Chapitre 2 : Mes amis viennent de l'au-delà.
Il faisait toujours aussi chaud.
Harry venait de quitter le jardin du Privet Drive après une dispute entre lui, son oncle et sa tante. Le fait qu'il y ait eu un terrible crac sonore - similaire au bruit que faisait Dobby lorsqu'il disparaissait - leur avait fait penser qu'il en était responsable. Aussi, en le découvrant sous la fenêtre du living-room, l'excuse de vouloir écouter les informations n'était pas passée non plus. Et le couple insupportable lui avait pris la tête.
Il souhaitait vraiment que la nuit tombe pour pouvoir parler à Cédric. La gazette du sorcier annonçait un retour sur l'affaire O'Nigay ainsi qu'une perquisition et des poursuites par le magenmagot. Quelque chose s'était passé entre l'annonce du dernier verdict, et cet article. Quelque chose de terrible, et déjà qu'il n'avait quasiment aucune nouvelle par Ron et Hermione, l'absence de retour, de la part de Sacha, était inquiétant. Ses deux amis disaient seulement être occupés, sans lui en dire plus, et avaient prévenus n'avoir aucune réponse de la Serdaigle non plus. Et le papier à lettre était froissé, en plus !
Ça l'agaçait. Ils étaient tellement occupés qu'ils ne prenaient pas plus de nouvelle, ni de lui, ni de leur amie en mauvais état. N'était-ce pas lui qui était entré dans ce cimetière et avait vu Cédric se faire assassiner ? Certes, le garçon était vivant, en quelque sorte, mais il cauchemardait tout de même de l'agression et du retour de Voldemort à la vie. Et ça, personne ne lui demandait comment il se sentait vis-à-vis de cette situation. Et Sacha ? Qui avait clairement assisté à toute la scène à cause de son pouvoir, et s'était préparée à intervenir seule pour qu'il soit épargné ?
Arrête d'y penser…
Se fustigea le noiraud pour la centième fois cet été. Ça ne servait à rien de se torturer la tête sur le manque de compassion de ses amis. Il prit le tournant dans Magnolia Crescent, à mi-chemin, il dépassa l'étroite allée le long du garage où il avait pour la première fois posé les yeux sur son parrain sous forme canine. Heureusement que Sirius était là. S'il en disait aussi peu que ses deux amis, lui, essayait de le comprendre et d'apporter des mots de réconforts. Il lui demandait d'être prudent et de ne pas s'attirer d'ennuis.
Harry lui avait raconté, dans une lettre, qu'il lui arrivait de voir Cédric à la tombée de la nuit, sans en dire plus. Bien entendu, l'ancien prisonnier avait pris ça pour une grosse déprime, et lui avait parlé des diverses manières de faire son deuil. Le problème étant que Cédric n'était pas une illusion, mais bel et bien là. Traversant l'avenue, le garçon prit Magnolia road et se dirigea vers le parc, tandis que la nuit se rapprochait.
Il était tard lorsqu'il sauta par-dessus le portail fermé du parc et marcha sur l'herbe desséchée. L'endroit était désert, mais il savait que ça n'allait pas durer, car une fois les derniers rayons de soleil disparu, Cédric apparaîtrait, ainsi que les âmes esseulées qui vivaient dans le coin. Il y en avait une, rencontrée il y a peu, qui le touchait particulièrement. C'était une petite fille qui avait vécu dans le quartier quelques années avant lui, et qui était décédée d'une leucémie. La fillette était drôle et gentille, quoique capricieuse, et cherchait toujours à s'amuser aux dépens des vivants.
Lorsqu'elle avait compris qu'il pouvait l'entendre, la fillette était devenue plus exaltée encore qu'Hermione la première fois qu'elle était rentrée dans la bibliothèque de Poudlard. Etirant un maigre sourire au souvenir de la petite Betty, il s'affala dans la seule balançoire que son cousin n'avait pas encore réussie à casser avec ses amis, enroula son bras autour de la chaîne, et fixa le sol patiemment.
Peu à peu, de mauvaises pensées ressurgirent, sa colère contre Dumbledore qui l'avait littéralement abandonné ici, contre Ron et Hermione qui s'étaient retrouvés à s'amuser tout l'été, quand lui croupissait à Little Whinging, et les réponses bateaux de Sirius qui lui disait de se tenir tranquille. La peur de voir Sacha en mauvaise posture… Ou blessée. Toute cette injustice s'accumulait en lui tant et si bien qu'il aurait voulu hurler de fureur.
« Coucou Ryry ! » Chantonna joyeusement la voix de crécelle sur sa droite. Il ne la voyait pas, bien sûr, mais il pouvait sentir sa bonne humeur d'ici. Il ravala sa colère pour lui sourire.
« Bonsoir Betty, tu as passé une bonne journée ? » Demanda-t-il en se tournant dans la direction où il supposait, se trouvait le petit fantôme.
« Oui ! J'ai fait trébucher un grand dadet qui voulait encore s'en prendre au petit Marc. Il est tombé à plat dans le bac à sable, et il en avait plein la bouche ! Tu aurais dû voir ça ! » La fillette éclata de rire, et Harry supposa qu'elle sautillait sur place.
« Même si je reconnais que c'était bien joué, tu ne devrais pas t'en prendre aux vivants, c'est injuste, ils ne peuvent pas te voir. » La sermonna Cédric qui venait d'apparaître.
« Rabat-joie ! » Bouda la petite. « Ryry est d'accord avec moi, je suis sûre ! »
« Je ne vais pas prendre parti et vous le savez. » Murmura le noiraud en levant les mains.
