CHAPITRE 3 : En proie au doute

Hermione émergea petit à petit d'un sommeil lourd. Elle ouvrit difficilement les yeux. Elle était confortablement installée dans un lit et n'avait ni trop chaud, ni trop froid. Sous les couvertures, elle pouvait sentir qu'un bandage serré lui entourait la taille et qu'elle portait un vêtement ample sous lequel elle était nue.

Le lieu où elle se trouvait lui était étranger. Il s'agissait d'une chambre simple, dans laquelle se trouvait, face à elle, une petite bibliothèque murale. Sur sa droite, il y avait un fauteuil en velour vert et derrière celui-ci elle distinguait un escalier. Où qu'elle soit, elle se trouvait donc dans une chambre à l'étage. Sur sa gauche, au premier plan, il y avait une table de chevet avec plusieurs choses posées dessus, visiblement à son attention, elle remarqua tout de suite sa baguette et se redressa vivement pour s'en emparer. Ce geste brusque lui fit ressentir l'étendue de ses blessures et que ces dernières n'étaient pas encore totalement guéries. Après s'être installée au mieux, elle avisa au second plan, une fenêtre dont les rideaux étaient à demi ouverts. Il y avait aussi une porte, à gauche de la bibliothèque, qui semblait donner sur une salle de bain.

La jeune femme ne sentait aucune présence à proximité et ne percevait aucun bruit environnant. Elle reporta alors son attention sur la table de chevet et y avisa un mot, un verre et des flacons.

Prenez ceci et faites comme chez vous.

Je serai de retour bientôt.

En cas de besoin appelez "Avry".

Cette écriture penchée lui était familière. L'image de la baguette noire de son sauveur lui revint en tête et la conclusion s'imposa à son esprit : Snape. Severus Snape.

Oui, elle n'avait aucun doute, cette écriture c'était celle de son ancien professeur de potion et la baguette qu'elle avait distinguée avant de perdre connaissance c'était bien la sienne.

— Qu'est-ce que tout cela veut-dire ? murmura doucement Hermione décontenancée.

Elle relu le mot.

— Avry ? appela-t-elle.

Elle sursauta alors que, dans un pop caractéristique, un elfe de maison apparu juste à côté du lit. Elle était presque étonnée de voir apparaître un elfe et non un jeune serviteur humain, « sans-de-bourbe » ou « cracmol », comme c'était la nouvelle mode depuis que Voldemort dominait.

— Avry est à votre disposition Miss, l'informa ce dernier.

Il n'était pas vêtu de haillons mais portait une tunique noire nouée à la taille. Hermione s'aperçu instantanément qu'il était un elfe de maison différent des autres, il y avait quelque chose dans son regard et dans son attitude qui le faisait paraître moins asservit, plus serein que ses congénères.

— Avry ne vous veut aucun mal, Miss.

Hermione avisa qu'elle avait pointé par reflexe sa baguette sur l'elfe.

— Je ne sais pas ni où, ni chez qui je suis, fit-elle froidement tout en conservant sa position.

Sa gorge était sèche et elle avait prononcé ces mots d'une voix rauque. La méfiance était de rigueur car la raison de sa survie et les motivations de celui qui y avait contribué demeurait plus que mystérieuses.

— Sachez qu'Avry ne s'offusque en rien de votre réaction Miss, bien au contraire, Avry comprend votre confusion mais Avry aimerait que Miss sache qu'elle n'a rien à craindre de lui et qu'elle est en sécurité ici.

L'elfe, d'un geste presque élégant, claqua des doigts appelant ainsi à lui le verre qui se trouvait sur la table de nuit puis, dans un nouveau geste, le tendit à Hermione. Il attendait, d'un air compatissant, qu'elle s'en saisisse et la jeune femme capitula face à cette marque d'attention. Elle abaissa sa baguette et s'empara du verre d'eau afin de se désaltérer. Cela lui fit un bien fou, comme si elle ne c'était pas hydratée depuis des jours.

L'elfe s'était reculé et attendait avec déférence.

— Peux-tu me dire qui est ton maître ? interrogea-t-elle.

— Avry le peut, en effet, même si Avry pense que Miss le sait déjà.

Cet elfe semblait capable d'une répartie hors du commun.

— Mon maître est Severus Snape, enchaîna-t-il.

Voilà qui, sans surprise, venait confirmer ses impressions. Severus Snape était bel et bien intervenu en sa faveur et avait tué Barton. C'était logique finalement car seul un mangemort pouvait transplanner en dehors d'une zone de transplannage. Il y avait ça et le fait qu'il ait usé de légilimencie pour atteindre ses pensées et la tranquilliser. Mais pourquoi ?

— Où sommes-nous ? demanda-t-elle cette fois.

— Dans la maison de mon maître, répondit simplement l'elfe.

Dans d'autres circonstances Hermione aurait sourit face à la sincérité et la simplicité de cette réponse.

— Cela semble logique mais je voulais plutôt savoir, où se trouve cette maison, géographiquement parlant ?

— Nous sommes dans le Devon, Miss. Vous n'avez rien à craindre ici. Mon maître considère ce cottage comme son refuge.

«Un refuge...», pensa-t-elle.

— Sais-tu pourquoi ton maître m'a amené ici ? Pour quelle raison il m'a... sauvé ? demanda-t-elle hésitante sur le terme à employer.

— Avry ne peut que supposer Miss. Sans doute était-ce le lieu le plus sûr. Pour le reste, il faudra poser directement la question au maître. Avry a simplement pu constater que la vie de Miss était importante aux yeux de son maître.

