Le nouveau chapitre est arrivé, ouais ! Cette fois, on revient à Central, avec le pont de vue de Riza (eh non, pas celui de Roy, désolé ! XD) Je n'ai pas réussi à sortir les illustrations des deux derniers chapitres, la faute à un mois de Novembre très chargé, entre le Nanowrimo et l'artbook du Inktober de cette année. Après avoir passé octobre à faire des dessins yaoi/yuri plus ou moins explicites, j'en ai fait un artbook portant le doux nom de "Indécences - Kinktober 2018", rassemblant les illustrations du défi, avec en plus des textes, bonus et anecdotes. Je suis extrêmement fière du résultat, qui sera disponible en convention le weekend prochain, à Villejuif, près de Paris. Il y aura aussi les Sweet Suicide, des illustrations de ma fic, des projets originaux, etc...
Alors voilà, si vous passez à la Ycon, n'hésitez pas à faire coucou sur le stand de Bull'Acide ! Je serai au premier étage, 1, chemin des pulls moches, et ça me fait toujours super plaisir de rencontrer les lecteurs et de pouvoir papoter un peu avec vous ! ^w^
Bref, je m'arrête-là avec les petites annonces et je vous laisse lire ce chapitre que vous attendez probablement avec impatience ! ;)
Chapitre 41 : Pluie d'automne (Riza)
- Oh, Lieutenant Hawkeye ?
La voix avait résonné et je m'étais retournée vers la devanture, surprise de voir le Sergent Hayles. Je me figeai dans une bouffée de stress idiot, tandis que Black Hayatte se tournait vers moi et s'asseyait, attendant des instructions. Je n'aimais pas rencontrer des collègues hors du travail, je ne savais jamais quelle posture adopter, incapable que j'étais de sortir de ma rigueur professionnelle.
- C'est bien vous, s'exclama la brunette avec un ton joyeux qui fit taire mes inquiétudes. Je ne savais pas que vous aviez un chien !
Je parvins à sourire, un peu gauchement sans doute.
- Oui, il s'appelle Black Hayatte. Il a trois ans.
J'avais répondu d'un ton un peu trop mécanique, mais Hayles sembla ne pas s'en formaliser puisqu'elle s'était accroupie pour faire davantage connaissance avec Black Hayatte, lui tendant la main pour qu'il puisse la renifler. J'étais un peu soulagée qu'il détourne son attention. Nous étions au petit matin, et je n'étais pas encore assez réveillée pour les interactions sociales. Pourtant, en voyant la jeune femme gratouiller Black Hayatte derrière les oreilles en l'inondant de compliments un peu gâteux, je ne parvenais pas à ressentir la distance méfiante que m'inspirait naturellement les gens. Black Hayatte était adorable, mais ne se laissait pas non plus plus approcher par l'importe qui. Quand il se roula sur le dos pour que Hayles puisse lui gratter le ventre, je songeai qu'elle avait passé le test haut-la-main : quelqu'un qui gagnait les bonnes grâces de mon chien était forcément sympathique.
Au fond, je le savais déjà.
- Vous habitez dans le quartier ? demanda Hayles en relevant vers moi ses yeux noisette.
- Oui, j'ai un appartement pas très loin. Vous aussi ?
- Ah, non, j'habite dans la vieille ville, près des quais. Je passais dans le quartier pour déposer une liste de courses pour une amie avant d'aller travailler.
- Oh, je vois, répondis-je.
Le silence retomba, et Black Hayatte se releva, haletant joyeusement et remuant la queue en nous regardant alternativement. C'était sans doute à moi de dire quelque chose.
- Vous avez un bon contact avec les chiens, vous en avez un ?
- Ah, non, il y a juste un chat dans notre colocation. Mais j'aime beaucoup les chiens.
- La réciproque est vraie, il n'est pas aussi affectueux avec tout le monde.
Je repensais aux vaines tentatives de Mustang pour l'amadouer. Il n'avait jamais réussi à obtenir plus que des politesses de sa part. Heureusement qu'il n'avait pas vu ça, il aurait été vexé comme un pou.
- J'ai grandi entourée d'animaux, ça doit être pour ça, fit-elle avec un petit rire.
Je la détaillai discrètement tandis qu'elle jouait avec Black Hayatte. Un nez retroussé, des yeux noisette, et un sourire éclatant. Elle avait l'air beaucoup plus joyeuse et détendue que la première fois où j'avais vraiment discuté avec elle. Il faut dire que juste après une agression sexuelle, ce n'était pas le meilleur moment pour faire connaissance.
Depuis, nous avions régulièrement eu l'occasion de la revoir dans nos bureaux. Il faut dire qu'il s'était passé beaucoup de choses au cours des semaines passées. Je repensai à ces nombreux rebondissements.
Après l'arrestation de Mary Fisher, les interrogatoires avaient duré des jours, des semaines, même. Mustang tentait de la faire parler et s'y cassait les dents, n'obtenant rien de plus de sa part qu'un regard froid. Elle était pourtant enfermée dans une cellule silencieuse et vide, et ce simple fait détruisait plus d'une personne. Elle avait une résistance hors norme à ce genre de torture. De la même manière, nos équipes avaient retourné son appartement pour le fouiller de fond en comble, en quête d'indices, mais l'une et l'autre étaient restés d'insondables mystères. Sa résolution s'était muée en rage, et les interrogatoires s'étaient progressivement mués en passage à tabac.
Rien ne le faisait plus enrager de voir Mary Fisher, le visage tuméfié, sanglant, continuer à le regarder d'un air hautain entre deux coups en gardant fièrement le silence. Elle résistait comme un roc. Il aurait fallu réellement la torturer pour espérer lui arracher des aveux, et c'était un cap que Mustang n'était pas prêt à franchir. Le voyant rager face à cette impasse et crouler sous les dossiers, j'avais fini par me proposer pour le relayer, et il avait accepté. Qu'avait-t-il à perdre, après tout ? Un silence en valait bien un autre. Aucune tentative n'avait rien donné jusque-là, et j'étais son dernier espoir avant de la laisser aux mains de personnes de l'armée qui appréciaient jouer les tortionnaires.
La première séance, je m'étais contentée de la fixer avec attention, sirotant un verre d'eau de temps en temps, la jaugeant, pendant plusieurs heures. Mon caractère taciturne et mon métier de sniper m'avait appris la patience, et le silence lourd de la pièce sembla plus la désarçonner que les tentatives de Mustang pour l'ébranler et les coups qu'elle avait reçus.
Pendant quelques jours, je m'étais appliquée à rester silencieuse, l'observant, étudiant ces micros mouvements et les expressions qui traversaient son regard. Puis, je lui avais posé quelques questions, des questions vagues ou précises, anodines ou sérieuses. Son nom, son âge, sa ville de naissance. Bien sûr, elle ne répondit à aucune d'entre elles. Mais je ne faisais pas ça pour quelle réponde, je voulais juste l'étudier.
Mustang continuait à la rencontrer, à tenter de la faire parler, et regardait avec perplexité la manière dépouillée dont je prenais l'affaire. Comme les dossiers s'étaient entassés et qu'ils étaient réclamés de toutes parts par d'autres services, il avait fini par délaisser un peu les interrogatoires pour se concentrer sur la gestion du chaos ambiant.
Au bout d'une semaine environ, je changeai de démarche. À chaque séance, je rapportai des dossiers. Ce n'était pas des dossiers confidentiels, ni même des documents de l'armée, les bibliothèques étaient tellement désorganisées qu'une chatte n'y aurait pas retrouvé ses petits. Non, j'avais emprunté à la bibliothèque publique tous les textes et articles que j'avais pu trouver, et que j'entrepris de lire à voix haute dans la salle d'interrogatoire.
Les soldats de surveillance devaient me prendre pour une folle, mais je n'en avais cure. Tout ce que je faisais, c'était énoncer des faits et des opinions, retracer l'histoire d'une rébellion, et observer attentivement quels mots affectaient sa carapace à priori impénétrable. Je replongeai avec une certaine horreur dans l'affaire qui avait abouti à la création du Front de Libération de l'Est, quand, sept ans auparavant, en plein conflit ishbal, les abus des militaires de passage avaient été mis au grand jour par un scandale.
Clemency, une fille qui n'avait pas eu le temps d'atteindre la majorité, avait été retrouvée morte à Pleonuk, en retrait du conflit ishbal et de la guerre civile. L'armée avait tenté d'étouffer le scandale, mais ses proches avaient mis au jour qu'elle avait été non seulement assassinée, mais violée à plusieurs reprises. Un procès avait eu lieu, mais malgré les preuves accablant une demi-douzaine de soldats, certains ne niant même pas les faits, l'affaire avait abouti à un non-lieu. Une décision qui avait mis le feu aux poudres et fait naître le début d'un soulèvement somme toute légitime.
Je connaissais l'affaire. Pour l'avoir vu de mes yeux, la guerre avait annihilé l'humanité de bien des soldats et fait d'eux des monstres. Ce genre de dérapages était tristement prévisible, et j'avais parfois dû me défendre violemment pour échapper à ce sort quand j'étais sur le front. En vérité, les cas avaient été si nombreux qu'il y aurait eu des centaines de militaires à mettre sous les verrous s'ils avaient été jugés de manière juste. Peut-être même des milliers.
Mais voilà, l'armée ne voulait pas s'affaiblir alors que les Ishbals se battaient bec et ongles, et que le conflit s'enlisait depuis 1901. Les militaires avaient conservé leur impunité aux dépends de sa réputation, et l'année suivante, King Bradley avait signé le commandement numéro 3066, et avec lui, l'extermination pure et simple des Ishbals, mettant fin à cette guerre civile en préparant le terrain pour la suivante. L'idée d'avoir participé à ce massacre me hanterait pour toujours, et je savais que je n'étais pas la seule. Mustang et moi nous l'étions jurés : Plus jamais ça.