« T'es pas drôle… » Bredouilla l'enfant, avant de reprendre tout aussi vivement. « Oh regarde, c'est lui le grand dadet là-bas ! Même qu'il sent pas bon. »
Et si Harry ne pouvait pas suivre la direction pointée du doigt, il n'était pas difficile de voir les silhouettes qui approchaient dans des vélos couteux. D'ailleurs, il n'était pas difficile pour lui non plus de reconnaître l'identité des garçons sur ces vélos. L'un d'eux chantait à tue-tête une chanson grivoise et les autres riaient comme des demeurés. Son cousin menait la file.
Dudley était toujours aussi large, mais entre son régime et sa découverte de la boxe, son physique avait reçu quelques modifications. Comme le disait l'oncle Vernon à quiconque assez malchanceux pour avoir posé la question, Dudley était récemment devenu le champion inter-écoles de boxe poids lourd junior du Sud-Est. Harry trouvait toujours qu'apprendre à Dudley comment frapper avec plus de précision et plus de force était une connerie, mais ce n'était pas comme si quiconque allait l'écouter là-dessus.
Ne pouvant se permettre d'arriver après Dudley à la maison sous peine d'être possiblement enfermé dans la réserve, Harry salua la petite fantôme, et se mit en route. Le pas vif, il bifurqua net pour se placer dans l'ombre d'un grand lilas en se rendant compte que la bande de Dudley était à mi-chemin de Magnolia road. Bien que désireux de pointer l'agression de son cousin par un petit fantôme, il attendit que les autres s'éloignent pour rattraper Dudley qui baladait tranquillement.
« Salut Big D ! » Se moqua le noiraud. Le garçon blond se retourna avant de grogner.
« Oh, c'est que toi. »
« C'est récent ça, Big D ? » Demanda Harry, un brin moqueur.
« La ferme !» Fut la réponse de son cousin en poursuivant son chemin.
Mais Harry avait besoin d'évacuer la tension qui l'habitait, et savoir que son cousin tabassait des gamins lui permettait de ne sentir aucune culpabilité à le provoquer. Sachant que le garçon ne lui ferait rien par crainte qu'il utilise la magie contre lui.
Frôlant l'insolence, Harry continua de provoquer son cousin, dont les mains boudinées se repliaient en poings et se serraient encore, à mesure qu'il usait des surnoms employés par tante Pétunia pour s'adresser à son fils.
« Alors, qui as-tu tabassé ce soir ? Un autre petit de dix ans ?» Finit par demander Harry en perdant son sourire. « Je sais que tu as frappé Mark Evans. »
« Il le cherchait. » Répliqua Dudley en prenant quelques couleurs. « Il m'a insulté. »
« Vraiment ? a-t-il dit que tu ressemblais à un porc marchant sur les pattes arrière ? Ce n'est pas une insulte, ça, Big D, c'est la vérité ! »
« La ferme… » Grogna le garçon dont les muscles de la mâchoire tremblaient. Harry savait qu'il employait toute son énergie pour se retenir de le frapper.
« Je sais aussi que tu as fini la tête dans le bac à sable après l'avoir cogné. » Rajouta le noiraud. Dudley s'empourpra.
« C'était toi ! »
Mais Harry secoua la tête tout en prenant le raccourci entre Magnolia Crescent et Wisteria Walk. L'étroite allée était déserte et plus sombre que les rues alentours car il n'y avait pas de lampadaires.
« Tu te prends pour un homme en tenant ce truc, hein ? » Siffla Dudley au bout d'un moment.
« Quel truc ? » Un geste de la tête envers son dos, et Harry sourit à nouveau en dévoilant sa baguette.
« T'es pas aussi bête que tu en as l'air, D. »
« T'as pas le droit de l'utiliser… Sinon tu seras viré de ton école de Tarés. »
« C'est toi le gros taré. » Se moqua la petite voix de Betty dans le vide. Harry pouffa malgré lui, étant seul à l'entendre.
« Tu peux rire, mais sans ton bout de bois, t'es rien. Je vais le dire à papa que tu l'avais et… »
« Tu vas chercher papa alors ? Toi, le champion de boxe, tu as peur de la méchante baguette du sorcier… » Se moqua Harry.
« Tu ne devrais pas le provoquer… » Murmura Cédric tout bas. S'il suivait l'échange, il laissait Harry se défouler sans trop en dire.
« Moi au moins, je pleure pas comme un bébé la nuit. » Ironisa Dudley avec une expression triomphante.
« Qu'est-ce que tu racontes ? » Dit Harry, à la fois désemparé et quelque peu nerveux.
« Je t'ai entendu la nuit dernière… » Il émit un rire rauque, avant de prendre une voix aiguë et plaintive. « Ne tuez pas Cédric ! Non ! Pas lui ! » Il reprit sa voix habituelle, zieutant le noiraud avec cet air de vainqueur marque sur le visage. « C'est qui Cédric, ton petit ami ? »
« J'ai rien dit, tu avais raison, c'est un gros con. » Annonça ledit Cédric en direction de la petite Betty.
Dudley fit alors mine de pleurer, suppliant son père pour qu'on le protège de quelqu'un. Harry chercha à le faire taire par les mots, mais ce fut insuffisant pour que le gros garçon cesse de baragouiner des moqueries. Il finit par le pointer avec sa baguette, visant précisément son cœur.
« Ne pointe pas ce truc sur moi ! » Dudley recula contre le mur de l'allée.
« Ne reparle plus jamais de ça, c'est compris ? » Dit Harry.
« Pointe ce truc ailleurs ! »
« Ryry… ? Il se passe quelque chose de bizarre… »
« C'est pas le moment, Betty » Répondit le noiraud, en menaçant toujours son cousin.
« À qui tu parles ? Et pointe ton truc ailleurs j'ai dit. »
« Non mais, vraiment… Il fait très froid et… » La petite tremblait désormais.
