Ça y est, le chapitre 18 est arrivé ! L'illustration est encore en cours, mais devrait arriver ce soir ou demain sur Deviantart.

Petit instant festif, nous avons atteint les 50 reviews avec le chapitre précédent ! J'en profite pour dire que je suis touchée par chacune des reviews que je reçois, et que je les relis quelquefois quand je sens poindre le découragement, ce qui a pour effet de me remotiver aussitôt ! Mon seul regret, c'est de ne pas pouvoir répondre aux reviews postées anonymement. Du coup, je résume ici ce qui me vient à l'esprit quand je les lis : Merci beaucoup pour vos messages ! J'espère que la suite vous plaira autant, voire plus !

Sinon, je tiendrais un stand de fanzine avec des amies à la Japan Expo, donc si vous y allez et que vous êtes curieux de savoir à quoi ressemble une Astate IRL, n'hésitez pas à passer sur le stand de Bull'Acide, je ne mors pas et serais ravie de papoter avec vous. ;)

Sur ce, je m'arrête là et vous laisse découvrir la suite et ses rebondissements ! Bonne lecture !


Chapitre 18 : Paperasses et courriers (Roy)

Je m'étais réveillé étonnamment tôt ce matin, suffisamment pour pouvoir trouver le temps d'ouvrir un carton et de ranger quelques-unes de mes affaires après un café noir. Moi qui étais habituellement en retard, j'avais un étrange sentiment de flottement en ayant, pour une fois, tout mon temps. Depuis mon arrivée à Central, je prenais régulièrement des moments pour déballer mes affaires et les ranger ici et là, dans l'espoir de me sentir de nouveau chez moi, mais mon installation n'en finissait pas. Je n'étais pas du genre à me laisser encombrer de choses inutiles, mais malgré tout, j'avais été estomaqué au moment du déménagement, en voyant la quantité de choses que je possédais…

Comme l'heure tournait, j'avais abandonné ce rangement sans fin et fini de me préparer. Je fermai la porte derrière moi et marchai jusqu'au Quartier Général d'un pas vif, réjoui malgré moi par le soleil éclatant de ce matin, cette lumière particulière qui donnait au monde une brillance inhabituelle. C'était une belle journée de septembre qui commençait.

Du moins, c'est ce que je pensais. Mais en arrivant au bureau, une mauvaise surprise m'attendait. Je poussai la porte et constatai qu'Hawkeye n'était pas encore arrivée, ce qui était relativement rare. Seul Fuery était présent, bricolant un objet dont je ne devinais pas vraiment l'utilité. En me voyant entrer, il leva les yeux vers moi.

- Bonjour Colonel, fit-il d'un ton égal.

- Bonjour Fuery. Qu'est-ce que tu fabriques ? demandai-je d'un ton intrigué en m'approchant. Ça ne ressemble pas vraiment aux dossiers qui te sont confiés.

- Je répare un module de transmission de télégrammes, répondit le jeune binoclard. On m'a demandé de l'aide là-dessus samedi soir, mais vous n'étiez pas là à ce moment-là ?

- Non, j'avais une réunion avec mes supérieurs.

- Ils ne sont pas très doués, quand même, au service des réparations de Central, grommela-t-il comme pour lui-même. Avec l'équipement qu'ils ont, ils pourraient faire bien mieux que ça...

Je m'apprêtai à entrer dans mon bureau personnel quand le petit brun releva la tête avec une exclamation, comme s'il venait de se souvenir de quelque chose. Je me retournai, surpris.

- Ah, mais du coup, vous n'êtes pas au courant !

- Au courant de quoi ? répondis-je ne me sentant soudainement nerveux.

- L'affaire du tueur en série. Un cadavre de plus a été découvert samedi dernier, du coup Edward et Hawkeye sont partis rejoindre l'équipe pour enquêter.

- Ce n'est pas du ressort de notre département normalement, répondis-je en fronçant les sourcils. Pourquoi ils sont venus ici ?

- Ils voulaient voir Falman, répondit-il d'un ton placide, continuant à remonter sa boîte.

Je fis demi-tour et me plantai devant le bureau de Fuery, les bras croisés, le regard plongeant vers mon subordonné, attendant mieux que ce raccourci expéditif. Le petit brun releva la tête de son travail et une ombre inquiète passa sur son visage. Il reposa son tournevis avec circonspection.

- Ils voulaient voir Falman parce qu'il avait enquêté sur les meurtres de Barry le Boucher, il y a quelques années. Apparemment, la méthode était très similaire, ils se demandaient s'ils n'avaient pas affaire à un copycat. Comme Edward était impliqué dans l'affaire, il s'est proposé pour aider, et Hawkeye l'a accompagné.

Je sentis un profond malaise s'insinuer en moi. J'avais mis Edward en garde contre Zolf Kimblee, mais je n'avais pas pensé à ça... Un prisonnier soi-disant condamné à mort par l'armée, qui aurait été utilisé comme cobaye pour une expérience d'alchimie, et qui se serait évadé, ça n'était pas impossible, d'après tout ce qu'il m'avait raconté. C'était même très probable. Combien de criminels étaient lâchés dans la nature après cette affaire ?

