Salut. Comment ? Oui, c'est vrai que ça faisait longtemps.
Plus ou moins six mois, encore une fois. Mais je jure solennellement que je finirai cette fic ! Je la finirai !

D'ailleurs, on approche de la fin. C'est l'avant-dernier bal mes amis, et j'espère qu'il vous plaira !

Bonne lecture.


XI
QUATRIÈME BAL

Le Carnaval battait son plein en ville. Des dizaines de chars défilaient parmi les rues, décorés de fleurs en papier, de serpentins brillants, de pantins en papier marché, ou de guirlandes colorées. Des confettis voletaient un peu partout, lancés depuis les balcons, les toits, les voitures et les chars, la ville était en fête. Il y avait un peu de vent qui faisait danser les guirlandes et les pans des costumes, mais le soleil était heureusement au rendez-vous. Ceux qui ne jouaient pas le jeu des costumes multicolores étaient nombreux, enveloppés dans leurs doudounes confortables, cachés sous un bonnet ou derrière une écharpe, mais ils passaient complètement inaperçus au milieu des chevaliers, des lions, des drag-queens, des vaches ou des personnages de films cultes. Toutes les cultures et toutes les couleurs s'étaient retrouvées dans les rues sous le vent glacial de fin février simplement pour faire la fête ensemble. On n'était pas à Rio et encore moins à Venise, mais on s'amusait quand même. Des stands vendaient des ballons à l'hélium dans ce coin là, et d'autres faisaient des hot-dogs dans l'allée suivante.

Quatre adolescents naviguaient ensemble le long d'une rue, cherchant le bon endroit pour attendre les chars du défilé. Un ours beige, une fée, un perroquet et Batman formaient un drôle de quatuor. Pidge se plaisait à dire qu'elle était une fée, du moins. La vérité, c'était qu'elle avait rapidement enfilé une robe de costume de fée par-dessus son blouson histoire qu'on arrête de lui reprocher son médiocre costume de moldu. Maintenant elle était une fée et si on n'était toujours pas content, elle lui lancerait la malédiction qui fait perdre un œil avec sa baguette en plastique. Hunk était ravi de son choix, la fourrure le tenait au chaud et, vu qu'il avait fabriqué une pancarte "câlins gratuits", il avait donné des dizaines de câlins à tous types de personnes avant de la perdre, emportée par le vent. Il espéra qu'un autre la trouve et qu'elle lui soit utile. Lance n'avait pas froid. Il se demandait comment quelqu'un pouvait avoir l'air aussi cool dans un des costumes pas cher qu'ils avaient déniché à l'épicerie la veille. C'était vraiment injuste que Keith soit si... Classe, en Batman, alors que lui il avait juste choisi le perroquet pour amuser la galerie et que maintenant, il faisait chaud dans ce costume non ?

Le défilé de chars sut se faire entendre quand il arriva, précédé d'une fanfare aux musiciens bleus et rouges qui avançaient en rythme, et sous une pluie de confettis qui resterait coincés dans leurs cheveux et les poils et plumes de leurs costumes pour toute la journée, l'attraction principale de la fête venait à eux en grande pompe. Des sirènes, des extraterrestres, des soldats steam-punk, des scènes fleuries, des cracheurs de feu, toute une ribambelles de tableaux se succédèrent tandis que les chars passaient lentement, laissant aux citoyens le plaisir d'admirer le travail des artistes du carnaval. Le char des miss de la ville passa parmi les derniers, dans leurs grands trônes de carton astucieusement décorés pour qu'ils aient l'air précieux, et les adolescents reconnurent un joli visage familier.

« Bravo Romelle ! Youhou !

― Wow, elle est deuxième dauphine ? Je savais pas que ce genre de concours l'intéressait, c'est génial pour elle !

― C'est génial qu'une fille trans comme elle ait pu participer et soit classée si haut.

― Quoi, Romelle est trans ? »

Et puis les chars furent passés, et bien que la musique résonnât toujours dans l'air, l'euphorie se calma et la foule se dissipa, soit pour retrouver les chars dans la rue d'après, soit pour profiter des quelques stands qui avaient été installés çà et là. Quand Lance se retourna vers ses amis pour demander ce qu'ils faisaient maintenant, il ne trouva plus que Batman, et impossible de retrouver les deux autres, perdus au milieu du monde. Une bourrasque glacée s'engouffra dans la rue et le fit vaciller sur ses pieds, presque tomber dans les bras de Keith.

« Oh là, doucement l'oiseau. Tu sais que tu ne voles pas ? »

La blague était franchement assez mauvaise et leur position plutôt gênante, mais Lance se força à rire pour la décoincer. C'était pas le moment de rendre ça pesant, ils étaient là pour prendre du bon temps et décompresser après les premières épreuves du bac blanc.