« Harry, on a vraiment un problème. » Murmura Cédric.
« Qu-Qu'est-ce que tu fais… ? Arrête… » Commença à gémir Dudley.
« Je ne fais rien ! » Et Harry comprit. La nuit était soudain aussi froide qu'en plein hiver et la brume légère n'était plus qu'une obscurité massive, impénétrable. « Merde ! »
« Arrête ce que tu fais ! Je… Je me sens pas bien ! je vois rien… arrête ! » D'une main, Harry couvrit la bouche de son cousin plaintif et lui grogna de se taire.
Cloués sur place, les deux garçons n'en menaient pas large. Cédric essayait de faire taire la petite âme, pendant que Harry cherchait à savoir d'où les ennuis arriveraient. Tout son corps frissonnait et ses cheveux à l'arrière de sa nuque s'étaient hérissés. Les yeux écarquillés au maximum, il cherchait à percer l'obscurité, sans pour autant y parvenir. Les râles qu'il redoutait n'étaient pas loin, à quatre ou cinq mètres à peine d'eux, la peur commença à s'insinuer dans ses veines. A sa ceinture, la pierre noire chauffa.
Ignorant les gesticulations de son cousin pour se concentrer sur l'apparition terrible, il ne vit pas le poing s'abattre sur sa tête. Les iris vertes virent trente-six chandelles et Harry atterrit violemment sur le sol, sa baguette roulant à quelques pas de lui.
« Dudley, espèce d'abruti ! » L'impression que sa tête était fracturée en deux lui fit monter les larmes aux yeux, mais déterminé à ne pas se laisser envahir par la terreur, il se redressa à quatre pattes, tâtonnant frénétiquement autour de lui dans le noir.
« Harry, sur ta droite, à 16h. » Le prévint le Poufsouffle disparu. Aussitôt, le noiraud s'empara de l'objet.
« Dudley revient, tu lui cours droit dessus ! » Hurla le garçon.
Mais un cri déchirant répondit à la place, et Dudley trébucha. Au même moment, Harry sentit derrière lui un souffle givré. Ce qui ne voulait dire qu'une seule chose. Il y en avait plusieurs, et Harry était vraiment dans la merde.
« DUDLEY GARDE LA BOUCHE FERMEE ! » Gueula le sorcier, inquiet pour l'adolescent brute qui lui servait de cousin.
Un râle sourd sur sa gauche l'alerta, et des gémissements féminins lui filèrent des sueurs froides. Il se remit debout tant bien que mal et se retourna, faisant face à la silhouette imposante encapuchonnée qui glissait doucement vers lui. L'autre était à quelques pas, et semblait aspirer le vide. Hurlant le sort du patronus, une faible lueur éclaira la baguette du garçon, faisant seulement ralentir le détraqueur qui approchait. Les gémissements à sa gauche devinrent des pleurs stridents, et la voix de Cédric le ramena à la réalité.
« Harry ! »
Une réalité à laquelle il ne s'attendait pas. Une réalité qui lui fit l'effet d'un seau glacé sur la tête. Les détraqueurs et les âmes esseulées étaient sur le même plan. Co-existaient. Les détraqueurs se nourrissaient d'âmes. Et quoi de mieux que les deux, encore vives, qui l'accompagnaient depuis des jours ? Betty était morte dans la souffrance, mais avait trouvé le moyen de garder un peu de joie dans sa non-vie. Cédric veillait à ses côtés et lui tenait compagnie, lui enseignait ce qu'il pouvait.
Il devait les protéger. Eux comme Dudley, qui bien qu'idiot et brutal, ne méritait pas de souffrir mille tourments. Harry recula, trébuchant sur le trottoir et se retrouvant acculé. Les deux mains visqueuses se glissèrent hors de la robe du monstre ténébreux, prêtes à l'attraper. Dans sa tête, il put entendre de nouveau le rire strident de Voldemort, lorsqu'ils étaient au cimetière. Les moqueries des deux femmes au sujet de Cédric dont le sang s'écoulait encore sur l'herbe. La pierre à sa ceinture chauffa plus fort.
Levant sa baguette, Harry pensa à tous les bons moments qu'il avait eu en compagnie de ses amis, aux farces de Fred et George, à l'étreinte de Mrs Weasley, à la gentillesse de Neville, et à l'étrange présence du duo de Serdaigle. Il se rappela de l'état dans lequel s'était mise Sacha pour le protéger lui du faux Maugrey. De Rusard qui avait couru pour les protéger tous deux et avait menti en leur faveur.
« SPERO PATRONUM ! »
Ses yeux brillèrent d'un éclat vert empire, et sa baguette fit exploser un million de lumière, avant que le gigantesque cerf n'en jaillisse. Les bois, monstrueusement grands et larges, transpercèrent le détraqueur sans remords et le balancèrent à l'autre bout de la rue. L'animal, clairement plus grand que Hagrid - ce qui n'était pas normal du tout - portait carrément des ronces et des fleurs au milieu de ses bois. Et il fonça sur le capuchon sinistre qui s'en prenait à la petite fille décédée.
« PAR ICI » Cria Harry.
Il se redressa du mieux qu'il put, et envoya le cerf en direction de Dudley, à terre, et dont le corps convulsait sous l'agression du détraqueur qui le retenait prisonnier. La créature de lumière embrocha le détraqueur sur le point d'embrasser Dudley et l'envoya voler plus loin. Le cerf disparu ensuite dans une brume lunaire, ayant fait son office.
La lune, les étoiles, le ciel tout entier était de nouveau visible, ainsi que les lampadaires plus loin. La brise chaude balayait la ruelle, et le grondement habituel des voitures emplissait l'air à nouveau. Le retour à la normal était violent.