- Ils ont dit qu'ils allaient passer aujourd'hui pour vous remettre une demande de mission pour Edward et Falman, du coup.

- Eh bien, si ça vient de nos supérieurs, je suppose que je n'ai pas trop le choix, marmonnai-je avant de me diriger vers mon bureau.

Je fermai la porte derrière moi et m'abattis sur le siège, soudainement démoralisé. Je comprenais pourquoi Edward avait bondit sur l'occasion d'enquêter sur ces meurtres. Les probabilités pour que Barry le Boucher soit encore en vie étaient en réalité énormes, et l'affaire risquait d'être compliquée. Si Edward et Falman arrivaient à le coincer, s'il était remis à l'armée, l'affaire serait étouffée à coup sûr. Pire, Falman serait mis en danger par tout ce qu'il aurait pu apprendre de lui. Car ce criminel pouvait être une source d'information énorme sur le cinquième laboratoire, et donc nos ennemis. Il fallait donc trouver un moyen de lui arracher les informations sans que l'armée ne puisse interférer. Une mission particulièrement ardue.

J'en avais conscience, et je devinais qu'Edward avec eu le même raisonnement... mais une image me revint en mémoire : celle de deux petits blonds d'une dizaine d'année, un garçon et une fillette, les yeux agrandis d'horreur après un combat pour leur survie au milieu des carcasses d'animaux d'une boucherie. La douleur barrait le visage d'Edward, et à cet instant précis, blotti dans une couverture beige aux côtés de son amie d'enfance, le choc l'avait désarmé et mis à terre, le laissant frêle et déboussolé, au bord des larmes.

Est-ce que les années qui s'étaient écoulées depuis lui permettrait d'affronter cet ennemi sans se laisser déborder par ses émotions ? Ne se mettrait-il pas trop en danger ?

Je poussai un soupir et ouvris le tiroir de mon bureau pour en sortir mes affaires. Il fallait que je me mette au travail, ça ne servait à rien de se morfondre.


Trois coups secs frappés à la porte me tirèrent de la litanie de rapports et comptes-rendus que je subissais depuis de longues heures.

- Oui ?

- Edward Elric et Falman sont revenus, annonça Hawkeye en poussant la porte. Vous m'aviez dit qu'il fallait vous prévenir quand ce serait le cas.

- Oui, en effet. Dites au Fullmetal de venir.

- Je vous entends, Colonel, grommela une voix familière.

Un sourire grignota mon visage malgré moi. Sans aucun doute, la présence de l'adolescent rendait toujours mon quotidien moins sinistre.

- Alors bouge-toi, répondis-je.

- Vous êtes pénible, fit-il d'une voix grondante, comme un chat acculé. Je n'ai même pas un pied dans votre bureau et vous commencez déjà à être humiliant !

- Qu'est-ce que ça sera quand tu auras fermé la porte derrière toi ! prédis-je avec un sourire grinçant, remarquant que Havoc scrutait attentivement la scène.

- Qu'est-ce que j'aimerais ne jamais le découvrir ! s'exclama-t-il en levant les yeux au ciel, obéissant tout de même à l'ordre implicite en claquant la porte.

- Fullmetal, voici tes deux ordres de mission.

- Deux ordres de... commença-t-il sur le ton de la surprise, avant de s'arrêter pour prendre les deux dossiers que je lui tendais, visiblement mécontent.

- Une mission de surveillance t'a été attribuée pour un transfert de prisonnier, de Central-city à East-city, pour une comparution au tribunal. Peut-être que tu te souviens de Bald, ce terroriste qui avait tenté de détourner un train pour prendre en otage le général Haruko ?

- Colonel, j'étais dans le train en question, rappela-t-il d'un ton acide.

- Oui, c'est vrai. Je t'avais vivement conseillé de le prendre, parce que tu étais si petit que personne ne t'aurais pris au sérieux si tu n'avais pas eu au moins un exploit à ton actif.

- QUI EST AUSSI MINUSCULE ET INSIGNIFIANT QU'UNE ALLUMETTE EN PLEIN CHAMP DE BLE FAUCHE ?! explosa-t-il instantanément en montant dans les aigus de manière inhabituelle.

- Je n'ai pas dit ça, mais je note l'idée, commentai-je d'un ton taquin. J'ai juste dit que tu étais pe...

- Je – ne – suis – pas – petit ! coupa-t-il d'un ton soudainement grave et haché, après avoir plaqué ses mains sur mon bureau, penchant vers moi un visage barré par des yeux pleins de colère.

- Il faudra qu'on se voie ce soir, murmurai-je aussitôt d'une voix à peine perceptible, profitant du fait qu'il s'était assez rapproché de moi pour m'entendre parfaitement.

Il recula en sursaut, désarçonné par ma dernière phrase qui n'avait rien à voir avec la conversation.

- Si peu, ajoutai-je d'une voix claire en réponse à sa dernière remarque. Tu restes un gamin, et comme tous les gamins, le chaos que tu provoques autour de toi est inversement proportionnel à ta taille.

