"Quand pouvons-nous essayer ? demanda Hermione.
— Dès que vous êtes prête, répondit Snape."
Le regard franc, elle lui affirma : "Je le suis."
"Suivez-moi."
Il la fit entrer dans ses appartements. Le lieu n'avait pas changé depuis la dernière fois et avait toujours cette aura calme et chaleureuse. Il lui demanda de s'installer sur le vieux canapé puis s'assit à son tour sur l'un des fauteuils.
"Je dois quand même vous prévenir de quelque chose. Cette potion est expérimentale et je ne peux pas vous garantir qu'elle est totalement inoffensive. Elle va demander à votre corps une grande quantité d'énergie et de magie pour fonctionner, et va probablement vous épuiser après cela.
— Comment allez-vous voir que cela fonctionne ?
— Nous verrons. Êtes-vous sûre de vouloir le faire ?
— Oui. Je vous fais confiance. Lui dit-elle sincèrement.
— Bien, si à n'importe quel moment vous vous sentez mal ou ressentez quelque chose de mauvais, vous me le dites et je vous donne une autre potion qui stoppera les effets de la première.
— D'accord."
Elle s'assit les jambes parallèles et droites, et il lui donna la potion. Elle enleva le bouchon et la but d'une traite. Le goût n'était pas si mauvais que ça, c'était comme du coton avec un arrière-goût de métal. Elle ne sentit aucun mal-être ni douleur, c'était déjà ça.
"Est-ce que ça fonctionne ?" demanda-t-elle en regardant Snape.
Il ne lui répondit pas mais sembla simplement absorbé par elle. Elle regarda ses mains d'abord, un phénomène étrange avait commencé. De fins fils d'abord dorés partirent de la paume de sa main, traçant les lignes de vie puis allant vers ses doigts. Ils remontaient en s'enroulant autour de ses bras. D'autres apparurent, cette fois rouge, bleu, vert. Elle commençait à ressembler à un véritable sapin de Noël ambulant et brillant. Certaines lignes étaient plus lumineuses que d'autres.
Snape s'approcha et passa son doigt sur l'une des lignes qui brillait à côté de son épaule et remonta juste derrière son oreille comme grattant la corde d'une guitare. Un regard choqué apparut sur son visage.
Il sentit comme une horde de sentiments, d'émotions et de souvenirs qui ne lui appartenaient pas déferler en lui. De la joie, de la tristesse, de l'amitié et de l'amour faisaient vibrer ses sens. Quand les vagues se calmèrent, il revint à lui.
"Monsieur ? Tout va bien ?"
Hermione le fixait, inquiète.
"Oui, je n'étais simplement pas prêt.
— Que s'est-il passé ?
— La magie qui a circulé en vous, peu importe d'où elle vient, transporte avec elle une partie de vous, vos souvenirs, vos émotions. Et je les ai sentis un peu fortement.
— Vous pouvez voir mes souvenirs ?
— Pas vraiment, ce sont plus comme des flashs que je ne comprends pas. Je vais avoir besoin de votre aide pour faire le tri entre ce qui vous appartient et ce qui pourrait vous avoir touché. Puis nous essayerons de comprendre un peu plus en profondeur ce qu'il se passe avec votre magie.
— D'accord." répondit-elle, un tremblement dans la voix. Elle n'avait pas vraiment envie que Snape s'insinue dans ses pensées.
Il recommença cette fois avec sa baguette, tout doucement, il l'utilisa pour tirer sur un fil et remonter jusqu'à sa source, le décroisant au fur et à mesure avec les autres, comme on chercherait le début d'une pelote complètement emmêlée.
"Cela va prendre un certain temps, je pense. J'espère que vous n'aviez rien d'autre à faire.
— Vous allez devoir faire vite, j'ai une horde d'amis qui m'attendent pour une partie de UNO dans la salle commune," dit-elle ironique.
Les yeux de Snape se plissèrent comme pour faire un maigre sourire. Ses traits devinrent plus doux pendant une fraction de seconde, et elle se sentit un instant privilégiée d'avoir pu voir le sombre maître des potions presque sourire.
Une fois la ligne bleue démêlée des autres, elle put comprendre le chemin qu'elle faisait. Elle partait de sa main droite, celle qu'elle utilisait pour tenir sa baguette, comme les autres, remontait son bras, passait par-dessus son épaule.
"Pouvez-vous vous lever ? "
Elle se leva et tourna pour que Snape puisse avoir accès à son dos. Ne sachant pas trop ce qu'il faisait, elle essaya de regarder par-dessus son épaule. Il était penché en avant, regardant le bas de son dos.
"Ne bougez pas."