Pour être honnête, en lisant à voix haute les articles retraçant les débuts du Front de libération de l'Est, je comprenais ce combat, qui prenait racine dans des causes justes : quoi de plus noble que de vouloir protéger la veuve et l'orphelin d'un état oppressif et injuste ? Seulement, au fil des ans, avec la radicalisation du mouvement et le rapprochement avec des réseaux mafieux, cette intention s'était rapidement dissoute dans une recherche de pouvoir toujours plus violente, et ceux qui prétendaient défendre les civils en 1907 tentaient de les faire exploser aujourd'hui. Pouvait-on encore s'y reconnaître quand on avait rejoint le mouvement en pensant défendre une cause ?
Retracer ce chemin au fil des jours fut éprouvant pour moi, pour elle aussi sans doute, et je ressortais épuisée de chaque séance. Mais l'étude de l'histoire du mouvement, et de la sienne, me permit de comprendre son point faible : l'enfance.
C'est ainsi que, après être revenue au présent en lisant les articles concernant l'attaque du passage Floriane, je pus la regarder dans les yeux et énoncer ce qui n'était plus une question mais un fait.
- Vous aviez depuis le début les moyens de tuer le prisonnier en faisant chantage à l'infirmière, mais vous avez préféré confier cette tâche à des petites frappes étrangères au mouvement… C'était à cause de la fillette, n'est-ce pas ?
Elle garda le silence, tandis que je plantais mes yeux dans les siens. Il ne restait plus grand-chose de sa bravade, de sa fierté des premiers jours. Le récit de son histoire l'avait mise face à ses contradictions. Elle hocha la tête. C'est ainsi que j'arrachai son premier aveu. Ce n'était pas grand-chose à première vue, mais cette annonce illumina le regard de Mustang.
Le lendemain, elle craqua et commença à parler. Les choses semblaient soudainement être devenues faciles, presque trop faciles. Mustang resta circonspect, méfiant de ce revirement de situation. Il n'en revenait pas que ma méthode ait porté ses fruits, mais au fur et à mesure que les informations qu'elle nous donnait se vérifiaient les unes après les autres, il fallut admettre qu'elle nous livrait la vérité. J'étais immensément fière d'avoir réussi à faire plier cette furie, et je sentais dans le regard de mes collègues un respect renouvelé. Sans doute se disaient-ils qu'il ne fallait en aucun cas avoir quelque chose à me cacher.
Dans tous les cas, l'enquête sur le Front de libération de l'Est fit un bond en avant. Les mises sur écoute se multiplièrent, et la toile de leur réseau se dessina de plus en plus clairement, des éléments étant parsemés dans toute la moitié Est du pays, à Central, mais aussi dans le nord et le sud du pays. C'était impressionnant de voir cela. Cela n'avait plus grand-chose d'un combat idéologique, des mafieux de toute sorte soutenaient le mouvement dans l'espoir d'élargir leur champ d'influence. C'était un véritable panier de crabes. Les enregistrement nous apprirent rapidement que leur fournisseur principal d'armes avait coupé contact avec eux après l'échec du passage Floriane, les laissant momentanément désorganisés et les obligeant à reporter leur plan le temps de pouvoir s'équiper de nouveau.
Faute de pouvoir se fournir de manière discrète, ils avaient planifié d'aller chercher l'armement où il était, à savoir en attaquant une usine de l'Est, afin d'avoir l'équipement nécessaire à leur prochain coup d'éclat, ou plutôt coup d'État. On pensait qu'ils avaient frappé fort avec leur prise d'otage à Central, mais, à l'écoute de têtes pensantes du réseau, nous réalisâmes rapidement que cette opération visait surtout à faire du bruit en se débarrassant des terroristes les plus instables et suicidaires, pour se concentrer sur une équipe de choc qui avait des plans autrement plus ambitieux. Cette fois, le Front de Libération de l'Est était résolu à porter son nom : leur prochaine attaque visait rien moins que le QG Est, avec à la clé la prise de pouvoir sur la tête de la région. Ils voulaient réellement faire sécession, soutenus par des réseaux mafieux qui pourraient en profiter pour assoir davantage leur pouvoir. Si l'opération réussissait, ça serait une journée sanglante, et une catastrophe pour l'équilibre du pays.
Mary Fisher finit par arriver à bout de ses aveux, et resta emprisonnée tandis que son procès avançait et que notre enquête se déployait de plus en plus, mettant à jour un réseau souterrain de plus en plus imposant. Elle avait donné de précieuses informations et permis à l'armée de faire d'énormes progrès sur l'enquête, et des bruits de couloirs laissaient entendre que le tribunal pourrait bien alléger sa peine pour le service rendu à l'État. Une pratique courante pour encourager à la délation des personnes emprisonnées, qui déclenchait des réactions violentes. L'idée de potentiellement libérer une personne aussi salement impliquée scandalisait plus d'un soldat… mais nous n'en étions pas là.
Mustang avait le sentiment qu'une zone d'ombre subsistait. Après une période de pause, j'avais repris l'interrogatoire, et si sur le coup la demande du Colonel me paraissait absurde, le sentiment qu'elle cachait quelque chose derrière la docilité de ses aveux se fit bientôt sentir. J'avais repris les minutes de son interrogatoire, relu les notes, trouvé des zones inexplorées. Je m'étais engouffrée dedans, résolue à faire la lumière sur tout ce que l'ancienne secrétaire avait à dire, mais elle était retombée dans son mutisme apathique. J'avais appris à connaître assez ce visage neutre et banal pour réduire le champ des possibles en l'observant. Je voyais bien qu'elle était poussée à bout par l'enfermement, au bord de la folie. Elle finirait par craquer de nouveau. Tout semblait laisser croire que cela concernait son passé, avant qu'elle entre dans le mouvement. Et c'était lié, d'une manière ou d'une autre, au trafic d'armes. Je comptais bien resserrer l'étau jusqu'à ce qu'elle craque de nouveau, mais on ne m'en laissa pas la possibilité.
Le lendemain du troisième interrogatoire, elle mourut dans sa cellule, après plus d'un mois d'emprisonnement. Le soldat qui lui avait donné son repas était dévasté de l'avoir entendu mourir, et se sentait terriblement responsable. Un médecin militaire vint l'autopsier, révélant une crise cardiaque, puis les examens du repas permirent de conclure à un empoisonnement à la digitaline. Nous étions le premier novembre.
Nous parlions de l'affaire quand le Sergent Hayles avait frappé à notre porte pour apporter un document provenant du bureau du Lieutenant Kramer. Après une période d'hésitation, elle s'était finalement décidée à confier son rapport sur l'agression de Byers à Mustang. Celui-ci s'était emparé de l'affaire avec beaucoup de sérieux et l'avait fait remonter à ses supérieurs en demandant une punition exemplaire. Depuis, nous attendions les retours de la cour martiale, mais celle-ci était bien plus préoccupée par d'autres affaires. Comparé un espion terroriste, les déboires du sergent Hayles ne pesaient pas bien lourd.
Mes collègues l'accueillirent joyeusement et je constatai rapidement qu'elle avait la cote. Elle discuta un peu de l'affaire en cours, et en apprenant que nous cherchions à remonter la piste de l'empoisonnement, nous souhaita bon courage.
- De la digitaline ? Ne comptez pas remonter la piste d'un fournisseur dans ce cas-là, vous perdrez du temps.
- Comment ça ? demanda Havoc, surpris de la voir si affirmée.
- C'est un poison extrait de la digitale pourpre, on en trouve couramment dans les chemins de campagne. Il peut être mortel sans même avoir besoin d'être extrait de la plante. Autant dire que c'est à la portée de n'importe qui d'empoisonner quelqu'un avec ça…
- Sergent Hayles, vous êtes un peu effrayante, commenta Falman.
- Moi ? Oh… Vous n'allez quand même pas me suspecter à cause de ça, hein ? C'est juste que mon amie d'enfance est passionnée de botanique, elle m'a toujours mise en garde contre les plantes toxiques…A force de me le répéter, j'ai finis par retenir certaines choses.
- Oh, c'est bien d'avoir une personne comme ça dans son entourage, fit Falman en hochant la tête.
Breda sourit, songeant probablement que Falman espérait bien être cette personne au sein de l'équipe.
- J'y pense, vous venez de l'Ouest ? Vous avez un accent assez marqué, commenta Fuery.
- Oui, j'ai grandi dans les steppes du côté de Kuijec.
- Oh, je vois, c'est dans cette région qu'il y avait eu de gros incendies en 1910.
- Oui, j'étais rentrée dans les pompiers à l'époque.
Les militaires délaissèrent bientôt leurs dossiers pour discuter avec elle et en apprendre plus sur son passé. Même si je savais que l'heure était grave et que du travail nous attendait, j'eus du mal à clore la conversation, intriguée par cette jeune femme au parcours hétéroclite. J'y parvins tout de même, et elle retourna travailler, laissant les militaires sous le charme. Ils discutèrent un peu d'elle, visiblement d'accord sur le fait qu'elle était sympathique et particulièrement mignonne, et même si je les rabrouai rapidement pour que l'équipe se remettre au travail, j'avais bien du mal à leur donner tort.
Elle dut apprécier la discussion, car elle mangea avec nous le lendemain, fascinant les militaires de ses anecdotes, et encourageant la bande dans leur travail sans demander de détails précis sur l'enquête. Issue d'une tribu nomade, elle avait été étudiante en photographie, pompier volontaire, brancardière, et musicienne durant ses moments de liberté. Il était dur de croire qu'elle avait eu tant d'expériences variées avant d'entrer dans l'armée, et Falman semblait douter d'elle, trouvant peu probable qu'une personne si jeune puisse avoir autant de talents.