Plus il regardait Keith, et plus Lance se disait qu'il devait être le Samouraï. Il reconnaîtrait ce mulet entre mille. Pour en être sûr, il avait essayé de procéder par élimination, et analysé la coupe de tous les élèves de son lycée qui étaient en terminale, et aucun ne correspondait mieux que Keith. Sérieusement, il n'y avait que Keith pour porter un mulet... Il avait juste besoin d'une vérification, mais comment ?

Le souvenir du baiser qu'ils avaient échangé à leur petite soirée révision ne cessait de se rappeler à lui, comme une grosse tâche sur une feuille autrement toute blanche, elle était là et tant qu'on n'aurait pas décidé d'y faire quelque chose, elle resterait. Cette tâche narguait Lance comme le petit sourire taquin de Keith, qui était à tomber par terre. Mais Lance s'était déjà assez ridiculisé pour le moment, alors il se redressa, essaya d'épousseter son costume aux plumes bleutées, pourpres au bout des ailes, échoua, abandonna. De toutes façons, il n'y avait pas de poussière sur son costume, juste des confettis et des paillettes de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et dont on ne se débarrasserait pas si facilement.

Ce souvenir avait beau être frappant, il restait plutôt flou pour Lance, qui n'était pas sûr exactement de ce qu'il s'était réellement passé, ce qu'il avait imaginé, rêvé, fait, ressenti... La mémoire était une championne pour jouer des tours, surtout quand on l'armait d'assez d'alcool. Et la quantité d'alcool qu'ils avaient tous ingurgité ce soir là était certainement bien assez.

« Mais où sont passés Pidge et Hunk ?

― J'sais pas, c'est bizarre qu'ils aient disparus comme ça. Attends bouge pas, je leur envoie un message. »

Keith savait toujours se concentrer sur ce qui était important, et Lance lui en était reconnaissant. Il était inconcevable qu'il passe la journée seul avec Keith à se rappeler ce baiser à la noix dont il ne se souvenait même pas. D'ailleurs, s'il ne s'en souvenait pas, c'était que ça n'avait jamais dû se produire. Parfaitement, il ne s'était jamais rien passe entre Keith et Lance à cette soirée révisions. D'ailleurs, quelle soirée révisions ? Révisions qui ? Lance ne connaissait personne de ce nom là.

« Ouais, j'ai oublié mon téléphone donc je peux pas. Attends, elle te réponds déjà ? C'est Pidge pas vrai ? Qu'est-ce qu'elle dit ? »

En effet, la réponse de Pidge avait fusé plus vite que l'éclair, Lance lit dans sa tête :

« Vous deux avez des choses à régler, entre vous. On vous laisse seuls pour la journée démerdez-vous sans nous. »

Pidge mettait un point d'honneur à toujours écrire ses messages sans abréviations et dans une grammaire impeccable. Pourtant, elle répondait au quart-de-tour, et Lance était persuadé que ça cachait une sorte de sorcellerie interdite. Depuis le temps, il n'y faisait plus attention. Il lit à voix haute pour Keith :

« 'On a du être séparés quand les chars sont partis, on se retrouve plus tard. '

― Elle a vraiment dit ça ?

― Euh, ouaip. »

Lance aurait presque senti son nez s'allonger tant il avait l'impression de ne pas avoir été cru. Keith finit par hausser les épaules et le message de Hunk arriva à son tour.

« Désolé mon pote, elle m'a pas laissé le choix. Je pense que vous avez vraiment besoin de parler de toutes façons. Essayez de pas vous entre-tuer quand même, c'est la fête aujourd'hui ! »

Il avait réussi à ouvrir le message discrètement, mais il ne put pas s'empêcher d'y réagir en grognant, ce qui attira de nouveau l'attention non désirée - pour une fois - de Keith.

« Sale traître !

― Hein ?

― Non, rien...

― Si tu le dis. »

Que Pidge manigance contre lui, il pouvait le comprendre. Mais Hunk ? Ce sale petit gremlin avait réussi à retourner son meilleur ami contre lui ! Hunk ! Lance et lui se connaissaient depuis tous petits, ils avaient quasiment grandi ensemble, comment avaient-ils pu ?

« Du coup euh... On fait quoi en les attendant ? On... Enfin. On pourrait s'arrêter à une terrasse commander à manger peut être ? C'est bientôt une heure et on n'a pas encore mangé. Si tu veux, bien sûr.

