Sailor Moon Altered Destiny

Chapitre 23 – Ch-ch-changes (part 2)

Deux mois plus tard

« Mlle Kino, je ne sais pas quoi vous dire, à part que ces douleurs doivent être psychosomatiques. Le stress, la peur inhérente à votre statut de magical… de pom-pom girls en minij… de justicières, les derniers événements qui ont mis en danger la vie de vos amis et cette relative période de calme contre laquelle vous nous avez mis en garde en prime time sur Nippon TV peuvent en être la cause.

- Au point d'en avoir physiquement mal et d'être paralysée de douleur, clouée au sol ?

- Tout à fait. L'esprit est plus puissant qu'on le croit. Il peut engendrer des faux positifs sur des tests de grossesse, des bleus sur des personnes qui n'ont pas reçu de coup et des symptômes de maladies graves sur des personnes en pleine santé au point qu'on doive les hospitaliser.

- Et vous pensez que c'est ce qui m'arrive ?

- Nous avons fait tous les tests possibles et imaginables, beaucoup d'entre eux que l'on ne ferait pas si…

- Si je n'étais pas une pseudo célébrité. Je comprends et je refuse qu'on m'ouvre des portes parce que je protège le pays. Surtout quand mon groupe a détruit deux bâtiments importants de la ville, l'un d'eux étant celui qui m'a sauvé la vie.

- Ajoutez les remords aux facteur aggravants de vos crises de panique. »

Elle n'aime pas ces mots et son cœur se serre littéralement quand elle entend cette expression. Ou, pour être plus précise, il semble alors trop gros pour sa poitrine et la fait souffrir comme s'il voulait littéralement sortir de son corps.

Cette situation lui rappelle une sitcom américaine qu'elle apprécie beaucoup nommée Golden Girls où le personnage de Dorothy doit se battre contre deux docteurs pour qu'ils ne la laissent pas tomber et ce n'est qu'après avoir obtenu un rendez-vous avec un éminent spécialiste qu'elle est diagnostiquée d'un syndrome de fatigue chronique, affliction nouvelle à l'époque, alors qu'elle est complètement et totalement au bout du rouleau. Si elle est bien consciente que ce n'est pas et ne pourrait pas être ce qu'elle a, ce docteur ne comporte exactement comme le faisait le premier docteur avec le personnage joué par Bea Arthur. Il ne manquerait plus qu'il…

« Je peux toutefois vous recommander un bon psychothérapeute qui pourra vous aider à travailler sur le mental pour que cessent ses manifestations. »

Bingo. C'est exactement ce que dit ce docteur à Dorothy. Le problème est d'ordre psychologique.

« Très bien. Je vous remercie et ne vous retiens pas plus longtemps, Docteur Kurokawa. Remerciez Mme Mizuno de m'avoir orienté vers vous quand j'ai demandé à voir un autre spécialiste. Il n'est jamais facile d'entendre qu'on veut l'avis de quelqu'un d'autre, aussi renommé que puisse être le premier avis.

- Je comprends. Saeko et moi avons l'habitude. Nous avons eu nos différends par le passé et nous ne sommes pas toujours d'accord mais nous le sommes sur ce sujet.

- Nul besoin d'enfoncer le couteau dans la plaie. Je suis une pauvre petite femme en détresse qui doit arrêter de geindre, je l'ai bien compris.

- Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je vous exhorte toutefois à reprendre une vie normale. Je crois savoir que vous êtes une pâtissière hors pair et que vous adorez les plantes. Faites-vous plaisir. Évitez trop de stress dans votre salon de thé, quitte à rester en coulisses pour ne faire que ce que vous aimez le plus souvent possible pendant quelque temps. Vivre et laisser vivre, en somme. »

Elle se lève et quitte la pièce en claquant la porte et en faisant trembler les murs du bureau. Mue par l'adrénaline, elle fait montre d'une force incroyable jusqu'au moment où les portes de l'ascenseur se referment et elle s'écroule dans l'ascenseur, devant trois personnes paniquées.

Si elle veut terminer l'épisode de la sitcom, il lui faut maintenant voir un troisième docteur, bienveillant cette fois-ci, qui pourra trouver ce qui ne va pas. Et elle sait exactement où aller. Leurs pouvoirs ne fonctionnent plus, excepté un.

« Sailor… Teleport… »

Une scène bien trop familière lui rappelant la visite des Sailor Starlights et de leur princesse et qui ne fait qu'aggraver ses symptômes, son mental lui jouant peut-être effectivement des tours.

oOo

Elle réapparaît chez Ami, qui est en train de peindre avec son père.

« À l'aide… »

Elle n'a pas besoin de s'écrouler sur le sol car elle était déjà dans cette position quand elle s'est téléportée. Kunio laisse tomber son pinceau et sa palette qui tombe sur le sol du côté de la peinture, mettant ainsi en pratique la théorie de la tartine beurrée.

« Mako ! Oh mon Dieu ! Qu'est-ce qui se passe ? »

Ami met les mains sur ses épaules et lui parle doucement et calmement en évitant absolument d'être condescendante. Mako n'aime pas entendre le mot « crise de panique » mais le réconfort est un des meilleurs moyens de les aider à passer et il faut bien commencer par appeler un chat un chat. Il ne faut surtout pas stresser la victime et risquer de l'accabler.

Ami s'allonge près de Mako et passe ses bras autour de son corps.

« Je ne vais pas te dire que ça va aller et de te détendre ou de ne pas stresser. Écoute tes émotions, laisse-les parler, laisse-les s'exprimer. Elles ont besoin de crier, de hurler, comme un enfant épuisé qui ne fait plus rien faire d'autre que pleurer jusqu'à ce qu'il s'endorme. Et je te promets que quand tes symptômes se seront atténués, mon père aura de très bonnes nouvelles pour toi. Et si ça ne passe pas, on ira casser la figure au docteur Kurokawa. On n'a pas besoin de nos pouvoirs pour ça. »

Les paroles d'Ami fonctionnent, et, même si cela prend du temps, Mako reprend le contrôle de son corps ou, si l'on se place différemment face au problème, son corps lui rend le contrôle de sa personne.

« Merci. Je suis désolée d'avoir débarqué de la sorte mais entre le docteur Mizuno et son collègue le docteur Kurokawa, j'avais envie de hurler. C'est probablement ce qui m'a mis dans cet état… »

Ami en était sûre. C'est pour cette raison qu'elle l'a mentionné un peu plus tôt. Voyant le visage de Kunio, Mako se reprend :

« Oh pas vous, l'autre docteur Mizuno ! Le docteur Kurokawa s'acharne à dire que c'est mental, psychosomatique. Ils veulent que je voie un thérapeute. C'est pour ça que j'ai pensé à vous avant de sombrer parce que vous avez un regard un peu plus humain. »

Elle regarde Kunio en disant cela.

« Désolé, Ami.

- Je suis la fille de ma mère. Je penchais vers son diagnostic jusqu'à il y a quelques jours et je tiens le docteur Kurokawa en haute estime. Il est maladroit et machiste au possible, et je suis convaincu qu'il entretient une relation avec ma mère, mais c'est en partie grâce à lui que nous avons pu reconstruire un semblant de vie familiale lors de la seconde grossesse de ma mère. Papa, tu peux nous éclairer sur les articles du journal médical américain que tu as lus récemment. »

Kunio regarde sa fille. Forte, droite, cartésienne mais en lien avec ses émotions. Elle a tout pour réussir, excepté ce poids de Sailor Senshi sur ses épaules qui pourrait lui coûter ses ambitions s'il ne prend pas tout simplement sa vie.

Forte mais aussi pleine de convictions. Ami Mizuno, sa fille, est tout simplement incroyable Après les terribles événements survenus il y a deux mois, elle lui a demandé de rester quelques jours avec elle et rien que cela relève de l'exploit pour quelqu'un qui a été élevé par Saeko Mizuno. Les jours se sont transformés en quelques semaines qui se sont soldées par une visite surprise de ladite Saeko qui a fait une scène en exigeant qu'il parte. Ami s'est alors violemment opposée à sa mère en disant qu'elle avait besoin de ses deux parents même s'ils avaient tous deux fait preuve d'un absentéisme chronique et joué la carte de l'abandon. L'un des deux parents, nommément sa mère, n'y était pourtant pas obligée en vertu d'un contrat verbal relevant du chantage émotionnel. Elle a pourtant réussi à le faire en vivant avec sa fille, entre les quatre murs de cette cage dorée qu'était leur maison.

Une chose est sûre, Ami n'a pas mâché ses mots et la situation s'est immédiatement envenimée. Saeko a menacé, le roseau n'a pas plié et encore moins rompu. Ami a pris ses affaires et son père sous le bras et trouvé refuge chez Usagi et Mamoru. Leur appartement étant petit, ils n'ont pas pu rester longtemps mais elle a remué ciel et terre et réussi à décrocher une bourse de mérite pour financer le reste de son année scolaire.

Comme ils l'avaient proposé à Rei, son père et elle ont commencé à donner des cours de peinture et à faire du soutien scolaire au temple Hino. Partageant les revenus avec Rei, ils ont ainsi pu obtenir leurs premiers revenus. Michiru a bien proposé de lui donner la moitié des revenus issus des leçons de violon qu'elle donne mais Ami a refusé, affirmant qu'elle ne devait pas (ou plus) dépendre financièrement de qui que ce soit d'autre que d'elle-même et de son père (mais plutôt sous la forme d'un partenariat et non d'une servitude). C'est ainsi qu'ils ont pu louer un logement, ou plutôt une chambre chez l'habitant, qu'ils sont obligés de partager en attendant de pouvoir payer pour un logement entier, aussi minuscule et vermoulu sera-t-il.

« Papa, tu es toujours avec nous ? »

Kunio secoue la tête de gauche à droite.

« Désolé, je réminiscais au moment le plus inopportun… Oui, j'ai lu des études très intéressantes. Une équipe de chercheurs américains a développé une théorie selon laquelle une crise de panique pourrait être déclenchée par des problèmes physiques et peut-être héréditaires. Leurs recherches les ont amenés à étudier un gène régulateur de la sérotonine, qui rendrait certaines personnes plus enclines aux crises que les autres. Cette théorie n'a pas encore été prouvée mais selon Dominique Servant, "une hérédité due à des anomalies génétiques reste très hypothétique. De toute façon, l'hypothèse dans ce cas, à partir de données scientifiques, serait que 30 % des causes sont biologiques et 70 % liées à des facteurs environnementaux. En revanche, des petites anomalies physiologiques constitutionnelles peuvent favoriser le déclenchement d'attaques de panique." »

Mako bat des cils comme une biche prise dans les phares d'une voiture pour signifier que ce jardon lui a complètement échappé. Le père d'Ami s'en rend compte et revoit sa copie.

« Pour faire simple, reprend-il en vulgarisant son discours, ta condition de Senshi influant sur ton métabolisme…

- Je l'ai déjà entendu celle-là. Nous n'avons plus de pouvoirs, excepté la téléportation, seules les Outer Senshi peuvent faire apparaître les talismans et la faux et lancer leur dernière attaque, je suis faible, j'ai peur, je suis une femme impuissante et fragile, bla bla bla… »

Ami pose la main sur l'épaule de son amie.

« Attends. Laisse-le finir, s'il te plaît. Ce n'est pas Kurokawa. C'est pour ça que tu es venue le voir, lui, non ? Tu vas aimer ce que tu vas attendre, je te le promets. Fais-moi confiance ou, à défaut, fais-lui confiance. »

Elle se calme et Kunio reprend.

« Si les médecins ne trouvent rien, ça ne veut pas dire qu'il n'y a rien. Tu as retrouvé un cœur de sportive en moins d'un mois. La magie qui t'habite y est pour quelque chose et ton corps n'aime pas ça car, si j'ai bien compris, vous étiez des Sélénites, ou peut-être une Jupitérienne dans ton cas, et vous avez été réincarnés dans des corps humains qui veulent faire les choses comme le font les humains, ce qui s'oppose peut-être à tes pouvoirs, comme un corps qui rejetterait une greffe. Le simple fait que vous ne flottiez pas sur la Lune signifie que votre physiologie était complètement différente pour s'adapter à l'absence d'apesanteur. Vous dégagiez probablement un peu de magie en continu pour rester les deux pieds sur le sol car vous n'avez jamais terraformé la Lune et vous n'aviez pas la technologie nécessaire pour recréer l'apesanteur ou créer un dôme comme les Inhumains de Marvel. Et ces pouvoirs sont toujours présents dans vos corps à présent physiologiquement humains.

Peut-être même que tous ces combats en si peu de temps ont poussé vos corps humains à bout et ils se sont si bien défendus que cela a créé une disruption de vos pouvoirs qui cherchent à s'adapter pour revenir plus forts et plus harmonieux. En général, vous n'êtes attaquées qu'une fois par semaine, jamais tous les jours. Tu n'as certes pas pris part aux derniers combats mais vous êtes toutes liées. Vous avez fait des choses pas très belles pour terrasser ces deux psychopathes et vos pouvoirs ont peut-être besoin de revoir leur copie pour être en phase avec votre image de magical girls… pardon, de justicières. Comme un super héros qui tuait ses ennemis et qui décide de ne plus le faire pour gagner les faveurs ce ceux qu'il souhaite aider et ainsi pouvoir mieux les aider avec l'approbation du grand public et sans se faire traquer par la police. Car on sait tous que, dans ces situations, le pire ennemi, le plus dangereux, le plus cruel, c'est le gouvernement, pas les démons et les monstres. »

Mako boit ses paroles. Le cœur et la science faits homme. Elle se sent déjà mieux et respire plus facilement comme si elle sortait d'une vilaine grippe et que son nez et ses poumons n'étaient plus congestionnés.

« Je suis convaincu que cet article finira par amener un traitement des crises de panique autrement qu'avec de la méditation et un psychologue ou des substances addictives modifiant le comportement. Ceci dit, vu ce que vous vivez depuis vos quatorze ans, j'irais personnellement faire une thérapie hebdomadaire ou au moins mensuelle si tu en as les moyens. Je sais que les temps sont durs et que c'est un investissement. Un peu de méditation avec Rei qui l'enseigne à présent ne ferait pas de mal non plus. Ami et moi en faisons régulièrement. En plus, cela pourrait aider avec vos pouvoirs. L'esprit sur la matière mais pas que. »

Excité de pouvoir faire ce métier qu'il aime temps, il a tout déballé d'un coup et doit reprendre son souffle. Ses yeux brillent tant il est heureux et cela n'échappe pas à Ami qui se sent responsable de l'avoir fait déraciner sa vie à Tottori pour devenir un chômeur de quarante-huit ans.

« J'aimerais que tu prennes un traitement antibiotique à spectre large car je pense qu'il reste une bactérie dans ton corps qui s'est déplacée après l'opération. Pas de panique, rien de méchant. Tes ongles sont trop blancs et ta peau marquait trop facilement quand Ami était allongée à tes côtés. Il faut faire tester tes vitamines, ton calcium, ton magnésium, ton potassium, ton albumine et même faire un dosage de ton insuline à jeun et une heure après le petit-déjeuner. Il pourrait y avoir un dérèglement hormonal, par exemple une hyperinsulinémie signe d'un prédiabète. Commence déjà par un traitement de vitamine D car tout le monde est carencé en hiver et la saison des fêtes n'aide pas à garder le moral. Une lampe de luminothérapie pourrait également aider. Aucun risque de surdosage avec ce que je vais te prescrire sauf si tu ne suis pas mes instructions. Excuse-moi de remuer le couteau dans la plaie mais tu nous as prouvé que tu n'écoutais pas les docteurs où nous n'en serions pas là.

Mako baisse la tête. Kunio est juste mais ferme.

« C'est un processus qui va prendre du temps et qui s'inscrit sur la durée. Tous vos combats à venir tenteront de te faire rechuter alors, donne-toi une chance. Mais je pense que tu as compris la leçon et je sais que tu en ressortiras plus forte et qu'on retrouvera vite la Mako que l'on connaît mais qui, pourtant, sera également différente par bien des aspects. Tu évolues, tu ne stagnes pas et même si la transition est dure, tu t'en sors admirablement. Je suis passé par des épreuves similaires alors, je comprends ce que tu ressens et endures. »

On peut sentir l'influence des Alcooliques Anonymes dont lui parlait beaucoup sa mère et qui est devenu sa réalité pendant quelques années quand il a été mis à la porte de sa propre famille par sa fille et la mère de leurs enfants. À présent sobre, il a découvert d'autres manières de prendre soin de lui et des autres et c'est ce qu'il essaie de redonner à son entourage et bientôt, il l'espère, à ses patients.

Il sort son carnet de prescriptions et lui fait une ordonnance. Elle le remercie chaudement. Elle essaie bien de faire la conversation mais elle est trop impatiente.

« Il y a une pharmacie à deux pâtés de maison d'ici. Va chercher ton traitement. Allez ! File ! Il est bientôt l'heure d'aller faire à manger pour toute la famille, de toute façon. Usagi vient manger avec Mamoru, ce soir. Et vérifier que tout se passe comme prévu…

- Mais si tu veux voir un feu de cuisine, tu peux rester, annonce Ami. Mes sourcils viennent de finir de repousser. On peut faire des paris sur combien de temps ils vont rester et lequel partira en fumée en premier.

- Oh ça va, ironise Kunio. On a appris des choses au cours des deux derniers mois. Notamment que le poisson n'était pas toujours pané et rectangulaire.

- Ou que la nourriture pouvait être consommée ailleurs que dans des boîtes en plastique. Et que le charbon végétal activé est très bon pour la digestion. »

Mako sourit de les voir aussi heureux, malgré cette configuration peu conventionnelle. Elle les remercie une énième fois et sort de la chambre d'Usagi pour quitter la maison des Tsukino. Elle croise Shingo dans le couloir qui part frapper à l'ancienne chambre de sa sœur.

« Ami. Maman a dit qu'on pouvait passer une demi-heure ensemble si on laisse la porte ouverte.

- J'ai l'impression d'avoir quinze ans de nouveau.

- Eh ben, ça ne me rajeunit pas. Va passer du temps avec ton chéri, je m'occupe de la cuisine. »

Ami serre son père dans ses bras.

« Ravi d'avoir pu renouer le contact avec toi. Tu nous manqueras à tous et à toutes. Les dépliants de livraison de nourriture sont dans le tiroir à côté du frigo.

- Merci pour le vote de confiance.

- Le sucre est dans la boîte blanche et le sel dans le pot bleu. »

Kunio tourne rapidement la tête sur la droite en direction du plafond pour lui signifier que la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe et quitte la pièce.

Ami part rejoindre Shingo après avoir prévenu Ikuko. C'est toujours une situation déplaisante que de devoir demander la permission à la mère de son petit ami l'autorisation de passer du temps avec ledit petit ami et pour ladite mère ou ledit père de donner son accord en sachant pertinemment ce qu'il ferait si la porte était fermée et ce qu'ils font probablement dans toutes les pièces de la maison quand ils sont seuls. Fort heureusement, l'un des avantages d'avoir sa famille ainsi que l'amoureuse de son fils et le père de celle-ci vivant sous le même toit est que cela ne se produit que rarement.

Comment en sont-ils arrivés à cette configuration peu conventionnelle ? Parfois, elle se le demande. Souvent même. Lorsque Mako a subi son opération et peu avant l'attaque d'Omen, Usagi a exigé d'Ami qu'elle dévoile sa relation à ses parents et les rencontre.

Dans une volonté de renouer des liens moins hostiles avec Usagi, elle a accepté. Il se trouve que le destin a fait coïncider cette rencontre avec le moment où Saeko a coupé les vivres à Ami et où Kunio a quitté Tottori définitivement pour revenir s'installer à Tokyo avec sa fille. L'annonce a été difficile, voire violente en ce qui concerne Kenji qui refusé d'entendre et d'écouter ce qu'on lui disait. Beaucoup de pères taperait dans la main de leur garçon en lui disant « Bien joué, mon fils ! » mais chez les Tsukino, il n'y a pas de double standard. Même s'il l'a bien caché, il lui a beaucoup coûté de voir sa fille sortir avec quelqu'un de majeur alors qu'elle entrait dans l'adolescence. Voir le cycle se répéter lui a rappelé le passé mais c'était sans compter sur Ikuko, une maman au foyer forte et sûre d'elle qui lui a suggéré un garde-fou complètement dingue mais qui était la meilleure solution s'il voulait un jour arriver à retrouver le sommeil et un peu de sérénité.

C'est ainsi qu'une partie de la famille Mizuno s'est retrouvée à vivre dans l'ancienne chambre d'Usagi, un espace certes confiné mais dans blotti dans une maison pleine d'amour qui leur a rappelée les quelques années avant la mort de Jun, une période durant laquelle ils ont vraiment pu goûter au bonheur avant qu'il ne leur soit arraché.

Leur arrangement est garni de moults conditions et réglementations pour veiller à préserver l'innocence de Shingo. Les Tsukino ne sont pas toutefois pas dupes. Il n'y a plus vraiment d'innocence à préserver, surtout quand on a vu le jeune homme qu'on aime mourir dans ses bras des centaines de fois. Conscient de ce qui avait dû se passer avant la rencontre avec les Tsukino, ils ont toutefois décidé de pratiquer la politique de l'autruche pour ne pas faire face à l'entière réalité. Usagi n'y a d'ailleurs pas vu d'inconvénients, sentant bien que cette configuration digne d'un simulateur de vie réelle allait mettre de l'animation, du cœur et de la joie dans leurs petites vies et serait également un bon moyen de garder un œil sur le couple. Après les larmes d'Ami à l'hôpital et ses mots d'une force incroyable, Usagi a vraiment revu sa copie car l'enfant innocente, par bien des égards, c'est elle et non son frère qui est bien plus mûr qu'elle ne l'était à son âge. Malgré toutes les horreurs qu'elle a vécues au cours de sa très longue vie, elle a gardé un cœur pur, probablement le plus pur qui soit dans toute la galaxie, voire l'univers ou, au vu de leurs dernières aventures, peut-être même dans tous les univers.

C'est ainsi qu'après bien des événements, la vie de Kunio risque de prendre fin alors qu'il pénètre dans la cuisine en ayant absolument aucune idée de comment faire une cuisine qui n'est pas livrée en trente minutes ou moins. Chômeur depuis deux mois, Kunio fait tout ce qu'il peut pour se rendre utile mais malgré tous ces efforts, il n'a pas grand-chose à offrir d'autre que la médecine, de l'amour inconditionnel à volonté et des plats tous droits sortis des neuf cercles de l'Enfer.

Heureusement pour lui, Rei le laisse donner des cours d'art et aider les futurs étudiants en médecine et les universitaires luttant pour garder la tête hors de l'eau dans leurs études, ce qui leur apporte un petit pécule pour espérer bien vite pouvoir louer un petit studio. Toutefois, étant donné son passé et après avoir déserté son poste au Tokyo Medical University Hospital sans préavis, il s'est fait une très mauvaise réputation que sa femme a probablement alimentée pour s'assurer qu'il ne revienne pas sur Tokyo lui voler Ami.

Cette dernière prend quant à elle soin de ranger la boîte à musique avant de laisser la pièce sans surveillance. Son père est au courant mais pas ses amies. Même si les voies de la communication ont été rouvertes, Ami reste un rempart contre cet ennemi et elle est encore et toujours sûre d'une seule chose : elle doit garder le secret encore quelque temps. Elle ne peut qu'espérer que la direction qu'on pris leurs relations ne sera pas mise à mal par ces mensonges par omission. La boîte se tient néanmoins tranquille depuis que leurs pouvoirs ont cessé d'opérer, comme si elle était attirée par ses pouvoirs et que l'étudiante n'avait plus d'intérêt tant qu'ils ne fonctionnent pas. Ou plus.

Aucune d'entre elles n'a d'ailleurs aucune idée de ce qui se passe mais depuis que Luna a assisté à cet étrange rituel dans la chambre d'hôpital, plus personne ne peut se transformer ni utiliser ses pouvoirs. Haruka, Michiru et Setsuna peuvent encore faire apparaître leur talisman qui sont encore chargés d'énergie et leur permettent de lancer leur dernière attaque mais pas de se transformer. Elles sont donc chargées de protéger la ville des quelques attaques de montres qui se font toutefois rares depuis deux mois en enfilant un cosplay de leur propre costume pour ne pas alerter la population ni leur ennemi de leur absence de pouvoirs. Rei a également perdu les dons de divination liés à ses pouvoirs, tout comme Michiru…

« Ami, tu es toujours avec nous ?

- Je suis désolée, Shin-chan. J'avais la tête ailleurs. Tu disais ?

- Je disais : heureusement que tu as toujours ton pouvoir de téléportation.

- Pourquoi ? Tu veux que je te dépose quelque part ?

- Non, parce que ton esprit part tellement loin des fois. C'est bien que ton corps puisse aller le rejoindre en un instant. »

Qui aurait cru que ce gamin immature de huit ans deviendrait un adolescent de seize ans qui lui donnerait des leçons de sagesse ? Elle meurt d'envie de l'embrasser fougueusement mais elle sait ce qui risque de se passer. Comme ils l'ont fait remarquer lors de la conversation avec les parents d'Usagi, ce n'est pas elle qui a fait le premier pas. Ce n'est pas elle l'allumeuse. Elle a longtemps lutté contre son attirance et elle sait où un baiser conduira un corps rempli d'hormones masculines. Elle se contente donc de poser sa main sur sa joue.

« Tu as raison. Excuse-moi. Nous n'avons qu'une demi-heure rien qu'à nous et je suis à mille lieues de toi.

- Tu sais, Ami. Je sens que tu caches des choses en toi dont tu ne peux pas parler. Je ne sais pas non plus ce que c'est cette chose que tu caches en faisant du grabuge à chaque fois que tu vas ouvrir la porte de ta chambre. »

Choquée d'être si facilement percée à jour alors que ses amis n'y voient que du feu, elle s'apprête à l'être encore plus.

« Et tu sais quoi ? Je n'ai pas besoin de le savoir. Tu nous protèges et c'est très bien comme ça. Cet ennemi a assassiné ma nièce et je veux qu'il meure pour ça. Fais ce que tu as à faire, je te suis à 200 %. Mais quand tu es avec moi, j'aimerais pouvoir te faire oublier que tu es Sailor Mercury, que tu puisses poser tes bagages à l'entrée. Est-ce que tu peux faire ça pour moi ? »

Elle le serre alors si fort dans ses bras qu'elle sent le dos de l'adolescent craquer.

« Je te le promets. »

Elle dépose alors un tendre baiser sur ses lèvres. C'est alors qu'on entend quelqu'un arriver à toute vitesse dans le couloir.

« Mais elle a des oreilles bioniques, c'est pas possible. »

Sans oser se retourner, elle commence à s'excuser auprès de Mme Tsukino et annonce qu'elle aura quitté les lieux dans une heure. Quelle idiote ! Elle savait bien qu'elle n'était pas censée avoir de contact « amoureux » avec Shingo. Elle se retourne alors, tremblante, et aperçoit Luna tenant Diana, nouveau-née il y a quelques jours, par la peau du cou. Elle saute sur le lit et la pose délicatement sur le couvre-lit malgré ses miaulements plaintifs.

« Désolée de t'avoir fait peur. Ils sont en train de montrer Sailor Uranus et Sailor Neptune en train de se battre au temple Hino. J'ai pensé que tu voudrais peut-être y être pour donner le change comme tu y donnes des cours bientôt. On ne t'a pas beaucoup vu "en costume" ces temps-ci.

- Oh, j'avais presque oublié les cours. Et ce cosplay que j'aime tant porter. Je vais l'enfiler avant de m'y rendre.

- Je peux regarder ? demande Shingo. »

Le regard de Luna lui en dit long.

« Ok ok. »

Le chat quitte la chambre avec sa progéniture. Ami part enfiler le costume créé par la designer en charge des tenues de formule 1 et de moto d'Haruka. Grande fangirl des Sailor Senshi, la pilote l'a mise dans la confidence. Elle a accepté de les aider sur la base d'un échange de bons procédés dont elle n'a pas encore parlé à sa conjointe ni au reste de son groupe d'amis. Quelques membres du groupe ont même dû rencontrer une partie du fan club officiel il y a quelque temps dans un lieu pour le moins étrange.

À chaque fois qu'elle enfile cette reproduction de son costume, Ami doit lui reconnaitre un certain talent. En toile extensible, elle épouse parfaitement ses formes, exactement comme son costume qui s'adapte aux fluctuations de son poids et qui, quand elle était plus jeune, accompagnait sa croissance. Elle jette un œil à la boîte à musique avant de partir. La boue noire est sortie et tournoie autour de son sceptre devenu gris et totalement inactif. On pourrait s'attendre à ce qu'elle essaie de l'envahir pour le corrompre à nouveau mais elle en semble incapable. Ou alors, elle est… intriguée. Elle fait un rapide état des lieux et retourne dans la boîte à musique. Étrange.

Luna leur a raconté ce qu'elle avait vu malgré la contre-indication des mini Senshis. Il se passe donc bien quelque chose et ce résidu des pouvoirs d'Omen semble curieux de voir ce qui va se passer. Elle va devoir aller à l'encontre de tous ces instincts et faire confiance à cette chose pour le moment. Alors qu'elle quitte la pièce lentement, elle sent les tentacules venir vers elle mais elles ont disparu quand elle se retourne brusquement.

« Un, deux, trois… Soleil ! »

Elle se retourne. Rien.

« Rappelle-toi ce que j'ai fait à Omen. Je n'hésiterai pas à faire pareil avec toi et à détruire la boîte si tu essaies de nous faire du mal. Tu es un bernard-l'hermite et tu ne survivras pas sans ta coquille. »

Elle va jusqu'à la boîte et en descelle l'un des joyaux en faisant levier avec l'un de ces instruments médicaux. Le miasme à l'intérieur s'agite puis finit par se calmer, comme s'il était parti se cacher. Elle quitte alors la chambre en emportant son sceptre. Au cas où. Toutefois, elle n'y croit plus vraiment.

« Shingo ! Luna ! Papa ! Je pars au temple Hino donner le change au public. Luna, surveille mon père qui cuisine du charbon dans la cuisine. »

Luna accourt, terrorisée.

« Prends Diana avec toi. Elle sera plus en sécurité face au monstre. »

Ami sourit, envoie un baiser à Shingo qui se tient sur le pas de la porte de sa chambre et lui renvoie un regard inquiet.

« Je vais faire semblant, ne t'inquiète pas.

- Sois prudente.

- Toujours. Sailor Teleport. »

oOo

Rei pique une crise de nerfs et se met à marteler l'autel du feu sacré de coups de pieds, toujours assise sur le coussin sur lequel elle s'agenouille généralement pour prier. On croirait voir un enfant faire un caprice parce qu'on lui a refusé un jouet au magasin.