Très délicatement, il approcha son doigt du fil sans vraiment le toucher. À peine à quelques millimètres du fil, il ressentit la magie de la Gryffondor vibrer. Il se concentra sur cette ligne, essayant de regarder à travers celui-ci, comme pour de la légilimencie, il se sentit happé. Cette fois-ci, cela n'avait rien à voir avec une déferlante de sentiments et souvenirs. Il s'était retrouvé devant un lac calme dont la surface de l'eau bougeait à peine. Il regarda autour de lui, comme cherchant un indice. À quoi pouvait correspondre cette ligne, quelle était sa source ? Ce lac lui sembla familier. Puis, de minuscules feux d'artifice passèrent près de lui, il comprit. Des potions, ce lac calme et sans un bruit avec seulement ces petites lumières bougeant autour de lui, était en fait la représentation de ce qu'Hermione se faisait des potions. Il ne sut pas trop d'où venait cette idée, mais il en était persuadé. Il s'approcha du lac et remarqua comme des milliers de petites feuilles presque transparentes recouvraient la surface de l'eau. Elles reflétaient la lumière grise qui l'entourait. Il ne savait pas trop quoi chercher. Il était perdu dans cet univers qui n'était pas le sien.
"Miss Granger ? appela-t-il."
Comme venue de loin, il l'entendit répondre :
"Oui.
— Je vais avoir besoin de votre aide.
— Dites-moi.
— Je vois un lac. Il fait gris, pas froid, comme un début d'automne, je dirais. Il n'y a rien d'autre à part des sortes de petites lumières qui passent de temps à autre."
Hermione ne comprenait pas bien ce dont il lui parlait. Un lac ? Des lumières ?
"Cela vous dit quelque chose ?
— Je ne sais pas. J'ai vu beaucoup de lacs différents. Est-ce qu'il ressemble à celui de Poudlard ?
— Peut-être, je ne suis pas sûr."
Il attendit qu'une lumière passe et l'attrapa au vol, inscrit dessus, il put lire : potion de force. Bien, il ne s'était pas trompé, cet endroit est bien celui des potions. Il relâcha le petit feu d'artifice silencieux qui s'enfuit rapidement.
"Que venez-vous de faire ? demanda-t-elle. Elle avait ressenti quelque chose d'étrange, comme si elle devait faire une potion, puis ça s'était envolé, et son esprit était redevenu comme avant.
— J'ai attrapé une des lumières. Pourquoi ?
— J'ai eu envie de faire une potion.
— Bien, je pense que c'est un bon début. Je ne comprends pas bien comment fonctionne votre esprit, mais celui-ci est normalement plutôt bien rangé, non ?
— Si ça a un lien avec ma personnalité, normalement."
Il regarda le lac, les lumières, le ciel. Il devait y avoir une logique, quelque chose qui lui permettrait de comprendre comment fonctionnait cet endroit et où il devait chercher.
"Pouvez-vous tenter de penser à une potion, n'importe laquelle ?
— D'accord," répondit Hermione, incertaine.
Elle commença à réciter dans sa tête les étapes pour la potion de soin générique. Snape vit alors le monde changer. Le lac calme se transforma en une surface dure et les petits bouts de papier transparent se rangèrent dans des sortes de tiroirs.
Il regarda autour de lui, il y en avait des centaines. Cela lui prendrait des jours pour tous les ouvrir.
"Ne vous arrêtez surtout pas." Dit-il à Hermione.
Une fois qu'elle eut fini une première potion, elle continua d'énumérer les étapes d'une deuxième puis une troisième. Elle ne savait pas ce que foutait Snape dans son esprit, sa magie ? Peu importe où il était, cela prenait un temps monstre.
Il attrapa un des petits tiroirs et l'ouvrit. Une petite lumière s'échappa et il l'attrapa avant qu'elle ne s'échappe : Amortentia.
"À quelle potion pensiez-vous ?
— À l'Amortentia.
— D'accord."
Donc le tiroir le plus proche était la potion à laquelle elle pensait. Alors celles du fond devaient être celles qu'elle ne connaissait pas.
Il marcha sur les tiroirs, faisant attention à ne pas trébucher sur les poignées, et arriva finalement plus rapidement qu'il ne le pensait de l'autre côté du lac. Un des tiroirs brillait, il l'ouvrit : la date du jour était indiquée avec écrit juste en dessous : "demander à Snape pour plus d'information". Donc si une potion était active, alors le tiroir devrait être différent. Il regarda autour de lui, inspectant chaque poignet, chaque rayure dans le bois, sans jamais trouver quelque chose de différent. Il se concentra particulièrement sur une section qui avait l'air d'être toutes les potions inconnues avec lesquelles Granger avait été en contact. Il ne trouva rien. Parfois, en ouvrant un tiroir, ce n'était pas un, mais deux petits feux d'artifice qui en sortaient. Le premier avait toujours le nom de la potion, une indication sur celle-ci ou le mot : inconnue et le deuxième était associé à des souvenirs. À chaque fois qu'il attrapait cette deuxième lumière, il se sentait presque pris par les émotions, les sentiments, comme s'il les vivait. Il pouvait presque ressentir les réactions physiques de la jeune femme. Alors, il bloqua son esprit, renforça les barrières pour éviter de tomber dedans et regarda la scène comme un simple spectateur.