La cloche de la tour de l'horloge résonna, me faisant sursauter. Revenant au présent, je réalisai que j'étais restée silencieuse un long moment, plantée sur le trottoir à fixer Hayles tandis qu'elle chahutait avec Black Hayatte. Je me sentis terriblement gênée et profitai de mon sursaut pour détourner le regard.
- Il est déjà sept heures, fis-je d'un ton distant. Il faut que je me dépêche de ramener Black Hayatte, je devrais déjà être au QG.
- Oh, oui ! De mon côté je voulais aller m'entraîner un peu au tir avant d'aller travailler. Je vais y aller.
- Bonne journée.
- Vous aussi.
Nous nous séparâmes abruptement, elle allant au Quartier Général, moi rebroussant chemin vers l'appartement. Il fallait encore que je me change avant d'aller au bureau où une longue journée m'attendait. Je rentrai à pas hâtifs, Black Hayatte trottinant joyeusement à mes côtés, me changeai et ressortis aussitôt après, non sans avoir distribué quelques caresses.
En ressortant, je remontai mon col pour me protéger. Le vent se levait, et étant donné la couleur du ciel, il n'allait pas tarder à pleuvoir. J'espérais juste avoir le temps d'arriver aux bureaux avant que cela arrive.
L'automne était bien là, avec ses ciels encombrés de nuages, les bourrasques humides, les jours de plus en plus courts et les arbres qui se déplumaient. Je traversai le boulevard étrangement vide, entendant le crissement des feuilles mortes que le vent raclait contre le bitume, et poussai un soupir.
Je n'aimais pas l'automne en ville. On ne voyait que la grisaille des bâtiments, et si, pendant mon enfance, le jaunissement des arbres s'associait aux noisettes, champignons, châtaignes et autres récoltes de saison, ici, cela signifiait juste un ciel lourd comme un couvercle, des nuits interminables, de la pluie et des rues ternes.
De lourdes gouttes commencèrent à s'abattre, et je poussai un soupir en me hâtant davantage. Je n'allais manifestement pas y échapper. J'aurais dû prendre mon parapluie, mais je l'avais oublié en partant, et je n'avais plus le temps de faire demi-tour.
Je le savais, du travail m'attendait. L'arrestation de Mary Fisher avait porté ses fruits. À présent, il était temps d'agir en conséquence. Nous savions quelle était la prochaine opération prévue des terroristes, et nous n'avions qu'un seul but, contrecarrer leurs plans avant de les mettre à terre. Cette idée m'amena un frisson d'inquiétude mêlée d'excitation : depuis des années que ce réseau existait, l'idée de pouvoir enfin participer à son démantèlement me grisait un peu.
Arrivant au Quartier Général alors que la pluie se muait en déluge, je bondis dans le hall avant de m'ébrouer, puis recoiffai ma frange, et traversai le couloir pour arriver au bureau. Je trouvai Havoc, qui se redressa en me voyant, l'œil brillant d'espoir.
- Bonjour Hawkeye !
- Bonjour Havoc, vous êtes seul ?
- Oui, Mustang est arrivé, mais il est parti directement à la bibliothèque pour les dossiers.
- Le rapport d'Edward n'a toujours pas été retrouvé ?
- On le saura quand il reviendra.
Je hochai la tête. Mary Fisher avait réussi à semer le chaos avant d'être arrêtée, détruisant le catalogue et une partie des fiches, mélangeant des dossiers, en détruisant certains. L'armée en avait été profondément désorganisée, et tout le processus administratif ralenti. Personne ne savait si les documents avaient disparu ou avaient simplement été rangés en dépit du bon sens. Certains d'entre eux avaient été caviardés d'autres passés au broyeur, et depuis des semaines, les bibliothécaires étaient submergées de travail, entre les dossiers qui devaient être traités et stockés, ceux qu'elles devaient ressortir pour différentes affaires, et le catalogue qu'elles devaient reconstituer à partir d'une montagne de document dont le système de classement avait été détruit. Je n'aurais pas aimé être à leur place.
Ce désordre ne nous aidait pas dans notre enquête contre le front de libération de l'Est. Aussi, en attendant que la bibliothèque retrouve son organisation originelle, nous gardions à portée de main tous les documents concernant notre affaire Le résultat était que nous avions littéralement des piles de dossiers un peu partout dans la pièce, ce qui demandait de se déplacer avec précaution pour ne pas tout mettre par terre et perdre du temps à remettre le tout en ordre. Beaucoup de données récentes s'étaient empilées grâce aux aveux de Fisher, et nous savions que nous étions en bonne voie, même s'il nous aurait fallu aussi d'anciens documents pour pouvoir recouper et compléter les informations. Malgré tout, nous ne désespérions pas de voir nos recherches aboutir. Le pourcentage de documents triés augmentait de jour en jour, et tôt ou tard, les choses seraient rentrées dans l'ordre.
- Dites-moi, fit le grand blond avec l'air nerveux de celui qui s'apprête à évoquer un secret de manière peu discrète.
- Oui ?
- Comment va votre cousine ?
Je souris.
- Bien, je suppose, mais je n'ai pas eu de nouvelle d'elle depuis la dernière fois où nous en avons parlé.
- Oh.
- Elle aussi est assez occupée, elle ne peut pas forcément écrire tous les jours, fis-je avec un sourire rassurant.
- Vous pensez qu'elle reviendra à Central ?
Je souris tristement ; bien sûr, j'aurais apprécié que ce soit le cas, mais je ne pouvais pas le jurer. Les choses étaient tout de même assez compliquées.
- Ce n'est pas impossible… mais pour l'instant elle n'en a pas vraiment parlé.
- Helloooo ! s'exclama Breda en poussant la porte avec un large sourire. Ah, Havoc, déjà levé ? Tu es devenu un sacré lève-tôt ces derniers temps.
- Il faut bien, vu le travail qu'on a sur le Front de l'Est, répondit le grand blond en riant, un peu gêné.
Le regard du rouquin bedonnant alla de son collège à moi, puis revint vers Havoc tandis que son sourire s'élargissait. Le militaire était visiblement convaincu d'avoir compris quelque chose.
- Ouais, tu as trouvé une motivation, avoue !
Je levai les yeux au ciel tandis que le rouge éclata sur les joues du grand blond. Voilà qu'à peine arrivé, Breda jouait les commères. L'idée était absurde, mais ma foi, s'il devait répandre des potins dans le QG, cette rumeur, si déplaisante qu'elle soit, serait toujours moins nocive que la vérité.
- Breda, non, ce n'est pas ce que tu crois ! Je suis pas du tout intéressé ! s'exclama Havoc, avant de réaliser ce qu'il venait de dire et de rougir davantage. Enfin, Lieutenant, je… vous êtes jolie, hein, mais… Je suis pas intéressé, enfin, vous savez, hein ? Euh, je m'enfonce, là ?
Breda éclata de rire en le regardant se couvrir de ridicule en essayant de se justifier, pendant que je le toisais, imperturbable. J'avais l'impression de voir à l'œil nu la boule se nouer dans sa gorge. Il allait en entendre parler au réfectoire ce midi, je pouvais en être sûre. Et, étant donné qu'il ne pouvait pas parler de la véritable raison pour laquelle il restait volontiers seul avec moi, il allait avoir de grosses difficultés à se débarrasser des suppositions de Breda. Quand Falman entra à son tour, il vit Havoc, le visage enfoui dans les mains, immobile et tellement désespéré qu'il avait fini par arrêter d'essayer de parler.
Falman s'approcha, un peu inquiet, et si Havoc parvint vaguement à le rassurer, il fallut que je foudroie Breda du regard pour qu'il ne commence pas à raconter ce qui venait de se passer. Le grand blond n'allait pas échapper à la mise en boîte de son équipe, mais elle attendrait le repas de midi, il y avait du travail.
- Bonjour tout le monde ! Vous voulez des chouquettes ? demanda Fuery en poussant la porte à son tour, avec l'expression du bonheur le plus innocent.
- Tu es sorti en acheter ? demanda Breda.
- Non, c'est une des standardistes qui m'en a offert ce matin !
- Oh, tu as la cote dis-moi !
- Pas comme d'autres, souffla Breda avec un sourire goguenard à l'intention d'Havoc, qui lui donna une claque derrière la tête.
- Arrête de raconter de la merde.
- Vous en voulez aussi, Hawkeye ? demanda le petit brun en me tendant le paquet.
- Avec plaisir ! fis-je en me servant avec un sourire poli.
À ce moment-là, la porte s'ouvrit et laissa passer Roy Mustang.
- Bonjour Colonel ! Vous voulez des…
La fin de la phrase mourut sur les lèvres de Fuery, et un silence pesant tomba sur la pièce tandis que notre supérieur la traversait avec une expression qui aurait dissuadé n'importe qui de lui adresser la parole. Il referma la porte sans décoller un mot. Le silence se prolongea un peu, et les regards se tournèrent vers moi. Comme d'habitude, la tâche ingrate de lui soutirer des informations me revenait.
Personne n'était surpris. Même si Fuery tentait encore de lui parler normalement, cela faisait des semaines qu'il avait les traits tirés par l'épuisement et était perpétuellement furieux. S'il prenait sur lui auprès de ses supérieurs et autres collègues pour ne pas avoir davantage de problèmes, il ne faisait pas d'efforts notables pour dissimuler son véritable état d'esprit en notre présence. Il n'y avait guère que moi pour oser pousser la porte de son bureau et lui rappeler qu'il avait une séance de tir prévue le soir. Il avait fait des progrès, et j'avais l'impression que ces leçons étaient devenues un exutoire indispensable.
