Bonjour/bonsoir !

Et non vous ne rêvez pas c'est encore moi ! Je vous gâte hein ?

Merci à tous ceux qui ont commenté ! Normalement je vous ai tous répondu par MP.

Et merci à mes bêtas readeurs Eve et Zod'a, qui n'ont pas pu corriger les fautes, faute de temps justement, mais m'ont quand même dit " mais oui ça vaaaa tu peux publier roooooh ".

Vous avez tous réagi plutôt vivement à l'apparition d'Aizen. J'ai beaucoup ri en voyant vos suppositions...mouaha.

Alors, méchant Aizen a-t-il frappé ce coup-ci ou... aucun rapport ? Les réponses à vos questions dans ce chapitre !


Chapitre 21

- Hana ? Hana ! Réveille-toi bon sang !

...Hiroshi ?

- Ce n'est rien, rassurez-vous, dit la voix apaisante.

Je reprenais doucement et douloureusement contact avec la réalité. Je voulus ouvrir les yeux, mais il me semblait que c'était la tâche la plus difficile au monde.

- Mais que lui arrive-t-il ? paniquait mon patron.

- Elle s'est juste évanouie. Mais maintenant elle va se réveiller, n'est-ce pas ?

Une main grande et chaude se posa sur ma joue, me tapotant doucement.

-hmmmm, m'entendis-je protester malgré moi.

Je tournai la tête et ce mouvement termina de réveiller mon corps. Je pus émerger.

Je clignai plusieurs fois des yeux, ma vision étant toujours brouillée. Je voulus me redresser mais me sentis vaciller, les jambes flageolantes.

C'était quoi ce bordel ?

Hiroshi m'attrapa par dessous les épaules et me souleva, me stabilisant, sa poigne autour de mon bras.

- ça va mieux ? s'enquit-il.

- Je...oui.

- Non, je ne crois pas, dit le shinigami à la cape en m'observant.

Je fronçai les sourcils. C'était lui qui m'avait touchée. J'avais énormément de mal avec les contacts humains. Les doigts d'Hiroshi autour de mon bras étaient comme étau pour moi, et je me dégageai sèchement. Aussitôt, je sentis mon corps partir en arrière et je m'appuyai sur la table des shinigamis.

Pourquoi fallait-il que je sois aussi faible devant eux ? Le shinigami me tendit la main et se présenta :

- Je suis Aizen Sosuke, Capitaine de la cinquième division des armées du Gotei. Mais appelez-moi Sosuke. Comprenez-vous ce qui vous arrive, mademoiselle ? reprit le shinigami trop tactile.

De toute évidence, c'était lui qui gérait la situation, ses deux acolytes restant en retrait. Même Hiroshi s'effaçait. Je ne répondis pas tout de suite et regardai aux alentours. Les clients nous observaient, fascinés de façon presque glauque, et sans gêne. Je relevai la tête et détaillai le shinigami qui me faisait face : il était grand et plutôt baraqué, mais son visage prenait une expression si douce et bienveillante qu'on oubliait facilement sa stature. Ses lunettes carrés rajoutaient à l'effet. Il aurait pu être très avenant s'il n'avait pas l'air d'un vieux sage. Il respirait la sérénité.

Il me sourit en voyant que je l'observais, et me laissa faire jusqu'à ce que je décide de répondre. J'eus instinctivement un mouvement de recul devant son regard ancré dans le mien qui ne me lâchait pas. Son sourire semblait plus calculé au millimètre près que sincère, et l'ensemble me gênait bien plus qu'il ne me rassurait, sans que je sache pourquoi.

Je m'inclinai.

- Je suis désolée de vous avoir importunée, messieurs. Je ne me sens pas en forme aujourd'hui, je vous envoie une autre serveuse pour s'occuper de vous, dis-je.

Je me détournai et aussitôt, une main ferme m'arrêta avec autorité, me forçant à faire demi-tour.

- Je vous ai posé une question, mademoiselle, articula-t-il doucement, son impeccable sourire toujours aux lèvres.

Je me sentis trembler à nouveau, rageuse. Juste à côté, Hirsohi nous regardait tour à tour, perdu.

