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- Ace t'a porté sur tout le chemin du retour... ?
- Mouais...
J'suis assis en tailleur sur mon lit alors que Sab' est agenouillé devant moi, une main réconfortante sur mon genou. Il essaie d'me sourire mais j'vois bien qu'il est mort d'inquiétude au fond d'lui.
- Comme quoi il a pas tant perdu de muscle qu'il veut bien le dire, se marre-t-il, sûrement pour détendre l'atmosphère.
Mais j'ai du mal à redescendre.
J'comprends pas pourquoi j'ai réagi comme ça. Sur le coup, j'ai eu l'impression d'nous voir mourir. J'ai eu l'impression d'être… D'être dans la Corolla avec Papa et Maman. J'ai eu l'impression de les voir tous les deux, à l'avant, le visage en...
- Hey hey hey, Luffy ! Ça va aller, okay ? S'alarme Sabo en me prenant dans ses bras alors que j'me recroqueville dans une plainte immonde, agressé par mes sanglots qui reviennent d'un coup.
Ça m'vrille le ventre comme jamais. J'ai envie de vomir. J'ai même pas envie d'avaler quoi que ce soit. Tout c'que j'pensais avoir réussi à enfin évacuer ces derniers jours est remonté d'un seul coup en moi puissance dix mille. J'me sens trembler comme une feuille contre Sab' et ma gorge sort encore des sons bizarres que j'pensais même pas pouvoir sortir.
Ace m'a dit que ça m'arrivait souvent depuis... Depuis l'accident. La nuit, j'me réveille en sursaut. J'pleure et j'me mets à hurler de détresse. J'me souviens d'une ou deux fois, mais à en deviner le regard de mon frère quand on en a parlé, c'est beaucoup plus que ça... Mais c'est vrai que j'me souviens pas vraiment d'mes rêves, en c'moment...
Tant mieux, sûrement ? J'en sais rien. En tout cas, les images affreuses que j'ai derrière les paupières veulent pas s'effacer. Et ça m'tue.
- Luffy, ça va aller, tout va bien... Me chuchote Sabo doucement, mais ça m'aide pas du tout.
- Non ça va pas Sab'... Comment tu veux qu'ça aille...
- Je sais Lu', mais...
- Sab', pousse-toi.
J'sens Sabo qui se retourne à la voix sèche d'Ace et il me lâche pour mieux que j'sois récupéré par les bras bouillants de mon frère. Il m'embarque avec moi au fond du lit et nous couche tous les deux, ma tête dans son cou. Je hume son odeur et ça m'apaise à une vitesse incroyable... J'm'accroche à ses fringues comme un fou et me remet à pleurer.
J'sais pas combien de temps on reste comme ça, avec Ace qui me caresse les cheveux en silence. J'sens qu'il est tendu contre moi, comme à chaque fois que c'est arrivé, mais pourtant il a l'air calme.
Il m'impressionne tellement. Je sais qu'il est une boule de nerf prête à exploser à chaque instant, et pourtant dans ces moments-là, quand j'ai vraiment besoin d'lui, c'est la réincarnation de Bouddha sur Terre.
- ... Tu ferais le Bouddha le plus sexy qu'on ait jamais vu, lui lancé-je, la voix étouffée d'avoir le visage collé à son cou.
- Hahaha, ah oui ?
- Hm. J'suis sûr que l'nombre de bouddhistes dans le monde triplerait en trois jours. Ils seront tous là genre « Woaaah, Saint Ace, on vous baise les pieds vous êtes trop cool pour nous simples morteeeels ! »
- Hahahaha t'es con !
... J'aime quand il rit. J'aime tellement quand il rit.
J'suis calmé, ça va mieux. J'me sens respirer de nouveau à un rythme tranquille et j'ai plus envie d'pleurer, même si j'ai toujours le ventre tordu.
Y'a un silence super apaisant dans la chambre autour de nous, j'ai l'impression que le temps s'est arrêté. J'adore cette sensation. Ça m'donne l'impression qu'on sera toujours ensemble tous les deux, quoi qu'il arrive. Toujours là l'un pour l'autre, dans les moments les plus horribles comme dans les meilleurs.
- ... Tu m'épouserais si j'te l'demandais ?
J'm'attendais vraiment à l'faire rire encore, mais j'le sens se tendre contre moi. J'fronce les sourcils et essaie de relever la tête pour le regarder, mais sa main dans mes cheveux me force à rester dans son cou. J'sais pas si c'est volontaire ou pas...
- ... Évidemment, finit-il enfin par me répondre. J'te laisserais prendre mon nom par contre, parce que j't'avoue que j'fais une overdose des Monkey, en ce moment...
