avant de lui rendre.
« Et je mets quoi en nom de contact ?
― Je sais pas, ce que tu veux. » rigola doucement l'Esprit en réponse.
« "Dark Samurai Fantôme du Tur-fu"... Non attends, ça rentre pas ! »
Cette fois-ci le rire du spectre se fit bien plus distinct, et le Prince l'accompagna, ravi d'avoir réussi à le détendre.
« Juste "Samurai", c'est suffisant je crois. »
Ils rirent comme deux idiots alors que les doigts tremblants du Prince tapaient frénétiquement les nombres que lui dictaient le Spectre. Quelques minutes plus tard, les numéros étaient échangés, les téléphones de nouveaux rangés, les mains dans les poches et les corps adossés. Un petit silence tranquille s'installa alors qu'ils observaient le ciel dégagé. La pollution lumineuse empêchait de les voir toutes, mais on distinguait clairement les plus vives des étoiles ce soir là. Le vent était frais et soufflait dans les arbres secs, les faisant chanter et trembler. Blottis l'un contre l'autre, ils n'avaient pas froid.
« Merci, au fait.
― Hein ? s'étonna le prince ; Pourquoi ?
― Eh bien euh, tu as dit que j'étais génial tout à l'heure et euh... Merci de coup.
― Oh. De rien. »
Le regard de l'Esprit était perdu au loin, évitant clairement la confrontation, mais un petit sourire ornait ses lèvres. Le Prince pouvait l'observé de près, penché sur son épaule, ses yeux rencontraient une mâchoire pâle et bien dessinée en premier, puis un menton au profil carré, et les lèvres rosées du fantôme qui étaient doucement étirées dans un sourire stable, bien que timide. Plus haut, le nez se dressait sous le bout du masque qui n'aurait rien laissé voir de plus si on l'avait supplié. Le Prince ne s'en occupa pas, toute son attention habituellement volatile, tournée entièrement vers ce bout de bonheur transparent, vers la bouche qui ne parlait plus mais qui de temps en temps laissait échapper un petit nuage de condensation, vers le sourire de son camarade. Personne ne le vit, mais les yeux de l'Esprit, dissimulés par les fines fentes de son épais masque, revinrent un court moment dans ceux du Prince, avant de se rendre compte qu'ils étaient concentrés ailleurs. C'était subtil, une simple oscillation des paupières, légèrement rabaissées montrant de longs et fins cils bruns ; il n'aurait rien vu si le réverbère plus loin n'était pas si bien placé.
Le klaxonne d'une voiture résonna au loin et la seconde d'après, leurs nez se touchaient délicatement et ils ne réfléchissaient plus. Ils s'épousèrent, se croisèrent et s'éloignèrent pour laisser enfin les lèvres se rencontrer, et crachant tout l'air de leurs poumons, ils les laissaient danser ensemble la valse sensuelle qu'elles attendaient. Les adolescents n'étaient pas du tout en rythme avec la musique qui résonnait encore dans la salle, joyeuse et insouciante : ils ne l'entendaient même pas. Ils préférèrent suivre les battements affolés du cœur de l'autre, qui résonnait dans leurs doigts quand ils attrapaient une chemise, une épaule, quand ils caressaient un dos, un cou ; et à la respiration profonde et avide qu'ils partageaient. Ils se seraient embrassés éternellement s'ils avaient eu plus de temps, s'ils n'avaient eu pas tant à se dire, si le klaxon n'avait pas insisté ; à contre cœur, leurs lèvres finirent par se décoller et tandis qu'ils reprenaient leurs souffles, plus personne ne bougeait. Le monde tout autour était pétrifié, chacun d'eux était figé entre l'attente d'une parole, la crainte d'un mouvement, et l'espoir d'un nouveau baiser. Au fur et à mesure que les respirations se calmaient, et que les doigts se décrispaient, les méninges tournaient à plein régime pour formuler les pensées en phrases cohérentes qui seraient prononcées en suite.