- Non, je ne comprends pas, je ne suis jamais malade, répondis-je platement.

- Peut-être devriez-vous songer à rencontrer un médecin ? proposa-t-il.

J'eus un sourire amer.

- J'y penserai si cela se reproduit.

- Un médecin spécial.

Je me tus. Où voulait-il en venir à la fin ?

- Avez-vous déjà rencontré des shinigamis auparavant ? reprit-il.

- Oui.

- Quand pour la dernière fois ?

- Il y a bien des années, lâchai-je après avoir interrogé ma mémoire quelques secondes. De loin.

Il prit un instant de réflexion et se murmura pour lui-même :

- Oui, c'est tout à fait possible, ça peut prendre du temps...puis il ajouta, plus fort : Je doute que ayez pu passer inaperçue ainsi.

Je fermai les yeux et retint un soupir d'exaspération. Je détestais et méprisais les shinigamis du plus profond de mon être, comme quasiment tout habitant d'Inuzuri, même si je ne pouvais nier qu'ils m'impressionaient. Je les évitais à tout prix, et le moindre contact avec eux me répugnait. Pourquoi ? Parce qu'eux et leur institution faisaient comme si Inuzuri et les autres quartiers de Soul Society n'existaient pas et nous laissaient à l'abandon de la misère et des hollows, tout simplement.

Alors, allait-il enfin me lâcher la grappe ?

- Je vous demande pardon ? demandai-je.

Il sourit à nouveau.

- Vous avez réagi à nous, mademoiselle.

-...Comment ça ?

- Je vois que vous tremblez et ne pouvez tenir en place, soudain votre corps est faible et fatigué. Je sais les grondements de votre estomac et votre vue brouillée, votre malaise général en somme : vous avez faim.

Je restai interdite.

Mais qu'est-ce qu'il me raconte celui-là ? NON !

- Je...c'est impossible.

- De toute évidence, vous comprenez ce que cela veut dire.

- Non, refusai-je.

Je voulus reculer mais butai contre la table. Mon esprit et mon corps entier se révulsaient. Ce n'était tout simplement pas possible.

- Mademoiselle, calmez-vous...

Je retirai mon bras et il me laissa faire, même s'il aurait pu me retenir aisément. Son air compatissant m'écoeura.

- Je comprends votre réaction, je vais vous laisser réfléchir mais nous en reparlerons.

- Ce n'est pas la peine, lâchai-je.

- Hana ! s'exclama Hiroshi, stupéfait par mon manque de respect flagrant.

Je partis, laissant mon plateau et tous les autres en plan. Derrière moi, j'entendis Hirsohi bredouiller des excuses tandis que je fonçais vers la cuisine, la vue de plus en plus brouillée, à cause des larmes cette fois. Je m'avançai jusqu'à la fenêtre et m'écroulai à moitié sur le plan de travail, tête vers le bas. J'haletais. Il fallait que je me calme, tout de suite. Avant qu'Hirsoshi n'arrive et me vire.

J'avais totalement foiré, perdu le contrôle

J'avais faim. Merde.

Bien sûr que je comprenais ce que cela signifiait. J'avais déjà vécu cette situation, de l'extérieur. La dernière fois que j'avais croisé des shinigamis, j'avais vu une personne s'écrouler à côté d'eux. Cela avait fait pas mal de bruit dans le coin. Quelques jours plus tard, il était parti avec eux, pour enfiler cet étrange uniforme... et c'était ce qui m'arrivait. Ils voulaient me recruter, ces foutus shinigamis qui nous ignoraient, sans se soucier de ce que les habitants pouvaient bien devenir sans lois ni règles venant d'en haut. La loi du plus fort était seule reine ici. Mais quand ils venaient, ils se comportaient partout chez eux, nous toisant de haut, lorsqu' ils daignaient nous regarder.

Je ne le supportais pas. Je n'arrivais pas à faire semblant.

La porte s'ouvrit brutalement. J'attendis qu'Hiroshi m'engueule. Mais rien ne vint. J'entendis son pas lent et confiant, et sentis sa présence dans mon dos. Il patienta quelques -être attendait-il que je dise quelque chose.

- Il y a des biscuits dans le placard, prends-en.

