Coucou, voila le chapitre 5 qui arrive ! Bon, je suis désolée, celui-ci est pas très long ni très marrant. Mais vous allez en savoir un peu plus sur ce que deviennent Alphonse et Winry. Je crois qu'il y en avait qui se demandaient si on allait avoir de nouveau le point de vue d'Alphonse... Bah voila ! :)

Comme pour les chapitres précédents, j'ai fait une illustration que vous pouvez découvrir sur mon compte Deviantart (mon pseudo est Atelierdereve). Attention, elle respire la joie de vivre ! (cette remarque est totalement ironique)

Bref, je ne m'étends pas plus, et je vous laisse à la lecture en espérant que ce chapitre vous plaira.


Chapitre 5 : Les abandonnés (Alphonse)

Il était déjà tard quand le téléphone retentit dans la maison Hugues. Winry se précipita vers l'entrée en ayant encore à la main le torchon humide, pestant d'avance à l'idée qu'Elysia soit réveillée par la sonnerie sans se rendre compte que le bruit de ses pas lourds résonnaient presque autant dans la bâtisse. Je l'entendis décrocher tandis que je rinçais les derniers verres, puis elle m'appela.

Je quittai la cuisine à mon tour, essuyant machinalement les mains sur mon T-shirt avant de prendre le téléphone. Elle fronça les sourcils en voyant mon geste, et cela m'agaça qu'elle me regarde comme le ferait une mère désapprobatrice.

- Allô ? fis-je simplement.

- Allô, Al ? répondit la voix familière de mon frère, un peu déformée par le téléphone. Comment tu vas ?

- Ça va... répondis-je simplement tandis que Winry retournait essuyer et ranger la vaisselle. On est seuls à la maison ce soir, des amis de Gracia lui ont proposé de sortir se changer les idées, alors on garde Elysia. Tu as failli la réveiller d'ailleurs, quelle idée d'appeler aussi tard !

- Oups, pardon ! Tu sais, je n'ai même pas encore dîné, alors je ne me rends pas bien compte…

- Je vois ça... Et toi, ça se passe bien ?

- Oh, si tu savais, cette mission, c'est... C'est un sac de nœuds indémerdable ! Les gens ont trop peur pour parler, alors pour enquêter, ça n'aide pas... Ils craignent d'avoir des représailles ou de carrément recevoir des menaces de mort...

- Sérieusement ? ! m'exclamai-je, sentant mon estomac se nouer. Fait attention à toi, Ed !

- Tu sais, Al, j'ai l'habitude d'être en danger de mort, répondit-il calmement.

Sa phrase, et la sérénité avec laquelle il l'avait dite me fit sentir les nombreuses années qui nous séparaient maintenant. Même si ce n'était pas le but, je sentis une pointe de mépris. Ce n'était pas ma faute si j'avais oublié, si j'étais à la traîne. Ce n'était pas ma faute si quatre années de ma vie avaient été dévorées par une transmutation trop dangereuse.

- Ce n'est pas une raison... J'aimerais être là pour t'aider, murmurai-je.

- Je sais, moi aussi j'aimerais que tu sois là... Mais tu sais, Mustang avait raison quand il disait que tu ne devais pas venir avec moi. Déjà que moi, je suis trop jeune, et qu'on me regarde de travers, je pense qu'on n'aurait pu rentrer nulle part si on y avait été tous les deux... Si je n'avais pas mon statut d'Alchimiste d'État, personne ne me prendrait au sérieux. Tu sais, Lacosta... C'est un peu comme si toute la ville était interdite aux mineurs.

Je savais qu'il avait sûrement raison, il était le mieux placé pour me dire comment les choses se passaient là-bas. Malgré tout, la situation me faisait enrager, et je ne pouvais pas m'empêcher de détester Roy Mustang. Je ne l'avais vu que deux fois, mais je n'avais pas pu m'empêcher de le trouver infect. Je ne comprenais pas pourquoi mon frère lui obéissait au doigt et à l'œil, comme s'il lui faisait une confiance aveugle.

