On est lundiiii !

Bon, j'imagine que la plupart d'entre vous êtes partis en vacances, dans votre famille, jardiner ou binge-watcher sa série préférée, mais pour ceux qui restent chez eux, ceux qui s'ennuient,, ceux qui travaillent en plein été, je vous envoie plein de courage et de compassion ! J'espère que ce chapitre vous sortira de votre quotidien et vous plaira... en tout cas, pour moi ça a été un sacré défi à écrire !

De mon côté, je suis "en vacances mais pas trop" : je continue à faire le Nanowrimo (j'ai rattrapé une partie de mon retard mais pas tout) et parallèlement à ça je tâche de reprendre le dessin et préparer ma professionnalisation et ma rentrée (oui, j'en suis déjà là) Je suis contente de retrouver ma liberté d'horaires, mais quand je vois tout ce que je devrais boucler d'ici septembre, je me dis quand même que mes vacances d'été ont un doux parfum d'arnaque...

Je n'ai pas fait d'illustration pour ce chapitre, mais j'ai des idées pour des scènes futures que j'ai vraiment envie de dessiner. je ne lâche donc pas complètement l'idée de faire des illustrations sur la suite de l'histoire. En tout cas, je ne vais pas parler plus et vous laissez découvrir une suite qui est (me semble-t-il ?) attendue avec une certaine impatience.

Bonne lecture !


Chapitre 66 : A bout de souffle - 1 (Havoc)

- Breda, prends les commandes, je descends voir ce qui se passe.

Face au bref échange qui venait d'avoir lieu entre Hawkeye et le Général, je ne pouvais décemment pas faire comme si de rien n'était, et je descendis à leur suite au rez-de-chaussée du café que nous avions transformé en quartier d'écoute, trop tenté d'entendre la conversation. En réalité, je n'entendis rien, la distance étouffant le téléphone, et Mustang ne décrochant pas un mot, figé dans une immobilité qui transpirait l'angoisse. Au regard d'Hawkeye, je sus la situation était grave. Quand je vis le téléphone tomber des mains de mon supérieur et se balancer dans le vide avant qu'elle ne le rattrape pour écouter de nouveau, je sentis la peur me frapper à mon tour. Qu'avait-il pu entendre qui le choque au point qu'il en lâche le combiné ? Je n'arrivais pas à le concevoir. Il y eut un silence de mort, et la vie quotidienne alentour semblait lointaine et irréelle.

- …Ils ont raccroché, souffla Hawkeye d'une voix tremblante.

Nous restâmes tous les trois hébétés, sidérés. Hawkeye reposant le combiné d'un geste incertain, Mustang campé devant le téléphone, moi à quelques marches du rez-de-chaussée, me tenant à la barre pour ne pas vaciller. Angie n'était pas seulement Angie, c'était aussi Edward Elric, le Fullmetal Alchemist, un des combattants les plus forts que je connaisse. S'il en était au stade d'appeler à l'aide, la situation était vraiment grave.

À l'instant où je me fis cette réflexion, Mustang explosa. Incrédule, je le vis donner un coup de poing dans l'étagère à côté de lui, fendant la planche et faisant trembler les bouteilles qui y étaient stockées. Un deuxième coup, un troisième, comme une pluie qui hésitait un instant avant de s'abattre pour de bon. Il poussa un feulement de rage et arracha finalement le meuble démoli avec une force dont je l'imaginais incapable, explosant au sol les bouteilles qui ne s'étaient pas brisées sous ses poings, avant de rester immobile quelques secondes, pantelant au milieu du massacre d'éclats de verre et de flaques de vin rouge qui donnaient à la scène des airs sanglants. Le barman, qui était arrivé en courant, se figea face à ce spectacle, et j'étais moi-même pétrifié.

Jamais je n'avais vu Mustang dans un état pareil. Pire, jamais je n'avais pu imaginer que ça soit possible. L'arriviste, l'homme froid, calculateur, sans cœur, ne pouvait pas réagir comme ça. C'était comme s'il était devenu fou de douleur. J'avais l'impression de sentir, sous son apparence humaine, la souffrance d'un homme écorché vif.

C'était terrifiant.

- Il faut la retrouver. Réunion d'urgence, tout le monde au premier étage.

Il se dirigea vers l'escalier et je remontai précipitamment pour le laisser passer. Il avait peut-être parlé d'une voix normale, mais je ne pouvais pas ignorer ces quelques secondes de violence pure. En montant les marches derrière lui, je voyais que ses mains en sang tremblaient violemment et jetai un dernier coup d'œil au sol inondé de verre de de vin.

Hawkeye me suivait de près avec la bande magnétique, qu'elle vint mettre dans le lecteur de l'étage, sous les yeux inquiet du reste de l'équipe, pour diffuser l'appel sur haut parleurs. En entendant les sanglots d'Angie, je me mordis les lèvres.

- Angie ?

- R… roy… je… je suis désolée.

- Angie, qu'est-ce qui t'arrive ?

- On m'a enlevée… On m'a enlevée, pour vous arrêter, pour me faire payer, et je suis tellement désolé de vous avoir…

Sa voix se mua en un hurlement de douleur dont l'écho résonna dans la pièce et qui me retourna l'estomac, et Fuery porta une main horrifiée à sa bouche.

Qu'est-ce qu'ils lui ont fait ?

Bon dieu, qu'est-ce qu'ils lui ont fait ?

J'entendais confusément des cris, une gifle, et sentis la peur m'étreindre. Est-ce que les Homonculus avaient mis la main sur lui ? Était-ce pour ça qu'il nous appelait à l'aide ? Je ne les avais jamais combattus, mais le peu que j'en savais me terrifiait.

- Je suis… ton dernier avertissement, Roy. Tu as contrarié Harfang, maintenant, il te reste à choisir… continuer à jouer au gendarme et au voleur… ou venir me chercher. Si tu me retrouves, je t'accueillerai à bras ouverts, mais je ne sais pas combien de temps je pourrai t'attendre avant… avant d'être à bout de souffle. Choisis judicieusement. S'il le faut, je suivrai Mila.

Il y eut un souffle, puis la tonalité du téléphone qui résonna douloureusement à mes oreilles, puis Hawkeye coupa l'enregistrement.

- Putain… commenta simplement Breda, résumant assez bien l'état d'esprit général.

- "Les bras ouverts", "à bout de souffle"… Je pense que c'est une menace de mort par crucifiement, fit Falman.

- Comment ça ?

- Une personne attachée les bras en croix finit par étouffer, parce que les muscles liés à ses épaules sont en tension et empêchent une respiration normale, expliqua mon collègue en étendant le bras pour montrer de quoi il parlait.

- Combien de temps ? demanda sèchement Mustang.

- C'est très variable, de quelques dizaines de minutes à plusieurs heures, selon la tension des bras et la résistance de la personne. Mais si elle ne peut pas s'appuyer sur ses jambes, elle peut mourir en une quinzaine de minutes.