Je me retournai sans me presser et croisai les bras, montrant clairement mon intention.

- Ce n'est pas la peine de me regarder avec cet air de reproche.

J'ouvris la bouche.

- Tu n'es pas virée, me coupa-t-il. Mais tu pars maintenant.

La refermai. Je hochai simplement la tête, trop gênée pour dire quoi que ce soit.

- Tu devrais y réfléchir Hana. Tu échapperais à cette vie de misérable.

Je fermai les yeux et pris une grande inspiration.

- Et abandonner Akiko et Akane ? Je m'insuporterai. Je préfère la vie que je mène aujourd'hui, aussi misérable soit-elle, déclarai-je.

Il hocha la tête.

- Je comprends. Mais à partir de maintenant tu vas devoir apprendre à vivre avec cette faim et y faire très attention.

Je savais qu'il avait raison. Cela ne pouvait que me créer des soucis en plus, car la nourriture, avec toute l'énergie spirituelle du Rukongaï, on n'était pas censé en avoir besoin, étant nous-même faits de cette énergie. C'était Hiroshi qui me l'avait appris, lorsque je lui avais demandé pourquoi le bistrot possédait une véritable cuisine. Ceux qui le pouvaient mangeaient pour le plaisir, étalant ostensiblement leurs richesses. La plupart du temps, des malfrats. Ou des shinigamis. Les autres ne mourraient pas de faim, et restaient discrets.

Hirsoshi repartit. Je savais que ça jaserait, les clients ne me voyant pas revenir en salle. Je voulais à tout prix éviter de rencontrer à nouveau ces shinigamis. Le shinigami… c'était quoi son nom déjà ? Mon esprit était trop flou. Mais je sentais qu'il ne me lâcherait pas.

Je posai mon tablier et décampai par la porte de la cuisine. Il était déjà tard mais je n'avais pas envie de rentrer, pas tout de suite. Je pouvais peut-être faire un détour et passer par les champs, pour profiter de la fraîcheur de la nuit et du ciel sans nuages, ainsi que du calme... C'était plus long, et plus sûr : il y avait peu de chance d'y rencontrer quelqu'un en pleine nuit, pas comme en ville. Ma décision prise, je bifurquai à un carrefour et pressai le pas, impatiente de m'étendre dans l'herbe et de faire le vide.

Le chemin n'était pas très loin, et plus je m'éloignais du cœur du quartier, moins il y avait de personnes. Cela me rassurait.

J'étais presque arrivée lorsque je sentis une présence. Je calmai immédiatement mon cœur et continuai comme si de rien n'était. Le pire, lorsque l'on était suivi, c'était quand le suiveur comprenait que l'on savait. Je m'empêchais donc d'accélérer le pas ou de jeter un coup d'œil en arrière. Je me demandai furtivement si je devais retourner au bar, mais non, il passerait probablement à l'action avant, et ce ne serait pas ceux que je croiserai qui me viendraient en aide.

Réfléchis, réfléchis...

Je ne pouvais que tenter de le semer. Ou du moins, le mener à un endroit où je serai à mon avantage pour un affrontement.

Serait-ce le vieillard de tout à l'heure ? Un client trop alcoolisé que j'aurais rembarré ? Les rixes d'origine rancunière étaient courantes.

Je décidai de poursuivre vers le champ, mais de prolonger le chemin par des petites rues où il pourrait peut-être me perdre de vue, sans accélérer et même, allégeant le pas.

Mon attention était à son comble. Je pouvais presque entendre mes cheveux se hérisser d'appréhension sur ma nuque.

Pendant dix bonnes minutes, je marchai dans le but de le perdre, me concentrant sur l'infime bruit de ses pas – il, ou elle d'ailleurs, était très discret...

Soudain, plus rien. Plus de pas, plus de présence. Je jetai un coup d'œil rapide en arrière, puis circulaire, avant de me retourner...

Il apparut devant moi. Ma respiration se bloqua de surprise.

C'était le shinigami. Je reculai d'un pas, avant de me reprendre. Je n'hésitai pas à le regarder dans les yeux, les miens devant être pleins de reproches mal contenus.

- Bonsoir à nouveau, mademoiselle.