Une bûche sort du foyer et tombe sur le sol qui s'enflamme rapidement. Elle enlève le haut de sa tenue et l'étouffe promptement. Elle commence à avoir l'habitude et, même si elle refuse de se l'avouer, flirter ainsi avec le danger lui procure un certain plaisir, comme si elle cédait à la colère comme on cèderait à un produit modifiant le comportement. Et puis, de toute façon, au vu de ses circonstances, elle a bien le droit de s'énerver, non ? Sa colère est justifiée. Et justifiable.

Le cœur battant mais gonflée à bloc à l'adrénaline, elle essaie de se remémorer une seule fois où elle aurait eu peur du feu. Même quand elle habitait encore avec son père et que, du haut de ses quatre ans, elle a cru alléger le poids des responsabilités de dernier en brulant ses dossiers importants dans l'évier de la cuisine, enflammant presque instantanément les rideaux de la fenêtre, elle n'a pas bronché et regardé ce feu qui lui a donné sa première vision. Son père l'a violemment poussée et elle s'est ouvert le crâne sur une des immenses chaises froides du bar de la cuisine mais elle ne l'a pas regretté car son geste lui a fait entrapercevoir un futur où elle serait heureuse. Tout était flou et rien n'aurait pu lui faire comprendre ce que représentait cette lune entourée de huit étoiles filantes de couleur mais elle a compris ce jour que le feu qui l'avait toujours fasciné ne lui ferait jamais de mal.

Et aujourd'hui, elle eu peur que ce même feu lui prenne la seule chose qui lui reste : le temple Hino et sa dure et contraignante indépendance financière. Elle est bien consciente que ce n'est pas en ayant peur de son élément de prédilection qu'elle arrivera à récupérer ses pouvoirs. Elle regarde ce costume de Sailor Mars pendu au mur dans sa housse et se demande comment elle va gérer les semaines à venir si rien ne change.

Coupée dans sa réflexion par un bruit sourd dans la pièce adjacente à celle où elle se trouve, elle colle son oreille contre le mur pour entendre ce qui se passe. Les étudiants qui viennent prendre des cours ont tendance à explorer le temple comme s'il s'agissait d'une maison hantée et qu'ils passaient un test de courage. Cela lui rappelle fortement l'époque où elle est devenue Sailor Mars et où les personnes visitant le temple pensait qu'elle était responsable des enlèvements perpétrés alors par Jadeite.

« Chut ! ordonne la personne un peu trop fort pour quelqu'un qui veut se faire discret. Ne fais pas tant de bruit, elle va nous entendre… Ooooh… Pas là, c'est mon point G… »

Elle se lève puis enfile rapidement le haut blanc tâché de cendres et troué par les flammes. Il est temps d'aller se passer les nerfs sur ces, elle l'espère, deux personnes. Son temple n'est pas un hôtel de passe. Elle part dans le couloir et une fois devant la porte, écoute son cœur qui bat et se délecte un peu plus qu'elle ne le souhaiterait de ces émotions qu'elle a tant de mal à gérer. Elle prend un peu trop de plaisir à mener son monde à la baguette et cette sérénité qui la caractérisait jusqu'alors lui semble bien loin.

Elle ouvre brusquement la porte coulissante pour qu'elle claque violemment contre le chambranle.

« Non mais pour qui vous vous prenez ? C'est un lieu de culte ici, pas Sodome et Gomorrhe. »

Yuuichirou se retourne, ses yeux effrayés cachés par sa frange frisée châtain foncé indomptée et indomptable. Il retire ses mains de la poitrine de Koan dont la chemise ouverte laisse entrevoir son soutien-gorge. Rei referme la porte et décide de partir chercher des braises pour brûler cette image imprimée sur sa rétine. Yuuichirou la suit mais son pantalon déboutonné qu'il tenait d'une main tombe sur ses genoux quand il arrive au niveau de Rei.

Rei part se cacher dans un recoin du temple où se trouve une mangeoire à oiseaux en pierre posée sur un pilier. Elle avait l'habitude de venir y passer du temps avec Phobos et Deimos, les deux corbeaux gardiens du temple mais ils ont disparu il y a quelques années.

Seul elle et son grand-père connaissent cet endroit. Elle l'a découvert par elle-même quand son père l'a agrippée par le bras et l'a abandonnée au temple Hino.

« Tu voulais un deuxième enfant, Papa ? Félicitations ! C'est une fille ! Elle ne te décevra pas comme moi, elle adore le feu. Une vraie pyromane. Elle vient de mettre le feu à mon appartement. Allez, dégage, je ne veux plus te voir. »

Il l'a alors attrapée par ses longs cheveux noirs et l'a poussée contre son grand-père mais elle s'est affalée sur le sol, tombant dans la boue de la cour après un long jour de pluie. Elle s'est relevée immédiatement et elle a couru se cacher. Quand son grand-père l'a retrouvée, elle s'était assoupie devant la mangeoire et les deux corbeaux s'était endormis sur elle, les ailes déployées, comme pour la protéger. Phobos et Deimos furent ses deux premiers amis et il lui manque terriblement. Elle continue néanmoins à venir ici régulièrement, espérant un jour les revoir. Elle laisse toujours de la nourriture mais finit toujours par devoir la nettoyer quand elle germe ou moisit. On pourrait s'attendre à ce que d'autres oiseaux viennent picorer les graines mais il semble que cette mangeoire ait une connexion avec Rei et la planète Mars et que seuls Phobos et Deimos soient autorisés à s'y poser.

Elle pose ses mains sur la structure de pierre et parvient à se calmer. Peut-être est-ce dans sa tête mais ce petit édifice a toujours réussi à l'aider à se recentrer. Elle oublie tous ces problèmes l'espace de quelques instants et entreprend une respiration abdominale que lui a enseignée Michiru. Apaisée, ses défenses sont tombées et elle hurle quand son grand-père pose la main sur son bras.

« Tu m'as fait peur !

- Désolé. J'ai croisé Yuuichirou et Koan et je me suis dit qu'il valait mieux que ce soit moi qui tende le drapeau blanc. De toute façon, il n'aurait jamais trouvé cet endroit.

- Tu étais au courant ?

- Pour lui et Koan ? Oui, ça fait quelques mois et il est… comment dire… assez vocal. Et sa chambre est à côté de la mienne.

- Merci pour les images mentales. Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

- Parce que tu es déjà assez perdu avec tes sentiments pour Minako. Il n'y avait pas besoin de raviver de vielles amourettes d'adolescence qui n'en étaient pas vraiment, tu ne crois pas ?

- Est-ce que tout le monde sait que je suis amoureuse d'elle ?

- Tous sauf elle. Je crois pourtant que c'est évident. Elle a toutefois été pal mal secouée par ce début de carrière et ce dur retour à la réalité. Elle a tout donné et elle a tout perdu. Elle a trouvé du travail dans un fast-food et abandonné ses rêves. Elle change même de visage avec ses anciens pouvoirs de Sailor V comme si elle voulait tirer un trait sur sa carrière d'idole. Donne-lui encore un peu de temps. Je crois qu'elle sera bientôt prête à voir et à entendre tes sentiments. Quant à toi… »

Quant à elle, voir Yuuichirou assumer si pleinement sa relation avec leur ancienne ennemie à présent réformée l'a ramenée face à ses démons. Un peu jalouse de ne pas faire de même avec Minako et surtout bloquée par ce passé de vierge sacrée qu'elle a découvert il y a deux mois et qui lui fait se demander s'il a à voir avec ce caractère de célibataire endurcie qui lui colle à la peau et avec cette décision de se concentrer sur le renforcement de ses pouvoirs de miko pour protéger ses amies au détriment d'une vraie carrière. Des choix qu'elle ne peut même plus assumer maintenant que ses pouvoirs sont inactifs. Aurait-elle dû aller à l'université ? Et même si elle y était allée, elle se demande bien ce qu'elle y aurait étudié et si elle n'aurait jamais trouvé sa place dans la société.

Son grand-père écoute ses doutes avec une grande attention et lui fait signe de s'accroupir pour qu'ils soient au même niveau. Il lui caresse le sommet du crâne comme il le faisait quand elle était plus jeune.

« Tu peux réussir tout ce que tu entreprends. Tu manques de confiance en toi en ce moment et l'état de nos finances y est pour quelque chose. On va s'en sortir. Et si demain, tu décides de partir étudier à l'université, on se débrouillera. Et au pire du pire, il nous reste une carte.

- Mon père.

- Oui. Je suis prêt à ravaler ma fierté et à lui demander de l'argent. Il ne t'a jamais traité comme un être humain mais il ne laisserait pas sa fille dans une situation difficile vu qu'il est souvent au cœur de l'actualité en sa qualité de ministre. Je suis convaincu que…

- Je déjeune avec lui toutes les semaines depuis deux mois. Il renfloue nos caisses via la boîte à donations en envoyant ses stagiaires nous faire des donations. »

Ce lieu a toujours été propice aux révélations. Son grand-père tremble un peu sur sa canne qu'il serre plus que de raison, regarde le sol quelques instants en se mordant l'intérieur de la joue jusqu'au sang puis relève la tête.

« C'est ton père, Rei. Il est normal que tu veuilles avoir une relation avec lui. Tout le monde peut changer, alors, pourquoi pas lui ? Ce n'est pas moi qui vais lui jeter la première pierre. Même si j'en ai très envie. Un parpaing de préférence.

- Je suis désolée. »

Il lui demande alors si elle accepterait qu'il se joigne à elle la prochaine fois qu'elle le verra. Bien consciente qu'elle lui doit bien cela, elle y consent, sachant pertinemment que cela n'aidera en rien au retour de Sailor Mars.

« Je me tiendrai tranquille. Ne me laisse pas boire d'alcool, cela dit.

- Marché conclu. »

Elle le sert dans ses bras et le remercie de prendre aussi bien soin d'elle et d'être aussi compréhensif. Elle ne le sait pas encore, mais ce lieu a laissé passer un mensonge, comme s'il n'était pas en fait propice à la vérité mais plutôt au bien-être de Rei Hino. C'est en réalité le grand-père de Rei qui a repris contact avec Takashi Hino. Elle aura tout le temps de lui en vouloir quand elle l'apprendra et quand les murs du temple arrêteront de trembler. Rei et son grand-père courent rejoindre l'avant du temple et voient un Droid ressemblant au dieu indien Kali et vêtue en tout et pour tout d'un soutien-gorge doré métallique et d'un sarouel blanc maintenu par une ceinture de champion de boxe. Sailor Uranus, Neptune et Pluton sont prisonnières de ses nombreux bras et elle les projette encore et encore contre le mur du temple. Si elles peuvent utiliser leurs attaques (pour le moment), elles ne sont plus protégées que par une reproduction de leur tenue de Senshi, rendant leur corps bien plus fragile.

Sailor Mercury apparaît alors et demande si elle doit aller chercher Sailor Saturn.

« Non, elle passe des examens importants, il ne faut pas la déranger, parvient à articuler Sailor Uranus en bonne mère, pensant au bien-être de celle qu'elle considère comme sa fille avant le sien. »

C'est donc à Ami de donner le change. Elle met en œuvre les cours d'autodéfense qu'elle a pris et utilise son propre poids pour essayer de déstabiliser son adversaire et de lui faire relâcher sa prise. Le problème avec les Droids, c'est qu'ils sont essentiellement des robots humanoïdes et qu'ils sont donc des montagnes à déplacer.

Heureusement pour elle, et comme bien souvent, la chance est de leur côté et Yuuichirou entrouvre la porte en papier de riz et forme un « OK » de sa main, lui faisant ainsi comprendre que le plan qu'elle et Setsuna avait mis en place est prêt. Elle prend alors la pose emblématique de sa première attaque.

« Shabon Spray ! »

Yuuichirou renverse une partie du contenu du baril d'azote liquide que s'est procuré Setsuna, créant un énorme nuage de fumée. Puis, dans le brouillard créé, il traîne tant bien que mal le baril avec Koan et renverse son contenu sur les pieds du monstre. Il part ensuite faire signe à Sailor Mercury qui le met au tapis, pensant qu'il s'agit du monstre du Black Moon Clan.

« Oh, désolée, chuchote-t-elle.

- C'est pas très grave. Lance ton autre attaque, et attaque ses pieds, tu devrais pouvoirs les briser.

- Merci. Shabon Spray Freezing ! »

Elle retrouve tant bien que mal l'emplacement du monstre et se fend de son plus beau Sailor Kick pour réduire en miettes les pieds du monstre qui tombe sur le sol et relâche enfin sa prise. Haletante, les trois Outer Senshi se relèvent péniblement en frottant leurs membres endoloris. Décidant à coup de pierre, papier, ciseaux à qui il va incomber d'en finir avec le monstre afin d'économiser leurs pouvoirs, Setsuna soupire mentalement de soulagement quand Haruka perd.

« Uranus's Scepter ! Rising Air Blades ! »

Fort heureusement, les pouvoirs du Droid n'ont pas été augmentés par leur ennemi et il disparaît en laissant derrière lui une gemme colorée que Sailor Neptune brise avec son talon aiguille.

« Au cas où. »

Les élèves présents applaudissent. Ils n'y ont vu que du feu, ou plutôt de la fumée d'azote. Quoi que fasse leur ennemi pour les aider à garder une bonne opinion auprès du public, il le fait à merveille car les ficelles du live action qu'elle vienne de réaliser sont si grosses qu'on pourrait trébucher dessus. C'est d'ailleurs ce que fait Sailor Mars qui n'a pas l'habitude de ses talons hauts. À croire que sa vraie tenue de Senshi est vraiment imprégnée de magie pour lui permettre de déambuler dans la ville dans ce type de souliers quand elle est transformée. Elle se relève, s'époussette et fait une annonce sous les rires retenus des gens présents.

« Les cours de soutien commenceront à l'heure prévue, annonce-t-elle en se maudissant d'avoir enfilé ce costume infernal pour rien, soit dans quinze minutes. Pour les nouveaux, vous trouverez des rafraîchissements et de quoi vous sustenter dans la troisième salle sur votre gauche en entrant dans le temple. Je vous invite à remettre votre règlement pour le mois à votre professeur en fonction du nombre de cours que vous souhaitez prendre et de vous inscrire sur les plannings pour les cours de violon du lundi et du mercredi, de soutien scolaire collège et lycée du lundi et du mardi, du soutien pour l'université de médecine du mercredi et du jeudi et pour les cours de cuisine et de pâtisserie du samedi et du dimanche matin. Merci et bon courage. »

Les Sailor Senshi s'absentent alors et vont se changer dans la chambre de Rei. Elles en profitent pour conjecturer sur leur sort.

« Vous pensez qu'on va tenir encore longtemps ?

- Honnêtement : non, avoue Setsuna. J'avais amené l'azote liquide pour Ami, pour qu'elle puisse s'en faire des flacons et simuler des attaques ou simplement s'enfuir en cas d'attaque de monstre mais sous le coup de la panique, Yuuichirou a vidé le baril et je ne pourrai pas en avoir d'autre avant un bon moment. Et si d'ici ce bon moment, nous n'avons pas retrouvé nos pouvoirs, je pense que ce n'est pas d'azote dont nous aurons besoin mais d'un contrat obsèques.

- Je suis d'accord, admet Rei. Pour la première fois de ma vie, j'ai eu peur du feu aujourd'hui. Regardez ma tenue de miko, je l'ai utilisé pour étouffer un début de feu que j'ai créé en m'énervant contre le feu sacré. Je n'ai plus aucune sérénité et sans ça, même si je médite et travaille d'arrache-pied, je n'ai aucune chance d'avoir des visions.

- Pareil, confirme Michiru. Haruka en a marre de faire du plâtre quand je lance mon trident dans les murs tellement je suis frustrée. »

Les regards se tournent vers Ami.

« Quoi ? J'ai un truc sur la joue ? Oh… La sphère de Kakyuu. Vous pensez qu'on va en avoir besoin bientôt ?

- Je ne sais pas, annonce Michiru, mais elle savait qu'il allait se passer quelque chose de grave et m'avait dit que j'aurais très peu de temps pour agir. C'est exactement ce qu'il s'est passé avec l'impresario de Minako. Donc, si elle nous a donné cette sphère, elle a dû ressentir qu'on en aurait besoin. Ses pouvoirs de prémonition sont assez faibles comparés aux miens et à ceux de Rei, mais il se pourrait qu'on en ait besoin bientôt quand nos artéfacts seront complètement déchargés. Il est intéressant de savoir qu'ils gardent de l'énergie en eux quand nous ne sommes pas transformés. Cela pourra s'avérer utile à l'avenir si une situation similaire se reproduisait. Les vôtres devraient pouvoir en faire autant quand vous les maîtriserez mieux. Nous les manipulons sous diverses formes depuis des années mais pour vous, ça ne fait que deux mois et dix jours. C'est probablement pour cette raison que vous n'arrivez pas à les invoquer.

- C'est vrai, mais la véritable question est la suivante : est-ce que j'arriverais à la faire apparaître ? Et surtout, une fois qu'on l'aura utilisée et sans vos talismans ni la faux, nous serons totalement impuissantes face aux montres. »

Se remémorant la scène, elle se rappelle avoir absorbé la sphère dans son sceptre de transformation mais leurs pouvoirs, incarnés par leur mini-mois, ayant investi leur sceptre et la broche d'Usagi pour entrer en gestation, rien n'est moins sûr. Ami essaie alors de la faire apparaître.

« Non, rien. Mais comme bien souvent, c'est dans la feu de l'action et sous la pression que j'y arriverai, si je dois y arriver. »

Le groupe soupire.

« Je ne sais pas où on va mais on y va à toute vitesse, lance une voix derrière la porte. Je peux rentrer ? Il y a des étudiants devant ma chambre et je ne veux pas qu'il découvre mon identité.

- Entre, Kyoko, on est entre filles, l'invite Michiru. »

Elle tire la porte coulissante.

« Attendez, je n'ai pas fini de me changer… »

Trop tard, Kyoko est rentrée. Rei, à moitié revêtue de son costume de Miko, cache sa poitrine de son haut brûlé et demande à Haruka de lui en attraper un autre dans son armoire à vêtements. Elle rougit de façon incontrôlable et, troublée, ne remarque pas que Kyoko en fait autant. Cela n'échappe pas à Michiru et Haruka qui se lance un regard de connivence qui en dit long.

La femme aux cheveux courts et noirs et à la carrure frêle prend le miroir en forme de lune dans sa poche et touche la pierre rouge en son centre, annulant sa transformation/déguisement. Elle perd dix centimètres de sa taille, retrouve ses longs cheveux blonds surmontés d'un nœud rouge, gagne un bonnet de soutien-gorge et ses traits se modifient de façon significative.

« Je ne ferai jamais à ton look de travail, Minako, fait remarquer Ami. J'avais l'habitude d'Usagi qui changeait juste de tenue et de coiffure mais ta transformation est impressionnante. J'avais déjà pu voir l'évolution quand Usagi avait transformé trois personnes avec son stylo et nous étions méconnaissables mais on dirait que ces dix jours avec nos nouveaux pouvoirs ont rendu cette faculté très puissante.

- Oui, et comme nos talismans et la catalyseur d'Hotaru, tu le maîtrises mieux que tes nouveaux pouvoirs et tu as pu en garder le contrôle. Enfin, je pense. Je ne suis plus sûre de rien, ces temps-ci. »

Minako se laisse tomber sur le lit de Rei et étend ses bras. Ami réfléchit brièvement à un plan B.

« Je ne sais pas pourquoi on a pu garder certains pouvoirs et pas d'autres mais travailler dans ce fast-food est en train de me voler et mon énergie et mon âme. J'ai même envisagé de faire saigner mes collègues pour voir s'ils ne sont pas des démons. Je vous jure, si on me demande encore une fois s'il y a un menu végétarien et sans gluten. Le restaurant s'appelle The Chicken Hut… Il y a le mot poulet dans le nom. Quatre-vingt-dix pour cent du menu est composé de hamburgers et de tortillas. »

Voyant ses amis commencer à soupirer devant ses jérémiades, elle se reprend :

« Désolée… Je suis contente d'avoir un emploi et d'avoir la chance de pouvoir passer inaperçue et de retomber dans l'anonymat. Je sais que vous aimeriez pouvoir en faire autant. Oh, c'est vrai… Je vous ai ramené des invendus. »

Voilà comment rallier les troupes. Qui deviennent une meute de hyènes pendant les cinq minutes leur restant avant de devoir aller donner leur cours.

« Hé ! C'est ma main, ça ! Mais vous n'avez pas mangé depuis combien de jours ? Mais tu ne vas pas lécher les condiments dans l'emballage quand même ! Non, ça c'est du papier. Mais enfin, ça va plus ! »

Redoubler d'efforts pour mener une vie un tant soit peu normale et gagner sa vie n'est pas chose aisée en temps normal, alors, quand on est une Senshi au chômage technique, cela a tendance à creuser l'estomac… ou à faire manger ses émotions.

« C'est mon père qui cuisine ce soir. Si la maison est encore debout, je ne vais pas tenter le diable. Bon, allez, mes étudiants m'attendent. Merci Setsuna, tu nous as bien sauvé la vie avec l'azote. Ne vous inquiétez pas outre mesure, je suis sûre que la sphère apparaîtra quand on sera dos au mur. Et avec un peu de chance, nous ne se serons pas empalées dessus. Si les résidus de pouvoirs qui nous restent me révèle une chose, c'est que nos pouvoirs nous testent mais nous protègent. Sinon, nous serions déjà mortes. On s'en sortira. On en a vu d'autres. »

C'est bien vrai. Ce petit discours redonne de l'espoir au reste du groupe qui part vaquer à ses occupations diverses et variées.

« Comment va Hotaru ? demande Rei avant qu'Haruka, Michiru et Setsuna ne se téléportent chez elles. Est-ce qu'elle a pu faire son deuil ?

- Ce n'est pas évident. Elle passe beaucoup de temps dans les livres et se concentre sur ses études. Elle allait souvent sur la tombe des ChibiUsa mais elle a arrêté d'y aller. On essaie de ne pas trop l'impliquer dans les combats car cela nous obligerait souvent à la faire quitter le lycée en plein milieu d'un cours et les quelques fois où nous l'avons fait, nous avons pu sentir tout le courroux d'une adolescente qui en veut au monde entier.

- Et pour être honnête, ajoute Haruka, on est ravies de la voir se comporter de façon humaine. Elle a grandi en quelques heures lors du combat contre Nehellenia et n'a jamais vraiment eu le temps d'être une enfant puis une jeune fille. Parfois, elle ne sort de sa chambre que pour manger. Nous essayons de lui donner ce que son devoir de Senshi lui a pris : des amis, une vie et des parents qui font de leur mieux mais qui ne comprennent rien aux états d'âme d'une adolescente parce qu'ils sont devenus des vieux cons. Elle a même un petit ami qu'elle nous cache et qu'elle fait semblant de ne pas connaître dès qu'elle quitte l'enceinte du lycée de Juuban mais à qui elle lance des regards de biche en coin. »

Le groupe glousse. Cela leur rappelle leur propre adolescence et il n'y a probablement pas lieu de s'inquiéter.

oOo

Tout occupée qu'elle est à réviser son examen de sciences, Hotaru éternue brusquement et sans raison.

« Elles sont encore en train de gagatiser sur moi, j'en suis sûr, grommelle-t-elle. »

Elle grogne, finit un énième paquet de biscuits et se remet au travail. Elle a néanmoins du mal à rester en place. Elle ne peut s'empêcher de taper du talon sur le sol pour évacuer cette impatience qui l'envahit. Il lui tarde qu'il soit l'heure du coucher car c'est là que sa journée commence vraiment.

oOo

Après son cours, Ami s'éclipse rapidement malgré les nombreuses questions de ses étudiants qui n'ont rien à voir avec le cursus du lycée. Elle se téléporte chez les Tsukino et part constater l'étendue des dégâts.

« Une napolitaine, une norvégienne, une quatre fromages et une hawaïenne. Et sinon, quand vous nettoyez dans votre restaurant, vous utilisez quoi pour décoller les légumes qui ont accrochés au plafond ? »

Elle appelle Setsuna et lui demande si elle peut faire un Time and Space Discontinuity à distance. Puis elle se souvient ce qui lui a montré son amie et s'excuse.

« Ne t'en fais pas. Il vaut mieux en rire.

- Tu prends ça avec une certaine désinvolture.

- Je me dis que si ça se produit, on n'aura plus vraiment à se soucier de quoi que ce soit. Tous nos problèmes seront réglés.

- C'est pas faux. »

Un ange passe.

« Serions-nous devenus cyniques ?

- Quand on a détruit un hôpital et une maison de disques, le reste semble tellement trivial. »

Elles ne se voient pas sourire mais ce rictus est cynique, c'est certain.

« Je dois te laisser. La bête réclame sa subsistance.

- Bonne chance. Michiru et Haruka sont de sortie, ce soir ?

- Oui. Priez pour moi. »

Ami raccroche en l'encourageant. Setsuna pose le combiné sur son socle et commence à gravir les escaliers de la cave. Une lumière rouge se reflète alors sur les escaliers à la peinture satinée brillante qui sont un vrai danger quand on porte des talons et qu'on fait autant d'allers-retours qu'elle. Elle redescend alors rapidement les escaliers. Son sablier s'est activé et c'est mauvais signe.

« J'ai faim !

- J'arrive. Allume le four, tout est prêt dedans. Il n'y a plus qu'à réchauffer ! Je suis là dans vingt minutes. Laisse-moi quelques pommes de terre ! »

Un grognement indigné lui parvient au travers la porte puis elle entend Hotaru s'éloigner. Elle retourne vers son ordinateur et ses machines qui sont branchées sur son sablier. Celui-ci est fendu. Si elle ne s'en est pas rendu compte au moment ou cela s'est produit, elle a eu tout le temps de le voir se matérialiser à plusieurs reprises pour laisser échapper des émanations d'énergie dangereuses et ce qui ressemblait fort à ce big-bang de poche qu'elle a aspiré après l'utilisation par Sailor Neptune, Venus, Saturn et Uranus du Galaxy Big Bang. Elle essaie donc tant bien que mal de contenir les échappées depuis leur combat et n'utilise son attaque que lorsqu'elle y est contrainte afin de conserver le pouvoir qui reste dans le sablier pour utiliser sa propre attaque sur l'artéfact.

Encore une fois, cela fonctionne mais quand il sera complètement déchargé et si elle n'a pas récupéré ses pouvoirs d'ici là afin de pouvoir se transformer et réparer le sablier, le problème sera tout autre car le big bang prisonnier et figé entre deux dimensions reprendra sa place originale dans la leur et explosera, emportant avec lui le pays tout entier, voire l'ensemble de la planète ou de l'univers.

« Time and Space Discontinuity ! »

Elle ramène le récipient de verre et de métal plus ou moins vingt-quatre heures en arrière dans le temps, à un moment où il était stable, retardant encore une fois d'une journée l'inévitable. Ce qu'elle vient de faire équivaut à mettre un pansement sur une fracture ouverte, elle en est bien consciente mais, à l'instant T, c'est tout ce qu'elle peut faire.

Elle rejoint ensuite Hotaru dans la cuisine. Elle a tiré la grille du four et a attaqué le gratin dauphinois à mains nues. Comme un raton-laveur qui aurait été surpris en train de faire les poubelles, elle se retourne, un bout de rôti de bœuf sortant de sa bouche, et se fige.

« Quoi ?

- Je ne sais pas. Prends une fourchette ? »

En bonne adolescente, elle la provoque en attrapant une fourchette à tâtons dans un tiroir au-dessus de sa tête, en la posant à côté du plat et en reprenant sa dégustation sauvage. Setsuna éclate de rire et en fait autant. Elle s'assoit par terre à son tour.

« Les assiettes, c'est tellement 1 999. »

Elles prennent alors leur repas, assises par terre. Haruka lui ferait la guerre jusqu'à ce qu'elle s'excuse et se mette à table alors, quand elle est seule avec elle, Setsuna joue le rôle de la tante cool. Elle ne peut s'empêcher de revivre certains moments passés avec ChibiUsa et son cœur se serre à l'idée que tout cela pourrait s'arrêter brusquement si elles tombaient au combat en affrontant cet ennemi ou si elles ne retrouvaient pas leurs pouvoirs.

« Pourquoi tu me regardes comme ça ?

- Pour rien. J'aime ma vie et je crois que c'est la première fois que je ne me sens pas isolée, seule au monde et avec le poids de ma mission sur les épaules. Quand j'ai quitté la porte de l'espace-temps, rien n'a changé en termes de solitude. Ce n'est que quand j'ai emménagé avec vous trois après le combat contre Galaxia et le Chaos que j'ai commencé à être heureuse. Je ne savais pas ce que c'était le bonheur avant qu'il me tombe dessus. Ces quelques années de calme avant l'attaque de Chimæra ont été les plus belles de ma vie et elles l'ont été d'autant plus que j'ai beaucoup d'années moroses auxquelles les comparer. Des milliers. Peut-être plus. J'ai arrêté de compter au bout d'un moment. Les gens de Crystal Tokyo profitaient d'une énorme longévité mais la gardienne du temps ne vieillit plus tant qu'elle garde la porte. J'étais seule, si seule, et quand je vous ai rejointes, c'est comme si j'étais passé du noir et blanc à la couleur. Et ces deux mois de paix toute relative m'ont rappelé le passé… le bon et le moins bon. Une partie de moi est effrayée à l'idée d'être impuissante mais une autre apprécie ce répit sans oser l'avouer.

- Tu ne m'en veux pas d'être devenue aussi difficile à vivre et impertinente ?

- Tu me tapes un peu sur les nerfs quand tu plaides systématiquement l'antithèse de ce que je dis mais j'adore argumenter avec toi. Jusqu'à il y a peu, tu étais effacée et tu te comportais comme si tu dérangeais les gens quand tu entrais dans une pièce. C'est aussi pour ça que j'aime ces moments de paix. Ils t'ont permis de t'affirmer et de découvrir qui tu es. Tu m'exaspères, je ne te le cache pas, et il vaut mieux t'inviter au cinéma qu'au restaurant mais je suis heureuse que tu sois enfin toi. Comme nous toutes, tu n'as pas eu une histoire facile et tu portes encore le deuil de ChibiUsa même si tu fais front comme une adulte et que tu as repris le cours de ta vie. Après tout, tu as grandi de plus de douze ans en quelques minutes… La vie ne t'a pas épargné alors, il est normal la découverte de ton identité soit difficile et génère beaucoup de colère et de ressentiment.