- JE NE VOUS PERMETS PAS DE ME PARLER COMME CA, ESPECE D'ARRIVISTE PRETENTIEUX !

En criant ces mots, Il s'était relevé et avait reculé, avec l'expression de quelqu'un qui songeait fortement à me balancer dans la tête les dossiers qu'il tenait à la main. Je me souvins alors que ce qui était ma distraction était sans doute sa torture, et je décidai de me calmer.

- On n'insulte pas son supérieur hiérarchique, répondis-je d'un ton sec. Pour ce qui est de ta deuxième mission, tu en connais déjà le contenu, tu es réquisitionné pour rechercher le copycat de Barry le Boucher, avec la compagnie de Falman. Le dossier que tu tiens dans ta main droite concerne cette enquête, je te prie donc de ne pas me le jeter au visage.

- Pourquoi vous me collez deux missions dans les pattes ? ! J'ai des projets plus personnels, vous savez ?

- Parce que je n'ai pas vraiment le choix. Si tout va bien, tes deux missions devraient se succéder, la deuxième a lieu dans une dizaine de jours.

- Dix jours ?! Vous croyez vraiment que je vais pouvoir traiter ces deux dossiers successivement ?! Vous avez assez fréquenté Hugues pour savoir le temps que ça prend de boucler ce genre d'investigation !

- Tu n'es pas comme Hugues, répondis-je d'un ton froid. Le Fullmetal n'est pas du genre à laisser traîner des enquêtes. Surtout quand une femme se fait découper en tranches tous les trois jours.

Il se figea et écarquilla ses yeux dorés, manifestement horrifié par ma dernière phrase. Je regrettai aussitôt mes paroles, et me mordis la lèvre, sentant que je l'avais heurté, et conscient que je n'aurais pas dû dire ça. C'était brutal et cruel de lui faire porter la responsabilité de sauver les nouvelles victimes potentielles de Barry le Boucher. J'aurais voulu m'excuser, mais ça aurait impliqué de sortir de mon personnage de « Colonel hautain et insupportable », et l'isolation sonore de mon bureau était toute relative. L'atmosphère s'appesantit au fil des secondes, aussi finis-je par reprendre la parole pour briser le silence et faire taire un sentiment vaguement honteux.

- On reparlera de tes missions plus tard. Tu ferais mieux de t'y mettre dès maintenant, tu as du pain sur la planche.

J'avais appuyé ma première phrase d'un regard lourd de sous-entendus, mais j'avais tâché de garder un ton égal, conscient que les autres, derrière la porte, tendaient sans doute l'oreille. Je l'espérais assez malin pour qu'il comprenne que je m'attendais à le voir chez moi ce soir pour parler de ce qui sous-tendait cette mission.

- Bien, Colonel, répondit-il froidement, avant de sortir en refermant la porte, juste assez fort pour montrer sa colère.

Je poussai un soupir. Les choses n'étaient pas simples. Je replongeai le nez sur un rapport retraçant des fusillades ayant éclaté plusieurs fois à Central-City, sans qu'ils aient encore mis la main sur les coupables. De ce que j'en avais lu, il y avait de bonnes chances que cela concerne un réseau mafieux. Ce dossier qui avait atterri sous ma responsabilité me promettait de grandes heures, je le sentais.


J'entendis quelqu'un toquer à la porte et relevai le nez du dossier que j'étais en train de consulter.

- Entrez !

La porte s'ouvrit et laissa passer une des dernières personnes que je m'attendais à voir : les cheveux châtains en bataille, des grands yeux masqués par d'énormes lunettes carrées, un visage rond barré par une expression peu affable… C'était la bibliothécaire qui m'avait hurlé dessus durant les funérailles de Hugues. Comment s'appelait-t-elle déjà ? Il ne me fallut pas longtemps pour que son nom exact me revienne.

- Oh. Shiezka. Que me vaut l'honneur de votre visite ? demandai-je poliment malgré ma surprise.

Elle eut un petit mouvement de surprise en m'entendant prononcer son nom, comme si elle était convaincue que je ne la connaissais pas. Elle avait l'air un peu désemparée, comme si elle faisait face à quelque chose qui la dépassait.

- Je peux... fermer la porte ? demanda-t-elle d'un ton embarrassé, sans perdre complètement la défiance qu'elle avait envers moi.

- Oui, bien sûr, fis-je avec une froide politesse. Vous pouvez aussi vous asseoir.

Elle obtempéra et s'assit face à moi, et je lus beaucoup de sentiments contradictoires dans son regard. Colère, haine, tristesse... Espoir ?

- J'ai reçu une lettre chez moi ce matin, fit-elle d'une voix basse. Enfin, une lettre, c'est un bien grand mot. Une enveloppe contenant un mot de deux lignes, et une deuxième enveloppe, qui vous est destinée, expliqua-t-elle en la sortant de la poche de sa veste.

- Ça, c'est étonnant, commentai-je simplement en prenant ce qu'elle me tendait.