Harry était trempé de sueur, et son premier réflexe, fut de se tourner vers les deux fantômes qui l'accompagnaient partout.
« Est-ce que vous allez… ? » Il ne finit pas.
Cédric était pareil que d'habitude, bien coloré, mais à côté, essuyant ses larmes avec ses manches, se tenait une petite fille en noir et blanc. Visiblement blonde, vu la clarté de sa chevelure, elle avait un ruban sur la tête et une petite robe d'été claire avec des motifs de cerises dessus. Son visage de poupon, ravagé par les larmes, trahissait son jeune âge. Elle n'avait même pas onze ans !
« Betty ? »
« Ryry… ? » Pleura l'enfant, sans trop comprendre.
Et finalement, son visage s'éclaira. Harry la voyait, bien qu'aucun des deux ne sachent par quel miracle c'était possible. Si l'étreinte qu'elle voulut offrir au garçon le fit frissonner de plus belle, Harry était content d'avoir sauvé ses amis. Même son cousin. Dudley était toujours recroquevillé sur la pelouse, tremblant et gémissant. Harry se pencha pour voir s'il était en état de se relever.
« Quelqu'un arrive ! » Le prévint Cédric.
Le dos droit, Harry pivota, baguette au poing, pour faire face au nouveau venu. Et la surprise de voir Mrs Fig, la voisine accro aux chats toute essoufflée, se marqua sur son visage. La vieille femme avait l'air totalement échevelée, des boucles grisonnantes sortaient de son filet à chignon, et son sac de course pendait mollement sur son poignet. Elle portait d'horribles pantoufles écossaises. Le noiraud voulu ranger rapidement sa baguette, puisqu'il s'agissait d'une moldu, lorsque l'impensable se produisit.
« Ne la range pas, imbécile ! S'il y en avait d'autres ? Oh, je vais tuer Mundungus Fletcher ! »
oOoOoOo
Severus fixait avec désolation le corps tremblant sur la table de sa cuisine.
Il n'avait pour ainsi dire aucune idée de quoi faire. Comment soigne-t-on une personne avec un pied de chaise dans la poitrine sans magie ? Comment referme-t-on les coupures multiples sur un corps qui convulse ? Et ces doigts sanglants avec des aiguilles sous les ongles ? Elle respirait à peine. Comment pouvait-on faire sans magie, pour soigner quelqu'un sans le tuer ? Il ne savait pas.
Sainte Mangouste avait refusé qu'il mène son élève sous prétexte qu'un obscurus en danger ne pouvait être mené dans un hôpital. Pour le bien-être des patients en convalescence, on laissait mourir une adolescente. L'espion était peut-être capable de tuer et torturer pour le bien de sa mission, mais il n'avait jamais pris plaisir à faire du mal - exception faite contre les maraudeurs - et laisser quelqu'un mourir sans se battre, ce n'était pas dans ses attributions.
Mais que faire ?
Il ne pouvait même plus l'approcher. Le transplanage avait manqué de l'achever, et elle faisait de l'arythmie cardiaque à présent. Ce qui n'était pas bon avec l'énorme pieu moulé en tête de lion qui dépassait de son buste. Le fait est qu'il avait essayé de lui faire boire une potion et qu'un vent violent l'avait propulsé contre son cellier, l'écartant directement du corps. Elle se défendait de manière instinctive. Et l'elfe en pleine crise de panique juste à côté ne favorisait pas à la concentration. L'énième gémissement sur le possible décès de la jeune femme fut la goutte d'eau de trop.
Un silencio bien placé ramena le calme dans la petite maison décrépie du sorcier qui jeta une poignée de poudre de cheminette dans l'âtre.
« Manoir Malfoy ! » La tête délicate et blonde de Narcissa Malfoy apparut dans les flammes, l'air affolé.
« Professeur Rogue ? Qu'est-ce que vous faites ? Vous devriez être à … » Il la coupa.
« Ils m'ont refusé l'entrée. J'ai besoin de soins urgents, ou elle va y passer. »
« Transplanez ici ! »
« Je ne peux pas ! Le transplanage précédent a manqué de la tuer, il faut un transport stable. »
« Comment ça ? Pourquoi ? »
« Elle a un pieu dans la poitrine. Et sa magie la protège de moi. » Admit-il.
« J'arrive. » Fut la dernière réponse donnée.
Le feu vert disparu, et Severus se retrouva bras ballants devant sa cheminée. Elle arrivait ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Comment Narcissa Malfoy pouvait-elle savoir où il habitait ? Et transplaner pour l'allée d'accord, mais le retour ? Il ne pouvait décemment pas offrir des soins convenables depuis le taudis dans lequel il vivait chaque été depuis sa naissance. Ça se finirait en infection. Pire encore, aucune potion ne pouvait lui être administrée, puisqu'un souffle magique le repoussait dés qu'il était à moins d'un mètre. Elle allait faire sauter cette maison rabougrie juste pour éviter d'être touchée.
C'était un carnage.
Soudain, un crépitement disgracieux se fit entendre dans son dos, et le feu se ranima dans l'âtre avec force. Quatre elfes vêtus de guenilles en sortirent suivit de l'épouse Malfoy, qui portait une robe gothique noire et bleue à lourdes dentelles. La sorcière sortit sa baguette en faisant une grimace de mépris en observant la pièce dans laquelle elle se trouvait. Clairement, l'endroit lui faisait honte, mais une re décoration intérieure n'était pas à l'ordre du jour.