- Tu ne me vois pas comme un robot sans émotions, comme la Mort, avec cette horrible faux qui n'amène que la destruction ? »

Setsuna fait un mouvement brusque et renverse la nourriture qui se déverse en partie sur leurs habits. Elle s'en fiche. Tout ce qu'elle veut c'est la serrer dans ses bras. Probablement un peu trop fort. Hotaru se raidit dans un premier temps puis finit par se laisser aller à l'étreinte. Son père ne la prenait jamais dans ses bras et n'était jamais chaleureux excepté quand il jouait un rôle devant Usagi et ses amies. Et Kaorinite… Kaorinite était une sorcière, au propre comme au figuré. L'accident qui a failli lui coûter la vie ayant eu lieu quand elle était encore très jeune, elle n'a pas de souvenirs d'amour familial autres que ceux d'Haruka, de Michiru et de Setsuna. Même si elles sont maladroites, elles sont tout de même de meilleurs parents que ne l'a jamais été son géniteur.

« Jamais de la vie, Hotaru. Tu as peut-être hérité de pouvoirs liés à la mort, mais tout ce que tu es, tout ce que tu représentes, c'est la renaissance, la seconde chance. Oui, tu incarnes peut-être un cycle qui se termine mais il n'est jamais une fin en soi. Regarde où tu en es aujourd'hui. Tu fais des études, tu es brillante, tu as un chéri que tu caches tellement mal que c'en est touchant, tu manges comme quatre alors qu'avant, tu frôlais l'anémie en permanence. Je crois que ce Death Reborn Revolution opéré contre les Death Busters a été comme une bénédiction pour toi car tu as pu devenir la vraie Hotaru Tomoe, celle que tu étais destinée à devenir en dehors de ton rôle de Senshi. Je suis tellement fière de toi. Tu n'as pas idée. Tu es un vrai phénix. »

Elles relèvent alors toutes les deux la tête et on peut voir perler des larmes qu'elles tentent péniblement de retenir.

« Bon, ramassons la nourriture que j'ai renversée. Je vais te préparer autre chose. Je suis désolée, c'est ton repas préféré : de la nourriture.

- Ah. Ah. Ah. Et la règle des cinq minutes ?

- Tu veux dire des cinq secondes ?

- Non. »

Raton-laveur ? Opossum ? Nul ne saurait dire.

oOo

Alors qu'elle repose le téléphone sur sa base, la sonnette retentit. Elle entend Ikuko ouvrir la porte. Usagi et Mamoru sont là. Ami est contente que le fiancé soit là lui aussi, il pourra tempérer les jugements de sa promise qui, même s'ils sont moindres depuis qu'elle a accepté la relation entre son frère et son amie, sait toujours taper là où ça fait mal. Comme un animal sauvage, elle a érigé des barrières pour se protéger qui se sont traduites par une attitude qui ne lui ressemble pas et dont elle essaie de se défaire du mieux qu'elle peut. Durant le combat contre Omen, Usagi a découvert une facette assez sanglante d'elle-même, qui, si elle l'a enfoui au fin fond d'elle-même à la fin de leur affrontement, a délié une certaine langue de vipère. Ami l'a bien compris et accepté mais elle ne sait pas si elle pourra en supporter encore beaucoup, surtout dans cette configuration de vie peu orthodoxe.

Son pager d'externe bipe alors et elle soupire de soulagement à l'idée d'être appelée à l'hôpital pour tout ou partie de la soirée et de la nuit. Elle rappelle le numéro.

« Ami ? C'est Kujiro. Désolé d'utiliser le pager mais je n'ai pas ton numéro. Alors, voilà : je quitte mon appartement pour emménager avec ma copine et j'ai entendu dire que tu cherchais un appartement.

- En effet, mais mon père et moi n'avons que très peu de revenus donc je doute de pouvoir couvrir les frais ?

- Même à 15 000 yens ?

- Par semaine ?

- Non, par mois. En revanche, c'est un petit studio donc il faudra vous serrer avec ton père.

- Je vais en parler à mon père et je te recontacte dans quelques heures sans faute.

- Très bien. Je dois retourner aux urgences de toute façon. Le docteur Kurokawa n'aime pas les externes en retard.

- Merci beaucoup. J'espère que l'offre ne me sera pas passée sous le nez avant que j'aie eu le temps de te répondre mais je dois dîner avec la famille de mon petit ami ce soir.

- Je comprends. Ne t'en fais pas, je doute qu'il se loue aussi rapidement. La plupart de vos collègues ont leurs parents derrière eux et ils ne mettraient jamais les pieds dans ce taudis.

- Dis donc, tu vends du rêve. »

Et pour elle, c'est vraiment du rêve il n'y a pas une pointe d'ironie dans son discours. Elle raccroche après les formalités d'usage et part ouvrir au livreur de pizza qui vient de sonner. Elle le paye avant qu'Ikuko ne la coiffe au poteau.

« 'Le dîner est servi ! annonce-t-elle en apportant les pizzas dans la salle à manger. »

Elle salue Usagi et Mamoru.

« Alors, toujours rien ?

- Non. Ni ma broche, ni les orbes, ni le Stallion Rêve… Et toi ?

- Pareil. J'essaie de sortir la sphère de Kakyuu de mon sceptre pour qu'on puisse se transformer toutes une fois en Sailor Starlights quand les talismans et la faux n'auront plus d'énergie mais rien ne se passe. »

Elle raconte également comment elles ont trompé leur monde à grand renfort d'azote liquide un peu plus tôt.

« Être une Senshi devient un vrai spectacle pyrotechnique, commente-t-elle, sarcastique.

- Sailor Senshi, la comédie musicale, un spectacle son et lumières. »

Usagi réfléchit quelques secondes.

« Sera Myu ? »

Toutes deux frissonnent à l'idée. Si leurs dernières aventures leur ont prouvé quelque chose, c'est que ce genre de choses n'est pas (ou plus) si improbable que ce ne l'était il y a deux mois et dix jours quand leur identité était encore secrète.

« En attendant, on ne peut qu'espérer que les pouvoirs des Outers tiennent le coup. »

Elles se dirigent vers la salle à manger où toute la famille Tsukino est déjà attablée. Ami entreprend de s'assoir à côté de Shingo mais le regard que lui lance Usagi la fait changer d'avis.

« En parlant de tenir le coup, Ami, comment ça se passe… ici ? »

La question lance un frisson qui remonte sur son échine. À chaque fois. Quelle que soit la formulation, elle ne rate jamais son coup.

« Ça se passe. Ce n'est pas la configuration idéale. La police pourrait nous tomber dessus à tout moment si ça se savait bien qu'elle l'aurait déjà fait si elle prévoyait de le faire pour la destruction des deux bâtiments. Nous sommes discrets, nous ne faisons rien, même quand la maison est vide. C'est un mensonge mais c'est ce que tu veux entendre, non ? »

La situation n'a pas pris son temps pour s'envenimer. Mamoru sent la main d'Usagi serrer la sienne sous la table. Il affiche un sourire crispé pour essayer de ne pas se trahir.

« J'apprécie que ta mère ne fasse pas deux poids, deux mesures entre son fils et sa fille. J'espère que tu pourras un jour en faire autant. C'est ton frère, je comprends tes réticences mais tu étais là le jour où j'ai rencontré tes parents. Tu sais pertinemment que je n'ai pas été à l'origine de la relation et que c'est Shingo qui a fait le premier pas. Sur ce, reprenons les formalités d'usage et faisons semblant. Il fait froid pour un vingt-deux décembre, tu ne trouves pas ? Qu'est-ce que tu as commandé au père Noël ? Tu passes les fêtes avec nous ou avec tes parents ? On a prévu de faire la fête au Crown's Jewels si on est toujours vivantes dans deux jours. »

Elle pensait honnêtement tenir plus longtemps Elle se lève brusquement en faisant grincer sa chaise, renverse au passage son assiette qui se brise à grand fracas et part dans la cuisine. Elle décroche le combiné sans fil du socle et compose le numéro encore affiché sur son pager.

« Kujiro ?

- Je suis occupé, là.

- Désolée. Je voulais juste te dire que nous prenons l'appartement s'il est toujours disponible. Je sais que ça ne fait que quelques minutes mais à ce prix-là…

- Très bien, je préviens mon propriétaire dès que j'ai fini ma nuit aux urgences et je te donne ses coordonnées demain. On devrait se croiser d'après le planning.

- Très bien, je ne te retiens pas. Merci. Tu me sauves la vie et probablement ma relation avec une de mes plus chères amies. Si on passe plus de temps les uns sur les autres, on ne s'en… »

Kujiro a déjà raccroché. Elle se retourne et voit Usagi, une pelle et une balayette à la main.

« … remettra pas, finit-elle. »

Usagi la dévisage quelques instants.

« Quoi ? C'est ce que tu voulais, non ? la provoque Ami. »

C'est plus fort qu'elle. Elle pensait que leur relation s'était améliorée mais c'est un grand pas en arrière qu'elle vient de faire. Elle part dans le salon, bousculant légèrement une Usagi figée dans le marbre pour aller dans la salle à manger. Elle se met à genoux et commencer à remasser les morceaux à mains nues. Elle garde la tête baissée.

« J'ai trouvé un appartement. Je vous remercie pour votre hospitalité et je m'excuse de mes débordements et d'avoir dépassé la durée de séjour recommandé.

- Ami, tu…

- Ne m'interrompez pas, Mme Tsukino, sinon, je n'y arriverai pas. Je suis tout à fait consciente de ce que vous devez ressentir quand je me trouve si près de votre fils. Vous pourriez très bien lui interdire de me voir quand j'aurais déménagé et je ne pourrais rien y faire. Vous pourriez porter plainte contre moi. Pourtant, vous me laissez avoir une relation avec votre fils. Je vous suis reconnaissante pour tout ce que vous avez fait et pour nous avoir forcés à voir la réalité en face. Papa, il est temps de nous en aller. »

Kunio acquiesce. Ami se blesse mais finit de ramasser les morceaux. Usagi se retourne et voit sa main ensanglantée. Ami monte dans sa chambre. Non, Ami monte dans la chambre d'Usagi car ce n'est plus sa chambre. Ami tire le sac de voyage de sous le lit et met un maximum de leurs affaires dedans. Kunio rejoint Ami et met quelque chose dans le sac en lui demandant de lui faire confiance. Kunio et Ami redescendent les escaliers et font leurs adieux en remerciant la famille qui les a accueillis pendant près de deux mois quand ils n'avaient plus rien. Ami et Kunio passent la porte. Usagi arrive en courant avec la trousse de premier secours. Usagi sort dans le jardin et voit le petit nuage de poussière qui survient après un Sailor Teleport et autour duquel l'air est légèrement électrifié. Usagi lève le bras pour lui dire de rester. Usagi baisse le bras, découragée. Usagi baisse les bras. Mamoru arrive et la prend dans ses bras. Usagi et Mamoru rentrent dans la maison.

« Pourquoi je n'arrive plus à être son amie ? Je ne fais que la mettre en colère et la provoquer et elle répond du tac au tac. »

Elle marque une pause et fixe un point sur le mur, comme pour essayer de faire le vide dans son esprit et de décider si elle doit ou non exprimer ce doute qui la taraude.

« Est-ce que c'est à cause de moi qu'on a perdu nos pouvoirs ?

- Je pense que nous nous sommes tous un peu égarés et il nous faut à présent assumer nos nouveaux choix de vie pour pouvoir nous retrouver et redevenir nous-mêmes. Sans vraiment être les mêmes. Personne ne te demande de dire "amen" à tout ce qui se passe autour de toi mais seulement de vivre et laisser vivre.

- Tu as sans doute raison. C'est ce qu'il faut pour que nous récupérions nos pouvoirs de Senshi.

- Et moi, mes pouvoirs de Tuxedo Kamen, rajoute-t-il d'un ton sec, le terme "senshi" n'étant pas le moins du monde inclusif. »

C'est le moment que choisit un daimon pour apparaître. Il s'agit d'un œuf éclot qui, comme lors du combat final contre les Death Busters, n'a pas fusionné avec un objet quelconque et ressemble à un tokusatsu portant un spandex rose bon marché.

« Je croyais qu'on avait détruit le dernier quand il avait fusionné avec le four du professeur Tomoe.

- Moi aussi, mais apparemment, certains se sont enfuis avant la fin du combat et il y aurait des nids dans Tokyo où ils se sont cachés de nos divers ennemis et de nous et à présent de notre nouvel ennemi qui cherche à les recruter. Setsuna surveille l'activité des nids depuis deux mois au cas où ils décideraient de former une armée et d'attaquer notre némésis. Sans mauvais jeu de mots. Les nids de Daimons sont toutefois différents. Ils restent entre eux et comme ils sont sauvages et primitifs, ils s'entretuent souvent, régulant ainsi leur population… »

Il n'a pas le temps d'en dire plus. Le démon en question se désintègre pour devenir une masse liquide et fluide qui fonce sur Mamoru et l'engloutit pour essayer de fusionner avec lui. Sous l'amas de boue rose qui n'a plus qu'une vague forme humaine, on entend :

« Tuxedo Kamen, Transform ! »

Tuxedo Kamen apparaît alors, repoussant le daimon qui se reconstitue quelques mètres plus loin. Ce n'est pas un costume mais bien le vrai Tuxedo Kamen.

« Comment tu as fait ça ? demande Usagi.

- Ah j'ai retrouvé mes pouvoirs il y a une semaine. Reika et Setsuna m'avaient aidé avant ça à développer de nouvelles attaques à partir de roses génétiquement modifiées en attendant que je puisse à nouveau lancer mes roses. Avec mes pouvoirs retrouvés, je devrais pouvoir les renforcer pour lancer des attaques plus puissantes.

- Pourquoi tu ne nous l'as pas dit ?

- Personne ne m'a demandé. J'ai des pouvoirs moi aussi. Et je les ai retrouvés après avoir rencontré chibi Tuxedo Kamen. Il n'y a pas que les Senshis qui ont des pouvoirs. »

Il garde le reste de sa réflexion acerbe pour lui mais Usagi, déjà face contre terre mentalement, prend une autre gifle mentale.

Senshis, senshis, senshis, c'est tout ce qu'il entend depuis deux mois. Pourtant, sa capacité à lancer des roses vient également de ses pouvoirs, qui sont certes encore à quatre-vingt-dix pour cent, voire quatre-vingt-quinze pour cent latents, mais ce sont bien des pouvoirs. Ses pouvoirs. Une rose n'a jamais eu le pouvoir de blesser un monstre comme le font les siennes et aucun humain ne pourrait en transporter autant sur lui sans porter la hotte du père Noël sur le dos. Il est un peu remonté de n'être jamais inclus dans leur réflexion comme s'il n'était qu'un pauvre humain qui joue au superhéros. Il a pourtant dû faire un choix difficile lors de sa rencontre avec son alter ego miniature pour préserver le Golden Crystal.

oOo

Une semaine plus tôt

Akihabara – Café Senshi

Usagi, Mamoru et Haruka sont dans un « maid café ». Afin de remercier la designer des tenues de formule 1 d'Haruka qui a récréée leur costume de toutes pièces afin qu'elles puissent donner le change, elles ont accepté de suivre la fangirl dans cet établissement pour le moins étrange dans lequel les serveurs sont des monstres de leur passé portant des costumes de soubrettes.

« S'il vous plaît, pas Zirconia, pas Zirconia, pas Zirconia… se répète intérieurement Usagi. »

Autour d'elles, elles voient des personnes en cosplay reproduisant les costumes, les coiffures, les poses et le caractère de ces êtres maléfiques qui ont peuplés leur passé et hantent encore leur présent. Elles ont dû accepter cette mise en scène pour la remercier pour lesdits costumes et sont donc venues en cosplay d'elles-mêmes pour une reconstruction de combats emblématiques qui seront filmés. Cela s'avère très pratique pour elles car elles n'auront qu'à faire semblant. Elles ont insisté là-dessus pour éviter de blesser les cosplayeurs. Un professionnel ajoutera des effets spéciaux en post-édition. C'est bien évidemment un mensonge car, de toute façon, exceptée Haruka, faire semblant est tout ce qu'elles seraient en mesure de faire. Après s'être fait servir une part de gâteau et un thé par des Phages, la simulation de bataille commence.

« Quel monstre êtes-vous censé être ? Je ne me souviens pas de celui-là.

- Yamura ! »

Ils jouent bien son rôle. Les droids ne prononçaient souvent que leur nom. Toutefois, quand le monstre aux pattes de chat attaque et qu'Usagi se jette sur le côté pour éviter son attaque, il réduit en miettes la table devant laquelle se trouvait Sailor Moon quelques secondes plus tôt.

« Dis donc, vous aviez tout prévu ! Une table de films d'action qui se casse facilement. »

Elle réfléchit quelques secondes et se rend compte que c'était la table à laquelle ils étaient assis.

« Elle n'aurait pas dû se casser quand le phage a sauté sur la table pour nous servir ?

- Ce n'était pas dans le script. C'est une vraie table ! Cette personne ne fait pas partie des personnages. Qui êtes-vous ?

- Yamura ! »

Sans plus de cérémonie, il saute sur Mamoru et le frappe de toute sa force pour l'envoyer s'assommer sur le coin de la banquette près de la table en miettes. Sombrant dans l'inconscience, il continue néanmoins à assister à la scène comme s'il était hors de son corps.

« Bon, ben, je suis mort.

- Mais non, tu as juste perdu connaissance, explique chibi Mamoru en se matérialisant devant lui. Enchanté, je suis Chibi Mamoru. »

Il lui tend une petite main que Mamoru sert de trois de ses doigts.

« Qu'est-ce qui se passe ?

- Te souviens-tu de l'avertissement des Amazones après le combat contre Omen, lorsque tu as voulu utiliser le Golden Crystal pour protéger ta fiancée et tes deux amis ?

- Oui, pourquoi ? »

Il marque un temps d'arrêt.

« Oh. Je dois refaire le même choix. Mais si j'utilise le Golden Crystal, je ne le ferai qu'une fois. Et je disparaîtrai. Pour vaincre un petit Droid de rien du tout. »

Le petit être acquiesce et lui explique qu'il doit décider s'il a suffisamment confiance en le destin pour les laisser se débarrasser de ce monstre. La scène se brouille alors pour qu'il ne soit pas en mesure de deviner l'issu du combat. L'incarnation de ses pouvoirs fait alors apparaître le Golden Cristal.

« Si tu le veux, il est à toi. Si tu veux continuer à attendre le moment idéal pour survivre à ton ennemi et maîtriser son pouvoir, tu peux attendre. Mais ta fiancée sera peut-être un cadavre quand tu reprendras connaissance. Il existe toutefois un autre chemin pour toi qui fera que tu seras toujours bien inférieur en puissance à tes comparses et qui nourrira ce ressentiment en toi de ne pas être sur un pied d'égalité. C'est à toi de choisir. »

Il réfléchit quelques instants mais tous deux savent très bien que sa décision est déjà prise.

« Je reste le Robin de mon Batman. Sailor Moon vaincra, j'en suis convaincu.

- Il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse mais un choix à faire et je suis heureux que tu aies fait celui-ci. Je vais t'aider à éveiller une partie de tes pouvoirs innés qui n'ont rien à voir avec le Golden Crystal. Notre ennemi n'y verra que du feu, je te le garantis. Setsuna, Reika et toi avez créé des roses puissantes pour que tu puisses attaquer en attendant de retrouver tes pouvoirs. Quand tu les utiliseras, canalise ta connexion avec la planète Terre pour la déverser dans les fleurs que vous avez créées. L'énergie venant de la Terre, ta connexion avec le Golden Crystal restera un secret. Ne perds jamais foi en tes capacités et en Usagi et vous triompherez. J'en suis sûr. »

Il prend alors tour à tour la forme du prince Endymion, du roi Endymion, de Tuxedo Kamen et du Moonlight Knight et lui donne un aperçu de ce que seront ses pouvoirs quand il pourra les déchaîner contre leur ennemi. Il entend le nom de sa grand-mère dans la formule puis entrevoit une attaque surpuissante qui provoque en lui un vif sentiment d'exaltation.

« Où que tu sois, qui que tu sois, n'oublie jamais d'où tu viens et où tu vas. Le moment viendra. Le moment est bientôt là. Quand je crierai "Maintenant !", déchaîne toute ta puissance. »

Il disparaît alors en Mamoru qui se réveille alors dans les bras de Sailor Moon.

« Tout va bien ?

- Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes quand je suis dans tes bras. »

oOo

« Tuxedo La Smoking Bomber ! »

Il lance une boule de tissu ressemblant à une bombe comme on en voit dans les cartoons et sur laquelle est imprimée un dessin de rose. Elle se désagrège au contact de la terre. Un brouillard incapacitant se lève et il fonce sur le monstre pour le rouer de coups avec son bâton qu'il sent se renforcer et devenir plus dur que le plus solide des bois ou des métaux. Le daimon hurle sous la pluie de coups. Tuxedo Kamen semble ne faire aucun effort et ne pas puiser dans ses forces physiques pour le combattre. Il doit toutefois ne pas tirer trop d'énergie de la Terre au risque d'activer le Golden Crystal.

Cette bombe au poivre revisitée est l'une des attaques mise au point par Reika et Setsuna. Activée à présent par sa connexion à la Terre, elle est d'une toute autre portée mais n'est pas du goût d'Usagi qui, si elle est habituée au Shabon Spray d'Ami, n'a jamais dû y faire face sans être nimbée de ses pouvoirs de Sailor Moon.

« Rentre à l'intérieur, tu risques de suffoquer si tu respires la fumée trop longtemps. C'est la première fois que j'utilise cette attaque et je n'en connais pas les effets sur un humain sans pouvoirs. »

Cette dernière phrase est sa petite vengeance. Usagi est blessée dans son amour propre mais comprend alors où il a voulu en venir un peu plus tôt. Elle le voit trop souvent comme un humain qui s'habille comme un justicier mais oublie qu'il est le prince et futur roi de la Terre et, même si elles ne savent pas encore, le propriétaire du Golden Crystal.

« Roses are Red ! »

Ils lancent trois roses carmines roses spécialement cultivées dans le laboratoire de Setsuna dont le pouvoir enivre le monstre qui commence à voir trouble, incapable de dire d'où vient Mamoru.

« Moonlight Rose ! »

Une rose blanche en hommage au Moonlight Knight qu'il lance au pied du monstre et qui crée un véritable rosier qui vient ligoter le monstre et draine son énergie. Devenue noire, elle se fane et tombe en poussière, en même temps que le monstre.

Usagi n'a pas manqué une miette du combat qu'elle a suivi avec sa famille par la fenêtre du salon. Elle sort en courant et lui saute dans les bras.

« Tuxedo Kamen-sama ! Mon héros ! »

Elle l'embrasse et s'excuse.

« Je suis désolée, Sailor Earth ! Dorénavant, nous n'oublierons pas de t'inclure quand nous parlons de nos pouvoirs. »

Mamoru devient tout blanc et vérifie son costume et touche sa poitrine.

« Très drôle.

- Tu veux te sentir inclus ou pas ? »

Ils éclatent de rire et oublient leurs soucis un instant. Toutefois, aussi puissants que soient devenus ses pouvoirs, ils n'auront la force que de détruire des monstres incomplets comme les daimons… D'ailleurs, en parlant de ces derniers, les deux autres, qui prévoyaient d'attaquer la maison ont fui en voyant leur congénère être vaincu et se dirigent à présent vers le temple Hino.

oOo

Rei et Minako discutent pendant quelques minutes. Rei est assise sur le sol en tailleur et Minako lui fait face, sur le lit, allongée sur son flanc. Elle prend sa main dans les siennes.

« Et là, c'était trop drôle, le client repart à sa table et il ouvre son burger sur la table pour rajouter du ketchup et il glisse et s'écrase sur les deux bouts de pain. Et il se relève avec les deux pains sur les yeux et puis il… »

Et puis, Minako s'endort, comme souvent après ses longues journées de travail. Il n'est toutefois pas question de lâcher ses mains qui étreignent les siennes. Elle parvient à se relever et à s'assoir sur le bord du lit pour ne pas garder le bras levé toute la nuit. Minako finit par avoir un peu froid et vient se pelotonner contre Rei qui se laisse faire et finit par s'endormir, un sourire béat sur les lèvres. Certaines âmes lubriques diraient que le fruit est prêt à cueillir... Toutefois, entre une prêtresse au passé de vierge mystique et une ex-idole qui n'a jamais eu de chance avec les hommes, toutes deux dans le placard et l'une des deux ne sachant pas encore vraiment avec certitude qui ou ce qu'elle est, ces deux mois de calme tout relatif n'ont pas été de trop car elles sont comme deux adolescentes qui découvrent les émois de l'amour et qui n'ont aucune idée de comment s'y prendre, au propre comme au figuré…

Coup du sort, c'est encore Yuuichirou qui les réveille en ouvrant brusquement la porte deux heures plus tard.

« Oh désolé. Je repasserai. »

Rei et Minako, rouge pivoine, ne savent plus où se mettre.

« Attends, Yuuichirou. Qu'y a-t-il ?

- Tu as quelques minutes, je voudrais te parler ? demande-t-il.

- Oui. »

Elle se lève et vérifie que le pantalon du jeune homme tient en place.

« Ne me regarde pas comme ça, Minako. Il m'a poursuivi avec son jean sur les chevilles tout à l'heure. Il sort avec Koan et je les ai surpris. »

Minako regagne sa chambre pour les laisser parler en toute tranquillité.

« De quoi voulais-tu me parler ?

- Je voulais te demander de ne parler à personne de ma relation pour le moment. Mais la nouvelle doit déjà être sur Radio Senshi avec Minako.

- Mais non ! répond Minako à travers le mur tout en déconnectant son communicateur.

- Je suis désolée, s'excuse platement Rei.

- Je n'y croyais pas vraiment, de toute façon, mais je lui avais promis d'essayer. »

Elle le fixe quelques secondes.

« Est-ce que je devrais être jalouse ?

- J'allais te poser la même question. »

Avaient-ils des sentiments l'un pour l'autre par le passé ? Ils se sont souvent posé la question sans jamais trouver la ou une réponse. Yuuichirou lui raconte que c'est la deuxième fois qu'il les surprend en train de dormir ensemble mais il lui explique également comment les choses ont évolué. La première fois, elles étaient alcoolisées. Cette fois-ci, elles l'ont fait en pleine possession de leurs moyens. Et surtout, il décrit comment il s'est senti jaloux la première fois, mais combien, cette fois, la scène l'a rendu heureux pour Rei.

« Je crois que je n'étais pas jaloux de ne pas être à la place de Minako mais plutôt que tu aies Minako et que moi, je sois seul. »

Elle laisse échapper un petit sourire sarcastique.

« Quoi ?

- On peut être sûrs d'une chose à présent : tu as un type.

- Comment ça ?

- Tu aimes les filles qui ont une certaine flamme… »

Il marque un temps d'arrêt.

« Tu veux dire qu'elle serait un substitut de toi ?

- Oui, et Minako est un substitut de toi. Je pensais d'ailleurs lui suggérer de se faire une coupe de serpillère à franges usagée. »

Il la regarde d'un air incrédule pendant quelques secondes, après quoi elle éclate de rire.

« Je te taquine. Koan et toi semblez former un couple heureux et épanoui. Ça fait bien longtemps qu'elle n'est plus une sœur Ayakashi. À part le côté pyromane, on ne ressemblait pas vraiment. Je suis heureux pour toi. Mais établissons une règle : garde-la dans ton pantalon, excepté dans la chambre à coucher ou en dehors du temple. Une vie sexuelle épanouie (quand on en a une), c'est très bien. Toutefois, pardonne-moi l'expression assez graphique : on ne chie pas là où on mange.

- Je suis d'accord. »

Ne sachant pas trop comment le saluer, elle opte pour poignée de main pour le moins déstabilisante. Juste avant qu'il ne quitte la chambre, elle l'interpelle :

« Yuuichirou ?

- Oui ?

- Un conseil pour ton prochain rendez-vous avec Koan.

- Oui ?

- Il se dégrafe sur le devant. »

Il écarquille les yeux puis quitte la pièce en silence. Si elle avait de quelconques doutes sur sa sexualité, ils n'ont plus lieu d'être.

Rei sourit puis fait demi-tour. Elle entend quelqu'un courir vers elle et se retourne, pensant que Yuuichirou a oublié quelque chose. Pourquoi court-il si vite dans sa direction ?

Ayant fait demi-tour, elle n'a que le temps de pousser un cri et se retrouve plaquée contre un mur, comme lorsqu'elle fut la toute première victime des Death Busters. Le daimon qui l'immobilise tente instinctivement de voler le cristal de son cœur, à la différence de celui qui a attaqué Mamoru plus tôt. Alors que le cristal sort du corps de Rei, elle voit Yuuichirou inconscient au bout du couloir et un autre daimon qui essaie d'avaler son cristal.

Ami se matérialise à ce moment-là avec son père et constate la scène. Elle fait signe à son père de partir se cacher et il ne demande pas son reste. Kunio est ce type de chirurgien à la peau pâle qui sort peu et ne fréquente pas les salles de sport ou les terrains de golf. Il est absolument inutile dans un combat. Minako arrive au même moment et cramponne le daimon pour se jeter au sol avec lui dans un roulé-boulé magistral.

« Sailor Rough and Tumble ! ironies-t-elle. »

Elle lui décoche un coup de poing pour le sonner et replace l'étoile de verre rose dans le corps de Rei. Ami en a fait autant avec Yuuichirou.

Et les voilà à présent toutes autant qu'elles sont impuissantes face à deux démons incomplets qui n'ont qu'une idée en tête : devenir des monstres à part entière et trouver suffisamment de puissance pour survivre.

« Des idées ? demande Rei après avoir repris connaissance et constaté la situation.

- Oui, avance Ami. Mais avant que je ne vous en parle, courons.

- Bonne idée. Fuyons, même. »

Elles se mettent alors à courir dans la maison puis dans la cour intérieure du temple, poursuivies par les daimons, reproduisant à merveille un sketch de Benny Hill.

« Minako… Ce que nous ont expliqué les Outer Senshi sur leurs artéfacts et le fait que tu puisses utiliser tes anciens pouvoirs pour changer d'apparence me laissent à penser…

- Que je devrais pouvoir me transformer en Sailor V, même si mes pouvoirs ont évolué et n'ont plus grand-chose à voir avec ceux de Sailor V qui était une sorte de leurre pour brouiller les pistes et faire croire aux ennemis que j'étais la princesse Serenity.

- En effet. Je pense que ta broche devrait arriver à canaliser tes pouvoirs pour que tu puisses te transformer. »

Minako acquiesce mais pointe du doigt sa chambre dont l'entrée est bloquée par un daimon se tenant devant la porte.

« Un, deux, trois ! Les Sailor Senshi soutiennent mon poids. »

Telles des pom-pom girls et avec une ironie qui ne leur échappe pas sur le fait qu'on les compare souvent aux « cheerleaders » américaines, Ami et Rei se mettent en position et Minako sautent sur leurs épaules et plonge dans sa chambre en protégeant son visage de ses bras pour briser la vitre de la fenêtre

« Nous sommes des clichés ambulants, se lamente Rei.