Il avait de nombreuses raisons d'être sur les dents. Le chaos des dossiers, tout d'abord, qui compliquait notre enquête. La complexité des échanges avec le QG Est, qui était directement menacé par les terroristes, et avec qui Mustang et le Général Erwing tâchaient de construire une action coordonnée. Les tractations avec leurs supérieurs, pour tenter de les convaincre de sacrifier une usine d'armement afin de mieux démanteler le réseau. Le temps qui jouait contre nous, puisque nous savions qu'une action de grande ampleur était en préparatifs. Pour couronner le tout, même si nous avions l'espoir de voir disparaître prochainement le Front de libération de l'Est, un autre groupuscule terroriste était en train d'émerger dans le Sud, preuve que notre travail ne prendrait jamais fin.
Pourtant, si toutes ces raisons représentaient une forte pression, je savais que la raison de sa colère était autre. Tout simplement parce que son humeur avait radicalement changé le jour où nous avions appris qu'Edward Elric avait disparu après avoir enlevé quelqu'un, fait de nombreux blessés et détruit une partie du quartier général de Dublith. La nouvelle avait fait l'effet d'une bombe dans notre petit bureau. Nous savions qu'il était turbulent et que son amour de la justice passait souvent devant le respect de la hiérarchie… mais que les choses aient dégénéré à ce point nous avaient estomaqués.
Mustang avait dû passer de nouveau devant une commission pour prouver son innocence, et avait obéi avec une colère lasse. Il n'avait pas eu de difficulté à singer l'innocence, prétendant ne pas savoir quels étaient les plans le petit blond ces dernières semaines. Je savais que c'était partiellement faux, il m'en avait tenu informé, mais je l'avais scrupuleusement couvert. Tout le monde connaissait le caractère impétueux d'Edward, et il était de notoriété publique que ces deux-là se détestaient… du moins officiellement. Après quelques tentatives pour le déstabiliser, le jury avait admis sa défaite, et Mustang avait pu retourner à son travail en grognant sur le temps perdu, tandis que l'armée diffusait des avis de recherche et enquêtait activement sur le petit blond et les deux autres fuyards, qui avaient purement et simplement disparu après l'attaque. Alphonse et Winry, quant à eux, étaient sous surveillance de l'armée, et il m'était assez facile d'avoir de leurs nouvelles par des moyens indirects.
C'était bien au-delà d'une simple dispute avec son supérieur direct, cette fois, l'adolescent s'était opposé à l'armée tout entière, et, si l'on en croyait les rumeurs, à King Bradley lui-même. Mustang et moi, qui savions déjà que sa secrétaire était un Homonculus, en avions conçu une méfiance renouvelée pour notre Généralissime, mais le reste de l'équipe, bien ignorant de ce qui se tramait, était tiraillé entre leur loyauté envers l'armée et leur affection envers l'adolescent. S'il était capturé par l'armée, il ne s'en sortirait pas avec un simple blâme… il serait bon pour la prison, et, étant donné la gravité de ses actes, pourrait être condamné pour de longues années, ou même exécuté. Nul d'entre eux n'avait envie de le dénoncer s'il en avait l'occasion.
Seul Havoc, qui connaissait le secret d'Edward, en avait appris un peu plus sur la face cachée de cette affaire, et faisait de son mieux pour tout garder pour lui. Tôt ou tard, il faudrait en parler aux autres… mais pour l'heure, la menace du Front de libération de l'Est était plus urgente à traiter, et il n'était pas utile de les perturber avec ces révélations dérangeantes.
- Bon, je vais essayer d'en savoir plus, soupirai-je en constatant que les autres ne me lâchaient pas du regard. Fuery, vous voulez bien me passer les chouquettes ? Je vais voir si j'arrive à l'amadouer.
Le petit brun me passa le sac de kraft beige, et je traversai la pièce pour toquer à la porte. Un vague grognement me répondit. Je ne me laissai pas intimider et entrai.
- Bonjour Colonel, fis-je d'un ton poli mais un peu froid.
Il n'était pas le seul à être bouleversé par les derniers événements et inquiet pour la suite et je n'arrivais pas à voir son manque d'amabilité envers nous autrement qu'une marque d'immaturité. Si tout le monde s'était comporté comme lui, nous aurions été bien avancés ! C'était comme si la colère l'avait réduit à l'état d'animal sauvage. Peu importait, j'avais assez souvent chassé pour ne pas me laisser désarçonner, et, en l'absence de Hugues, j'étais celle qui savait le mieux comment l'aborder.
- Bonjour Colonel, répétai-je.
Cette fois, je lui arrachai un marmonnement en guise de réponse. Je lui tendis les chouquettes qu'il regarda d'un œil torve, puis les posai sur son bureau encombré et m'assis face à lui. J'avais réussi à faire craquer Mary Fisher, je n'allais pas céder si facilement.
- L'équipe aimerait savoir ce qu'il en est des dossiers que vous êtes allés chercher ce matin.
Le grand brun leva ses yeux froncés vers moi. Le visage dur, marqué de cernes, il avait une tête à faire peur… mais voilà, je n'avais pas peur des loups. Il dut le sentir, et lâcha un soupir avant de répondre, d'une voix intelligible cette fois.
- Pour ce qui est des dossiers concernant le front de libération de l'Est, j'ai obtenu de Shieska qu'ils soient mis de côté au fur et à mesure qu'ils sont traités et apportés ici deux fois par jour. Pour le rapport disparu d'Edward… ils n'ont toujours pas remis la main dessus.
- Vous pensez que Mary Fisher a cherché à le faire disparaître ?
- Oui, et cela m'inquiète.
- Pourtant, il n'y a aucun lien entre l'affaire Lacosta et les terroristes ?
- Ça, ça reste à prouver.
Le silence retomba. Trop de zones d'ombre, trop d'incertitudes. Si Edward avait été là, Mustang aurait pu lui faire faire une copie de son rapport, comme d'autres militaires l'avaient fait sans attendre. Mais voilà, il était en cavale, recherché par l'armée. Et si j'arrivais à avoir de ses nouvelles par des moyens détournés, je ne pouvais vraiment pas lui demander de prendre le risque de me transmettre une réécriture de ce rapport. Si nos courriers tombaient entre de mauvaises mains, les conséquences seraient dramatiques.
Pour cette raison, nous nous contentions de cartes postales et de lettres dissimulant notre inquiétude sous des banalités de la vie quotidienne, soufflant à demi-mot des informations que ni lui ni moi ne pouvions écrire explicitement. Edward s'était créé une fausse identité, et je jouais le jeu. Mais il ne pouvait pas communiquer à Mustang de cette manière.
Tandis qu'il feuilletait et triait une série de dossiers, j'observai le militaire au visage durci par la colère, et reconnus l'épuisement et la souffrance derrière son comportement renfermé. Je le savais, il avait pris l'habitude de dissimuler son inquiétude pour les autres sous un vernis de colère qui ne me trompait plus. Cela faisait des jours qu'il n'avait manifestement pas dormi correctement. En réalité, Mustang était mort d'angoisse pour l'adolescent disparu.
- Colonel… fis-je d'une vois aussi douce que possible.
- Quoi ? Vous ne voulez pas retourner au travail au lieu de m'importuner ? Nous avons beaucoup à faire.
- … Il va bien, soufflai-je.
Il leva vers moi un visage qui refusait de trembler.
- Comment le savez-vous ?
- Il m'a écrit.
A ces mots, il se rembrunit. Ma révélation n'avait pas eu l'effet escompté. Il resta silencieux quelques secondes, et jeta à terre la liasse de papiers qu'il tenait à la main.
- Il vous écrit, à vous. C'est pourtant à moi qu'il a des comptes à rendre, ce petit con !
J'eus un sourire triste. Le Colonel, jaloux ? Blessé de ne pas avoir de nouvelles ? Edward nous avait pourtant habitués à disparaître pendant des semaines lors de ses enquêtes, et il ne s'en était pas offusqué jusque-là. Il s'y était bien plus attaché que je le pensais.
- Ça aurait été trop risqué, et vous le savez. Avec les derniers événements…
Lui rappeler que la commission aurait pu lui causer de graves problèmes le fit décolérer un peu. Je savais que la véritable raison, c'était qu'Edward ne pouvait pas utiliser sa fausse identité auprès de Mustang. Étant une des rares personnes à connaître son secret, et l'une des plus proches de lui dans l'armée, j'étais de loin son meilleur choix. Cela, bien sûr, je ne pouvais pas l'expliquer au Colonel. J'avais juré de ne pas éventer son secret à qui que ce soit. Mais je pouvais bien lui faire d'autres aveux.
- .. Il est vraiment désolé de ce qui s'est passé.
- Je lui pardonnerai quand il me le dira en face, grommela le militaire.
Je poussai un soupir. Cela ne serait sans doute pas possible avant longtemps, et son manque de volonté ne m'aidait pas.
- Je comprends que vous soyez blessé, mais…
- Je ne suis pas blessé, coupa-t-il. Je suis furieux.
Il n'avait pas parlé fort, mais ses mains tremblaient.
- … Soit. Soyez furieux. Mais au moins, ne soyez pas inquiet. Il va bien, il est en sécurité. Je tenais à vous le dire.
Il y eu une pause. Il détourna la tête, la mâchoire crispée, les yeux sombres. Je sentais son désarroi, lui qui avait juré de ne plus s'attacher à qui que ce soit, et cette colère était avant tout dirigée vers lui-même. Je n'avais rien de plus à dire, et insister risquait juste de le hérisser davantage. C'est pourquoi je me relevai pour mettre fin à la conversation, et me dirigeai vers la porte.
