Hey ! Mais c'est lundi ! ça veut dire que c'est l'heure de publier l'avant-dernier chapitre de la partie 5 ! Comme souvent, j'ai ajouté une chanson à la playlist Youtube de Bras de fer pour ce chapitre. Elle continue à s'allonger et c'est de plus en plus le foutoir :')

Sinon, en parlant de choses qui s'allongent, vous allez rire... Vous vous souvenez quand je disais que la partie 6 sera la dernière ? En faisant des simulation de budget pour imprimer une version papier (oui, je n'ai toujours pas lâché cette idée, même si ça promet d'être compliqué) je me suis rendue compte que la limite d'impression était de 600 pages... La partie 5 devrait s'en approcher, et avec 35 à 40 chapitres prévus, je sais déjà que la partie 6 explose allègrement les compteurs.

Du coup, j'ai décidé de la scinder en deux pour faciliter un éventuel tirage papier. Ça ne change pas grand-chose pour la publication, à part que je structurerai un poil différemment et qu'une introduction supplémentaire va s'intercaler dans l'histoire. Côté écriture, ça permet de rythmer le projet avec un objectif moins décourageant (j'espère terminer d'écrire la partie 6 cette année) même si du coup, j'aurais une 7e partie à faire... Dans tous les cas, j'ai encore un paquet de chapitres à écrire, et comme mon avance diminue d'année en année, il est possible que je doive repasser à un chapitre/mois à un moment.

Enfin, on verra aussi comment se déroule le NaNoWriMo. Comme d'habitude, je ferai le camp d'avril pour avancer dans l'écriture. N'hésitez pas à me faire signe si vous participez aussi ! ;)

Enfin, la semaine prochaine, ma boutique en ligne fera son grand retour avec 1 nouveau sketchbook et mes premiers forex. Si vous voulez découvrir le reste de mon travail, c'est le bon moment, (le lien est sur mon profil) puisque pour l'occasion j'ai prévu pour vous un coupon promo, valable du 2 au 5 avril : si vous utilisez le code "EASTERED", vous aurez -50 % sur les frais de port, et frais de ports gratuits à partir de 25 euros. ;)

Voilà, c'était tout, j'ai beaucoup (trop) parlé, mais je voulais vous partager ces infos ! Sur ce, je me tais et je vous souhaite une bonne lecture ! ^^


Chapitre 78 : Coupable (Edward)

— Je te préviens, c'est la dernière fois que je viens réparer tes conneries. Je n'en peux plus de ton inconséquence et de ton égoïsme. Il serait temps que tu te rendes compte à quel point tu as mis tout le monde en danger. Tu disais que tu assumerais les conséquences de tes actes… Je crois que c'est le moment de t'y mettre. Parce si tu tiens à ce point à mourir, la prochaine fois je renonce à t'en empêcher.

Riza m'avait giflé, et maintenant elle m'adressait ces mots assassins. Je restais muet sous le choc. Je ne l'avais jamais vu réellement en colère, mais cette fois, c'était le cas, et cette fureur était dirigée contre moi. À raison, je le savais. J'avais agi stupidement, et j'avais effectivement failli mourir.

— Désolé, murmurai-je, les yeux baissés par la honte.

La militaire qui m'avait tourné le dos ne sembla pas entendre ma réponse et ressortis de la pièce, me laissant seul aux côtés du cadavre de Harfang. L'homme en costume blanc était étalé de tout son long au sol, les bras en croix, ses yeux noirs ouverts sur le néant de sa propre mort, le front percé d'une balle, une mare de sang auréolant sa tête. Vivant, il m'avait terrifié avec son regard lourd, sa voix doucereuse et ses remarques qui tapaient beaucoup trop juste. Maintenant que je voyais son corps flasque et inanimé, il semblait presque grotesque et je peinais à réaliser qu'il avait eu autant de pouvoir sur moi. Je ne savais plus si j'étais soulagé qu'il emporte mon secret dans la mort ou effondré de penser qu'il ne pourrait jamais me transmettre le fin mot de la disparition d'Alphonse et Winry.

J'étais arrivé après une heure de marche, seul et sans rien d'autre que l'uniforme que j'avais transmuté en robe à la hâte, son adresse et le plan du quartier dans ma poche. J'avais laissé les gardes me fouiller avant de me laisser entrer, et j'avais joué les filles sages… Du moins jusqu'à ce que je puisse entrer dans son bureau pour une discussion en tête-à-tête et lui ordonner de me dire où étaient mon frère et mon amie, ce qu'il leur avait fait, pourquoi il les avait attaqués.

En voyant ses paupières lourdes se soulever sous l'effet de la surprise, je compris que j'avais réussi à le prendre au dépourvu. Sans doute ne s'attendait pas à ce que la personne qu'il avait ordonné d'enlever et de laisser au bord de la mort vienne se camper sur ses deux pieds en face de son bourreau, les bras croisés pour lui ordonner de s'expliquer.

Bien sûr, j'avais peur. Mais j'avais au moins mille fois plus peur qu'il arrive malheur à Alphonse et Winry, au point d'en oublier tout le reste. C'était assez pour lui parler sur tous les tons, l'insulter, le supplier et même le menacer après avoir transmuté mon automail pour en faire une lame qui chatouillait sa gorge. Mais cette menace avait été aussi vaine que le reste et rien ne l'avait fait perdre son calme tandis qu'il me faisait remarquer paisiblement que si je le tuais, il ne risquait pas de répondre à ma question. De mon côté, j'en devenais fou. Dans un autre contexte, j'aurai eu envie de me venger de ce qu'il m'avait fait subir, mais là, j'avais une seule pensée en tête.

Qu'on me rende Al et Winry.

Et cette pensée était toujours là tandis que je regardais ce visage vidé de substance, affaissé et mou. J'étais frappé par la soudaine vanité de cet ennemi. Peut-être parce que j'avais combattu trop de gens qui se relevaient de toutes les blessures, il me semblait presque pitoyable. Il n'aurait jamais pu me battre au corps à corps.

Pourtant, il était parvenu à garder le dessus sur moi, du début à la fin. Pendant que je n'osais pas l'attaquer de peur de laisser échapper l'occasion de retrouver Al et Winry, lui aurait pu me tuer à chaque instant.

Comment avais-je pu me laisser dominer à ce point ?

Je me sentais effondré, vidé à l'idée que Riza m'abandonne et que mon frère reste introuvable. L'horreur qui s'était peinte sur le visage de Mustang en me voyant tenue en joue par Sen Uang me hantait. Revoir son visage m'avait enserré les entrailles d'émotions contradictoires qui s'attardaient. Je sentais encore le contact froid du canon sous ma mâchoire, le regret d'avoir eu la stupidité de m'être laissé submerger par la panique en entendant des coups de feu. Je ne savais pas qui arrivait, et si des soldats inconnus m'avaient trouvée en train de menacer Sen Uang de mon automail, ma couverture aurait explosé pour de bon. Je n'avais pas eu de meilleure idée que de transmuter mon bras pour lui redonner une apparence normale, laissant à Sen Uang l'opportunité de reprendre le pouvoir.

Maintenant, j'avais l'impression d'être au milieu d'une mer d'éclats d'espoirs brisés, pétrifiée faute de savoir quoi faire.

Maï m'attrapa l'épaule en me parlant et je revins à la réalité.

