Sailor Moon Altered Destiny
Chapitre 15 – Chasing Cars
Nemo et Omen sont appelés vers leur maître et créateur, Omen directement et Nemo après avoir pris contact avec le Néant comme elle le fait tous les jours par les voies dites classiques pour ne pas être découverte en créant des interférences dans la Force milléniale. Elles semblent toutes deux très en colère, pour des raisons bien différentes. Omen est toujours plus ou moins en colère, capricieuse, sanguinaire et psychotique. Comme l'être duquel elle a été extraite avant d'être modelée pour ressembler à une humaine nonchalante auprès du reste du monde. Mais la ressemblance s'arrête là. Elle est bien plus proche de son maître qu'elle ne veut l'admettre et se prend si souvent à fantasmer le cœur du Néant encore battant entre ses mains carmines, lorsqu'elle est seule chez elle, durant ce court lapse de temps où elle met en route sa boîte à musique. Et le Néant aime bien cette facette de son golem. Elle lui rappelle sa propre personne.
Toutefois, et il l'a déjà remarqué, elle semble lui vouer une forte animosité. Il ne saurait dire où cela va la conduire mais il est impatient de la voir faire le moindre faux pas pour pouvoir lui briser le cou. Qui a dit que les méchants avaient besoin d'être rationnelles ? C'est ce grain de folie qui fait leur charme. De toute façon, il a une armée de monstres et d'autres généraux bien plus adaptés à son plan qui attendent dans l'ombre de prendre leurs fonctions. Littéralement. Ils sont au fond du hangar, dans l'ombre, en train de manger une pizza. L'un d'eux tourne d'ailleurs la tête à ce moment-là et on peut reconnaître ses énormes lunettes qui ressemblent à des grosses sucettes en colimaçon.
Ces deux pantins sont néanmoins adaptés à la phase préliminaire de son plan et tant qu'ils l'amusent et ne menacent pas son plan, il peut les laisser aller et venir.
« Nemo, Omen. Comment comptez-vous gérer la situation avec Mako ?
- En vous disant d'agir quand elle a commencé à cracher du sang, commence Nemo. Oh, mais c'est vrai, je l'ai déjà fait et vous m'avez ignoré. Maintenant, on risque la mort d'une Senshi, ce qui réduira complètement à néant notre plan car nous devons également corrompre les pouvoirs des autres Senshi et pas seulement ceux d'Usagi pour l'empêcher d'évoluer à sa forme finale. Le seul moyen de le faire est de procéder au rituel de la nouvelle lune sur les huit Senshi. Mais vous avez préféré l'observer souffrir encore un peu parce que ça vous faisait prendre votre pied. Moi, je dis bravo. Vraiment, bravo. »
Il en faut beaucoup pour surprendre le Néant mais entendre Nemo, et non Omen lui manquer de respect de la sorte le déstabiliserait presque. Comme elle dispose d'une certaine autonomie afin qu'elle soit difficile à percer à jour, elle en deviendrait presque difficile à sonder. Afin de s'assurer de son allégeance, il décide de faire quelque chose qu'il n'a jamais fait. Il se lève, s'approche d'elle calmement, se poste devant elle et la gifle si fort qu'elle tombe, entraînant Omen avec elle qui la repousse au pied du Néant d'un coup de pied dans le dos. On voit rarement le Néant toucher ses sous-fifres directement. C'est probablement mauvais signe pour Kazuya qui quitte ainsi en un instant ses bonnes grâces.
« Je prends note de tes inquiétudes, Nemo. Omen, ton avis sur la situation ?
- Je pense qu'il faudrait révéler l'identité des Outer Senshi et j'ai le plan parfait pour ce faire. »
Utilisant le très fort lien mental qui la lie au Néant, elle lui transmet son plan alors que Nemo se relève en jetant un regard noir envers le Néant.
« Très bonne idée, Omen. Cela règlera ce nouveau problème qui émerge. »
Nemo n'a aucune idée de ce qu'ils se sont dit et sur quoi repose ce plan apparemment si brillant, ne se doutant pas qu'elle est au centre de celui-ci et qu'elle est le problème qui émerge.