Peut-être parce qu'il réfléchissait plus vite, ou peut-être parce qu'il était celui qui s'exprimait le mieux, le Prince fut le premier à parler. Ce n'étaient pas vraiment des paroles, un simple souffle rauque, ardent sur les joues de son vis à vis, comme s'il avait oublié comment faire vibrer correctement ses cordes vocales.
« Je le pensais. »
Les mots, ou peut-être le vent, firent frissonner l'Esprit, qui resta silencieux. Il n'était même pas sûr de ce à quoi se référait le Prince, il adorait juste ce timbre comme brisé, qui était plus grave que celui auquel il l'avait habitué, terriblement sensuel et déjà, leurs têtes retombaient dans la direction de l'autre. Leurs fronts se posèrent l'un contre l'autre à la petite déception du fantôme qui attendait un baiser. Le contact était tout de même d'une infinie douceur, et malgré un petit quelque chose de bizarre au fond de sa poitrine, il se sentit apaisé par ce simple toucher.
« Je dois y aller maintenant. »
Le Prince avait prononcé ces mots-ci de façon plus claire et prudente. Ses yeux étaient fermés, pour mieux se concentrer sur ce qu'il disait, sur le contact de leurs fronts, sur le souffle chaud qui lui caressait le menton, ou sur leurs mains qui étaient entremêlées entre elles et à leurs vêtements de Noël.
« Avant de partir, je voudrais...
― Oui ? »
La voix de l'Esprit n'était pas plus forte qu'un murmure, elle non plus. Elle éclata pourtant comme un soleil, rayonnant de mille feux ardents, aux oreilles du Prince qui ouvrit les paupières comme pour s'assurer de la réalité.
« Tu me plais vraiment, Samurai ; avoua-t-il. J'aimerais qu'on s'embrasse encore, avant que -
― Oui ! »
Sur le moment le Prince resta perplexe, ne comprenant pas d'où venait ce soudain enthousiasme, timide mais déterminé. Comme les mots n'étaient pas son fort de toutes façon il décida que les actes parlaient tous les langages avant de se jeter à l'eau, et de revenir cogner vivement ses lèvres contre celles de l'autre garçon. Les bras encerclèrent tendrement les bustes, les épaules, tandis que les corps se rapprochaient une dernière fois avant qu'ils ne se séparassent. Sans se lâcher, ils se levèrent et s'approchèrent de la route. Arrivés au bord du trottoir, ils s'éloignèrent à peine avant de se dire au revoir.
Le Prince monta dans la voiture, et elle s'en alla au loin. Le monde avait recommencé à bouger, et il faisait froid. L'Esprit retourna à l'intérieur, pour retrouver ses amis. Il était minuit et tous les élèves avaient enlevé leurs masques, les laissant pendre à leur cou, ou parfois relevés sur leur front. Il hésita avant d'en faire de même, heureux de pouvoir laisser respirer son visage. Il était triste que le Prince fût parti, mais il n'aurait sûrement pu être plus satisfait de la soirée, se fit-il la réflexion alors que sa main attrapait son téléphone au fond de sa poche, et que sur son visage se dessinait un sourire.
J'espère que ça vous a plus, n'hésitez pas à laisser un petit avis, un commentaire, une pensée ; ça me ferait très plaisir, et ça se passe dans la boîte "Review" ^^
J'ai écrit ce chapitre en plusieurs grandes fois, et je trouve que ça se ressent, non ? Il est comme divisé en plusieurs "moments" j'ai l'impression.
Par exemple, le dernier moment commence à "Merci, au fait". Celui d'avant, c'est tous ces dialogues où ils s'échangent leurs numéros, à partir de "A quelle heure tu pars, aujourd'hui ?". Et ainsi de suite. Ça me fait encore plus bizarre maintenant que je m'en rends compte x) !
Je ne savais juste pas comment le finir, jusqu'où aller, que faire ? Mais au final je suis plutôt satisfaite du résultat. J'espère que vous l'êtes aussi, et même si vous ne l'êtes pas, n'oubliez pas de reviewer pour me dire pourquoi ;)
Sur ce, je vous dit à la prochaine !