-Je peux savoir pourquoi me suivez ?

Sourire. Ce type me fout vraiment les jetons. On a pas l'air aussi gentil sans arrière pensée.

- Vous devriez être plus polie.

- Vous n'êtes pas censé suivre les jeunes demoiselles. Je suppose.

Le sourire s'accentua.

- Détrompez-vous.

..Ah. Au secours ?

- Rassurez-vous, rien dont vous ne vous sentiriez forcée.

Il fit une pause, attendant sûrement une réponse que je ne lui donnai pas.

- Comme je l'expliquais avant que vous ne partiez de façon impromptue, je suis capitaine, je m'occupe donc de sélectionner les nouvelles recrues de ma division.

Oui, c'était bien ce que je pensais.

- Mais on ne devient pas shinigami comme cela. J'ai été également professeur à l'Académie, et je m'occupais également de l'examen d'entrée…

Ses yeux étincelèrent en me détaillant de haut en bas.

- Je sais reconnaître un nouveau talent.

Je levai un sourcil.

- Vous êtes intéressé, si je comprends bien ?

- C'est cela, oui, fit-il avec un nouveau sourire.

Il semblait avoir un sourire pour chaque circonstance.

- Eh bien désolée de vous décevoir, mais je ne le suis pas, intéressée.

Il eut presque l'air déçu.

- Je comprends. Je vais vous demander d'y réfléchir plus longtemps et profondément. Je vous donne une carte. Présentez-vous avec quand vous le désirerez, vous passerez les examens d'entrée sans problème, qui ont lieu chaque hiver.

Il me tendit la dite carte que j'attrapai du bout des doigts. Je ne voulais absolument pas qu'il me retouche. Il y avait ce je ne sais quoi en lui qui me mettait tellement mal à l'aise ; je n'avais qu'une envie : qu'il parte.

Ce qu'il fit après une infime inclination de la tête et un – nouveau – sourire satisfait.

Je me sentis glisser à terre, mon corps tout en tension relâché. Je déchirai sauvagement la carte sans même la regarder et la balançai.

Je n'entendais plus que les grondements de mon ventre.

HhHhHhHhHhHhHhHhH

Quelques décennies plus tard

J'ai faim. Faim faim faim faim...

Mes poches étaient cruellement vides. Il fallait que j'aille travailler. Encore. Pour acheter de la nourriture chère qui allait être consommée très rapidement, dont je ne pourrai même pas faire profiter Akane ou Akiko. Même s'ils sentaient les goûts, ils n'en avaient pas besoin, et ce serait du gaspillage. Le pire, c'est qu'ils voulaient absolument m'aider et se privaient de ce qu'ils mangeaient habituellement, alors que c'était un plaisir de partager un repas ensemble. Lorsque nous en avions les moyens.

Je me levai de mon vieux futon avec une volonté que je ne me connaissais plus et descendit rapidement dans la cuisine.

- Hana ! s'exclama ma mère avec un grand sourire.

Bien sûr, ce n'était pas réellement ma mère. Mais c'était elle qui jouait ce rôle à la maison, et pas seulement parce qu'elle avait l'apparence physique la plus âgée. Elle m'embrassa rapidement sur la joue. Elle avait les mains pleines de pâte.

- Maman, tu fais une folie ! Tu aurais pu attendre que je sois payée pour acheter tous les ingrédients, la grondai-je.

- Ne dis pas de bêtises, me réprimanda-t-elle, on aime bien manger avec toi. On est tous là ce soir, en même temps, autant en profiter.

Je lui souris. Elle tenait énormément aux valeurs et traditions familiales, quitte à faire des sacrifices.

- Tu travailles cet après-midi, c'est ça ? me demanda-t-elle.

- Oui. Promis, pas d'heures supplémentaires.

- Fais attention à tous ces hollows qui trainent dans le coin...

Je me tournai vers elle, en plein dans mes préparations. Une ride d'inquiétude lui barrait le front, ses yeux étaient devenus sombres. Elle connaissait le danger. Nous connaissons tous quelqu'un qui avait péri sous les griffes de ces monstres.

