Et voila, Après quinze jours de marathon de repas de fête en série, il est temps de revenir à la dure réalité... Heureusement, il y a les fanfictions ! Bref, je n'ai pas encore eu le temps de faire le dessins associé, mais voici tout de même le chapitre 8. On revient du point de vue d'Edward et on lui souhaite bonne chance.
Bref, je n'ai pas grand chose à dire, sinon "Bon courage pour la rentrée." et "J'espère que ce chapitre vous plaira !" Bref, bonne lecture à tous !
Chapitre 8 : Humiliation (Edward)
- J'ai. Un corps. De fille, avais-je marmonné d'une voix hachée.
Mes mains, posées sur mes genoux, étaient serrées à s'en blanchir les jointures, mes joues me brûlaient, et je sentais mon cœur battre contre mes côtes comme s'il voulait s'enfuir, la gorge serrée, les yeux piquants. Le silence qui s'était abattu dans la pièce était presque douloureux, on entendait le vent faire claquer le volet de la fenêtre.
- HEIIIIN ? !
Le cri de Roxane résonna comme un écho au choc que j'avais eu quand j'avais découvert ma nouvelle condition, ma nouvelle punition. Quand, en me réveillant dans une chambre d'hôpital, j'avais découvert un corps transformé sous mes draps.
Elle me regarda largement, la bouche bée, remplie d'incompréhension de de surprise. Elle me fixait d'un œil nouveau, cherchant la vérité dans mon visage, ma posture. Sous son regard inquisiteur, je me sentis rougir davantage, alors que je ne pensais pas ça possible. Pire, je me sentais suffoquer, la gorge serrée, écrasé d'une peur qui me dépassait complètement.
- Vraiment ?
- Vraiment, marmonnai-je. J'ai tout l'attirail.
Elle chercha sa chaise à tâtons et s'assit dessus sans détacher son regard.
- Mais alors qui es-tu ? demanda-t-elle tout à trac.
- Je suis Edward Elric, répétai-je.
- Mais Edward, c'est un nom d'homme... Comment... ? Que... ?
- J'ai eu un accident pendant une transmutation, expliquai-je péniblement. J'étais un homme. Il y a un mois encore, j'étais un garçon.
- C'est possible, ça ? !
- Malheureusement, oui.
- Mais, la transmutation humaine, c'est impossible... Non ? fit-elle d'un ton hésitant.
- Ça n'est pas aussi simple que ça, éludai-je.
C'était un sujet sensible. Particulièrement pour moi qui avais tenté de braver l'interdit.
Elle cessa de parler et continua à m'étudier du regard malgré mon embarras. Je ne me voyais pas lui expliquer tous les événements qui m'avaient mené là. C'était une longue histoire, pleine d'erreurs et d'horreurs, ce n'était pas le genre de choses que je voulais partager avec quelqu'un que je connaissais depuis si peu de temps. C'est d'une voix plus fragile que je repris la parole.
- C'est un secret.
- Je m'en doute, lança-t-elle comme si ça lui paraissait tellement évident que ma remarque n'avait pas de sens. Ce que je me demande, en fait, c'est pourquoi tu me le dis, à moi, avoua-t-elle en me regardant avec une expression indéchiffrable.
- Tu m'as fait confiance, tu m'as logé, tu prends des risques avec moi sans me connaître.
- Toi aussi, tu prends des risques, non ?
- C'est mon travail, de prendre des risques. C'est ma vie, même.
- Alors tu veux dire, que tu serais prêt à t'habiller en fille... Pour servir d'appât ?
- Si ma véritable identité reste secrète... oui.
Après tout, je l'ai déjà fait une fois.
- Tu n'as pas peur ?
- Je sais me battre, répondis-je brièvement. Et je maîtrise l'Alchimie à un haut niveau. Et toi ?
- Je vis avec la peur au ventre depuis tellement longtemps que je me suis habituée.
Le regard que nous avions échangeâmes à ce moment-là nous lia comme un pacte. Nous avions un objectif commun, et nous avions des secrets à garder ensemble. La gêne restait présente, lancinante comme une blessure, mais j'avais l'impression que je pourrais m'y habituer, comme je m'y étais habituée petit à petit avec Al et Winry. Elle ne m'avait pas foutu dehors, elle ne s'était pas moquée de moi. C'était quand même un sacré soulagement.