- Merci.
Il avait soufflé ce mot du bout des lèvres, mais je l'avais tout de même entendu. Je le signalai d'un petit hochement de tête et ne me retournai pas.
- De rien. Maintenant, mettons-nous au travail. Nous avons beaucoup à faire.
Il ne répondit pas, mais quand je fermai la porte, je sentis que je laissais derrière moi une ambiance moins pesante qu'à à mon arrivée.
Le reste de la matinée s'était déroulée à dégrossir l'enquête sur la mort de Fisher, étudiant les horaires des uns et des autres, relisant les interrogatoires. Il y avait le militaire qui avait apporté le plateau-repas, et toute la chaîne alimentaire qui le précédait, mais aussi les gardiens et toute personne ayant circulé dans les locaux dans les heures qui précédaient la mort de Fisher. On n'imaginait pas la quantité de gens qui pouvaient aller et venir dans la prison du QG entre sept et neuf heures du matin.
Cela représentait des dizaines des personnes à interroger, des dizaines d'alibis à vérifier, des mobiles à guetter. Et, comme l'avait fait remarquer Hayles, se procurer de la digitaline était ridiculement facile. Un poison plus rare ou difficile à extraire aurait pu nous permettre de réduire les pistes via des fournisseurs… Mais quand le fournisseur était la nature elle-même, que faire ? Il suffisait d'une demi-journée à la campagne ou de la complicité d'un fournisseur pour s'en procurer. Autant dire que c'était à la portée de n'importe qui.
Nous nous étions partagé les différentes personnes à interroger, et échangions des informations de temps à autre, demandant si telle personne était bien accompagnée de telle autre au moment des faits, ou si des soldats avaient entendu tel militaire tenir des propos menaçants envers la prisonnière… mais malgré notre travail acharné, nous ne voyions pas encore surnager de preuves tangibles au milieu de ce torrent d'informations.
Ce fut donc avec un peu de soulagement que je me levai pour rejoindre Mustang qui m'appelait. Je fermai la porte de son bureau et hésitai à m'asseoir face à lui. Je ne savais pas s'il en avait pour longtemps ou non. Je constatai avec une certaine satisfaction qu'il avait bien décoléré depuis notre discussion. Apprendre qu'Edward allait bien semblait l'avoir calmé, je ne regrettais pas de lui avoir finalement dit.
- Alors, les recherches avancent ?
- Nous faisons de notre mieux, mais pour l'instant, il reste beaucoup de personnes potentiellement suspectes.
- Lieutenant Hawkeye, il faudrait que vous alliez au domicile de Mary Fisher pour voir où en sont les fouilles.
Je hochai la tête, un peu dépitée. L'appartement avait été mis sous scellés dans l'heure qui avait suivi son arrestation, puis des militaires avaient été envoyés pour fouiller en quête de documents sensibles. Depuis des semaines que les soldats se succédaient pour retourner tout le contenu de l'appartement, démonter les meubles, arracher le papier peint, j'avais perdu espoir que nous trouvions quelque chose. Les militaires avaient même détruit la cheminée après avoir exploré soigneusement le conduit, sans succès.
- Pensez-vous vraiment que ce soit utile de continuer à chercher ? Depuis le temps que l'on fouille, s'il y avait quelque chose à trouver, ce serait déjà fait.
- Sait-on jamais, on peut toujours passer à côté d'un élément essentiel, répondit Mustang.
Je le regardai avec une mine désabusée.
- J'espérais que nous trouvions quelque chose, bien sûr… mais, on ne gagne pas à tous les coups, admit-il. Je ne vous demande pas des miracles, seulement de vérifier que les choses ont été bien faites. Ce serait bien dommage de laisser échapper une information utile.
- Je comprends.
- Et si vous pouvez rassembler les documents pouvant avoir un lien avec les dossiers perdus, ce serait parfait.
- Nous continuons chaque jour à trouver des documents que nous pensions disparus, cette décision est peut-être un peu prématurée.
- Vous avez raison Lieutenant. Ce sera votre mission quand la Bibliothèque Centrale aura retrouvé sa stabilité.
- Bien, Colonel.
Il hocha la tête avec un air absent. À son expression, je devinai qu'il était inquiet et contrarié par tout ce qui se profilait. Les plans des terroristes, les commissions à propos d'Edward, la disparition de celui-ci, et cette zone d'ombre qu'il voyait dans l'interrogatoire inachevé de Mary Fisher. Je n'étais pas sûr qu'il y ait grand-chose de plus à découvrir, mais il prenait l'affaire très au sérieux, et c'était mon travail de le seconder au mieux.
- Je vais vous laisser, Colonel, j'ai des interrogatoires à mener sur la mort de Mary Fisher.
- Très bien. Bon courage, Lieutenant.
- Bon courage à vous.
Je regardai l'homme assis face à moi avec un soupir las. Lanyon, le militaire qui avait apporté le plateau repas, était en première ligne des suspects. Mais l'interrogatoire ne menait nulle part, et il pleurait avec une persévérance agaçante, apparemment bouleversé à l'idée d'être déclaré coupable. Des interrogatoires croisés de ses collègues avaient révélé qu'il était d'un caractère tranquille et plutôt affable, et sa culpabilité semblait de plus en plus improbable au fur et à mesure. Il vivait à la caserne qu'il n'avait pas quittée depuis des semaines, jeune militaire loin de sa famille, résolu à faire au mieux. Il aurait fallu être stupide pour empoisonner un prisonnier et espérer s'en sortir.
De plus, l'autopsie avait révélé que l'aliment qui avait tué Mary Fisher était du pain empoisonné à la digitaline, et le gardien qui l'avait vu passer soutenait qu'il n'en avait pas sur son plateau. Manifestement, le coupable était ailleurs. Nous avions donc élargi les recherches à toutes les personnes ayant fait des allées et venues dans la prison durant les heures qui avaient précédé sa mort. Soudainement, cela faisait une liste conséquente de suspects. Difficile parmi tous ceux-là de trouver le coupable.
- Écoutez, Lanyon, je ne vous pense pas coupable. Si c'était le cas, vous seriez vraiment un idiot. Mais il y a quelqu'un dans l'armée qui a tué une source d'informations particulièrement sensibles, et il faut le retrouver. Parmi vos collègues certaines personnes ont-elles affiché de l'agressivité envers Mary Fisher ou critiqué la manière dont elle a été traitée ?
L'homme se redressa, presque incrédule de sentir le poids sur ses épaules s'alléger ainsi, mais il haussa les épaules avec une expression penaude.
- Je suis désolé, mais… Tout le monde déteste Mary Fisher dans notre régiment. Hodgson et Travis étaient des mecs bien, ils sont morts à cause d'elle au Passage Floriane… Les noms d'oiseau ont fusé à son sujet, et tous mes collègues ont laissé échapper au moins une fois qu'elle méritait la mort.
Je poussai un soupir. Je comprenais ce qu'il voulait dire.
- Mais avec mes amis, on a bien conscience qu'elle est plus utile morte que vivante. Jamais je n'aurais fait quelque chose d'aussi contre-productif.
L'interrogatoire continua, et j'insistai pour qu'il donne son avis sur chaque membre de son bureau, afin de voir si quelqu'un ressortait davantage, mais ce ne fut pas très concluant. Je le laissai partir et me frottai les yeux avec lassitude. Trop de choses à penser.
Même si cette préoccupation s'ajoutait au reste, il ne fallait pas la négliger. S'il s'avérait que le tueur de Fisher était lié aux terroristes, cela signifiait que les informations qu'elles nous avaient données n'étaient plus si fiables, qu'un plan B s'organisait peut-être dans l'ombre du mouvement. Il était important de trouver l'origine du tueur.
Il fallait continuer les interrogatoires, mais je n'étais pas sûre d'en avoir le courage. J'en étais là de mes réflexions quand Breda toqua à la porte.
- Lieutenant ? Je crois que je tiens une piste.
J'espérais que ma reconnaissance éperdue ne filtrait pas trop dans mon regard quand il s'approcha avec des dossiers pour les déposer sur la table.
- Dites-moi tout.
- Hewitt me paraît assez suspect. J'ai rassemblé les indices contre lui, et j'en ai un certain nombre… Tout d'abord, le matin du crime, il a été envoyé pour aller chercher Fajoch, un des prisonniers qui se trouvent dans la même section que Fisher, une demi-heure avant sa mort. Il peut parfaitement avoir apporté le pain empoisonné à ce moment-là, et l'avoir glissé en passant. Étant donné le taux de luminosité de sa cellule, on peut imaginer qu'elle ne l'a remarqué qu'au moment où son plateau-repas lui a été livré.
- Si l'on compte les gardiens et les militaires ayant fait des allées et venues, on a une vingtaine de personnes présentes dans le secteur à cet horaire.
- Oui, mais toutes ne sont pas passées dans ce couloir, devant la porte de Fisher, dans leur itinéraire normal.
Je fis un petit geste de l'index, admettant que l'argument se tenait, puis feuilletai les papiers qu'il me tendait pour étayer ses dires.
- J'en ai discuté avec Falman et Havoc, continua-t-il en sortant des extraits d'interrogatoires, et les personnes qu'ils ont interrogées ont indiqué qu'il a durement vécu l'attaque du passage Floriane et qu'il était particulièrement remonté contre Mary Fisher. Il a proféré des menaces contre elle et tenu des discours comme quoi il espérait qu'elle soit "torturée puis fusillée, cette sale pute".
- Charmant.