Je pris l'enveloppe, et la retournai. « Pour Roy Mustang ». Mon nom était tracé en grosses lettres anguleuses et irrégulières. Je reconnaissais parfaitement cette écriture chaotique, et je retins mon souffle, sentant ma gorge se nouer et mon cœur battre plus vite. Je l'ouvris avec mon coupe-papier, en espérant que mes mains ne tremblent pas trop. Si c'était bien ce que je croyais... Oh bon sang, si c'était ça...

Je tirai de l'enveloppe une carte postale sur laquelle était écrite une simple ligne de cette même écriture si familière.

« Je t'en ai trouvé une belle. »

Pas de signature, pas un mot de plus, rien. Je retournai la carte et explosai de rire nerveusement.

- Qu'est-ce qu'il y a ? s'exclama la jeune militaire en se penchant vers le bureau, surprise par ma réaction et un peu fébrile.

J'étais incapable de répondre, secoué par un fou rire que je ne parvenais pas à brider. C'était une explosion de joie et de soulagement qui me dépassait complètement. Au dos de la carte postale, il y avait une photo de poule, mais pas n'importe laquelle : une race blanche, dont les plumes formaient comme un pompon sur sa tête et lui retombait sur les yeux, lui donnant des airs de lendemain de cuite, et qui ressemblait à une grosse peluche. L'idée de dégotter une carte aussi improbable et y ajouter ce commentaire idiot ne pouvait être l'œuvre que d'une seule personne, je le savais. Et avoir cette carte entre mes mains me donnait envie de serrer n'importe qui dans mes bras et de l'embrasser, de danser de joie sur mon bureau... mais en tant que militaire arriviste, je ne pouvais pas me le permettre, et après un moment d'hilarité, je tâchai de retrouver une contenance en prenant quelques grandes inspirations, sans parvenir à faire taire l'irrépressible sourire qui grignotait mon visage.

- Qu'est-ce que c'est que cette carte ? murmura la femme qui avait été le témoin perplexe de cette explosion d'émotion.

- Ah, ce n'est rien, rien que je ne puisse expliquer en tout cas, répondis-je en essuyant la larme qui avait coulé sur ma joue pendant mon bref fou-rire.

- Colonel Mustang, je reconnais cette écriture, souffla la militaire d'un air extrêmement sérieux.

- Je me doute que vous la reconnaissez, le contraire aurait été décevant de votre part.

- Mais c'est impossible que... que ce soit...

- C'est pourtant lui.

- Mais alors... Pourquoi, comment... ?

- Je ne dirais rien de plus à voix haute.

- Pourquoi ?

Je me penchai à mon tour au-dessus du bureau, pour lui murmurer ma réponse, et elle s'approcha à son tour, sa curiosité l'emportant sur l'inimitié.

- Primo, parce que je vous pense capable de deviner ce qui vient de se passer sans que je mette des mots dessus pour vous l'expliquer. Deuxio, parce que c'est un secret, et que je ne prononcerai pas un mot à ce sujet dans l'enceinte de ce bâtiment. Je préfère ne prendre aucun risque.

- J'ai un gros problème de logique à résoudre, répondit-elle en toute honnêteté. Il y quelque chose d'impossible dans ce que je crois comprendre.

- Aussi impossible que ça puisse paraître, je peux vous dire que c'est le cas.

A ces mots, son visage fut enfin envahi par un sourire émerveillé. Elle était un peu comme Edward, ce genre de personne dont on ne pouvait ignorer les sentiments tant ils étaient gravés sur leur visage.

- Mais comment... Comment ? chuchota-elle, les yeux brillants.

- Si vous voulez savoir comment, demandez au Fullmetal, répondis-je avec un sourire. Sur ce coup-là, je n'y suis pas pour grand-chose.

Elle hocha la tête avant de se relever, peinant à dissimuler son sourire. Je la comprenais, j'étais dans le même état.

- Il faut que je retourne travailler, je suis déjà partie longtemps. Si je peux faire quelque chose pour vous aider...

- Est-ce que vous pourriez rassembler de la documentation sur cette personne pour nous ? demandai-je en lui tendant un papier ou j'avais écrit le nom de Juliet Douglas. Discrètement ?

- Oui, je tâcherai de faire ça, répondit-elle en hochant vigoureusement la tête, après avoir lu le nom et glissé le papier dans la poche de sa poitrine. Merci !

- Pourquoi vous me remerciez ? Je n'y suis pour rien, répondis-je, peinant aussi à retrouver une expression neutre. Ce n'est pas moi qui ai envoyé cette lettre.

- Je sais que ce n'est pas vous, répondit-elle avec un regard pétillant.

La bibliothécaire resta quelques secondes devant la porte, prenant quelques inspirations pour faire taire l'émotion qui l'avait envahie, et tâcher de retrouver l'expression de colère qu'elle aurait logiquement dû avoir en quittant le bureau de quelqu'un qu'elle avait insulté lors de sa dernière rencontre. Elle partit finalement en claquant la porte derrière elle, me laissant seul, en train de faire tourner cette carte postale dans mes mains. Vraiment, je n'en espérais pas tant...


