J'aimerais un tollé d'applaudissements.

J'ai fait pire que tout. J'étais tellement persuadée d'avoir déjà écrit ce texte que je me suis concentrée sur celui de Ship ship ship à l'exclusion de tout autre. Pour me rendre compte, ce matin à dix heures que, non, je n'avais pas écrit pour aujourd'hui.

Bon. Je vous laisse deviner la suite des événements ?

(Et, oui, je pue la joie, je sais)

Sinon, le thème m'avait déjà inspiré des mois auparavant et vous pouvez donc lire l'OS sous le même titre, via mon profil !

Une fois de plus, je le rappelle, mais de cet univers je ne connais que le manga. Et Lafrel m'a fait hurler de bout en bout. Quel gros con ! Il n'a pris que des mauvaises décisions qui les a pratiquement mené à cette situation et a bien failli l'empirer ! Dommage qu'il ne soit pas mort...

Selon les pays, les cultures, etc, les fleurs n'ont pas toutes le même sens. J'ai choisi de m'appuyer du site Gerbeaud et de leur liste, donc tout le monde ne sera pas forcément d'accord.

Je suis moi-même extrêmement myope donc je me base sur mon expérience pour Jehd. Désolée mon gars, ton monde est constitué de nuages ^^'

Bonne lecture !

Bonnes fêtes !


En grandissant à la capitale, Jehd avait été témoin de nombreuses fois de ce phénomène.

En effet, il n'était pas rare, de croiser des personnes éplorées, crachant des pétales, s'étouffant sur étamines et pistils. Certains pleurnichaient d'autres qui tentaient de les semer, d'autres accablaient le médecin de les aider.

Dans cette atmosphère, il était pratiquement impossible de garder les enfants loin de cette réalité.

Et, une fois renseigné, il s'était dépêché de piller librairies et bibliothèques afin d'en apprendre le plus possible.

La maladie de Hanahaki était aussi étrange et fascinante que l'était son nom. Selon les croyances mais aussi les observations médicales, il semblerait que les sentiments amoureux non réciproques finissaient par faire naître des fleurs. Selon le degré d'implication, elles étaient situées autour du cœur ou des poumons. Des racines pouvaient aussi enserrer les organes, provoquant des hémorragies tuant à petit feu la personne concernée, au fur et à mesure que ses sentiments étaient rejetés par l'être aimé.

Jehd n'en avait jamais été témoin, mais les témoignages qu'il avait pu lire lui avaient glacé le sang et l'avaient hanté des nuits durant.

Ses parents n'avaient jamais été concerné, ni de près ni de loin, par l'affection, donc ils n'avaient pu le rassurer à ce sujet. Ils avaient bien tenté de lui dire que ça restait rare et que le problème des gens de la capitale venait de la différence sociale mais aussi de l'égo que certains développaient en arrivant, pensant valoir mieux que les autres, et gérant ainsi mal le rejet.

Bref, l'ensemble du pays était très peu concerné et les cas se concentraient surtout ici, à la Citadelle, d'où cette étrange impression que c'était un maladie fréquente, alors que ce n'était pas le cas.

Le souci avec les traumas de l'enfance, c'est qu'ils étaient difficiles à raisonner. Malgré ses nombreuses recherches et les questions incessantes qu'il avait pu posé aux médecins les plus éminents, Jehd n'avait jamais pu être totalement serein à ce sujet.

À l'heure actuelle, jeune adulte, il en savait plus sur la maladie de Hanahaki que n'importe qui – malades exceptés – et il n'était pas rare que son avis soit sollicité sur certains cas. Mais toujours traînait-il cet effroi irrationnel à ce sujet.

L'adolescence avait été un calvaire, de véritables crises de panique le prenant lorsque ses parents ou les voisines le taquinaient sur un éventuel flirt, la culpabilité d'avoir mis quelqu'un dans la situation mortelle de ces foutues fleurs l'écrasant à n'en plus pouvoir respirer.

Il en était presque devenu paranoïaque, scrutant chaque personne de son entourage pour s'assurer qu'aucun n'aurait pu développer un béguin pour lui et souffrirait dans son coin.

Car Jehd était quelqu'un de beaucoup trop gentil et détesterait que quiconque ait à subir le moindre tourment, surtout s'il lui suffirait d'ouvrit son cœur pour le faire cesser.