- C'est bon, j'ai compris que j'étais une gêne, répliquai-je d'un ton sarcastique.

- Al, je n'ai jamais dit ça ! protesta mon frère.

Il y eut un silence gêné. Depuis mon réveil à l'hôpital, je n'avais pas réussi une seule fois à parler avec lui simplement. Mon frère était parti beaucoup trop loin, il avait beaucoup trop changé. J'avais beau savoir qu'il ne l'avait pas choisi, je lui en voulais à chaque seconde d'avoir changé à ce point et de m'avoir laissé en arrière.

- Tu sais, tu me manques, avoua-t-il avec voix basse.

- Tu me manques aussi, murmurai-je, le cœur serré.

Même cette simple phrase me faisait mal au cœur. Sans doute parce que je me demandais toujours si c'était vraiment à moi qu'elle était adressée, ou si ce n'était pas plutôt le frère que j'étais avant de perdre mes souvenirs les plus récents.

- Fait vraiment attention à toi, ajoutai-je d'un ton très sérieux. C'est déjà difficile en ce moment, alors...

- Ne t'inquiète pas, je ne suis pas seul. J'ai rencontré une fille, là-bas, elle est débrouillarde comme pas deux et vit ici depuis l'enfance. C'est bien grâce à elle que j'avance dans l'enquête, avec tout ce qu'elle connaît sur la ville, on va bien trouver une piste à propos de ces enlèvements.

En l'entendant dire ça, je me sentis profondément jaloux. Il avait trouvé une alliée le plus facilement du monde. Une remplaçante ? L'idée était blessante et probablement fausse, alors je tâchai de repousser ce sentiment idiot. Nous avions déjà assez d'accrocs comme ça lors de nos discussions.

- J'espère. On se retrouvera à Resembool après les événements ?

- Resembool ? Vous comptez rentrer ?

- Oui, Winry et Gracia en ont discuté, elles pensent que ça serait mieux, et moi, je voudrais revoir Pinako, et tous les autres. Gracia Hugues nous a logés plus longtemps que prévu, et... on ne voudrait pas que notre présence lui pèse.

- Je ne pense pas que vous lui pesiez, vous l'avez beaucoup aidée au contraire, répondit mon frère.

Je voyais son sourire comme s'il était en face de moi, une expression douce et un peu triste qu'il avait empruntée à Maman sans le savoir. Et sa remarque me fit chaud au cœur. J'espérais qu'il avait raison, mais qu'il le pense était déjà réconfortant en soi.

- Merci, lâchai-je.

- Bah, je ne fais que dire ce que je pense. Bon, je dois raccrocher, j'ai pas mal de choses à faire. Prenez soin de vous, et ne déprime pas trop, hein ? On se reverra bientôt !

- C'est une promesse ? questionnai-je.

- Oui, confirma-t-il d'un ton ferme.

- A bientôt, alors.

- A bientôt.

Je raccrochai le combiné, le cœur battant d'un mélange de sentiments contradictoires. Content, frustré, rassuré et inquiet en même temps après cette conversation, je ne remarquai pas tout de suite la présence de Winry qui était revenue dans le couloir.

- Ça va ? demanda-t-elle simplement, me faisant sursauter.

- … Je ne sais pas si je m'habituerais un jour à cette idée, répondis-je, simplement en m'adossant au mur à côté d'elle.

- A Edward, ou à toi ?

- Les deux. Ce n'est pas le genre de choses qui ont le droit de changer.

- Il y a un principe alchimique qui dit ça ?

- Non. Mais il faudrait, grommelai-je.

Elle aussi, elle avait grandi sans moi. En la voyant, presque adulte, alors que je n'étais encore qu'un enfant, je me sentais pris de rage. Nous avions presque la même taille dans mes souvenirs, et maintenant, elle me dominait de presque une tête. Elle était devenue tellement jolie, et moi tellement ridicule. C'était vexant. Je voulais devenir adulte le plus vite possible, et que les gens arrêtent de me regarder de haut, avec cette pointe de tristesse qui me donnait envie de hurler.