- Bon, il n'est pas le seul… Mais ce qui est intéressant, c'est qu'il a brutalement arrêté.
Je tournai la tête vers le militaire bedonnant, attendant qu'il s'explique davantage. Tout ceci était bien vague comme motif de suspicion.
- Quatre jours après l'arrestation de Fisher, il a passé la soirée hors du QG, au lendemain de laquelle son comportement a changé. Il est devenu plus discret, plusieurs de ses amis et collègues l'ont confirmé. Il a cessé de parler de l'affaire, et est sorti très régulièrement depuis, à raison de trois soirs par semaine.
- Cela a dû attirer l'attention de ses compagnons de dortoir. Ils ont dû lui poser la question.
- En effet, ils ne s'en sont pas privés. Il leur a tous dit la même chose, à savoir qu'il avait rencontré quelqu'un, et avait commencé à sortir avec elle
- Mh… laissez-moi deviner, personne ne l'a jamais vue ?
- C'est ça. Par contre, il a été vu par deux militaires au Nord de la ville, en train d'entrer dans le Kaint's lors d'une de ses fameuses soirées de liberté.
- Le Kaint's ? Qu'est-ce que c'est ?
- Un bar assez mal réputé, du côté des docks. J'en ai un peu entendu parler, apparemment c'est un peu le lieu où chercher les ennuis. Du coup, j'y suis allé hier soir en civil, avec une photo de Hewitt. Le barman n'a rien voulu dire, mais l'une des serveuses a été plus bavarde. Apparemment, il vient très régulièrement pour retrouver un groupe de gens.
- Donc, il ment au sujet de sa fameuse copine.
- Oui.
- Cela ne suffit pas prouver sa culpabilité.
- En effet. Mais j'ai fait parler la serveuse un peu plus, et elle m'a expliqué qu'il faisait partie d'un cercle, Black Fist.
Je me redressai un peu en entendant ce nom qui me disait vaguement quelque chose. Sans doute l'avais-je entendu dans des bruits de couloir ou entrevu dans un journal. Dans tous les cas, cela m'évoquait quelque chose d'assez négatif. Breda fouilla encore dans ses dossiers pour en sortir des coupures de journaux.
- C'est un cercle de vengeance. Des personnes insatisfaites du système actuel qui se retrouvent pour trouver le moyen de faire justice elles-mêmes, en frappant dans l'ombre. Ils traînent dans les quartiers mal famés de la ville et tâchent de passer sous les radars, mais on en entend parler de temps en temps dans les faits divers.
- Et Hewitt se serait acoquiné avec eux alors que c'est un militaire ? Quel intérêt de mettre sa carrière en danger comme ça ?
- C'était aussi un proche de Travis. Ils étaient très bons amis et se connaissaient avant d'entrer ensemble dans l'armée.
- Et vous n'avez pas commencé par ça ? fis-je en fronçant les sourcils.
L'homme haussa les épaules avec un petit sourire.
- Disons que je suis parti des indices les plus vagues. Est-ce que cela vous paraît suffisant pour l'inculper ?
- Allez voir Mustang, mais je pense qu'il vous fera un mandat pour aller le chercher à son bureau et faire fouiller sa chambre sans attendre. Simple question de paperasse, pour ne pas avoir de problèmes lors du jugement.
Breda hocha la tête, peinant à dissimuler à quel point il exultait, et remballa ses documents. Je le regardai partir avec un sourire soulagé. Je n'avais pas la moindre piste sur le sujet, et son travail soigneux m'ôtait une épine du pied. Et puis, étant donné le nombre de fois où je l'avais vu bailler aux corneilles, j'étais agréablement surprise de le voir travailler aussi efficacement.
Je m'autorisai à rester assise quelques minutes dans la pièce vide, regardant le ciel lourd avec un sourire, indifférente au mauvais temps. Cette discussion me confirmait ce que j'avais toujours su. Sous leurs airs cossards, mes collègues travaillaient vraiment bien. Mustang allait être de bonne humeur à cette nouvelle.
La fin de journée fut dense, avec l'arrestation de Hewitt, qui, une fois qu'il avait compris qu'il était démasqué, se montra très agressif. Il avoua sans trop de peine, insultant les supérieurs et l'armée toute entière, fou de rage que Fisher n'aie pas été exécutée de manière lente et douloureuse. Mustang le laissa cracher sa rage, jetant un œil au secrétaire qui notait son discours, peinant à suivre le flot des insultes qu'il vomissait.
- Peu importe le mal qu'a fait Mary Fisher par le passé, lança Mustang d'une voix calme, elle était sous contrôle et représentait une source d'information essentielle. Vous avez fait entrave à l'enquête pour des raisons personnelles, et nous avons perdu des informations qui pouvaient nous permettre de sauver des innocents. Votre acte stupide coûtera peut-être des vies et je vous promets que vous allez le payer cher.
Le prisonnier se tut à ces mots. Que pouvait-il répondre ? Les mots du grand brun relevaient du bon sens.
- Assez joué, ajouta-t-il. Vous me le mettez en salle d'interrogatoire, qu'on le fasse parler pour voir l'étendue des dégâts qu'il a provoqués.
Havoc et moi hochâmes la tête et quittèrent la pièce en escortant l'homme menotté qui pestait et grinçait des dents. Je jetai un coup d'oeil à Mustang, qui referma la porte derrière nous. Si son visage était imperturbable, sa main tremblait de colère sur la poignée. Notre tueur se débattit vainement, mais un regard sévère d'Havoc le dissuada d'insister. Finalement, il ne fut pas très difficile de l'escorter jusqu'à la salle d'interrogatoire où il fut installé de force sur sa chaise. Je hélai une personne dans le couloir afin de faire venir l'un des secrétaires afin de démarrer un nouvel interrogatoire sans attendre. Il arriva rapidement, son café encore à la main, visiblement tiré de sa pause. Quelques minutes plus tard, Mustang arriva à son tour. Il tâchait d'avoir l'air calme, mais pour l'avoir vu ces derniers temps, je me disais qu'il était dans l'intérêt de Hewitt de faire profil bas, au risque de voir exploser sa colère.
Le Colonel s'attabla face à lui, s'étira les doigts d'un geste lent en le regardant dans les yeux. C'était grossier comme méthode, mais cela suffit à mettre mal à l'aise le militaire assis en face.
- Lieutenant Hawkeye, je pense que Havoc suffira pour me couvrir, fit-il sans quitter sa proie des yeux. Il est déjà tard, j'apprécierai que vous vous acquittiez de la tâche que je vous ai confiée.
Je hochai la tête et quittai la pièce en fermant la porte derrière moi. Il était presque dix-huit heures, si je voulais aller à l'ancien domicile de Mary Fisher aujourd'hui, il fallait que je me parte rapidement. Je repassai au bureau chercher mes affaires, n'y trouvai que Fuery qui me salua avec sa bonhomie habituelle, puis repartis.
Une pluie dense m'accueillit à la sortie du hall, et je poussai un soupir avant de remonter mon col, regrettant de nouveau d'avoir oublié de prendre un parapluie. Après une bouffée d'inspiration, je me lançai, traversant d'un pas vif la cour sablonnée qui menait à la sortie.
J'en avais pour vingt minutes à sentir l'eau tremper mes cheveux et couler dans ma nuque, et, malheureusement pour moi, il n'y avait pas de ligne de transports en communs pratique pour rejoindre la vieille ville. Je pestai contre Mustang et ses requêtes qui risquaient de me faire tomber malade. Ne fallait-il pas que je sois une subordonnée dévouée pour traverser la ville sous la pluie, dans la lumière sale des réverbères, en quête d'un potentiel indice qui nous amènerait une piste sur la nébuleuse que Mary Fisher n'avait pas dévoilée avant sa mort ?
Était-ce un élément que nous ignorions à propos du Front de libération de l'Est ? Ou, comme il le semblait, quelque chose qui touchait un réseau mafieux ? Y avait-il un rapport avec l'affaire Lacosta ? Que cachait donc son passé ? Je me posais ce genre de questions pour me distraire de la pluie qui collait ma mèche à mon front et gouttait de mon nez.
Quel temps de chien, quand même !
J'espérais presque ne rien trouver, pour pouvoir rentrer rapidement chez moi me mettre au sec. Le caractère irritable de Mustang ne me donnait pas envie de lui rendre service… dans ces moments-là, c'était plutôt ma loyauté et la conscience de l'importance de ses objectifs qui me motivaient.
J'étais donc relativement agacée en arrivant au pied de l'immeuble. Je m'essuyai les pieds sur le tapis de l'entrée, mais cela ne m'empêcha pas de tremper les marches de l'escalier, les pans de mon manteau gouttant lourdement sur le bois ciré. J'arrivai au troisième étage et m'approchai de la porte ouverte. En m'avisant, le soldat qui se tenait sur le seuil se mit au garde-à-vue.
- Bonsoir Lieutenant.
- Repos, répondis-je. Avez-vous trouvé de nouveaux éléments durant les fouilles aujourd'hui ?
- Non Lieutenant, pas que je sache.
- Je vais aller voir vos collègues pour un rapport détaillé.
L'homme hocha la tête et s'écarta pour me laisser entrer. Je jetai un coup d'œil circulaire à la pièce. Relevé d'empreintes, mise en sachet de pièces à conviction potentielles, démontage des meubles, tout y était passé. Ils avaient arraché le papier peint, détruit la cheminée, et même défait le parquet pour voir s'il ne dissimulait pas une cachette. Mais les murs sales ne recelaient ni information cachée, ni coffre-fort, ni mystère d'aucune sorte. Le Sergent qui supervisait les recherches me vit arriver.
- Je viens de la part du Colonel Mustang pour relever les rapports de fouille.