Je me sentis blêmir et vis le visage de notre supérieur se décomposer. Je ne pouvais pas imaginer qu'Edward courre réellement ce risque. Mourir comme ça, impuissant, en quelques minutes ? Ça ne pouvait pas arriver. Ça n'était pas possible. Pas lui, pas maintenant, pas comme ça.

- On n'a pas un instant à perdre. Havoc, appelez le Cabaret, interrogez-les, récupérez toutes les informations que vous pouvez. Qui l'a vue pour la dernière fois, quand est-elle partie, où elle allait, comment elle était habillée… Tout ce qui peut être utile à l'enquête.

- Oui, Général !

Je commençai à redescendre sans attendre, l'entendant distribuer des ordres.

- Hawkeye, je vous laisse gérer la surveillance radio, et quand quand on en saura plus, faites passer en priorité une demande d'avis de recherche avec son descriptif. Gendarmerie, radio, je compte sur vous pour diffuser le plus largement possible. Le moindre indice peut être utile. Falman, voyez avec le QG si vous pouvez faire des recoupements pour savoir comment ils ont pu nous contacter et localiser la ligne utilisée, puis aller vérifier avec Breda le bon déroulement de la relève et revenez nous aider quand ce sera fait. Fuery, écoutez l'enregistrement pour voir si vous pouvez en tirer des indices supplémentaires…

J'étais déjà devant le combiné, pataugeant dans le vin dont l'odeur habituellement agréable me donnait envie de vomir, quand quelqu'un me tapota l'épaule. Je me retournai et vis le propriétaire des lieux, pas franchement ravi que Mustang se soit passé les nerfs sur ma cave.

- Dites donc, il ne manque pas d'air, votre chef, il m'a tout explosé. Il y avait des bons crus ! De vins de Layel ! Vous vous rendez compte de la valeur de ce qu'il a foutu par terre ? Vous pourriez au moins…

- Oui, écoutez… Je suis désolé, on vous remboursera tout ça, avec dommages et intérêt si besoin, mais on en reparlera plus tard. Je dois passer un appel, c'est une question de vie ou de mort.

J'avais parlé en pesant mes mots, plantant mes yeux dans les siens, et il recula, sentant la gravité de la situation. Je pris une inspiration en composant le numéro du Bigarré, priant pour que quelqu'un réponde rapidement. Tandis que la sonnerie résonnait sans rencontrer de réponse, les mots de Falman tournaient en boucle dans mon esprit.

"Si la personne ne peut pas s'appuyer sur ses jambes, elle peut mourir en une quinzaine de minutes."

Je regardai ma montre. 18 heures 11. Combien de temps s'était écoulé depuis l'appel ?

- Cabaret Bigarré, bonjour ! fit une voix joyeuse.

- Allô, c'est Jean, répondis-je sans chercher à l'identifier. C'est la merde, Angie a été enlevée. On a besoin de votre aide pour la retrouver. Tout ce que vous pouvez dire à son sujet, comment elle était habillée, ou et à quelle heure vous l'avez vue pour la dernière fois, où elle allait… n'importe quel putain d'indice pour la retrouver, sinon… Elle va…

- Putain de bordel de chiotte, les enfoirés ! Je rameute les autres et on te rappelle pour te dire tout ce qu'on sait.

J'allais lui dire que je pouvais rester au téléphone, mais Falman descendit l'escalier en me faisant comprendre par geste qu'il en aurait besoin, et j'annonçai le numéro du café à celle que je supposais être Natacha, avant de raccrocher et céder la place, m'adossant à la rambarde de l'escalier en me frottant le visage pour tenter de garder les idées claires. Après toutes ces soirées passer à manger, boire et rire tous ensemble au Cabaret, la situation était d'autant plus irréelle. Comment en était-on arrivés là ?

Falman régla rapidement l'appel, me céda la place, partant pour la surveillance, et je repris aussitôt le téléphone pour appeler de nouveau. Cette fois-ci, on décrocha beaucoup plus vite et j'entendis le brouhaha dans la pièce. Le Cabaret tout entier était sur le pied de guerre.

- Allô ? C'est de nouveau Jean.

- Oui, fit la voix de Roxane. On est en train de rassembler les informations. Pour sa tenue, elle portait une robe bleu nuit, bottines hautes noires, collants blancs, et…

- Un gilet de laine beige à torsades ! s'exclama une voix derrière elle par-dessus le brouhaha.

- …un gilet beige à torsades, Si elle est sortie, elle aura son long manteau beige avec le revers du col et les poignets rouges, et un bonnet rouge aussi. Elle portait un chignon, et pour le reste, tu le connais, petite, blonde, lunettes rondes…

- Elle a mangé avec nous ce midi, donc ça s'est forcément passé après, fit une autre voix dans le combiné. Le repas a terminé vers 14 h 30, et Aïna a dit qu'elle était restée un bon moment avec elle dans la bibliothèque.

- Je pense que c'est moi qui l'ai vue en dernier, annonça une voix plus grave. Elle n'avait pas trop le moral depuis deux jours, du coup pour lui changer les idées, je lui avais demandé de faire des petites courses pour nous : déposer un chèque bancaire pour l'accordage du piano, récupérer les claquettes de Tallulah chez le cordonnier, racheter des pignons et de l'huile d'olive… Si j'avais su… fit-elle avec un trémolo. Elle est partie vers 15 h et quart, comme il pleuvait à verse, elle a pris un des parapluies, le grand, vert bouteille.

- ll faut que vous me donniez les noms et adresses de toutes les boutiques où elle devait aller pour qu'on puisse leur demander s'ils l'ont vue, rappelai-je, conscient que chaque minute rapprochait Angie de la mort.

- Bien sûr, répondit la patronne avant de commencer à me citer les lieux que je notai à la suite de toute les autres informations.

- Attends, on peut appeler nous-même et vous tenir au courant, autant se partager la tâche pour gagner du temps, fit la voix d'Andy.

- Bonne idée, mais faites vraiment vite, le temps nous est compté.

- Havoc… fit la voix de Hawkeye derrière moi.

- Un instant. Oui ?

- C'est le jour de congé de Hayles, mais vous pouvez lui demander de venir quand même… Si elle est là ?

Je hochai la tête et transmis l'information. Dès qu'elle entendit son nom, Hayles attrapa le téléphone à son tour et confirma qu'elle venait au plus vite.

- Et qu'elle ramène des cartes si possible. On n'est s'est pas vraiment équipés pour la situation…

- Je vous la passe, je vais transmettre les infos, fis-je, nerveux et lassé de jouer les pigeons voyageurs.

Je remontai et trouvai un amas de feuilles jetées à terre avec quelques informations griffonnées, pistes à suivre, toutes à défricher pour l'instant, et Mustang se leva en désignant sa place.