— Angie, ça va ? Tu n'es pas blessée ? demanda-t-elle en soulevant mon bras droit, l'œil attiré par la déchirure de mon gant qui laissait voir une peau pourtant intacte.

Dans la précipitation, je n'avais pas pensé à tout.

Je secouai négativement la tête, et elle me serra contre elle dans un élan de soulagement avant de s'écarter de nouveau.

— Est-ce que tu as vu Edward ?

Je la regardai avec de grands yeux, choquée par sa question, avant de me rappeler que j'avais forcé la porte du QG avec mon alchimie. Ceux qui ne connaissaient pas la vérité s'étaient inquiétés pour mes deux identités. Deux identités que, dans un élan de rage et de panique, je n'avais pas cherché à démêler…

— Quoi ? Je… soufflai-je.

Je jetai un coup d'œil à Riza, cherchant ce que je devrais répondre, mais elle me tournait le dos, trop occupée à fouiller le garde menotté. J'allais devoir me débrouiller par moi-même.

— Edward Elric, le Fullmetal Alchemist, insista Hayles. Il était avec toi ?

— … Non… je suis venue seule.

Avais-je donné la bonne réponse ? Je supposais que oui, mais j'étais encore sonné par l'enchaînement des événements et je n'arrivais pas à savoir ce qui allait se passer à partir de maintenant.

— Je vais le tuer.

Roy.

Il était hors de ma vue, caché par le mur qui séparait les deux pièces, mais le simple fait d'entendre sa voix me colla un frisson, et pas seulement parce qu'il était en colère contre moi. Je voulais me réfugier dans ses bras, enfouir le nez dans son col d'uniforme pour respirer son odeur à pleins poumons, sentir ses bras m'envelopper et me réchauffer. Je voulais le frapper aussi, pour m'avoir caché la vérité sur la mort des parents de Winry. Je ne pouvais céder à aucune de mes pulsions et cette impossibilité était douloureuse, insupportable. J'avais croisé son regard emprunt de panique quand il m'avait vue tenue en joue par Sen Uang, mais depuis l'attaque éclair de Riza, plus rien.

Je veux le voir. Je veux être près de lui.

— Hawkeye, les renforts ne vont pas tarder à arriver, je vous laisse la charge de leur expliquer la situation. Vous deux, je vous demanderai d'évacuer les lieux pour laisser place à l'enquête. Hayles, je compte sur vous occuper des civils et des blessés. Une fois le bâtiment sécurisé, on commencera à fouiller le bureau.

La militaire acquiesça aux ordres et posa le bras sur mes épaules pour m'attirer hors de la pièce. Je me laissai faire en traînant des pieds, jetant un dernier coup d'œil au mort qui emportait avec lui mes secrets et mes questions. Je levai ensuite les yeux vers Roy, cherchant à croiser son regard, juste ça, mais il ne me laissa aucune prise. Le simple fait de croiser sa silhouette, même s'il me tournait le dos, me bouleversait. J'aurais voulu au moins revoir son visage, était-ce trop espérer ? Je butai contre quelque chose et baissai les yeux, découvrant la réalité comme un coup de poing dans le ventre.

Je m'étais pris les pieds dans un cadavre. Autour de la porte, c'était un véritable charnier de silhouettes noires baignant dans leur sang. Une demi-douzaine, au moins. Je pris une inspiration tremblante, prenant soudainement la mesure de ce qui s'était déroulé derrière la porte, alors que je ne pensais qu'à lui arracher son secret par n'importe quel moyen. Le souvenir des coups de feu se répandit dans mon esprit. Moi qui avais l'habitude de me soustraire aux tirs, je n'avais pas réalisé que ceux-là avaient atteint leur but.

— Tu ne devrais pas regarder, Angie.

— Au contraire, fit Riza d'un ton froid. Il vaut mieux qu'elle en ait conscience.

— Vous êtes dure ! Elle est déjà sous le choc ! s'indigna Hayles en resserrant la prise sur mon épaule.

— J'ai de bonnes raisons de l'être.

— Laisse, Maï, murmurai-je d'une voix nouée. Elle a raison…

Hayles m'éloigna des supérieurs et de leur froideur assassine et, quelques cadavres plus loin, ce fut le visage de Fuery qui s'éclaira en me voyant. Moi, je ne parvenais pas à sourire. Je prenais la mesure de l'ampleur du carnage qui avait eu lieu par ma faute, parce que j'avais foncé tête baissée au lieu d'en parler aux militaires. Risquer ma vie, c'était une chose, j'en avais l'habitude. Risquer celle des autres, c'en était une autre… Et là, l'équipe tout entière était venue me secourir, malgré le fait que Roy ne voulait pas me revoir, malgré toutes les conneries que j'avais pu faire et le fait que j'avais choisi de prendre ce risque seul.

Je ne le méritais pas. Je ne les méritais pas. Je comprenais la colère de Riza, je comprenais la froideur de Roy, je comprenais même que j'aurais mérité de payer un tribut plus grand encore pour ce que j'avais fait. Je baissai les yeux, voyant une jeune fille terrée contre une commode, tremblant comme une souris prise au piège.

— Qui est-ce ?

— Une servante. On ne sait pas comment elle s'appelle… On pense qu'elle est sourde, elle a débarqué par surprise sur les lieux de la fusillade, elle est complètement sous le choc. Mais c'est elle qui nous a menés jusqu'au bureau de Harfang.

— La pauvre, soufflai-je avant de m'accroupir à côté d'elle.

Elle aussi avait souffert par ma faute. Elle avait vu mourir ses collègues de travail et craint pour sa propre vie, et en ferait sûrement des cauchemars longtemps après moi. Il y avait bien quelque chose que je pouvais faire ? En sentant ma présence, elle avait levé vers moi des yeux brun-vert, et j'avais exploité mes maigres connaissances de langage des signes pour essayer de la réconforter.

« Pardon. Tu as eu très peur, mais c'est fini maintenant. Les militaires te protègeront, d'accord ? Pardon. C'est de ma faute. Pardon. »

Elle me regarda, encore noyée dans les larmes, incapable de répondre, et je me demandai si ce que j'avais signé était compréhensible, si ma tentative n'avait pas fait qu'empirer les choses, quand Fuery posa une main sur mon épaule.

— Tu devrais descendre. Havoc et Breda s'inquiètent encore pour toi.

Je hochai la tête. Sur le palier, encore des morts, et dans le hall d'honneur, en contrebas, une mer de rouge et de noir dont montait une odeur insoutenable de fer, de merde et d'entrailles, me donnant la nausée. Tous ces cadavres, c'était de ma faute, et ma faute uniquement. Combien étaient-ils ? Combien de mères et de pères, d'enfants et de femmes allaient les pleurer ? Riza avait raison, la moindre des choses était de le regarder en face. Le ventre douloureusement noué, je traversai la pièce en silence, agressé par la puanteur et ces images qui se gravaient dans ma mémoire. On aurait pu entendre une mouche voler. J'entendais même quelque chose goutter lentement, résonnant dans le silence. Du sang, sans doute. Je ravalais ma salive, réprimant un haut-le-cœur. L'odeur me donnait envie de vomir. Pas seulement l'odeur. Tout, en fait.

