Ça allait trop vite, c'était trop tôt. Elle n'était pas prête à affronter les ramifications que cela comprendrait. Elle ne voulait pas voir changer le regard qu'il portait sur elle, pas déjà. Pas avant qu'il n'ait eu la chance de mieux se connaître, d'être intimes. Elle ne voulait pas voir cette expérience altérée parce qu'il savait. Avait-elle vraiment le choix, désormais? Non. Mieux valait battre le fer tant qu'il était encore chaud…
Elle l'entraina vers un banc un peu en retrait. Elle ne voulait pas être dérangée. Elle se rendit compte que c'était la première fois qu'elle parlerait ouvertement de sa maladie, que ce serait la première fois qu'elle l'annoncerait à quelqu'un à qui elle tient. Elle se sentit soudainement très vulnérable et eut beaucoup de mal à chasser les larmes qui montaient à ses yeux. Elle n'avait jamais envisagé auparavant que quelqu'un ne puisse pas vouloir être en couple avec elle à cause de cela mais elle n'avait pas non plus imaginé être avec un homme jusqu'à très récemment. Elle n'était pas préparée à faire face à ce flot d'émotions.
« Prends ton temps, je vais nulle part. » Il venait de saisir sa main et caressait l'intérieur de son poignet du bout du pouce. Elle croisa son regard et vit qu'il était sincère. « Tu n'es pas obligée de me dire quoi que ce soit non plus. » Elle sut qu'il disait vrai. Son regard empreint d'empathie lui donna la force de parler.
« J'ai la sclérose en plaques. J'ai fait ma première poussée il y a deux ans. » Voilà, c'était dit. Elle sentit un poids s'effacer de sur sa poitrine. Elle n'osait pas le regarder cependant. Le dire était une chose, assumer les conséquences en était une autre.
Il pose ses doigts sous son menton et l'obligea à soutenir son regard. « Est ce que c'est grave? » La question et la tendresse dans ses yeux la désarmèrent. Pour la première fois depuis le décès de sa famille, elle se laissa pleurer devant quelqu'un d'autre.
« C'est une maladie du système nerveux. Ça évalue lentement mais… » Elle ne savait pas comment ni quoi dire.
« Tu vas bien maintenant? » Elle hocha la tête à l'affirmative et remarqua qu'une des mains de Bill était posée sur sa joue. « C'est le plus important. » Il l'attira vers lui et l'embrassa. « On improvisera quand ça reviendra. » Il appuya un peu plus ses lèvres contre les siennes, comme pour sceller un deal.
« Merci. » Murmura-t-elle contre sa bouche. Elle avait tellement redouté ce moment.
« Tu veux continuer à te promener? » demanda-t-il. Elle était reconnaissante qu'il ne pousse pas plus la discussion. C'était déjà beaucoup plus que ce qu'elle aurait voulu partager avec lui, ou avec qui que ce soit d'autre. Il la regarda dans les yeux alors qu'il dissipait d'une caresse les larmes de ses joues. Elle comprit alors que sa révélation ne changeait rien pour lui, pour elle, pour leur relation naissante. Elle comprit également qu'il ne la pousserait jamais dans ses retranchements, qu'il respecterait toujours ses émotions et ses limites. Elle comprit qu'elle n'était pas la seule à avoir du mal à accepter, catégoriser et divulguer ses sentiments. Elle s'en sentit rassurée. Elle n'était pas prête à s'investir à 100% et visiblement lui non plus.