- Havoc, prenez le relais quelques secondes.

Je m'assis et posai le casque de surveillance sur mes oreilles, à l'affût des transmissions radio, le cœur battant en pensant que pendant que j'étais assis là, Edward luttait pour sa vie, tandis que Fuery posait son casque d'écoute sur les oreilles de Mustang pour lui faire écouter quelque chose. Celui-ci s'ébroua et arracha le casque en foudroyant le binoclard du regard. Je soulevai le mien pour entendre leur échange.

- Pourquoi vous me faites écouter ça ?

- L'écho. répondit-il d'un ton sérieux. Pour avoir de l'écho, il faut un espace vide relativement grand, et vu la réverbération de son cri, je dirais que la pièce où elle était au moment de l'appel fait au moins 150 mètres carrés, probablement plus. Un espace relativement vide, haut de plafond et vu le bruit de la pluie sur la toiture…

- … Un bâtiment d'usine ou un entrepôt, en tout cas un lieu spacieux. Effectivement, ça va réduire le champs de recherche. Voyez ce que ce vous pouvez trouver d'autre à partir de l'enregistrement, fit Mustang avant de se relever, le visage blême.

En le voyant ainsi, une pensée terrible m'explosa à la figure. Le fait qu'Angie soit en danger de mort l'avait mis hors de ses gonds, mais dans quel état serait-il s'il découvrait en arrivant trop tard qu'il s'agissait aussi Edward ? Il serait dévasté à un point que je ne parvenais pas à imaginer. Je me jurai de sauver Angie, Edward, coûte que coûte, plutôt que de laisser une chose pareille arriver.

Putain, petit con, ne t'avise pas de mourir dans une situation pareille. T'as pas le droit de nous faire ça.

- Colonel, j'ai la description, son horaire approximatif de départ et ses destinations prévues.

- J'arrive, s'exclama Hawkeye en courant dans les escaliers avant de s'appuyer sur la table de surveillance en attrapant de quoi écrire.

- Alors ?

- Elle portait un chignon, une robe bleue, collants et bottines noirs, gilet en laine beige à torsades, manteau long beige à col et revers rouges, béret rouge, et elle est partie avec un grand parapluie vert bouteille. Elle a quitté le Bigarré vers 15 h 30 pour faire des courses au sud de la vieille ville, à l'accordeur de la rue du Général Flint, et au Joly Soulier. Les membres du Cabaret sont déjà en train d'appeler pour voir avec les commerçants chez qui elle était censée passer s'ils l'ont vue ou pas.

- Hayles est en route pour nous rejoindre, et devrait arriver assez rapidement.

- Bien ! Hawkeye, transmettez l'avis de recherche au QG, demandez une annonce sur la radio principale, tout le monde doit être au courant. Donnez le numéro d'ici pour qu'on puisse avoir directement les éventuels témoignages. Et ordonnez le déploiement d'une unité de recherche dans ce secteur. Le plus vite possible.

Je jetai un coup d'œil à ma montre : 18 h 18. Chaque bond de la trotteuse me déchirait un peu plus. Je priais pour qu'Edward emploie toute la force et la volonté dont il était capable pour rester en vie.

- Qu'est-ce qu'on peut faire de plus ? demandai-je d'une voix tendue.

- Pour l'instant, continuez à surveiller la permanence de surveillance de l'usine, que Fuery puisse reprendre l'enregistrement et voir s'il trouve d'autres informations.

Lui-même était assis à même le sol, au milieu des feuilles tachées de sang où il avait commencé à noter des informations et pistes sans se préoccuper de ses mains déchiquetées de plaies. Sur une feuille, l'horaire de départ d'Angie du cabaret. Sur une autre, la surface minimum des bâtiments. Breda et Falman remontèrent les escaliers, essoufflés d'avoir fait au plus vite.

- Général, on a pensé à quelque chose…

- L'enlèvement d'Angie, à ce moment précis, ne peut pas être un hasard… Harfang a prémédité le coup pour détourner votre attention de l'usine.

- Je sais. C'est pour ça que je vous ai envoyés surveiller le roulement et qu'Havoc me remplace à la table d'écoute.

- Vous devriez peut-être vous concentrer sur la surveillance de…

- Angie est en danger de mort, là, maintenant ! Vous pensez que j'accorde la moindre importance à l'usine dans ces conditions ?

- … Vous savez que vous devriez.

- Donnez-moi du nouveau au lieu de faire la morale, gronda-t-il d'une voix mauvaise.

- On sait qu'elle était encore au Bigarré à quinze heure et quart, ce qui veut dire que l'enlèvement est relativement récent… Elle ne peut pas être à plus de 3 heures de distance de Central. Il y a des chances pour qu'elle ait été enlevée en voiture pour la transporter sans attirer les soupçons, reste à voir où. Elle est dans un grand bâtiment, au moins 150 m2, ce qui réduit d'autant les zones de recherche. Parmi les bâtiments assez spacieux où on est susceptible de la trouver, il y a le quartier des usines, les docks, les gares de triage… Je doute qu'ils aient pris le risque de la faire passer dans une gare normale, mais ce n'est pas une hypothèse à exclure totalement

- Elle pourrait avoir été emportée dans une autre ville ?

- Ça pourrait être possible, En presque 3 heures, elle a pu être emmenée assez loin.

- Bordel… Il nous faut les horaires des trains pour savoir jusqu'où elle a pu aller. Vous, là… Daryl ?

- Oui mon Général ?

- Allez à la gare de l'Est récupérer les horaires et destination de tous les trains de transports et marchandises de la gare Est entre 15 h 30 et 17 h 45 et demandez à faire envoyer les informations des autres gares ici. Je veux connaître toutes les destinations atteignables en moins de 3 heures.

Alors que je restais assis à la table de radio pour continuer à écouter les rapports d'une oreille distraite et noter les rapports, je regardai Mustang rédiger le mandat qu'il tendit à l'assistant de Fuery d'une main tremblante.

Roy Mustang, qui était toujours impassible d'habitude, était complètement dépassé par les événements. Il avait les mains ensanglantées des coups portés aux étagères mais ne semblait ne même pas remarquer la gravité de ses blessures alors que le parquet de la pièce était constellé de gouttes sombres.

- Général, vous devriez vous soigner… Vous mettez du sang sur la documentation, commentai-je entre deux appels radio.

Il baissa les yeux vers ses mains lacérées avec un regard flottant, indifférent, qui me noua le ventre.

- Allô ? Unité 1 appelle centre.

- Oui, allô ? répondis-je en reportant mon attention sur mon travail. Tout va bien ?

- RAS, pas de sortie de notre côté depuis 15 min.