« Bon, et en ce qui concerne Mako Kino ? »
Omen utilise ses pouvoirs pour se connecter au réseau de surveillance de l'hôpital où se trouve la plupart des Senshi et projette les images sur le mur de l'entrepôt.
oOo
À l'hôpital, les nouvelles ne sont pas bonnes. La vérité perce au grand jour. Au travers des larmes, il faut toutefois agir. Motoki vient d'arriver et se fait sermonner par l'ensemble du groupe moins les Outer Senshi qui se tiennent en retrait dans un café pour éviter de révéler leur identité en s'associant aux Inner Senshi et aux New Moon.
« Motoki, tu savais et tu ne nous as rien dit ? Elle aurait pu mourir ! »
Il baisse la tête.
« Elle m'a laissé croire que ses pouvoirs de Senshi lui permettrait de tenir, qu'il fallait qu'elle soit présente pour les combats… Elle… Elle… »
Il éclate en sanglots.
« Qu'est-ce que je vais faire si elle meurt ? Je ne survivrai pas sans elle… »
Contre toute attente, c'est Ami qui le prend dans ses bras. La scène n'échappe pas aux trois Chibiusa. L'air gêné de Motoki en dit également long.
« Je comprends. Cette vie de Senshi nous empêche bien souvent de nous épanouir alors, quand ce corps qui a survécu à toutes ces horreurs nous fait défaut et nous ramène à notre condition humaine, on a tôt fait d'essayer de le faire taire. Plus de secrets, maintenant, d'accord ? »
Il acquiesce. Ami active son cristal pour les Outer Senshi entendent ce qu'elle va dire.
« Ce qui est important, c'est ce que l'on va faire maintenant. Je reviens d'une longue discussion avec le médecin en charge de Mako. Mako savait déjà qu'elle souffrait d'un souffle au cœur. Ceci n'explique pas les évanouissements et les autres symptômes qu'elle a ressentis. Un souffle au cœur est souvent bénin et on peut vivre avec toute sa vie. Même si le sien est de type 6/6, le plus avancé, elle pensait avoir du temps devant elle, ce qui est vrai en théorie. Le médecin a toutefois procédé à des examens plus poussés qui ont révélés qu'elle souffre en plus d'une endocardite bactérienne qui est la cause de ses évanouissements et de sa faiblesse physique générale. »
Elle sait qu'ils sont perdus mais en tant qu'étudiante en médecine, elle a besoin d'expliquer les faits en détail, par professionnalisme, et surtout pour arriver à calmer son cœur qui palpite et auquel un peu de cartésianisme ne peut pas faire de mal.
« L'endocardite peut être traitée par des antibiotiques en intraveineuse. C'est un traitement long mais que les médecins ont déjà entamé. Toutefois, le souffle au cœur est un problème de valves du cœur et pour faire simple, l'endocardite est avancée et a fortement endommagé les valves mitrales et aortiques, ce qui implique qu'il faille les remplacer par des prothèses. Ne me regardez pas comme ça, je n'ai même pas commencé mon internat, je n'ai pas le droit d'opérer. Usagi, ne touche pas à ta broche. Le Silver Cristal ne peut pas soigner de maladies humaines. Il faut opérer. C'est une opération majeure et invasive et il nous faut un chirurgien de renom. J'ai demandé à ma mère mais elle est en train de pratiquer une greffe du cœur et sera occupée au bloc opératoire jusqu'au matin. De plus, il n'est pas recommandé à des gens proches de la famille du patient d'opérer et ce, encore plus en ce qui concerne ma mère. Il y a de très bons chirurgiens ici. Mais il y en a dont c'est la spécialité. Il vit à Tottori. Il n'exerce plus suite à la mort d'un patient. J'ai trois heures avant que Mako ne rentre au bloc et je vais me téléporter et essayer de le convaincre. Croyez-moi, c'est le meilleur chirurgien qui soit pour ce type d'opérations. »
Bien que très techniques, ces explications sont claires et accessibles. Elle ne ment pas et ne minimise pas ni n'alarme pas sans raison les proches de la patiente. Elle est vraiment faite pour ce métier. Toutefois, la fin de son discours est bien mystérieuse.
« Mais c'est qui, ce chirurgien ? demande Rei. Un de tes professeurs ?
- Non. C'est mon père. Kunio Mizuno. »
Elle baisse la tête comme si elle confessait un mensonge par omission.