Bien installé dans ma cuisine, je me figeai en pleine préparation d'épinards frais, distrait par un bruit familier. Immobile, je tendis l'oreille et entendis le son caractéristique de quelqu'un qui toquait à la porte.

Edward est en avance, pensai-je avec une espèce d'amusement distant.

Je me rinçai les mains à l'eau claire et détachai mon tablier sans prendre le temps de les sécher, puis me dirigeai vers la porte d'entrée pour lui ouvrir d'un pas un peu hâtif. Je trouvai sur le seuil l'adolescent qui suivait mes ordres depuis plusieurs années, se balançant imperceptiblement d'une jambe sur l'autre, visiblement mal à l'aise.

- Entre, Fullmetal, fis-je d'un ton joyeux malgré moi.

- Vous avez l'air de bonne humeur Colonel, commenta-t-il en refermant la porte derrière lui, visiblement dans de moins bonnes dispositions.

- J'ai de bonnes raisons de l'être, répondis-je en toute honnêteté. Viens, j'ai quelque chose à te montrer.

Tandis que je m'éloignais avec un petit signe de main instinctif, il resta à l'entrée pour se débarrasser de ses chaussures et de son manteau. Quand il s'approcha, je remarquai le regard sombre qu'il m'adressait et me rappelai soudainement la discussion de cette après-midi. La culpabilité m'attaquant de nouveau, je me demandai si je ne devais pas m'excuser pour ce que j'avais dit, mais à la vue de l'enveloppe que je tenais à la main, son air préoccupé se mua en curiosité. Je lui tendis la carte, qu'il prit avec précaution, lut, et retourna en laissant échapper une petite exclamation amusée.

- Trouve-toi une poule, il disait tout le temps ça, marmonnai-je avec un sourire, plus ému que je voulais le montrer.

- Ça, c'est une bonne nouvelle en effet ! Mais comment est-ce que c'est arrivé chez vous ? demanda l'adolescent, étonné. Avec votre mutation, il n'avait aucun moyen de vous contacter...

- Shieska a reçu chez elle une enveloppe, et a passé outre la haine qu'elle avait pour moi pour me l'apporter.

- Ce qui veut dire... qu'elle a compris ce qui se passait ?

- Maintenant, oui.

- Et Hawkeye, vous lui avez dit ?

- … Non, toujours pas, avouai-je avec un fort sentiment de culpabilité. Je n'ai pas eu le temps.

- Mh, je vois, fit le petit blond, pensif, tandis qu'il faisait tourner la carte entre ses doigts.

Il s'en doutait sans doute, cette excuse était bancale. Le temps, je l'avais, c'était le courage de créer une bonne occasion d'en parler qui me manquait. Plus les jours passaient, plus je me sentais honteux de n'avoir rien dit jusque-là. Ce n'était pas le genre de chose que l'on pouvait décemment oublier de faire. Nous restions debout, face à face à face, dans mon salon qui avait meilleure allure que lors de sa précédente visite. Je me sentis gêné par ce silence dans lequel s'abîmait l'adolescent. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander à quoi il pensait au juste, craignant sans trop savoir pourquoi un jugement négatif de sa part. Je n'étais pourtant pas du genre à me préoccuper de l'avis des autres si je n'avais rien à y gagner.

- C'est bon signe qu'il vous ait écrit, fit Edward d'une voix étonnamment douce.

- Ce n'est guère qu'un mot de deux lignes... j'aurais aimé en savoir un peu plus, soupirai-je.

- Moi aussi. Mais c'est mieux que rien. Et puis, il ne fallait pas prendre le risque de donner des informations si cette carte tombait entre de mauvaises mains. Là, il y a peu de risques que d'autres en tirent plus qu'un vague soupçon, surtout qu'elle n'est pas datée.

- Je ne suis pas un imbécile, je sais tout ça, lançai-je d'un ton un peu irrité. Mais ça ne l'empêche de me manquer. Je n'ose même pas penser à Gracia et Elysia.

- Je sais, moi aussi, j'y pense souvent. On devrait leur dire, non ?

- Je ne sais pas... J'ai déjà du mal à en parler à Hawkeye, avouer à sa femme qu'on a caché une chose pareille, avec son accord, en plus... Je ne sais pas si elle s'en remettrait.

- Elle devrait être heureuse de le savoir en vie, pourtant ! Maintenant qu'un peu de temps s'est écoulé, les gens ne sont plus focalisés la dessus, comme à l'enterrement... à ce moment-là, oui, c'était trop risqué. Mais maintenant...

- Si elle était seule, le problème serait différent, mais avec une fillette de trois ans, déroulai-je d'un ton pensif, que ce soit la laisser dans la tristesse, ou prendre le risque qu'elle parle... c'est un dilemme difficile pour une mère.