Je me hâtais vers la porte, espérant que le vent frais suffirait à calmer ma nausée, mais cela ne fut pas le cas. Après un instant d'hésitation, je me précipitai au pied des escaliers, abandonnant Hayles et les silhouettes bleues familières pour rendre tripes et boyaux derrière le premier buisson venu.

— … Angie ?

— Ça va… ça va aller, bredouillai-je, honteuse de m'être donnée en spectacle.

Ma gorge et mon nez me brûlaient, j'avais un goût infect dans la bouche, mais au moins les spasmes étaient passés.

Quand j'osai enfin me tourner vers eux, je vis que Hayles me tendait une flasque et un mouchoir. Je pus me rincer le visage et la bouche et retrouver péniblement une contenance. Je me redressai et remontai les marches à pas lents, hésitante, mais Havoc et Breda me sourirent avec un soulagement sans ambiguïté qui me réconforta.

— Les autres vont bien ? demanda Breda à la militaire.

— Ils sont tous sains et saufs, annonça Hayles.

— Un vrai miracle, souffla le militaire bedonnant. Je suis soulagé.

— Content de te revoir en un seul morceau, Angie. Tu nous as fait une belle frayeur, fit remarquer Havoc en m'ébouriffant les cheveux d'un geste familier.

Ce n'était pas les bras de Roy, ni ceux de Riza, ni ceux de Roxane, mais sentir le grand blond poser la main sur mon épaule pour la tapoter me fit céder. Je luttai contre les sanglots qui montaient et tombai dans ses bras pour le serrer contre moi, lui arrachant un petit cri de douleur qui arrêta aussitôt mon geste.

— … Je crois que je me suis fêlé une côte, lâcha le militaire d'un ton d'excuse.

— Oh, je suis désolée ! m'exclamai-je en reculant, prise par l'embarras.

— Heureusement que ce n'est que ça, commenta Hayles.

— Les gilets pare-balles, c'est quand même une sacrée invention.

— Et vous, Breda ? Montrez-moi ça, ordonna Hayles avec un mélange de douceur et d'autorité.

— J'en suis quitte pour une bonne éraflure, je pense, annonça le militaire qui tenait son bras.

Sa manche était assombrie par le sang qui trempait le tissu et j'étais horrifiée de réaliser qu'il était blessé, lui aussi.

J'entendais les autres parler d'un ton presque léger et tout cela me paraissait surréaliste. Peut-être que j'allais me réveiller et que tout ceci n'était qu'un cauchemar. J'entendis le crissement de freins d'un deuxième fourgon, mais j'avais l'impression d'être coupé du monde par un océan de culpabilité. Ce n'était pas ma vie que j'avais risquée. C'était la leur.

Havoc et Breda auraient dû me gifler, eux aussi.


Il n'était pas midi quand Sen Uang avait été tué, mais je compris vite que je resterai entourée d'uniformes pendant un long moment encore. Les militaires qui étaient arrivés après l'attaque s'employèrent à dresser des cordons de sécurité, prendre des photos des lieux, identifier les victimes, administrer les premiers soins à Havoc et Breda. Arrachée à leur présence, je me retrouvai emballée dans une couverture de survie, un café à la main, assise au cul d'un fourgon dont les portes étaient restées ouvertes, entourée d'inconnus trop occupés pour vraiment m'accorder de l'attention, mise à l'écart de ceux qui connaissaient mon secret.

Certains soldats m'avaient courtoisement proposé à manger, et j'avais refusé, incapable d'imaginer avaler quoi que ce soit. Une multitude d'angoisses me nouaient le ventre. Mustang qui évitait jusqu'à mon regard, la colère de Riza, mon secret en péril, et surtout, surtout, le mystère de la disparition mon frère et mon amie d'enfance.

Sen Uang ne m'avait rien dit. Rien. Pas un indice, pas l'ombre d'une piste à laquelle me raccrocher. Il avait même l'air surpris que je pose cette question, alors qu'il m'avait tout de même fait chanter et enlevée. Il ne l'avait pas nié… même s'il ne l'avait pas avoué non plus.

C'était en fouillant les dossiers, en revoyant son nom écrit ici et là, et surtout en revoyant ce regard lourd sur les photos, que je m'étais rappelé que nous nous étions déjà rencontrés, bien avant la soirée de promotion de Mustang. Le lieu différait, le standing aussi, mais je m'en étais souvenu. Je l'avais vu assis à la même table qu'Ian Landry, à Lacosta. Un homme élégant, mais vieillissant, aux traits de Xing, qui laissait planer autour de lui une aura de malaise diffus.

Je n'avais pas fait le lien entre ce moment et cet homme croisé à la fête de promotion de Mustang, jusqu'à ce que la fouille des dossiers fasse remonter ce souvenir en tenant dans les mains une copie de mon rapport. En le feuilletant, surpris de le retrouver là, j'avais perçu une absence. Celle de l'aveu de Ian Landry, qui comptait revendre les femmes qu'il avait fait enlever à « Sen Uang ». Avoir été présent à ce moment-là avait transformé ce simple nom en ennemi.

Ian Landy avait éventé son secret.

Puis il était mort, et Berry était mort aussi. De ce moment-là, il ne restait plus que moi.

Tout cela avait coulé de source pour moi en fouillant tous les documents, mais cela ne justifiait aucune des actions que j'avais commises aujourd'hui. Je ne savais pas comment mentir de manière à m'en sortir, je ne savais même pas comment justifier ma présence chez Sen Uang alors que je ne m'étais même pas fait attaquer.

Je ne savais pas par quel miracle j'allais pouvoir préserver Mustang. Depuis cette nuit ou nous avions… fait l'amour, garder le secret de mon identité était devenu plus indispensable que jamais et je me me maudissais de m'être laissé emporter par la colère et la panique au point d'agir sans discernement.

J'étais dans une merde noire et c'était totalement de ma faute. Je n'allais jamais pouvoir m'en sortir seul. Je ne pouvais pas dire la vérité et j'ignorais quel mensonge construire ni comment le partager avec les autres. Je le savais, une longue suite d'interrogatoires m'attendait. À l'idée de devoir encore mentir longuement, au risque d'être mis à jour, je me sentis étouffer. Pour un peu, je me serai enfuie de la scène de crime, mais je savais que dans ma position, c'était la dernière chose à faire.

Alors je prenais sur moi de rester là, tremblant légèrement, buvant de l'eau à petites gorgées en jetant des regards par-dessus mes lunettes à toutes ces silhouettes inconnues qui allaient devenir mes ennemis si elles apprenaient la vérité. J'avais l'impression que le temps s'était déréglé, comme une rivière qui laissait affleurer des blancs de sables, filant ici, immuable, là. Et moi, ou étais-je dans tout ça ?

Je sentis une main se poser sur mon épaule et sursautai avant de reconnaître Breda qui portait son bras en écharpe et se laissa tomber assis à côté de moi. Je sentis le fourgon descendre d'un cran et eus un sourire creux.

— Ça va ?

— Je préfère ne pas répondre.

— Je n'ai pas beaucoup de temps, fit le militaire à mi-voix. Tu ne vas pas tarder à être interrogé. Ce sera Maroon qui s'occupera de ton interrogatoire. Tu tombes plutôt bien, il n'est pas trop maniaque en général. Tu lui diras que tu as reçu un message qui t'avait ordonné de venir à un lieu de rendez-vous, à n'importe lequel qui te paraît plausible avec le timing. Tu y es allée malgré la peur parce qu'on menaçait ta famille. Tu diras ensuite que Sen Uang t'avait convoqué dans le but de profiter de ta relation privilégiée avec Mustang pour l'espionner.