- Bon, par contre, il va falloir que tu me montres ce que tu vaux comme fille, fit-elle remarquer.
- Comment ça ?
- Est-ce que tu sais porter des talons ? Te tenir bien ? Te maquiller ? Minauder pour draguer ? Ta taille de soutien-gorge ?
- BIEN SÛR QUE NON ! ! tempêtai-je en rougissant de nouveau. COMMENT JE SAURAIS TOUT CA ? !
- Je m'en doutais... Tu vas avoir besoin d'entraînement.
- Ah... euh... et...
- Oui ? fit la rousse, qui avait calé son menton dans la paume de sa main et fronçait les sourcils en réfléchissant déjà intensément à la manière de faire de moi quelqu'un d'autre.
- … J'ai des automails, aussi, lâchai-je du bout des lèvres. Un bras et une jambe.
- … T'es pas simple, toi, soupira-t-elle avec une expression blasée qui semblait dire « Bah, on en est plus à ça près ». Déjà, commence par montrer à quoi tu ressembles en tant que fille.
- Hein ? Comment ça ?
- Allez, désape-toi !
- Mais qu'est-ce que tu fais ? Attends ! Hééééé ! Arrête ça, je préfère encore le faire moi-même !
C'est ainsi que commença une des semaines les plus infernales de ma vie.
Il m'avait été pénible d'enlever mon bandage pour laisser apparaître ma poitrine, saillant sous mon débardeur. J'avais beau avoir gardé mes vêtements quand je me présentais à Roxane, j'avais l'impression d'être nu en sentant le souffle d'un courant d'air sur mes épaules, et la sensation de ne pas avoir le torse enserré par des bandages était devenue si inhabituelle qu'elle en était presque gênante.
Mais la vérité, c'est que cette épreuve n'allait être que la première d'un long chemin de croix. Elle mesura ma poitrine pour en estimer la taille, détacha mes cheveux, me fit enfiler une de ses robes dans laquelle le flottais complètement, et me fit marcher dans la pièce, en long, en large, en travers, avec des chaussures à talons trop grandes dans lesquelles je peinais à ne pas me tordre la cheville, et en me faisant subir une déferlante d'instructions pour parfaire le tout. Les pieds en dedans, rentrer plus les genoux, faire des petits pas, mais avoir l'air naturel, ne pas serrer les poings, pousser sa voix pour qu'elle soit un peu plus aiguë, ne pas parler trop fort, parler de soi au féminin... Les ordres glissaient sur moi sans m'atteindre, je regrettais déjà de m'être lancé dans cette mascarade et je n'arrivais plus vraiment à être attentif tant ces instructions me paraissaient absurdes. Toute la nuit s'était écoulée de la sorte, et quand elle était sortie, je m'étais affalé sur son lit avec le sentiment d'être particulièrement ridicule, attifé en dépit du bon sens, et me sentais envahi par une question inquiétante : Comment faisait-elle pour dépenser autant d'énergie et en avoir encore ?
Le lendemain était sa journée de repos, qu'elle passa en partie dehors à fouiner dans les magasins avec de l'argent que je lui avais confié. De mon côté, j'avais retrouvé une tenue correcte, et après avoir discuté furtivement avec Berry pour le tenir au courant de l'évolution de nos plans, et je faisais la tournée des bars avec les plus hauts gradés des militaires de la ville dans l'espoir de créer une soi-disant complicité et surtout d'apprendre toutes les anecdotes croustillantes qui pouvaient nous être utiles pour les compromettre par la suite...
La moisson ne s'avéra pas très fructueuse, puisque j'avais surtout appris que les militaires qui avaient été nommés ici étaient sans doute les pires pervers que la terre ait jamais portés. Moi qui avais dû minauder hier sous l'œil exigeant de Roxane, j'avais eu envie de vomir en les voyant regarder des femmes comme si c'étaient des bouts de viande quand nous étions allés dans des bars avec strip-tease. J'avais pu constater au passage que Roxane et ses collègues avaient bien plus le sens de l'élégance et du spectacle que la moyenne. Le spectacle que j'avais subi cette après-midi-là était juste... obscène. Il n'y avait pas d'autre mot. Comment les autres pouvaient y prendre du plaisir, je n'arrivais pas à le comprendre, encore moins à l'accepter.