Heureusement, ou malheureusement, sa vie amoureuse resta un désert figé où juste le vent soufflait, charriant des virevoltants dans son sillage, lui épargnant cette douloureuse déconfiture. À défaut des râteaux virulents qu'il avait pu obtenir, les sujets de ses affections s'assurant de réduire son cœur en des miettes si microscopiques qu'il avait compris que, finalement, l'amour n'était pas pour lui.

C'est donc en qualité de célibataire endurci qu'il continuait sa petite vie, fouillant les étagères cette fois pour réunir le moindre indice sur la civilisation des Célestiens, passant de temps à autre à la taverne pour saluer Telma et commander un plat plus substantiel que ceux qu'il prenait à la boucherie ou les snacks qu'il mangeait sur le pouce le reste du temps.

Telma aussi avait cette vilaine maladie, mais elle n'était qu'aux premières phases, ne crachant que de petits pétales de ce qu'il avait reconnu provenant de la Mauve. Affection pure et douce.

Il n'avait pas été dur pour lui de découvrir vers qui étaient tournés ces sentiments, pas plus que de comprendre pourquoi les gardait-elle pour elle. Reynald était un homme doux et attentionné, mais son monde s'arrêtait à sa fille. Il faudrait un miracle – ou que sa fille le quitte afin de vivre par elle-même – pour qu'il se rende compte du penchant de la tenancière pour lui.

Tous les deux en parlaient un peu, Jehd vérifiant régulièrement où elle en était, espérant malgré lui qu'elle soit bientôt libérée de cette foutue malédiction, tout en sachant que les probabilités étaient assez faibles.

En échange, elle le taquinait sur sa propre situation, mais elle n'obtenait qu'un sourire fade en réaction.

Aussi fort que cette maladie l'apeurait, autant sa solitude lui pesait parfois, particulièrement aux abords des fêtes célébrant l'amour, comme la Saint Valentin ou les festivités de fin d'année. Et avec le décès de ses parents, survenus quelques années plus tôt, il était plus seul que jamais, se noyant dans ses recherches, autant pour trouver un sens à sa vie que pour anesthésier une bonne fois pour toute son cerveau et son cœur.

De par son érudition, elle avait fini par le présenter à certaines de ses connaissances et il avait fini par trôner parmi les membres de la Résistance sans même s'en rendre compte. Il n'avait pas trop compris ce qu'il faisait là alors il tenait sa langue, participant peu.

Ses domaines de prédilections, à lui, c'était les Célestiens et la Hanahaki, pas les stratégies militaires ! Et le crochet. Mais c'était encore moins pertinent que le reste alors il évita de le mentionner.

Mais au fur et à mesure des réunions, il se rendit compte que, si, il y avait sa place. Il n'avait évidemment pas la connaissance des armes et serait bien incapable de soulever une côte de maille, mais il était doté d'une froide logique et d'un esprit d'analyse qui leur faisait défaut quand le ton montait et que l'urgence les talonnait, lui permettant d'éclaircir la situation et d'en rationaliser d'autres. Il avait aussi la vivacité et la tolérance qui manquaient à certains, dus à leurs grands âges (*kof* Lafrel *kof*). Et il avait vite compris qu'il était inutile de parlementer avec eux quand ils refusaient d'accepter son opinion. Il avait parfaitement le droit de se lever et de quitter la pièce. À la prochaine session, il les reverra boudeur ou présentant leurs excuses après avoir essuyé une défaite plus ou moins cuisante.

L'amour n'était plus un sujet qui le préoccupait, il était suffisamment occupé pour repousser le froid de la solitude.

Et pourtant, il vint à lui avec la violence d'une charge de Bulblin et sous la forme d'un hylien au sourire si pur et lumineux qu'il eut beaucoup de mal à le regarder quand il lui fut présenté.

Était-il seulement possible d'être aussi heureux ?

Mais le plus déstabilisant fut le réveil, le lendemain. Ou, plus précisément, quand il dut se précipiter à la salle de bain et qu'il cracha dans le lavabo de longs pétales blancs. Marguerite. Estime. Confiance. Amour timide. « M'aimez-vous ? ».

La réalisation le plongea dans un abîme de perplexité. Il fixa ces petites tâches à peine visible contre la porcelaine qu'il serrait avec force, le souffle court.

Ce n'était pas possible.

Pas à lui.

Pas pour lui.

Mais ce simple refus parut mécontenter cette foutue plante et il dut se pencher à nouveau et extraire une nouvelle fleur à grands coups de toux.