Après s'être assuré de n'être passé à côté de rien, il retrouva le rivage. Si on pouvait appeler ce lac de tiroirs un lac.
Il regarda une dernière fois le paysage, puis se concentra sur les sensations de son corps : la chaleur de sa baguette dans sa main, le fil bleu devant lui, son dos douloureux, et doucement, comme s'il sortait d'une transe, il revint à lui.
"Granger ?
— Oui ?
— Je peux vous confirmer que vous n'avez pas été empoisonnée.
— C'est déjà ça."
Il dénoua ses épaules et souffla.
"Qu'avez-vous vu ? Que s'est-il passé ? S'empressa-t-elle de demander.
— Un lac, puis des tiroirs. Je peux confirmer que vous avez une tête bien organisée. Et je sais maintenant pourquoi vous n'avez jamais atteint l'excellence en potion.
— Comment ça ? dit-elle d'abord énervée, puis quand elle comprit que ce n'était pas une insulte, elle se détendit et fut intriguée.
— Vous n'êtes pas faite pour ça. Vous avez les méthodes, je peux l'affirmer après avoir vu, je ne sais pas bien le qualifier… Ce ne sont pas que des souvenirs mais aussi leurs influences, mais vous n'avez pas l'instinct d'un potionniste. Tout est bien trop rangé, les idées ne flottent pas, ne viennent pas, les potions que j'y ai vues sont de simples applications. Au moins, j'ai fini par réussir à comprendre comment ils étaient rangés, j'espère que les autres le seront aussi.
— Ravie que mon esprit si bien rangé et conventionnel ait pu vous aider.
— Ne le prenez pas mal, Granger, les potions ne sont simplement pas pour vous." Railla-t-il.
Il décida cette fois-ci de s'attaquer à un autre fil, il refit exactement la même chose : le dénouer puis s'approcher le plus près possible sans le toucher réellement.
Ils passèrent sur plusieurs sujets. Le fil qui représentait la métamorphose, ne faisait que tournoyer entre ses doigts pour atteindre le dessus de son poignet. Cette partie avait été un peu loufoque. Apparemment, le Polynectar était à la fois une potion et de la métamorphose, et l'expérience d'Hermione de sa transformation en chat avait bousculé entièrement cette partie de sa magie. Le monde dans lequel il entra était sens dessus dessous, mais il était avec Hermione Granger, alors peu importe que ce soit le bazar, il y aurait toujours une logique et bizarrement elle fut plus facile à comprendre qu'un lac de tiroirs.
Hermione put regarder Snape alors qu'il était dans sa magie. Il n'avait pas l'air changé, mais une multitude d'expressions qu'elle n'avait encore jamais vues sur son visage fit son apparition. Lui qui était habituellement renfrogné affichait de l'amusement, puis un sérieux et de l'intérêt. Ses émotions s'inscrivaient sur ses traits, elle ne le savait pas capable d'en exprimer autant.
"Ce n'est pas ça encore," dit-il en revenant à lui. "Apparemment, une transformation en chat peut bousculer toute une partie de votre magie."
Les joues d'Hermione devinrent rouges au souvenir.
"Ne vous sentez pas gênée, j'avais bien ri ce jour-là.
— Vous êtes au courant, dit-elle honteuse.
— Il a bien fallu vous retransformer."
Il reprit cela, passant rapidement sur la divination qui n'était qu'un néant rempli de néant, puis il toucha le fil rouge. Celui-ci brillait d'un éclat un peu différent et termina sa course directement dans le cou de la jeune femme.
Elle eut un frisson quand il s'approcha. Cette fois-ci, elle ressentit vraiment un changement. Snape avait touché un point sensible, quelque chose de moins physique.
Il ne se serait jamais attendu à un orage de sa part. Peut-être du rouge un peu partout, des cœurs et des chérubins ici et là, mais un orage ? Jamais.
"Albus Dumbledore serait vraiment heureux de savoir que l'Amour est en lien avec la magie.
— Faites vite s'il vous plaît," répondit-elle avec empressement.
— Quelque chose ne va pas ?
— Je ne sais pas, rien de dangereux, je pense."
Il se mit rapidement au travail. Il commençait à comprendre comment fonctionnait la magie et l'esprit d'Hermione Granger, alors il lui fallut moins de temps pour trouver une logique.