― Euh, ouais. Ouais, faisons ça. Là-bas ? »

Et ils s'installèrent là-bas, où Lance posa enfin sa tête de perroquet qui lui tenait un peu trop chaud. C'était un petit snack-bar-café, qui faisait sûrement son plus gros chiffre d'affaire de l'hiver ce jour là, car il y avait des dizaines de gens installés en terrasse, et que la salle semblait bondée. Autour d'une petite table ronde qui était libre mais tranquillement installée sous un parasol qui menaçait de s'envoler, les deux adolescents s'étaient assis face-à-face et regardaient le menu, qui était jusque là calé sous une grosse pierre peinte au milieu de la table. Keith trichait un peu parce qu'il portait son costume de Batman sans le masque ni la capuche, soi-disant parce qu'ils le gênaient. Pour ne pas avoir ses propres cheveux dans les yeux, il les attacha en queue de cheval, et Lance l'observa faire avec attention.

C'était obligé, ça devait être lui. Qui d'autre ? Plus Keith et Lance se rapprochaient, plus Lance avait l'impression de reconnaître certaines mimiques, un langage corporel particulier, une intonation, des petits détails qui semaient le doute dans son esprit. Une fois que son mulet fut attaché en queue de cheval à l'arrière de son crâne, Keith revint analyser la carte comme si de rien n'était. Lance n'arrivait pas à se concentrer. C'était trop flagrant. Le samouraï coiffait ses cheveux un peu comme ça, aussi. Deux yeux argentés se relevèrent, prenant Lance en flagrant délit d'intense fixation.

« Qu'est-ce que tu prends ? »

Le cubain fit semblant de ne pas être embarrassé. C'était plus facile de prétendre qu'il ne s'était rien passé et qu'il n'était pas en train de mater son ami la seconde précédente en se posant tout un tas de questions stupides. Il jeta un rapide coup d'œil à la carte histoire d'avoir quelque chose à répondre. Du poulet, ça semblait pas mal. En face, son ami laissa échapper un petit rire beaucoup trop mignon pour son costume de Batman.

« C'est drôle. Tu es déguisé en poulet, et tu vas manger du poulet ?

― Eh, c'est un costume de perroquet, d'abord !

― Espèce de cannibale ! »

Keith rit plus franchement et Lance le regarda faire avec une tendresse qui le surprit lui-même. C'était le genre de rire doux qui vous gonflait le cœur comme de la crème fouettée, ça faisait fondre ses os en caramel, ça hérissait les poils et affolait le pouls. Malgré tous ces symptômes alarmants, Lance se redressa en bougonnant. Keith arrêta de rire quand la serveuse vint prendre leur commande.

Une fois qu'elle fut partie, Keith s'intéressa avec plus d'insistance à la façon dont Lance évitait son regard, faisant semblant d'être distrait, et d'admirer l'environnement. Une bourrasque soudaine secoua ses plumes et fit s'envoler les paillettes qui s'y trouvaient. Un rayon de soleil avait réussi à percer par une étrange magie la couverture grise qui avait dominé le ciel depuis le départ des chars, et Keith le vit à peine se réfléchir dans le brillant des paillettes virevoltant entre eux ; trop absorbé par le profil anguleux de Lance. Le souvenir du baiser qu'ils avaient échangé était toujours vif dans son esprit, et c'était presque comique comme le soleil lui-même venait le tenter en éclairant comme ça les lèvres de Lance, ou quelques paillettes vinrent s'échouer. Il se serait cru dans un vieux dessin animé japonais à l'eau de rose ; même la musique avait pris des airs mélodramatiques et doucereux, et il était presque sûr que les fleurs sur les tables de derrière n'étaient pas là tout à l'heure, mais elle encadraient le tout d'une manière joliment kitsch. Une langue distraite vint tenter de déloger les paillettes à la commissure de ses lèvres, sans franc succès, et après une drôle de grimace Lance recracha comme il put les petites importunes. Même cette mimique, qui aurait dû être ridicule vraiment, sembla à Keith être une des plus adorables qu'il n'eut jamais remarquées. Il ne se rendit même pas compte qu'il riait.

C'était juste, la façon dont le nez de Lance se plissait, et le mouvement ample de ses sourcils, et ses cils qui battaient en faisant se soulever plus de paillettes, et sa bouche qui se tordait en une moue un peu enfantine... Keith ne s'interdit de penser que c'était adorable qu'une fois qu'il fut trop tard. Il l'avait déjà pensé, et son cerveau peinait vraiment à se décider.

Leurs pieds se frôlèrent par inadvertance sous la table, les faisant sursauter à l'unisson.

« Pardon ! » s'exclama Lance, qui six mois plus tôt lui aurait plutôt crié dessus.

« Ce... C'est rien... » Keith se força a regarder ailleurs, mais sentait ses joues chauffer.

Ils n'étaient vraiment plus eux-mêmes.