- Betty s'appelle pas Monkey, elle a le nom de Hack.
- Je sais. Ça reste une foutue Monkey quand même. Une bonne famille d'emmerdeurs, si tu veux mon avis.
Mon rire résonne dans la chambre avant que le calme ne retombe et j'me surprends à sourire, toujours avec la bonne odeur de mon frère dans le nez.
- 'L'est où Sab' ? Demandé-je en essayant de zieuter la pièce autour de nous.
- Il a dû retourner dans l'salon, j'sais pas moi… Pourquoi, tu voulais qu'il nous rejoigne ?
- Ouais ! J'ai jamais fait d'plan à trois, en plus !
Mon frangin sort un son chelou et resserre sa prise sur moi. Ses énormes biceps s'enfoncent dans ma peau à presque m'en faire mal, mais j'aime bien cette sensation.
- Encore heureux que t'aies jamais fait de plan à trois... Abruti, va...
- Pourquoi ? Ça doit être fun, non ?
- T'es trop jeune pour ça, me répond-il presque sèchement.
- Qu'est-c't'as l'vieux coincé ? Ça t'dérange d'imaginer ton p'tit frère être pris en sandwich par deux mecs baraqués ?
Il a un énorme sursaut de dégoût et s'éjecte presque du lit en râlant.
- Ça va pas d'me mettre des images comme ça dans la tête ?! Tu veux que j'te crame vivant ?!
- HAHAHAHAHA t'es trop chouuuuuu !
- Ta gueule !
Il se tire de la chambre en marmonnant et ça m'fait rire d'autant plus. J'pensais pas qu'il réagirait comme ça, tiens. Mais c'est vrai qu'on a jamais vraiment trop parlé de cul ensemble… C'est l'un des seuls sujets que j'ai toujours senti qu'il fallait que j'évite, j'ai jamais trop compris pourquoi.
J'avais trop eu envie de lui dire pourtant, la première fois que j'ai couché avec quelqu'un par exemple. J'avais même déjà le sms tout prêt à lui envoyer. Mais en le relisant, j'ai repensé à toutes ces fois bizarres... Toutes ces fois où Ace a ramené ses mecs à la maison et qu'il se cachait de nous. À cette fois où j'ai voulu lui demander pourquoi ils avaient « pleuré » la nuit avec son copain et qu'il m'avait éjecté de sa chambre en hurlant d'aller poser mes questions à la con ailleurs. Toutes ces fois où il me faisait croire que c'était « juste un pote » alors que j'savais pertinemment que c'était bien plus que ça.
Cette fois où j'l'avais surpris en train d'se branler, aussi. Ça avait été le scandale du siècle, il m'avait esquivé pendant des jours. Alors qu'y'avait rien de grave à mes yeux. J'm'étais même pas moqué d'lui, j'm'étais excusé direct' et tout…
Tous ces petits trucs qui m'ont fait me dire avec le temps que la sexualité était vraiment pas une conversation à aborder avec Ace, aussi bizarre qu'ça puisse être.
Il m'a pourtant appris tellement de trucs en tant que grand frère, peut-être même plus que mes parents. C'est lui qui a fait ma culture cinématographique et même générale sur plein de choses, c'est lui qui m'a initié aux jeux-vidéos, à la plupart des sports que je kiffe aujourd'hui. C'est lui qui m'a inculqué mes valeurs et mon ouverture d'esprit. On a toujours pu parler de tout et de rien, lui et moi : des enjeux politiques mondiaux auxquels je comprenais rien à nos problèmes familiaux, jusqu'à la différence entre un pigeon mâle et femelle.
D'absolument tout, sauf de cul.
Et j'ai jamais vraiment trop compris pourquoi. Et j'étais même un peu paumé, au début. Quand j'voyais tout le monde autour de moi en parler et commencer à sortir avec des gens, ils avaient l'air d'avoir tous une logique qui se ressemblait et que j'avais pas. La plupart des trucs, je les ai appris sur le tas. J'ai appris à rouler une pelle avec Koby, mon premier copain en troisième. Et c'était complètement ridicule. Mes potes me l'ont dit après coup : y'parait qu'on aurait cru qu'on nous avait scotché la bouche ensemble et qu'on pouvait plus nous décoller. J'ai appris les différences pas si anodines que ça entre un mec et une fille avec Shiraoshi sur le tas, même si Nami m'avait déjà bien coaché aussi à un moment donné, blasée qu'elle était de réaliser que j'y « connaissais rien à la vie », pour reprendre ses mots. C'est Sanji qui m'a montré mon premier porno y'a même pas deux ans, pour délirer. C'est Usopp qui m'a fait réaliser qu'il y avait plein d'orientations sexuelles différentes avec des noms différents, le jour où il m'a demandé où j'me plaçais moi.