— Ce n'est pas tout à fait faux… enfin, il a essayé, mais…

— Il n'a pas réussi, parce que Mustang a décidé de te mettre à l'écart de l'affaire. Tu ne savais rien.

Je hochai la tête.

— Tu as avoué à Hawkeye comment il te fait chanter.

— Mais je ne peux pas dire la vérité, je me ferai aussitôt arrêter.

— Tu n'as qu'à dire que tu ne veux pas en parler, sous-entendre que tu as été prostituée à Lacosta, que c'est comme ça que Sen Uang te connaissait. C'est un motif suffisant de chantage pour bien des gens.

— Mais… bredouillai-je en rougissant.

— L'avantage, c'est qu'il n'insistera pas trop… et s'il le fait quand même, éclate en sanglots devant lui, ça suffira à le déstabiliser.

— Je ne pleure pas sur commande.

— Tu es pourtant une bonne comédienne, commenta Breda avec un sourire cynique.

— Je n'apprécie pas le compliment, grognai-je.

— Ce n'est pas le moment d'être fine bouche. Ne le laisse pas t'obliger à trop développer tes mensonges. Pleure s'il le faut, tu n'auras qu'à penser à Mustang, non ?

J'allais m'indigner de ce coup en traître, mais gardai le silence, le visage rouge et les yeux embués. Le pire, c'est qu'il avait raison… si je me laissai aller à penser à lui, je risquais effectivement de me mettre à pleurer. Breda était impitoyable, mais de bon conseil.

— … Ensuite, tu as essayé d'expliquer que tu ne pouvais pas faire ce qu'il demandait, lui a haussé le ton, nous sommes arrivés, il t'a prise en otage… La suite, tu la connais.

— Et l'uniforme ? L'infraction du bureau ?

— Ça, ça n'est jamais arrivé, répondit le rouquin d'un ton tranquille.

C'était une manière de dire qu'ils me couvraient. Une fois de plus. Quoi qu'elle ait dit tout à l'heure, Hawkeye continuait à me protéger. Combien de temps encore allais-je les forcer à mentir et se mettre en danger à cause de moi ?

— Tu crois que ça va marcher ?

— Il n'y a pas de raison. Travail d'équipe, y'a que ça de vrai.

— … Je suis désolée, murmurai-je d'une voix nouée.

— Garde tes larmes pour Maroon. Bon, et tu n'oublieras pas de remettre en état l'uniforme de Hayles pour le lui rendre quand tu rentreras. Même si c'est pas le plus urgent.

Je hochai la tête, tâchant de graver toutes ces instructions dans ma tête. Je n'avais pas le droit de faire un faux pas, au risque de tous les entraîner dans ma chute.

— Ah, et il faut quand même que tu saches… On est allés sur les lieux de disparition de ton frère.

— Vous l'avez retrouvé ? demandai-je aussitôt.

— … Non. Mais on sait que ce n'est pas Sen Uang qui l'a attaqué. Ironique de penser que ce génie du mal sera tombé pour un crime qu'il n'a même pas commis…

— Mais alors…

— Les traces de combat laissent penser que l'ennemi n'était pas humain.

Il me vit blêmir et posa une main sur mon épaule, à travers la couverture.

— Un témoin en état d'ébriété les a vus s'enfuir, poursuivi par deux silhouettes, et un des militaires qui les surveillait a puisé dans ses dernières forces pour tirer sur l'ennemi et les ralentir. Pour le moment, on n'a aucun moyen de prouver qu'ils ont réussi à leur échapper, mais ce n'est pas impossible.

— Ce n'est pas impossible… murmurai-je d'une voix mécanique.

Je pensai à Winry en larmes dans le couloir du QG. Je pensai à Alphonse le jour de ma disparition, alors qu'il me regardait partir, dévasté, pieds nus sur le perron, une couverture sur le dos, fragile comme un enfant malade.

Comme moi aujourd'hui.

Je pensai à Envy qui m'avait fait manger le gravier la dernière fois que je l'avais vu, à Lust et Gluttony, à la violence de leurs coups, et je me sentis totalement désespéré.

— Fais-leur confiance, murmura-t-il. De toute façon, tu ne peux rien faire pour eux maintenant… commence déjà par remettre de l'ordre dans tes propres problèmes… Il y a de quoi faire.

Je hochai la tête, la gorge nouée, et un militaire me héla, me demandant de le suivre. Je sautai à bas du fourgon, posant le gobelet vide, et compris que cette sensation d'avoir les entrailles mâchées par une force invisible n'allait pas me quitter de sitôt.


Finalement, la nuit était déjà tombée quand j'avais enfin pu quitter le QG. J'avais côtoyé toute l'après-midi des militaires tantôt rassurants, tantôt insistants, et si j'avais réussi à donner le change, la tension à l'idée de me trahir m'avait épuisée. Dans le trolley où je m'étais assise, escortée par une Maïwenn Hayles tout aussi épuisée, je tombais presque de sommeil.

— Ça va ? s'inquiéta la brunette avec sollicitude.

Je haussai les épaules, la tête dodelinant sur l'arrière de la banquette. Est-ce que ça allait ? Non, mais ce n'était pas la pire chose que j'aie affrontée de ma vie. Au moins, l'équipe s'en était tirée sans grand dommage.

— Tu dois être traumatisée par ce que tu as vu ce matin. Même moi, qui suis dans l'armée depuis un moment, ça m'a secouée. Et puis… Hawkeye a été rude avec toi.

— Non… murmurai-je. Elle avait raison.

La militaire se tourna vers moi, surprise de voir défendre celle qui m'avait pourtant engueulée sans douceur.

— Je me suis mise en danger, et je vous ai mis en danger. Si quelqu'un était mort à cause de moi… je crois que je ne me le serais jamais pardonné.

— Personne n'est mort dans nos rangs, souffla Maï pour me rassurer.

— C'est un miracle.

— … Au moins, maintenant que Harfang est mort, tu devrais pouvoir dormir sur tes oreilles.

— Je suppose… mentis-je d'un ton neutre.

En vérité, il y avait peu de chances. Entre le charnier de ce matin qui n'était pas le seul que j'ai vu, mais le premier dont j'avais été la cause directe, la disparition de mon frère et la pensée que peut-être, il était entre les mains des Homonculus qui pourraient facilement remonter ma piste, j'étais loin d'être serein.

— Hawkeye m'a dit que tu avais un lien avec le Fullmetal Alchemist, murmura-t-elle.

Je sursautai à ces mots et tournai vers elle des yeux inquiets.

— Elle t'a dit quoi ? demandai-je, la gorge nouée, avant de réaliser que j'étais peut-être en train de me trahir.

— Que vous étiez liés, et qu'enquêter sur Edward était le meilleur moyen de te retrouver.

Je poussai un infime soupir, soulagé qu'elle ne m'ait pas mis à jour, mais inquiet de penser à Mustang, à ce qui lui était passé par la tête en découvrant son bureau saccagé. Est-ce qu'il avait compris ? Est-ce que c'était pour ça qu'il m'avait obstinément tourné le dos ?