« Préparez la civière, nous passeront par la cheminée. Si l'un d'entre vous la fait tomber, ou la blesse, il sera torturé, suis-je bien clair ?» L'ordre de Narcissa était limpide, et les quatre elfes de la noble famille Malfoy hochèrent la tête comme un seul homme. « Bien. Severus, avez-vous des potions à emporter ? »
« Elles sont sur moi, mais on ne peut rien lui faire prendre, quiconque l'approche est propulsé à l'opposé. »
« J'ai mes moyens pour ça. »
Préparant des affaires pour leur départ, le potioniste avisa du coin de l'œil les elfes transformer la table miteuse de sa cuisine en civière à quatre points et s'en emparer magiquement. Aussitôt, une bulle se forma autour de l'ensemble, protégeant ainsi O'Nigay des secousses, et les elfes s'enfoncèrent avec le corps tremblant dans la cheminée. Artaban, toujours muet, voulu suivre, mais l'espion l'arrêta, levant son bras couvert de débris et de poussière pour faire barrière.
« Même si tu as aidé ta maitresse à survivre jusqu'ici, tu appartiens à la famille O'Nigay, et ils ont les moyens de te retrouver. S'ils les utilisent, ils retrouveront aussi ta maîtresse. C'est ce que tu veux ? »
La créature piteuse écarquilla ses yeux d'horreur et secoua la tête vivement, faisant trembler son bonnet vert. Pourtant, il finit par lever le sort qu'il lui avait été apposé de lui-même et disparu dans un crac retentissant. C'était tant mieux s'il s'en allait. Ça éviterait que la famille de tarés les retrouve trop vite. Il valait mieux qu'ils ignorent où se cachait la jeune fille jusqu'au procès.
Ce que Severus ignorait, c'était qu'Artaban, après avoir servi durant son adolescence la famille O'Nigay, était devenu l'elfe personnel de Sacha lors de sa sortie de Sainte-Mangouste l'été 1994. Et bien qu'elle ait toujours été froide en présence des membres de sa famille, elle respectait particulièrement les elfes. Artaban n'avait pas eu de meilleure maîtresse de toute sa vie, même si son seul boulot consistait à retaper ses vêtements et les teindre en noir. Il avait donc décidé de récupérer toutes les possessions de sa gentille maîtresse pour les lui rapporter, quitte à mettre le reste de la famille sur de fausses pistes le temps que l'affaire soit réglée.
Mais Artaban n'était pas le seul elfe prêt à tout pour défendre Sacha.
oOoOoOo
Draco Malfoy était confortablement installé dans le jardin d'hiver pour lire un livre sur la magie noire. L'adolescent aimait l'été, il pouvait flâner en extérieur, lire à sa guise dans des endroits insolites, de préférence verdoyant, et surtout, il était loin de l'agitation folle de Poudlard. Pas besoin de porter un masque, chez lui, hormis lors de visites impérieuses. Il pouvait se permettre de garder un visage serein, sans grimace méprisante, et seulement rire de ses propres frasques. Et le jardin d'hiver était son petit havre. La roseraie qu'il entretenait en compagnie de sa mère était florissante à souhait, et des roses blanches, bleue et roses pâles se côtoyaient dans diverses poses. Au milieu des blue moon se tenait un petit kiosque à thé en fer forgé blanc.
Lui ? Il était dans un coin de détente plus paisible, entouré de rhapsody in blue et blue nil, ces dernières s'entrelaçant dans une arche à pont au-dessus de sa tête. Plusieurs fauteuils confortables étaient dispatchés de-ci des là, ainsi que des banquettes de velours. Et il devait bien admettre que même s'il y avait plusieurs endroits agréables pour s'installer, Draco favorisait toujours la banquette en face de la fontaine du faucon. C'était l'écoulement de l'eau qui le calmait le plus. Savourant le contenu de son bouquin – même s'il ne comptait pas devenir mangemort pour l'heure, il aimait bien apprendre de nouvelles formes de magies. Et ce livre parlait de manipulation sensorielle à distance.
Sa lecture fut interrompue par des hurlements en provenance du manoir, et Draco sursauta sèchement, lâchant le grimoire par mégarde et perdant sa page. Il jura. Récupérant le livre, ses doigts restèrent serrés au possible sur les bordures de l'œuvre. Il fixa ses mains pâles une seconde. Est-ce que son père avait osé inviter le seigneur des ténèbres dans leur manoir ? Est-ce qu'on torturait quelqu'un chez lui ? Souillant son plancher et ses tapis avec du sang et de la bave ? Il craignait que oui. C'était le seul souhait que sa mère avait émis lors du retour du mage noir. Que lui et ses sbires malpropres ne viennent pas habiter chez eux.
Et il comprenait cette demande. Lui-même n'avait aucune envie de rencontrer ce monstre. Suprématie des sangs-purs, oui, mais jusqu'à un certain point. L'idée de courber l'échine devant un meurtrier lui déplaisait terriblement. Il était un Malfoy, que diable, il ne s'agenouillerait devant personne !
Quittant la banquette molletonnée de velours aux teintes crème au milieu des rosiers, son livre sous le bras, Draco s'éloigna des roses pour rejoindre le sentier jonché de buissons lilas qui menait à la bâtisse principale du manoir. Il fallait qu'il comprenne ce qu'il se passe. Et si le mage noir était chez eux, et bien… Il irait se réfugier dans la forêt qui bordait le terrain, probablement dans les écuries avec les abraxans. Frissonnant malgré les fortes températures, les prunelles grises accrochèrent un instant les vitres de la grande bâtisse.