Sauf que même aujourd'hui j'ai pas envie d'me placer. J'comprends pas ce délire de vouloir absolument mettre les gens dans des cases. J'aime qui j'ai envie d'aimer, je couche avec qui j'ai envie de coucher. Que ça soit un mec, un trans', une nana ou quoi, c'est la même chose à mes yeux, y'a juste besoin de s'adapter un tout petit peu. Nami est d'accord avec moi, alors que ça avait presque donné une syncope à Usopp et à Sanji, qui ont apparemment besoin de ces noms et ces étiquettes d' « hétéro », « BI » ou autres « sapio » pour s'en sortir. Et c'est d'ailleurs là que j'ai découvert aussi qu'y'avait des gens que ma désinvolture dérangeait, en fait. Que ces gens-là, ils ont vraiment besoin d'avoir leurs petites cases avec les noms et la définition correcte dessus pour pouvoir réfléchir sans paniquer.
Trop chelou.
Et aussi que j'sais pas si Ace se place quelque part à ce niveau-là, du coup. Comment il voit les choses, lui et son ouverture d'esprit. Je l'ai jamais vu ramener que des mecs à la maison, alors j'en ai toujours conclu qu'il était juste « homo » ? Mais j'sais même pas s'il a déjà eu une vraie relation longue comme moi, s'il est déjà tombé amoureux, s'il a déjà eu une peine de cœur, s'il a déjà éprouvé les pulsions que j'ai pu éprouver envers des personnes bien précises, s'il a des fantasmes et des délires pas banals, si…
J'pourrais y réfléchir des heures, parce que j'suis bouffé par la curiosité, en vrai. Et d'autant plus après le coup bizarre qu'il m'avait fait la dernière fois, quand il m'avait murmuré de « le supplier » hyper sensuellement... Sur le coup, j'arrive même pas à nier que ça m'a pas fait un truc. Avec son regard de braise quand il s'y met, là...
Mais bref, j'sais pas si j'oserais lui demander franco un jour. Surtout quand il a ce genre de réaction quand j'lui parle juste de sandwich.
... Et en parlant de sandwich, mon mal de ventre est presque passé. Go cuisine.
Parce qu'avec tout ça j'ai pas fini mon repas de midi et j'ai donc pas vraiment mangé depuis à peu près cinq heures.
... Faut que j'évite d'y penser et que j'me magne de plonger dans le frigo, sinon j'vais m'mettre à paniquer.
Je cours presque jusqu'à la terre promise et m'arrête à peine en voyant Ace en train d'étrangler Sabo sur le canapé.
'sont mignons.
J'entasse une bonne quantité de trucs pris au pif dans mes bras et retourne dans le salon pour m'asseoir par terre en face des deux idiots, histoire de pouvoir mieux profiter de leur bataille sanglante que mon frère est en train de gagner haut la main.
- ARRÊTE ACE, ARRÊTE ! TU FAIS MAL ! T'ES EN TRAIN DE M'ARRACHER LES CHEVEUX, GROS CASSE-COUILLES !
- Moooh, pauvre princesse ! T'inquiète pas blondinette, j'vais pas t'abimer tes jolies bouclettes ! Ta tronche par contre…
J'le vois qui le plaque contre l'assise pour essayer de lui faire je sais pas trop quoi au visage, mais ça fait hurler Sabo de plus belle.
- MAIS ARRÊÊÊÊÊÊTE ! PUTAIN T'ES DÉGUEU' AVEC TES DOIGTS DANS L'NEZ, J'TE JURE JE VAIS TE NIQUER !
- Bah vas-y, qu'est-ce que t'attends ?
- TA GUEULE !
Sab' arrive à attraper un coussin pour essayer de le frapper, mais mon frangin le rattrape au vol et lui arrache des mains pour lui exploser la tronche avec.
- Poaaaaah, çha a du faire mal, çha ! Commenté-je la bouche pleine en me marrant à moitié.
Ace le laisse respirer pour mieux le regarder avec un sourire presque maléfique.
- Alors ? Toujours envie d'me faire chier ?
- Jusqu'à ma mort… Articule Sabo d'une voix traînante.
- Bah tu vas continuer à souffrir, alors.
Il replonge sur lui pour le pincer apparemment, et Sab' recommence à hurler. Et il a beau se défendre, il peut rien contre la force de brute de mon frangin. J'le sais, parce que d'habitude c'est moi à sa place.
- Courage, Sab' ! Lui lancé-je joyeusement.
- MAIS TU POURRAIS M'AIDER TOI AU LIEU D'MATER EN BOUFFANT COMME UN LÂCHEUR !