Si c'était le cas, il devait tellement, tellement me haïr…

Je baissai les yeux, luttant contre une envie de pleurer, et Maï me regarda avec un mélange de compassion et de dépit.

— Elle n'avait pas tort. On t'a retrouvée.

— Oui… merci.

— Quand même, je me demande où est passé le Fullmetal Alchemist. Au final, on n'en a pas vu la couleur… Toi, tu sais où il est ?

— … Je ne peux pas en parler.

— Je me doutais d'une réponse de ce genre, soupira-t-elle.

— Désolé…

La fin du trajet se passa dans un silence lourd, sous une neige à peine perceptible, et je ne pus m'empêcher de m'imaginer comment Maï se sentait, elle qui avait dû mettre en joue des inconnus et appuyer sur la détente pour me sauver, sauver sa propre vie… Puis je repensai à Mustang, me demandant quelles avaient été ses pensées au moment de l'exécution des parents de Winry.

La rancœur que j'avais eue en apprenant la vérité à ce sujet avait été violente, mais après ce qui était arrivé aujourd'hui, ma culpabilité envers lui était plus grande encore… et surtout, j'avais pris conscience que le véritable coupable n'était pas celui qui avait pressé à la détente, mais celui qui en avait donné l'ordre.

Maï n'avait rien d'une tueuse : c'était une fille aux joues rouges qui riait beaucoup, dansait et jouait de la guitare. Mais à cause de moi, elle avait du sang sur les mains. Elle n'avait pas eu le choix. Celle qui avait eu la possibilité d'agir autrement, c'était moi, pas elle.

Et Roy, à ce moment-là, quel choix avait-il ?

Après tout, il avait obéi à des ordres, il ne nous connaissait même pas à l'époque.

Je lui en avais voulu pour ça plus que pour tout le reste, parce que je me sentais déchiré entre mon attirance pour lui et mon lien profond avec Winry. Mais à présent, sans parvenir à lui pardonner à proprement parler, je me disais que c'était immature, presque cruel de ma part de le juger pour ça. Et surtout, j'étais tellement mal placé pour lui en vouloir.

Si j'étais vraiment honnête avec moi-même, ce qui était le plus douloureux, c'était de le voir tenir cette promesse que nous nous étions faite d'arrêter de nous fréquenter, ne la rompant que parce que ma vie était en péril. Une fois l'ennemi abattu, il ne m'avait plus adressé un regard.

À croire que j'avais rêvé ses baisers et ses caresses. À croire que cette nuit-là n'était pas vraiment arrivée. Si j'avais hésité sur le coup, me sentant sur le point d'exploser à l'idée de garder ça pour moi, je n'en avais finalement parlé à personne, pas même à Roxane… elle sortait avec Havoc et risquait de lui vendre la mèche. Je n'osais pas imaginer les conséquences si l'équipe apprenait ce qui s'était passé. Et puis, ce moment était entre lui et moi…

Il m'avait comme marquée dans ma chair et quand le souvenir de son regard, de son corps entrelacé au mien me revenait à l'esprit, je sentais le souffle me manquer dans un mélange de désir et d'embarras. Je n'aurai jamais osé imaginer faire l'amour avec Roy Mustang, ni avec qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Pourtant, c'était arrivé. Et cela avait été incroyable. Tout l'embarras et la culpabilité que je pouvais avoir en y repensant n'y changeaient rien : mon principal regret, c'était de savoir que nous ne pourrions pas recommencer, de me dire que son regard ne m'incendierait plus, que ses mains ne me caresseraient plus. Je tremblais encore en me remémorant son contact.

Maintenant, tout ce que je peux espérer, c'est qu'il ne détourne pas le regard quand il reverra Edward Elric. Qu'il ne me reconnaisse jamais. Mais même ça, je ne suis pas sûr de pouvoir compter dessus après ce qui s'est passé aujourd'hui…

Nos pas nous menèrent jusqu'à la cour où les fenêtres traçaient des rectangles jaunes sur les pavés, laissant entrevoir les autres qui s'activaient pour préparer les plats du soir. Tallulah, qui bayait aux corneilles, fixant la fenêtre d'un œil vague, s'anima en nous reconnaissant et annonça notre arrivée aux autres. Lily Rose se précipita pour nous ouvrir la porte et enlaça Maïwenn avant de tenir son visage entre ses mains, la scrutant dans les yeux pour la lire comme un livre ouvert.

— Angie !

Cette fois, ce fut Andy qui sortit, me tomba dans les bras et me serra, suivi de près par Tallulah. Le double choc me vida les poumons et je lâchai un petit rire avant de leur avouer que j'étouffais.

— On s'est fait un sang d'encre !

— Il faut vraiment que tu arrêtes de disparaître comme ça ! s'exclama Roxane depuis le pas de la porte.

— Désolée de vous avoir fait peur… bredouillai-je.

La rouquine avait posé les poings sur ses hanches et me regardait avec une moue et un sourcil froncé. C'était l'expression typique d'une mère qui ne savait pas si elle devait engueuler son enfant pour ses conneries ou le serrer dans ses bras, soulagée qu'il soit sain et sauf. Après quelques secondes de flottement, elle choisit la seconde solution.

— Entre, tu ne vas pas rester sous la neige !

Je hochai la tête et me laissai porter par le sourire lumineux de ceux qui me voyaient revenir. Alors que je pensais que le poids de mes pensées ne me lâcherait pas, entrer dans la pièce éclaboussée de lumière et de rires me lava de mes peines, et je parvins à sourire, me retrousser les manches et plonger les mains dans l'évier pour relayer Andy à la plonge, non sans l'avoir taquiné, « pour une fois qu'il travaillait vraiment ». Le Cabaret était déjà ouvert, on entendait le brouhaha de la salle où les jumelles Clara et Claudine jouaient leurs premières chansons traditionnelles.

— Tiens, je ne te connaissais pas cette robe, commenta Lily Rose en attrapant un torchon.

Je me figeai, prise en faute. Ce que j'avais sur le dos, c'était l'uniforme volé de Maï, transmuté à la hâte. En me tournant vers la costumière, je vis ses yeux verts pétiller à travers ses lunettes, sa bouche trop grande sourire d'un air rassurant. Elle n'ajouta rien de plus et m'ébouriffa les cheveux d'un geste affectueux avant de repartir s'occuper des plats en train de cuire. Je la regardai quelques secondes, désarçonnée, puis me remis à la tâche sentant confusément elle n'était pas dupe et en savait beaucoup plus sur moi que ce qu'elle nous montrait.

Quoi qu'elle ait compris, elle n'en souffla pas un mot et la soirée suivit son cours, entre plonge, service et musique. L'ambiance du cabaret était comme un baume sur une brûlure et si elle ne résolvait aucun de mes problèmes, elle allégeait un peu ma peine.

Le dimanche soir, on jouait le plus souvent des musiques traditionnelles. C'était des soirées plus tranquilles que les autres, comme pour s'habituer au fait que le lendemain, les clients retourneraient au travail. Aux tablées, des couples, des bandes d'amis, aussi, qui discutaient à mi-voix en observant les danseurs partager des mazurkas dans une ambiance feutrée. Andy m'avait kidnappé pour danser régulièrement au fil de la soirée, et même si j'étais éprouvée par cette longue journée, j'avais trouvé un peu de joie à me laisser emporter dans ses pas. Je cherchais des yeux Mel et la trouvai accoudée au bar, discutant avec Neil avant de toucher le nez de son index en riant. Je me faufilai entre les tables et les danseurs, puis arrivai au comptoir avec un plateau de verres vides.