« Je parle peu de mon père et quand je le fais, je le présente comme un artiste qui a déserté le foyer familial. C'est plus compliqué que ça. Il était chirurgien. Il y a beaucoup de choses de mon passé que je ne vous ai jamais révélé pour des raisons dont je vous parlerai à mon retour. Je vous le promets. »
Elle sort alors une carte postale de la ville de Tottori de son sac à main pour visualiser l'endroit et se téléporte sans plus de cérémonie pour éviter les questions.
oOo
« Intéressant. Omen, surveille-moi tout ça avec tes caméras. Ne tue personne. Pour le moment. Si tu as des envies de meurtre, fais-toi les ongles ou regarde un shojo. »
Il marque une pause.
« Ou alors, utilise ta boîte à musique et crie un bon coup pendant dix minutes. Tu pensais vraiment que je ne serais pas suspicieux en te voyant disparaître de mes radars durant dix minutes par jour ? »
Il l'attrape par le coup et commence à l'étrangler. Le regard qu'elle lui lance est empreint de tant d'émotions contradictoires et meurtrières qu'il ne sait plus quoi dire ou penser l'espace d'un instant.
« Si je te laisse agir à ta guise, c'est parce que tu m'amuses. Mais si tu crois pouvoir devenir calife à la place du calife, tu te fourres le doigt dans l'œil. Jusqu'au cerveau. Je serai d'ailleurs ravi de te donner un cours. Donc, écoute-moi bien. Tu vas faire ce que je te dis, quand je te le dis et corriger cette attitude méprisable dont tu fais preuve. Tu t'appelles peut-être Omen, le présage funeste, mais c'est moi le vrai présage funeste. Et toi, Mlle Sainte-Nitouche, tu t'appelles Nemo, parce que si l'on te demande qui tu es, tu répondras : 'Je suis Nemo'. Tu n'es personne. Alors garde-toi de développer une personnalité qui m'obligerait à te remettre à zéro. Qu'il ne te prenne pas des idées de rédemption non plus car même le Silver Cristal ne pourra rien pour toi quand j'aurais fini de m'occuper de ton cas. »
Ou pas. Il ne ferait qu'abimer ses jouets en leur faisant subir un tel sort et risquerait de compromettre son plan. Il sait pertinemment qu'elles ne lui sont plus aussi dévoués qu'elles le devraient mais elles ont encore quelques petites choses à faire avant leur chant du cygne. Ils se contentent donc de les renvoyer vaquer à leurs occupations avec cet avertissement pas du tout édulcoré.
oOo
Pension de famille, Tottori
Ami entre dans la pension de famille et demande à voir l'okamisama, la propriétaire.
« Bonjour, je viens rendre visite à mon père. M. Mizuno. »
L'employé feint de ne pas connaître ce nom comme elle en a été instruite par le M. Mizuno en question.
« Désolé, personne de ce nom ne loge ici.
-Nimui Konuzo, peut-être ? »
C'est le signal. C'est bien sa fille.
« En effet. C'est un résident de longue date. Vous le trouverez au premier étage, dans la chambre de gauche, au fond du couloir.
- À cette heure ? Avec ce soleil ? Non. Il est probablement en train de peindre dans les dunes. »
Avant que la propriétaire n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, elle se téléporte dans les dunes à l'aide d'une autre carte postale. Satisfaite du résultat, elle se dit que c'est une faculté qui pourra s'avérer utile par la suite.
Il est à coup sûr en train de peindre près de la plage mais cela laisse tout de même une large zone à quadriller. Elle décide donc d'utiliser ses pouvoirs comme une balise de signalisation.
« Mercury Goddess Power, Make Up! Mercury's Caduceus! Waterfall Serenade! »
Les nymphes apparaissent et volètent dans l'air. Ami attend quelques minutes mais rien ne se passe. Elle décide alors de sortir les grands moyens.
« Shabon Spray! Shabon Spray Freezing! Shine Aqua Illusion! Mercury Aqua Rhapsody! Mercury Aqua Mirage! »
Devenant un véritable spectacle aquatique, des gens approchent et commencent à prendre des photos. Aucun d'entre eux n'est néanmoins son père. Elle marche alors vers la plage sous les questions et les demandes d'autographes des passants et autres voyageurs. Et c'est là qu'elle le voit, complétement perdu dans son monde en train de probablement dessiner ce qu'il était en train de voir sans même se rendre compte qu'il s'agit de sa fille.