- L'annonce a été enregistré, annonça Hawkeye en remontant. La radio va la diffuser d'ici quelques minutes, et une unité à été envoyée sur le terrain. J'ai décroché un appel du Bigarré, ils ont eu au téléphone l'accordeur d'instruments, Angie est bien passée chez eux, vers 16 h 25. Elle a donc été vue à ce moment-là au plus tard.

- Allô ? Vous pouvez répéter ? demandai-je, incapable de souvenir de ce qu'ils venaient de dire, trop préoccupé pour vraiment écouter.

- RAS, pas de sortie de notre côté depuis 15 min.

- Ok, RAS, je note, répondis-je, mal à l'aise.

- Ça réduit le cercle de recherches à un rayon d'une heure trente de son lieu d'enlèvement, c'est une bonne nouvelle !

- Hawkeye, est-ce que vous pouvez me remplacer ? demandai-je en couvrant le micro. J'avoue que je n'arrive absolument pas à me concentrer sur les appels radio.

Elle poussa un soupir, aussi dépassée que moi par la situation, mais hocha la tête, et je lui cédai la place. Quand je vis son visage se fermer en posant les écouteurs sur ses oreilles, j'eus la certitude qu'elle arriverait bien mieux que moi à rester concentrée sur sa mission.

- Est-ce que vous voulez que j'aille chercher de quoi faire des pansements, Général ? Le propriétaire a sûrement ce qu'il faut.

Il ne leva même pas les yeux vers moi, trop occupé à fouiller la documentation, et en le voyant ainsi avec son uniforme taché de sang et son regard brisé, je me sentis terrifié. Mustang était un dirigeant, un stratège, un homme intelligent et insensible… s'il s'effondrait comme ça, qu'est-ce qu'un couillon comme moi pouvait faire face à la situation ? Je m'apprêtais à descendre l'escalier, croisant Falman qui remontait, annonçant que l'appel d'Angie avait été passé directement au bureau de Mustang.

- Comme nous étions tous absents, l'appel a été basculé à l'accueil, puis au service de Lewis, qui a jugé que vu la gravité de la situation, il était de son devoir de communiquer le numéro de notre QG provisoire. Par contre, impossible de recouper le numéro. Enfin… ils sont en train d'essayer, mais faute de précision, une telle tâche peut prendre des jours, donc on ne peut pas compter sur cette information pour sauver Angie. Par contre, on sait que le premier appel a été passé à 17 h 49, ce qui veut dire qu'ils étaient déjà sur les lieux à ce moment-là.

- Falman, rappelez ceux qui essayent de recouper le numéro et dites-leur d'exclure toutes les lignes installées à plus d'une heure trente de la rue Baytes, ainsi que les immeubles, cabines téléphoniques, maisons de particuliers, exception fait des grands domaines qui pourraient avoir des salles de 150 m2 ou plus.

- Bien Général !

Je m'écartai pour le laisser passer et entendit son exclamation soulagée.

-Hayles !

Celle-ci arriva en en courant dans l'escalier, habillée en civil, trempée par la pluie, écarlate et en sueur d'avoir fait au plus vite, portant à l'épaule un sac de toile rempli de grandes cartes.

- Je suis venue dès que j'ai pu.

Elle jeta les cartes au sol et commença à les dérouler, ajoutant au chaos de la pièce. Elle semblait prête à agir, mais à voir son expression, je devinais qu'elle était aussi ébranlée que nous.

- Que faut-il chercher ?

- Angie a été vue pour la dernière fois à 16 h 25 chez l'accordeur, et sa première tentative d'appel a été passée à 17 h 50, annonça Mustang. Donc elle peut-être dans un rayon de déplacement de 1 h 25 de son lieu de départ au plus. L'enregistrement nous a permis de savoir qu'elle était dans une salle d'au moins 150 m2 à ce moment-là, ce qui élimine la plupart des habitations de particuliers. On cherche des hangars, usines, espaces de stockages, halles… Tout ce qui est assez grand pour correspondre à cette définition.

- Ok, fit-elle en attrapant un crayon pour encercler les zones qu'elle voyait qui pourrait correspondre à la définition. Est-ce que cela implique les haras, fermes ? Ils peuvent aussi l'avoir amenée dans une ferme au sud de la capitale ?

- Il faut voir si Fuery réussi à entendre d'autres sons qui pourraient indiquer cette piste. Fuery ? fit Breda en lui tapotant l'épaule.

- Oui ?

- Quelles infos ? Des bruits de vie, animaux, circulation ?

- Non, c'est totalement vide. Trois hommes autour d'Angie, mais je ne pense pas que ça soit un lieu en cours d'exploitation, pas de bruits d'animaux ou de moteur. Si c'est une usine, elle est désaffectée, et si c'est un domaine privé, il est bien isolé. Je vais essayer d'écouter encore plus en détails si je perçois des éléments qui pourraient nous aider mais je ne promets rien.

- Quelle est la nature exacte de la menace ? demanda Hayles en entourant les zones susceptibles d'avoir un rapport. Ils ont donné un délai pour la trouver, ou… ?

- Ils ne l'ont pas dit explicitement mais on les soupçonne de l'avoir crucifiée, donc sa survie dépendra de sa résistance physique, souffla Breda.

J'échangeai un regard avec Hawkeye, qui, tout en notant le déroulement de l'opération, restait attentive à ce qui se disait autour d'elle. C'était peut-être ce qui nous sauvait, l'idée qu'Edward était une des personnes les plus fortes et résilientes de notre connaissance. Il fallait espérer que cela suffise à ce qu'il résiste jusqu'à ce qu'on le retrouve.

-Il faut prévoir de l'équipement, ordonna Hayles. Bouteille d'oxygène, masque à insufflation, masque à inhalation et adrénaline. Des couvertures de survie aussi, dans tous les cas, elle sera en état de choc… Et un brancard pour la transporter, elle devrait être hospitalisée.

- Je peux appeler pour demander ça, fit Breda.

- Par un autre téléphone, si possible, il faut éviter de surcharger cette ligne, au cas où des gens nous appellent pour nous donner des informations.

- Je vais aller à l'extérieur, il y a une cabine téléphonique dans la rue adjacente, fit Breda, attrapant son manteau et le parapluie qu'il avait accroché à sa chaise.

- Havoc, vous pouvez me relayer ? souffla Hawkeye, cédant à son tour.

Je hochai la tête, et pris sa place. Dans un moment pareil, on avait davantage besoin de son sens de l'observation et de sa réflexion que d'un grand dadais planté là. Je devais faire quelque chose, mais je ne me rappelais même plus quoi, perdu dans ce tourbillon d'informations et d'angoisse. À ce moment-là, j'entendis le téléphone sonner de nouveau, avant d'être rapidement décroché. Qui était en bas ? Falman, Breda ? Je ne savais plus. Je regardai machinalement ma montre.