- Lol nop : j'ai pas envie d'mourir aussi.
- Tu vois, Luffy sait où est sa place, lui au moins, lui susurre Ace avec son immense sourire malsain qui me fait toujours mourir de rire -sauf quand il m'est adressé, bien sûr. Pourquoi tu te laisses pas gentiment dresser comme lui ? Tu souffrirais moins si t'arrêtais de te rebeller contre mon autorité, mon petit Sabo d'amour.
- PARLE À MON CUL, ENFOIRÉ !
J'savais pas que Sabo avait des tendances suicidaires. Ça m'fait sérieusement me demander comment il fait pour survivre dans le même appart' que mon frère vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Mais peut-être qu'il le cherche parce qu'il repart déjà demain… Ça me déprime un peu et j'me mets à mâchouiller mon bout de jambon avec beaucoup moins de conviction, d'un coup. La présence de Sab' à l'appart donne l'impression que c'est un peu plus vivant, ici. Pas qu'ça m'ennuie d'être tout seul avec Ace, bien au contraire, mais vu que quand il est pas au tél il passe la plupart de son temps affalé dans le canapé comme une loque… C'est drôlement silencieux, ici. Beaucoup trop, même.
Et l'approche de Noël fait rien pour m'faire me sentir mieux à ce propos.
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- C'est vrai, on va bientôt te récupérer en cours ?! S'exclame Chopper, les yeux brillants d'excitation.
J'rigole devant son enthousiasme et j'dois bien avouer que, même si l'idée de reprendre les cours m'enchante pas vraiment, mon besoin de sortir et de revoir régulièrement ma bande me vrille beaucoup trop les boyaux, en ce moment.
À tel point que j'leur propose constamment de passer à l'appart' ces derniers jours. Mais avec leur emploi du temps surchargé, y'a que Nami et Chopper qui viennent régulièrement. J'ai eu la chance de troquer Nami pour Usopp aujourd'hui, puisque mon meilleur pote a daigné lâcher un peu son club d'écriture/dessins/j'sais pas trop quelle niaiserie artistique pour venir me voir.
Et il a l'air malgré tout bien motivé à retrouver son voisin de table.
- Tu reviendrais lundi, alors ?
- J'sais pas encore, en fait j'en ai pas encore parlé à Ace voir ce qu'il en pense, mais t'façon j'me suis rendu compte que ça devenait étouffant de rester ici tout le temps, vingt-quatre heures sur vingt-quatre... C'est cool de passer du temps seul avec Ace, mais j'ai besoin de sortir, moi. C'est en m'aérant le cerveau que j'irai plus vite mieux !
- ... C'est étonnamment réfléchi venant de ta part, dis donc, note Usopp en haussant un sourcil.
- Sabo m'a aidé à le remarquer, aussi.
- Je me disais bien.
- J'ai hâte que tu reviennes et qu'on retrouve nos bonnes vieilles habitudes ! Lance Chopper avec un immense sourire. J'en suis venu à me rendre compte que ça me manquait de ne pas me prendre des trucs dans la figure pendant les cours...
J'éclate de rire à cette remarque et ne manque pas de lui arracher son bonnet d'la tête pour me mettre à la frotter avec mon poing, sous ses cris indignés et le soupir bruyant d'Usopp.
C'est c'moment que choisit Ace pour passer une tête dans la chambre et nous zieuter curieusement.
- ... En fait tu fais venir tes potes pour les martyriser ? Tu te venges pour ce que j'te fais subir ou quoi ?
- Pas besoin, je sais que j'te ferais payer toutes tes crasses un jour ou l'autre ! Répliqué-je joyeusement en riant.
- Mouais. J'attends de voir ça.
Et il repart comme il est venu et j'finis par relâcher Chopper qui se jette sur son bonnet pour le ré-enfoncer sur sa tête en râlant. C'est fou à quel point il déteste l'idée qu'on puisse apercevoir ses cheveux, celui-là. Y'a des gens bizarres...
- Du coup, Ace non plus ne sort pas ? me demande soudainement Usopp à mi-voix. Pourtant il était tout le temps de sortie quand il habitait encore ici...
- Nan, soupiré-je, apparemment il a presque plus de potes ici puisque sa bande s'est éparpillée pour faire leurs études supérieures.
- Et il le vit bien... ?
- ... J'sais pas, réfléchis-je tout haut. Sûrement pas, je suppose. Enfin j'en sais rien : j'ai jamais vraiment compris si Ace était du genre à avoir besoin d'sortir comme moi ou non, vu comme il aime pas les gens...
- Comment ça, il n'aime pas les gens ? S'étonne Chopper avec des grands yeux.