Le petit blond hocha la tête, les sourcils arqués par une certaine colère qui, pour une fois, n'était pas dirigée contre moi. Il se mordillait la lèvre, cherchant une solution à un problème qui n'en avait pas. Un peu mal à l'aise après cette conversation, je partis dans la cuisine, où se trouvaient mes épinards laissés en plan. J'aurais toujours le temps de me faire à manger une fois la conversation finie, après tout, ils étaient parfaitement frais. Je sortis une carafe que je remplis, ainsi que deux bouteilles de bière que je tins de l'autre main en ramenant le tout dans le salon. J'installai correctement les boissons, sortant les bocks destinés à protéger la marqueterie de ma table basse et m'assis sur le fauteuil, m'attendant à ce que Edward en fasse autant.

Il me regarda faire avec attention, sans esquisser le moindre geste, puis vint s'asseoir face à moi après un moment d'hésitation. J'ouvris les deux bouteilles de verre à l'aide de mon limonadier, posant la deuxième face à lui.

- Vous savez, Colonel, je suis aussi mineur que la dernière fois, soupira l'adolescent.

- Si tu n'aimais pas la bière, tu n'étais pas obligé de la boire.

- Je n'ai pas dit que je n'aimais pas.

- Dans ce cas, goutte celle-ci, elle a un petit goût de framboise, ça devrait te plaire.

- Pourquoi elle devrait me plaire ?

- Parce que les jeunes n'aiment pas les choses amères.

- C'est vrai qu'un vieil homme comme vous sait ce genre de choses, répondit Edward en souriant de toutes ses dents.

- Je ne suis pas vieux, j'ai même pas trente ans !

- Pour moi, vous restez un vieux.

- Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un subordonné aussi insolent ?

- Vous lui avez donné l'exemple.

Je jetai un coup d'œil à l'adolescent qui avait le regard pétillant tandis qu'il buvait sa bière au goulot, manifestement fier de sa réponse. Je ne pouvais pas nier que j'étais du genre moqueur et cynique, mais je ne tenais pas à ce que cela se retourne contre moi pour autant.

En même temps, en regardant cet adolescent qui se tenait fièrement assis dans le canapé, je manquai de sourire malgré moi. Il prétendait m'imiter, mais il aurait beau essayer, il n'arriverait jamais à être franchement méchant. Je le connaissais assez pour le savoir. C'était d'ailleurs cette pureté qui me touchait chez lui. Moi qui avais accompli les pires horreurs au nom de l'armée, j'admirais l'intégrité un peu naïve dont il faisait preuve au fil des difficultés. Peut-être qu'un jour, il existerait un monde où ce genre de personne n'aurait plus à s'avilir.

- Bon, par contre, ce n'est pas en essayant de me corrompre à coup de bières que vous vous ferez pardonner de m'avoir confié deux missions d'un coup, rappela-t-il. Vous savez que je suis sensé retrouver mon frère à Resembool ? J'aurais préféré avoir des vacances.

- Pour la mission que je t'ai confiée, ça ne devrait pas te poser la moindre difficulté. La deuxième, je te rappelle que c'est toi qui te l'es mise à dos en allant enquêter à la place de Falman.

- Je n'avais pas le choix, fit-il, soudainement morne.

- Je sais. J'aurais manœuvré pour que tu participes à cette enquête d'une façon ou d'une autre si tu ne t'étais pas engouffré dedans.

- Je sais.

- Après tout, tu es parmi les mieux placés pour arrêter Barry le Boucher.

- Tiens, vous n'adhérez pas à la thèse de l'armée sur un copycat ? Je suis étonné, fit Edward d'un ton sarcastique.

- Je compte sur toi pour le retrouver et en tirer un maximum de renseignements sur le cinquième laboratoire.

- Et les autres ? Je n'enquête pas seul ! Il y a Falman avec moi, et des gendarmes... Je ne peux quand même pas expliquer les dessous de l'affaire à n'importe qui !

- C'est vrai... Il faudra sans doute que tu fasses des heures supplémentaires pour être davantage libre de tes mouvements.

- Comme si j'avais besoin de ça... C'est bien d'être Colonel, on fait des horaires de bureau et on envoie les autres faire le sale boulot.

- Si tu savais comme j'aimerais m'échapper de mon bureau, des fois... Je n'ai qu'une hâte, c'est avoir de nouveau une mission de terrain.

- Je croyais que vous étiez là pour gravir les échelons ?

- Ça n'empêche pas d'avoir envie de prendre l'air, parfois.

- Je vois... En même temps, je vous comprends, je ne tiendrais pas plus de deux jours à faire votre travail je pense...

- Tu as au moins l'honnêteté de le reconnaître.

- … Ouais, enfin, tout ça ne me dit pas... est-ce que je dois mettre Falman dans la confidence ? Après tout, il connaissait bien Hugues, lui aussi... et il m'a l'air intègre.

- J'ai une confiance absolue dans mon équipe, dis-je d'une voix calme. Après, je ne sais pas s'il est vraiment prêt à être embarqué dans une histoire pareille... il vaut sans doute mieux ne pas lui en parler si ça ne devient pas indispensable à l'enquête. Sans compter que tout ce qu'il peut savoir le mettrait en danger.

- Et Shiezka ?