- Je vous sors ça tout de suite.
Le militaire se pencha sur la table pliante qu'ils avaient apportée pour pouvoir documenter chaque élément trouvé dans la pièce, fouilla parmi une boite de dossiers et ressortit une épaisse liasse de papiers.
- Voici. Nous avons annoté et numéroté chaque effet personnel trouvé dans l'appartement. En annexe, il y a la fiche de compte rendu de la procédure et la liste des militaires ayant travaillé ici au jour par jour.
Je feuilletai le document et poussai un soupir. Il devait bien faire deux cents pages. Je n'aurai pas le temps de tout consulter ici, c'était une certitude… mais en survolant les pages, je constatai qu'elles avaient été soigneusement documentées. Je prendrai le temps d'éplucher le rapport, mais visiblement, le travail avait été fait avec soin.
- Cela m'a l'air d'être du bon travail. Vous pouvez être fier de vous.
- Nous aurions été fiers si nous avions trouvé quelque chose d'utile, répondit-il avec une certaine amertume.
- Une partie de notre travail est d'éliminer les pistes. Même si c'est peu gratifiant, c'est une tâche essentielle.
Je jetai un coup d'œil circulaire à la pièce en chantier. Le moins qu'on puisse dire, c'était que son équipe s'était donnée du mal. Mais on sentait qu'ils étaient désabusés.
- Vous permettez que je prenne ceci ? fis-je en soulevant le bloc de papier. Je le transmettrai à mon supérieur.
- Bien sûr, nous en avons une copie que nous documentons au fur et à mesure.
- Très bien. Attendez le retour du Colonel Mustang pour agir en conséquence, mais je pense qu'il vous transmettra demain l'ordre d'arrêter les recherches et de libérer l'appartement. En revanche, il se peut qu'il vous demande de lui transmettre certaines pièces à conviction.
- Exception faite de son carnet d'adresses, je ne vois pas ce qui pourrait être utile à l'enquête.
- Sait-on jamais, répondis-je.
Je discutai encore quelques minutes avec le Sergent, puis pris congé. J'allais avoir deux cent trente-sept pages à étudier ce soir, il valait mieux que je ne rentre pas trop tard chez moi. De plus, la pluie avait traversé mon manteau et mes épaules humides me refroidissaient. Je descendais les marches quand je croisai une vieille dame qui traînait dans son sillage une malle qui devait faire son poids, soufflant et pestant à chaque marche.
- Voulez-vous un peu d'aide ? proposai-je poliment.
- Oh, ce serait bien aimable, soupira-t-elle.
Je souris et attrapai la poignée. Je soulevai le bagage sans trop de peine, comprenant tout de même qu'elle ait de du mal à le hisser. Il ne fallut pas longtemps pour que j'arrive au pallier
- N'allez pas plus haut, j'habite au troisième étage ! fit-elle en montant les marches, tirant sur la rampe pour porter son corps fatigué. Oh mon Dieu… Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!
Je tournai la tête. Elle venait de voir la porte ouverte de l'appartement de Fisher, et le militaire qui montait la garde.
- Pourquoi il y a tous ces militaires ?
Elle s'avança dans le couloir sans plus se préoccuper de sa valise, avec un air effaré.
- Il est arrivé quelque chose à la petite Mary ?
- Elle… elle a été tuée, annonçai-je maladroitement.
La vieille dame se couvrit la bouche dans une expression choquée, et des larmes roulèrent dans ses yeux sans déborder.
- Vous la connaissiez ? demandai-je d'un ton aussi doux que possible.
- Bien sûr, c'était ma voisine. Une petite dame adorable, discrète et serviable comme on en voit plus. Elle m'a souvent rendu service… Et maintenant, elle est morte ?
Je la vis vaciller et la rattrapai par le bras avant qu'elle ne s'effondre. Visiblement, la nouvelle la secouait.
- Elle était toute jeune… Ce n'est pas dans l'ordre des choses qu'elle ait perdu la vie avant moi.
- Je comprends, bredouillai-je. Je suis désolée de vous annoncer cela.
- Que s'est-il passé ?
- Elle a été assassinée, dis-je en restant volontairement vague.
Étant donné la manière dont elle en parlait, lui expliquer qu'elle était en réalité une terroriste infiltrée au service de l'organisation qui avait tenté d'exploser le centre-ville deux mois plus tôt risquait de la bouleverser encore davantage.
- Oh mon Dieu, c'est terrible. Dans quel monde vit-on ?
- … L'armée enquête à son sujet… C'est un peu délicat de vous demander cela maintenant, mais… accepteriez-vous de témoigner ? Si vous la connaissiez bien, vous pourriez peut-être faire avancer l'enquête.
- Oui, enfin… oui… Je vais avoir besoin de me remettre de mes émotions…
- Je comprends.
- Je reviens d'un mois de vacances chez mon neveu, et j'apprends ça. Oh mon Dieu, oh mon Dieu…
- Voulez-vous que je vous aide à porter votre valise jusqu'à votre appartement ?
- Oui, s'il vous plaît. Merci. Oh mon Dieu. C'est terrible…
Je la laissai à ses propos brouillons et allait chercher sa malle qui était restée sur le palier. Je la pris, et m'arrêtai à la porte de l'appartement de Fisher pour parler au soldat.
- Prévenez votre supérieur qu'on a un nouveau témoin. Je ne sais pas si elle sera prête à parler tout de suite, mais elle a l'air de bien la connaître.
L'homme me salua et entra dans la pièce pour l'avertir, et je continuai mon chemin dans le couloir tandis que la vieille dame ouvrait la porte en tremblotant. Après avoir lutté pour enfiler la clef dans la serrure, elle entra, et me fit signe de la suivre. Les lieux étaient petits et proprets, décorés avec goût. Elle retira ses bottines, sa petite coiffe en tissu ciré, se débarrassa de son manteau, puis elle enfila des petits patins. En la voyant si soigneuse, je n'osai pas passer le seuil avec mes bottes trempées.
- Entrez, entrez, fit-elle en s'affairant à fouiller dans les placards de la cuisine. Si je peux vous être utile, autant que nous nous mettions au travail rapidement.
J'obéis d'un pas hésitant, observant les lieux, le dossier toujours sous le bras, pendant qu'elle sortait une bouteille contenant un liquide d'une couleur indéfinissable et deux petits verres. Elle s'en servit un et but cul sec ce que je supposai être une quelconque eau de vie, et se resservit aussitôt.
- Vous en voulez ? C'est mon neveu qui la fait. La meilleure eau-de-vie de prune de Lautoxan.
- Non merci… jamais pendant le service.
Sur ces entrefaites, le Sergent arriva à son tour, accompagné d'un soldat, et elle leur fit la même proposition, avec la même réponse. Elle haussa les épaules et se servit un troisième verre avant de nous inviter à nous asseoir à sa table.
- Pouvez-vous nous parler un peu plus de Mary Fisher ? Quand l'avez-vous rencontrée ?
- Quand elle a emménagé, il y a… quatre ans de cela, je dirais ? Je lui ai proposé de venir prendre le thé chez moi, et nous avons tout de suite sympathisé. Cela dit, elle était assez discrète, je crois qu'elle parlait assez peu aux autres voisins… Enfin, il faut dire que la plupart d'entre eux sont déjà assez occupés. Il y a beaucoup de familles dans l'immeuble.
Je hochai la tête, constatant du coin de l'oeil que mon collègue prenait des notes en sténographie.
Pour ma part, je suis retraitée, donc j'ai du temps libre… Quand je ne voyage pas. Je vais souvent chez le fils de mon frère. Il habite au Nord dans la maison familiale… Il me dit que je devrais revenir, mais vous voyez, je ne me vois plus vivre à la campagne, je suis une Titi de Central, vous comprenez. J'aime vraiment cette ville.
Je vis le Sergent hocher la tête, se demandant probablement s'il ne devrait pas la couper pour réorienter son propos.
- Enfin, ma vie ne vous intéresse pas vraiment, c'est la pauvre petite Mary qui vous concerne. Nous nous rendions souvent service mutuellement, elle m'aidait à porter mes courses ou arrosait mes plantes quand j'étais en voyage, et je lui faisais des bons petits plats… Elle travaillait tard à l'Armée, donc elle n'avait pas souvent le temps de cuisiner…
Elle poussa un soupir, tourna la tête vers un pot de fleur où un arbuste desséché tentait de survivre.
- Elle n'a pas pu s'occuper de mes plantes, la pauvre petite. Elle était pourtant si soigneuse… ça ne m'étonnerai pas que de là où elle est, elle se tourne et retourne en pensant à ces plantes fanées…
J'eus un sourire triste. Cela avait quelque chose de touchant et dérangeant à la fois de voir comment cette dame s'était attaché à la terrible Mary Fisher, celle qui avait mis le chaos dans notre QG. J'imaginais un instant le choc que représenterait la rencontre entre Hewitt et cette vieille dame affectueuse.
Il faut croire que tout le monde est humain, au fond…
- Pauvre petite… morte assassinée… je n'arrive pas à le croire, soupira-t-elle avant de s'enfiler un nouveau verre d'eau-de-vie sous le regard décontenancé du Sergent et de son assistant. Elle n'était pourtant pas du genre à chercher des histoires.
- Vous ne connaissez personne qui pourrait lui en vouloir de quelque manière que ce soit ? Des personnes qui auraient eu un comportement suspect ?
- Vraiment, non… C'était une petite souris, tout juste si ses voisins étaient au courant de son existence… Je ne comprends pas comment quelqu'un a pu s'en prendre à elle.