- Ben... Il aime pas, genre, rencontrer des nouvelles personnes ou devoir parler à des inconnus. Il a un certain temps d'adaptation pour s'mettre à apprécier ses nouveaux potes.
- Zoro est un peu comme ça, aussi, fait remarquer Usopp.
- C'est vrai... Note à son tour Chopper en réfléchissant...
- Mais malgré ça, j'sais que ça lui fait du bien de sortir et de voir du monde, continué-je en fronçant les sourcils.
- Comme tout le monde, je suppose... Soupire Usopp.
- Hey ! Pourquoi tu lui proposes pas de venir à une de nos soirées à Sunny, à l'occasion ? Je suis certain que ça ne dérangerait pas Robin, Zoro et Brook, bien au contraire !
Je regarde Chopper en clignant des yeux quelques instants, et me met aussitôt à sourire comme un idiot : Ace avec moi à une de nos soirées ? L'idée m'branche mais tellement ! S'il finit par bien s'entendre avec amis, j'pense que j'serai au comble complet du bonheur !
- J'lui proposerai à la prochaine ! Ça va être trop bien !
- Parle-lui déjà du fait de revenir en cours, non ? M'interrompt Usopp. Après tout il est plus ou moins ton tuteur, si j'ai bien tout compris.
J'gonfle mes joues en le fusillant du regard : il me prend vraiment pour un bébé lui aussi, non ?!
- Ça vaaaa, j'ai dix-huit ans dans six mois, j'peux choisir tout seul de retourner en cours ou non, quand même !
- Ça c'est toi qui vois mon pote, me répond Usopp en haussant un sourcil. C'est toi qui donnais l'impression de pouvoir prendre aucune décision sans l'aval d'Ace en ce moment, moi j'ai rien dit.
J'trouve rien à répondre à ça. Parce que c'est peut-être bien vrai, j'me surprends à lui demander automatiquement la permission pour tout, en ce moment. Rien que pour inviter les copains à l'appart', je lui demande avant à chaque fois.
Mais au final, j'faisais déjà ça avec Maman et Papa. Peut-être que j'ai juste encore un peu besoin d'avoir une figure d'autorité parentale avant d'me faire à l'idée que...
Mon cerveau bugue et je décide d'me lever d'un coup pour aller voir Ace et chasser immédiatement ces idées. Ça va mieux, en ce moment, j'le sens. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir des « rechutes » hyper violentes qui me tombent sur le nez à des moments qui n'ont aucun sens. Et j'ai pas envie de pleurer devant mes potes.
J'ai besoin de leurs idioties, pas de leur pitié.
- J'vais lui demander maintenant ! leur annoncé-je d'une voix forte alors que je suis déjà dans le couloir.
Et bien évidemment, mon frangin qui est encore planté devant la télé à se rouler un joint me capte tout de suite.
- Me demander quoi ? Dit-il sans même tourner la tête.
- Si j'peux retourner en cours lundi ! J'ai pas trop hâte, mais j'ai besoin de sortir ! Et ça m'évitera de m'enfoncer un peu plus dans mon futur foirage misérable du bac... !
Mais l'expression qu'il m'envoie et bien, bieeeeen loin de ce que je pouvais imaginer : ses yeux écarquillés me regardent comme si je venais de lui annoncer que j'avais tué tout le reste de notre famille sans merci.
- ... T'es pas sérieux, là ? Me lance-t-il d'une voix glaciale.
- Euuuh... S-si... Balbutié-je, vraiment pas habitué à ça venant de mon frangin.
- Luffy, ça fait même pas un mois ! T'as perdu tes deux parents d'un coup, faut que tu te laisses plus de temps, c'est beaucoup trop tôt !
J'essaie de rassembler mes idées, mais c'est un peu compliqué devant le comportement agressif de mon frère. J'me répète, mais je sais qu'il est sur les dents et j'sais qu'il a toujours eu des coups de sang qui sortent de nulle part. Mais là, là j'comprends pas. J'comprends pas sa réaction. Tout le monde semble d'accord pour dire qu'il vaut mieux que j'reprenne les cours pour me vider la tête mais Ace a l'air d'y voir un problème de taille. Un problème que j'pige pas du tout.
- Mais... Rester enfermer ici, c'est pas non plus le super plan, tu crois pas... ?
J'le vois jeter un regard furieux à un point devant lui et il commence à s'acharner sur sa roulée qui a rien demandé.
- Eh ben on sortira plus souvent, si c'est ça qui t'déprime ! Mais t'as vraiment envie de te retaper la galère et le stress des cours aussi tôt, sérieusement ?! Les gens sont débiles, et surtout au lycée. T'as pensé au fait que t'allais peut-être te prendre des réflexions à la con ?! J'ai pas envie de te ramasser à la petite cuillère parce que des fils de pute avaient envie de te mettre la misère !