- Elle est venue me voir avec la lettre, je crois qu'elle a compris dans les grandes lignes ce qui s'était passé. Elle m'a promis de rassembler tout ce qu'elle pouvait trouver sur Juliet Douglas. Je ne sais pas quelle sera son efficacité sur le coup, mais elle est des nôtres.

- On peut lui faire confiance pour rassembler des données : son cerveau est une éponge, elle a retenu par cœur le livre du docteur Marcoh et beaucoup d'autres, ce n'est pas quelques dossiers sur la secrétaire générale qui vont lui faire peur.

- Et toi, ça va aller, cette enquête ?

- Qu'est-ce que vous insinuez ? demanda-t-il, soudainement sur la défensive.

- Je n'insinue rien... Je m'inquiète juste pour toi. Je me souviens de ta première rencontre avec Barry le Boucher, il t'avait salement secoué à l'époque.

- Je ne suis plus un enfant, grommela-t-il en faisant le gros dos. Je suis devenu plus fort.

- C'est vrai. Mais j'ai cru comprendre qu'avec Hawkeye, vous vous êtes retrouvés sur la scène de crime, et...

Le regard de l'adolescent se ternit alors que j'évoquais ce souvenir, prouvant que je touchais un point sensible. J'avais échangé quelques mots avec Hawkeye aujourd'hui, juste assez pour savoir que l'adolescent avait dû s'éloigner du cadavre et s'assoir un peu plus loin pour se remettre de cette vision. Je savais que des années auparavant, il s'était évanoui dans un contexte similaire. Il reposa sa bière sur le bock et croisa les doigts, accoudé sur ses genoux, le corps un peu rabattu en avant.

- Quand elles sont mortes, ce ne sont plus vraiment des humains. On voit bien que leur âme n'est plus là, qu'il ne reste plus que de la chair et des os. Finalement, ce n'est pas de voir un cadavre qui est dur... c'est de se souvenir qu'il a été vivant.

Je jetai un coup d'œil à Edward qui, après cette phrase, s'était muré dans un silence douloureux. Pensait-il aux femmes mortes sous la main de Barry le Boucher, repensait-il à sa mère ? Sans doute. Je l'aurais peut-être gratifié d'une tape compatissante de l'épaule si j'étais placé à côté de lui, mais j'étais trop loin et ce geste aurait eu l'air saugrenu, surtout après les phrases assassines que je lui sortais quand nous étions au QG. Je restai donc là, en silence, dans mon salon à l'ambiance feutrée.

- Si Hawkeye est au courant de la situation, elle pourra t'aider dans cette enquête.

- Non, elle a son propre travail à faire. Je suis quand même capable de m'acquitter correctement de cette mission et récolter un maximum d'informations pour notre camp.

Le petit blond s'étira et tourna la tête vers moi avec un sourire désabusé.

- Ceci dit, il est grand temps qu'elle sache la vérité. Je n'aime pas l'idée de mentir à une personne aussi sévère qu'elle.

Cette remarque fit remonter une bouffée de gêne. A force de chercher un moment adapté à la révélation, j'avais laissé plusieurs semaines s'écouler. Plus le temps passait, plus je risquais d'essuyer une rancune parfaitement justifiée. Il fallait vraiment que je reprenne la situation en main.

- Je sais, répondis-je un peu sèchement, vexé malgré moi qu'un adolescent me dicte ma conduite.

- Sinon, vous avez des nouvelles de l'affaire Lacosta ? demanda-t-il d'un ton qui tentait d'être détaché.

- Oh, eh bien, Ian Landry conteste ton rapport et une partie des témoignages.

A ces mots, je vis le petit blond se redresser soudainement en prenant une inspiration, soudainement tendu.

- Il conteste quoi ? marmonna-t-il d'une voix dont la nervosité me surpris.

- Les chefs d'enlèvement et de tentative d'agression sexuelle, et particulièrement le témoignage d'Iris Swan. Comme l'armée ne l'a pas retrouvée pour témoigner au procès, ça sera difficile d'étayer définitivement les faits la concernant.

A ces mots, le visage d'Edward se referma. En dépit de ses tentatives de rester neutre, la nouvelle le touchait visiblement. J'eus un peu de pitié pour lui, et tâchai de le rassurer.

- D'après les recherches, elle est partie peu de temps après l'arrestation de son agresseur. On peut comprendre qu'elle ait souhaité quitter la ville après ce qui lui est arrivé, mais c'est vrai que c'est étrange que les militaires du coin n'aient pas retrouvés sa trace au-delà de Fenief...Penses-tu qu'il lui soit arrivé quelque chose ? demandai-je en réalisant que ça disparition l'inquiétait sans doute. Je peux demander à lancer des recherches supplémentaires à son sujet, si tu veux.

- Je… non, la connaissant, je pense qu'elle va bien, bredouilla-t-il en rougissant.

Je le fixais du coin de l'œil, le voyant s'empêtrer dans son embarras. C'était presque amusant. Je me demandai un instant s'il n'avait pas eu un crush pour elle. Ça aurait expliqué pourquoi il était désarçonné à ce point quand j'en parlais. Mais je pris sur moi de ne pas le taquiner à ce sujet et repris la conversation sans insister.