Dans ces conditions, il m'avait été difficile de singer leur comportement, mais je m'en étais tiré avec des rires gras et des commentaires sur ma jeunesse. S'ils savaient... Déjà que je ne m'étais jamais beaucoup intéressé au sexe opposé, maintenant que je partageais leur infortune, le concept même de libido était profondément enterré dans les limbes de mon esprit. Seul restait la pression d'un rapport négatif et un sens de la répartie teinté de cynisme pour leur paraître digne d'intérêt. Heureusement, sur ce dernier point, j'avais plus d'entraînement.
Je supposais avoir gagné un peu de sympathie de la part du Commandant, mais j'étais rentré avec une démarche approximative et une envie de vomir persévérante. A peine arrivé, Roxane me maquilla, me fit me changer et marcher sur des talons gigantesques sous prétexte qu'il fallait que je sois capable de le faire, même bourré. Elle me corrigea pendant des heures, répétant inlassablement les mêmes remarques qui me limaient les nerfs chaque fois un peu plus. Si c'était cela, être une femme, il fallait vraiment que je résolve la situation aussi tôt que possible, je ne tiendrais pas longtemps avec ces obligations détestables. Finalement, il était quatre heures du matin quand elle me laissa m'effondrer tout habillé sur le lit et sombrer dans un sommeil de plomb.
Le lendemain, je me réveillais la tête lourde, les yeux collants et la langue pâteuse. Une fois débarrassé de mon travestissement et du maquillage qui s'était étalé dans la nuit, je me préparais à aller passer la soirée chez Ian Landry. Il habitait dans un véritable domaine, avec manoir, dépendances, cellier, pigeonnier, écuries, le tout entouré d'un parc immense parcouru par une série de bassins successifs alimentés par un canal parallèle à la Ruade, cette grande rivière qui venait des montagnes du Sud et descendait jusque chez nous, à Rezembool. Je constatais, sous mes airs innocents, que les serveurs étaient de véritables chiens de garde, très attentifs à défendre les quartiers privés de leur employeur. Je ne pouvais pas l'approcher tant il était entouré par sa cour en permanence, et je me contentais donc d'échanger quelques mots avec les militaires que je connaissais déjà, sans cacher mon admiration pour les lieux somptueux, et explorer les salles autorisées pour en dresser un plan dans mon esprit, et d'étudier de loin notre ennemi.
Assez grand, il portait une moustache et un bouc impeccablement coupé, ainsi que des cheveux noirs rabattus en arrière. Quelque chose chez lui me rappelait le Colonel Mustang, dans sa manière de se tenir, ou ses expressions, ce qui eut le don de m'irriter. Tous deux étaient sans doute particulièrement manipulateurs, mais la ressemblance s'arrêtait là. Je connaissais assez Mustang pour savoir qu'il possédait une bienveillance, profondément dissimulée, certes, mais dont mon ennemi était manifestement totalement dépourvu. Il y avait quelque chose de félin, de carnassier, même, dans sa manière de se déplacer et d'étudier les autres du regard. Il ne m'avait jeté qu'un coup d'œil négligent lorsque le Commandant m'avait présenté, mais cela avait largement suffit à me mettre mal à l'aise, me donnant l'impression d'être percé à jour. Il se dégageait de lui un mélange d'animalité et d'extrême intelligence.
Je ne m'approchais pas de trop près, mais l'observais aller de conversation en rencontre. C'était assez fascinant de le regarder exercer son pouvoir sur son entourage, de voir à quel point, il pouvait, en une phrase, faire sourire ou blêmir un interlocuteur sans même avoir besoin de le regarder pour deviner sa réaction. En voyant cela, une peur irrationnelle m'étreignit. Comment lutter contre un homme qui tenait dans le creux de sa main tous les notables de la ville, les militaires, les propriétaires, les journalistes ? Mis à part en le prenant la main dans le sac, et en exposant ses magouilles au grand-jour, que pouvais-je faire ? Et même si on y arrivait, est-ce que cela serait suffisant ?