- Tu n'as pas de soucis à te faire, ils ne viennent pas en ville et ne bougent pas en milieu de journée, tu le sais bien.

Elle fit la moue.

- Ne vas pas t'égarer dans les champs.

-Ouiiii !

Et je claquai la porte avant d'arriver en retard. Je marchai d'un pas vif, enjoué. Il faisait beau malgré la saison et ce soir j'allais enfin profiter de ma famille. Je partageais leur vie et leur logis depuis maintenant plusieurs décennies, et nous étions une des rares familles à ne pas s'être séparée. Ou dont l'un des membres n'était pas mort d'une façon ou d'une autre. Notre vie était stable, et une sorte de routine s'était même presque installée.

On ne pouvait pas dire que c'était le cas de tout le monde. Dans le quartier, les gens se déplaçaient rapidement, yeux baissés et ne s'arrêtaient pas pour discuter. Une certaine tension polluait l'air et je sentis mon corps qui se crispait sans que je puisse l'en empêcher. Depuis plusieurs mois la situation était particulièrement tendue : des ryokas avaient envahi le Seireitei et ç'avait été la débandade générale. Il n'y avait plus aucun shinigami dans les environs, ils étaient tous mobilisés au sein du Seireitei. Bien sûr, les hollows n'avaient pas tardé à s'approcher de plus en plus près des villes.

Mon estomac gronda et j'allongeai le pas. Même si j'avais faim, il ne faisait pas bon d'être un shinigami dans ces temps obscurs. Je ricanai intérieurement en repensant à l'offre de ce shinigami, il y avait plusieurs années – une éternité dans ma mémoire. Comment s'appelait-il déjà ? Je secouais la tête. J'avais un mauvais souvenir de lui, même si flou, et je n'avais pas envie de me rappeler de ce moment pénible.

Je fourrai mes mains contre mon ventre dans l'espoir de me réchauffer, et rentrai les épaules. Quand on avait faim, on pouvait aussi avoir froid. J'ouvris la porte de la cuisine du bistrot et me précipitai vers le tout petit, mais brûlant, four, en poussant un soupir de satisfaction, fermant les yeux...

- ...tôt mal en point, y a ces espèces d'hollows humanoïdes, ils vont attaquer le monde réel...

Je tendis l'oreille, intriguée. Je ne connaissais pas cette voix. Je l'entendais très distinctement, la personne à qui elle appartenait devait être juste à côté de l'ouverture de la porte qui menait au salon. Qui cela pouvait-il bien être ?

- s'ils réussissent, ils vont forcément venir ici...continuait-elle.

Mais de quoi il parle ?

- et tout ça à cause de ce traître ?

Je sursautai. C'était Hiroshi !

- Je ne suis pas sûr, seuls les Capitaines en parlent, nous ne sommes pas censés être au courant...

Le rideau se souleva. Je détournai précipitamment la tête et entreprit d'ouvrir les tiroirs, prenant un air affairé. Silence.

- Hana, énonça calmement Hirsohi.

Je me retournai calmement, tout sourire.

- Tiens, salut patron ! Tieeeens, salut vous ! Seriez-vous mon nouveau collègue ? Ça tombe bien, on est vendredi je vais être dé-bor-dée !

- Hana, me coupa-t-il froidement.

- Ouiiiii ?

Il soupira.

- Je vais me dépêcher d'engager quelqu'un, comme ça tu ne seras pas obligée de venir si tôt, n'est-ce pas ?

- Ohhh, mais ça ne me dérange pas du touuuut.

- Va préparer les tables, lança-t-il d'un ton bourru.

Je faillis répondre mais m'abstins, ses yeux lançant des éclairs devant mon comportement. Je ricanai intérieurement. Le seireitei est dans la merdeuh ! Je m'arrêtai soudain. Il ne fallait pas trop que je me réjouisse du malheur des autres, quand même. Je secouai la tête. Si le Seireitei tombait, le Rukongaï entier partirait en vrille. Quelques districts, c'était déjà bien assez.

- Hana ! entendis-je tandis que je descendais les dernières chaises en passant un coup de chiffon.

Je me retournai.

- Hm ?

- Tu n'as rien entendu de la discussion de tout à l'heure.