Et tout vola en éclat de l'intérieur. Les paons albinos, dans le jardin d'entrée, s'enfuirent en braillant. Mais l'inquiétude de Draco à l'idée d'accueillir le seigneur des ténèbres disparue, remplacée par celle de perdre quelqu'un avec qui il s'était plus ou moins lié d'amitié. Car l'explosion des fenêtres venait clairement d'être causée par un nuage de poussière noire et mauve, et qu'il avait déjà vu ce phénomène auparavant. Ce nuage avait emporté une jeune fille au milieu de Poudlard pour aller ailleurs, et ce ailleurs, il en était persuadé, correspondait aux limbes. Endroit qu'il avait d'ailleurs visité malgré lui pendant la dernière épreuve du tournoi des trois sorciers, en compagnie de plusieurs autres élèves, et de cette même fille.
Sacha O'Nigay.
Que pouvait-elle foutre ici ? Et que ce se passait-il, enfin !? Il était certain qu'elle aurait dû être sous la tutelle de Rogue, c'était ce que sa mère avait dit après l'audience, expliquant qu'elle n'avait pas réussi à faire plier le jury à cause des antécédents de cinéma causés par l'adolescente dans ses premières années, et le drame survenu lors du tournoi. Les jurys du magenmagot avaient pris ça pour de la comédie, et seule la présomption d'obscurus avait fait bouger les choses.
Oubliant sa noblesse pour de bon et ses manières malgré la présence d'invités, il se mit à courir. Poussant la porte à double-bâtant sur laquelle était gravé un gigantesque rosier, il traversa le grand hall et marqua l'arrêt devant son salon. Il n'avait jamais vu un tel déferlement de magie et de puissance. Il pouvait sentir de son emplacement, la violence des courants poussiéreux noirs et mauves qui s'agitaient dans tous les sens. Un tourbillon.
UN TOURBILLON DE MAGIE DANS SON SALON !
Il essaya d'analyser la situation, son livre lui avait échappé des mains durant sa courses, et il avait peur. Peur, parce que dans ce tourbillon de poussières étincelantes, il y avait sa mère, son professeur, et toute une batterie d'elfes paniqués dont il n'entendait même pas les cris. Le centre de la tempête, il le savait, c'était cette civière sur laquelle reposait sa camarade. Draco frissonna. Rien de tout ça n'était naturel. Il le savait. L'obscurus était dangereux, l'obscuriale fragile et instable. Ce qu'ils avaient soupçonnés ne voulait dire qu'une seule chose.
Cette fille était dangereuse. Et du peu qu'il avait vu – et tût – les pouvoirs dont elle disposait, sans contrôle, pouvaient amener à un véritable cataclysme.
Oui mais, Sacha était différente, depuis l'année précédente. Il ne l'avait jamais vraiment apprécié, et encore moins regardé, auparavant. Pour autant, Draco était certain qu'elle partageait avec lui la même teinte glaciale dans les yeux. Et lorsqu'il l'avait rencontré sur le chemin de Traverse, qu'il s'était moqué de sa tenue et de son air, elle l'avait dardé avec un regard… Terriblement douloureux et noisette. Une couleur banale, mais qui ne collait pas à son visage. Ou plutôt, au visage qu'il avait connu. Et ce n'était pas issu d'un sort, il en était certain.
L'année avait démarré étrangement, elle, déprimée et catatonique, suivant uniquement les garces de Serdaigles sans un mot, ou s'enfuyant à cause de divers malaises. Il ne comptait pas le nombre de fois où il avait assisté à une chute en classe, ou un soudain saignement de nez. Et puis, il s'était rendu compte qu'elle était différente. Elle était venue le chercher pour aider une jeune première année de serpentard, puis avait eu des ennuis avec Zabini, parce qu'elle était sortie avec ! Sacha O'Nigay était sortie avec un serpentard, un des élèves sur lesquels elle crachait le plus. Cette découverte lui avait valu un début de duel contre le garçon en question pour éviter la perte de points massives.
L'agression des garces de Serdaigle lors de la première épreuve du tournoi, après qu'elle ait contré une attaque contre Luna Lovegood. Sa chanson. Même s'il ne savait pas qui était la chanteuse de ce morceau à l'époque, il l'avait touché. Ce n'était pas seulement cette voix forte et sublime, c'était ce qui passait dans ses mots. Cette douleur d'être à l'origine d'un mensonge qui vous enferme ensuite dans une prison non voulue, il la connaissait. Il avait toujours regretté son comportement avec Potter. Il aurait tout fait pour être ami avec quelqu'un qui se fichait de son nom. Et sa rencontre avec le noiraud chez Madame Guipure l'avait poussé vers lui. Il voulait connaître ce garçon qui ne savait rien du monde sorcier. Mais la jalousie l'avait embarqué lorsqu'il l'avait vu avec Weasley, et il avait fait n'importe quoi.
Sacha ne lui avait pas reproché son comportement de fanfaron et sa manière de faire.
Il y avait eu le bal de Yule, ce concert improvisé, où il avait compris qu'elle était spéciale. Et diable, il pouvait le dire, ce soir-là, elle était sublime. Rayonnante et distante toute à la fois. Comme un être sorti tout droit d'un conte. Et elle l'avait presque rejoué, finalement. Son cavalier était inconnu, et elle l'avait cherché désespérément pendant des semaines. Draco avait trouvé ça spécial, mais terriblement… Doux. Et il avait voulu qu'on le poursuive avec autant de ferveur. Qu'on l'apprécie autant pour se ficher du masque et voir au travers. Il ne lui en avait pas voulu, de ne pas s'être tourné vers lui pour des informations. Il comprenait.
Puis sa magie absente, ou plutôt, son coté sorcière qui fout le camp pour ne laisser que celui de l'oracle. Peu de gens étaient au courant, mais il y avait eu un oracle dans sa famille. Plus précisément, Abraxas Malfoy avait eu une sœur ainée, Astarte Isadora Malfoy. Elle s'était donnée la mort après plusieurs années de démences, perdues dans ses cauchemars trop réels. Elle n'avait jamais assisté au mariage de son frère cadet, et encore moins à la naissance de Lucius. Chacune de ses nuits étant hanté par une image du futur terrible qui se rapprochait avec la guerre contre Grindelwald. Elle s'était pendue la veille du grand incendie de l'académie sorcière de Vienne. Il fallait énormément de courage et de volonté pour continuer à avancer avec des visions aussi terrifiantes.
