Il sourit. Le barbier avait donc raison. Il avait apprécié la surprise et l'envie dans les yeux de sa compagne à la vue de ses biceps. Il se sentit un peu plus sur de lui, juste assez pour lui proposer d'aller dîner. Il passait une très bonne soirée, il ne se souvenait pas avoir jamais autant connecté avec quelqu'un d'autre. Il avait connu des passions dévorantes dans sa jeunesse, il avait connu la vie de couple avec ses hauts et ses bas. Il avait connu la joie d'être père. Il avait aussi connu les soirées entre amis. Ce n'était rien de tout cela. C'était plus calme, plus profond, plus mature. Non pas qu'il ne la désirait pas, bien au contraire. Laura était magnifique. Elle avait un corps à faire pâlir d'envie des femmes de la moitié de son âge, ce n'était juste pas ce qu'il choisissait de retenir.

Il aimait la facilité de leurs échanges. Il aimait l'assurance tranquille qu'elle dégageait. Elle ne cherchait pas à plaire, elle savait qu'elle plaisait. Pour autant elle n'était pas imbue d'elle-même, bien au contraire. Il imaginait que c'était une qualité qui venait avec l'âge. Elle avait appris à accepter son corps avec les années, avait trouvé les meilleures façons de le mettre en valeur. Elle ne se cherchait pas, elle s'était trouvé depuis longtemps. Il l'avait vu dans sa façon de se préparer. Elle n'avait pas hésité, elle n'avait pas lambiné. Il ne voyait pas sa rapidité comme un manque d'égard, bien au contraire. Elle savait juste comment se mettre en valeur. Il avait d'ailleurs été agréablement surpris par l'habileté avec laquelle elle était passée de Mme la Ministre à Laura. Mais peut-être que Laura n'était jamais loin. Il avait bien vu qu'elle ne portait pas de souliers lorsqu'il était arrivé et qu'elle discutait avec son assistant.

« Que voulez-vous manger? » Sa voix le tira de sa rêverie. Il aimait sa façon de parler. Elle s'exprimait calmement sans hausser le ton. Elle avait une voix qui lui allait bien: mature, légèrement rocailleuse mais très féminine.

« Ce qui vous fait plaisir. » offrit-il sincèrement. Tant qu'il pouvait passer du temps avec elle, il était heureux.

« Tu veux qu'on aille dans le vieux port et qu'on voit ce qu'on trouve? »

Il poussait sentir son incertitude alors qu'elle le tutoyait pour la première fois. Il s'empressa de la rassurer. « Faisons cela. » Dit-il avec un sourire et l'entraîna par la main.

Encore une fois, il était charmé par son aise et son naturel. Elle venait de commander une pizza et un coke, un vrai coke avec 6 morceaux de sucre par verre. C'était quelque chose qui pouvait sembler idiot mais il détestait les femmes qui s'affamaient et encore plus celles qui refusaient de manger ce qui leur plaisait par coquetterie. Il ne trouvait absolument rien de charmant à cela, bien au contraire. Il avait perdu le goût de cuisiner et encore plus de sortir lorsqu'il était marié à Carole. Elle picorait comme un oiseau et picolait comme un camionneur. Il s'agissait là de leur premier repas ensemble mais il était certain que Laura savait maintenir un certain équilibre.

Minuit dix. Les serveurs étaient en train d'empiler les chaises sur les tables, leur signifiant sans trop de subtilité qu'il était temps de partir. Les seuls autres convives venaient de se lever. Ils n'avaient plus le choix. La soirée était passée en un clin d'œil. La nourriture était délicieuse, tout comme la compagnie. Ils avaient parlé de tout et de rien, sans aucun effort, sans laisser de temps morts. Il lui semblait renouer avec une amie de longue date, il lui semblait déjà la connaître même s'il ne savait rien ou presque d'elle. Il ne voulait pas que la soirée finisse mais il ne voulait pas brûler les étapes non plus. Il serait facile de lui offrir de venir prendre un café chez lui. Il savait que leur attraction était mutuelle, il se doutait qu'elle accepterait. Il ne voulait pas cela, pas encore. Il voulait continuer à apprendre à la découvrir. Il savait également que le métro venait de fermer et que même si c'était une ville très sûre, il se devait de la raccompagner.