Combien de fois est-elle venu pour le voir et l'a vu tellement serein, tellement à deux-cent pour cent dans ce qu'il faisait qu'elle a tourné les talons, refusant de les replonger tous deux dans un passé si douloureux ? Envahie par l'appréhension, la peur mais aussi beaucoup de colère, elle n'a jamais trouvé le courage de lui parler depuis ce jour où il a quitté la maison sans regarder derrière lui. Mais pas cette fois. Elle marche tranquillement vers lui, annule sa transformation et vient s'agenouiller devant lui, se plaçant entre sa toile et son pinceau, comme lorsqu'elle était enfant, pour le faire sortir de sa bulle. Comme à chaque fois, il continue à peindre quelques secondes et Ami se retrouve avec des peintures de guerre sur les joues.
Il se rend alors compte de ce qui passe et secoue la tête de gauche à droite comme si un sort venait de se rompre et qu'il retrouvait le contrôle de sa personne. Il se met alors à pleurer instantanément.
We'll do it all
Everything
On our own
We don't need
Anything
Or anyone
« Ami… Ami… Ami… Est-ce que ça veut dire que tu m'as pardonné ? »
Elle le regarde, interdite.
« Comment ça ?
-Ta mère. Elle m'a toujours fait promettre de ne pas forcer mon retour dans ta vie, que c'était toi qui devait venir me voir, que je ne devais pas m'immiscer à nouveau dans ta vie contre ton gré. Je sais que je suis dans mon monde et que c'est elle qui me disait que tu étais venue à chaque fois mais… mais… »
Il essaie de tout dire avant qu'elle ne parte en courant pour ne plus jamais voir ce père indigne, étiquette de laquelle il s'est affublé tout au long de ses années passées à essayer de se reconstruire. Toutefois, c'est sans compter sur Ami qui crie à travers ses larmes et commence à marteler son torse de ses poings, luttant contre son envie de le gifler pour lui mettre du plomb dans la tête.
« Pourquoi tu l'as écoutée ? Pourquoi tu m'as laissée seule avec cette mère absente et froide ? J'ai grandi toute seule dans cette maison vide et toute aussi froide. Je t'ai haï d'être heureux, loin de nous, de ne pas honorer la mémoire de Junichiro.
- Si je t'avais vu, je te jure que j'aurais brisé cette règle. Elle m'avait fait promettre et m'avait dit que si je ne respectais ces règles, je ne te reverrais jamais et qu'elle obtiendrait la garde exclusive. Et… Et… »
Elle le serre dans ses bras et commence à caresser doucement le sommet de son crâne.
« Tout va bien. Je suis là maintenant. Je veux tout entendre, tout écouter, tout savoir, tout enregistrer de ce qui s'est passé. Je te crois. Je te fais confiance. Ceci dit, je n'ai pas beaucoup de temps. Alors, raconte-moi tout. »
Elle l'invite alors à s'allonger sur le sable, comme ils le faisaient quand ils s'allongeaient dans l'herbe, dans leur jardin, pour discuter et refaire le monde le temps d'une conversation ou regarder les nuages pour nommer les animaux qu'ils voyaient dans le ciel.
If I lay here
If I just lay here
Would you lie with me and just forget the world?
Il explique alors comment sa mère lui a imposé de se tenir à l'écart et de la laisser venir, sans quoi elle l'aurait empêché légalement de la voir. Pieds et poings liés, il a dû attendre jusqu'à ce jour qu'elle vienne à lui. Elle lui a aussi imposé de continuer à exercer dans un hôpital local pour qu'Ami n'ait pas un père vagabond sans ambition.
« Je ne veux pas la faire passer pour un monstre. Elle n'est plus la même personne qu'avant la naissance de Junichiro. Même si l'exécution laisse à désirer, elle avait raison de faire cela.
- En effet. C'est tout de même toi qui as mis 660 km de distance avec ta famille. »
La réponse d'Ami lui fait l'effet d'une claque. Même si elle fait de son mieux pour venir en paix, elle arbore tout de même beaucoup de rancœur. Et qui pourrait le lui reprocher ?