- Enfin, même si elle ne vient pas témoigner, il y en a d'autres qui sont prêtes à parler. Les chefs d'accusation qui pèsent sur lui sont bien trop lourds pour qu'il s'en sorte. Des dizaines de personnes sont venues déposer plainte contre lui une fois qu'il n'était plus une menace directe pour les témoins. Avec ça, il est mort et enterré.

- Je vois... murmura-t-il, vaguement rasséréné. Vous le pensez aussi. Dans ce cas, je suppose que le procès ne durera pas très longtemps.

- Oh, je n'en suis pas si sûr... ton arrestation donne des pistes vers d'autres réseaux de mafias, même si certaines sont étrangères, je pense que Grumman tiendra à cœur de les démanteler autant que possible. Il se peut que cette affaire dure encore plusieurs années. Tu as fait du bon boulot.

- Du bon boulot, hm... lâcha-t-il d'un ton pensif, visiblement plein d'incertitudes. Si vous le dites.

- Tu as l'air soucieux en ce moment, commentai-je.

- Qui ne le serait pas à ma place ? marmonna-t-il sans me regarder.

- Tu veux manger un morceau ? demandai-je tout à trac, changeant brutalement de sujet.

- Hein ? Euh... pourquoi pas... répondit-il d'un ton circonspect.

- Je dois avoir du saucisson dans la cuisine, fis-je en me levant.

Je connaissais Edward depuis des années, suffisamment en tout cas pour savoir que l'alimentation était un levier puissant pour influencer l'humeur du petit blond. Je savais que je ne pouvais pas faire disparaître les Homonculus, ni faire revenir Hugues parmi nous, mais je pouvais au moins lui donner à bouffer. Après tout, j'étais passé chez le boucher aujourd'hui, j'avais acheté deux saucisses. Ce n'était pas grand-chose, mais avec des pommes de terre à l'ail cuites au four et les épinards frais, ça pouvait faire bien assez pour deux, pour peu que je dégotte quelque chose à manger en guise de dessert...

J'ouvris le garde-manger et décrochai le saucisson que je me souvenais d'y avoir pendu, tirant de l'autre main une planche à découper, réfléchissant silencieusement au contenu de ma cuisine pour imaginer un repas correct pour deux personnes. Il me fallut moins d'une minute pour revenir dans le salon avec un menu complet en tête et une proportion non négligeable de la pièce de charcuterie débitée en tranches fines. Le regard d'Edward s'éclaira malgré lui.

A peine avais-je posé la coupelle qu'il commença à se servir, visiblement pas mécontent de cette idée. La discussion reprit, plus légère et informelle. L'adolescent me décrivit quelques souvenirs de Lacosta, principalement des plats qu'il y avait goûté.

- Et voilà, à force de parler de bouffe, je commence à avoir la dalle, grommela Edward d'un ton faussement râleur.

- … Tu veux manger ici ? proposai-je après une seconde d'hésitation. Je dois avoir assez à manger pour deux.

- Genre… Prendre un repas avec vous ? … Ce serait... bizarre, non ? bredouilla-t-il en me regardant d'un air stupéfait, la main figée sur la planche à découper.

- Tu es bien en train de boire chez moi et de manger du saucisson, en quoi dîner serait plus bizarre ? demandai-je, plus vexé par sa réaction que je daignais le montrer.

- C'est juste que... enfin... Vous êtes mon supérieur, quoi. De toute façon, je ne pourrais pas, je dois aller quelque part après, avoua-t-il d'un ton contrit.

- Je vois. Je ne vais pas te retenir, dans ce cas, répondis-je en souriant.

La discussion s'acheva de manière un peu abrupte, et Edward se releva pour décrocher son manteau en prenant poliment congé, soudainement pressé. Je refermai la porte derrière lui avec le sentiment d'avoir fait une erreur quelque part, sans savoir laquelle exactement. Peut-être que j'aurais dû m'excuser explicitement pour ce que j'avais dit en lui remettant le dossier. Peut-être qu'une invitation aussi informelle était la limite à ne pas franchir avec mon subordonné. Après tout, je n'invitais pas vraiment mes collègues à manger chez moi, alors pourquoi lui ? Je pensai à tout cela en finissant de préparer mon repas, qui pour le coup, allait se borner à une salade d'épinards frais agrémentés de croûtons et de lard.

Ce n'était pas parce que nous étions unis dans notre rébellion contre l'armée et les Homonculus que nous étions amis pour autant. Peut-être que l'espace d'un instant, je l'avais oublié. Peut-être que Hugues me manquait vraiment trop, et que je cherchais à faire disparaître ce sentiment de solitude...

Je jetai un coup d'œil à la fenêtre, où le ciel prenait les teintes d'encre d'un bleu profond. Après mon repas qui promettait d'être rapide, je pourrais peut-être faire un tour dehors, découvrir un peu les bars, les concerts et les spectacles du coin. Je n'étais pas vraiment sorti depuis mon déménagement, et j'avais besoin de me changer les idées. Quoi de mieux pour cela que de profiter de l'abondante vie nocturne de la capitale ?