- Même pas mal, ironise Minako, couvertes de microcoupures. »

Elle attrape le petit écrin an haut de l'armoire et en sort le stylo au bouchon transparent ornés d'une lune et d'une sorte de planète entourée d'une double ceinture d'astéroïdes et ressemblant à un papillon. Elle se rend compte à quel point les symboles liées à Sailor V n'avaient aucun sens, aucune planète du système solaire ne ressemblant à cela. Un peu comme ces plagiats chinois ou coréens d'animation japonaise sans inspiration et sans saveur.

« Fonctionne, je t'en supplie, sinon, on est bonnes pour la casse. Moon Power, Transform ! »

Elle revêt son costume de Sailor V aux épaulettes massives et une lune apparaît sur son front. De douloureux souvenirs lui reviennent alors. Ils lui sont apparus pour la première fois sur la Lune lors de cette série de flashbacks qui leur ont permis d'entrevoir une partie de leur passé. Elle a pu découvrir comment son image avait été travaillée dans les moindres détails pour être un leurre et la faire passer pour la princesse Serenity quand elle serait en danger. Elle était en quelque sorte jetable, comme lorsque les dictateurs ont des doubles qui leur ressemblent censés être kidnappés à leur place si leur sécurité ou leur vie venaient à être menacées. Depuis ce jour, elle se demande si son apparence physique n'a pas été conçue de toute pièce, si elle n'a jamais eu le choix de devenir Sailor V ou si elle n'était qu'une diversion pour qu'Usagi ne soit pas abattue avant de découvrir ses pouvoirs et son destin. De plus, ce costume, qui ressemble beaucoup à la première tenue portée par Sailor Moon et qui masque sa planète gardienne, n'aide en rien à calmer ses doutes identitaires.

Elle bondit par la fenêtre et décoche un Sailor V Kick dans le visage du monstre qui se liquéfie brièvement pour emprisonner son pied. Elle s'écrase alors sur le sol et voit le corps du Daimon remonter sur sa jambe tel un vieux pervers. Répugnée et profondément dégoûtée, elle attrape son miroir de poche en forme de double lune.

« Crescent Boomerang ! »

Elle lance son miroir qui fait le tour du monstre et revient dans sa main, créant une distraction qui lui permet de dégager son pied. Elle se relève et lance alors son attaque purificatrice.

« Venus Power, Love Crescent Shower ! »

La pluie qui se forme purifie alors le monstre. Celui-ci étant du mal à l'état pur, il se couvre de boursouflures à son contact et explose.

« OK. Je me serais attendu à tout sauf à ça. Dégoutant. »

Elle essuie son costume mais les résidus quittent vite son corps et partent rejoindre l'autre Daimon qui s'était mis à l'abri de la pluie pour former un seul être rose plus grand et plus massif qui fonce sur Rei et Ami. Il ne cherche plus à fusionner mais bien à tuer. Il tend ses deux bras qui s'allongent pour tenter d'étrangler les deux jeunes femmes.

« Crescent Super Beam ! »

Le rayon coupe les membres du démon en désintégrant la partie irradiée et en emportant par la même occasion une partie de l'enceinte du temple.

« Désolé, Rei. Tu pourras avoir l'intégralité de ma prochaine paye. »

Les deux mains qui étranglaient Rei et Ami tombent au sol et rejoignent leur hôte qui régénère ses bras.

« C'est bon signe, Sailor V. Il est moins baraqué. Il recrée juste un corps complet avec ce qui lui reste mais il ne crée pas de matière. Tu peux l'avoir à l'usure. Mais attention, tu n'es pas plus puissante que tu ne l'étais à l'époque. Toutefois, un daimon qui n'a pas fusionné avec un élément de son environnement ne devrait pas être plus fort qu'un youma, voire moins fort.

- Mais si je l'affaiblis trop sans le vaincre, il cherchera à fusionner à nouveau…

- Tu as tout compris. »

Puisant dans ses souvenirs et ses nombreuses attaques, elle décide de faire apparaître le Venus Mike, un microphone décoré d'une pierre précieuse et d'une couronne à sa base et d'une sphère en verre sertie dans une autre couronne plus grande au sommet du manche.

« Ami, une attaque basée sur le son ? Bonne idée ou pas ?

- Il faut essayer. Les ondes sonores ou soniques si je me souviens des cris de Sailor Moon au début de nos aventures, pourraient perturber sa composition moléculaire et l'empêcher de garder sa forme.

- Il va devenir un tas de boue ?

- Voilà. Un Grotadmorv rose et fabuleux. »

Elle approche le microphone de sa bouche.

« Venus Ten-Billion Volt Rockin' Rouge ! »

Elle chante alors quelques notes qui se matérialisent physiquement autour du micro et une énorme onde sonique se forme et converge vers le monstre qui tente de la repousser sans y parvenir. Elle le traverse et le coupe en deux à la verticale. Comme on pouvait s'y attendre, les deux parties se rassemblent bien vite mais cette fois-ci, il est vraiment en colère et part à la charge pour en finir avec Sailor V.

« Ou alors, ça va rater et il va s'énerver encore plus, commente Ami, pince-sans-rire. »

Sailor V tourne rapidement la tête vers Ami pour faire un sourire pincé et exagéré d'une demi-seconde qu'elle transforme vite en son contraire. Ami hausse les épaules. Le monstre est à présent au-dessus de Sailor V et ouvre une bouche démesurée.

« Il ne va quand même pas me manger ? »

Ami et Rei tente la libérer en tirant l'humanoïde rose et gélatineux par les bras mais il les repousse violemment. Alors qu'il approche sa gueule béante de son cou, elle tente le tout pour le tout.

« Venus Love Megaton Shower ! »

Irradié d'énergie lumineuse, le monstre commence à fondre légèrement, dégoulinant sur son visage, mais continue à se reconstruire avec ce qui lui reste de corps. Il perd toutefois en carrure et en masse musculaire mais cela ne suffit pas à l'achever. Elle se dégage à l'aide d'un Rolling Screw Sailor V Punch, coup de poing magistralqui n'est pas sans rappeler une de ses variantes, le Sailor Kick, et qui prouve bien que Sailor Moon n'a rien inventé. Ou alors que tout a été inventé bien avant elle…

Elle attrape son miroir, l'ouvre et le pose sur le sol avant d'installer son stylo dans le creux entre les deux morceaux de verre en forme de croissant de lune. Elle tend alors son bras tendu vers l'installation de fortune et pointe son index alors que le monstre lui fonce dessus. Elle lance une autre de ces nombreuses attaques en la faisant transiter par les artéfacts pour en canaliser l'énergie et en augmenter la puissance.

« Crescent Beam ! »

En utilisant la seule attaque que Sailor V et Sailor Venus ont en commun, ce n'est pas sa force de Sailor V qu'elle invoque mais celle de Sailor Venus ou ce qu'il en reste. Tentant de faire fi de ces doutes, elle libère toute sa puissance. Rapidement, le monstre rapetisse jusqu'à ce qu'il soit plus petit que le rayon d'énergie et se désintègre. Sans surprise, seul subsiste l'œuf de Daimon duquel était né le monstre. Il tombe sur le sol et se brise, laissant échapper un rapace de brume noire qui pousse un cri d'outre-tombe avant de disparaître.

Son miroir et son stylo se brisent quelques secondes plus tard et elle perd sa transformation. Si ses doutes sont toujours là, Sailor V, elle, est bel et bien morte et enterrée. Kyoko également.

« Je crois que travailler dans un fast-food va devenir beaucoup plus compliqué. »

oOo

Silver Millenium

10 000 ans plus tôt

« Artemis, pourquoi ma coiffure et mon visage ressemblent autant à celui de la princesse Serenity ? »

En train de brosser les cheveux de la Senshi, Artemis, sous sa forme humaine, se pince la lèvre inférieure et marque une pause bien trop longue qui n'échappe à la guerrière en culotte courte.

« Est-ce que je suis… interchangeable ? »

Un bien grand mot pour une fille de cinq ans. Artemis ne sait pas quoi dire.

« Est-ce que je suis un remplacement ? Une pâle copie ? »

Artemis tremble et tire un peu trop fort sur un nœud. Minako se retourne brusquement pour exprimer son mécontentement et voit les larmes d'Artemis couler en silence. Elle était convaincue qu'il allait la rassurer et lui assurer que ce n'était qu'une coïncidence mais le voir pleurer ainsi confirme tous ses doutes. Elle saute de la chaise de sa coiffeuse et part en courant. Sur le chemin, elle croise la princesse, entouré de ses suivantes, et entrevoit quelques secondes un aperçu de sa vie royale, se demandant à quoi ressemblerait sa vie de Sailor Venus si c'était Serenity qui était la copie jetable. Elle disparaît dans un des couleurs sans fin du palais. Artemis arrive alors et Serenity pointe du doigt la direction qu'a prise la Senshi en devenir.

oOo

Silver Millenium

Trois ans plus tard

Elle arrive dans la salle de bal du palais pour monter la garde auprès d'Usagi car de hauts dignitaires vont arriver et des dissidents opposés à la monarchie sélénite ont envoyé des menaces de mort et sont susceptibles d'attaquer à tout moment. Tous les regards sont tournés vers ses courts cheveux noirs.

« Quoi ? Vous n'aimez pas ma nouvelle coupe ? J'envisage même de changer de nom et de me renommer "Pas Serenity". »

Artemis se passe la main sur le visage. On peut lire la défiance et la peine de cette enfant en détresse qui se croyait investie d'une simple mission mais qui s'est découverte une seconde destinée, très potentiellement tragique et qui tentera à coup sûr de lui voler son identité.

« Venus Power, Make Up ! »

Elle part se regarder dans la glace, souriant à l'idée de voire un énorme nœud rouge sur ses courts cheveux noir de jais mais constante avec effroi qu'ils ont retrouvé et leur blondeur et leur longueur. Décochant ce qui deviendra des milliers d'années plus tard le Sailor V Kick, elle brise le miroir et s'enfuit. Elle court un long moment, ce qui est assez facile dans cet immense palais. Perdue dans ses pensées conflictuelles, elle finit par pénétrer dans une pièce au hasard quand elle aperçoit un général dont elle est sous les ordres.

Certains disent qu'il n'y pas de coïncidences dans ce monde. C'est pourquoi on pourrait arguer que ce n'est pas un coup du destin qu'elle soit entrée dans la chambre de la princesse Serenity qui n'était pas sous surveillance car les soldats un peu paresseux n'avaient pas encore effectué la relève et laissé la jeune fille sans surveillance.

« Senshi ! Vous n'avez rien à faire ici ! s'écrit une des suivantes de la princesse. Sortez ! »

Serenity voit tout de suite à quel point la jeune Senshi panique et tremble de rage.

« Serena, c'est moi qui l'ai invitée, je voulais discuter avec elle. Est-ce que vous pouvez nous laisser quelques minutes ?

- Très bien. »

La gouvernante quitte la pièce avec réticence.

« Bonjour, je suis… Sailor Venus. »

Serenity tend la main que la Senshi serre, gênée.

« Serenity. Enchantée. Et tu as un prénom ?

- Je… Oui. Minako. Tout le monde m'appelle Sailor Venus ou "Hé toi ! Le sosie de la princesse !" alors j'ai perdu l'habitude de l'utiliser.

- Ravie de faire ta connaissance, Minako. »

La glace est ainsi brisée tout naturellement.

« Comment ça se fait que je ne te rencontre que maintenant ?

- Les Senshi n'ont pas le droit de rencontrer la princesse avant de commencer à la servir. Je devais monter la garde à vos côtés pour la première fois aujourd'hui. Nous nous sommes cependant croisées il y a trois ans. Je vous ai bousculée quand je fuyais Artemis après avoir découvert que j'étais…

- Ma doublure ?

- Oui. »

Elle baisse la tête.

« Toi aussi, tes cheveux repoussent super vite si tu les coupes ? »

Minako relève la tête, soudainement intéressée.

« Non, mais quand je me transforme, apparemment, ils redeviennent comme avant. »

Usagi soupire.

« Les miens n'arrêtent pas de pousser, comme si on ne pouvait pas changer le look en vigueur de la royauté. J'en ai marre de marcher sur mes couettes et de me casser la figure quand je…

- Quand tu… Pardon, quand vous…

- Tu peux me tutoyer, je déteste le "vous". Quand je fuis Umino, mon tuteur, pour aller sur Terre voir le prince Endymion. »

Elles sont totalement sur la même longueur d'onde. Elles se mettent à glousser et à parler des garçons. Usagi se sent étrangement proche de cette sorte d'elle-même venant d'un univers parallèle, de ce reflet altéré dans le miroir. Oui, elles se ressemblent. Oui, elles ont des réactions similaires mais si deux jeunes filles blondes aux cheveux longs qui sont un peu précoces et aiment parler des garçons étaient des jumelles séparées à la naissance, alors, elle a toute une fratrie disséminée dans le royaume. Minako a quant à elle l'impression d'avoir retrouvé son identité avec les paroles rassurantes de cette enfant qui sait faire preuve d'autant de sagesse que d'immaturité. Un vrai paradoxe ambulant. Elle ressent également un devoir de protection envers sa princesse, comme si cette rencontre lui avait donné la clarté qui lui manquait pour accomplir sa mission.

« Minako ? Je te propose quelque chose. On ne pourra rien y faire si les adultes veulent t'utiliser comme mon sosie mais quand je monterai sur le trône, je pourrai changer cela. »

Elle défait ses chignons et coupe ses cheveux à la longueur de ceux de Minako. Elle attrape un ruban rouge dans sa coiffeuse et attache ses cheveux comme sa jumelle d'une autre mère.

« Mais en attendant, le jour où tu en auras besoin, je serai ta doublure. Pendant cinq minutes parce qu'après mes cheveux repousseront. »

Avec ces mots, Minako peut faire la paix avec sa double mission et avancer, sans savoir que le futur se manquera pas de lui rappeler d'où elle vient et de tester sa dévotion envers sa mission. Toutefois, à cet instant précis, elle se sent investie pour la première fois d'une destinée dont elle peut être fière. Elle entrevoit une reine magnifique, pleine d'empathie et dévouée à son peuple dans cette enfant de huit ans. Il lui semble enfin avoir trouvé sa place dans ce monde qui s'évertue à vouloir lui dicter son destin.

oOo

Silver Millenium

Cinq ans plus tard

« Crescent Beam ! »

Sailor Venus se débat comme un beau diable pour protéger la reine et lui permettre de fuir avec Artemis. Il n'y a plus d'espoir. Le royaume va tomber.

« Allez-y, je les retiens ! »

Ils hésitent.

« Je vais y rester quoi qu'il arrive alors, s'il vous plaît, faites-moi une faveur et ne me laissez pas mourir en vain. Qu'au moins une fois avant de mourir, ma vie ait un sens autre que celui d'être une copie. »

Artemis baisse la tête. Leur relation n'a plus jamais été la même depuis ce jour où elle a fui sa présence. Il ne lui a pas fallu longtemps pour assembler les pièces du puzzle. Même si elle a su se faire une raison, seules les amitiés qu'elle a su créer avec la princesse et les autres gardiennes planétaires lui ont permis d'avancer. Entre résignation et devoir presque militaire, elle a su prendre les rênes de sa vie et avancer.

Toutefois, alors que la souveraine du Silver Millenium fuit avec Artemis dans les bras, poursuivie par des soldats du Dark Kingdom, elle confie à Artemis la suite du plan.

« Je vais mettre en gestation dans ton corps un artéfact de transformation pour Minako qui la fera ressembler par bien des aspects à la guerrière que serait devenue ma fille si elle ne s'était pas suicidée après la mort du prince Endymion. Elle attirera ainsi l'attention de notre ennemi jusqu'à ce que ma fille découvre ses pouvoirs. Elle pourra ensuite les rejoindre et devenir Sailor Venus à nouveau.

- Le jour où elle découvrira la vérité, elle me haïra.

- Je suis désolée, Artemis. C'est la seule option que je vois pour vous assurer à tous d'avoir une chance de vaincre la reine Beryl. C'est un sacrifice que je te demande de faire pour la survie non pas de notre planète qui est condamnée mais de la Terre, et, j'en suis convaincue, à terme, de l'univers tout entier.

- Le sacrifice de ma relation avec Minako. »

Elle fait apparaître une boule de lumière dans laquelle on peut voir le double croissant de lune emblématique de la gardienne protectrice de la planète Venus et un stylo. Elle pénètre dans le poitrail d'Artemis et disparait.

« Tout ce que je peux faire, c'est sceller les souvenirs douloureux quant à son identité et les découvertes qu'elle a faites sur son double rôle de gardienne et de sosie. Toutefois…

- Elle finira par recouvrer ses souvenirs au fur et à mesure que ses pouvoirs grandiront où si elle visite la Lune et que son subconscient lui rend les souvenirs de sa vie antérieure. »

La reine acquiesce. Une flèche lui transperce alors l'épaule. Elle trébuche et lâche Artemis qui retombe sur ses pattes. L'arrière de sa robe se couvre de sang. Elle se relève tant bien que mal et reprend sa course. Elle doit absolument atteindre la salle du trône pour pouvoir activer le téléporteur principal permettant d'envoyer plusieurs personnes sur Terre en même temps. Arrivée dans la salle, elle court taper le code pour l'activer, bien consciente que toutes les Senshi sont tombées au combat.

« Artemis, il est l'heure. »

Elle se retourne et voit Artemis tituber dans la salle, lui aussi touché par une flèche, mais en plein cœur, et s'écrouler, mort, au pied de la reine. Tombant à genoux, elle le prend dans ses bras, pleurant et criant son désespoir. Alors que les gardes envahissent la pièce, elle fait apparaître le Moon Rod sur lequel vient se percher le Silver Cristal. Décuplant ainsi la force du téléporteur, elle fait apparaître les cadavres d'Endymion, Serenity, Sailor Mercury, Sailor Mars, Sailor Jupiter, Sailor Venus, Sailor Uranus, Sailor Neptune, Sailor Pluton, Sailor Saturn, Luna, Artemis, Umino, Phobos, Deimos et le vieux chevalier gardien des Vestales dont le nom s'est perdu au fil des âges. Brisant le tabou ultime et déchaînant autant qu'elle le peut les pouvoirs du Silver Crystal en utilisant sa force vitale, son corps se désagrège pour ne laisser qu'une rémanence de son esprit qui gardera les ruines du Royaume. Les enfermant dans des bulles protectrices, elle les envoie en gestation sur Terre, jusqu'au moment où elles renaîtront sous de nouvelles identités et accèderont à nouveau à leurs pouvoirs pour faire face à un destin tragique, cruel et semé d'embûches.

Repoussant les ennemis et scellant temporairement Metalia, elle peut goûter à sa punition presque divine : rester prisonnière des ruines, immatérielle et incapable de faire quoi que ce soit pour aider ce qui reste de son peuple. Elle ne trouvera jamais le repos et sera une spectatrice du bon ou mauvais déroulement de l'histoire, condamnée à payer pour l'éternité d'avoir brisé le tabou ultime de la résurrection. Elle tient contre elle le Crystal Star Compact qu'elle avait prévu de donner à sa fille quand elle saurait maîtriser le Silver Crystal. Elle ne sait pas si elle pourra jamais le lui remettre. Heureusement, elle a pu confier une broche de transformation à Luna avant qu'elle ne meure, ce qui permettra à Serenity de se défendre contre le Dark Moon Kingdom avant de découvrir les pouvoirs du Silver Crystal. Si ce moment arrive… Le destin est en marche et elle n'a plus aucun pouvoir sur celui-ci.

Elle envoie ses dernières pensées à sa fille, ainsi que tout son amour. Cette expression lui revient alors et lui semble tragiquement appropriée. Séléné, sa mère, la répétait souvent. Alors qu'une bombe explose, détruisant ce qui reste du royaume, elle déclame :

« La lumière de l'âme est de l'étoile un éclat qui jamais ne décroit tant que l'espoir anime nos bras. »

oOo

The Rustic Fig. Drôle de nom pour un restaurant gastronomique. Leur serveuse semble être très à cran. Toutefois, rien ne saurait gâcher leur moment d'intimité. Haruka prend la main de Michiru dans la sienne.

« Ça me fait un bien fou d'être seule avec toi, avoue Haruka en se perdant dans les yeux de sa compagne qui semble contenir des océans. J'aime notre famille d'adoption, au propre comme au figuré, mais je n'aurais pas pu supporter un autre grognement de notre adolescente.

- Tu m'en diras tant. Même quand elle n'est pas là, on parle d'elle.

- En même temps, on a une nouvelle plutôt importante à lui annoncer quand on va rentrer. Je suis impatiente mais j'ai aussi peur de me heurter à un mur.

- Rien de nouveau sous le soleil. »

Elles éclatent de rire.

« Mais pour le moment, lui rappelle Michiru, fêtons nos dix ans. Ce jour où tu m'as enlevé pour me faire quitter cette horrible école catholique qui voulait changer qui j'étais.

- Quand je t'ai prise comme un sac à patate et embarqué sur ma moto.

- Quand j'ai hurlé à pleins poumons comme un cochon qu'on envoie à l'abattoir, en particulier sur l'autoroute.

- Quand tes longs cheveux se sont coincés dans la carcasse et que tu as dû ressembler à Fantine pendant six mois quand je les ai coupés.

- Quand je suis tombée amoureuse au premier regard et que j'ai fui mon ancienne vie sans jamais me retourner pour regarder le passé.

- Quand je suis tombée amoureuse au premier regard et que j'ai enfin pu voir la route qui s'ouvrait devant moi sans plus tenter de m'engloutir. »

Elles s'embrassent. Elles peuvent sentir quelques regards gênés, un peu la colère et beaucoup d'offuscation mais elles ferment les yeux et les oublient.

« Je t'aime, Michiru.

- Je t'aime, Haruka. Où est mon fondant avec une boule de glace vanille ? »

Qu'elles se l'avouent ou non, les Inner Senshi ont bel et bien déteints sur elles. Michiru montre un peu plus ses émotions et s'est découvert une passion pour la nourriture. Quand on ne sait pas de quoi demain sera fait ni si demain il y aura, on finit par se laisser aller aux petits plaisirs de la vie. Pour Haruka, le changement est d'oser afficher sa relation sans se faire passer pour un homme. L'inverse est toutefois vrai aussi. Durant le combat contre Nemo et Omen, les Inner Senshi ont su prendre des décisions difficiles et se sont battues comme les Outer Senshi l'ont souvent fait, avec l'intention de tuer et sans peur des sacrifices à réaliser.

Leur monde lutte pour survivre et elles se débattent comme de beaux diables pour évoluer en conséquence et espérer survivre avec lui. Ou mourir ce faisant.

« Hé ! Je voulais le goûter, se lamente Haruka. Arrête de lécher l'assiette. Tu as encore faim ? Tu veux qu'on passe manger un burger avant de rentrer ? L'addition, s'il vous plaît, avant qu'elle attaque la table. »

La serveuse blonde avec une énorme frange arrivant au bord de ses yeux leur apporte la note. Haruka sort sa carte bancaire dorée et laisse un généreux pourboire, après quoi, elles partent main dans la main. En sautillant.

« On se téléporte où on prend la décapotable ?

- On peut prolonger un peu la soirée et longer la baie ? Histoire de lier la terre, l'air et l'océan.

- Comme toi et moi. »

Cette grande nouvelle qu'elle veule annoncer à Hotaru pourra attendre quelques heures… ou le lendemain matin. En effet, l'arrêt sur la plage d'Odaiba donnera lieu à une scène d'amour qui aurait mérité un fondu au noir dans les vieux films. Un magnifique et intense moment d'intimité malgré le froid de cette fin de mois de décembre.

Et puis, de toute façon, Hotaru n'est pas dans son lit. Elle ne rentrera qu'au milieu de la nuit.

oOo

Elle sait que ses trois mères viennent vérifier qu'elle est dans sa chambre sans fautes, chaque jour, à 22 h 30. Juste après, quand elle est sûre qu'elles sont retournées vaquer à leurs occupations, quelles qu'elles soient, Hotaru empoigne sa faux et part patrouiller telle une tueuse de monstres et de démons, à défaut de vampires. Elle se téléporte dans un nid de monstres qu'elle a découvert en utilisant l'ordinateur de Setsuna et elle joue avec sa vie pour essayer de réactiver ses pouvoirs. Elle a rejoint de nombreux clubs de sport de défense et des neufs Sailor Senshi, c'est elle qui sait à présent le mieux se battre au corps à corps, à égalité avec Ami.

Il n'y a pas que la magie qui permet de tuer un monstre. Elle sent que sa faux est presque déchargée mais la montée d'adrénaline que lui procurent ces combats la fait se sentir vivante à nouveau. Et humaine. Et surtout, ils lui permettent de ne plus penser à ChibiUsa, à sa perte de contrôle et à la possession par la forme humaine de Luna durant le combat contre Nemo et également d'oublier ses questionnements sur la fragilité de sa vie et comment elle l'a sans hésitation mise en jeu avant de se comporter exactement comme leur ennemi. Elle n'a vraiment connu que les Remless et les Phages mais elle ne fait pas de discrimination. Pas besoin de pouvoirs de purification si on coupe ou frappe assez fort.

Elle n'a rien à envier pour cela à un Neo ou une Buffy. Prendre appui sur le monstre pour rouler sur son dos en envoyant un coup de pied circulaire aux monstres alentours, diminuer la puissance de son attaque pour la lancer à répétition et rendre les monstres essayant de l'encercler incapables de la toucher ou même de bouger, et, bien sûr, jouer les faucheuses. Certains peuvent y survivre mais ils agissent alors littéralement comme des poulets à qui on aurait coupé la tête.

Ces nids sont des lieux où se sont regroupés les monstres qui voulaient échapper au Néant. Hotaru a bien tenté de les interroger mais aucun ne semble savoir quoi que ce soit. Ils vivent en complète autarcie pour éviter de devenir des sbires de cet ennemi qu'ils savent dangereux, caractériel, cruel et sans pitié mais dont aucun ne connaît ni le nom, ni le visage ni les intentions. Les « on dit » leur ont suffi pour savoir qu'ils préféraient se tenir à carreaux et s'entourer d'autres monstres capables de cacher leur existence au grand méchant loup et ainsi pourvoir échapper, même temporairement à ce nouvel ennemi qui n'hésite pas à sacrifier des rangs entiers de ses troupes sur un coup de tête ou dans un accès de colère.

Setsuna surveille l'activité des nids avec l'aide de Reika et gardent un œil sur eux en permanence au cas où ils décideraient d'attaquer. Elles n'ont que des lectures thermiques des monstres. On est donc loin d'une science exacte et/ou d'une quelconque possibilité de contrôle. Les daimons apparaissent par exemple en bleu car ils ont le sang froid comme des reptiles et les droids en rouge foncé car ils sont des androïdes à la physiologie proche des humains qui deviennent carmin s'ils surchauffent. La grande question qu'elles se posent toutefois est de savoir s'il y a parmi eux des phages et si, après toutes ses années, leur star seed pourrait être purifiée pour qu'ils redeviennent humains ou si la corruption est devenue permanente. Elles n'ont encore jamais rencontré de phages dans leurs combats récents, probablement une manœuvre de leur ennemi pour éviter un scandale si le phage « purifié » un monstre aux traits humains ou devenait un délinquant ou un serial killer ou pire, s'il se révélait être un cadavre, sa star seed ayant péri.

Pour Hotaru, qui est bien loin de ses considérations, ils sont un terrain d'entraînement idéal et elle peut confirmer qu'elle n'a rencontré aucun phage jusqu'à présent car ils se présentent toujours en mettant « Sailor » devant leur attribut pour se présenter et sont faciles à reconnaître.

Setsuna met pour le moment les morts sur le compte des habitants de ces squats qui ne supportent pas de vivre prisonniers. Hotaru passe pour un youma/droid qui a perdu la tête et décidé de faire un carnage. De toute façon, Hotaru a remarqué que la guerrière du temps était occupée par un autre projet dont elle ne parle à personne qui semble bien plus la préoccuper, ce qui lui laisse carte blanche et laissera croire à une guerre des gangs entre « variétés » de monstres pour prendre le pouvoir ou asseoir une hégémonie, comme dans une prison car c'est bien de cela qu'il s'agit, les montres ne pouvant sortir de l'enceinte du squat qu'ils occupent, sous peine de finir en chair à canon, au propre comme au figuré. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle a pu aussi facilement s'infiltrer et découvrir son mot de passe pour accéder à l'ordinateur de sa tante presqu'adoptive et savoir où se rendre.

Et bien sûr, elle peut par la même occasion affronter ses propres démons… Ou, encore une fois, mourir ce faisant.

Il ne reste plus qu'un seul monstre qui ressemble à un poussah. Quoi qu'elle fasse, il revient toujours en place et elle a beau le marteler de coup de ses poings ensanglantés par son corps en acier, rien ne bouge, à part le monstre qui culbute d'avant en arrière et de droite à gauche.

« Il est temps de passer aux choses sérieuses. Life & Death Harvest ! »

Les symboles de sa faux s'illuminent puis s'éteignent brusquement.

« Oh oh. »

Elle est déchargée. Cela devait arriver.

Le remless profite de son moment d'inattention et bascule d'avant an arrière pour lui envoyer un violent coup de tête. Elle encaisse l'attaque, crache un mélange de salive et sang au pied du monstre, si tant est que l'on puisse appeler cela des pieds et laisse l'adrénaline monter à son paroxysme.

« Si tu crois que j'ai besoin de mes pouvoirs pour te vaincre. »

Il tente la même attaque mais en couvrant cette fois son corps de pics. C'est sans compter sur une faux plus aiguisée que la plus aiguisée des armes blanches qui tranche d'un coup sec la base du monstre qui se retrouve face sur le sol, incapable de se relever. Elle plante alors sa faux dans son dos et il disparaît, ne laissant qu'une ombre de lui-même et le symbole du Dead Moon Circus sur le sol. Le nid est à présent vide. Une brume violette est aspirée par son artéfact là où se trouvait il y a peu le monstre. Elle n'a jamais vu sa faux faire ça auparavant, qu'il s'agisse de l'ancien ou du nouveau modèle.

Il est deux heures du matin. Elle peut rentrer dormir quatre heures. L'inconvénient de vivre en périphérie de Tokyo et de ne pas être autorisée à utiliser ses pouvoirs pour son gain personnel et qu'elle doit se lever à six heures. Toutefois, vu le sentiment d'exaltation que lui procurent ces combats, en particulier celui-ci, la nuit sera très courte.