« Je ne l'ai pas volé. Je veux que tu saches que je vous aime toutes les deux, bien que mes sentiments pour ta mère ne soient plus les mêmes qu'à l'époque où nous étions mariés. Comme je te l'ai dit, elle a changé lorsqu'elle était enceinte de Junichiro et n'était plus cette femme froide qui n'avait d'yeux que pour son travail. Elle s'est retranché dans son ancienne personnalité et ses vieux démons après sa mort pour essayer de contrôler sa famille et éviter que ne se reproduise ce qui s'est passé avec notre fils et ton petit frère. Au moins, elle, elle n'a pas fui. »
Ami le fixe quelques secondes et esquisse un sourire.
« Je comprends et je ne vous en veux pas, ou plus, ou plus vraiment, ni à toi ni à elle. La pire chose qui pourrait se passer et que vous me laissiez indifférent, parce que cela voudrait dire que j'ai tiré un trait sur vous et que la seule chose qui me reste à faire est de couper définitivement les ponts. Mais quand je me tiens ici, tiraillée entre l'envie de te serrer dans mes bras et de ne jamais te laisser partir et l'envie de te gifler jusqu'à ce que tu aies besoin de points de suture, je sais que ce n'est pas le cas. Si j'avais vécu avec vous deux, et je ne peux dire que j'ai vécu avec Saeko vu son absentéisme, je serai à l'âge où je voudrais m'émanciper de vous deux. La vie étant ce qu'elle est, je suis en retard dans ce côté de mon développement mais je ne rejette pas cette partie de moi qui a besoin de vrais liens familiaux, ou liens tout court. C'est probablement ce qui me différencie de ma mère et qui, je l'espère, m'évitera à terme de répéter vos erreurs. Mes mots ne sont pas forcément faciles à entendre mais comme tu l'as dit, ils sont vrais, abrupts certes, mais vrais. Et maintenant qu'ils ont été dits, je peux passer à autre chose et tenter de reconstruire notre relation. »
Maintenant, il lui faut aborder l'autre raison de sa venue. Elle regarde ses pieds un moment, ce qui ne la fait pas à son père. Sachant néanmoins à quel point leur relation est fragile et précaire, il la laisse venir à lui comme il l'a fait jusqu'à présent, espérant toutefois que cela ne prendra pas dix ans cette fois-ci.
Ami décide néanmoins de tourner un peu autour du pot.
« Rassure-moi. Tu sais que je suis Sailor Mercury ? Tu n'es pas à ce point perdu dans ton monde et dans tes pensées ?
- Oui, et tu es majestueuse, telle une nymphe. »
Elle rougit.
« Très bien. Il y a une autre raison pour laquelle je suis là. Une de mes amis a besoin que tu l'opères. J'ai besoin de toi. Je veux que ce soit toi qui l'opère. C'est ta spécialité.
- Je ne peux pas. Je n'ai plus fait de chirurgie cardiaque depuis la mort de Junichiro. Je ne peux pas. Je ne peux pas… »
Le visage d'Ami se ferme et le ton se fait alors très sérieux et mécanique, conséquence de l'éducation de sa mère.
« Le Silver Crystal de Sailor Moon, mon ami Usagi Tsukino, peut soigner toutes les afflictions qui découlent de la magie et des conséquences de nos pouvoirs. Elle a même pu rendre la vie à Sailor Saturn après son sacrifice pour détruire Pharaoh 90, un ennmi qui menaçait de détruire la Terre à ce moment-là. Le Silver Crystal ne peut toutefois pas soigner les afflictions dites humaines. Personne n'est aussi qualifié que toi pour opérer Mako. Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour Junichiro, pour lui prouver que cette fois-ci, les Mizuno peuvent faire le bon choix et choisir de ne pas sacrifier une vie qui m'aidera moi et mes amies à sauver ce monde. »
Il essaie de se relever mais elle maintient fermement sa main dans le sable.
« Ne m'oblige pas à te faire du chantage… Si tu ne le fais pas, tu ne me reverras plus jamais. »
Voilà le caractère de sa mère qui ressort. Tel un animal blessé, il attaque avec des mots durs comparant Ami et Saeko.