Et ce n'était pas une question.

- Ne rentre pas trop tard, ça craint dans le coin. Je fermerai tôt.

Je soupirai et retournai à mes affaires en répondant vaguement. Décidément aujourd'hui, ils me prenaient tous pour une âme fraîchement arrivée...

- Je ne plaisante pas Hana, ça ne me rassure jamais de te voir partir seule le soir.

- Je sais, répondis-je platement. Malheureusement, je suis serveuse. Mais je sais me défendre.

- Tu es très jolie et facilement reconnaissable, en plus de ton sale caractère...

Je grimaçai. Je ne m'étais jamais trouvée jolie, mais je ne pouvais nier que mes yeux bleus attiraient indéniablement les regards. Ainsi que mon emportement...facile.

- C'est toi-même qui m'a appris à me défendre Hiroshi, tu te souviens ? commençai-je justement à m'énerver.

- Oui, je me souviens parfaitement. Mais tu n'étais pas encore...comme ça.

Je fermai les yeux, agrippant férocement les barreaux de ma chaise.

- Il n'y aura pas de problème, affirmai-je.

Silence. Puis j'entendis des bruits de pas, et Hiroshi se planta devant moi.

- Ce n'est pas sain ce que tu fais, Hana. Tu ne peux pas t'empêcher d'être une shinigamie ! Comment feras-tu le jour où tout ce que tu emmagasines depuis des années se relâchera ? Que ton corps sera détruit, impuissant ?

Je fermais les yeux pour ne pas exploser. Nous avions eu cette conversation tant de fois…

- ça va aller, murmurai-je.

- Non ça n'ira pas. Ça ne va déjà plus. Je te vois souffrir. Essaye au moins d'aller les voir pour...régler ça comme il faut.

Je levai les yeux vers lui, impassible, et déclarai froidement :

- Jamais. Tu me laisses travailler maintenant ?

L'espace d'un instant, je crus qu'il allait répliquer. Puis je vis dans ses yeux qu'il cédait. Il savait que je ne flancherai pas. Pour rien au monde.

L'Enfer me garde d'approcher un jour ces maudits shinigamis. Et que j'y brûle si je devais un jour devenir l'une des leurs.

HhHhHhHhHhHhH

L'attaque avait commencé une heure avant la fin de mon service, le soleil était déjà tombé. La salle était plutôt calme. Il y avait moins de clients en ces temps de crise.

Bien sûr, cela commença par des cris. On crut à une rixe. On s'apostropha, criant à qui mieux mieux, la salle devenant en quelques secondes assourdissante, au point qu'on ne s'entendait plus parler. Au delà de ce vacarme, on entendait celui de la rue, d'une toute autre nature mais s'y mélangeant parfaitement : des bruits de choses lourdes qui tombent, qui se cassent, et enfin, les hurlements, à intervalles irréguliers, tantôt brefs, tantôt aiguës, en crescendo ou s'arrêtant brusquement.

Un règlement de compte entre clans d'Inuzuri qui aurait pris notre place comme terrain de guerre ? Peu commun par ici, mais possible.

Puis le cri. Inhumain, déchirant l'air en même temps que vos cellules et vos pensées, vous figeant instantanément et sur place. À se faire dessus de terreur et d'angoisse.

Bruit sourd d'un choc, et le mur à ma gauche, celui de la cuisine dont je venais juste de sortir, explosa. Des gros morceaux de pierre volèrent dans toute la pièce, et je me prenais l'un deux dans l'épaule lorsque je vis une tête, arrachée de son corps, voler devant moi avant de disparaître en particules d'énergie. J'écarquillai les yeux, fascinée.

Puis les hurlements, tous dépassés aussitôt par un autre cri.

Celui-là me réveilla d'un coup, corps et esprit. Je laissai échapper un cri bref, tout à fait inaudible dans la débandade générale, aussi pathétique que moi en cet instant. Je tournai la tête.

Il était immense, au moins quatre mètres de haut sur un et demi de large, se tenant sur ses pattes arrières, tandis que quatres autres, telles des tentacules, fouettaient l'air impatiemment. Son large trou était tout en haut de son corps, juste au-dessous de sa tête hideuse, surmontée de cornes. Il sortit sa langue fourchue. Poussa un autre hurlement avant de s'agiter comme pour s'élancer.