— Mel, il y a quelque chose dont je voudrais te parler.

— Oui ? demanda-t-elle en se tournant vers moi avec un large sourire.

— Je… hésitai-je en me rendant compte que je ne me voyais pas annoncer mon départ tout à trac, debout au milieu du brouhaha des clients. On peut se poser un peu à l'écart ?

— Je pense que ça ira, oui. C'est assez tranquille ce soir.

Je hochai la tête, et nous allâmes toutes les deux nous caler dans les fauteurs en osier de la verrière, dans une ambiance moins bruyante et plus tamisée. Mel, penchée en avant, cala ses coudes sur ses genoux, posa son menton sur ses mains croisées et me regarda avec son regard pétillant.

— Je t'écoute.

— Je… pense quitter le Bigarré, murmurai-je d'un ton honteux.

— Tu veux nous quitter ? Pourquoi ?

Il n'y avait pas de jugement dans sa voix, mais une pointe de tristesse et une curiosité sincère. Le calme avec lequel elle avait posé la question me rassura. Elle ne semblait pas indignée que je lui annonce ça.

— Je ne veux pas vraiment, pour être honnête ça m'attriste de partir d'ici… mais je n'ai pas trop le choix.

— … Tu as eu pas mal de soucis ces derniers temps… J'imagine que tu dois avoir envie de prendre du champ après tout ce qui est arrivé.

Je hochai la tête.

— Oui, et il y a quelque chose que je dois faire.

Retrouver mon frère.

— D'accord. Il faudra qu'on s'occupe de ta rupture de contrat, pour que tout soit dans les règles. Ça peut attendre demain matin ?

— Je… suppose, bafouillai-je sans en être véritablement sûre.

J'avais oublié jusqu'à l'existence de ce contrat et la paperasse était vraiment le dernier de mes soucis.

— Il faudra annoncer ton départ aux autres aussi, fit-elle remarquer. Ils vont être tristes… Surtout Andy, il s'est bien attaché à toi.

— Ça ne va pas être facile, admis-je. Mais je pense que ça reste la meilleure chose à faire.

— Tu as l'air sûre de toi, donc je te fais confiance. J'espère que tu nous donneras de tes nouvelles.

— Je ne suis pas sûre que je pourrai, prévins-je, un peu honteuse.

— Je vois… Tâche de faire attention à toi en tout cas, tu es du genre à t'attirer les ennuis. Et sache que si tu as l'occasion de revenir, la porte du Bigarré te sera toujours ouverte.

— … Merci, soufflai-je, plus émue que je ne voulais le montrer.

En presque deux mois, j'avais eu le temps de m'habituer aux lieux et aux personnes qui les habitaient. Quitter ce qui avait réussi à devenir mon foyer pendant un temps me serrait le cœur. Mais j'avais toujours su que cela finirait, que ni cette parenthèse ni l'identité d'Angie ne pourraient durer. Le moment était venu de tirer ma révérence, de quitter la scène pour tâcher de retrouver Al et Winry… et les sauver, si besoin. Comment, je n'en savais rien, le problème me dépassait largement, mais je trouverai bien une idée sur le moment. Je n'avais pas d'autre choix de toute façon.

— Ça arrive que les gens partent du Cabaret, comme ça ? demandai-je d'un ton hésitant.

— Bien sûr que ça arrive. Aurèle n'habite plus ici depuis qu'il a réussi à entrer au Grand Opéra, Camille est parti aussi, et d'autres… Partir, ça fait partie de la vie. Ça ne nous empêche pas de toujours les accueillir à bras ouverts. Tu sais, maintenant que tu as vécu ici, tu fais partie de la famille, toi aussi !

Tu fais partie de la famille.

Quand j'étais arrivée ici avec Roxane, nous étions déjà comblés qu'on nous propose du travail et un loyer moins élevé… je ne pensais pas y trouver dans ces lieux une famille de cœur qu'il serait si difficile de quitter.

C'était réconfortant et douloureux à la fois.

C'était précieux.


— Hé, Angie, souffla une voix en me secoua l'épaule.

— … Roxane ?

Je me redressai, endolorie, et réalisai que je m'étais endormie sur le secrétaire. Une fois la soirée terminée et tout le monde couché, je m'étais senti incapable de dormir, la tête trop pleine d'angoisses, alors j'avais entrepris de ranger la pièce et préparer mes bagages pour mon départ imminent. Dans le silence ensommeillé de la nuit, j'avais plié le linge et entassé mes vêtements dans un large sac de cuir, m'étonnant d'en avoir autant, moi qui avais vécu pendant des années avec la même tenue sur le dos. J'avais glissé dans ma besace les objets secrets qui m'accompagnaient en coulisses : ma montre d'alchimiste, la photo signée qu'on m'avait offerte à mon départ du Angel's Chest, ma perruque noire… et le petit carnet à couverture de cuir souple qu'Al m'avait fait passé lorsque nous nous étions vus.

En le voyant, sa disparition m'était revenue à l'esprit, et avec un sanglot noyé dans ma gorge, je l'avais ouvert pour le feuilleter. Comme j'étais incapable de dormir, j'avais décidé de m'attabler pour le recopier et l'étudier. Si je devais arracher Al et Winry des griffes des Homonculus, c'était la chose la plus utile que je pouvais faire à cet instant. Alors j'avais pris de quoi écrire et je m'étais penché sur les pages codées du manuscrit pour en arracher tout ce que je pouvais.

— Tu as travaillé toute la nuit ? Tu devrais te reposer, enfin !

— Pas toute la nuit, j'ai eu la bêtise de m'endormir, grommelai-je en passant les mains sur mon visage pour appuyer sur mes yeux endoloris et rabattre mes cheveux en arrière.

Mal réveillée, le crâne douloureux, j'avais les coudes dans mes notes et cercles alchimiques et tâchai de reprendre pied avec la réalité. Sur la feuille devant moi, la ligne que j'étais en train d'écrire avait commencé à pencher, s'achevant par le même mot trois fois de suite et un long trait qui m'avait suivi quand j'étais tombée de sommeil. Je grimaçai de dépit. Dans l'état de fatigue où j'étais hier, j'avais un souvenir très flou de ce que j'avais recopié, et le tout était sûrement truffé d'erreurs. J'étais sans doute bon pour recommencer le travail.

— Pourquoi tu es venue me réveiller ? Il est si tard que ça ? demandai-je en réalisant que la lumière d'un matin nuageux perçait les rideaux.

— Un télégramme bizarre est arrivé. Il n'y avait pas de destinataire, du coup j'ai pensé que c'était peut-être à toi qu'il était adressé…

À ces mots, je m'étais aussitôt redressée, bondissant de ma chaise pour dévaler l'escalier. Un vertige m'obligea à ralentir et je me souvins que je n'avais rien mangé durant les dernières vingt-quatre heures… mais ce n'était un détail comparé à l'espoir immense qui gonflait ma poitrine. Je déboulai dans la cuisine en oubliant jusqu'à la politesse et demandai où était le mystérieux télégramme.

Neil leva une main tenant le bout de papier vert et je bondis à côté de lui pour l'attraper. Debout, les mains tremblantes, je dépliai le papier et découvris une seule ligne de texte.