« Et qui pourrait me blâmer de lui ressembler ? On ressemble au parent qui est là pour nous élever, quoiqu'on en dise. Je n'aime peut-être pas la façon dont j'ai grandi mais je chéris la personne que je suis devenue. Tu ne le sais peut-être pas mais je suis morte deux fois durant mes combats. Je suis devenu un vampire pendant quelques heures. J'ai battu Tuxedo Kamen seule quand il est devenu maléfique. Aujourd'hui, je combats avec mes amis un ennemi comme jamais nous n'en avons combattu, un ennemi qui pourrait toutes nous détruire pour de bon. Donc non, je ne m'en veux pas d'être pour une fois égoïste et de vouloir avoir mon ami Mako à mes côtés pour avoir une chance de vaincre peut-être cet ennemi. Je l'envoie peut-être à une mort certaine en cherchant à lui sauver la vie par tous les moyens et je sais à quel point je ne pense qu'à moi en le faisant. Elle tombera peut-être au combat à peine sortie de l'hôpital. Mais elle et tous mes amis ont été ma vraie famille durant toutes ces années. Une famille au-delà des liens du sang. Excuse-moi de lui ressembler, excuse-moi de vouloir le meilleur pour mes amis. Ou pas. Ça ne m'empêchera pas de tout faire pour lui sauver la vie. Je serai devant l'auberge de jeunesse. Le chef du pôle de chirurgie a donné son accord. »
Quitte à jouer le jeu de la culpabilisation, elle sort quelques photos.
« Je te le laisse ces quelques photos de Mako, de son fiancé Motoki et de leur salon de thé afin que tu vois de qui je parle. Elle est aussi Sailor Jupiter. Comme moi, elle est morte par deux fois. Personne n'a tes qualifications dans l'hôpital où tu travaillais. Ma mère n'a pas le droit d'opérer des patients proches d'elles ou de sa famille après ce qui s'est passé avec Jun. Mako sera opérée dans deux heures et trente minutes à présent. Sachant qu'il faut compter trente minutes pour se préparer à la chirurgie, cela te laisse deux heures pour te décider. J'espère que tu feras le bon choix. »
Sur ces mots, elle se transforme à nouveau et se téléporte.
oOo
Assise sur la marche menant à l'auberge de famille, Ami fouille dans son sac et, contre toute attente, en sort un carnet à dessins et un fusain. Elle commence alors à esquisser ce qu'elle voit autour d'elle. Tel père, telle fille, diraient certains.
Let's waste time
Chasing cars
Around our heads
Peu de gens savent qu'elle dessine. Sa mère ne voyait pas d'un bon œil ses talents de dessinatrice quand elle l'a surprise à l'âge de douze ans, assise sur le sol et entourée de dizaines de dessins qui, mis côte à côté représentait son défunt frère. Comme prise dans une sorte de transe, elle n'entendait plus ce que lui disait sa mère. La scène ne fut pas belle à voir. Dessins déchirés, interdiction de jamais dessiner à nouveau, Ami menaçant de planter dans sa main le cutter qu'elle avait pris dans le bureau de sa mère pour son projet afin de ne jamais pouvoir devenir le chirurgien que sa mère voulait qu'elle soit, sa mère lui faisant promettre de dessiner en secret pour éviter d'en être témoin et surtout, une relation de non-dits et de faux-semblants qui prit alors un tour des plus malsains avec cet incident.
I don't quite know
How to say
How I feel
Elle a donc depuis ce jour dessiné en cachette. Et tout comme elle l'a fait ce jour-là, elle inclut souvent son frère dans ses dessins et celui-ci ne fait pas exception. Elle le vieillit pour lui donner l'âge qu'il aurait aujourd'hui. Concentrée sur son dessin, elle sursaute quand une main se pose sur son épaule et revient brusquement à la réalité.
« Je peux m'assoir ?
- Ah… Je… Oui, bien sûr. »
La propriétaire de la pension de famille, qui l'a accueillie quelques dizaines de minutes plus tôt, s'assoit à ces côtés. Elle tient un cadre serré contre son cœur.
« Enchanté, je suis Nanako, la propriétaire.
- Et moi…
- Ami. La fille de M. Mizuno. Je suis la seule qui connaît son véritable nom. J'ai fait semblant de ne pas comprendre tout à l'heure pour vérifier si c'était bien vous. Il m'avait dit que vous étiez la seule qui connaissait son nom d'emprunt. Il a tenu à cacher son identité quand il a emménagé ici mais j'ai dû vérifier son identité légalement pour pouvoir le loger. J'ai fait le lien avec ce qu'il s'est passé il y a quatorze quand votre mère s'est enfermé avec votre frère en mort cérébrale et qu'elle a continué le massage cardiaque jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse de fatigue. »
Le visage d'Ami se ferme.