« Sailor Teleport ! »

Rien ne se passe. Elle ne panique pas. Cela ne veut pas dire qu'elle ne peut plus se téléporter, seulement qu'il reste des monstres cachés, généralement ceux qui créent un champ de force autour du squat pour empêcher les monstres y vivant de s'échapper et éviter que d'autres, mal intentionnés ou à la solde du Néant, ne s'infiltrent. C'est pourquoi elle se téléporte toujours devant le bâtiment et entre à pied car les divers champs de force ne sont imperméables qu'à la magie. Il lui suffirait de partir à pied mais elle ne peut risquer de ramener avec elle un monstre qui pourrait exécuter une vengeance sur sa famille endormie, surtout s'il peut se rendre invisible.

Elle lance donc sa faux à la ronde, comme on le ferait avec un boomerang. Elle se plante dans quelque chose. On entend alors un « Lovely » et Hotaru voit à nouveau cette brume entrer dans sa faux qui brille comme si elle avait lancé sa dernière attaque. Deux autres monstres cachés derrière des toiles représentant l'endroit où ils se trouvent se retrouvent à découvert, leur technique de camouflage ayant été tranchée en deux. Les deux youma ninja foncent alors vers la jeune fille, sabre en main. Instinctivement, elle brandit la faux et lance son attaque.

« Life & Death Harvest ! »

Les runes s'illuminent et l'attaque est lancée, tuant le premier monstre.

« Comment c'est possible ? Je croyais qu'elle était déchargée. »

Surprise, elle tente de la lancer à nouveau sur le deuxième mais rien ne passe, jusqu'au moment où la faux absorbe la brume là où se tenait le premier monstre. Elle s'active alors et s'occupe du deuxième ennemi. Hotaru comprend alors comment l'arme a pu se recharger.

« Elle a absorbé les âmes de ces monstres ! Est-ce qu'elle fait ça depuis que j'ai reçu mes nouveaux pouvoirs ou depuis que je ne peux plus me transformer ? Ou alors… depuis le début ? »

Peu importe. Elle lâche brusquement la faux, profondément répugnée. Rejetant violemment la faux dans son esprit, elle la martèle de coup. Une telle arme ne devrait pas se casser mais le lien de confiance entre elle et son artéfact s'est brisé, fragilisant l'arme qui gît à présent en deux morceaux devant elle. Elle la prend avec elle en l'emmitouflant dans un chiffon sale pour éviter à tout prix de la toucher au cas où elle déciderait d'absorber son âme. À moins qu'elle ne l'ait déjà fait.

« Sailor Teleport. »

Il n'y a plus aucun champ de force alors, nul besoin de sortir du périmètre. Elle pose la faux dans sa penderie et se couche toute habillée en se cachant intégralement sous son dessus de lit. Si elle ne peut pas la voir, elle ne peut pas lui faire de mal… Ce n'est pas vrai, mais elle a besoin de cela pour se rassurer.

Faire l'autruche de la sorte lui rappelle des scènes douloureuses de son passé, quand elle ne voulait pas prendre ses médicaments et qu'elle appréhendait le moment où Kaorinite allait entrer dans sa chambre et lui expliquer comment vivre sa vie à grands renforts d'ordres et comment elle la tirait par le bras pour aller subir les traitements expérimentaux de son père suite à l'accident qui avait permis aux Death Busters de pénétrer dans leur univers.

oOo

Le lendemain matin, quand Hotaru se lève, où plutôt quand elle sort de sa chambre avec des cernes énormes sans avoir fermé l'œil, sa famille l'attend derrière la porte.

« Nous voudrions te parler. »

Ça y est, elles sont au courant de ses escapades. Elle va le sentir passer. Peut-on être renvoyée des Sailor Senshi ?

« Nous aimerions t'adopter. Si tu es d'accord. »

Michiru ne pouvait plus attendre. Minako a vraiment déteint sur elle au cours des deux derniers mois.

Hotaru les fixe quelques secondes, essuie la commissure de ses yeux et d'une voix pâteuse, leur fait part des réflexions de sa nuit blanche :

« Je veux aller voir mon père à l'hôpital. »

Une gifle ne leur aurait pas fait plus mal. Hotaru est soulagée de voir qu'elles ne suspectent rien de ses patrouilles. Elle ne mesure toutefois pas le poids de ses mots et à quel point ils ont pu blesser le couple et la scientifique avec qui elle a pourtant eu une magnifique conversation à cœur ouvert la veille au soir. Elle n'y peut rien, c'est la conclusion à laquelle elle en est venue au petit matin. Elle ne voit pas d'autres solutions. Si quelqu'un peut avoir des réponses sur ce qui lui arrive, autant en tant qu'Hotaru Tomoe qu'en tant que Sailor Saturn, c'est son père biologique.

« Très bien, accepte calmement Haruka. Je vais appeler l'hôpital. Il est toujours dans un état végétatif mais je suis sûr qu'il pourra t'entendre. »

Elle ne peut s'empêcher de faire cette remarque acerbe.

« Est-ce que tu pourras réfléchir à cette idée d'adoption ?

- C'est promis.

- Très bien. Allons petit-déjeuner. »

Elles hochent la tête en s'en vont en silence vers le bar de leur cuisine américaine. Un coup de poing en plein visage ne leur aurait pas fait plus mal. Les adolescents ne sont toutefois pas connus pour leur tact. Pas un mot n'est échangé durant le repas. Hotaru se rend bien compte qu'elle a fait sa demande au pire moment. Elle lève plusieurs fois la tête avec l'intention de prendre la parole et, trouvant les trois jeunes femmes la tête baissée sur leur tasse de thé ou de café, finit à chaque fois par en faire autant, les mots mourant dans sa bouche avant d'avoir pu sortir. Elle laisse une grande quantité de nourriture dans son assiette, chose qui ne s'accorde pas avec son appétit d'ogre.

« Je peux quitter la table ? J'ai très peu dormi et j'ai mal au ventre. Je suis stressée par mon examen de mathématiques.

- Bien sûr, Hotaru. Tu peux te téléporter en classe exceptionnellement aujourd'hui si tu veux te reposer un peu avant de partir. Prends juste garde à ne pas te téléporter dans un lieu fréquenté.

- Ok, promis. Merci. »

Elle se lève, les embrasse toutes les trois sur la joue sans les regarder dans les yeux et rejoint le salon en fixant ses pieds. Elle allume la télé pour avoir un fond sonore et enfonce sa tête dans l'accoudoir du canapé en cuir beige. Elle s'endort brièvement et fait un cauchemar peuplé de Mistress 9, de Sailor Saturn et d'une ChibiUsa sans vie. Mistress 9 arrache le cristal du cœur pur de Sailor Saturn et le réduit en poussière. Elle ne ressent rien et continue à assister au combat entre ses deux versions d'elle-même sans pouvoir réagir, sans pouvoir crier mais incapable de dire si c'est une conséquence du rêve ou bien si elle est à présent complètement désensibilisée aux émotions humaines. Quand Sailor Saturn et Mistress 9 mettent chacun une main sur son cœur et disparaissent à l'intérieure d'elle-même, elle se réveille et se redresse brusquement en hurlant. Elle met sans le vouloir un coup de tête à Setsuna qui essayait de la réveiller. Elle frotte toutes deux leur front endolori.

« Désolée, je faisais un cauchemar… s'excuse Hotaru.

- Ne t'en fais pas, ça m'arrive souvent, surtout quand j'essaie de me souvenir ce qu'il s'est passé quand j'étais puni pour avoir arrêté le temps. »

Hotaru voit alors une vague de tristesse si forte passer sur le visage de Setsuna que les larmes lui montent aux yeux. Elle attire la scientifique contre elle pour la réconforter.

« S'il te plaît, ne sois pas si triste. Tu es revenue parmi nous, c'est ce qui compte, affirme Hotaru sans rien comprendre des tenants et les aboutissants de la vie de Setsuna mais avec toute la bienveillance dont elle sait faire preuve.

- Oui, tu as probablement raison. Mais le sentiment qui m'envahit quand j'y pense est si fort que je ne sais plus comment fonctionner. J'ai l'impression que je n'ai pas fini de payer les conséquences de ma transgression.

- Quoi qu'il se passe, nous te protègerons… »

Setsuna affiche un sourire amer et résigné que l'adolescente ne peut voir.

« Je suis désolée d'avoir dit ce que j'ai dit. Je serais honorée d'être légalement votre fille mais je dois d'abord voir mon père. J'ai fait des bêtises. Ma faux s'est cassée en deux et je crois qu'elle absorbe les âmes des ennemis que je tue pour ne pas se décharger. J'ai peur. Aide-moi ! »

Voilà ce qu'elle aimerait dire. Voici ce qui sort de la langue bien pendue d'une adolescente en pleine phase de rébellion.

« Regarde les vidéos de surveillance du nid de monstre Alpha 14 durant la nuit dernière. Je suis la cause des activités anormales dans les nids. Je ne sais pas ce que tu fais au fin fond de ton labo mais tu ne devrais pas utiliser un mot de passe composé de nos initiales et nos jours de naissance. Sailor Teleport. »

Setsuna tombe des nues. Elle court dans son laboratoire et regarde la vidéo de surveillance en accéléré et met ses mains sur sa bouche pour étouffer un cri. Elle recherche ensuite les activités anormales des autres nids. Thêta Sigma 1. Omega 13. Beta 32. Elle est sur toutes les vidéos telle une véritable incarnation de la Mort et comme dénuée de tout sentiment. Pas besoin d'image vidéo, les simples relevés thermiques suffisent à la reconnaître. Elle appelle Reika.

« Tu étais au courant ?

- Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que tu serais la seule à avoir accès aux vidéos de surveillance. Je travaille pour le gouvernement et je ne voulais pas leur donner des mauvaises idées. Les humains sont bien plus dangereux que tous les monstres que l'on peut conjurer. Je me doutais qu'il y aurait des anomalies qui auraient à voir avec vous quatre. Vous êtes un peu plus justicières qu'Usagi et sa troupe. Mais je pensais que ce serait une activité familiale, pas le fait d'Hotaru en solo. On doit lui reconnaître un certain talent.

- Du talent ?! Du talent ?! Tu imagines le mal que ça peut faire à la Senshi de la planète associée à la Mort dont le glaive du silence peut apporter la destruction sur la planète entière ?!

- Hé ! Hé ! Je suis désolée, je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants de vos combats et de vos pouvoirs. Le gouvernement ne s'intéresse pas vraiment à vous pour le moment, Dieu merci. Je n'ai pas voulu t'offenser. Excuse-moi.

- Ce n'est rien. Je panique un peu. Les responsabilités et les destins de Sailor Pluto et Sailor Saturn sont très solitaires et nécessitent une tête froide. Cela signifie qu'on peut vite se perdre et ne plus savoir qui l'on est. Sailor Saturn a souvent été vue comme l'ennemi, en particulier par nous trois. Nous voulions l'abattre avant qu'elle ne devienne Sailor Saturn pour éviter qu'elle ne détruise la planète et c'est finalement elle qui nous a sauvés des Death Busters. Avec la perte de nos pouvoirs, elle doute et ce qu'elle a fait dans ces nids de monstres ne va pas l'aider à y voir clair. Sa faux cherche à la protéger et se comporte vraiment comme la faux de la Mort… »

Reika ne peut pas lui répondre qu'elle comprend. Entre équitation et grandes universités à l'étranger, elle a vécu dans une bulle d'aisance et n'a jamais vraiment fait l'expérience de la dureté de ce monde. Et même si sa vie avait été moins facile, elle ne serait toujours pas comparable à celle d'une Senshi qui est faite de sacrifices quotidiens sans rien attendre en retour pour protéger une planète impuissante face à ses nombreuses menaces et qui ne sait que trop bien se montrer ingrate envers ses héroïnes.

« Merci, Reika, ton aide nous est précieuse. J'ai bon espoir que ces jours d'orage se terminent bientôt, d'une manière ou d'une autre…

- Hotaru n'a pas le monopole des pensées noires, n'est-ce pas ?

- Oui. Les mondes n'ont pas l'habitude de survivre sans Senshis pour les protéger. J'ai peur que si nous ne revenons pas sur le devant de la scène bientôt, il n'y ait plus rien à protéger.

- Je suis assez d'accord. Même le gouvernement, aussi perverti soit-il, ne semble pas capable de faire ce que vous faites.

- Et c'est une bonne chose ?

- Je ne sais pas. Qui sait s'il ne vous rendrait pas obsolètes en vous forçant à devenir des civils pour lui échapper s'il en avait la capacité…

- Ou s'il chercherait à se débarrasser de celles qui renverseront le pouvoir en place dans deux ans…

- Exactement. »

Il semble évident que quel que soit le futur qui les attend, les combats ne cesseront jamais. C'est sur cette note dépourvue d'espoir que Setsuna raccroche.

« Haruka ! Michiru ! Venez vite. Je… Oh, vous êtes déjà là. »

Elles se tiennent en haut de l'escalier, les bras croisés.

« Quel pourcentage de la vidéo et de ma conversation vous avez vu et entendu ?

- Cent pour cent.

- D'accord. Et maintenant, que fait-on ?

- On l'envoie voir son père en espérant qu'elle trouve les réponses qu'elle cherche. Ensuite, on la punit jusqu'à sa majorité dans deux semaines quand elle aura dix-huit ans, déclare Michiru, allant à l'opposé de son caractère assez libertaire en matière d'éducation.

- La majorité est à vingt ans dans notre pays, lui rappelle Haruka. Nous avons pris notre indépendance très tôt mais théoriquement, nos parents auraient nous attraper pour la peau du cou et nous forcer à rester sous le toit familial jusqu'à notre majorité en nous interdisant de nous fréquenter. »

Michiru soupire de soulagement d'avoir eu comme Haruka des parents qui n'en avaient rien à faire d'elles. Il n'est jamais plaisant d'en venir à dédaigner son sang de la sorte mais leur famille n'ont jamais fait preuve de bienveillance envers leurs enfants.

Les deux ans passés à vivre frugalement loin de leur famille, avant de devenir Sailor Uranus et Neptune, sont, avec le temps passé avec Hotaru et Setsuna, les plus belles années de leur vie. Lors de leur rencontre, elles se sont installées dans une petite ville en bord de mer et Haruka a trouvé un travail comme mécanicien dans un garage. C'est à cette époque qu'elle a commencé à s'habiller en homme pour pouvoir trouver du travail dans le domaine qui la passionnait et qui ne laissait pas facilement sa place aux femmes. Michiru a commencé à jouer du violon dans la rue contre quelques pièces ou de la nourriture et a fini pas être recrutée par le directeur d'une école primaire pour y enseigner la musique. Elles vivaient avec très peu dans un appartement grand comme un mouchoir de poche mais elles étaient heureuses.

Ce soupir a bien sûr également à voir avec cet état de fait légal qui la rassure quant à Hotaru. Il y a toujours une peur en elle qui lui souffle que, quand elle sera majeure, Hotaru les quittera pour vivre sa vie sans jamais regarder derrière elle. Beaucoup d'enfants se défont de leurs liens parentaux à l'âge adulte ou à la sortie de l'adolescence. Elles en sont la preuve et il est possible qu'Hotaru fasse exactement la même chose dès qu'elle en aura l'occasion pour s'éloigner de son destin tragique et mortel et couper le cordon de façon drastique. Sa crise identitaire, qui est leur lot à toutes en ce moment, a pris des proportions inquiétantes et elle ne peut s'empêcher de se blâmer de n'avoir rien vu et par conséquent rien fait, mettant ses humeurs sur le compte d'états d'âme d'adolescente.

Car oui, Hotaru a en effet bien grandi, cette fois-ci naturellement et pas en quelques secondes. Dans trois semaines, le six janvier, elle aura dix-huit ans. Et à la fin de l'année scolaire, si l'univers n'a pas disparu, elle terminera le lycée et quittera le domicile familial pour étudier à l'étranger. Dans tous les cas, elle partira de ce foyer et elles vont faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que ce ne soit pas les pieds devant.

« Toutefois, si on additionne ses deux vies, on peut arguer qu'elle va avoir trente ans. »

Le couple lui retourne un regard noir.

« Ok ok, elle a dix-sept ans et elle nous doit l'obéissance pendant encore deux ans.

- En théorie, elle te doit l'obéissance à toi, Setsuna. C'est toi qui en a la garde plénière. Le professeur Tomoe t'en a légalement confié la garde parce que l'état n'aime pas qu'une lesbienne en adopte une autre pour lui faire un pied-de-nez quant au mariage pour tous, commente acerbement Haruka. N'est-ce pas, Maman Michiru ? »

Michiru sourit. Pour avoir un lien légal avec elle en cas de décès de l'une d'entre elles et ainsi éviter que leurs actifs ne reviennent pas à leurs familles respectives, Haruka a accepté de laisser tomber ses défenses et d'être adoptée par sa compagne. Cela a beaucoup contribué à ce qu'elle s'ouvre et à sa conjointe et au reste de sa famille. Le processus a toutefois été des plus longs et il aurait été impensable il y a encore deux ans de voir Haruka laisser quelqu'un toucher à sa moto et encore moins d'apprendre à une adolescente qui avait besoin de sortir le nez de ses bouquins comment changer les plaquettes de frein d'une moto.

« Setsuna, tu es sûre d'être prêt à faire toutes ces procédures ? Ce sera plus dur et plus long que pour obtenir la garde. Avec la révélation de notre identité, mon adoption d'Haruka et le fait que nous vivons sous le même toit, ils vont scruter chaque petit détail de notre vie. Il pourrait même décider nous enlever sa garde maintenant que Souichi est un légume s'il estime que ce n'est pas un environnement sûr pour une adolescente.

- Je suis à deux cents pour cent avec vous. Et une petite voix dans me tête me dit que c'est le moment ou jamais. »

Elle met ça sur le compte de son horloge biologique, sans savoir que ses jours sont comptés et qu'à peine quelques semaines après finalisé l'adoption, le combat final contre le Néant aura lieu et elle devra regagner la porte de l'espace-temps pour subir sa punition pour avoir arrêté le temps. Cette urgence en elle de réaliser cette adoption, ce sont ses souvenirs bridés qui lui crient de mettre ses affaires en ordre avant d'être mise à l'écart.

« Mais une chose à la fois… Je vais d'abord appeler l'établissement qui s'occupe de Souichi Tomoe, tempère Michiru. »

Elle a toujours peur quand elle contacte la maison de repos. C'est cruel mais elle a peur qu'il se soit remis et qu'il veuille reprendre la garde de sa fille. Elle a l'impression d'être un monstre plus horrible que ceux qu'elles combattent car une petite partie d'elle souhaite sans oser se l'avouer que jamais il ne se rétablisse pour ne pas perdre Hotaru.

« Très bien. Hotaru passera en toute vraisemblance après son club de self-defense… Dix-neuf heures, ce ne sera pas trop tard ? … Non ? Très bien… Elle s'est beaucoup entraînée ces temps-ci, ironise-t-elle en faisant référence à la vidéo qu'elle vient de voir, donc elle pourrait se permettre de manquer une séance… Très bien, je la préviens. Merci beaucoup… Au revoir. Bonne journée. »

Les politesses d'usage et autres courbettes l'horripilent toujours autant.

« Alors ? demande Haruka.

- Attends. »

Elle appelle Hotaru avec son cristal.

« Hotaru ?

- Oui ? Fais vite, je vais rentrer en cours.

- J'ai eu l'hôpital. Tu peux y aller pour dix-neuf heures. Par contre, son état s'est dégradé ces derniers jours. Il était stable depuis le combat contre Pharaoh 90 mais les dommages causés par la possession dont il a été victime ont empiré et un caillot dans une artère a provoqué un grave incident cardiaque. Il est dans un état presque végétatif et il n'est plus en mesure de parler.

- Est-ce qu'il m'entendra si je lui parle ?

- Si une personne peut atteindre le cœur d'un autre, c'est bien une Senshi.

- Si j'en suis encore une et pas un monstre incarnant la Mort. Merci d'avoir appelé, Maman, je sais que ça te coûte d'appeler là-bas. Et ça va sans dire, je serais honorée de devenir votre fille aux yeux de la loi. Désolée d'avoir été aussi maladroite. J'ai besoin de réponses quant au passé et je pensais qu'il pourrait me les donner. Ça semble impossible maintenant mais j'ai quand même besoin de le voir.

- Je comprends, articule-t-elle d'une voix tremblante qui se retient de pleurer. À ce soir. Je t'aime.

- Je vous aime aussi, Mamans au pluriel. J'ai perdu ma mère biologique très jeune et j'en ai gagné trois absolument merveilleuses. Je suis désolée d'avoir joué les justicières et risqué ma vie. C'est terminé, je vous le promets. Pas besoin de me punir, j'ai compris la leçon.

- Très drôle, intervient Haruka. Deux semaines sans télé et jeux vidéo.

- Je n'ai pas de consoles.

- La faute à qui ? J'ai toujours voulu t'en acheter une mais tu n'as jamais voulu. Jeux vidéo tous les jours alors !

- T'es nulle et je te déteste ! s'écrie-t-elle pour être fidèle à son personnage d'adolescente, bien que le cœur n'y soit pour une fois pas. Mais d'accord… Seulement si tu joues avec moi. »

Haruka reçoit cette vague d'amour maladroite pour ce qu'elle est et reste elle aussi fidèle à son rôle de maman à la discipline militaire.

- Marché conclu. Tu es consciente qu'on va te suivre partout et te conduire à tous tes rendez-vous et au lycée et te récupérer ?

- Rien de bien nouveau, en somme… »

Setsuna et Michiru éclatent de rire et Haruka étouffe les sons autant que possible pour ne pas perdre la face. Toutefois, comme à l'hôpital avec Motoki, Mako et Ami, elle oublie que c'est un artéfact magique et pas un combiné téléphonique.

« Il faut vraiment une façon de couper le micro, Setsuna. »

Cette dernière éclate de rire de plus belle et Haruka commence à glousser contre son gré en cachant sa bouche de sa main, ce qui, comme avec le cristal, s'avère un exercice futile. Elle s'esclaffe alors à son tour, très vite suivie par la jeune fille aux cheveux violets de l'autre côté du cristal.

« Bon, je dois raccrocher, l'examen va commencer.

- Ok, passe le bonjour à Satoru et dis-lui de garder ses mains dans ses poches et son cornichon dans son pantalon, intervient Michiru en parlant bien plus fort que nécessaire, un sourire machiavélique sur les lèvres. »

Hotaru est mortifiée. Voilà donc sa vraie punition. De vraies parents qui s'immiscent dans sa vie privée. Ça pourrait être pire. Elle pourrait se téléporter et lui apporter son déjeuner.

« Hotaru ! Hotaru ! s'écrient ses trois mamans en tapant à la vitre de la salle de classe et en collant leur visage sur la vitre. Tu as oublié ton déjeuner. »

Michiru rentre alors dans la salle en s'excusant platement et en renversant maladroitement quelques chaises. Elle remet le bento à sa presque fille et lui fait un énorme bisou sur la joue qui lui laisse une marque rouge à lèvres.

« Priver de sorties et de télé une élève studieuse comme toi n'aurait pas grand sens. Alors, souviens-toi de ce moment la prochaine fois qu'il te prend l'envie de partir à l'aventure et de risquer ta vie. Mais imagine-moi en robe de chambre et en pantoufles. Celles en forme de lapin. »

Hotaru a des sueurs froides. Puis vient le coup de grâce, comme un jeu vidéo de combat qu'affectionne tant maman Haruka.

Finish her!

« Ou une salopette, des bottes en caoutchouc et un chapeau de paille. Et surtout, du rouge à lèvres et du maquillage appliqués à la truelle par maman Haruka. »

Un dernier bisou sonore et elle repart en gambadant et en fredonnant de la Japanese Pop. Avant de passer la porte, elle lui envoie un dernier bisou, sous le regard ahuri du professeur qui rentre dans la salle de classe. Elle tape dans la main d'Haruka et de Setsuna et elles se téléportent chez elles.

oOo

« Reprenons la conversation, si vous le voulez bien. Il y a quelques petites choses dont j'aimerais discuter.

- Setsuna, il y a la porte mal dissimulée qui émet une lueur bordeaux, comme quand ton sablier fendu revient dans le présent et qu'il faut que tu relances ton attaque pour le renvoyer dans le passé éviter que le Big Bang à l'intérieur ne détruise la planète. »

Elle tombe des nues.

- Comment vous savez ?

- Si on a vu la vidéo d'Hotaru dans ton dos sans que tu ne te rendes compte de rien, tu te doutes bien qu'on t'a espionné quand tu disparais au fin fond de ton laboratoire en plein milieu des repas ou de la nuit.

- Et vous n'avez pas peur de mourir ?

- Ici ou ailleurs, si ça pète, on est toutes mortes. Au moins, le problème de ce nouvel ennemi sera réglé. Soit il en mourra lui aussi, soit il pourra bâtir un nouveau monde avec une ardoise blanche. On est dans le même bateau. On n'atteindra jamais les cent pour cent d'honnêteté qu'on s'est promis à l'hôpital mais comme nous sommes des fouines, nous y contribuons en furetant partout. Comment tu crois qu'on attrapait toujours les cristaux des cœurs purs avant Kaorinite et Eudial ? On en a fait un sacerdoce. Va t'en occuper. Et s'il est déchargé, eh bien, ravie de vous avoir connues. »

Setsuna ne répond pas, abasourdie. Elle bouge ses deux bras devant elle comme un pantin, ne sachant pas comment réagir et mime un « ciao » digne d'un cow-boy avant de partir dans son laboratoire, toujours incapable de se souvenir à quoi servent ces deux appendices qui sortent de ses épaules.

oOo

Le club de self-defense se termine. Hotaru est en nage, épuisée mentalement et physiquement mais satisfaite. Ses amis l'ont charrié toute la journée alors cet entrainement lui a fait le plus grand bien. Elle passe rapidement sous la douche, se rhabille et se téléporte à la maison de repos. Elle avance vers l'accueil sans perdre une minute, bien décidé à rejoindre la chambre de son père avant de perdre son courage.

« Bonjour, je viens voir M. Souichi Tomoe.

- Vous êtes un membre de la famille ? demande sèchement la femme derrière son bureau sans même lever les yeux vers elle. »

Hotaru se rend compte qu'elle n'aurait pas à montrer patte blanche s'il ne se passait pas plusieurs années entre chacune de ses visites

« Je suis sa fille. Je ne suis pas venu depuis… longtemps.

- Oh mais oui, je vous reconnais. Vous êtes… »

Elle devait être là quand les Outer Senshi sont venus la chercher quand elle était bébé.

« …Sailor Saturn. »

Ou alors, elle l'a vu se transformer à la télévision.

« Oui, je suis venue voir mon père, le docteur Souichi Tomoe, qui est hospitalisé chez vous depuis plusieurs années.

- Est-ce que je pourrais avoir un autographe ? »

On ne défèque pas là où on mange. C'est la forme polie d'un adage dont Haruka est friande. C'est pourquoi elle se retient de soupirer et signe l'autographe en souriant.

« Dans quelle chambre est mon père ?

- Est-ce que je pourrais faire une photo avec vous ?

- Bien sûr. »

Sourire. Ne pas pester et surtout ne pas jurer.

« Mon père ? »

Bla bla bla.

« Mon géniteur ? »

Bla bla et encore bla.

« Mon seul lien avec ma famille biologique. »

Bla. Bla. Bla.

« Oh mais je vous reconnais aussi. Vous êtes la secrétaire médicale qui n'a pas su ou voulu pousser ses études pour être payée plus que ea salaire minimum, qui n'a aucun espoir d'avancement et qui vit sa vie par procuration au travers des quelques visiteurs un tant soit peu célèbres. »

Les vies rêvées d'Hotaru Tomoe. Elle se garde bien d'exprimer ce qu'elle ressent. Si maman Michiru lui a appris quelque chose, c'est l'art d'être passive agressive. Elle prend la main de l'infirmière dans les siennes et la gratifiant d'u grand sourire, elle exprime toute l'ampleur de sa diplomatie :

« Merci mille fois. Vous avez été très utiles et avez parfaitement répondu à mes attentes. Sailor Teleport. »

Elles ont appris beaucoup de choses sur leurs pouvoirs de téléportation pendant le combat contre Nemo et Omen. Rejoindre un lieu inconnu ne semble plus un problème tant que l'on a ciblé la personne, un peu comme le ferait un missile balistique.

Quand elle atterrit sur la commode de la chambre de son père et glisse en s'étalant sur le sol, elle se rend compte que sa dernière visite remonte à vraiment longtemps. Il n'est plus dans la même chambre et à en croire par la vue de sa chambre qui donne sur une toute autre partie du parc, il a même changé d'aile. Elle se rappelle alors qu'il a perdu l'usage de la parole, ce qui explique son déménagement.

Il faut quelques secondes à l'infirmière présente dans la chambre pour reprendre ses esprits.

« Vous devez être sa fille ? Ma collègue à l'accueil ne faisait que parler et ne vous a pas renseignés ?

- Oui.

- Toutes mes excuses. Je vous laisse avec votre père dans quelques minutes. Je finis sa toilette, je lui fais prendre ses cachets et il est à vous. On vous a expliqué ce qu'il avait ?

- Ma mère m'a expliqué que son état s'était dégradé et qu'il ne pouvait plus parler mais qu'il pouvait encore comprendre ce que je disais.

- Tout à fait. C'est ce que l'on appelle un "locked-in syndrome". Il survient généralement lors d'un AVC ou un traumatisme mais dans le cas de votre père, il n'y a rien eu de tel, ce qui, somme toutes, est assez commun, C'est l'une des raisons pour lesquels ce syndrome est si difficile à accepter et à comprendre. Son opération s'est pourtant déroulée sans encombre.

- Son opération ?

- Oui, nous avons constaté une tumeur dans son cerveau que nous avons dû retirer quand ses fonctions mentales se sont dégradées. »

Elle ouvre son cartable et attrape un carnet et un stylo et dessine quelque chose.

« Quand est-ce que son état a commencé à se dégrader ?

- Son état s'est lentement dégradé au cours des deux derniers mois, à peu près au moment où votre tuteur légal a révélé votre identité à la télévision. Désolée, je lis la presse people moi aussi… »

Elle lui signifie d'un geste quelque peu agacé que ce n'est rien et qu'elle a l'habitude.

« Est-ce que la tumeur ressemblait à ça ?

Elle montre le croquis grossier à l'infirmière.

« Oui. Exactement. C'était la première fois que nous en voyions une avec une géométrie aussi régulière.