- Il est énervant, hein ? murmura Winry.

Je tournais la tête vers elle, surpris par sa remarque.

- Le Fullmetal Alchemist, le plus jeune Alchimiste d'État, un véritable justicier qui se bat contre les ennemis les plus effrayants et affronte les pires horreurs... Mais qui laisse derrière lui sa famille et a peur de se livrer aux autres.

- Il n'a pas...

- Tu sais combien de fois vous êtes revenus à Resembool depuis que je lui ai posé ses automails ? Combien de fois il a téléphoné ?

- Non... je ne me souviens pas, tu sais bien, fis-je d'un ton contrit.

- Du jour où Ed est officiellement devenu Alchimiste d'Etat, vous êtes rentrés trois fois. Et il a téléphoné deux fois. Pinako et moi, nous n'avons pas reçu une seule lettre en trois ans.

En entendant le ton avec lequel elle avait annoncé ça, je sentais à quel point ça l'avait blessée. Et je me sentais mal en me disant que j'avais été tout aussi coupable, même si je ne m'en souvenais pas.

- C'est bête, mais qu'il ait téléphoné ce soir, même s'il a failli réveiller Elysia, ça m'a fait plaisir. Même si c'était parce qu'il voulait te parler, à toi, on a pu échanger quelques mots. C'est un luxe que je n'ai pas souvent.

Elle haussa les épaules en regardant le plafond, son regard démentant son sourire tandis qu'elle ajoutait une phrase qui me frappa.

- Après, tout, j'ai toujours su qu'il n'y avait pas de place pour moi entre deux frères soudés comme vous.

J'ouvris la bouche pour répondre, et me mordis la lèvre. Je pouvais toujours lui dire à quel point elle avait tort, je savais bien qu'elle avait toujours été avec nous, et pourtant, toujours à l'écart. Cela tenait à pas grand-chose, si elle n'avait pas été une fille, si elle s'était essayée à l'alchimie aussi... Mais le résultat était là, elle se sentait exclue, un peu abandonnée. Elle avait sûrement été amoureuse d'Edward.

Peut-être était-ce toujours le cas.

Me voilà jaloux, pensai-je, le regard vissé sur mes chaussures. Encore.

- J'espère qu'Elysia ne va pas faire de cauchemars cette nuit.

- Ça serait la première fois depuis l'enterrement de son père... murmurai-je.

- J'ai tellement honte.

- Moi aussi.

- Elle est trop petite pour vraiment comprendre.

- Je sais.

A chaque fois que l'enterrement de Maes Hugues me revenait en tête, les souvenirs de la mort de ma mère s'y mélangeaient. J'avais pleuré silencieusement en entendant les cris déchirant d'Elysia, j'avais eu tellement envie de serrer dans mes bras les morceaux éclatés de cette petite famille que je connaissais depuis peu et qui m'avait accueilli comme si j'étais là depuis toujours. L'image du cercueil descendant dans la fosse, la terre noire et riche qui recouvrait le bois chaud au fur et à mesure des pelletées, et même le temps gris, le vent d'une journée qui avait oublié l'été, tout cela s'était gravé dans ma mémoire et tournait dans ma tête chaque nuit. Chaque nuit, les pleurs de la fillette me réveillaient et me rappelait la douleur que j'avais ressentie à la mort de ma mère, le vide qu'elle laissait encore aujourd'hui.

Les enterrements sont tous les mêmes, au fond, pensai-je simplement. Je me souvenais des mines graves, des yeux rouges, des gorges serrées, des gens qui me regardaient d'un air intrigués, curieux de savoir ce que je faisais aux côtés de Gracia Hugues, tenant Elysia par la main, Winry à ma droite, pendant le cortège funèbre. Je me souvenais d'Edward, regardant ailleurs, se sentant plus coupable que n'importe qui d'autre dans l'assemblée.