« Je sais ce qui s'est passé. J'étais dans la pièce. Vous voulez un scoop, c'est ça ? Pour vos soirées Tupperware ? »
La propriétaire pourrait être offensée mais Ami voit les larmes couler sur ses yeux. Cette étrangère l'attire alors contre elle pour la serrer dans ses bras et la réconforter mais la scène prend un tour comique quand elle l'attire non pas dans son giron, ou même dans ses bras, mais dans son ample poitrine. Asphyxiée, Ami se débat quelque peu jusqu'à ce que la quarantenaire se rende compte de son geste et la libère.
« Oh, je suis désolée… »
Elle tourne la tête, gênée et honteuse.
« On a tous nos problèmes. Je crois toujours n'avoir que mes atouts à offrir et je confonds souvent le réconfort, le sexe et l'intimité. Toi, tu sembles avoir du mal à faire confiance aux gens autres que tes amies. J'ai la télé, je lis les journaux, je peux imaginer pourquoi. Je n'ai cela dit jamais vécu ce que tu as vécu. D'ailleurs, je rentrerai jamais dans ce corset blanc. Je ne ferai donc pas l'affront de dire que je comprends ce que tu ressens. Tu sais, j'ai appris à bien connaître ton père. Ne fais pas cette tête. Il ne s'est rien passé. Je ne fais pas goûter mes cookies au premier venu. Il a travaillé dur ici pour reconstruire sa carrière. Il ne parle que de toi et de combien il t'aime, combien il se sent à présent trop loin de toi vu qu'il a fui. Mais tu es dans presque chacune de ses paroles. »
Those three words
Are said too much
They're not enough
« Je le sais qu'il m'aime ! Je le sais qu'il est socialement inapte ! Mais il aurait pu me donner des nouvelles, me demander comment j'ai vécu ce qui s'est passé. Il aurait pu ne pas partir si loin… Je lui en veux… Je lui en veux tellement. »
If I lay here
If I just lay here
Would you lie with me and just forget the world?
La propriétaire se lève.
« Tu veux bien m'attendre quelques minutes ? Je vais chercher quelque chose à la cave.
- Je… D'accord. »
Excentrique, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle revient quelques minutes plus tard avec un grand tableau. Quand elle le retourne, Ami a un choc. La scène représentant un pique-nique de sa propre famille inclut, comme ses dessins, une représentation de Junichiro de l'âge qu'il aurait s'il vivait encore. Les mots lui manquent pour décrire le talent de son père et la force de ca tableau qui lui montre clairement les sentiments de son père et sa position par rapport à leur relation familiale. Les couleurs, le ton, les coups de pinceau. Tout ce qu'il n'arrive pas à lui dire, il le dit ici. Il y a tant de peurs en lui, de regrets et une volonté véritable de vouloir aller vers l'autre sans savoir comment tant il a été meurtri par le passé.
Forget what we're told
Before we get too old
Show me a garden that's bursting into life
« Elle avait bloqué la porte avec une perche à perfusion. Ils ont essayé de casser la vitre en verre trempé mais elle était tellement solide qu'ils n'ont pas réussi à faire quoi que ce soit avant qu'elle ait perdu connaissance. Elle faisait le massage cardiaque à même le corps car il n'avait pas encore été recousu. Quand celle que je prenais alors pour un monstre et qui tenait littéralement le cœur de mon frère entre ses mains comme la reine dans le compte de Blanche-Neige a enfin perdu connaissance, j'ai pu me libérer de son emprise et aller retirer la perche. J'ai tourné la tête vers la table d'opération et j'ai vomi le peu de nourriture que j'avais réussi à manger ce jour-là en voyant cette scène macabre qui semblait tout droit sorti d'un film d'horreur. Son cœur hors de sa poitrine et ma mère, inconsciente sur le sol, échevelée, les gants chirurgicaux sur ses mains couverts du sang de mon frère, tel un monstre venant d'être terrassé. »
I need your grace
To remind me
To find my own
Kunio était en train de rentrer de la plage et il a entendu ce que venait de dire Ami. À son tour, il se souvient comment le personnel de l'hôpital l'a empêché d'atteindre Ami, avant et après la scène qu'elle a décrite, comment il a vécu cette scène comme un spectateur, sans pouvoir rien faire.