18 h 25. La demi-heure approchait. On avait déjà dépassé les quinze minutes potentiellement mortelles et on n'avait toujours aucune idée de là où elle était. Je me sentis trembler en posant le casque sur mes oreilles, entendant une voix agacée.

- Allô ? Allô ? Unité 3 appelle centre. Unité 3 appelle Centre. Allô ?

- Allô. Ici le centre, désolé, fis-je. Je viens de prendre le relais. Quoi de nouveau ici ?

- Porte arrière, un poids-lourd demande à sortir. Il a un sceau de l'armée et dit ne pas avoir besoin d'être fouillé, il est censé livrer l'armurerie du QG de Central. Qu'est-ce qu'on fait, on force ?

- Attendez un instant. Général ! fis-je en couvrant le micro. J'ai besoin de vous.

Mustang revint à la table d'appel pour prendre ma place tandis que je lui expliquai.

- Un poids-lourd de livraison à destination du QG de Central refuse la fouille.

- Pas d'exception pour les fouilles, répondit sèchement Mustang en mettant le casque.

Mon regard tomba sur ses mains dont le sang avait coulé et tâché ses rabats, et je me souvins que je m'étais dit qu'il fallait que j'aille chercher de quoi le soigner. Constatant mon inutilité, je me rabattis sur cette tâche et descendis les marches, passai derrière Falman qui répondait au téléphone et allai voir le barman qui passait la serpillière en pestant, finissant de nettoyer le carnage de bouteilles explosées.

- Excusez-moi, je suis vraiment désolé de vous demander ça et de vous causer autant de soucis, mais… est-ce que vous avez une trousse de premiers soins ? Ça nous serait vraiment utile.

- Pour soigner votre psychopathe de patron, là ? grommela-t-il.

- Oui, je suis vraiment désolé… soufflai-je.

- Ça va, j'ai compris, fit l'homme d'un ton las avant de disparaître en arrière-boutique, revenant quelques secondes plus tard avec un sac de premiers soins.

Votre collègue m'a dit, sa petite amie s'est fait enlever ?

- Ce n'est pas sa… commençai-je avant d'abandonner. Enfin… si, c'est à peu près ce qui s'est passé. Elle est en danger de mort, on remue ciel et terre pour la retrouver

J'avais beau refuser l'idée en bloc, mal à l'aise à l'idée d'imaginer une relation amoureuse entre ses deux-là, le fait était que Mustang s'était dangereusement attaché à Angie faute de connaître sa véritable identité..

- Ça n'excuse pas pour le vin, mais je comprends qu'il soit pas bien, fit-il tandis que je remontais avec un signe de remerciement, trouvant Hawkeye et Hayles à genoux au milieu des documents.

Falman remonta les escaliers en courant et après un coup d'œil vers Mustang qui était toujours à la radio, se laissa tomber entre les deux femmes pour ajouter ses notes à la marée de documents, cartes, notes, horaires de train.

- J'ai eu un appel d'un inconnu, qui dit avoir vu une jeune fille correspondant à la description entrer dans la ruelle du chat noir, en direction du cordonnier où elle devait aller, vers vers 16 h 30. Il faut transmettre l'info à l'unité présente sur place pour qu'ils concentrent leurs recherches dans le secteur.

- Ils veulent un mandat ? Ils se foutent de moi ? grinça Mustang.

- La cordonnerie, c'est au Joly Soulier ? demanda Hayles.

- Oui.

- Ok, je leur envoie quelqu'un avec un mandat signé. J'ose espérer qu'ils n'iront pas contre les ordres d'un Général, sinon ils vont m'entendre. Havoc, vous avez de quoi écrire ?

Je posai la trousse de soin et lui tendis un stylo qui traînait dans ma poche tandis qu'il fouillait au milieu du bureau encombré de radios et de notes pour dénicher une feuille de papier à en-tête officiel, et il commença à griffonner avec raideur, laissant sous sa main une écriture particulièrement peu soignée et des traces de sang à moitié coagulé. Il fallait vraiment faire quelque chose. Je sentais à quel point il se désintéressait de l'affaire sur laquelle il était parfaitement concentré avant l'appel fatidique. Breda avait sans doute raison, c'était sûrement un coup monté. Mais coup monté ou pas, nous n'avions pas d'autre choix que de tout faire pour sauver Angie.

- Je connais le numéro de la boutique, si je le lui dis, il pourra les prévenir, et ils transmettront l'info avec le reste de l'équipe avec les ondes courtes.

C'était juste trop grave. Et, Hawkeye et moi le savions, c'était d'Edward qu'il s'agissait, une personne précieuse entre toutes. En pensant à tout ça, je songeai qu'il y avait des chances pour que ce camion soit justement celui qui contenait ce que Harfang cherchait absolument à sortir.

- Vas-y ! fit Hawkeye.

- Breda, vous revoilà enfin ! s'exclama Mustang. Allez transmettre ce mandat à l'unité 3, et vérifiez que tout ce passe bien. Leur refus de fouille est on ne peut plus suspect, soyez vigilant.

Breda prit le papier et repartit sans avoir le temps de se débarrasser de son manteau gouttant de pluie

- Je l'accompagne ? demanda Haykeye.

- ça peut être utile. Ouvrez l'œil.

- Bien, Général, répondirent les deux avant de descendre.

Quelques secondes plus tard, Daryl remonta, avec un carton détrempé et gondolé.

Mustang annonça que le mandat arrivait avant de décrocher le casque d'écoute.

- Vous avez quoi de nouveau ?

- J'ai apporté les documents que vous aviez demandé sur les horaires des trains, souffla le jeune homme, complètement à bout de souffle.

- Bien, Daryl ? Consultez les horaires de trajets et listez ceux qui auraient pu être pris en partant de la ruelle du chat noir à 16 h 25, avec une arrivée au plus tard à 17 h 50.

-Je… bien Général, bredouilla-t-il, visiblement dépassé par la masse de travail.

- Vous avez un plan juste ici.

- Je…

- Je vais vous aider, soufflai-je, désespérant de me rendre utile.

- Général ! s'exclama Fuery. J'ai du nouveau. Venez !

- Falman, prenez le relais de la surveillance.

- Compris !

Fuery, qui était attablé un peu plus loin, retira le casque de ses oreilles, et lui fit écouter quelques secondes, dans le silence le plus total. Mustang sursauta mais resta, les sourcils froncés. Je baissai les yeux vers le plan.

- On se partage la tâche, soufflai-je. De là où elle est partie, elle était au mieux, à 6 minutes en voiture de la gare Sud, à une dizaine de minutes de la gare de l'Est, 20 minutes de la gare du Nord, 30 minutes de la gare de l'Ouest. Ça veut dire, départ à 16 h 38/40 de la gare Sud, 16 h 40 de la Gare de l'Est, 16 h 50 de gare du Nord, 17 h de la Gare de l'Ouest. Je prends la gare Sud et la gare du Nord, tu prends les gares Est et Ouest, ok ?

