Ils marchèrent en silence jusqu'à l'extérieur du building. Une fois dehors, elle lui proposa le café qui était de l'autre côté de la rue. Il ouvrit la porte et l'invita à passer devant lui, la guidant d'une main dans le bas du dos. Ainsi, ils allèrent jusqu'à une table quelque peu excentrée. L'endroit était quasi désert. Il recula une chaise pour elle et, galant, attendit qu'elle s'installe pour s'asseoir à son tour. Une fois face à face, ils sourirent timidement. « Je.. » Balbutièrent-ils en même temps, avant de rire, charmés. Finalement, Bill fit signe à Laura de parler en premier. « J'ai remarqué que vous étiez en train de lire "Marina" ce matin. »
Ce n'était pas vraiment une question mais cela méritait tout de même une réponse. « Oui. L'avez-vous lu? » Il était content qu'ils aient un sujet de conversation, il se demandait comment briser la glace. Ça faisait bien trop longtemps qu'il n'avait pas eu de rendez-vous galant.
« Oui. » Sourit-elle. « J'ai un petit faible pour les romans policiers. » renchérit-elle avec une lueur d'amusement dans les yeux. Ils ne tardèrent pas à échanger passionnément. Elle avoua aimer Musso et dévorer ses livres installée sur sa terrasse dès les premiers beaux jours. Il se moqua gentiment d'elle. Il évoqua Hercule Poirot, elle préférait Sherlock Holmes. Ils trouvèrent entente à l'évocation de Mary Higgins Clark.
Quand la nuit tomba, quand elle eut fini son thé et que le serveur commença à passer le balais, ils comprirent qu'il était temps de se séparer. Pourtant, aucun d'entre eux n'en avait envie. Laura était époustouflée par la facilité et la familiarité de leurs échanges. Elle, qui avait si souvent du mal à connecter avec les autres, elle qui se complaisait tant dans la solitude, se dit pour la première fois depuis bien longtemps qu'elle n'avait pas envie de rentrer seule, qu'ils pourraient faire un bout de chemin ensemble. Cette pensée la terrorisait autant qu'elle l'exultait. « Bill. » Elle savoura son nom dans sa bouche, goûtant les consommes, caressant du bout de la langue la voyelle. C'était un nom si fort, si masculin pour un homme qui semblait l'être tout autant. Il était très différent de tous ceux qu'elle avait fréquenté par le passé. Elle aimait les hommes qui exsudaient confiance, assurance et pouvoir. Elle ne trouvait rien de plus attractif que ça. Elle haïssait l'autosuffisance par contre. Et Bill transpirait le calme et la confiance.
Il la regardait avec anticipation. Il était sûr de l'avoir entendu prononcer son nom, pourtant, elle semblait perdue dans ses pensées, un sourire au coin des lèvres, les yeux rêveurs. Il se perdit à son tour à la contempler. Elle semblait avoir 5 ou 10 ans de moins que lui, il lui était difficile de lui donner un âge. Sa position au sein du gouvernement dénotée d'une plus grande maturité qu'elle ne paraissait. Il aimait les petites rides qui agrémentaient son visage, qui prouvaient qu'elle avait passé des années à vivre et sourire. Elle lui apparaissait si sophistiquée que ces petites imperfections le rassuraient. Elle ne semblait pas être une femme qui ne vivait que pour son apparence. Bien-sûr, il pouvait voir qu'elle avait mis de l'effort dans sa tenue et du soin dans sa façon de se maquiller mais elle avait su garder beaucoup de naturel. Peut-être était-ce l'un des nombreux traumatismes infligés par son ex mais il détestait les femmes trop maquillées. Il aimait pouvoir voir ses taches de rousseur, apprécier le grain de sa peau tout en étant séduit par sa coquetterie. Et, surtout, au-delà de son apparence, il aimait qu'elle ait une tête bien pleine. Il était clair pour lui qu'on ne devient pas ministre sans une certaine éducation. Il n'était pas scolaire, il valorisait plutôt l'expérience de la vie et la culture. Il était certain que cette femme avait tout cela. « Bill. » Perdu sans ses pensées, il ne l'entendit pas. « Bill?! » Demanda-t-elle plus fort avec un sourire, absolument pas offusquée. « Voudriez-vous dîner vendredi soir? » Il n'était pas sûr qu'il aurait eu le courage de le lui proposer. Il lui semblait que Laura Roslin était complètement hors de sa ligue mais comme elle demandait… « Avec plaisir! » Répondit-il en souriant de toutes ses dents.