Quand il a enfin pu aller voir sa femme, elle s'est retournée dans le lit, refusant catégoriquement de le regarder ou de lui répondre. Il a trouvé une lettre sur le lit lui signifiant qu'elle souhaitait le divorce. Les regards lorsqu'il se rendait dans sa chambre et lorsqu'il en est reparti en larmes ont fini de le convaincre qu'il n'avait plus sa place ici.
Il est rentré chez lui à pied, sous une pluie battante, tel un zombie. En chemin, il a glissé et s'est retrouvé à plat ventre sur le sol détrempé.
If I lay here
If I just lay here
Would you lie with me and just forget the world?
Personne ne s'est arrêté pour l'aider à se relever, pensant qu'il n'était rien d'autre qu'un alcoolique de plus en train d'errer sans but. Pas d'Ami à ses côtés pour regarder le ciel, les nuages ou essayer de boire les gouttes d'eau.
Une fois chez lui, il a fait sa valise en vitesse, pris quelques photos de sa famille et sauté dans un taxi pour se rendre à l'aéroport sans se retourner.
Forget what we're told
Before we get too old
Show me a garden that's bursting into life
Ami sent alors une main se poser sur son épaule. Elle reconnaît ses phalanges poilues et cette petite cicatrice sur l'auriculaire qu'il s'est faite lorsqu'il a installé la balançoire dans le jardin pour Ami et Jun et qu'il a fait montre d'un talent inexistant pour le bricolage et s'est ouvert le doigt sur une pointe.
Contre toute attente, elle penche la tête pour venir se coller contre la main. Pas de besoin de mots. Le passé devient alors enfin le passé et le moment présent prend la place qu'il a attendu toutes ces années. La propriétaire se lève et fait signe à Kunio de prendre sa place.
« Merci, Nanako. »
Il s'assoit et prend la main d'Ami et fixe la jeune fille… non… la jeune femme du regard quelques secondes, comme pour graver son image dans son esprit.
All that I am
All that I ever was
Is here in your perfect eyes, they're all I can see
« Ami ?
- Oui ?
- Le chef du pôle de chirurgie n'a jamais donné son accord, n'est-ce pas? »
Percée à jour, Ami baisse la tête.
« Je tiens de ma mère, hein, pour le chantage et la manipulation ?
- Les chiens ne font pas des chats.
- Ouh la… Même si c'est vrai, ça fait mal. »
I don't know where
Confused about how as well
Just know that these things will never change for us at all
« Tu cherchais un moyen de me faire rentrer à Tokyo avec toi ? Mais alors, pourquoi un mensonge aussi élaboré ? »
Ami baisse la tête.
« Parce que je pensais que c'était la seule façon pour que tu rentres à Tokyo avec moi. Je pensais que seules la chirurgie, le chantage ou encore un ultimatum te feraient rentrer avec moi à Tokyo. Je pensais que je n'étais pas une raison suffisante pour tu traverses cette épreuve avec moi. Tu avais l'air tellement heureux quand je venais ici sans oser venir à ta rencontre. Je pensais que tu ne voulais plus de nous, que tu n'avais plus besoin de nous, que tu ne voulais plus rien avoir à faire avec nous. J'ai besoin de toi, Papa, et je ne savais pas comment te le demander.
If I lay here
If I just lay here
Would you lie with me and just forget the world?
Il la serre dans ses bras.
« Beam me up, Scotty ! »
Elle se transforme et s'exécute, sereine et apaisée, en paix avec elle-même.
À suivre…
J'ai utilisé les paroles de Chasing Cars par le groupe Snow Patrol pour ce chapitre. Le suivant utilisera aussi une chanson. Merci aux obsédantes reprises de Grey's Anatomy qui me trottent dans la tête depuis des années.
Je suis conscient que la scène d'Ami voyant le cœur pendant du corps de son frère après que sa mère s'est évanouie est des plus gores mais c'est vraiment comme ça que la scène m'est apparue et c'est sur cette scène et sur ce qui va se passer dans le chapitre suivant que je m'appuie pour justifier le caractère très fort d'Ami.
Miguel NOCHAIR