Il hocha la tête et me tendit les documents correspondant, soulagé de ne pas être laissé sans directives.

- C'est très ténu, mais écoutez bien, en faisant abstraction de ce qu'elle dit et du bruit de la pluie... Il y a autre chose, fit remarquer Fuery.

- On cherche des destinations où elle a pu arriver avant 17 h 50 au plus tard, donc on exclut tous les arrêts qui dépassent ce délai.

- … C'est la tour de l'horloge ?

- Oui. Elle a sonné à 18 heures très exactement.

- Bon sang ! s'exclama-t-il.

- D'expérience, pour qu'on l'entende au téléphone depuis l'intérieur d'un bâtiment, cela veut dire qu'elle est captive à moins d'1,2 km de la tour de l'horloge. Et étant donné le volume, elle ne peut pas être à proximité immédiate, on l'aurait plus entendu si ça avait été le cas.

Hayles remonta les marches quatre à quatre.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- On a du nouveau ! Fuery a détecté qu'on entendait la tour de l'horloge dans l'appel. Ça veut dire qu'Angie était dans un rayon de moins moins de 1,5 km du bâtiment.

- Entre 400 mètres et 1,2 km de la tour, précisa Fuery.

- Ça restreint énormément la zone de recherche ! s'exclama Hayles, son visage s'éclairant un peu à cette nouvelle.

- On laisse tomber les gares, soufflai-je en refermant le cahier que j'avais en main, voyant le visage de mon binôme se décomposer en comprenant qu'il avait couru à perdre haleine pour une piste qui ne menait à rien.

- Heureusement, souffla Fuery. Le temps passe.

18 h 26. Cela ferait bientôt une demi-heure que l'appel avait été passé. Dans quel état pouvait être Edward ?

Il est vivant. Il est forcément vivant. C'est Edward, bordel, le Fullmetal Alchemist. Il ne va pas se laisser faire aussi facilement.

Je me penchai sur le plan, mesurant son échelle pour tracer à la hâte les limites de notre nouvelle zone de recherche.

- Il n'y a pas beaucoup de bâtiments pouvant correspondre à ce que l'on cherche, annonça Hayles. Le QG est trop loin en plus d'être improbable, et pour l'essentiel, c'est des zones d'habitations et de commerce… La seule zone plausible qu'il nous reste c'est dans le quartier des docks et des tanneries.

- Ça se resserre.

- Et ce n'est pas trop loin, ajoutai-je.

- La fouille du camion, ça se passe bien ? demanda Mustang en tapotant le bras de Falman.

- Oui, j'ai eu l'unité 3, ils confirment qu'il n'y a rien à signaler. Enfin, le camion est blindé d'armement, mais c'est logique puisque c'est une livraison pour l'armée. Hawkeye a quand même demandé à une unité mobile d'escorter le camion pour vérifier qu'ils allaient à la destination annoncée.

- Falman, je vous laisse continuer comme ça, vous avez l'air d'avoir la situation en main.

- Général, vous devriez vraiment faire quelque chose pour vos blessures, grommela mon collège en constatant que sa manche était tâchée de sang.

Hayles leva le nez de la carte et ouvrit de grands yeux en découvrant que l'état des mains de notre supérieur.

- Général ! Depuis-combien de temps êtes-vous dans cet état ?

- Ah, ça ? fit-il d'un ton indifférent. Je…

- Asseyez-vous, je vous soigne, coupa-t-elle d'un ton sans réplique.

Je poussai un soupir de soulagement. Je n'aurai jamais osé parler sur ce ton à Mustang, mais cela sembla marcher puisqu'il se laissa tomber sur une chaise avec un regard emprunt de colère et d'un désespoir sans fond.

- Hayles, il y a une trousse de premiers soins sur la table… fis-je. Je l'ai remontée mais je n'ai pas eu le temps de…

- Parfait !

- Havoc, téléphonez au QG pour leur donner le nouveau secteur de recherche : qu'ils comparent les numéros des bâtiments du quartier des tanneries avec celui que nous a appelé. Avec un champ de recherche aussi réduit, ils devraient quand même arriver à quelque chose !

- Bien, Général ! répondis-je en me levant, tirant avec moi l'imposante carte pour pouvoir donner aux militaires toutes les précisions nécessaires.

Avant de descendre, je tapotai à l'épaule de Falman.

- Tu as appelé quel service pour retracer le téléphone ?

- Standard général, indicateur 104.

- Merci ! Je les rappelle.

Je descendis, la carte sous le bras, et le téléphone sonna alors que je m'apprêtais à le décrocher.

- Allô ?

- Oui, allô ? C'est l'unité de recherche, on a du nouveau !

- Je vous écoute.

- On a exploré la ruelle du chat qui boîte, on a retrouvé un parapluie vert bouteille ainsi que des traces de sang sous un auvent.

Mon cœur s'arrêta de battre. Je me doutais qu'Angie était blessé, mais… Je n'avais pas envie de l'entendre.

- Il pleut, donc ça s'est dilué, mais on a réussi à trouver d'autres traces de sang du côté de la rue, juste devant le porche. Les personnes qui l'ont enlevée l'ont probablement assommée et fait monter dans une voiture juste devant le porche du passage. Le trottoir est très étroit à ce passage-là, donc personne n'a rien vu, mais en interrogeant aux alentours, on a su qu'une Ford noire était garée à cet endroit-là entre 16 heures 20 et 16 h 30. On n'a pas la plaque complète, mais il y avait un 232. Information confirmé par 2 autres personnes.

- Bon travail, appréciai-je. Vous avez d'autre informations ou je transmets à l'équipe ?

- C'est tout ce qu'on a pour le moment.

- C'est déjà énorme. Merci, et continuez à fouiller si possible.

- Bien !

Je raccrochai et appelai aussitôt le QG.

- Allô, c'est pour l'enlèvement, annonçai-je sans préambule. On a du nouveau pour la zone de recherche.

- On vous écoute.

- On sait que c'est à proximité de la tour de l'Horloge. Abandonnez les gares et les autres villes, le lieu qu'on cherche et dans un rayon allant de 400 m à 1,2 k de la tour de l'horloge. Une zone qui comprend le premier et deuxième laboratoire, le sud de la zone inondée…

- Le téléphone est en panne dans ce coin là.

- Ok, oubliez la zone inondée alors, et concentrez-vous du côté des docks et des tanneries. Ah, et, on sait jamais, si l'information passe, mais on recherche une Ford noire, une plaque contenant le chiffre 232.

- On ne peut pas tout faire.

- Désolé, je sais. Concentrez-vous sur le numéro d'appel.

Je raccrochai, tremblant, et consultait ma montre.