La réalisation lui sapa toute force et il se laissa glisser à genoux sur le carrelage, les méninges tournant à vide. Que lui arrivait-il ? Pourquoi maintenant ? Mais, surtout, pourquoi lui ? Link n'était pas le problème en tant que tel, mais il était impossible de l'en exclure.

Terrifié de grossir les rangs des sujets atteint de Hanahaki, il ne s'était jamais trop posé de question sur ses attirances et il semblerait que cette angoisse lui avait retiré toute limitation sur ses goûts. Ou juste les œillères que certaines personnes pouvaient se mettre.

Donc, si avoir des sentiments pour un mâle le surprit, tout juste s'y appesantit-il, bien plus concentré sur le reste du problème.

Il avait des sentiments. Pour Link. Ces sentiments éveillaient en lui les premiers symptômes de cette maudite maladie qu'était le Hanahaki et il n'avait aucun contrôle sur leur évolution, ne pouvant que contempler les pétales, identifier la fleur et sa symbolique, compter les intervalles entre chaque crise…

Et attendre.

Mais il se rendit compte que ce n'était pas la seule chose à prendre compte. Et non, avec cette maladie venait les sentiments. Et avec les sentiments, l'objet de son affection – même si actuellement, il avait surtout envie de voler sa rapière à Ash et de la lui enfoncer à divers endroit de sa splendide anatomie.

« Heureusement », avec la mission de sauver le royaume, Link avait mieux à faire que rester là à prendre le thé et, une fois après avoir glané ses informations et réuni ses affaires, il disparut poursuivre les autres quêtes, le laissant seul avec ses doutes. Ses interrogations. Ses peurs.

Et de plus en plus de fleurs à cracher. Aux marguerites se mêlaient parfois des camélias (admiration) ou des lys (pureté, amour chaste). Les jours où il doutait le plus, ce fut des pétales de myosotis (amitié sincère, amour véritable, « ne m'oubliez pas ») qui parsemaient ses mains, leur bleu faisant pâle figure en comparaison avec celui des yeux de l'hylien qui le tourmentait par son ignorance.

Mais ils étaient en guerre, ce n'était pas le moment de conter fleurette. Et après, il y aura sûrement pléthores de candidats pour se jeter dans les bras musclés.

Dès que ces pensées vénéneuses lui traversaient l'esprit, invariablement, il finissait plié en deux, les mains agrippant son torse ou son vêtement, le souffle court, alors qu'il lui semblait sentir la lente croissance des immondes racines à l'intérieur de sa cage thoracique, restreignant sa capacité respiratoire, des têtes entières de scabieuses (abandon, délaissement) douloureusement arrachées de sa gorge au prix de toux tellement puissance qu'il en avait le souffle coupé et le tournis.

Par réflexe, il avait passé de nombreuses minutes torse nu, à tenter de voir à travers les miroirs cette malédiction croissante, grattant la peau jusqu'au sang, comme s'il voulait en creuser la chair jusqu'à pouvoir attraper à main nue ce plant le tuant à petit feu, l'arrachant de son corps et l'observer pourrir à ses pieds.

Mais rien de cela n'arriva. Par contre, Telma et Ash furent témoins d'une crise et il ne put garder plus longtemps le secret face à leur inquiétude.

Si la seconde leva les yeux au ciel à la nouvelle, râlant sur sa couardise, la première n'afficha qu'un sourire peiné. Elle ne pouvait que compatir à sa peine, ç'aurait été très hypocrite de sa part de le critiquer. Mais ça n'empêcha aucune des deux de le motiver à ouvrir son cœur à la cible de celui-ci. Et, si possible, avant que ses organes n'aient subi tellement de dommages qu'il soit impossible de faire marche arrière !

Lorsque Link revint vers lui au sujet d'écrits qu'il était incapable de déchiffrer, arguant que c'était du célestien, il se sentit étourdit mais heureusement, aucune fleur ne tenta de quitter son organisme. Il fut déçu que son aide n'aboutisse à rien, mais au moins l'aventurier repartit aussitôt, lui-même prenant une autre direction, requinqué par cette découverte. Lorsque leurs chemins se croisèrent de nouveau, il avait perdu de sa superbe, sortant à peine d'une nouvelle crise où les scabieuses avaient été plus nombreuses que jamais, mais aussi par l'inutilité de l'incantation apprise lors de sa lecture précédente.

Il accepta de relire les pages abîmées, une légère excitation le prenant alors qu'il se rendait compte que les mots manquants étaient revenus, finalisant les phrases et donnant une meilleure compréhension générale du texte.