C'est donc assez démoralisé que je rentrais chez Roxane, traversant toute la ville à pied, indifférent à l'atmosphère de liesse des lieux, qui finalement, n'était ni plus ni moins qu'une fuite en avant. L'alcool que j'avais ingéré pendant la soirée me laissait nauséeux, le regard un peu flou. Pas une nuit depuis mon arrivée, je n'avais pu m'endormir en étant vraiment sobre, pas un matin, je n'avais pu me réveiller sans avoir la langue pâteuse et une migraine vrillée au crâne. L'effet anesthésiant de l'alcool ne suffisait pas à faire taire la douleur sourde que j'avais dans le dos, les jambes et les pieds à force de m'entraîner à porter des chaussures à talons aiguille, les nausées m'obligèrent à m'arrêter pour m'appuyer quelques minutes contre un mur.
- Alors, gamin, on tient pas l'alcool ? s'exclama moqueusement un passant avant de rire aux éclats en continuant son chemin.
- En même temps, j'ai même pas l'âge légal pour en boire, marmonnai-je pour moi-même. Y'a peut-être une raison à cette règle...
J'avais eu l'occasion de constater très régulièrement que personne n'en avait rien à carrer de la légalité de la chose. Personne ne se privait d'une possibilité de se faire du pognon par ici, peu importe le moyen. Un haut-le-cœur plus fort que les autres m'interrompit dans mes pensées pleines d'aigreur, et pendant un instant, je crus vraiment que j'allais vomir en pleine rue, comme un ivrogne mais peut-être que j'étais bel et bien devenu un ivrogne.
Je veux rentrer, pensai-je confusément, malade de cette ville, de cette vie qui n'en était pas une. Un sourire amer se dessina sur mon visage. Rentrer où ? Je n'avais plus de maison depuis longtemps. Je restais adossé au mur, écrasé par cette vérité qui me suivait pourtant depuis longtemps, le cœur au bord des lèvres. Mon seul lien avec ma famille, mon frère, ne me connaissait plus vraiment, lui qui avait tout oublié depuis notre transmutation ratée. Comment lui parler alors que quatre longues années nous séparaient d'un fossé infranchissable ?
La nausée finit par passer, et je me remis en marche. Le trajet jusqu'à l'appartement de Roxane sembla durer des siècles et c'est à pas lents, écrasé de mal-être et de solitude, que je gravis les marches de l'escalier. Quand elle me vit arriver, elle bondit de sa chaise, prête à me sauter dessus pour me dire je ne savais trop quoi. Mais quand elle vit mon expression, elle recula d'un pas et me laissa entrer sans un mot, se contentant de me laisser m'affaler à plat ventre sur le lit. J'étais tellement rempli d'un sentiment de ras-le-bol que j'étais prêt d'exploser. Et aussi...
- J'ai envie de vomir, grognai-je, sentant les nausées revenir.
- Pas sur le lit, s'il te plaît, répondit-elle, pragmatique. Mais je te passe un seau si tu veux.
- Je veux bien.
Elle alla dans la salle de bain et en rapporta un seau d'une main, un grand verre d'eau de l'autre.
- Assieds-toi et bois, ça te fera du bien.
- Merci, fis-je, avant de me redresser laborieusement et de prendre le verre, le seau posé sur les genoux.
- Il faut que tu arrêtes de boire si tu ne tiens pas l'alcool.
- On me regarde déjà de travers à cause de ma taille et mon âge, alors si je ne bois pas, je suis un paria parmi les militaires, grommelai-je entre deux gorgées d'eau. Il faut bien que je m'intègre d'une façon ou d'une autre.
Un haut le cœur m'envahit, et je sentis qu'il n'était pas passé loin.
- Tu as pu en savoir plus sur Ian Landry ?
- … Je connais sa tête et son salon, ça ne va pas beaucoup plus loin. Il est manifestement encore plus riche et encore plus manipulateur que je le pensais. Ça fait froid dans le dos.