- Ce n'est pas une tumeur, c'est un œuf de Daimon. Il avait été implanté dans le cerveau de mon père via son œil de verre lors des événements qui ont secoués la Mugen Academy. Il en était au centre et moi également. Sailor Moon nous a sauvés tous les deux et je suis devenu Sailor Saturn. J'ai pu vaincre l'ennemi et refaire ma vie. Mais avant cela, j'étais l'ennemi. Cet œuf était la seule chose qui permettait à mon père de garder des facultés mentales et un QI suffisamment élevé pour pouvoir vivre et s'exprimer mais bien loin de la brillance du docteur qu'il était avant. Même si je ne suis plus techniquement l'ennemi, il semblerait que nous ayons gardé un lien et que j'ai permis à cet œuf de rester actif pour lui assurer une vie un tant soit peu normal. Les événements survenus il y a deux mois furent tels que ce n'est plus le cas. Je ne sais pas si c'est une bonne chose pour moi ou non mais, pour lui, ça signifie la perte de beaucoup de facultés mentales. »

Trop d'informations pour l'infirmière qui part en courant, terrifiée. Ce n'est pas un problème car Zoizite l'attend dans le couloir et une fois l'esprit embrumé par une nuée de pétales de roses, elle accepte bien vite ce qui s'est passé et se calme, retournant vaquer à ses occupations et compulser dans la nourriture pour oublier ses problèmes.

Dans la chambre, des larmes coulent des yeux de Souichi. La faux brisée d'Hotaru ainsi que son sceptre apparaissent puis se transforment en énergie pure. Hotaru pose la main sur le cœur de son père.

« Papa ?

- Hotaru. Je peux enfin te parler. »

Pourtant ses lèvres n'ont pas bougé. Michiru avait raison. S'il y a quelqu'un qui peut atteindre le cœur d'une autre personne, c'est bien une Senshi.

« Je suis désolée de ne pas être venue plus souvent. J'avais bêtement peur de te trouver en mauvaise santé ou pire et à force de fuir, j'ai créé une prophétie auto-réalisatrice.

- Ne t'en fais pas. Tu as une vie à vivre. Je suis heureux que tu sois là aujourd'hui et que nous puissions nous parler. »

La chambre semble soudain s'effacer, tout comme la chaise roulante de son père qui se tient à présent debout, vêtu de son costume emblématique mais sans sa blouse blanche.

« Regarde, je peux même marcher et te serrer dans mes bras. »

Il l'enlace. Elle reconnaît le père d'avant l'accident, et, par intermittence, après la possession par l'œuf de daimon et le démon Germatoid.

« Pose-moi les questions qui te taraudent à présent. Je pense que nous n'avons pas beaucoup de temps.

- Est-ce qu'il reste des traces de Mistress 9 en moi ? Est-ce que c'est elle qui vole l'énergie des monstres à travers moi ?

- Elle n'existe plus exceptée dans tes peurs et tes doutes, j'en suis convaincu. Seul un cœur pur, sans mauvais jeu de mots, peut communiquer de la sorte sans même avoir à émettre un son. Tu parles à mon âme et moi à la tienne. Un être corrompu ne pourrait pas faire cela.

- Mais alors pourquoi la perte de mes pouvoirs a entraîné la dégradation du tien ? Comment j'ai pu maintenir un œuf de Daimon en vie ?

- Le combat contre Pharaoh 90 nous a liés pour toujours. J'étais son bras droit et toi…

- Son bras gauche ?

- En quelque sorte. Mais ce sont tes pouvoirs de Sailor Saturn qui m'ont maintenu dans un état non végétatif jusqu'à il y a deux mois. Je portais une petite partie de ton pouvoir en moi toutes ces années. J'ai pu suivre tous tes combats grâce à cela et te voir grandir et t'épanouir. Puis le combat contre cette Omen et cette Nemo est survenu. Mistress 9 était une sainte en comparaison. Vos pouvoirs sont bloqués à présent et ton artéfact s'est déchargé peu à peu et j'ai perdu ce lien avec toi mais je ne suis pas inquiet. Tu as trois parents merveilleux qui te protégeront sans hésiter de leur vie. Je suis en paix. J'aimerais que tu le sois toi aussi. Et que tu ne risques plus ta vie pour te prouver que tu es vivante. Ou humaine. Tu es vivante. Tu es humaine. Plus humaine que bien des gens sur cette planète. Plus humaine que moi une bonne partie de ma vie.

- Mais ma faux a absorbé les âmes de monstres pour conserver puis retrouver ses pouvoirs !

- Elle a tenté de te protéger. Rien de plus. Malgré mon passé, j'aurais fait pareil, quitte à ce que tu me haïsses, si cela t'avait permis de rester en vie. Ça reste néanmoins un bout de métal qui a peut-être manqué de tact mais dont les intentions étaient bienveillantes. Mais c'est une arme, pas une personne douée de raison, une terminaison nerveuse de tes pouvoirs, en quelque sorte. Je pense que c'est aussi pour cela que vos pouvoirs ne fonctionnent plus. Ils ne vous conviennent pas dans l'état actuel des choses et ils ont besoin de changer comme ils ont changé il y a un peu plus de deux mois quand Chimaera vous a attaqués. Je crois d'ailleurs que le processus a réellement commencé maintenant que ton sceptre et ta faux ont rejoint ton cœur et ton corps. Quand ils réapparaîtront, quel que soit la forme qu'ils prendront, tu seras Sailor Saturn de nouveau. Non pas que tu ne le sois pas maintenant mais quand tu revêtiras ton costume, tu te sentiras entière de nouveau. J'en suis convaincu. Mais ce n'est que mon avis, pas un parent qui cherche à te dire comment vivre et penser. Ayant été absent de ta vie pendant si longtemps, je n'en ai pas le droit. »

Mini Saturn apparaît alors sur l'épaule de Souichi et acquiesce en envoyant un sourire tendre à Hotaru.

« Mais avant cela, un rude combat vous attend, annonce-t-elle avant de voler vers Hotaru et de disparaître alors qu'elle dépose un baiser sur sa joue. »

Son père commence alors à disparaitre lentement, des pieds jusqu'à la tête.

« Ça m'a fait tellement plaisir de te voir. J'espère avoir pu t'aider à faire fis de tes doutes. Tu as maintenant récupéré l'intégralité de tes pouvoirs. Sois la Sailor Saturn que tu as toujours voulu être. »

Il ne reste alors plus que ses yeux qui lui renvoient tout l'amour qu'il n'avait jamais pu lui signifier durant toutes ses années. Le chambre d'hôpital réapparaît. Souichi est bien là, en chair et en os, mais son regard n'est plus le même. Elle jette un regard dans le parc chargé de souvenirs dans lequel les Outer Senshi sont venues la chercher quand elle était bébé. Elle aperçoit trois silhouettes bien familières perchés dans un grand cerisier nu. Elles approuvent en silence, un sourire plein d'amour sur le visage. Telle une image rémanente, les trois ChibiUsa disparaissent rapidement. Le passé est le passé. Vivre dedans ne lui apportera que du ressentiment. Elle ne saurait même pas dire si elles étaient vraiment là un court instant où si elle les a imaginés pour se rassurer. Après tout, leur ennemi a pour habitude d'effacer l'existence de ses ennemis. Il est donc fort probable qu'elle ait pris ses désirs pour des réalités mais les voir lui a fait du bien, tous autant qu'ils soient.

Hotaru rappelle à son père combien elle l'aime mais l'information ne semble pas atteindre son destinataire. Elle lui caresse les cheveux mais, ce faisant, elle a déjà un pied en dehors de la chambre.

Elle est la première Senshi à avoir accompli l'introspection nécessaire pour récupérer ses pouvoirs mais, pour le moment, seul Tuxedo Kamen a récupéré ses pouvoirs. L'équilibre de leurs pouvoirs ne penche pas toujours pas bien lourd dans la balance.

oOo

Dès qu'elle a quitté la chambre, le cœur de Souichi, déjà en état de mort cérébrale, s'arrête de battre. Il a accompli sa mission et avait signé une ordonnance de non-réanimation avant son opération.

Il ne s'accrochait à ce semblant de vie que pour sa fille, sachant qu'elle aurait bientôt besoin de lui. Il peut à présent partir en paix, libéré de ses démons, au propre comme au figuré, sans plus de peurs et de regrets.

oOo

Observant Rei pester devant son absence de visions, le Néant se dit que c'est bien l'un des seuls points positifs de cette situation car tout ceci ne fait absolument pas partie de son plan. Leurs pouvoirs semblent dans une sorte de stase et pour pouvoir faire avancer son plan, il leur faut des pouvoirs. C'est pour cela qu'il envoie quelques monstres pour décharger les artéfacts des trois Outer Senshi car il se doute que, quand elles n'auront plus de remparts contre les monstres et seront dos au mur, leurs pouvoirs se réveilleront. Et si ce n'est pas le cas, il sera toujours temps de les tuer. Il n'aura pas tout le pouvoir et l'armée de généraux dociles qu'il souhaitait obtenir pour anéantir la dernière galaxie mais au moins, il n'y aura plus de rempart pouvant l'anéantir. À moins que…

Maigre consolation, grâce aux pouvoirs retrouvés de Zoizite, il peut les espionner où qu'elles soient grâce à ses pouvoirs de camouflage recouvrés. Totalement indétectable et bien décidé à servir son maître pour protéger celui qu'il aime, il ne cache rien et se laisse mener à la baguette. Idem pour Umino. Il suffit d'envoyer Zoizite espionner Umino et pour Umino d'utiliser ses pouvoirs sur Zoizite pour qu'ils n'aient aucun secret. Aurait-il trouvé les esclaves idéaux ? L'avenir proche le dira. De plus, Zoizite dispose de pouvoirs d'envoûtement similaires à ceux d'Umino, ce qui en fait un autre pion parfait pour calmer la populace et/ou le gouvernement qui pourraient commencer à craindre les Sailor Senshi.

Toutefois, il est trop tôt pour faire quoi que ce soit et cela l'enrage. Il se calme alors les nerfs en arrachant la tête d'un de ses monstres.

« Toi ! Essuie les morceaux de ton frère sur ton visage et attaque Sailor Voix de Crécelle au temple Hino. Mais fais en sorte de mourir sans la casser. »

Dans un coin du hangar, on peut voir le four à Daimon du professeur Tomoe. Il est encore chaud et a été utilisé pour fusionner le micro ensorcelé avec un Dark Crystal qu'utilisait sans le savoir Minako pour enregistrer son single. Même si elle ne s'en rendra probablement pas compte, l'idée de la prendre à son propre jeu et de l'attaquer avec un monstre qui lui rappellera son échec l'amuse au plus haut point. De plus, la faire se morfondre de ses échecs devrait l'amener dans ses derniers retranchements.

oOo

Rei entend Minako et Yuuichirou argumenter. Cela lui permet d'oublier ses échecs quelques instants et lui arrache un de ces sourires qui se font rare ces temps-ci.

« Allez, chante-la moi ! Personne ne le saura.

- Non.

- S'il te plaît. S'il te plaît. S'il te plaît. S'il te plaît…

- Ok, c'est bon ! »

Elle met le CD de la version instrumentale qu'on lui avait remis pour s'entraîner à placer les paroles sur la mélodie, utilise sa brosse à cheveux comme un micro et commence à chanter.

« Doushiyou mo nai shoudou ni tsukiugokasarete ima (Je sens bouillir en moi ces impulsions. Il n'y a rien que je ne puisse faire)

Watashi no sore wa hajimatta kimi wo motomeru omoi (Quelque chose s'est mis en marche en moi : ces sentiments qui te recherchent)

Yotei chouwa no shousetsu ya eiga ga tsumaranai you ni (Ces films et ces livres prévisibles sont ennuyeux)

JINSEE mo sukoshi ZUREtara omoshiroi no kamoshirenai (Quand la vie ne file pas vraiment droit, elle est souvent plus amusante)

Atsui kimochi wa C'est la vie (Cette vague de chaleur qui m'envahit, c'est la vie)

Watashi ga watashi de iru kagiri (Tant que je reste fidèle à moi-même)

C'est la vie anata wo aishitsuzuketai (C'est la vie, je veux continuer à être amoureuse de toi)

Me no mae ni aru kono shunkan ga ikiru basho (Évoluer dans cet endroit où vit ce moment)

Kakenukete (Là, devant mes yeux)

Hito wa naze ichido dake shika ikiru CHANCE ga nai no (Pourquoi n'a-t-on qu'une chance de vivre sa vie ?)

Toki wa naze ichibyou sae mo tachidomaranai no darou (Pourquoi le temps ne s'arrête-t-il jamais l'espace d'une seconde ?)

Omoigakenai dokoka ga ne (Comme un quelque part inattendu)

Kutsuzure wo okosu mitai ni (Qui blesse mes pieds dans ces chaussures trop grandes)

Tokidoki wa mune no dokoka ga setsunaku nattari suru kedo (Parfois, ce quelque part dans mon cœur souffre)

Kitto mitsukaru C'est la vie (Je te trouverai un jour, c'est la vie)

Watashi ga watashi de aru riyuu (C'est ma raison d'être)

C'est la vie anata ga anata de aru riyuu (C'est la vie, c'est ta raison d'être)

Nani mo mienai dakedo nanika ga mitai kara (Je n'y vois rien mais pourtant j'essaie)

Oikakete (C'est pourquoi je poursuis ton image) »*

Yuuichirou est fasciné. Koan, a ses côtés, l'est tout autant. Mais Rei, de l'autre côté du mur boit les paroles comme si elle parlait d'elle. Artemis, qui se trouve dans le couloir et qui était venu pour tenter de discuter avec Minako qui refuse tout contact avec lui, profite aussi du mini concert mais n'ose pas rentrer. Toutefois, quand une seconde voix, identique à celle de Minako entonne la même chanson après avoir annoncé qu'elle allait l'interpréter comme elle devrait l'être, il sent que quelque chose ne va pas, tout comme Rei qui sort de la salle de prière. Elle voit Artemis qui tourne la tête, gêné.

« Je n'espionnais pas… Je voulais lui parler mais quand elle s'est mise à chanter, je n'ai pas voulu tout gâcher en ne pensant qu'à moi.

- T'inquiète, moi, j'espionnais carrément. On est d'accord que c'est la voix de Minako mais que ce n'est pas Minako qui chante, là ?

- Oui, je pense qu'on a affaire à un monstre. »

Il rentre alors tous les deux dans la pièce et voit un énorme microphone qui envoie des ondes tout en chantant. Yuuichirou et Koan sont inconscients. Minako essaie d'éviter les ondes mais au moment où Artemis franchit la porte, elle perd sa concentration et manque de se faire toucher de plein fouet. Rei se met en travers et reçoit l'onde de plein fouet. Elle perd connaissance et tombe dans les bras de Minako. Devant gérer le corps inconscient et éviter la prochaine salve, elle ne peut que serrer Rei contre elle et la protéger de son corps en se repliant sur elle-même.

« Moonlight Wall ! »

Un dôme se forme autour des deux femmes et d'Artemis. Minako lève les yeux et le voit, sous sa forme humaine.

« Chut, mime-t-il de son index posé sur sa bouche. »

Il la regarde un instant et voit la désapprobation sur son visage.

« Je ne vais par marquer des points en dévoilant que je mens à ma femme après ce que nous nous sommes promis à l'hôpital et je n'apprends pas de mes erreurs mais après ce que nous a raconté Sailor Saturn, j'ai peur de créer un fossé entre nous deux. »

Le microphone entreprend de prendre une forme humanoïde qui n'est pas sans rappeler le daimon violoniste qui les avait attaqués lors du concert de Michiru. Ses cheveux, blancs sont à mi-chemin entre les volutes d'un violon et la coiffe d'un avocat britannique. En travers de son torse trône le microphone

« Pourquoi t'être transformé ici et maintenant ? Il t'aurait été plus facile de continuer cette mascarade en continuant à nous mentir pour servir tes intérêts.

- Mon attaque est très vulnérable aux ondes soniques. Elles créent des perturbations qui déstabilisent l'intégrité de mon dôme. Je peux tenir plus longtemps sous ma forme humaine alors, je ne me suis même pas posé la question. De toute façon, tu me détestes déjà. Alors, un peu plus, un peu moins. Tant que tu survis, j'ai une petite chance d'un jour pouvoir recoller les morceaux. Maintenant, cours te mettre à l'abri, je vais m'envoler. »

Son dôme explose et il reprend sa forme de chat avant d'être projeté dans les airs, rattrapé de justesse au vol par Minako. Elle roule sur le montant de sa fenêtre cassée plus tôt dans la journée pour se jeter à l'extérieur, écorchant sa hanche sur les bouts de verre saillants. Elle met Artemis en lieu sûr puis défait sa chemise, ne gardant que son débardeur et se fait un garrot de fortune avant de plonger de nouveau dans la pièce pour récupérer Koan et Yuuichirou. Essayant de prendre chacun d'entre eux sur ses épaules, elle ne parvient pas à rester debout. Elle sait que si elle ne les sort pas de là rapidement, les ondes risquent d'endommager leurs organes de façon irréversible. Elle se met alors à chanter le plus fort qu'elle peut en improvisant des paroles en anglais. Elle était assez bonne en langues étrangères au lycée et parvient à donner le change.

« I know love will save the day

I will come and sway you away

When you lay here in my arms

I swear, I'll bring you no harm. »

Une aura orange naît autour d'elle, lui donnant la force d'une armée. Elle soulève ses deux amis et s'approche du monstre, faisant ricocher les ondes qu'ils créent en volant sa chanson. Elle pose une main sur le torse du monstre.

« Yes, love will save the day.

I swear, we'll see the light of day. »

L'énergie qu'elle dégage se transmet au monstre qui disparaît, redevenant un œuf de daimon qui relâche un oiseau démoniaque et un microphone. On peut clairement lire « Black Hole Records » dessus.

« Alors, ça, c'est petit. »

Elle ne voit bien sûr pas le Dark Crystal à l'intérieur. De toute façon, le Néant en a plein d'autres à sa disposition qu'il aura tout le temps d'utiliser bientôt. La carrière de Minako Aino est loin d'être terminée.

Minako bondit à l'extérieur, pose Yuuichirou et Koan sur le sol et part au chevet de Rei. Elle ne semble pas se réveiller. Elle lui fait un massage cardiaque et du bouche à bouche. Rei finit par se réveiller avec les lèvres de Minako sur les siennes. Elle se demande si elle est en train de rêver ou d'avoir une vision. Minako la serre alors dans ses bras.

« J'ai eu tellement peur ! Tu ne te réveillais pas… »

Mue par une impulsion, Minako l'attire contre elle, l'enlace puis desserre sa prise pour l'embrasser. Une énorme lumière émane alors de Minako. Mini Venus, sa colombe en argile ainsi que son sceptre apparaissent. Yuuichirou et Koan reprennent connaissance sous les effets du déploiement d'énergie et commencent à pousser des cris et à applaudir comme des supporters.

« Fais fis de tes doutes. Tu es Minako Aino. La seule et l'unique et bientôt une célébrité mondiale. Crois en toi. Crois en moi. Crois en eux tous et tout ira bien. Ai wa sono hi o sukuu deshou, prononce mini Venus avant de disparaître de devenir pure énergie, tout comme son sceptre et son artéfact et de regagner le corps de Minako. »

Rei recule légèrement pour pouvoir regarder Minako.

« Est-ce que je suis en train de rêver ? Est-ce que c'est une vision ?

- À toi de me le dire, dit-elle en l'embrassant à nouveau tout en la pinçant.

- Aïe. Mais merci. »

Artemis s'approche.

« Félicitations. J'ai envie de dire que ce n'est pas trop tôt mais je ne pense pas que nos relations le permettent.

- Je ne sais pas si c'est cette énergie qui m'a envahi quand j'ai ouvert mon cœur à l'amour mais après t'avoir vu risquer ta vie pour moi, au risque d'envenimer nos relations et avec ce que j'ai découvert de ma vie antérieure au Silver Millenium, il me serait dur de continuer à t'en vouloir pour quelque chose qu'on a tous les deux découverts il y a deux mois et contre lequel tu n'avais probablement aucun pouvoir. Il n'y a pas qu'une façon d'aimer et si tu n'avais pas mis notre relation dans la balance, nous serions probablement toutes mortes pour de bon. Et puis, je veux avoir une relation avec ma nièce Diana. »

Les liens du cœur sont bien plus forts que les liens du sang.

« Tu veux voir des photos ?

- Carrément ! »

Elle reconnait enfin qu'il a été bien plus un père que son père biologique dans cette vie. Il n'est pas encore clair si elles avaient des parents lors du Silver Millenium et qui ils étaient mais Artemis était toujours là pour l'aider à soutenir le poids de ses responsabilités quand son destin devenait trop lourd et elle était toujours là pour alléger ses fonctions étouffantes de haut dignitaire et lui tenir la main pour l'aider à se calmer quand il renversait tout dans son bureau à l'idée de faire face à ses « collègues » et aux ministres et autres prêtres du royaume.

Même s'il sera très bref, en particulier pour Rei, elles accueillent ce retour à un semblant de normalité pour ce qu'il est : un instant de répit. Beaucoup de questions traversent l'esprit de Rei, notamment sur la pureté requise d'une miko descendante des vestales. Mais c'est le bonheur qui l'emporte et elle regarde les photos de Diana en posant sa tête sur l'épaule de Minako.

Avec un peu de chance, il n'y aura pas de troisième attaque de monstre ce soir…

« Rei, réveille-toi. On est dans le jardin. Il fait froid. Je sens plus mes jambes. »

Yuuichirou la porte jusque dans sa chambre et Minako s'endort à côté d'elle, crispée comme jamais auparavant, telle une statue de marbre qu'on aurait placé par erreur dans un lit. Elle qui s'était endormie tout naturellement auprès de son amie il y a une heure est à présent allongée auprès de quelqu'un qui est plus qu'une amie et elle ne sait plus (ou tout moins pas encore) quelle est sa place dans cette nouvelle dynamique.

Beaucoup d'entre elles n'ont jusqu'à présent jamais eu de relations amoureuses. Excepté Michiru et Haruka et Usagi et Mamoru, elles ont toutes découvert les émois de l'amour au cours des derniers mois ou des dernières années dans le cas de Mako et Motoki. Sur le plan amoureux, elles sont à bien des égards des (pré-)adolescentes mais elles ne s'en plaignent pas. Loin de là.

Quelques heures plus tard, Rei se retourne et place le plus naturellement du monde sa main sur le ventre de Minako et se rapproche d'elle pour coller sa tête sur sa poitrine. Minako, qui n'avait pas bougé d'un centimètre, se détend et sourit avant de sombrer dans un sommeil enfin réparateur.

oOo

« Et de trois si on compte Sailor Earth. Mais toujours pas de costumes de pom-pom girl… C'est à n'y rien comprendre. Et comment chibi Saturn pouvait-elle savoir ce que je leur réserve pour m'assurer de l'activation de leurs pouvoirs ?

oOo

Le lendemain matin, Ami est réveillée par le grand-père de Rei qui tape à la porte de sa chambre.

« Ami, c'est ton amie Michiru. »

Ça promet. Lors de leur dernière conversation en tête à tête, peu après l'inversion de leur genre, elle a menacé de lui régler son compte si elle et ses amies continuaient à n'en faire qu'à leur tête.

« Allo, Michiru ?

- Ami, je tourne en rond dans cette maison. Toujours pas de visions, pas de pouvoirs et nous nous sommes engagées dans une longue procédure avec Hotaru.

- Ça y est, vous l'adoptez ?

- Tu étais au courant ?

- Je sais tout, Michiru. Je vous ai à l'œil depuis l'attaque de Chimæra. Littéralement. J'ai des yeux partout…Non, pas là… Ni là… »

Elle éclate de rire.

« Je plaisante. J'aide Setsuna avec un… projet.

- Ah, tu veux dire son sablier atomique à retardement ?

- Tu étais ou courant ?

- Je sais tout, Ami. Je vous ai à l'œil depuis l'attaque de Chimæra… »

Elle marque une pause.

« Je suis derrière toi. »

Ami se retourne et sursaute quand Michiru crie « Bou ! ».

« Et à part ça, on se fait enfin cette revanche à la piscine ? Cent mètre nage libre ? Avec probablement un horrible monstre qui nous attaquera en plein milieu, en souvenir du bon vieux temps ? »

Ami accepte bien volontiers, mais d'ici une heure. Elle ne souhaite pas abuser du Sailor Teleport qu'elles utilisent beaucoup trop à des fins personnelles. Elle se prépare, enferme la boîte à musique dans une boîte Tupperware bien hermétique quand celle-ci essaie de l'attaquer. Celle-ci émet quelques sons d'outre-tombe puis se calme.

« Je te laisse sortir mais si tu attaques qui que ce soit, Setsuna t'a préparé une boîte dans laquelle elle fera le vide. Pas de besoin de pouvoirs de Senshi pour en finir avec toi. Tu as besoin de respirer comme tout un chacun. Et dans le vide, personne ne t'entendra crier. Pas même ton patron. »

Il rentre au fin fond de la boîte à musique qui retrouve temporairement sa couleur dorée.

« C'est bon, Papa, il boude. Tu es tranquille.

- C'est quoi, ce truc ? Un animal de compagnie venu de l'Enfer ? »

Elle l'embrasse sur la joue et quitte la chambre.

« Rei, je vais à la piscine avec Michiru. À tout à l'heure, si je ne meurs pas noyée par un Droid.

- À tout à l'heure ! Bonne chance et/ou adieu ! »

Flirter avec la mort au quotidien peut rendre quelque peu cynique.

oOo

Michiru embrasse Haruka lorsqu'elle la dépose devant le Tokyo Metropolitan Gymnasium.

« Ami avait raison. On se téléporte beaucoup trop. On en oublie le temps que doivent prendre les choses de la vie. Amuse-toi bien, Michiru ! Tu en as bien besoin.

- Toi aussi, Haruka, mais sois prudente. Ça fait longtemps que tu ne t'es pas entraînée sur cette piste. Elle est dangereuse, surtout en cette saison.

- Je te le promets. Allez, file, je la vois qui arrive. »

Elle descend de la moto et part rejoindre Ami.

« Comment vas-tu ?

- Oh, ça peut aller… »

Ami lui raconte brièvement la soirée de la veille.

« Je vois. Tu es consciente qu'il y a baleine sous gravillon ? Un appartement à ce prix, ça n'existe pas. Tout du moins pas sans caméras qui te filment en sous-vêtements en train de crever des ballons avec des talons aiguilles en t'asseyant sur des gâteaux d'anniversaire. »

Ami se rend soudain compte que la vérité est ailleurs mais probablement pas du côté de cette scène graphique au souci du détail pour le moins inquiétant.

« Mon dieu, tu as raison. Je crois que je sais ce qu'il se passe. Je rencontre mon nouveau propriétaire et l'ancien locataire qui fait son externat avec moi dans trois heures. Je pense que je vais mettre à nouveau les pieds dans le plat mais pour le bien commun. Mais après m'être acheté un teddy et des nouvelles chaussures. »

Michiru sourit.

« Mais pas de menaces de mort, hein ? Je n'ose toujours pas te tourner le dos… »

Ami lui lance un regard qui fait frissonner Michiru.

« Évite par exemple de les regarder comme ça.

- Je vois. »

Elles avancent vers les caisses.

« Tu sais, Michiru et moi pourrions vous loger si l'arrangement que tu as trouvé ne vous convient pas. Nous avons toujours l'appartement que nous occupions près des ruines de la Mugen Academy.

- C'est gentil mais je pense que cette offre cache quelque chose qui pourrait m'apporter beaucoup sur le plan personnel.

- Des propos bien mystérieux mais je crois comprendre que tu as aussi ton jardin secret. »

Ami ne répond pas et tourne la tête.

« Ne t'inquiète pas, malgré les promesses que nous nous sommes faites à l'hôpital, nous n'avons plus quinze ans et nous ne pourrions pas atteindre l'honnêteté totale et la transparence absolue et mener une vie normale. Regarde Setsuna et sa bombe atomique. Nous avons découvert hier soir qu'Hotaru jouait les justicières dans les nids de monstres de Tokyo. Tout du moins, nous vivons ensemble maintenant et nous apprenons à révéler nos secrets petit à petit. Concentrons-nous sur ce qui va bien et oublions un peu nos problèmes pendant quelques heures. Tu sais ce que je fais chaque matin ?

- Non, dis-moi.

- J'écris cinq choses que je dois ou devrais faire ce jour et j'en raye immédiatement deux pour enlever une partie de la pression que je mets chaque jour. »

Cela fait sens. Essayer de faire apparaître la sphère de Kakyuu. Réviser ses partiels. Tenter de percer les secrets de la boîte à musique. Rechercher un poste ou un travail pour son père. Recoudre son chemisier préféré/faire l'ourlet de son nouveau pantalon. La liste pourrait s'allonger indéfiniment. Elle en raye mentalement deux et sent la pression sur ses épaules se relâcher. Michiru le voit et sourit.

« Tu vois. Nous sommes humaines, ou plutôt Sélénites, mais pas moins mortelles et faillibles. Gérer une famille élargie, l'ennemi tapi dans l'ombre, cette jeune fille devenue rebelle que nous souhaitons adopter, la perte de nos pouvoirs et les responsabilités de nos carrières tout en trouvant du temps pour vivre, dormir, manger et respirer sans faire une crise de panique ou cardiaque… Tout ça me donne envie de rester sous la couette ou de nager dans la mer jusqu'à atteindre une île déserte. Mais pourtant, chaque matin, je me lève en sachant que ce rythme de fou ne s'arrêtera jamais. Cet horrible ennemi sera remplacé par un autre, ce concert par un autre événement et toutes les demandes des services de l'adoption. Ce matin, tout ce que je peux faire pour avancer, c'est nager pour oublier mes problèmes quelques heures. Mais malgré ça, j'aime ma vie et ma famille et je n'ai pas vraiment envie de m'enfuir. Tout du moins, pas sans eux... »

Ami acquiesce. Elles interrompent leur conversation pour payer leur entrée et partent se changer. Elles se retrouvent au bord du bassin. La piscine est étrangement déserte. C'est parfait.

« Cent mètres nage libre. Interdiction de laisser gagner l'autre. »

Pour ça, il n'y a aucun risque. Ami n'est plus l'adolescente effacée qu'elle était. Elles se préparent, se font signe pour le départ et fonce comme si leur vie en dépendait. Et c'est bel et bien le cas. À mi-chemin, Ami essaie de remonter à la surface et se retrouve bloqué par la surface de l'eau devenu comme un toit de verre. L'ironie d'une femme tapant au plafond de verre ne lui échappe pas.

Elle tape du poing mais rien n'y fait. Elle jette un regard à Michiru mais celle-ci coule au fond de la piscine, le regard vitreux. Elle hurle mais aucun son ne sort. Elle fait tout ce qu'elle peut pour empêcher l'eau d'entrer dans ses poumons mais elle ne tiendra pas plus de d'une minute. Elle a beau être la Senshi de l'eau, elle n'en est pas pour autant amphibie. Michiru disparaît et elle se retrouve seule dans cette prison aqueuse. L'air commence à lui manquer et lors qu'elle sombre au fond de la piscine, elle voit sa mère, son père, son frère, ses amis qui tendent la main pour l'empêcher de se noyer sans y parvenir.