Mes yeux s'agrandissent un peu plus d'incompréhension : je sais que j'suis pas le mec le plus malin qui soit et que j'ai pas les meilleurs réflexes sociaux, mais j'suis quasiment sûr que personne n'est assez bête pour se moquer volontairement de quelqu'un qui vient juste de perdre ses parents. Et surtout un mec comme moi : avec toutes les tartes que j'colle régulièrement aux crétins qui font chier leur monde, personne vient jamais me chercher des crosses et c'est pas maintenant que ça va commencer.
- Je... Je comprends pas où tu vas pêcher ça, Ace. Personne viendra me souler à cause de ça, les gens sont pas si méchants...
- Ça t'en sais rien, Luffy ! T'es encore qu'un gamin, tu te rends pas compte à quel point les gens peuvent être des enfoirés pour rien !
J'déteste quand il fait ça. J'déteste quand il croit avoir tout compris au fonctionnement des autres parce qu'il a eu deux ou trois mauvaises expériences dans sa vie. Son pessimisme cynique se heurte violemment à mon positivisme exacerbé dans ces cas-là et ça m'rappelle toujours qu'on se ressemble pas tant que ça, dans l'fond.
- J'suis p't'être qu'un gamin, mais j'sais que rester enfermé ici non-stop dans l'appart des parents me fera par oublier ma... Ça m'fera pas aller mieux ! Me rattrapé-je, sentant déjà des larmes me piquer les yeux. C'est quoi ton problème, Ace ?!
- Mon problème c'est que j'suis responsable de toi, putain ! Et j'veux pas... Bordel Luffy... !
J'le vois se lever d'un bond et j'sens très clairement la bouffée de rage qui vient de monter en lui d'un coup, pour l'avoir déjà repéré des dizaines de fois auparavant.
Sauf que ça m'était quasiment jamais destiné, jusqu'ici. La seule fois où sa colère a vraiment été tournée vers moi, c'était le fameux jour où j'l'avais choppé la bite dans la main et qu'il m'avait tapé l'ignore un bon moment après.
... Ça m'tue d'le voir me regarder comme ça.
Mais ses yeux noirs se perdent soudainement sur un point derrière moi et j'le vois clairement ravaler sa rage pour se redonner une certaine contenance.
- On en reparle ce soir, annonce-t-il d'une voix ferme qui me gèle les boyaux et j'fronce de nouveau les sourcils d'incompréhension, avant de me rappeler qu'on est pas seuls dans l'appart.
J'me retourne pour voir Chopper et Usopp dans le couloir derrière qui semblent me demander silencieusement si tout va bien.
J'suppose que oui, dans les faits y'a rien de grave. C'est juste une petite altercation débile entre deux frangins qui viennent de perdre tous leurs repères et qui s'retrouvent livrés à eux-mêmes...
Ça m'empêche pas de retourner le voir d'un air penaud un bon quart d'heure plus tard, après que mes deux potes soient partis. J'm'assois à même le sol entre le canapé et la table du salon pour pouvoir poser mollement ma joue sur sa cuisse, alors qu'il parait complétement absorbé dans sa partie de Mario Kart et qu'il m'accorde pas un regard.
- ... Ace... J'veux pas qu'on s'engueule...
Quelques longues secondes de silence passent et il finit par soupirer et poser sa manette sur la table pour me caresser la tête en reportant toute son attention sur moi.
- Moi non plus Luffy, j'suis désolé de m'être énervé comme ça... Mais c'est juste que... J'suis vraiment... J'suis vraiment pas serein à l'idée que tu ressortes tout seul comme ça, en fait. Je sais que c'est débile...
Non, c'est pas débile. En fait, j'crois comprendre parfaitement ce qu'il veut dire. Les premiers jours, la première fois où il était sorti sans moi et qu'j'étais resté seul à l'appart', j'avais tapé une crise d'angoisse à l'idée qu'il revienne pas, lui non plus.
J'resserre ma prise autour de ses jambes pour les coller contre mon torse et réfugie mon visage entre ses cuisses et j'l'entends rire doucement de la stupidité de mon câlin.
- Mais pour revenir au problème, continue-t-il d'un ton un peu plus ferme, tu veux pas attendre une petite semaine de plus pour retourner en cours... ? J'te dis ça, parce qu'en plus de croire que ça serait vraiment mieux, j'voulais te demander de m'aider pour mon déménagement...
Je relève la tête vers lui.
- Ton déménagement ? Ça y est vous rendez l'appart, avec Sab' ?