Je finis de vider le verre et le posai à côté du lit avant de m'affaler de nouveau. J'avais la gorge nouée par une envie de pleurer qui me taraudait depuis mon départ de la fête. C'était comme si le sentiment de mal-être et d'humiliation permanente que j'avais amassé malgré moi depuis ma transformation, m'était brutalement lâché dessus, me clouant au sol de désarroi. A cet instant précis, je n'avais plus aucun espoir, plus aucun courage, je voulais juste m'effondrer dans un coin en silence, ne pas avoir à réfléchir, ne plus sentir le manque terrible que me laissait mon frère à chaque instant, malgré tous mes efforts pour ne pas y penser. Ne plus avoir ces sensations physiques insidieuses qui me rappelaient à chaque instant que je n'étais plus tout à fait moi-même. Je nichais ma tête dans mes bras, comme pour protéger mes yeux de la lumière et faire disparaître tout ce qui m'entourait, sentant la pièce se mettre à tanguer douloureusement autour de moi, mais incapable d'accepter l'idée que Roxane puisse surprendre ne serait-ce qu'une larme dans mon regard.
- Je ne serai jamais une fille convaincante, lâchai-je d'une voix rauque, et je n'en ai même pas envie. Ça me rend fou de subir cet entraînement.
- … Je suis désolée... J'ai tellement l'habitude de recevoir ce genre d'instructions, je ne faisais que te transmettre ce que j'ai appris.
- … Comment tu fais pour être féminine ?
- Je suppose que ça aide d'être née comme ça, répondit-elle d'une voix douce. Mais si ça peut te rassurer, tu ne te débrouilles pas si mal.
- Ouais, tu dis ça pour me réconforter, mais soyons lucides : même si je faisais bien illusion, il faudrait des mois pour trouver une occasion de me mettre sur son chemin. Ce mec passe sa vie à ignorer les gens qui l'entourent, alors, ne serait-ce que pour lui faire remarquer mon existence...
- Pas forcément. C'est ce dont je voulais te parler.
- Ah ?
- La nouvelle est tombée aujourd'hui comme une bombe… Ariane va quitter le Angel's Chest à la fin de la semaine. Un client lui a proposé de l'épouser et de quitter la ville. Elle n'en a pas encore parlé à Britten, notre responsable, et je lui ai demandé de ne pas le faire. En la prenant au dépourvu pour le spectacle, on pourra t'engager là-bas au pied levé, elle n'aura pas d'autre choix que d'accepter.
- Et ça changera quoi à notre situation ?
- A l'occasion du nouveau spectacle, il y aura une grande fête au Angel's Chest, et tu peux être sûr que la crème de la ville y sera. Et si tu es sur scène, Landry ne pourra pas te louper.
- Sur scène ? m'étranglai-je en me redressant vivement, sentant le sol tanguer de nouveau sous mon corps instable tandis que le rouge me montait aux joues. Tu ne veux quand même pas que je fasse un strip-tease en public ? ! Je ne saurais pas faire ça, et quand bien même ce serait le cas, c'est hors de question ! Et puis j'ai mes automails, comment veux-tu que...
- Nononon, bien sûr que non, je ne te demande pas de te foutre à poil, je ne suis pas un monstre non plus ! Avant nos numéros d'effeuillages, nous avons prévu une chorégraphie de groupe pour l'ouverture du spectacle, de la danse tout ce qu'il y a de plus habillé. Nous serons une dizaine sur scène, et c'est June qui tient le rôle principal. Tu n'aurais pas à faire un spectacle individuel, personne ne demanderait ça à quelqu'un qui vient remplacer une danseuse au pied levé !
- Ouais, sur le principe, ça peut marcher, mais... enfin... Il faudrait être près en... deux, trois jours ? ! fis-je d'une voix hachée, désarçonné par l'idée.
- Une occasion comme ça risque de ne pas se reproduire de sitôt.
- Je veux bien le croire, mais... apprendre tout à temps, tu crois vraiment que c'est possible ?
- La chorégraphie de groupe et le chant sont relativement simples... Et puis, tu es un génie, non ?
- Alors toi… fis-je en réprimant un sourire, le compliment marchant plus que ce que j'étais prêt à avouer. Tu es vraiment fourbe de lancer une remarque pareille.
- On commence maintenant ?
J'éclatais de rire, puis je me rendis compte qu'elle ne blaguait pas.
- Sérieusement, tu dors, des fois ? fis-je en me rasseyant au bord du lit. Comment tu fais pour être encore en forme avec le rythme de vie que t'as ?