J'étais de nouveau incapable de bouger, mes yeux rivés vers son masque de scorpion. L'air autour de lui se brouillait de son énergie si...malsaine. Tout autour de lui n'était que désolation, tout avait volé en éclat. On me poussa, et je tombai par terre. J'avais du mal à respirer, n'arrivait pas à aligner correctement mes pensées, à décider quoi faire..

Peur ancestrale. Je venais de me faire dessus.

Au prix d'un effort immense, je me mis à quatre pattes pour me relever et tournai la tête vers lui. Il ouvrit la gueule et une boule rouge naquit tout au fond, avant de grossir...J'avais déjà vu ça, une fois, il y a longtemps. Ainsi que ses conséquences.

Hana, cours, vite, et ne te retourne pas.

Je décollai. Les larmes me brouillaient la vue, je croisai plusieurs personnes sur mon chemin qui avaient l'air complètement désorientées et grâce à ma petite taille je pus me faufiler entre elles et sortir de l'établement. En moins de dix secondes, j'étais déjà loin. Je n'avais jamais couru aussi vite.

Je sentis le souffle chaud de l'attaque du hollow me roussir les cheveux et les vêtements mais n'arrêtai pas.

La maison. Akane, Akiko. Y avait-il plusieurs hollows ? Ou un ? Les shinigamis allaient-ils arriver ?

Je n'arrivais pas à penser tellement j'avais peur pour ma famille. Mes poumons et mes muscles étaient en feu. Je courrai de longues minutes, comme si cela pouvait me permettre de fuir cette réalité insupportable. Comme si cela pouvait repousser l'inévitable.

Mais il n'y avait plus de maison. Ni aucune autre à au moins kilomètre à la ronde, d'ailleurs. Que des restes. Pierres devenues poussières, champs saccagés. Je contemplai le spectacle, hébétée, comme hors de moi. M'effondrai.

- Non, non Akiko ! hurlai-je.

C'était stupide. Il n'était de toute évidence pas là. Je rampai quasiment sur ce qui restait de mon toit. Evidemment, il n'y avait pas de corps. Il ne me restait qu'à prier pour espérer qu'ils étaient ailleurs. Je retournai les rochers, trouvant des livres, des restes de futon ou de la table. Des couverts. Des bols. Le bandeau d'Akane...

Non. Elle ne le quittait jamais. Sauf pour cuisiner, de peur de l'âbimer. Akiko et moi lui avions offert il y a une éternité de cela.

- Non non non !

Mes larmes roulaient sur mes joues, je n'y voyais plus rien, mes mains et mes bras saignaient d'estafilades contre les pierres tandis que je tapais dessus, les retournant.

Je ne pouvais pas les retrouver, s'ils étaient morts.

Je m'écroulai à même le sol, incapable de bouger des débris, de laisser ma maison.

HhHhHhHhH

Ils étaient tous morts. Akiko, Akane, Hiroshi, les autres serveuses du bar, les commerçants du coin, et même le gars que j'avais vu avec Hiroshi le matin même.

Morts. Définitivement, cette fois. Envolés pour un nouveau cycle spirituel.

Des shinigamis de seconde zone avaient fini par arriver. Le hollow était déjà parti, après avoir détruit plusieurs quartiers. Ils l'avaient traqué, pour faire bonne mesure. L'avaient eu. Mais trop tard.

Ils s'étaient excusés. La plupart des shinigamis importants étaient dans le monde réel, en guerre. Le Seireitei était affaibli, les traîtres en avaient profité pour l'attaquer. Plusieurs districts étaient dans notre cas. Mais les Capitaines avaient vaincu, et étaient rentrés. Trop fatigués, trop tard, trop désolé, trop fichu, trop tout.

Je n'arrivais plus à manger. Trop envie de vomir. Je tremblais en permanence. Un médecin des shinigamis m'avait conseillé d'aller les voir... le pauvre devait faire dans sa culotte en se rappelant le regard de haine que je lui avais lancé.

Je haussai les épaules. Plus rien n'avait d'importance.