Mais là encore, rien n'arriva.

Ou du moins, rien, avant que Link n'extirpe un bâton étrange et ne l'agite, faisant s'écarter l'imposante statue pour révéler un passage qui les mena à un salle secrète où un canon trônait. C'était un peu décevant, surtout qu'il était cassé, mais Jehd n'eut pas le temps d'être négatif car Link l'enlaça sous l'émotion, le remerciant tendrement pour son aide, avant de le relâcher et d'aller examiner l'arme.

Tout juste fut-il capable de lui conseiller d'aller consulter un spécialiste pour sa réparation qu'il chancela jusqu'à l'échelle qu'il grimpa pour aller s'allonger dans la chambre qu'il louait durant son séjour.

Cette fois, aucune fleur ne troubla son repos.


Il y eut d'autres moments où Link et Jehd eurent à se revoir, mais rien d'aussi significatifs.

Les tourments de l'archiviste s'étaient un peu apaisés suite à l'étreinte euphorique et ses crises s'étaient espacées. Mais les fleurs étaient toujours là quand même, le narguant par leur beauté et leur sens.

Aujourd'hui, Jehd était fatigué. Épuisé.

La victoire avait été remporté il y a quelques mois, les festivités battaient leur plein depuis, que ce soit pour célébrer la vie ou pleurer les morts, et il semblerait que les cas de Hanahaki avaient explosé, son avis étant sollicités de toute part. À ça s'ajoutait la fin de la Résistance, ce qui l'emplit d'un étrange vide à la nouvelle, la reprise de ses recherches, surtout maintenant que la preuve de l'existence de Célestia avait pu être prouvé par le héros Élu des déesses lui-même !

Mais tout cela ajouté à la nouvelle crise qui l'avait tenu éveillé une bonne partie de la nuit… il ne se sentait pas capable de se lever et de faire bonne figure aujourd'hui. Il valait mieux qu'il reste couché au moins jusqu'à midi, puis il avisera.

Il avait pu voler quelques heures de sommeil supplémentaire quand il en fut arraché par quelqu'un frappant à sa porte. S'il eut l'idée de faire le mort et de se retourner pour se rendormir aussi sec, son plan fut mis à mal par une autre volée de coups, mais surtout par la voix traversant le battant.

— Jehd ? Telma m'a dit que je te trouverais ici. Tu peux ouvrir, s'il te plaît ?

Un millier de pensée se bousculèrent dans son crâne alors qu'il se précipita hors de son lit, manquant de peu de se vautre sur le tapis alors que ses jambes étaient toujours emmêlées dans la couette, sautant dans un pantalon traînant là et enfilant un pull dans la foulée.

Il s'était tellement pressé que ses lunettes étaient restées sur sa table de chevet et il doutait que son pull soit dans le bon sens, mais il n'en eut conscience qu'une fois Link face à lui, ses yeux myopes cillant exagérément pour tenter de faire une mise au point sur le visage habituellement avenant de l'hylien.

— … Je te dérange, peut-être ? demanda timidement celui-ci.

— Moi ? Me déranger ? Mais pas du tout, entre, entre ! Excuse-moi pour le désordre, j'étais plongé dans mes recherches et j'ai un peu tendance à m'éparpiller !

Circuler dans son appartement en temps normal n'était pas toujours une tâche simple, mais quand en plus votre vue n'avait plus rien de nette au-delà d'onze centimètres, c'était un danger.

Après avoir manqué de s'humilier à plusieurs reprises devant son invité impromptu, il l'invita à prendre place dans le salon en l'indiquant du bras, allant chercher ses lunettes avec prudence. Ce qui lui permit de découvrir que, si son pull était dans le bon sens, ce n'était pas le cas de son pantalon, sans parler du nid d'oiseau que formaient ses cheveux.

Il s'empressa de corriger le tout et de rejoindre Link qui s'était assis sur le canapé et semblait très mal à l'aise, observant les bibliothèques surchargées comme si elles allaient lui sauter dessus pour le dévorer.

— Pardon pour le contretemps, mais c'est tout de même mieux quand je peux voir le visage de mon interlocuteur, n'est-ce pas ? Quelle est la raison de ta venue ?

— Oh, oui. C'est Telma qui m'a envoyé te voir. Elle m'a dit que tu étais le spécialiste en la matière, en plus d'être capable de garder un secret.

Sa curiosité ainsi tenaillée, il prit place à ses côtés alors que Link fouillait dans ses poches, en sortant un mouchoir qu'il déplia soigneusement.