- L'esprit de vengeance, répondit-elle avec un sourire carnassier. Je donnerais tout ce que j'ai pour voir tomber ce mec. Allez, on s'y met ! s'exclama-t-elle en me tendant la main.
- Je crois que je n'ai pas le choix, alors... Mais ne soit pas trop vache avec moi cette nuit, parce que là, je suis encore complètement bourré.
Je me relevai et m'étirai, en peinant un peu à conserver mon équilibre. C'était reparti pour une nuit blanche de plus. Mais je me sentais moins amer. Cette fois-ci, j'avais l'impression que notre acharnement allait peut-être porter ses fruits.
Nous avons travaillâmes toute la nuit, et elle me félicita plus d'une fois, me disant que j'étais beaucoup plus agile qu'elle ne le pensait, ce à quoi je lui répondis que je passais beaucoup de temps à me battre à défaut de savoir danser. Ça et ma mémoire allaient être de grands alliés dans cette mission d'un nouveau genre. M'entraîner sur une tâche concrète, dont je voyais l'utilité, me permis de mettre de côté toutes les pensées angoissantes qui me taraudaient ces derniers temps, et les effets de l'alcool se dissipèrent petit à petit. La sensation familière d'avoir un corps courbaturé était finalement un grand réconfort tandis que je sombrais dans un sommeil réparateur, sans lutter avec mes questionnements ou les effets de l'alcool.
Quand je me réveillais, quelques heures plus tard, c'est sans rechigner que je repris l'entraînement. Roxane m'avait montré la première partie de la chorégraphie, vérifiant que j'avais retenu l'ensemble des mouvements à défaut de les faire correctement. Elle m'avait montré brièvement comment on utilisait le métronome, et m'avait sorti les partitions de la chanson. Les paroles ne m'inquiétaient pas plus que ça, mais la chanter paraissait un peu plus difficile. Elle m'avait rassurée en me disant de me concentrer sur la danse, me disant très honnêtement « si tu ne le sens pas, tu peux te contenter de faire semblant de chanter. Mais il faut être au point sur la chorégraphie en priorité, parce que si tu n'es pas en rythme, tu peux être sûr que tout le monde le verra. » J'avais répondu que si tout le monde me remarquait, Landry aussi, et elle m'avait fichu une claque sur l'occiput en me traitant d'imbécile.
Mais contrairement à l'entraînement pour avoir l'air féminin, à base de chaussures douloureuses et d'instructions contre-nature, apprendre la chorégraphie était relativement amusant, même si c'était moins facile que je ne l'espérais. Ça me rappelait les plus jeunes années de ma vie, ma mère dansant au bal du village, m'apprenant les pas de gigue et m'initiant à la mazurka. Je me demandais si en fouillant dans mes souvenirs, j'arriverais à retrouver ces danses.
Mais l'heure n'était pas à la nostalgie, le temps passait bien trop vite pour ça. Je repris l'enchaînement, les mains sur les hanches, tracer un cercle, trois pas en avant en ouvrant les bras, tourner vers la gauche, pied droit en avant, tracer un demi-cercle vers le public...
Merde, je me suis encore trompé. C'est vraiment pas naturel, ce truc, grommelai-je en reprenant depuis le début. 1, 2, 3, 4, 1 et 2, 3 et 4, 1, 2, 3, 4, 1, 2, 3 et 4...
L'enchaînement commençait à venir, le style, c'était autre chose. Je ne voyais pas par quel miracle un déhanché pourrait être sexy si c'était moi qui le faisait. En même temps, je ne m'étais pas changé, et il y avait quelque chose de définitivement cocasse à se voir faire une danse manifestement conçue pour valoriser des attributs féminins quand on en n'avait pas la silhouette. J'imaginais dans un flash Winry, Al, ou Mustang témoins de la scène. Dans mon esprit, je voyais la blonde se tenir les côtes de rire, mon frère s'esclaffer en me montrant du doigt, et le Colonel hurler de rire, cramoisi, frappant du poing sur la table. Cette idée était bien assez humiliante pour faire chauffer mes oreilles.
Heureusement, que personne ne s'en doutera jamais, pensai-je, les sourcils froncés, en recommençant à m'entraîner avec beaucoup plus de sérieux.
Si seulement j'avais pu ne pas me tromper.