« Si tu ne tends pas la main en retour, personne ne pourra t'aider. »

Un coup d'œil sur son corps lui montre qu'elle est repliée sur elle-même, en position fœtale, les bras croisés sur sa poitrine.

« Que serait Sailor Mercury si elle n'était plus Ami Mizuno ? »

Encore cette question à laquelle elle n'a pas de réponse. C'est la première fois cependant qu'elle est au conditionnel.

« Que serait Ami Mizuno si elle était aussi seule qu'elle croit l'être ? »

Ses amis et sa famille disparaissent et sont remplacés par une image d'elle-même avant qu'elle ne rencontre Usagi. Portant de grosses lunettes, elle semble terriblement isolée et malheureuse. Ami déploie enfin ses bras et efface l'image du passé en secouant l'eau. L'image est remplacée par Chibi Mercury.

« Ce n'est pas moi qui vais te sortir de l'eau. Je suis grande come ta main et je n'ai pas de doigts. Il va falloir avoir confiance en tes amis et en tes pouvoirs. Tout comme le feu n'est pas l'ennemi de Rei, l'eau n'est pas ton ennemi sauf si tu décides d'en faire ton ennemi. »

Son sceptre et son caducée apparaissent alors mais lui échappent à chaque fois qu'elle essaie de les attraper. Si la solution n'est pas vers le haut, elle se trouve peut-être effectivement dans le lâcher-prise. Elle relâche tous ses muscles et s'abandonne à l'étreinte de l'eau. Confiante qu'elle ne se noiera pas, elle revient aux bases et répète comme un mantra :

« Mercury Power, Make Up ! Mercury Power, Make Up ! Mercury Power, Make Up ! Mercury Power, Make Up ! »

L'eau envahit son corps mais elle continue. Chibi Mercury est remplacée par toutes les personnes qui peuplent sa vie et qui la soutiennent alors qu'elle prend appui au fond de la piscine et s'élance pour ressortir du bassin. Au passage, elle empoigne son sceptre et son artéfact qui se dissolvent et rejoignent son corps. La porte de verre de sa prison vole en éclats et elle s'élance hors de l'eau sans même toucher le bord de la piscine, sous les regards éberlués des nageurs. Michiru, assise au bord de la piscine, tend nonchalamment le bras pour l'attraper au vol et l'aider à sortir. Elle s'assoit à ses côtés.

« Yo.

- Euh… Yo. Toi aussi ?

- Oui.

- Est-ce que c'était aussi terrifiant que pour moi ?

- Pas vraiment. C'était même assez paisible. »

Michiru lui raconte alors son expérience.

oOo

Tout comme Ami, elle coule et voit sa camarade se débattre. Elle choisit une autre voie et s'abandonne à l'étreinte de l'eau. Elle laisse l'eau rentrer dans ses poumons et perd connaissance. Elle ne cherche pas le moins du monde à se suicider. Elle a juste le pressentiment, comme une vision qui n'en est pas une, que sa vérité est ailleurs.

Quand elle se réveille, elle sait tout de suite où elle est. À la dérive en plein milieu de l'océan. Elle reconnaît cette odeur. Pas celle que les touristes décrivent comme une odeur d'iode mais une idée bien à elle qui n'a rien à voir avec une odeur salée ou des relents portuaires ou vaseux. Ce qu'elle sent, ce qu'elle ressent, c'est une odeur végétale, florale, une odeur d'humus. Les mers et les océans n'ont pas tous la même odeur mais ils ont cela en commun. Elle n'a même pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir où elle est.

Cette mer a aussi un goût et les mouvements qui viennent asperger son visage excitent ses papilles qui s'emballent tout en sachant fort bien que, où qu'elle soit, dans un rêve ou vraiment en mer, il lui faut ne pas boire cette eau. Toutefois, vu le fort soleil qui cogne sur son visage, elle aura vite besoin de boire si elle veut survivre.

« Je vais peut-être trouver cette île déserte dont je parlais à Ami. Il faudra alors que je choisisse de vivre là-bas seule avec Haruka, d'oublier ma vie et de ne plus faire partie des un pour cent ou de retourner à Tokyo et de retrouver mes pouvoirs et mes problèmes. »

Elle entend alors un soupir exaspéré.

« Je reconnais ce ton désapprobateur. Maman, c'est toi ?

- Hé ! s'indigne Chibi Neptune. Je ne te permets pas. »

Elles éclatent de rire toutes les deux. Michiru doit reconnaître qu'elle a un côté taquin, voire cynique, qui fait mouche. Ce n'est pas Hotaru qui dira le contraire.

« Pourquoi ce test si tu savais que j'en verrais les ficelles ?

- C'était ça ou le collège avec les nonnes. »

La jeune femme frissonne malgré la chaleur caniculaire.

« Et j'aurais appris plus là-bas qu'ici ?

- À toi de me le dire. Tu te sens comment ?

- Apaisée, calme et sereine comme lorsque je…

- Oui ? »

Elle n'a pas le temps de répondre et elle est assaillie par une vision alors que son trident apparaît, créant un tourbillon autour d'elle qui ne semble pas l'affecter. Elle se tient au-dessus de lui et accueille la vision et ses pouvoirs presque retrouvés. Grande première, il s'agit d'un flash de sa vie sur Terre jusqu'à ce jour et non du futur. Le bon comme le meilleur défile à toute vitesse. La sienne et celles d'Haruka, d'Hotaru et de Setsuna, moins quelques zones d'ombre correspondant aux punitions de Sailor Pluto pour avoir arrêté le temps. Elle connaît à présent tout de leur vie et le lien si fort qui les unit se renforce un peu plus. Elle aperçoit une ombre à la toute fin mais voit neuf étoiles de couleur qui attaquent de toutes leurs forces. Elle ne voit pas le résultat du combat mais comprend ce qu'il signifie.

« Seul l'union des Inner et des Outer Senshi vous laissera une chance de prévaloir face à cet ennemi. Si ces neuf étoiles ne résonnent pas à l'unisson, le dernier des univers disparaîtra. »

Son sceptre apparaît alors et se mêle à son trident qui deviennent une écume qui rejoint son corps. Après quoi elle se réveille assise au bord de l'eau, juste à temps pour tendre le bras et attraper Ami qui bondit hors de l'eau. Il en faut bien plus pour déstabiliser Michiru Kaioh.

« Yo. »

Leurs deux aventures se rejoignent et ne se ressemblent pas mais le résultat est le même.

« J'ai enfin récupéré la sphère.

- Tu penses que ça veut dire que…

- Carrément. »

Elles soupirent.

« Le retour des dominatrices, commente Michiru. Ceci dit, je me sentais assez sexy.

- Mouais… Au moins, on aura des pouvoirs pendant une heure. »

Mais après ça, que se passera-t-il ? Ont-elles vraiment récupéré leurs pouvoirs ? Et si oui, que seront-ils ? Seront-ils les mêmes ou plus en phase avec leur nouvel état d'esprit ? Effrayées mais essayant d'être confiantes, elles quittent le bassin. Elles n'ont pas nagé plus d'une demie longueur mais elles n'ont pas envie de tenter le diable à nouveau en retournant dans l'eau.

« Café et pâtisseries ? suggère Michiru.

- Oh non j'ai besoin de quelque chose de plus fort.

- De la téquila à dix heures du matin ? J'aime ta façon de penser.

- Non. »

Elle pointe du doigt une échoppe de ramen.

« J'ai besoin de manger mes sentiments jusqu'à avoir les dents du fond qui baignent. »

Michiru n'est pas ou plus du genre à manger dans ce genre d'établissement mais elle voit où son amie veut en venir.

« J'accepte cette mission. »

oOo

Haruka enfile la combinaison conçue par la designer qui a reproduit leurs costumes de Sailor Senshi. Elle lui va vraiment comme un gant.

« Merci, Amara. C'est parfait.

- Je sais. N'oubliez pas l'anniversaire de ma nièce, le vingt-quatre décembre. »

Elle ne perd pas le nord.

« Tu peux me tutoyer, tu sais. Nous serons toutes là. Nous tenons nos engagements.

- J'y compte bien. »

Amara se retourne et émet un gémissement d'excitation un peu trop fort qui la trahit. Elle n'est pas aussi froide et calculatrice qu'elle veut bien le laisser paraître. Haruka est bien consciente qu'Amara profitera bien plus du spectacle que sa nièce et ses camarades mais l'enjeu est important : maintenir le secret de la perte de leurs pouvoirs pour ne pas donner de l'eau au moulin de leur ennemi, des médias et/ou du gouvernement.

Toute à ses pensées, elle monte machinalement dans la formule 1 et fait toutes les vérifications d'usage en pilote automatique, comme on fait un trajet pour aller au travail et, une fois arrivée, on se demande comment on ne s'est pas tuée sur la route et si l'on a respecté les feux rouges et la signalisation. C'est exactement ce qu'il se passe à ce moment-là. Cette routine, elle l'a pratiquée tant de fois que ses mains bougent toutes seules. Elles savent quoi faire sans même avoir à réfléchir. Un peu comme quand… Elle rougit en repensant à la nuit passée avec Michiru et aux quelques heures passées sur la plage qui auraient pu leur valoir un séjour au poste de police.

Elle fait signe qu'elle est prête à partir et le feu passe au vert, lui indiquant qu'elle peut démarrer. Les pneus crissent, le drapeau à carreaux noir et blanc descend pour simuler une vraie course et elle part sur les chapeaux de roues. Cette sensation de fendre l'air, d'être connecté à la terre et à l'air, ses deux éléments qui façonnent (ou plutôt façonnaient) ses pouvoirs, est tellement exaltant, grisant, enivrant, excitant… La vitesse, l'inertie, l'énergie cinétique : autant de concepts de physique qui échappent à cette femme qui n'a jamais terminé le lycée mais qu'elle comprend et maîtrise instinctivement. Un tour de piste. Deux tours. Puis tout capote. Elle ne ressent brusquement plus la présence de Michiru. Elle perd sa concentration et quitte la piste. Elle fait un énorme tonneau et finit dans les rangées de pneus prévues pour arrêter les bolides qui ont un accident de ce genre. L'équipe de secours, son coach et Amara accourent et lui font signe de sortir car le moteur fume et la voiture pourrait prendre feu et/ou exploser. Haruka essaie désespérément de sortir mais la porte ne bouge pas d'un millimètre car beaucoup trop cabossée. Elle tape de toutes ses forces, hurle et essaie de casser la vitre mais n'en a pas la force car son épaule est déboîtée. Elle voit bien la fumée mais que peut-elle faire ?

Son sceptre. Mais bien sûr ! Elle le fait apparaître et lance son attaque.

« Rising Air Blades ! »

Rien. Pas même une brise. Cela devait arriver. La voilà condamnée à subir une mort bien cruelle. Alors que des mécaniciens arrivent avec des pieds-de-biche, le moteur prend feu. Ils sont obligés de reculer et de partir en courant. Il est trop tard. Ils ne peuvent plus rien faire.

La voiture explose.

« Michiru… »

Quand tout semble perdu et que l'explosion semble vouloir l'engouffrer, son talisman se désintègre pour devenir une terre brune qui prend la forme d'une sphère maintenue en place par de violentes bourrasques de vent qui fait barrage aux flammes et aux combustibles. Son sceptre apparaît également et disparaît dans la bulle pour la renforcer. Mini Uranus apparaît.

« La course ne s'arrête pas là.

- Très drôle. »

Elles se toisent, les bras croisés.

« Tu te rends compte ce que va me coûter ton petit test ?

- Oh, je n'ai pas causé l'accident. Michiru a vraiment disparu.

- Quoi ? »

Haruka se déchaîne alors sur la porte et tape jusqu'à ensanglanter ses poings.

« Uranus's Scepter ! Rising Air Blades ! »

« Uranus Goddess Power, Make Up ! »

« Uranus Planet Power, Make Up ! »

« World Shaking ! »

« Space Sword Blaster ! »

Telle une Sailor Moon essayant de se transformer en Super Sailor Moon après avoir stupidement remis le Moon Chalice à Mistress 9, elle hurle et pleure en enchaînant ses différentes formules de transformation et ses attaques. Rien n'y fait.

« Michiru ! Michiru ! Michiru ! »

La voilà la formule magique qui réveille en elle cette étincelle qui lui manquait. La protection élémentale autour de la voiture rejoint ses mains, lui donnant ainsi la faculté de créer un écran de terre alors que de puissantes lames d'air tranchent la porte en morceaux. Elle saute à l'extérieur de la voiture, protégée encore quelques secondes puis ses pouvoirs regagnent son corps et elle se retrouve projetée loin du véhicule par un retour de flammes. Elle atterrit face contre terre mais continue à ramper en répétant le nom de sa compagne. Cette litanie lui permet de puiser dans ses dernières forces pour avancer sans pour autant savoir où aller car sans l'autre moitié de son âme, elle est totalement perdue.

C'est alors que brusquement, elle sent à nouveau sa présence.

« Bon, ça va alors… »

Et, comme il y a deux mois lors du combat contre Nemo, elle sombre dans l'inconscience.

Elle rencontre alors Mini Uranus de nouveau.

« Tu ne m'en veux pas trop ?

- C'était nécessaire pour retrouver mes pouvoirs.

- Oh tu n'as pas encore retrouvé tes pouvoirs.

- Évidemment.

-Toutefois, leur évolution est entamée et prendra bientôt fin. Vous allez aimer ce que vous allez redécouvrir. Vous allez vous rappeler ce que c'est que d'être une Senshi. Un véritable retour aux sources.

- Laisse-moi deviner… continue Haruka. Mais avant cela, de terribles épreuves nous attendent. C'est pour ça que nos artéfacts sont presque tous déchargés.

- En effet. Tout comme Michiru, on ne te la fait pas. Alors, j'ai été très vilaine et j'ai utilisé le test de Michiru et sa disparition momentanée pour te tester car au fond de toi, tu savais pertinemment que tu ne mourrais pas dans cette voiture. Michiru et ta famille étendue sont ta pus grande force. Pour beaucoup, elle serait également une faiblesse mais ton jugement n'est jamais embué par ton amour pour elle et pour Setsuna et Hotaru. Tu n'as jamais hésité à te sacrifier ou à vous sacrifier pour accomplir votre mission mais tu as aussi su déplacer des montagnes pour toucher la main de Michiru avant de mourir sous les coups de Sailor Galaxia. Tu es une somme de contradictions et pourtant, ça fonctionne.

- En effet. Et maintenant, il va se passer quoi ?

- Tu vas te réveiller parce qu'Amara te fait du bouche-à-bouche et elle va bientôt tenter de mettre la langue. Ne change pas. »

Haruka ouvre brusquement les yeux et roule sur le côté avant de se recroqueviller en position fœtale.

« Michiru va la tuer… »

Un frisson lui remonte sur l'échine.

« Pourquoi j'ai un chewing-gum dans la bouche ? »

oOo

Elle ne peut pas s'en empêcher. C'est plus fort qu'elle. Elle a beau prier et méditer et enseigner la méditation, elle ne parvient plus à garder son calme. Même le fait d'avoir enfin un amour réciproque pour cette belle jeune femme blonde ne l'aide pas à se calmer ou à voir les choses de façon positive. Le père d'Ami, ancien alcoolique, lui a déjà fait remarquer qu'on ne peut pas réparer l'intérieur avec l'extérieur. Peu importe que l'on ait de l'argent, de l'amour ou du prestige, si l'intérieur, si l'esprit n'est pas en accord, tout va mal. Et c'est exactement ce qui lui arrive. Elle s'emporte, cogne contre les murs et plante ses ongles dans son avant-bras dès qu'elle n'arrive pas à faire quelque chose. Elle a d'ailleurs appris à les cacher en permanence en ne portant que des manches longues.

Kunio parle du singe sur l'épaule, représentation de la dépendance mais qui, par extension, peut représenter un fardeau que l'on porte sur ses épaules. Et celui de Rei pèse lourd sur ses épaules devenues frêles après plus de deux mois sans ses pouvoirs de Senshi et de divination.

Même lorsqu'elle médite, parfois pendant plus d'une heure, elle ne parvient pas à faire taire la petite voix dans sa tête qui lui susurre qu'elle n'est qu'une bonne à rien qui n'arrivera jamais à quoi que ce soit dans la vie. Elle a raté sa chance de devenir chanteuse. Elle a abandonné ses études. La survie de son temple dépend des cours qu'elle donne avec ses amies et un seul mois avec des revenus plus maigres et elle devra demander une aide financière plus importante à cette personne qu'elle méprise au plus haut point.

Et elle s'acharne. Encore et encore. Et rien ne se produit. Elle met un coup de poing et un coup de pied dans l'autel du feu sacré. Excédée, elle part chercher une bassine d'eau et la jette sur le feu, bien décidée à éteindre ce feu qui brûle depuis qu'elle a été traîné par la peau du cou par son père et qu'elle a commencé à étudier pour devenir miko. Elle jette l'eau sur le feu qui réagit comme s'il s'agissait d'un feu électrique. Les flammes grandissent, se propagent à une vitesse folle et l'engouffrent.

Elle se protège le visage de ses bras et ferme les yeux. Il n'y a aucun doute, elle a peur de cet élément qui définit une bonne partie de son identité et il semble vouloir le lui faire payer. Pourtant, les flammes ne la brûlent pas. Elle rouvre les yeux et remarque qu'une colonne de feu l'entoure.

« C'est l'épreuve du feu, Rei, déclare une voix qui semble être chibi Mars. Au propre comme au figuré. Prouve-moi que tu as encore confiance en toi, en tes pouvoirs et envers ta destinée. Traverse le feu avant que le temple tout entier ne brule et toi avec. »

Rei s'accroupit et couvre sa tête de ses mains et de ses avant-bras. La chaleur est suffocante. Elle se doute bien que tout ceci n'est probablement pas vrai mais pourtant, elle ressent bien la chaleur étouffante de l'incendie et la fumée qui rentre dans ses poumons. Peut-on mourir d'un incendie psychosomatique ? Probablement. Ce ne serait pas la chose la plus folle qu'elle a vécue au cours de sa vie, ni même au cours des dernières vingt-quatre heures. Ajoutons à cela une crise de panique qui accroît son incapacité à respirer et vous obtenez une Rei incapable de bouger et terrorisée par un élément qui devrait pourtant faire partie intégrante d'elle-même. Pour arranger les choses, son sceptre et sa lance apparaissent et traversent les flammes, la laissant réellement sans aucun pouvoir ni aucune chance de les récupérer.

« Je vais t'apprendre à mettre le feu à mon appartement, sale pyromane. »

Bien sûr, dans ces moments-là, ses erreurs passées, ou ce qu'elle voit comme des erreurs lui ayant coûté sa relation avec son père, lui reviennent en pleine figure.

« Vas-y puisque tu l'aimes tant ce temple. Je ne veux plus te voir chez moi. Tu voulais un deuxième enfant, papa ? Félicitations ! C'est une fille ! Elle ne te décevra pas, elle adore le feu. Elle vient de réduire mon appartement en cendre. »

Ce jour fatidique qui, même s'il fut très douloureux, a changé sa vie dans le bon sens.

« Je suis désolée, mais monsieur le ministre ne prend d'appel. »

Même pour sa fille souhaitant l'inviter à son dixième anniversaire.

« Je vous aiderai financièrement. Mais tu mangeras avec moi une fois par semaine dans de grands restaurants. J'avertirai les tabloïds et les paparazzi pour qu'on nous voit ensemble. Donnant donnant. J'ai besoin de bonnes ondes si je veux devenir premier ministre. »

C'est ce jour-là que les crises de panique ont commencé. Il lui semble d'ailleurs voir sa silhouette à travers les flammes, les bras croisés sur le torse, alors que la crise s'intensifie et qu'elle sent sa gorge se serrer encore plus. Elle se met à pleurer et à hurler à l'aide.

« Aide-moi, je t'en prie, supplie-t-elle en tendant le bras vers la forme vaguement humaine, une description qui sied si bien son père. »

C'est alors qu'elle voit une autre forme aux cheveux longs.

« Écoute-moi bien et fais ce que je te dis. Fais-moi confiance ou fais semblant mais fais-le. Respire mais avec ton abdomen. Je faisais toujours des crises de panique à cause de mon mari et c'est la première étape pour les calmer. »

Ce n'est donc pas Minako. Elle se plaint qu'elle ne peut pas respirer mais la voix insiste fermement mais avec bienveillance.

« Touche quatre choses présentes dans la pièce. »

À travers les sanglots et malgré la sensation d'étouffement, elle touche son visage mouillé de larmes, son haut blanc, le sol et le coussin qu'elle utilise pour protéger ses genoux.

« Bien, maintenant énonce trois choses que tu entends.

- Le bruit des flammes… Votre voix… Ma respiration…

- Deux choses que tu sens.

- Mon parfum… L'odeur du feu… »

Elle parvient déjà mieux à articuler et à faire des bouts de phrases plus longs.

« Une chose que tu peux goûter.

- La peur. »

La silhouette traverse alors les flammes alors que celle de son père disparaît. Rei pleure à chaudes larmes quand elle voit sa mère apparaître devant elle et la serrer dans ses bras alors qu'elle hurle sa peine.

« Maman… »

Elle a pu reprendre le contrôle de son corps et se mettre à genoux pour se jeter dans ses bras.

« Maman, qu'est-ce qui m'arrive ?

- Des choses folles que je n'aurais jamais pu imaginer pour toi. Mais aussi de très belles choses, non ? De l'amour, des amis, un grand-père un peu pervers prêt à tout pour ton bonheur quand il arrête de reluquer les femmes…

- Pourquoi je suis comme ça, pourquoi je n'arrive plus à contrôler mes émotions ?

- Contrôler ses émotions est un mythe, Rei. C'est en voulant avoir tout pouvoir sur elles qu'elles s'emballent et tentent d'avoir raison de nous. Et bien souvent, elles y arrivent, surtout quand on cherche à contrôler tout et tout le monde. Donne-leur une maladie incurable comme la mienne et elles auront raison de toi. »

Elle relève le menton de Rei de sa main pour la regarder dans les yeux.

« Ce petit exercice que je t'ai fait faire, je le faisais souvent quand je vivais avec ton père. On ne contrôle pas ses émotions mais on peut contrôler notre réaction. Et c'est exactement ce que tu viens de faire, pour la première fois depuis deux mois. Et maintenant, si tu es honnête avec elle, tu auras Minako pour t'y aider. Montre-lui tes bras et fais-lui part de tes doutes sur la pureté nécessaire pour la divination si vous veniez à avoir des rapports sexuels. Tu ne peux pas, ou plus, vivre en refoulant ce que tu ressens. Hurle après ton père, découvre l'extase avec Minako, éclate de rire quand tu médites et vois des saucisses en train de griller dans le feu, roule-toi dans la neige qui commence à tomber. Et surtout, brave ses flammes et découvre tout le pouvoir qui dort encore en toi. Fais tout ce que je n'ai pas pu faire quand je suis tombée malade. Mais ne le fais pas pour moi ni pour qui que ce soit d'autre. Fais-le pour toi. »

Elle acquiesce silencieusement et se serre plus fort contre sa mère.

« Je t'aime, Rei. Laisse le feu ardent dans ton cœur brûler au grand jour. Il ne te consumera pas et jamais se s'éteindra tant que tu resteras toi-même, sarcastique, moqueuse, opiniâtre mais courageuse, vertueuse, bienveillante et pleine d'amour. Je te promets le meilleur et ce, malgré les épreuves. »

Elle fait un petit signe sur son front, une rune protectrice, comme elle le faisait avant sa mort, puis elle embrasse son front tout en disparaissent lentement sous formes de volutes de fumées blanches.

Rei se relève. Elle serre les poings et s'approche du feu. Alors qu'elle le traverse, une aura rougeoyante l'entoure et elle hurle à la mort comme un loup. Derrière la colonne de feu, son sceptre et on artéfact l'attendent et se désintègrent lentement pour devenir une flamme ardente qui rejoint son corps.

Chibi Mars apparaît.

« Bravo. Le chemin fut difficile mais te revoilà. Tu es la somme de tes échecs et de tes succès. Et ce que tu viens d'accomplir est un énorme succès qui a su se nourrir de ses échecs. N'aie pas peur de l'amour, sous toutes ses formes. Donne sans rien attendre en retour et tu recevras plus que tu n'aurais jamais pu l'espérer. Tu trouveras les réponses à tes dernières interrogations si tu ne te prives pas de toute l'ampleur de l'amour maladroit qui te sera donné. »

C'est pour le moins cryptique mais elle est confiante qu'elle obtiendra les réponses dont elle a besoin le moment venu. Elle touche alors l'autel, comme pour s'excuser d'avoir voulu éteindre le feu et reçoit une prémonition si puissante et si intense qu'elle en frisonne. De plaisir.

« Oh, ça, j'aime. J'adore même. »

Elle quitte la pièce pour aller accueillir le groupe de méditation, sereine et apaisée pour la première fois depuis deux mois et avec un sourire d'une oreille à l'autre sur le visage. Elle croise Minako qui part au travail dans le couloir et l'attrape à la taille et l'embrasse fougueusement en inclinant son corps comme si elle dansait un tango avec elle.

Minako ne sait pas quoi répondre.

« Bonne journée à toi aussi, annonce-t-elle en se dirigeant vers la sortie du temple. »

Rei se retourne et lui fait un clin d'œil aguicheur. Elle voit les jambes de Minako flageoler. Elle n'a jamais embrassé quelqu'un de la sorte, et, à en voir cette Minako mal assurée sur ses jambes, c'est une première pour elle aussi.

Satisfaite, elle entame sa journée de travail sous le regard bienveillant de son grand-père.

Dehors, deux plumes noires tombent sur la mangeoire à oiseaux de Phobos et Deimos qui rougeoie comme l'a fait Rei il y a quelques minutes.

« Masato, tu crois que c'est ici ?

- Je pense, répond Andy. On cherche le temple Hino. Il y a marqué "Temple Hino" à l'entrée. Je pense qu'on y est.

- Oh, ça va. »

Les deux ingénieurs du son sont à bouts de nerfs et de force. Malheureusement pour eux, Minako vient de partir au travail. Ils l'ont manquée de peu, leur apprend Yuuichirou qui est en train de balayer la cour, une tâche qu'il semble tenter d'accomplir sans jamais la terminer depuis son emménagement dans le temple il y a plus de dix ans.

« On repassera. »

Ils s'en vont, dépités. Rei les aperçoit et ressent une étrange sensation… Qui disparaît avec eux.

« J'espère que ce ne sont pas de nouveaux généraux… Peut-être que Sailor Moon devrait les irradier par sécurité comme elle l'a fait avec Ikuko quand elle aura retrouvé ses pouvoirs. »

Elle ne pourrait pas se tromper davantage. Toutefois, elle tourne brusquement les talons et se sent irrémédiablement attirée vers la mangeoire, guidée par des croassements lointains. Une fois devant, elle croit voir ses deux corbeaux mais ce n'est que son imagination. Toutefois, elle remarque quelque chose dans la mangeoire qui n'était pas là avant. Alors qu'elle tente de s'approcher, des centaines de sceaux recouvrent le piédestal et la mangeoire. Elle tente de toucher le petit édifice et tous les sceaux se consument, révélant un plus grand sceau à l'intérieur de l'alcôve qui semble avoir traversé les âges. Elle le touche, hésitante, et il tombe en poussière.

« Ok, merci de m'avoir fait perdre mon temps. »

Alors qu'elle prononce ses mots, le tas de poussière, qui est en fait un tas de cendres, est soulevé par une énorme bourrasque et les volutes formées tournent autour de Rei avant de devenir un nouveau sceau dont le texte calligraphié épèle « 至高 » (shikou), le mot japonais signifiant entre autres « suprême ». Après quoi, il disparaît en elle.

« Rei Hino, le meuble de rangement mystique. »

Elle entend alors à nouveau le coassement des corbeaux. Tout arrive pour une raison. Il n'y pas de hasard. Davantage lui en sera révélé très bientôt.

oOo

Il faut reprendre une vie normale, hein ? Alors, elle va reprendre une vie normale. Éviter le stress ? Motoki va servir en salle plus souvent. Les filles l'adorent. Les femmes encore plus. Si ça met en péril son mariage, c'est pas grave. Il faut suivre les conseils de ce docteur misogyne, non ?

Faire des choses qu'elles aiment ? Pas de problème. Elle sort un saladier, casse trois œufs et les bat avec du sucre au batteur pendant que son beurre fond au bain-marie. Elle bat probablement un peu fort car le plan de travail en métal est couvert de gouttelettes de pâte et son début de préparation de madeleines a déjà blanchi depuis longtemps. Les larmes qui coulent dans la pâte ajoutent quelques notes de sel…

« De quel droit il insinue que je suis folle, que c'est dans ma tête ? »

Kunio a beau l'avoir rassuré et lui avoir redonné un peu de confiance en elle, elle ne peut s'empêcher d'entendre les paroles du docteur Kurokawa.

« Quel imbécile ! Vieux machiste rétrograde ! »

Comme on pourrait s'y attendre, elle envoie le saladier s'écraser avec un grand bruit métallique contre le mur sur lequel sont peints des plantes grimpantes afin d'avoir une présence végétale autre que les quelques herbes aromatiques présentes tout en respectant les réglementations en matière d'hygiène. Elle envoie également par terre tout ce qui se trouve devant elle, renverse toutes les dessertes et tout ce qui lui passe sous la main. Avant ses soucis de santé, elle n'aurait eu aucun mal à renverser l'ilot de cuisine sur roulettes… En vérité, elle en serait tout à fait capable maintenant mais un mélange de peur, de manque de confiance en ses capacités de géant vert et une anticipation des frais de remplacement l'empêchent de le faire, renforçant son impression d'être faible et démunie, exactement comme après ce combat contre un daimon qui l'avait amenée à aller s'entraîner auprès d'un moine dans la montagne. Elle y repense en se disant que cela avait bien fonctionné et qu'elle devrait peut-être retourner aux sources et également, qu'à l'époque, elle était l'une des seules avec les Outer Senshi à avoir réussi à vaincre un daimon sans l'intervention de Sailor Moon.

Alors qu'elle repense à cette montagne, elle perd doucement connaissance et tombe sur le sol. Les plantes peintes deviennent réelles quelques instants et quittent le mur pour aller amortir sa chute alors qu'un violent coup de tonnerre retentit et que le temps tourne à l'orage en plein mois de décembre. Partout ailleurs, il commence à neiger mais le quartier où se trouve le Crown's Jewels subit les affres d'une véritable tempête tropicale.