SUIVONS LES EAUX DE MARS. BISES. 2 PETITS TRÈFLES.

C'était court, mais c'était suffisant pour que je me morde la lèvre inférieure en souriant, me retenant de pleurer ou d'exploser de joie.

« Petit trèfle », c'était le surnom que nos parents donnaient à l'inséparable trio que nous étions, Al, Winry et moi. Deux mots que je n'avais pas lus ou entendus depuis si longtemps que je pensais les avoir oubliés. Cette signature anonyme était bien plus rassurante que s'ils avaient écrit leur propre nom. Les Homonculus pouvaient toujours voler une identité ou faire une fausse signature… mais ce surnom-là, les personnes le connaissant se comptaient maintenant sur les doigts d'une main.

Restait la première partie du message, plus mystérieuse, mais maintenant que j'étais rassuré quant à leur sort, j'aurai tout le temps de le déchiffrer à l'aise.

— Ça va ? On dirait que tu as reçu une bonne nouvelle.

— Une très bonne nouvelle, oui, répondis-je en sentant ma bouche se tordre d'un irrépressible sourire.

— Tes bonnes nouvelles sont sacrément mystérieuses, commenta Natacha en plissant le nez.

— Bonjour Angie, souffla Tallulah d'un ton détaché en se tournant vers moi comme si elle venait tout juste de remarquer ma présence.

J'eus un petit rire puis réalisai que je n'avais effectivement salué personne.

— Euh, oui, bonjour tout le monde ! Pardon, je suis un peu à côté de mes pompes.

— Difficile de t'en vouloir avec ce qui s'est passé hier, commenta Jess en m'ébouriffant les cheveux.

— Angie qui rrrreçoit des messages codés… On dirrrait une espionne de rrroman-feuilleton.

La remarque d'Aïna fit rire tout le monde, mais je me contentai d'un sourire figé en songeant qu'elle n'était pas si loin de la vérité. Neil se leva pour me laisser la place et annonça qu'il allait s'occuper des comptes. Mel quitta aussi la pièce pour l'accompagner et je me retrouvai attablée avec Natacha, Jess, Aïna, Tallulah, Lily Rose et Lia. Maï était sans doute déjà partie pour le QG, et les autres devaient être encore endormis ou occupés ailleurs. La discussion était animée et voir mes colocataires en pleine forme tout en pensant qu'Al et Winry étaient quelque part, sains et saufs, c'était sans doute ce qui se rapprochait le plus de la définition du bonheur.

J'acceptai le thé que Lily Rose me proposait, puis me jetai sur le pain grillé avec des yeux brillants qui me valurent quelques moqueries affectueuses.

— Hé, je n'ai pas mangé depuis hier matin, me rebiffai-je en postillonnant quelques miettes. Forcément que j'ai la dalle !

— Tu n'as pas mangé hier soir ? s'étonna Natacha. Une morfale comme toi ? !

Je haussai les épaules. Je ne pouvais pas lui expliquer que ma perte d'appétit était due à l'angoisse que je me faisais pour ma famille.

— J'avais la nausée, mais ça va mieux.

Ce n'était qu'à moitié un mensonge… j'avais réellement eu le cœur au bord des lèvres pendant toute la journée de la veille.

— Bon, il ne faudra pas trop traîner à table si on veut boucler le ménage dans la matinée, rappela Jess.

— Allons, regarde-la, elle vient d'arriver, on ne va quand même pas la laisser toute seule ! s'exclama Natacha d'un ton vertueux.

— On ne peut pas courir le risque qu'elle s'évanouisse dans la nature une nouvelle fois, mes nerfs n'y survivront pas, confirma Lia d'un sévère, les yeux rivés sur sa tartine.

La grande femme aux cheveux noirs et au physique du Sud avait toujours un petit quelque chose d'intimidant et je la connaissais encore assez mal, mais sa remarque me fit réaliser que bien que peu démonstrative, elle aussi s'inquiétait pour moi.

— Bon, du coup, tu nous expliques ton message secret ? demanda Natacha.

— Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans mot « secret » ? me défendis-je en rougissant. En plus, quand bien même je voudrai vous expliquer, je n'ai moi-même pas tout compris…

— Ah, dans ce cas, on peut t'aider, proposa Aïna avec enthousiasme.

— Elle était déjà en train de dresser des hypothèses avant que tu arrives, me souffla Lily-Rose.

— Peut-être qu'il faut inverser les mots ? Fuyons… Le feu… le feu de septembre…

— C'est quoi le contraire de « bises » ?

— Gifle ? Coup de boule ? Crochet du droit ? tenta Lia.

Je pouffai de rire. Mis à part le « fuyons », leur tentative de décodage n'avait aucun sens. Mais bon, elles ne savaient pas ce qu'elles cherchaient, et de mon côté j'étais encore en train de me réveiller. Si elles pouvaient réfléchir à ma place, je n'allais pas me priver d'en profiter. Le petit déjeuner se déroula ainsi, moi dévorant des tartines pour combler mon estomac que j'avais négligé la veille, les autres discutant en tordant le message dans tous les sens, en quête d'une signification. Après avoir épuisé leurs hypothèses, Jess, Natacha et Lily Rose quittèrent la table pour s'attaquer au ménage de la grande salle, laissant Lia et Aïna s'acharner sur la question.

— Dites… souffla Tallulah d'une voix à peine audible alors qu'elle posait son bol de thé. « Les eaux de mars », ce n'est pas le nom d'une chanson ?

— Tallulah, toujours en train de planer ! Les espions ne vont pas utiliser des chansons comme message secret !

— Pas une espionne, rappelai-je en levant une main, l'autre tenant l'anse de ma tasse.

— Ah ? Dommage. C'est une jolie chanson, pourtant…

— J'avoue que ça m'intrigue, fis-je en reposant mon thé. Tu crois que tu pourrais me la jouer… au cas où ?

— Bien sûr ! Je pourrai t'emprunter ta guitare, Lia ?

— Tu plaisantes ? Je n'ai pas envie de la retrouver cassée en deux ! Utilise celle de Maï.

— D'accord.

Tallulah, indifférente à la dureté de sa remarque, m'adressa un sourire et quitta la table et la pièce, se cognant à la poignée de la porte au passage.

— Je ne comprrrrendrai jamais comment tu fais pour être aussi vache avec Tallulah, commenta Aïna.

— Quoi, c'est vrai qu'elle fait beaucoup de bourdes ! Puis elle est trop gentille, ça m'énerve.

— Trrrrop gentille ? Je la trrouve parrrfaite. Si tout le monde était comme toi, il y aurait dix fois plus de guerrrres… Avec elle, ce serrrait vingt fois moins.

Je me levai et débarrassai le petit déjeuner tout en écoutant les autres d'une oreille distraite. Est-ce que Al et Winry m'auraient envoyé une chanson en guise de message ? Après tout, ils savaient que je vivais dans un cabaret, c'était sans doute le meilleur endroit au monde pour en retrouver le texte. Et nous aimions chanter ensemble, même si nous l'avions longtemps oublié après la mort de Maman.