- Ouais... Enfin, juste moi. Sab' a réussi à trouver un nouveau coloc' pour me remplacer, ça va lui éviter de galérer et ça m'évite de continuer à flamber de la thune là-dedans pour rien...
- Ouais, c'est sûr... En plus va falloir qu'tu te mettes à payer celui-ci, pas vrai... ?
J'le vois regarder ailleurs en fronçant les sourcils. Sûrement que ça l'gonfle et que ça doit le stresser pas mal aussi, cette situation. C'que je comprends complétement.
- Pour l'instant... C'est Jiji qui va s'occuper du loyer.
J'écarquille les yeux.
- Oh... Sérieux ? Tu le laisses nous filer un coup de main, finalement ?!
- Tssh. Faut bien, j'en ai ras le cul de me faire harceler. Et comme il dit, autant que sa retraite d'enfoiré serve à quelque chose...
J'souris en retournant me noyer dans ses cuisses.
- ... Heureusement qu'il est là, même si c'est le plus gros relou de l'univers, noté-je d'une voix étouffée.
J'entends Ace soupirer bruyamment et un doigt vicieux s'enfonce soudainement dans mes côtes pour me faire sursauter.
- Heyy ! Ça va pas ?!
J'me mange un magnifique sourire en coin qui me fait déglutir malgré moi. Faut qu'il arrête d'être canon comme ça ce con, faut vraiment qu'il arrête...
- Tu veux pas lâcher ton câlin chelou pour venir m'en faire un vrai ? Me demande-t-il en me tendant les bras. J'ai l'impression que tu me voues un culte dans cette position. Et même si j'comprendrais totalement vu la perfection que j'suis, ça m'gêne un peu venant de mon pauvre petit frère.
J'lui envoie un regard blasé mais n'attends pas plus pour grimper sur ses genoux et me réfugier contre son torse, comme si j'étais encore un tout petit gamin en manque d'affection.
C'est sûrement un peu c'que j'suis, au final...
- Du coup, t'es ok pour qu'on fasse le déménagement en fin de semaine prochaine ? Tu retourneras en cours le lundi d'après, si vraiment ça te tient autant à cœur...
J'entends son ton amer, j'l'entends parfaitement. Et j'le comprends toujours pas. Pourquoi il veut pas à ce point que j'retourne en cours... ?
- Ouais, c'est bon...
Un silence confortable s'installe et j'me mets juste à profiter de la chaleur d'Ace. Positionné comme je suis, j'entends les battements de son cœur et ça a vraiment quelque chose de particulièrement apaisant. J'pourrai m'endormir comme ça, j'crois. Ça me rappelle quand j'le faisais avec Maman, quand j'étais tout petit. Quand on était en soirée chez des amis à eux et que j'commençais à fatiguer et qu'elle me prenait dans ses bras, dans cette même position, mon oreille callée sur sa poitrine à écouter son cœur battre tranquillement dans un rythme qui m'mettait K.O. à chaque fois.
J'ai une larme qui s'échappe. J'arrive même pas à m'en énerver sur le coup, parce qu'elle me manque. Elle me manque beaucoup trop. J'espère tellement que là où ils sont, ils sont heureux et en paix. J'espère que s'ils peuvent nous voir, ils se rendent bien compte qu'ils ont réussi leur coup et qu'on se lâchera jamais, Ace et moi. Qu'on sera toujours là l'un pour l'autre comme Maman le voulait tellement.
Regarde-nous bien, Maman. J'te promets de continuer à vivre pleinement comme je l'ai toujours fait et que j'abandonnerai jamais Ace. J'te promets qu'on restera à jamais la famille soudée que tu t'es acharnée à construire et à fortifier toute ta vie.
- Hey, Luffy... Souffle Ace d'une voix pensive. Il fallait que je te demande quelque chose...
- Ouais, réponds-je précipitamment en ravalant mon sanglot pour qu'il ne capte pas que j'pleure encore.
- ... Est-ce que tu penses que ça serait pas bien de déménager d'ici... ?
J'écarquille les yeux et me redresse brutalement pour le fixer : il est sérieux là ?! J'vois à son froncement de sourcil qu'il cale mes larmes encore mouillées, mais j'm'en fous.
- Quoi... T'es sérieux ? Tu veux qu'on bouge d'ici ? M'étranglé-je. Pourquoi ? Le loyer est trop cher, un truc dans l'genre ?
- Non non, s'empresse-t-il de me répondre en passant les pouces sur mes joues pour les essuyer, alors que ses propres sourcils sont méchamment froncés. J'me disais juste... Tu préfèrerais rester ici, si t'as le choix ?
- Évidemment ! C'est l'appart de nos parents, on a quasiment passé toute notre vie ici ! On a tous nos souvenirs qui sont là, on a...