18 h 30. Une demi-heure depuis l'appel. Une putain de demi-heure de supplice pour Edward. Était-il encore en vie ? Je me mordis les lèvres, sentant une palpitation de panique monter. Ne pas penser à ça. Surtout, ne pas y penser. Je vis Breda et Hawkeye rentrer et les hélai en passant.

- Bon sang, vous avez disparu longtemps, je croyais que le chargement avait été fouillé depuis un moment.

- On s'est occupé du roulement des unités 1 et 2 avant de revenir. Les soldats sentent bien qu'il y a quelque chose qui cloche, on ne leur a pas répondu efficacement.

- Je plaide coupable.

- Quoi de nouveau ?

- Beaucoup de choses, répondis-je en remontant l'escalier avec eux. On a restreint les recherches au quartier des docks et des tanneries grâce à Fuery, et je viens d'avoir un appel. Ils ont fouillé la ruelle du chat qui boîte, retrouvé le parapluie d'Angie, des traces de sang qui menaient à un endroit où une voiture était garée à l'heure de l'enlèvement. Ford noire, on n'a pas la plaque complète, mais on a un 232 dessus.

- Je vais appeler le service d'urgence pour faire passer une nouvelle annonce, annonça Hawkeye.

- Je vous laisse la place, répondis-je en tremblant.

- Vous avez fait des pas de géant ! fit Breda, admiratif.

Je lui fis un bref sourire, un de ceux qui ne parvenait pas à se maintenir parmi toute cette angoisse, et il tapota mon épaule avant de remonter. Le temps nous filait entre les doigts, et je priais pour qu'Edward sente à quel point on se battait pour lui, pour que de son côté, il lutte pour ne pas mourir. Nous progressions, et j'avais de moins en moins de doute quand au fait que nous allions le retrouver. Le fait qu'il soit encore vivant, lui, était beaucoup moins sûr. Mais je ne voulais pas y penser. Je voulais croire en lui. Après tout, c'était le genre de gosse qui sautait du troisième étage à travers une verrière et s'en tirait avec des égratignures. Il pouvait bien survivre à ça, hein ?

Oui, mais il était blessé, affaibli. S'il s'était fait droguer ? S'il s'était évanoui ?

- Allô, oui ? Colonel Hawkeye, j'ai une nouvelle annonce à faire passer.

Je sursautai en l'entendant utiliser son nouveau grade. Je n'étais pas encore parvenu à m'y habituer.

- On cherche une Ford noire, avec un 232 sur la plaque. Tout personne l'ayant aperçue entre 16 h 30 et 17 h 30 dans le quartier de l'horloge ou les rives de la Volg est invitée à nous appeler, au même numéro que celui de tout à l'heure. Oui, je sais, c'est la deuxième annonce d'urgence de la journée. Oui, j'ai bien conscience que cette ligne est réservée aux situations critiques.

Je serrai les dents. Est-ce qu'on considérait notre comportement comme abusif ? Oui, sans doute, Nous étions au moins trois à être personnellement touchées par la disparition d'Angie, mais est-ce qu'on manquait d'aveuglement pour autant ? Était-ce une raison pour refuser de nous aider ? Ils étaient là pour ça après tout !

- Écoutez, je vous conseille d'obéir rapidement, fit-elle d'un ton sec, ce n'est pas seulement une vie qui est en jeu, mais un témoin-clé de l'enquête en cours. Si vous faites entrave à l'affaire, vous devrez en répondre personnellement devant le Général Mustang, et croyez-moi, vous voulez éviter ça. Bien. Merci.

- C'est ici qu'on a demandé de l'équipement médical pour l'armée ? demanda un jeune homme qui avait poussé la porte d'un air hésitant, laissant entendre le vacarme de la pluie dans la rue.

- Oui !

- Oxygène, masques à insufflation et inhalation, injection d'épinéphrine, couvertures de survie, brancard ?

- Oui ! Je préviens les autres qui vous diront quoi en faire.

Je remontai l'escalier tandis que Hawkeye claquait brutalement le téléphone, visiblement enragée.

- Hayles, le matériel médical est arrivé !

- Bonne nouvelle, répondit-elle, encore en train de soigner les mains criblées d'éraflures de Mustang qui transpirait la nervosité, peinant à rester assis sous l'effet de l'angoisse. Arrêtez de bouger comme ça, souffla-t-elle, je ne vais pas pouvoir vous soigner si vous ne m'aidez pas un peu. Déjà que vous aurez sûrement besoin de points de suture…

- J'ai réussi à leur faire passer une deuxième annonce pour la voiture, mais ça n'a pas été facile, pesta Hawkeye en montant à son tour. Il n'y en aura pas de troisième.

- Pas besoin de troisième annonce, on touche au but, répondit Fuery, contemplant les notes étalées au sol. Entre la zone géographique limitée et la taille du bâtiment recherchée, ils devraient trouver rapidement le numéro correspondant. Quant à la voiture, elle pourrait accélérer encore la recherche.

- Qu'est-ce qu'on peut faire de plus ? demandai-je, fébrile.

- Pour le moment, rien… souffla Hawkeye. Nous n'avons pas les moyens techniques de trouver nous-mêmes les informations dont on a besoin. Espérons que les autres soient efficaces.

- Si, me rappelai-je. On peut charger une camionnette avec l'équipement médical qu'on vient de nous apporter pour être prêt à partir.

- Si elle est attachée, on aura besoin de matériel pour la libérer, fit remarquer Fuery, les yeux toujours baissé sur les documents. Couteau, scie, pince monseigneur, pince coupe boulon… il faut se préparer à toute éventualité.

- Je m'occupe de ça, fit Breda en se redressant vivement. J'ai vu qu'il y avait un quincaillier un peu plus bas, il devrait y avoir tout ce qu'il faut.

- Havoc, on s'occupe de préparer le véhicule ? proposa Hawkeye.

Je hochai la tête et nous descendîmes tous les trois, Breda partant à droite, moi rejoignant le coursier qui était venu nous apporter le matériel.

- Désolé pour l'attente, soufflai-je. Vous êtes garés où ?

Il tendit le bras pour désigner une imposante voiture blanche.

- Je vous aide à charger l'équipement ?

- Vous ne venez pas nous aider ? demandai-je avec inquiétude.

- J'ai été envoyé en urgence pour fournir le matériel, mais je n'ai aucune formation médicale. Vous aviez besoin d'infirmiers ?

- Merde…

- Hayles sera là, fit Hawkeye pour me rassurer.

Nous nous engoufrâmes sous le torrent pour rejoindre le véhicule. Il ouvrit le coffre, et je pris le brancard et les couvertures, encombrantes et lourdes. Hawkeye se retrouva avec un sac contenant des masques qu'elle prit sur l'épaule, et une bonbonne en métal. Le jeune conducteur prit la deuxième sous le bras et referma le coffre avant de le verrouiller.