Sacha avait les deux.
L'attaque démonique dans le stade de Quidditch, où ils étaient tous morts et revenus, et qu'ils avaient dû la réanimer à la moldu. Qu'une créature pareille soit à sa poursuite n'était pas bon signe. L'amnésie subite qui touchait la moitié des personnes présentes ce soir-là non plus. Tout ça était déjà incroyable, mais pas de son fait. Et il n'avait jamais assisté à un usage de la magie de sa part. Avant qu'il ne découvre le nuage, en fait. Les quelques discussions philosophiques qu'ils avaient eu sur le monde et la magie. Et enfin, la transe hypnotique dans laquelle ils l'avaient tous suivit malgré eux. Il ne l'expliquait pas. Mais en son for intérieur, Draco savait que cette Sacha n'était pas l'élève de Serdaigle qu'il avait rencontré dans le train lors de sa première année à Poudlard.
Non. Cette Sacha était plus importante.
En conséquent, elle ne pouvait pas mourir sur le tapis de son salon en emportant tout sur son passage. Draco n'hésita pas une seconde, et pourtant, il n'avait rien d'un gryffondor. Il se jeta dans le tourbillon, bras en avant pour se protéger des éclats coupants projetés dans tous les sens. C'était dangereux, et un peu stupide aussi, mais il sentait qu'il devait le faire. Il devait avancer jusqu'à elle. Il fallait qu'il le lui dise.
Parce qu'elle ne le savait pas, elle ne pouvait pas le savoir, elle avait trop mal. Trop froid. Comment pouvait-il le savoir ? Aucune idée. Mais il le savait. Quelque chose n'allait pas du tout. Et il devait l'aider. Il devait lui dire qu'elle était enfin en sécurité. Parce que sa mère ne laisserait plus personne l'approcher avec de telles preuves, elle allait démonter le clan O'Nigay et les faire condamner à la prison d'Azkaban. Et le professeur Rogue s'occuperait de lui fournir des soins médicaux, et elle n'aurait plus mal. Et puis, elle ne craindrait plus rien, parce que plus personne n'abuserait d'elle. Parce qu'elle serait là. Avec lui.
Son bras gauche se leva pour protéger ses yeux, des éclats de verres vinrent se ficher dans sa peau, entaillant sa chemise blanche et propageant son sang sur le tissu. Entre deux voiles de poussières, il put voir sa mère lui crier quelque chose, mais il n'entendait pas. Il avait mal aux bras, il devait le reconnaître, mais s'il y avait quelque chose qu'il avait appris il y a longtemps, c'était la gestion de la douleur. Même s'il s'en servait souvent pour se plaindre, il était, en réalité, plus résistant que ça.
Pourtant, cette épreuve devenait de plus en plus compliquée à franchir. La douleur n'avait pas de fin. Rentrer dans la tempête magique était une mauvaise idée. Pour ne pas dire une connerie. Il le sentait. Alors que des lambeaux de peaux s'arrachaient de ses bras et de ses jambes avec le tissu soyeux de ses vêtements, il voila son regard pour ne plus voir l'horreur produite sur son propre corps. Il déglutit, et passa dans l'œil du cyclone.
Un hurlement déchirant et d'une hauteur sans pareille l'accueillit.
Ses mains sanglantes vinrent immédiatement couvrir ses oreilles et Draco grimaça douloureusement. C'était Sacha. Il le savait. Ce cri inhumain provenait de sa gorge. Ce n'était pas du tout normal ! Mais à bien y réfléchir, le pieu dépassant de sa poitrine non plus n'était pas normal. Et ce sang noir qui s'écoulait de la plaie, se cristallisant dès son arrivée sur le sol non plus. Elle avait si mal. Il le ressentait au plus profond de son être, comme s'ils étaient liés, et c'était le plus dur. Pas d'être lié, mais de savoir qu'on avait blessé sans raison cette fille qui lui avait tiré de véritables sourires.
Et cette terreur qui l'habitait. Il n'avait jamais ressenti ça de toute sa vie. Une angoisse sourde d'être abandonnée et de mourir seule. Comment une adolescente pouvait-elle ressentir ça ? Il l'ignorait. Draco voulait juste que ça s'arrête et qu'elle sache que lui ne l'abandonnerait pas. Ignorant cette sensation ignoble d'être submergé par des émotions ne lui appartenant pas, Draco s'agenouilla derrière la tête marquée d'effroi de Sacha. Et malgré la puissance de l'onde sonore, il se pencha sur elle, collant sa joue contre la sienne, l'enlaçant comme un frère serrerait une sœur.
« Je suis là. Tu n'es pas seule. On va s'occuper de toi. Je te le promets. Tout ira bien, O'Nigay. Je veille sur toi. Tu n'auras plus mal. » Et il répéta sa tirade, en boucle, de plus en plus doucement, alors que le souffle traumatisé se calmait, que le cri perdait en intensité, et que la tempête disparaissait.
Lacéré de tous les côtés, il offrit pourtant un sourire incroyablement doux à la Serdaigle qui venait de rouvrir ses yeux noisette pour les poser sur lui. Draco savait qu'elle ne le voyait pas vraiment, elle était totalement perdue, et les iris étaient trop dilatées pour qu'elle soit consciente de son environnement. Mais elle s'était calmée. Et c'était le principal. Il ne la lâcha pas une seconde, la chevelure platine frôlant le front de la miss tandis qu'il maintenait son regard dans le sien. Il avait lu ça quelque part, qu'un contact visuel permettait parfois aux patients en état de choc de s'ancrer dans la réalité.