Dans le creux de sa paume, deux fleurs abîmées reposaient. Deux fleurs que Jehd reconnut en un clin d'œil.

— Au début, il n'y avait que celle-ci, reprit l'aventurier en indiquant la rose. Mais il y a quelques jours, celle-ci est apparue. Tu connais leur nom ?

— Rhododendron et myrte, énonça-t-il platement.

Premier aveu d'amour. Amour partagé.

Insidieusement, les racines resserrèrent leurs emprises.

— Oh. Elles sont jolies.

Il les porta à son visage, les observant avec un doux sourire.

— Est-ce que… est-ce que Moï t'a parlé de la Hanahaki ? Ou Telma, avant de t'envoyer ici ?

— Tu parles de cette maladie qui te fait cracher des fleurs ? Bien sûr, c'est dans plein de contes, tu sais ?

— Et… est-ce que tu sais ce que ça implique ?

L'érudit ne s'inquiétait pas trop pour lui, au vu de la deuxième fleur, les toux ne seront plus qu'un lointain souvenir pour lui. Il devait juste avouer ses sentiments à la personne concernée et dans quelques jours ce ne sera plus que l'histoire ancienne.

Pour lui, par contre, il eut l'impression que quelque chose était coincé dans sa gorge, sans trop savoir si c'était juste l'anxiété ou une nouvelle tête de scabieuses qui remontait sa trachée et qu'il allait devoir expulser.

— Bien sûr ! Que j'ai des sentiments non partagés envers quelqu'un et que tant que cette personne ne me les rendra pas, mes poumons se changeront en serre d'intérieur.

Il avait énoncé ça avec un calme apparent que Jehd ne put s'empêcher d'envier. Il avait clairement l'air de se moquer d'avoir une épée de Damoclès en permanence au-dessus de lui, sa survie tenant uniquement à l'inclinaison ou non d'une étrangère !

— Et… et c'est tout ? Tu le prends aussi simplement que ça ?! s'emporta-t-il.

— Bien sûr, ce n'est pas comme s'il existait un moyen de contrôler ou contrer ça. Tout ce qu'il me reste à faire c'est de me déclarer, non ?

Il était vrai, c'était presque aussi simple que ça. Mais c'était souvent loin d'être aussi facile que ça. Après, c'était Link, le héros d'Hyrule, qui serait assez stupide pour lui dire non ?

Perdu dans ses pensées, il ne le regarda pas ranger son mouchoir dans sa poche et encore moins fouiller dans la sacoche usée dont il extirpa une carte tout aussi abîmée qu'il lui tendit. Comme il n'obtint aucune réaction, il claqua plusieurs fois les doigts, l'arrachant de ses réflexions.

— Pardon, je peux t'aider à autre chose ?

— M'aider, je l'ignore, mais jette toujours un œil dessus ?

— Bien sûr, qu'est-ce que…

Mais il ne parvint pas à finir sa phrase, manquant de lâcher ses lunettes qu'il remontait, alors que ses yeux décryptaient le syllabaire complexe des Célestiens. Et, surtout qu'il comprenait ce qu'il avait sous les yeux. Il se tourna vers Link avec un air si confus que celui-ci ne put s'empêcher d'en rire.

— C'est une carte de Célestia, oui. Je l'ai obtenu quand j'y étais, afin de m'y retrouver. Je suis retombé dessus en rangeant mes affaires, l'autre jour. J'ai pensé que toi seul serait capable d'y trouver de la valeur.

— De la valeur ? s'étrangla presque l'érudit. Mais elle en a tellement qu'on ne peut en fixer un prix !

Il s'extasia dessus encore quelques secondes avant de se reprendre, ratant le regard tendre que portait sur lui le plus jeune.

— Mais, en quel honneur ? finit-il par s'inquiéter.

— Je mentirais en disant « comme ça », alors disons que c'est un prétexte. Peu importe ta réponse, la carte reste tienne. De toute façon, je doute d'en avoir de nouveau besoin.

Link tendit la main vers lui, paume vers le haut, les yeux plongés dans les siens.

— Tu es celui qui est à la source de ces fleurs. J'en ignore la symbolique et je m'en moque pas mal. Toi seul compte.

En définitive, c'était bien l'émotion coincée dans sa gorge, conclut-il alors qu'il éclatait en sanglot, manquant de peu d'utiliser le parchemin usé pour les essuyer alors qu'il se réfugiait dans l'étreinte réconfortante du héros.


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