Elle se sentait mal d'avoir été en retard mais était ravie que son choix de robe ait donné l'effet escompté. Elle avait aimé le regard qu'il avait porté sur elle. Elle ne s'était pas sentie déshabillée, elle ne s'était pas sentie comme un bout de viande. Elle avait toujours haï cela. Non, il l'avait regardé avec envie et admiration. Elle s'était flattée, féminine, un peu sexy. Richard ne la regardait jamais, du moins pas vraiment. Il avait toujours été intéressé uniquement par ce qui se passait entre ses jambes. Elle se rendait compte que ce genre de regard lui avait manqué.

Et en parlant de regard approbateur… Elle jeta un coup d'œil vers l'homme à ses côtés et ne put s'empêcher de se mordre la lèvre inférieure. Il avait retiré son veston pour faire du vélo, ce qui lui donnait une vue imprenable sur ses bras musclés. En plein jour, elle pouvait l'observer à souhaits. Il n'avait pas les muscles hypertrophiés comme les amateurs de stéroïdes et de fonte. Il avait les bras galbés par des années d'entraînement. Quand il passa devant elle, elle en profita pour admirer ses larges épaules. Elle n'avait jamais été avec un homme si… si homme. Elle avait toujours aimé des hommes soit athlétiques et mince soit mince et plutôt intellectuels. Elle n'avait jamais fantasmé sur ce genre de corps mais maintenant qu'elle en avait l'opportunité, elle avait hâte de découvrir comment ce serait d'être sous lui, de pouvoir caresser ses bras, d'encercler ses épaules massives tout en étant maintenue contre le matelas par son poids. Elle secoua la tête. Il fallait qu'elle arrête de penser à ça, et vite. Elle ne voulait pas avoir ce genre d'images en tête quand elle rejoindrait Billy et sa grand-mère.

Une vague d'appréhension la parcourut. Était-ce vraiment une bonne idée? Elle ne reniait pas son envie de passer du temps avec (sous) Bill mais le présenter à son collègue? D'un autre côté, elle se dit qu'avec des chaperons ça lui éviterait de lui sauter au cou trop vite. Il fallait voir le bon côté des choses.

Ils arrivèrent dans le Vieux port et Bill se débarrassa de son vélo dès qu'il croisa une borne. Elle accrocha le sien à côté et ils avancèrent au milieu des piétons, main dans la main. Ils s'étaient donné rendez-vous sous la grande roue mais ni Billy ni sa grand-mère n'étaient là. Elle s'adossa contre une balustrade et regarda vers le centre-ville, d'où le flot de gens arrivait. Elle aimait sentir la chaleur du soleil sur son visage et la main de Bill dans la sienne. Elle le sentit bouger à côté d'elle mais garda les paupières closes. Elle avait confiance.

Elle sentit son ombre et son souffle avant même de goûter ses lèvres. Elle avait oublié ce que c'était d'être libre, insouciante. Elle avait oublié ce que c'était de s'enlacer dans la lumière du jour, à la vue de tous. Elle aurait dû se sentir gênée mais elle ne l'était pas. Au contraire, elle se perdit dans les sensations: la langue de Bill qui caressait la sienne, ses mains chaudes qui encerclaient ses hanches, son corps solide contre le sien. Il posa son front contre celui de Laura lorsqu'il rompit le baiser et ils laissèrent échapper un petit rire. Elle était heureuse, pour la première fois depuis bien longtemps.

Il se remit à côté d'elle, un bras autour de ses épaules. Pour la deuxième fois du weekend, elle sortit son cellulaire. Pas de nouvelles de Billy mais, après tout, il savait son aversion pour son téléphone. Ils avancèrent au milieu des marchands ambulants. S'ils restaient à rien faire ils allaient finir pas s'embrasser et ne plus jamais s'arrêter. Et autant elle avait envie de se perdre dans ses nouvelles sensations, autant elle souhaitait un semblant d'intimité pour ce faire.

« Regarde, des queues de castor! " s'exclama Bill. Deux cafés et une pâtisserie plus tard, ils reprirent leur position contre la balustrade sous la roue. Elle regarda Bill prendre un petit bout du gâteau frit et l'approcher de sa bouche. Elle entrouvrit les lèvres et le laissa déposer la gourmandise sur sa langue. Elle pouvait voir le désir dans ses yeux mais avant qu'elle n'ait le temps de l'embrasser à nouveau, elle vit un chien courir vers elle.