Sa mère put enfin approcher, bien moins blessée que lui, puisqu'elle s'était protégée d'un puissant bouclier. Et le professeur Rogue fit de même, ainsi que les elfes. Et tous s'occupèrent de soigner la jeune femme couchée sur le tapis. Ils retirèrent les aiguilles sous ses ongles, frémissant à chaque expiration de la blessée. Ils jetèrent un sort de stase le temps de retirer magiquement le pieu, puis de verser des potions directement dans la plaie.
On fit boire à Sacha une dizaine de potions surdosées, régénération sanguine, cicatrisation accélérée, sommeil sans rêve, anti-douleur, antibactérien. On l'enveloppa de bandages, aussi, et d'onguents parfumés à la menthe et au vétiver. Il fallut des heures avant qu'elle ne s'endorme vraiment, mais tous les soins fonctionnèrent à merveille, comme amplifié par un catalyseur inconnu. Une fois sûr qu'elle n'allait pas exploser de nouveau, on la fit porter jusque dans une chambre d'ami, près de la chambre de Draco, pendant que ce dernier recevait à son tour des soins.
« Tu as été bien plus courageux que je ne l'imaginais, Draco… » Murmura Narcissa en épongeant le menton de son fils couvert de sang délicatement.
« Elle avait peur… Il fallait la rassurer. »
« À raison. Mais tu t'es mis en danger. On n'approche pas un obscurial sans protection. »
« C'est mon amie. Pas juste une maladie, mère. Je n'allais pas attendre que la tempête s'arrête en même temps que son cœur. » Narcissa se crispa, avant de sourire un peu.
« J'ignorais que vous étiez amis… »
« On ne l'est pas. »
« Tu viens de dire le contraire, mon fils. » s'amusa la sorcière.
« Oui, et bien je suis fatigué. Je dis n'importe quoi. » Il repoussa la main de sa mère, désireuse de l'aider à se nettoyer. « Je vais me coucher. Embrassez père pour moi. » Et quitta le salon qui avait été remis en place d'un coup de baguette.
Draco ne fila cependant pas immédiatement dans sa chambre. Il fit une halte dans les cuisines, ordonnant qu'on lui fasse porter du thé et des scones avec de la lemon curd. Il remonta ensuite le grand escalier de marbre d'un pas toujours mesuré. Oublié, le livre sur la magie noire. Sa seule préoccupation dormait présentement dans la chambre d'ami qui servait d'habitude à Theodore Nott lors de ses visites estivales.
Il savait qu'il y avait un problème avec sa famille lorsqu'elle avait parlé d'émancipation. Mais il ne s'était pas attendu à la retrouver dans un état aussi effroyable. Même le seigneur des ténèbres ne traitait pas ses fidèles de cette manière. Son père était déjà revenu faible à cause des doloris, mais pas dans cet état. C'était comme si sa vie ne tenait plus que par un fil, imbriqué dans une terreur sans nom. Il avait mal au cœur pour elle. Et le pire, c'était que ça n'était pas encore terminé. Il allait y avoir une contre-audience, et elle allait devoir faire face à ses bourreaux. Trouver un nouveau tuteur, parce qu'on ne laisserait pas une jeune fille aussi instable en liberté.
« On peut dire que t'es vraiment unique en ton genre, O'Nigay… » Murmura Draco contre la porte de la chambre. « Survit au moins jusqu'à demain. Tu me dois des explications. »
Il retourna dans ses appartements et se déshabilla. La chemise en coton n'était plus ni très blanche, ni très entière. Il la jeta dans un coin de la pièce, fit de même avec son pantalon ainsi que ses chaussettes. Il savoura la texture douce du tapis persan sous ses pieds nus et se dirigea vers la salle de bain adjacente. Se rincer serait suffisant, ensuite, la collation, puis il réfléchirait un peu à tout ce qu'il venait de se passer. Il n'avait pas très faim pour être honnête, seulement envie d'un goûter de réconfort, à l'abri des regards et du jugement de ses parents. L'eau froide lui fit du bien, et il se permit même de dégager la graisse des onguents cicatrisants que sa mère avait étalé sur son dos après leur sauvetage. Ça disparaîtrait de toutes façons très vite avec les potions cicatrisantes qu'il allait devoir avaler avant de dormir. Pas une seule fois dans la soirée, il ne croisa son reflet. Et personne n'avait remarqué que sous les mèches blondes qui couvraient son front, quelque chose était apparu. Quelque chose d'impossible et d'improbable. Un symbole tout de gris scintillant.
La marque d'Asclépios.
NDA 1/02/24 : Bonjour à tous, et merci aux lecteurs qui ont mit cette histoire dans leurs favoris ou follow, ça me fait plaisir! J'ai dis que je posterai moins, histoire de garder un peu d'avance, mais rassurez-vous, j'ai encore deux beaux chapitres tout prêts qui attendent leur tour. Certains ont dû le reconnaître, il y a beaucoup de passage appartenant au livre de JKR, ce qui est normal. Le destin cherche toujours à revenir sur sa ligne principale, même quand on essaie de l'en éloigner!
Est-ce que les deux premiers vous ont plu? Pas trop d'interrogation au sujet de Cédric? Et sur ce qu'il vient de se passer avec Draco?
N'hésitez pas à poser des questions si vous en avez, ou à donner votre avis sur l'histoire, je prends toutes les critiques!
Sur ce, je vous dit à très bientôt!
Et au 9 (si j'ai internet, car je vais être coupée quelques jours) pour les lecteurs de la malédiction du coeur!