Quand la foudre s'abat sur le salon de thé, elle se redresse brusquement en aspirant tout l'air qu'elle peut comme si son cœur s'était arrêté et qu'un défibrillateur l'avait ramenée à la vie. Dans une clairière au milieu d'une forêt au centre de laquelle trône cet énorme chêne.

« Bonjour, Sailor Jupiter, entame l'arbre.

- Appelez-moi Mako. Je ne suis plus Sailor Jupiter. Je ne suis même plus vraiment Mako Kino.

- Ça ne fait aucun doute. Tu vois les branches mortes et les parasites qui grouillent à l'intérieur de moi ? Je suis en train de mourir et tu es la seule qui peut me sauver. Mako Kino ou Sailor Jupiter, peu importe. Aide-moi. Je t'en prie. »

Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un test de sa foi en elle et en ses pouvoirs mais surtout d'un défi. S'il y a quelque chose qu'elle n'a pas perdu, c'est la main verte. Elle scanne la zone et remarque quelques arbrisseaux connus pour attirer et résister aux parasites. Elle utilise sa grande force pour en déraciner quelques-uns et les replanter autour de l'arbre mourant. Entendant une petite rivière, elle part chercher de l'eau qu'elle ramène tant bien que mal et mélange des plantes qu'elle trouve dans la clairière dont elle fait une sorte de pâte qu'elle dispose autour de l'arbre et applique sur celui-ci comme des cataplasmes. Toutefois, il lui faudrait faire le tour de l'arbre et il est gigantesque, probablement plusieurs fois millénaire. Il lui semble rester des jours, des mois, peut-être des années dans cet endroit où les jours, les nuits et les saisons passent inlassablement, réglées comme du papier à musique. Le pourrissement ralentit et les parasites quittent l'arbre. Mais que faire face à un arbre infecté et probablement condamné ? Elle n'a jamais vu un arbre dont l'intérieur se décompose recouvrer la santé. On ne peut pas vraiment remplacer une valve du cœur d'un arbre ou lui donner un antibiotique à spectre large… Et on ne peut évidemment pas lui dire que c'est psychosomatique.

Habituée des miracles, elle essaie tout de même tout ce à quoi elle peut penser, allant même jusqu'à pratiquer la méditation pleine conscience avec l'arbre. Atteignant enfin une certaine sérénité après de longues années passées dans cette forêt, elle constate avec effroi que la courbe a commencé à s'inverser et que l'arbre est en train de perdre la bataille. Triste et désemparée, elle s'acharne.

Et, un beau jour, sans prévenir, son foudre et son sceptre apparaissent.

« Tu les veux ? C'est pas comme si je pouvais les utiliser ? Ils t'aideront peut-être à guérir. »

Il accepte et elle les remet à l'arbre dans lequel ils disparaissent.

« Tu ne me fais pas le coup de Mistress 9, hein ? »

Le chêne éclate de rire.

« Même si je le faisais, je n'irais pas bien loin. Je suis enraciné à ces terres et mon hégémonie s'étendrait aux créatures de la forêt… Je ne vais pas lever une armée d'écureuils ou de moineaux. Espérons que les bienfaits seront mutuels. »

Mako est bien d'accord. Tentons le tout pour le tout. Elle a au moins pu réaliser qu'elle était plus forte physiquement et mentalement qu'elle ne voulait se le faire croire. Son corps résiste, sa force physique est là et, malgré l'inévitable conclusion qui se profile, elle n'a pas refait de crises de panique. Peut-être que l'absence de responsabilités y est pour quelque chose. Elle n'a besoin de s'occuper que d'elle et de cet arbre majestueux.

Elle remarque avec le temps que l'introduction de ses pouvoirs a créé des plantes grimpantes autour de l'arbre qui agissent en symbiose sans le parasiter. Pendant quelques temps, les parties noires et putréfiées semblent tomber et être remplacés par de nouvelles cellules saines.

Jusqu'à ce jour d'orage où la foudre tombe brusquement sur l'arbre qui prend feu et brûle, se consumant sans qu'elle puisse faire quoi que ce soit. Détruit par son propre élément. Probablement parce que la foudre a attiré la foudre. Tout est de sa faute. Elle a beau ramener des sceaux d'eau de la rivière, c'est comme vouloir vider une piscine avec une cuillère à café.

Tout est de sa faute. Elle tombe à genoux et frappe le sol de rage, une action qui devient de plus en plus fréquente dans leur groupe. Toute à sa frustration, elle ne partage pas les derniers instants de l'arbre avant qu'il soit réduit en cendres. Lorsqu'elle s'en rend compte, il est déjà trop tard. Elle se rend au centre des résidus fumants et pleure, comme beaucoup de ses amis aujourd'hui, à chaudes larmes. Celles-ci viennent mouiller les cendres et elle entend alors un gémissement plaintif.

« Hé ! Tu me marches dessus ! »

Elle recule brusquement et voit une pousse de chêne pointer.

« Le roseau plie mais ne rompt pas. Même le plus solide des murs se brisera sous les coups de marteau mais il est toujours possible de repartir de zéro, plus forte et plus sûre de soi que jamais. Sailor Jupiter, Mako Kino, je te félicite. Tu t'es défendue comme un beau diable, tu n'as pas hésité à mettre en jeu tes pouvoirs pour protéger un être sans aucune assurance du résultat. Et tu as réussi.

- Mais tu es si petit et si fragile. Comment vas-tu résister avec mes pouvoirs en toi qui vont attirer la foudre ?

- Comment as-tu résisté, sans pouvoirs, avec des maux si profonds que tu ne pouvais parfois plus respirer ni bouger. Nous sommes pareils. Et je t'avais dit que la guérison serait mutuelle. Regarde. »

Les branches de la pousse grandissent et circulent jusqu'à Mako. Elles sont faites d'électricité et entourent son corps avant de disparaitre complètement en elles.

« Par bien des égards, tu es cette pousse que je suis devenue. Tu as en toi toute ta sagesse passée et une force incroyable, bien au-delà de la simple force physique. Te voilà redevenue toi-même, et pourtant, une nouvelle femme. On dit que nos cellules se régénèrent tous les sept ans et que, par bien des aspects, après ces sept années, nous sommes physiquement une nouvelle personne. L'extérieur peut changer, l'intérieur peut stagner, voire régresser, mais un beau jour, une explosion se produit. On y laisse des plumes, des branches, son corps tout entier, mais tant qu'il reste une étincelle, on peut renaître. Et c'est ce que tu as fait. Sois fière. La route est encore semée d'embûches et tu n'es pas encore sortie de tes crises de panique, mais parle-en à Rei, elle en sait beaucoup sur le sujet. Et bientôt, tu redécouvriras une Sailor Jupiter 2.0 qui te plaira, je te l'assure. »

Mini Jupiter apparaît.

« Je n'aurais pas su dire mieux. »

Elle flotte jusqu'à la jeune femme et pose sa petite main sur son cœur.

« Un cœur d'or. Un cœur de lionne. Un cœur débordant d'amour. Tout ira bien. Fais-toi confiance. »

Elle disparaît à son tour pour rejoindre son alter ego qui se réveille alors doucement, la tête posée sur les genoux de Motoki.

« J'ai fermé boutique. Mini Jupiter m'a dit que tout allait bien, que ma présence te serait bénéfique. Alors, je me suis installé là et j'ai attendu.

- Combien de temps ? Le carrelage est froid, tu dois être frigorifié. »

Elle lève les yeux vers son visage au-dessus du sien. Il ne dit rien. Elle regarde sa montre et voit qu'il est seize heures. Cela fait six heures qu'il est là, sans bouger, assis en tailleur. Motoki, c'est de l'amour à l'état pur.

Mako se relève doucement, reposée, calme et heureuse. Motoki essaie d'en faire autant mais tombe sur le côté.

« Mes jambes sont trop engourdies. Viens t'allonger avec moi. »

Après tout, le Crown's Jewels est fermée. Ce ne sera la chose la plus folle qu'elle a fait aujourd'hui, un aujourd'hui qui semble avoir duré des années. Elle s'allonge à ses côtés et attend que la sensation revienne dans ses jambes.

« Tu as faim ?

- Je suis affamé.

- Il va pleuvoir. »

L'un des seuls meubles qu'elle n'avait pas renversé dans sa rage est l'ilot de cuisine sur lequel elle avait préparé des ingrédients pour ses madeleines. Elle met un coup de dedans et les copeaux de chocolat blanc, noir et au lait qu'elle avait fait leur tombe dessus, comme la neige qui commence à tomber dehors. Ils ouvrent la bouche pour en récupérer comme on tenterait d'attraper des flocons et se retrouvent couverts de cette drôle de poudreuse pour le moins délicieuse.

« Je t'aime tellement, Motoki.

- Moi aussi, je m'aime, Mako. »

Elle lui met un coup de poing dans l'épaule.

« Tu as retrouvé ta force, dis-moi. »

Elle sourit. Il la regarde tendrement, prêt à lui dire un de ces mots doux dont il a le secret.

« Garde pas tout le chocolat blanc pour toi, je t'ai vu. »

Elle attrape des copeaux et les lui écrase sur le visage.

« Monsieur est servi. »

Ils éclatent de rire. Tout va bien, pour la première depuis la reprise de leurs combats. Elle ne sait de quoi demain ou même les prochaines minutes seront faites, mais pour le moment, tout va bien et ce sentiment de plénitude qui l'envahit, c'est vraiment ça, le bonheur.

oOo

De retour après avoir appris à Hotaru que ce n'est pas bien de mentir, Setsuna se rend dans son laboratoire et remarque qu'une partie du big bang qu'elles ont créé s'est échappé et a happé une bonne partie de la réalité de son laboratoire. Jamais auparavant le retour au présent n'avait été aussi loin. Elle s'en veut d'être partie « s'amuser » comme elle l'a fait. Comment pourra-t-elle jamais réaliser les démarches pour adopter Hotaru si elle ne peut s'éloigner plus de quelques heures du sous-sol de leur maison ? Même si leurs pouvoirs leur reviennent, elle devra continuer peut-être toute sa vie à créer une succession de paradoxes temporels.

Alors qu'elle lance son attaque, elle souhaite de toute ses forces que ce simulacre prenne fin. Son artéfact s'emballe et ramène non seulement le big bang dans le temps mais aussi lui-même, redevenant le sceptre en forme de clé orné du Garnet Rod qu'il était avant l'attaque de Chimaera. Un objet incapable de revenir dans le temps. Capable de l'arrêter, certes, mais seulement quelques minutes et, elle le sait sans le savoir, au prix de sa vie si elle s'y risque à nouveau.

Il lui faut alors agir très vite. Le seul endroit où l'espace-temps est suffisamment déformé pour reproduire ce qu'elle peine à faire depuis deux mois, c'est là-bas. Elle attrape l'une des clés de l'espace-temps qu'elle garde toujours sur sa personne et se téléporte jusqu'à la porte qu'elle gardait du temps du clan des Black Moon. Ou tout du moins, elle entame la route et, comme Usagi et ses amis à l'époque, se perd en route dans cette brume blanche à perte de vue.

« En même temps, ça devait arriver. On se croirait dans un clip vidéo des années 80. Elle est où Bonnie Tyler ? »

Au moins, l'effet escompté s'est produit et le Garnet Rod ne s'emballe plus. Une partie d'elle est soulagée à l'idée de ne pas se retrouver devant la porte de la tristesse et de l'isolement. Il lui faudra probablement rester ici pour l'éternité mais quelque chose lui murmure à l'oreille que, d'une manière ou d'une autre, ses jours finiront toujours par la (re)conduire ici. Et que si ce n'est pas le cas, la prison de son esprit solitaire le fera pour elle. Les larmes lui montent aux yeux et elle chasse l'idée en tapant ses joues de ses mains pour retrouver sa contenance.

C'est alors qu'elle aperçoit une silhouette encapuchonnée de petite taille. Elle semble prise dans une boucle et fuir en revenant toujours à son point de départ sans même se rendre compte de quoi que ce soit. Setsuna s'approche d'elle tout en gardant une certaine distance afin de ne pas entrer dans la distorsion. Elle ne souhaite pas revivre le jour le plus long 15 000 fois. Elle détache son talisman du manche en forme de clé et le fait rayonner. La boucle temporelle se brise comme si elle était faite de verre et la jeune personne retrouve le contrôle.

« Tout va bien ? »

La personne acquiesce mais ne prononce pas un mot, refusant de lever la tête et de montrer von visage. Elle pointe néanmoins un endroit au loin où semble avoir lieu une bataille.

« Tu n'es pas bien bavard. »

La personne fait « non » de la tête.

« Bavarde ? »

La personne acquiesce.

« Est-ce que tu es… »

La jeune fille met un doigt sur sa bouche pour mimer un « chut » et montre à nouveau l'endroit. Elles s'y rendent en courant et elle voit une adulte aux prises avec un être ressemblant à Wiseman. Suppliant son artéfact d'avoir assez d'énergie, elle lance son ancienne attaque.

« Dead Scream ! »

La pâle copie de Wiseman disparaît en hurlant, ne laissant qu'un squelette qui tombe en poussière. Elle aide la jeune femme à se relever mais elle aussi refuse de révéler son identité. Vêtue également d'une cape cachant son visage, elle indique un troisième endroit : la porte de l'espace-temps. Prise de sueurs froides, Setsuna a un mouvement de recul mais les deux filles la prennent par la main et la tirent sans lui demander son avis, comme pour lui dire que tout ira bien. Arrivées devant, Setsuna voit une troisième femme d'âge adulte… Se pourrait-il que… Ayant des pouvoirs agissant sur le temps et l'espace, elles pourraient avoir atterris ici pour échapper à la mort. Après tout ce qu'elles ont vécu, rien n'est impossible.

Il lui faut toutefois aider cette personne qui se tient appuyée contre la porte, incapable de bouger. Une énorme décharge d'énergie perce alors le brouillard pour s'abattre sur la porte et la jeune femme en détresse. Setsuna se téléporte rapidement pour couvrir la distance restante et déchaîne toute la force de son talisman pour contrer l'assaut qui semble inépuisable. Il est dur de dire s'il vise la porte ou la jeune femme mais il aura raison des deux, et maintenant des trois, quand le Garnet Rod sera déchargé d'ici quelques minutes.

Setsuna ne démérite pas mais sent l'énergie s'amenuiser. Elle le tend au-dessus de sa tête et le lâche, le laissant léviter. Il lui suffirait de rouler sur le côté en emmenant la demoiselle en détresse avec elle mais il lui faut s'assurer de mettre hors d'état de nuit cette colonne d'énergie qui pourrait bien fermer définitivement les portes de l'espace-temps. Elle doit agir vite. Elle pousse la jeune femme en dehors du champ de bataille et revient soutenir son artéfact. Elle lui transmet toute la force dont elle dispose et, comme certaines de ses amies, revient aux sources pour se donner du courage.

« Pluto Planet Power, Make Up ! »

Cette courte formule magique lui redonne de l'énergie même si elle ne se transforme pas. Ce n'est toutefois pas suffisant. Il lui faut tenter le tout pour le tout. Elle ouvre la porte et pousse les trois figures encapuchonnées à l'intérieur.

« Survivez ! S'il y a une Sailor Moon dans votre monde, rejoignez-la ! »

Après tout, fermer les couloirs du temps est peut-être une bonne chose. Quand elle va détruire son talisman, c'est ce qui va se passer. Elle frappe la pierre contre la porte jusqu'à ce qu'elle se brise. Le trou noir qui avait commencé à se former dans son laboratoire apparaît et engloutit la porte ainsi l'énergie qui lui tombe dessus comme une chappe de plomb et qui n'est pas sans rappeler celle de Nemo. Mais son répit est de courte durée car elle est aussi happée dans ce puits de noirceur qu'elle lutte pour contenir depuis deux mois.

« C'est peut-être ça ma punition. »

Aucun son ne sort de sa bouche, comme si elle était dans le vide de l'espace. Il lui semble rester là dans ce rien pendant des éons et des éons… Pas besoin de s'assoir, de parler, de manger, de dormir ni même de respirer. C'est comme une sorte de stase. Combien de temps avant qu'elle ne se dissolve dans cette infinité sans consistance, sans saveur, sans forme, sans rien.

Alors qu'elle semble se résigner à devenir tout ou partie de cet ensemble vide, elle aperçoit trois lumières rouges. Rouge grenat. On dirait une constellation en mouvement qui se rapproche d'elle et qui semble illuminer cet espace. On n'est pas censé voir quoi que ce soit dans un trou noir mais pourtant, elle les voit. Toutes les trois.

« Désolée, vous n'avez pas eu le temps de vous échapper. Nous sommes coincées ici. C'était le seul moyen de… »

Les trois figures encapuchonnées sourient, comme satisfaites. Leur bouche est la seule partie visible de leur visage.

« … vous protéger. »

Elle les observe, pleine d'espoir. Qui d'autre pourrait se déplacer dans un trou noir ?

« ChibiUsa ? »

Elles baissent enfin leur capuche alors que la couleur revient dans leur monde et qu'elles se retrouvent à nouveau devant la porte. Les espoirs de Setsuna s'évanouissent quand elle découvre trois itérations d'elle-même à différentes périodes sa vie. Toutes trois transformées, la plus jeune tient le talisman sous sa forme originale. La seconde, adolescente tient le sablier et la troisième a entre les mains une forme indistincte qu'elle ne peut identifier. Cette dernière porte d'ailleurs un costume semble à celui d'Eternal Sailor Moon comme pour lui signifier quelque chose de nouveau et d'inconnu qui aurait pu exister avec des paramètres différents. Un univers des possibles, en somme, pour citer un théorème scientifique et la ramener dans son élément.

« Nous sommes désolées pour notre apparence si semblables aux ChibiUsa. Il semble que ton inconscient nous ait donné la forme que tu souhaitais voir tout en sachant que c'était impossible.

- Je vois. Pour en faire mon deuil et cesser de chasser des chimères.

- Te souviens-tu d'avoir senti leur mort quand tu subissais ta punition ?

- Je n'ai aucun souvenir de ma punition.

- Et maintenant ? »

La plus jeune s'approche et le symbole de Pluton apparaît sur son front. Comme l'avait fait Luna pour Usagi lors de l'attaque d'Ail et An, elle lui rend ses souvenirs. Comme Usagi, des larmes silencieuses coulent sur ses joues. Quelle cruelle ironie de se trouver face à cette porte devant laquelle elle devra revenir camper pour l'éternité dès que leur combat sera terminé !

« Est-ce que tu es triste ?

- Non. Résignée. Pourquoi m'avoir rendu mes souvenirs ? Je ne suis pas censée me souvenir de ces mille ans.

- Tu les oublieras quand tu auras choisi laquelle d'entre nous tu veux devenir. Nous représentons trois évolutions de tes pouvoirs. Un maintien du status quo dans lequel tu devras créer des paradoxes temporels jusqu'à ce que tu reviennes ici pour purger ta peine dans neuf mois. »

- Soit le temps que prend généralement une adoption… Ce qui veut dire qu'elle ne sera pas sitôt sa fille que je devrais la quitter.

- Deuxième option : régresser au Garnet Rod. Tu reviendras à quelque chose que tu connais mais tu devras faire évoluer très vite tes pouvoirs, sans quoi tu devras revenir ici pour éviter la destruction de ton monde quand ton talisman implosera en créant un trou noir. Ou une troisième solution. Tes pouvoirs entreront en gestation et, quand ils te reviendront, tu pourras contenir le big bang. »

Setsuna, rarement impulsive, s'apprête à annoncer son choix sans hésiter.

« Une chose avant de prendre ta décision : la mise en gestation de tes pouvoirs signifie que, comme toutes tes amies, tu n'auras plus de pouvoirs pendant encore quelques jours. Tous les artéfacts des autres Outer Senshi sont eux aussi en gestation et sont de toute façon déchargés. Idem pour les Inner Senshi. Si tu choisis l'option 1 ou 2, tu récupèreras tes pouvoirs de suite et tu pourras te battre lors du…

- Oh, je vois. Lors du grand combat de la mort qui tue auquel nous devrons faire face sans pouvoirs et durant lesquels nos pouvoirs devraient se réveiller.

- Ou pas. Tu pourrais être le seul rempart face à une morte certaine. Les pouvoirs retrouvés de Tuxedo Kamen ont peu de chances de suffire. »

En effet. Entrée dans le secret des dieux, elle sait maintenant que c'est lui qui détient le Golden Crystal et qu'il a promis à Helios d'attendre le bon moment pour l'utiliser.

« Tu as à présent toutes les données du protocole pour choisir la marche à suivre. »

Comme une bonne scientifique, il lui reste à déterminer la variable. La seule différence est que, même avec des pouvoirs temporels, elle ne peut pas mener les trois expériences de concert pour choisir celles dont le résultat sera le plus favorable pour obtenir les meilleures subventions de son client.

La réponse, qui lui semblait évidente, ne l'est plus. Toutefois, quand elle regarde la nébuleuse rouge que tient son alter ego adulte, elle est comme hypnotisée. C'est comme si cet amas de gaz changeant sans cesse était un univers de possibilités bien au-delà des deux autres options. C'est comme si tout était possible, peut-être même un peu plus de temps… Elle approche sa main tremblante, pleine d'hésitation. Elle repense à tous leurs combats et à ses amis qu'il lui semble voir à ses côtés l'espace d'un instant. Tous ses doutes s'envolent.

« Toutes dans le même bateau. Nos pouvoirs de Saiyans se renforcent dans l'adversité. Et à l'article de la mort. »

Elle touche alors la nébuleuse qui devient son sablier, l'ancienne forme de son talisman et son sceptre. Ils se transforment en un sable rouge grenat qui tourbillonne autour d'elle et disparaît dans son cœur. Les trois Setsuna disparaissent et laissent la place à Chibi Pluto.

« Quel que soit ton choix, il n'y avait pas de piège. Un choix est toujours un choix et ne peut être défait. On peut seulement en faire de nouveaux en espérant qu'ils s'accordent à notre vie actuelle. Et même s'il n'y avait pas de mauvais choix, je suis ravie que tu aies emprunté cette voie. Elle te promet de belles choses et une véritable chance de gagner cette bataille.

- Je vais perdre mes souvenir maintenant ?

- Oui, mais le moment venu, toi et deux autres personnes serez les seules à pouvoir lever le voile de la vérité pour ramener les membres de votre groupe à votre mission.

- Hmmm… D'accord…

- Laisse ton instinct te guider et tu trouveras le chemin vers tes amies. »

À son tour, elle disparaît en Setsuna avec un dernier message.

« La véritable expérience commence maintenant. »

La revoilà dans son laboratoire. Haruka et Michiru sont là.

« Toi aussi ?

- Moi aussi. »

Elles portent toutes les trois la main à leur cœur avec un sourire bienveillant.

« Je ne sais pas quelle forme ils vont prendre mais j'ai un beau pressentiment, annonce Michiru.

- Un retour aux valeurs sûres, continue Haruka.

- Un retour aux sources, mais un renouveau, conclut Setsuna.

- Et des liens plus forts que ceux de la biologie, rajoute Hotaru du haut des escaliers, obtenant ainsi le dernier mot. Je ne fais que passer, je révise chez des amies. J'ai senti que vous aviez vécu la transition vous aussi et je voulais partager ce moment avec vous. Ça m'est arrivé tout à l'heure quand j'ai parlé à mon père. »

Parlé à son père ? Cela veut dire que plus de douze heures se sont écoulées. On aurait pu s'attendre à ce qu'elle revienne au moment exact de son départ mais ces instants n'auraient pas été aussi touchants si elles n'avaient pas pu partager leur expérience en famille…

Hotaru repart aussi rapidement qu'elle est venue sans oublier un « Je t'aime » qui leur réchauffe à toutes un peu plus le cœur.

Michiru prend Setsuna dans ses bras, la prenant au dépourvu.

« J'ai vu toutes vos vies, moins des zones d'ombre pour la tienne qui correspondent à tes punitions. Et je ne sais pas, une voix me dit de te serrer dans mes bras et de ne jamais te lâcher. »

Setsuna est loin d'être contre. Elle a beau avoir oublié ce qui s'est passé à la porte de l'espace-temps, des sensations lui reviennent et cette étreinte la rassure. Elle est de retour chez elle. L'horloge a cependant commencé à décompter les neuf mois qu'il lui reste à vivre sur Terre.

oOo

Dernière mais pas des moindres, Usagi a aussi eu le droit à son lot de surprises. Alors qu'elle se réveille assez tard, elle trouve un mot doux de Mamoru qui la fait rougir. Innocente, oui, mais pas trop. La soirée qui s'annonce va lui rappeler à quel point sa sexualité est à présent épanouie. Puis les souvenirs de la nuit dernière qui n'ont, eux, rien de sexuels, lui reviennent brusquement. Ce n'était donc pas un rêve saugrenu comme celui de Mako quand elle était sur la table d'opération.

« Oh mon dieu… »

Elle vérifie l'écrin près du Stallion Rêve dans lequel elle pose sa broche tous les soirs et constate avec soulagement qu'elle est toujours là.

« Fiou… soupire-t-elle, soulagée. »

Puis il lui vient quelques sueurs froides et elle ouvre le bijou d'une main tremblante. Le Silver Crystal n'est plus dedans.

oOo

Appartement d'Usagi et Mamoru

Dix heures plus tôt

De retour de chez ses parents, Usagi est sous la douche. Il minuit passé mais elle n'arrive pas à dormir.

Chibi Sailor Moon apparaît de but en blanc, ainsi que l'ensemble de ces sceptres et sa broche. Les artéfacts et le Silver Crystal sorti du bijou en forme de phase de la lune disparaissent immédiatement en elles. Il ne reste que la broche qui tombe sur le sol, vidée de tout son pouvoir sans la pierre précieuse. Mini Sailor Moon lui parle alors dans son esprit pour plus d'intimité et parce que les murs ont des oreilles.

« On va laisser tomber l'étape du test de ta foi en ta mission qu'ont passé avec succès chacune de tes amies et ton fiancé. Tes pouvoirs sont en gestation et te reviendront bientôt. Le test dont je parle, tu vas le vivre maintenant, dans quelques minutes. Mets une culotte. Espère le meilleur mais attends-toi au pire. Et mets une culotte. À ce stade, ce ne sont plus les apparences qui sont trompeuses mais le monde lui-même. Tu comprendras tout le moment venu. N'oublie pas de mettre une culotte. Tu me remercieras.

- Pour les informations ou pour la culotte ?

- Oui. »

On sonne alors à la porte.

« Je vais ouvrir ! annonce Mamoru suffisamment fort pour qu'elle l'entende depuis la douche.

- Ok ! Merci, mon amour ! crie-t-elle depuis la salle de bain. »

Mamoru regarde par le judas mais ne voit rien. Sûrement un enfant qui fait une farce. Encore un futur délinquant qui ferait mieux d'étudier pour trouver un bon emploi ! Mamoru prend soudain un coup de vieux en se rendant compte de ce qu'il vient de penser.

« Après tout, j'ai 10 025 ans. J'ai bien le droit d'être un vieux con. »

Toutefois, le spectacle derrière la porte est tout autre. Jadeite, Nephrite, Zoisite et Kunzite se tiennent devant la porte, un genou à terre et la tête baissée.

« Mon prince, vos chevaliers implorent votre clémence pour le mal que nous vous avons causé. Prenez cette épée et abattez-nous si vous le souhaitez mais sachez que nous avons de graves nouvelles à vous annoncer. Un grand cataclysme s'annonce qui pourrait bien détruire le pays. »

oOo

Ce n'était pas un rêve. C'était un cauchemar. Sans aucune possibilité de se réveiller ou de fuir.

À suivre…

Voilà les informations sur la chanson que j'utilise. Il s'agit de la chanson C'est La Vie, utilisée dans la série live Pretty Guardian Sailor Moon :

- Interprète : Komatsu Ayaka

- Paroles : Iwasato Yuuho

- Composition et arrangements : Hirama Akihiko

- Guitare : Imaizumi Hiroshi

- Programmation et autres instruments : Hirama Akihiko

- Chœur : Nishina Kaori

- Ingénieur du son : Sasaki Takashi / Miura Katsuhiro

- Traduction en français depuis l'anglais : Miguel Nochair

Vous pouvez l'écouter ici : watch?v=ib30SyX3QLw

Amara, la designer d'Haruka, est un clin d'œil au nom d'Haruka dans le doublage anglais des années 90.

J'ai trouvé cette description de l'odeur de la mer sur le Web, elle n'est pas de mon fait : . . Je l'ai adaptée et pompée, je l'avoue, car je ne vais pas ou peu à la mer. Je n'aime pas avoir du sable dans la raie des fesses.

Michiru Kaiou ? Michiru Kaioh ? Personnellement, je préfère la deuxième orthographe, que je trouve tellement plus classieuse.

Le passage avec Minako est librement inspiré du peu que je me souviens du Dream Arc du manga où Artemis sauve Minako d'une attaque de langoliers… pardon de remless…

Le passage sur la crise de panique est largement inspiré de l'épisode 15 de la saison 5 de la série The Fosters. J'aurais voulu faire de courts flashbacks mais je préfèrerais faire un double chapitre comme avec Ami une fois que la relation avec son père aura évolué en utilisant la chanson Fire Meet Gasoline de Sia.

L'histoire du chêne rappelle bien sûr l'histoire de l'arbre Mojo dans The Legend of Zelda: Ocarina of Time.

Apparemment, j'écris mal le nom d'un personnage depuis le début. C'est Yuuichirou et non Yuichiro. J'ai fait un copier/remplacer dans ce chapitre mais la mauvaise orthographe apparaîtra encore dans les anciens.

Je me suis aussi trompé pour la porte vers le futur : on dira plutôt la porte de l'espace-temps que le porte du temps et de l'espace. C'est corrigé dans ce chapitre mais pas dans les précédents. Parce que bon, c'est pas la porte des étoiles…

Le passage avec les trois Setsuna était différent au début et elle l'attaquait en utilisant des portails temporels jusqu'à ce qu'elle les perce à jour en fermant les yeux. Mais ça ne me plaisait pas. Il fallait qu'elle les sauve en pensant que c'était les ChibiUsa.

Oui, ce chapitre est fort long mais je voulais vous en donner pour votre patience. Et puis, il fait sens en un bloc, je trouve. Et je me suis également rendu compte qu'avant d'écrire cette fanfiction, Ami était mon personnage préféré, mais maintenant, dix ans plus tard (oui, ça fait dix ans), j'aime autant et inconditionnellement tous les personnages. Je m'en veux de condamner ainsi Setsuna mais son destin tragique avec un sort pire que la mort m'est apparu comme une évidence, un sacrifice pour amorcer un véritable âge d'or de paix sur le plan surnaturel, parce qu'un jour, elles seront le seul rempart contre Donald Trump. Lol.

Miguel NOCHAIR