Tallulah lançait des trucs tout à trac, parlant sans réfléchir à la légitimité de ce qu'elle disait, mais cela ne voulait pas dire qu'elle avait forcément tort. Je fis un bout de vaisselle avant de sortir, retrouvant la petite danseuse qui revenait vers moi, tenant d'une main le manche d'une guitare, de l'autre les feuilles volantes d'une partition. Je retins un cri en la voyant manquer de heurter violemment le coffre de l'instrument contre le coin d'une table tandis qu'elle évitait une chaise et compris un peu mieux les réticences de Lia.

— Les filles, déjà que vous ne bossez pas, si vous pouvez éviter de nous traîner dans les pattes, fit Natacha, le balai à la main.

— Allez vous poser dans le grand salon, plutôt, fit Jessica d'une voix plus douce. Et n'oubliez pas qu'il faut qu'on nettoie tout ça.

— D'accord.

— Il faut toujours faire le ménage… soupira Tallulah. Quel sens ça a de laver si les choses finissent toujours par être sales ?

Je haussai les épaules, faute de savoir quoi répondre, et Tallulah s'installa en tailleur sur le canapé au velours vert élimé et piqueté d'humidité. Elle posa la guitare sur ses genoux et étala les partitions et paroles devant elle, se penchant dangereusement en avant. En la regardant faire, je me demandais par quel mystère une danseuse pouvait avoir un sens de l'équilibre aussi perpétuellement précaire dès lors qu'elle n'était pas sur scène.

Elle accorda son instrument en fredonnant dans un murmure, puis se mit à jouer, faisant résonner les cordes avec douceur.

- Un pas, une pierre, un chemin qui chemine, un reste de racine, c'est un peu solitaire, c'est un éclat de verre

Je l'écoutai chanter cet inventaire poétique, bercé par le balancement chantant de la mélodie, cherchant du sens dans cette multitude d'images, avec une émotion étrange.

Je connaissais cette musique, je ne savais pas quand ni comment, mais je l'avais déjà entendue quelque part et elle m'amenait un sentiment nostalgique. Le souvenir du soleil, des prairies de Resembool… À présent, j'étais sûre que les mots choisis n'étaient pas anodins. Si je me souvenais, Al et Winry aussi devaient être attachés à cette chanson. À l'époque, nous partagions tout.

— … une source d'eau claire, une écharde, un clou, c'est la fièvre qui monte. C'est un compte à bon compte, c'est un peu rien du tout…

Les mots faisaient cascader des images dans mon esprit. Pas de message à décoder, c'était des fragments d'histoires, des métaphores en pagaille, et surtout une émotion. Une sensation nostalgique et apaisante, l'impression que malgré la distance et l'ignorance, je pouvais sentir leur présence à tous les deux.

— … Un serpent qui attaque, une entaille au talon…

Est-ce que choisir cette chanson, c'était une manière de me souffler que malgré l'attaque, malgré la peur et les changements, ils allaient bien ? Je n'arrivais pas à tracer mon chemin dans ces paroles pour comprendre s'il y avait un message plus net que celui-là. Une direction, une intention, une invitation à les suivre ?

Je voulais les retrouver.

— Tu peux la rejouer, dis ? demandai-je alors que le dernier accord résonnait encore dans la pièce.

Elle me lança son plus beau sourire, ravie qu'on en redemande, et recommença le morceau. Plus attentive que jamais, je fouillai les paroles, cherchant leur récit à travers ces mots qui n'étaient pas les leurs, étonné d'y trouver tant de sens. Le serpent, la blessure, c'était les Homonculus, n'est-ce pas ? J'aurais aimé pouvoir leur demander si j'avais bon à leur devinette. Les eaux de mars, j'y lisais à la fois un espoir, mais aussi la rivière. Peut-être étaient-ils sur un bateau ? La chanson parlait d'une vieille ruine, était-ce notre maison ? Après tout, ce que m'avaient fait comprendre mes occupations de copistes de cette nuit, c'était que les ossements de ceux qu'on avait tenté de faire renaître avaient un pouvoir sur les Homonculus. En sachant cela, aller à Resembool aurait eu beaucoup de sens.

Je pensais à tout cela, superposant mes pensées, supposant sans preuve, bercé d'amour pour eux. Bien sûr, c'était frustrant de ne pas pouvoir répondre ni avoir des confirmations à mes hypothèses, mais s'ils étaient en sécurité, cela me suffisait. C'était déjà énorme.

— Dis donc, c'est de la merde, ta traduction ! s'exclama Lia en entrant dans la pièce, me faisant sursauter.

— Ah ?

— La chanson originale est bien plus belle, enfin ! Et tu manques de nuances. Donne-moi ça, je vais te montrer !

La grande femme s'assit à côté de Tallulah qui lui fit de la place, intimidée, mais pas trop, et Lia raccorda la guitare en pestant.

— En plus, tu n'as pas le vrai rythme de la bossa-nova. Je ne peux pas te laisser comme ça. Écoute à quoi ce morceau est censé ressembler.

Tallulah, pas froissée le moins du monde malgré le ton sec et les critiques de la grande brune, hocha la tête avec enthousiasme tandis qu'elle lui expliquait ce qu'elle faisait mal au niveau du rythme. Pendant ce temps, je repris les partitions pour relire les paroles, encore et encore. La mélodie entêtante me trottait dans la tête et je devinais déjà que je la fredonnerais sans doute toute l'après-midi. Puis Lia commença à jouer, avec beaucoup plus d'assurance et d'habileté que Tallulah, avant de chanter dans une autre langue. L'interprétation était bien différente, on y sentait leur opposition de caractère. Je l'écoutai avec un intérêt renouvelé, regardant Tallulah la dévorer des yeux avec adoration.

Avec un petit sourire, je songeais que ces deux-là s'appréciaient sans doute bien plus qu'on pourrait le croire à première vue. Lia avait beau parler durement avec Tallulah et la rabrouer souvent, j'avais l'impression qu'au fond, elle appréciait sa présence et tâchait aussi de l'aider. D'ailleurs, au bout d'un moment, elles se mirent à chanter ensemble, chacune dans une langue différente, et le concert improvisé dura jusqu'à ce que Natacha ouvre la porte en nous traitant moqueusement de planquées, rappelant que si on s'ennuyait, il restait le ménage des étages et la cuisine à faire.

Prises en faute, nous avions reposé nos affaires et nous étions retroussé les manches pour nous mettre à l'ouvrage. Portée par le soulagement, j'y mis toute mon énergie en songeant à tout ce que j'avais à faire. Cela ne changeait pas ma décision de partir, au contraire, je voulais les retrouver… mais je ne ressentais plus le besoin de fuir. J'aurai le temps de faire mes adieux, de revoir Hohenheim peut-être, de prévenir Riza, de lui présenter mes excuses, surtout… Je terminerai de recopier ce carnet qu'Al m'avait confié pour le faire passer à Roy à son tour.

Je ne le reverrai sans doute pas, et c'était douloureux, mais c'était sans doute mieux comme ça. Au moins, si je partais en voyage, que je retrouverai Al et Winry, cela m'aiderait à penser à autre chose. Et puis, je n'avais pas le choix, n'est-ce pas ? J'allais devoir réapprendre à être heureux, sans lui. Je savais que ce serait douloureux, peut-être même impossible, mais en passant le balai, en dépoussiérant et en discutant avec la fine équipe, j'avais l'impression que la mélodie se faufilait à mes côtés, me rappelant cette pensée magique.

Al et Winry étaient sains et saufs. Libres.

À cet instant, je ne demandais rien de plus.