- Faites bien attention, c'est de l'oxygène sous pression, en cas de chute ou de choc elle peut exploser, et son contenu est hautement inflammable. Calez-les bien pendant le transport et soyez prudent à l'utilisation.

- Message reçu, fit Hawkeye d'un ton grave.

Je remontai à leurs côtés sous la pluie battante pour atteindre l'impasse ou une camionnette de l'armée avait été garée, et Hawkeye ouvrit le coffre avant que nous nous le chargions. Comme conseillé, elle cala les bouteilles d'oxygène dans les couvertures pour éviter qu'elles se cognent, avant de sangler le tout. Vu l'urgence de la situation, la conduite promettait d'être sportive.

- J'y retourne, il y a beaucoup de blessés aujourd'hui, ça n'arrête pas, s'exclama l'ambulancier, peinant à couvrir le bruit de la pluie sur le camion. J'espère vraiment que vous arriverez à la sauver.

- On l'espère tous, souffla Hawkeye alors qu'il repartait déjà, nous laissant tous les deux seuls dans la rue criblée de pluie et déjà plongée dans l'obscurité.

Je me réfugiai sous le porche le plus proche et poussai un profond soupir, tremblant.

- Vous croyez que ça ira ?

- C'est… Elle est assez costaud pour encaisser ça, et connaissant sa force de volonté, elle se bat de toutes ses forces à l'instant même.

- Et nous, on ne peut rien faire… C'est terrible de devoir attendre comme ça.

- Oui, fit-elle en passant une main sur son front, décoiffant sa frange habituellement impeccable.

Je poussai un soupir tremblant. Je ne voulais pas remonter dans cette pièce, l'angoisse y était trop palpable. Je préférais encore me terrer contre un mur pour éviter la pluie froide. De toute façon, je ne servais à rien. Je consultai ma montre, une fois de plus. 18 h 36. Cela faisait bientôt quarante minutes que l'appel avait eu lieu. C'était étrange de penser que nous avions pu rester des mois sans avoir de ses nouvelles, et qu'aujourd'hui, chaque seconde loin de lui nous terrifiait toujours plus. Je repensai à Mustang qui avait tout explosé sur son passage, qui avait négligé les soins pendant le plus gros de l'enquête.

- Il ne sait toujours pas, hein… soufflai-je.

- Non… s'il l'apprend aujourd'hui… Il ne s'en remettra jamais, murmura Hawkeye.

- … Qui est Mila ?

- … Je ne pense pas qu'il apprécierait que je réponde à cette question…

Je hochai la tête. Je me contenterais de suppositions. Un amour passé, peut-être, qui aurait mal fini. Cela expliquerait sa réaction. Je ne savais rien de cette histoire, mais vu la formulation qu'Edward avait employée et sa réaction, elle n'était assurément plus de ce monde.

Je n'avais sans doute pas besoin d'en savoir plus, réflexion faite.

Je tirai de ma poche une cigarette et l'abritai pour l'allumer d'une main tremblante. Fumer me calmait et j'en avais cruellement besoin.

- Comment on en est arrivés à une situation pareille ? souffla Hawkeye. Si seulement il lui avait dit…

- S'il lui avait dit la vérité, Mustang serait dans un était bien pire à l'heure qu'il est, soufflai-je.

- Vous avez raison.

J'entendis un bringuebalement métallique, et m'avançai vers la rue, découvrant la silhouette lourdement chargée de Breda. Je courus à sa suite pour l'aider, sentant le poids des trombes d'eau s'abattre sur moi. Face à un tel déluge, mon manteau, si épais soit-il, ne suffisait plus à me protéger. Mais je n'allais pas m'en plaindre. Ce n'était pas le pire.

- Le quincaillier a été d'une efficacité redoutable. Il a prêté tout ça sans faire d'histoires, et m'a aussi passé une demi-douzaine de lampes.

- Merci à lui, souffla Hawkeye tandis que nous chargions le matériel.

Pinces longues d'un mètre, scies et cordes s'entassèrent à côté du matériel médical

- Il est quelle heure ? demanda Breda.

- 18 h 37.

- Putain, souffla-t-il entre ses dents. Ça craint… J'espère qu'elle a pu résister jusque-là.

- Et j'espère qu'on aura vite des nouvelles des autres, ajoutai-je.

- Je vais manœuvrer pour qu'on soit prêts à partir, annonça Hawkeye. Allez voir s'il y a du nouveau.

Elle monta dans la voiture, et Breda et moi nous écartâmes avant de retourner vers le café à contrecœur, longeant les murs pour échapper au torrent.

- Havoc, il m'est venu une pensée assez moche, fit Breda dans mon dos.

- Quoi ? demandai-je en me retournant.

- Tu ne t'es pas demandé si Angie était une complice de Harfang ?

Je restai bouche bée. Sans doute parce que je connaissais sa véritable identité, cette idée me semblait inenvisageable.

- Non, je ne me suis pas demandé ça.

- Hier, j'ai téléphoné à la mairie de Lowaters, où elle disait avoir grandi… Il n'y a aucune trace d'une Bérangère Ladeuil, ni dans les registres de naissance, ni ailleurs.

Je poussai un gros soupir et me retournai pour reprendre ma marche vers le café.

- Ça n'a pas l'air de t'étonner.

- Non.

- Et tu lui fais quand même confiance ?

- Oui.

- Pourquoi ?

J'hésitai en poussant la porte. Breda avait trouvé beaucoup par lui-même, et il n'était pas idiot. S'il avait décidé de comprendre qui était réellement Angie, il finirait par y arriver, je le savais. Mais était-ce vraiment le bon moment pour faire une annonce pareille ?

Des bruits de courses me firent tourner la tête et m'épargnèrent d'avoir à répondre. Hayles et Mustang dévalaient l'escalier de fer forgé qui résonnait sous leur pas précipités.

- On sait où elle est !

- Quoi ?! m'exclamai-je.

- On a eu un appel d'un témoin, il a vu la voiture entrer dans le parking des docks, annonça Mustang en nous dépassant sans nous arrêter

- Du coup, on a appelé le service des standards généraux, en leur disant de comparer avec les numéros des bâtiments des docks.

- Et c'est le numéro du Hall 9 !

Je ne pris même pas la peine de répondre et courus avec eux pour rejoindre le véhicule dans lequel nous nous précipitâmes. Hawkeye nous vit arriver et ouvrit la porte de la voiture pour s'installer au volant.

- On sait où aller, annonça Mustang. Quai des docks rive droite, Hall 9.

- On n'est pas loin, souffla Hawkeye en appuyant sur la pédale d'accélérateur alors que nous claquions à peine les portes.

On va y arriver.

Edward, tiens bon, on est presque là.

Tiens bon, t'es une véritable arme humaine, tu peux le faire.

Putain, Edward, fais pas le con.

Les mâchoires vissées par le stress, je jetai un nouveau coup d'œil à ma montre.

Il était 18 h 38.