J'avais retrouvé quelques affaires dans les décombres et les avait enterrées dans le cimetière d'Inuzuri. Beaucoup de tombes avaient fleuries.

Une fois cela accompli, je ne savais plus quoi faire. Je n'avais plus de famille, plus de maison, plus d'amis, plus de boulot. Plus d'intérêt pour rien.

Un souvenir soudain me revint en mémoire. Un souvenir que je préfèrerais oublier, mais qui revenait en boucle dans ma tête. C'était le shinigami qui avait recueilli mon témoignage qui avait dit :

- Vous savez mademoiselle, que vous laissez échapper un réiatsu plutôt impressionnant pour une âme errante. Je suis étonné que cela n'ait pas attiré plus de hollows dans le coin, mais cela explique la persistance de celui qui vous a attaqués...

J'aurais voulu mourir.

HhHhHhH

Quelques mois plus tard

J'avais déménagé, incapable de reconstruire ma vie à Inuzuri. Seule, j'avais pu quitter Inuzuri. La Soul Society traversait une période difficile, alors mes déplacements étaient passés inaperçus. J'errais de district en district, cherchant je ne savais quoi. Une vie meilleure, peut-être. Dans tous les cas, je ne voulais pas de nouvelle famille.

Quelques années passèrent sans que je ne les compte, où je vendais mes services dans des champs et travaillais comme une forcenée pour m'abrutir et ne plus penser. Dès que le saison était terminée, je quittai le district, refusant de garder des liens.

Et un jour, ils me rencontrèrent. Une toute jeune famille. Dans un district si proche du Seireitei que sur le toit de la maison, je pouvais en voir la muraille. C'était une vraie famille. Les parents s'étaient rencontrés sur leur lieu de travail, s'étaient mariés, avaient eu de véritables enfants. Ils louaient un petit studio attenant à leur résidence, et cherchaient une personne capable de s'occuper de leur ménage et des enfants en bas-âge pendant qu'ils travaillaient. Les deux offres m'avaient intéressée. Je les avais intéressés. Je n'exigeais pas grand chose, si ce n'est de la nourriture et un toit, et, chose qualifiable même pour un district assez aisé, je savais lire et écrire. Un jour, la mère me dit, tandis que nous étendions le linge dans le jardin :

- Tu sais Hana, mon mari a un peu l'expérience des shinigamis, il a un ami dans la treizième division, il dit que tu dégages beaucoup de réiatsu.

Silence.

- Tu n'as jamais songé à devenir shinigami ? Après tout, tu ne peux pas faire ce travail toute ta vie. Là-bas, tu serais indépendante et mangerais à ta faim, en plus de ne plus craindre les hollows.

Je tressaillis.

- Il dit qu'il peut te faire rentrer, même sans logement officiel. On pourrait te louer ta chambre pendant tes études et te permettre une bourse, en faisant accélérer les choses...

- Il faut passer des examens, murmurai-je, me rappellant les paroles du shinigami que j'avais rencontré, une éternité plus tôt.

- Et alors, tu sais lire, non ? me sourit-elle. Pour une petite d'Inuzuri comme toi, c'est une aubaine !

Elle attrapa des pinces à linges et rit.

- ça me rassurerait de savoir qu'une femme comme toi protège mes enfants, tu as ça dans l'âme, aider les autres.

Je songeai aux enfants, qui bientôt, très bientôt, seraient assez grands pour ne plus avoir besoin de ma présence lorsque leurs parents seraient absents. Qu'allais-je devenir alors ? Devrais-je continuer à aller de propriété en propriété, pour m'occuper de la maison et de la progéniture d'âmes plus chanceuses que moi ? Je levai la tête vers la muraille du Seireitei.

Oh et puis, pourquoi pas ?

HhHhHhHhH

Je me réveillai en sursaut, les mots de Yuri résonnant dans ma tête, comme si c'était hier. Les paroles de cette bonne femme avait fait osciller toutes mes vieilles résolutions, les brisant une à une, me faisant changer d'avis. Ma vie, en tout cas la seconde, valait la peine d'être vécue.

Cela tomba comme une évidence. J'avais la réponse à ma question.

TO BE CONTINUED