Je voyais le visage du Sergent s'assombrir au fur et à mesure de ce que disait la vieille dame, visiblement déçu de ne rien apprendre de nouveau. Nous avions déjà remarqué sa discrétion et son efficacité, celle-là même qui lui avait permis de se frayer un chemin si haut dans l'armée sans se faire remarquer. Il lui posa quelques questions, sur la fréquence à laquelle elles se voyaient, ce qu'elle disait de l'armée, une éventuelle famille… Mais une pensée se détacha, et pris bientôt toute la place. Je pris le dossier et fouillai rapidement à l'index, cherchant une information qui me paraissait importante. À l'entrée "clef(s)", je ne trouvais que quatre références que je consultai en silence, sans trouver ce que je cherchais. Je relevai la tête du dossier et profitai d'un instant de silence pour demander poliment.
- Excusez-moi Madame… J'aurai une question à vous poser.
- Tout ce que vous voulez Mademoiselle.
- Vous dites qu'elle arrosait vos plantes vertes en votre absence… Cela signifie qu'elle possédait un double de vos clés, n'est-ce pas ?
- En effet, je lui en avais confié un double, pour relever le courrier, entretenir l'appartement, au cas où il y aurait eu un problème. Vous savez, une inondation, par exemple…
Je hochai la tête.
- Pouvez-vous nous montrer vos clés s'il vous plaît ?
Elle fouilla ses poches et nous les tendit d'une moins tremblante que tout à l'heure. À ce qui semblait, l'alcool lui avait remis les idées en place. Je me tournai vers le Sergent.
- Avez-vous vu des clefs similaires dans les effets de Mary Fisher ?
- … Non… nous avons trouvé plusieurs trousseaux, mais que je sache, nous avions trouvé à quoi correspondait chacune des clefs.
- Cela veut dire qu'elle ne les avait plus…
- Est-ce qu'elle s'en serait débarrassée ? Ou se les serait fait voler ?
Un éclair de compréhension passa dans les yeux du brun qui était assis à côté de moi, et il tourna les yeux vers la vieille dame qui peinait à saisir l'importance de ce que nous disions.
- Elle pouvait accéder à l'appartement en votre absence, n'est-ce pas ?
- Oui. Elle a même proposé d'installer des patins au pieds des meubles pour éviter de marquer mon parquet. Elle était tellement soigneuse que je ne m'inquiétais pas une seconde de mon appartement, je savais qu'il était entre de bonnes mains.
Je hochai la tête.
- Je vois. Vous lui faisiez totalement confiance.
- En effet.
- J'ai une question délicate à vous poser.
- Oh… fit-elle en se redressant, vaguement inquiète.
- Nous autoriseriez-vous à fouiller votre appartement ?
- Mais… pourquoi ?
Je pris une inspiration. Il fallait être délicat.
- Nous pensons que Mary Fisher possédait des informations… sensibles, qui pourraient expliquer sa mort. Elle semblait se savoir en danger, et étant donné que le double de vos clés n'était plus en sa possession, je me demande si elle n'a pas voulu protéger ces informations en les dissimulant chez vous plutôt que chez elle.
- Oh…
Elle me regarda avec des grands yeux, visiblement choquée par cette idée.
- Elle a sans doute voulu bien faire, tentai-je d'expliquer dans l'espoir de la rassurer. Mais l'armée a besoin de ces documents pour comprendre tout ce qui s'est passé… Et, autant que possible, éviter d'autres victimes.
Elle hocha la tête en déglutissant. Évidemment, présenté comme cela, il était presque impossible qu'elle refuse. Je me sentais vaguement coupable de lui mentir et de lui faire porter la responsabilité de la résolution d'une enquête, mais, comme on le disait souvent, c'est le résultat qui compte. Le secrétaire entreprit donc de préparer trois exemplaires du formulaire d'autorisation à fouiller par le civil. Ayant son consentement, il n'était pas nécessaire de faire faire un mandat par nos supérieurs. Les quatre personnes présentes signèrent au bas des feuilles dûment remplies, puis les deux militaires se tournèrent vers moi, attendant que je supervise les recherches.
- Si elle a dissimulé quelque chose ici, elle l'aura sans doute fait de manière à ce que ce soit discret et rapide à manipuler.
- Oui, ça paraît difficile d'installer un coffre-fort dissimulé ou quelque chose comme ça.
Je hochai la tête.
- Commençons par regarder au dos des tableaux. Tâchons d'être soigneux, je ne voudrais pas que nous abîmions les possessions de Madame.
Cela dit, la fouille commença. Le dos des tableaux ne révéla rien d'autre que de la poussière et quelques toiles d'araignées, fouiller la terre des plantes vertes ne fit que salir les doigts, et regarder sous les tiroirs ne nous donna qu'un torticolis. Le Sergent demanda à explorer le balcon pendant que son assistant regardait dans la salle de bain et que j'arpentais la pièce, caressant les meubles du bout des doigts, étudiant tout du regard en quête d'une cachette facile.
Peut-être derrière le vaisselier ? pensai-je en tentant de glisser mes doigts dans l'interstice du meuble. Non, c'est trop étroit, et elle ne peut pas avoir déplacé le meuble seule… à moins qu'elle ait eu un outil ?
- Avez-vous des lampes de l'autre côté ? Je pense que ça vaudrait le coup de regarder derrière les meubles si elle n'a pas installé un système derrière.
L'assistant hocha la tête et parti en chercher. Je profitais de son départ pour m'asseoir et réfléchir intensément. Si je devais cacher quelque chose, ou le dissimulerai-je ? Nous ne savions pas exactement ce que nous cherchions. Si c'était une enveloppe, c'était encore assez encombrant, mais si elle avait des documents sous forme de microfilm, il y avait mille et une cachettes possibles. Je m'étais assise en attendant la lampe, réfléchissant à tout cela en faisant basculer ma chaise bancale, dont le pied sans patin claquait sur le parquet à un rythme régulier.
Elle a même proposé d'installer des patins aux pieds des meubles pour éviter de marquer mon parquet.
Prise par une soudaine impulsion, je me levai de ma chaise et l'allongeai sur le sol pour en étudier les pieds. Le bois poli était lisse et bien entretenu, et la base des pieds, à section carrée, était assez massive. J'étudiai soigneusement chaque pied à l'œil et au toucher, puis répétai l'opération sur une deuxième chaise, sous le regard perplexe de la propriétaire des lieux. A la troisième, enfin, je trouvai quelque chose de suspect.
C'était presque invisible. Entre le bois et le feutre se trouvait une fine plaque métallique dont la couleur grise se confondait avec le patin. J'en caressai le contour, cherchant une prise, puis, en m'aidant de mes ongles, tirai dessus pour déloger la pièce, qui résista un peu avant de glisser, dévoilant un bouchon de caoutchouc et le trou qu'il bouchait.
Bingo, pensai-je en m'autorisant un sourire. À ce moment-là, l'assistant revint et resta les bras ballants en me regardant assise par terre, le pied de chaise en main.
- Finalement, je crois que nous n'aurons pas besoin de la lampe, j'ai trouvé quelque chose.
Le soldat fit signe à son collègue qui revint dans la pièce tandis que je redressai la chaise. Un petit tube métallique au bouchon de caoutchouc glissa et tomba dans ma paume. Je l'ouvris, et y trouvai une pellicule, que je déroulai et levai vers la lampe pour étudier son contenu. Je reconnus des photographies de documents, manifestement des papiers de l'armée qu'elle comptait transmettre aux terroristes. Je le tendis aux militaires curieux qui le regardèrent à tour de rôle, tandis que m'attaquais au pied opposé, qui avait lui aussi était creusé et bouché. J'y découvris une deuxième pellicule, contenant d'autres sortes des photos. En déroulant celle-ci en pleine lumière, je trouvais des photos de couples en plein ébats. Je retins une grimace et scrutai plus avant, me demandant ce que ces clichés fichaient là. Une étude plus attentive m'apprit deux choses. La fille en dentelle était bien trop jeune et son visage bien trop vide pour qu'elle agisse de son propre gré, ce qui laissait penser qu'elle était une prostituée. Et je connaissais l'homme qui faisait son affaire avec elle… c'était le général Doyle.
J'espérais ne pas avoir trop blêmi en jetant un oeil aux autres photos, où je reconnus d'autres personnes, hauts gradés ou riches propriétaire. L'information était trop délicate pour que je laisse voir cette deuxième trouvaille aux autres. Je l'enroulai de nouveau et refermai la boite ronde comme si cela pouvait effacer ces images déplaisantes de mon esprit.
- Regardons si d'autres chaises n'ont pas eu le même traitement.
La dame se leva de sa chaise pour nous laisser l'étudier, et soupira dans un mélange de tristesse et d'appréhension en voyant que c'était le cas. Au total, c'est avec quatre rubans de microfilms que je repartis finalement, laissant les militaires achever la paperasse et tâcher de réconforter la vieille dame qui venait d'apprendre que sa gentille voisine était morte, et qu'avant cela, elle avait troué les pieds de chaises venant de son grand-père pour y cacher des documents confidentiels. Je n'aurais pas aimé être à leur place.
Quand je ressortis de l'immeuble, il pleuvait encore à verse, et mon manteau, qui avait pu sécher un peu durant nos recherches, fut vite imbibé de nouveau de la pluie sale et froide de Central. Il devait être déjà tard, et j'aurais voulu rentrer, retrouver Black Hayatte… mais vu ma trouvaille, un dernière tâche m'attendait.
Je fouillai des yeux les rues striées de pluie en quête d'une cabine téléphonique. Mustang m'avait donné son numéro de téléphone privé, et il me semblait que ma découverte était suffisamment importante pour que je me permette de l'utiliser.
Une information pareille n'allait pas attendre lundi.