J'le vois balayer la pièce du regard derrière moi et j'ai du mal à identifier l'expression lourde qu'il me tire d'un coup.
- ... On a toute notre vie ici, Ace. J'sais que le quartier est pas top, mais Maman aimait vraiment cet appart'... Tu te rappelles pas comment elle avait réagi quand Papa avait parlé de partir, y'a quelques années ?
- Si.
- Beh alors. La question s'pose pas... En plus tu m'as dit que Jiji allait nous aider pour le loyer... J'comprends pas pourquoi tu penses à ça...
J'le vois serrer la mâchoire et m'attraper pour me faire revenir dans ses bras. Il calle son menton sur ma tête et j'le sens tendu contre moi.
- Ça marche Luffy, on bougera pas d'ici si tu tiens autant à cet appart'. Désolé d'avoir demandé, j'voulais pas te faire peur comme ça...
J'fronce les sourcils pour réfléchir, essayant de comprendre ce qu'il se passe dans la tête d'Ace. Puis ça finit par me venir après de longues secondes de silence : soudain, j'repense à toutes les fois où il avait craché sur cet appart' dans sa jeunesse, à la manière dont il s'était rangé du côté de Papa quand il avait parlé à Maman de déménager, justement.
Et j'repense surtout à toutes les fois où, ces dernières semaines, je l'ai vu buguer en entrant dans la chambre des parents pour y ranger des papiers, comme s'il galérait à mort pour rentrer dans cette pièce.
Et à cette fois où Nami m'avait expliqué comme elle avait été soulagée de quitter leur maison à la mort de sa mère, parce que les souvenirs constant d'elle que ça lui apportait lui faisaient beaucoup plus de mal que de bien...
Et j'me sens con, encore une fois.
J'attrape son t-shirt entre mes doigts et me réfugie un peu plus dans son cou.
- ... Désolé, Ace. J'prends même pas en compte tes sentiments à toi...
- ... Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes, encore ?
J'inspire profondément, j'ai besoin de courage pour dire ce que j'vais lui dire.
- ... On va déménager, si ça t'fait du mal de rester ici. Désolé de pas l'avoir réalisé av-
- Luffy, me coupe-t-il d'une voix autoritaire. On va pas déménager, arrête tes conneries. J'te demandais ça comme ça. Tu sais bien que j'aime pas ce quartier de merde, j't'ai juste demandé pour ça. Ça n'a rien à voir avec le fait que... Putain arrête tes conneries, c'est bon.
J'ai les yeux écarquillés sur le vide, planqué contre son torse.
Ace, je sais que tu me mens. J'suis pas con à ce point. Pourquoi tu fais ça... ?
- ... Ace, je... J'veux pas qu'ça te fasse souffrir, c'est pas grave, en soi...
- Luffy, parle pas de trucs que tu comprends pas. Si t'es bien ici, je vois pas pourquoi on bougerait.
... T'es en train d'te sacrifier encore une fois pour me protéger, pas vrai... ?
Pourquoi tu fais ça ?
Pourquoi tu me donnes tellement alors que j'suis même pas certain d'le mériter... ?
- ... Mais...
- On arrête d'en parler maintenant, Luffy. On reste ici point final. J'ferai ce qui est le mieux pour toi. Et je comprends totalement que t'aies besoin de garder ces souvenirs de Papa et Maman, alors c'est bon aussi pour moi. La discussion est terminée, ok ?
Il me pose la question, mais j'entends bien qu'j'ai pas mon mot à dire.
Et moi, j'vais juste me la fermer et le laisser continuer à tout encaisser tout seul, me vautrant un peu plus dans le confort qu'il m'offre parce que j'ai une trouille pas possible d'en sortir.
J'me frotte à lui avec force comme pour tenter d'me rapprocher un peu plus alors qu'on est déjà complétement collés, mais il fait pareil en gonflant ses bras pour raffermir sa prise autour de moi, et sa joue se pose sur mes cheveux.
J'l'aime tellement que j'pourrai crever pour lui. Et pourtant, j'ai l'impression de l'aimer un peu plus chaque jour qui passe, en ce moment...
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- Gringe - On aboie en silence -
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Headcanon 21 - OPiece : Koby est le premier petit copain parfait en
Préjugé 21 : Les hommes ne pleurent pas
Action 118 : Serrer quelqu'un dans ses bras
Foire aux duos 156 : Portgas D. Ace, Monkey D. Luffy & Sabo
La blessure de votre personnage : Le deuil
Cocher les cases : Défi 2
... Meh. Tout ce passage devait pas être aussi violent à la base, mettez ça sur le compte de ma fatigue.