Il avait, d'un coup d'alchimie, teint son manteau en noir, et on devinait à peine le motif du caducée peint dans son dos. Il portait tout le poids de celui qui avait vu, de celui qui aurait pu le sauver. Il devait deviner que des gens allaient venir lui parler avec une sollicitude malsaine, que l'armée allait lui poser mille fois les mêmes questions sur ce qu'il avait vu. C'est en boitant encore qu'il s'était approché de Gracia pour poser une main sur son épaule, lui murmurant ses condoléances sans être capable de la regarder en face. Et ça m'avait fait mal de le voir comme ça, quand je savais tout ce qu'il avait fait. Son visage était encore écorché du combat qu'il avait livré quelques jours auparavant, et il marchait à pas lents, masquant sa douleur à chaque mouvement.

Alors quand ce Mustang était arrivé à pas vifs près de mon frère et lui avait confié sèchement le dossier de mission de l'armée, peu de temps après la mise en terre, alors que tout le monde était encore devant la tombe, j'avais senti une immense colère déborder de moi, et j'aurais voulu serrer Edward dans mes bras et hurler à cet homme aux traits trop lisses que c'était une enflure, qu'il n'avait aucun respect envers son ami mort, que ce n'était ni le lieu ni le moment, et que mon frère convalescent avait autre chose à faire qu'aller mourir en mission à l'autre bout du pays.

Je n'avais pas osé, du haut de mes dix ans, me disputer avec un adulte, mais une femme l'avait fait à ma place. J'avais été soulagé et mal à l'aise à la fois quand je l'avais entendue débiter toutes les horreurs que je pensais du supérieur hiérarchique de mon frère. Avec son visage rond marbré sous le coup de la rage, ses grosses lunettes et ses épais cheveux châtains indisciplinés, elle avait tout d'une personne insignifiante, et son coup d'éclat tellement inattendu ne passa pas inaperçu. Elle était rouge de colère, et avait renoncé à essuyer les larmes qui coulaient de ses yeux, s'étouffant sous l'indignation que lui donnait cette situation. Edward avait été très calme quand il lui avait rappelé que le moment était mal venu pour ces discussions, et que Gracia n'avait pas besoin de ça, désamorçant sa colère. Elle s'était excusée d'un ton honteux auprès de la veuve, puis avait quitté précipitamment le cimetière après un dernier regard noir pour le Colonel.

- J'aimerais pouvoir faire quelque chose pour Gracia et Elysia, murmurai-je après être revenu dans le présent.

- Je crois qu'on ne peut rien faire de plus.

Winry me lança un petit sourire triste, et sans vraiment m'en rendre compte, je frôlais sa main comme pour la serrer dans la mienne, espérant la réconforter au moins un peu.

La porte s'ouvrit à ce moment-là, laissant entrer la jeune mère, qui nous salua d'une voix claire.

- Bonsoir. Tout s'est bien passé ?

- Oui, répondit Winry en s'avançant vers elle. Elysia dort depuis huit heures, jusque-là, elle n'a pas fait de cauchemar.

- Très bien, je suis soulagée, répondit l'adulte en attachant sa veste au portemanteau.

- Et vous, la soirée s'est bien passée ?

- Bien, les filles ont été adorables avec moi, on est allées au cinéma, et à un bon restaurant.

- Très bien.

Je remarquai que si elle était encore fatiguée et que la tristesse n'avait pas disparu de son visage, ses traits étaient un peu moins tirés. Je devinais que la sortie lui avait fait beaucoup de bien, et me sentis fier d'avoir insisté avec Winry pour qu'elle accepte l'invitation.

- Merci beaucoup à vous deux d'avoir gardé Elysia pour la soirée, je n'aurais jamais osé quitter la maison autrement.

- C'était la moindre des choses, répondis-je.

- C'est gentil de votre part, répondit-elle avec son petit sourire élégant. Je vais vous dire bonne nuit, je suis épuisée.

- Dormez bien, fis-je en cœur avec Winry.

- Vous aussi.