Peut-être qu'il s'était passé plus de temps qu'ils ne croyaient, car la serveuse revint avec leurs plats alors que leurs pieds ne s'étaient toujours pas écartés. Keith rapatria ses jambes le premier, les glissant sous sa chaise pour pouvoir se redresser et se concentrer sur son repas, et Lance l'imita. Il y avait une drôle de sensation qui lui tirait l'estomac, et ça devait être la faim, ou une de ses affiliées. Sûrement.

Le silence pesant entre eux ne dura qu'un court moment, quand Lance relança la discussion sur le Bac, et que Keith renchérit à propos de leurs professeurs. L'addition fut partagée et ils décidèrent ensemble d'aller manger leur dessert Chez Kaltenecker ; après avoir assisté une deuxième fois au passage du défilé de chars, suivi cette fois-ci d'une marche de majorettes. Plus de confettis et de paillettes vinrent les arroser, mais à ce stade ils étaient résignés à se laisser ensevelir par les flocons de papier, qu'ils accueillirent en riant.

Chez Kaltenecker était un glacier populaire dans leur petite ville, où le gérant servait une large gamme de glaces faites maisons, mais aussi des smoothies et des yaourts. Bien que le temps n'était pas des plus cléments ce jour là, il était ouvert volontiers et servait ses friandises aux fêtards avec un grand sourire. Keith et Lance se laissèrent tenter par des glaces aux parfums insolites, telles que : banane guadeloupéenne, double-noir réglisse-chocolat, fleur d'oranger aux zestes confits, menthe fleur-de-sel. Une expérience particulière, mais pas déplaisante. Plus perturbant que la pointe salée dans sa glace à la menthe, était la façon dont Lance léchait avidement ce qu'il restait de sa glace à la vanille. Keith avait marché dans une flaque tout à l'heure et ses orteils étaient gelés, mais il s'en fichait, il n'avait pas froid du tout.

« Fais gaffe, ça coule à côté là. » remarqua Lance, sortant son ami de sa transe.

Et, en effet, sa propre glace était en train de lui fondre sur les doigts. Keith songea à récupérer ce qui avait coulé, mais il n'avait pas de serviette, et vu comme Lance le regardait, est-ce que ce serait trop suggestif s'il commençait à se sucer les doigts ? Et puis zut, ce n'était qu'une glace, il n'avait qu'à utiliser sa langue. Attendez, non c'est pire. Si pas pire, pas beaucoup mieux en tous cas. Il se dépêcha d'engloutir ce qu'il restait de sa glace et regarda la crème couler sur ses doigts, calme en extérieur mais en proie à une intense panique intérieure. Que faire ? Lance avait déjà un copain de toutes façons, et il commençait à peine à apprécier un peu Keith, c'est pas comme si il allait y voir quoique ce soit pas vrai ?

Oh. Lance aurait définitivement dû détourner le regard quand il en avait l'occasion. Les papillons qui s'agitèrent dans son ventre le lui rappelèrent mais c'était trop tard, les yeux de Lance étaient glués au spectacle involontaire. Keith semblait complètement perdu, et quand il le vit essayer de secouer ses mains pour faire partir la glace, Lance se souvint d'une chose dont il aurait quand même pu se rappeler plus tôt :

« Attends, attends, je crois que j'ai des mouchoirs dans ma poche... » Il chercha sous son costume les poches de son jean, et ressortit un bras par le col plutôt large du perroquet. « Tiens, voilà. »

Retenant son rire, Keith attrapa quand même le paquet que lui tendait son ami. Une petite étincelle d'électricité s'alluma entre eux quand Lance déposa ses mouchoirs dans la main tendue de Keith, qui s'énerva mais accepta quand même le cadeau.

« Aille, mais c'est pas possible ! C'est au moins la cinquième fois depuis la rentrée que tu me files le jus, tu vis dans une centrale ou quoi ? »

La remarque et la moue souffrante de Keith firent ricaner doucement Lance, qui se défendit : « Eh, j'y peux rien cette fois ! C'est ce fichu costume, il attire toute l'électricité statique de la ville j'te jure ! »

Idiots, il rigolèrent un moment en flânant, jusqu'à enfin retrouver Pidge et Hunk, qui se firent pardonner d'avoir disparu avec des churros pour tout le monde.


...

J'ai des plans pour la fin de cette histoire.
J'espère pouvoir la finir pour cet été, mais ce n'est pas une promesse ; depuis 2018 dans mes résolutions du nouvel an il y a "Finir Cinderellance", on est aujourd'hui en 2022 (critical damage, ouch) !

Mon objectif pour le chapitre XII, disons Mai. Moui, ça me semble raisonnable. Croisons les doigts (et laissez une review pour m'encourager haha ;w; ) !