Hermione médita en silence cette réponse.

Snape l'avait sauvé, amené ici et non pas auprès de Voldemort et de ses mangemorts, du moins, pas encore. Il avait visiblement besoin d'elle vivante mais encore une fois pourquoi ? Pourquoi était-elle ainsi choyée et non pas à moitié mourante à croupir dans une cellule ? Il n'y avait rien de logique dans tout cela. Après tout, il avait sans vergogne trahit l'ordre et tué Dumbledore. Il était un mangemort, quel serait son intérêt, son but ?

— Le maître sera absent toute la journée. Avry est chargé de veiller sur vous. Voulez-vous qu'Avry ouvre davantage les rideaux ? Ou la fenêtre peut-être ? reprit l'elfe désireux de remplir sa mission.

La fenêtre. Hermione se leva d'un bond et s'y précipita pour découvrir une barrière magique sophistiquée. Il lui serait impossible de s'échapper par là.

— Miss ne peut pas sortir. Miss devrait faire attention sinon ses plaies vont se rouvrir.

Elle prit seulement conscience de la douleur qui se réveillait et de la difficulté de se tenir sur sa jambe gauche. Elle retourna alors s'asseoir au bord du lit.

— Le déjeuner est passé depuis un moment maintenant mais mon maître a préparé du bouillon à votre attention, désirez-vous qu'Avry vous en apporte un bol ?

Hermione était perdue. Elle ne savait que penser. Face à tant d'inconnues, elle jugea que reprendre des forces était une priorité.

— Merci Avry, je vais en prendre un peu mais je voudrais essayer de me lever et de faire un brin de toilette au préalable.

— Comme vous voudrez Miss. Avry vous apportera un bol de bouillon quand vous aurez fini.

— Très bien.

— Vous disposez du nécessaire dans la salle bain Miss mais si vous avez besoin de quoique ce soit Avry est là, fit l'elfe avant de disparaître sans plus de cérémonie.

Hermione saisit les deux flasques sur la table de chevet et en analysa la contenance. Visiblement, la première était une potion de régénération sanguine facilement reconnaissable à sa couleur rouge et à son aspect légèrement visqueux. La seconde, de couleur verte et à l'odeur citronnée, semblait être une potion anti-douleur. Elle décida de n'en prendre aucune pour le moment.

La jeune femme ne pouvait dire avec exactitude combien de temps s'était écoulé depuis sa confrontation avec Barton. Il lui faudrait poser la question à Avry.

Une fois devant le miroir de la salle de bain Hermione remarqua son teint pâle, ses cernes et ses traits fatigués. Elle décida de jeter directement un œil à ses blessures. Sa peau était tuméfiée et bleuie à plusieurs endroits, un important hématome recouvrait son épaule droite mais le plus impressionnant, c'était la cicatrice qui se trouvait sur son flanc gauche ainsi que sa peau craquelée et lisse au niveau de sa jambe là où la chaîne de Barton l'avait lacérée et brûlée. La jeune femme frissonna en y repensant.

Alors qu'elle se rafraîchissait, des bribes de souvenirs lui revinrent en tête, elle se rappelait avoir eu très froid puis très chaud, quelqu'un s'était occupé d'elle, avait épongé son front, murmuré des incantations, lui avait dit de tenir. Tout cela était si perturbant. Elle avait été à sa merci et il avait... prit soin d'elle ?

— Severus Snape, murmura-t-elle, à quoi jouez-vous ?

Lorsqu'elle quitta la salle de bain, vêtue d'un survêtement gris, Hermione se dirigea à nouveau vers la fenêtre qu'elle ouvrit en grand. La barrière magique n'empêchait pas l'air de rentrer, ni d'observer l'extérieur et, la vue était magnifique. Un paysage verdoyant s'étendait sur des kilomètres. C'était le milieu de l'après-midi, une fine brise lui caressa le visage. La vue n'offrait guère de repères reconnaissables à ses yeux.. C'était comme si cette demeure était perdue au milieu de la nature. Ils étaient apparemment totalement coupés du monde. Hermione respira l'air frais à plein poumon mais n'insista pas lorsque la douleur dans son abdomen s'accentua.

Elle longea la bibliothèque et avisa une photo. Elle était vieille et déchirée mais c'était une photo de famille. On y voyait une femme assise dans un fauteuil et celui qui devait être son jeune garçon, se tenant droit à ses côtés, la main sur l'accoudoir. Il avait des cheveux noirs, des yeux noirs et les traits de son visage étaient anguleux. Hermione reconnu Snape enfant et sans doute s'agissait-il de sa mère. Il avait déjà un regard insondable pour son âge.

Hermione se sentait épuisée, physiquement par ses blessures qui la lançait et mentalement de part l'incertitude dans laquelle elle était plongée. Elle pensa à ses compagnons, à leur inquiétude.

Alors qu'elle se dirigeait vers l'escalier, Avry se manifesta. Il tenait en lévitation un plateau contenant le bol de bouillon et un pot de gelée.

— Comme convenu Miss.

L'elfe aida Hermione à s'installer confortablement sur le lit (qui avait été changé entre temps) et lui confia son plateau repas. En voyant la nourriture l'estomac de la jeune femme se manifesta.

— Merci Avry.

— Autre chose Miss ?

— Euh oui. Je me demandais... Peux-tu me dire depuis combien de temps je suis ici ?

— Cela fait six jours aujourd'hui, Miss.

— Autant de temps ! s'exclama-t-elle.

Par Merlin, l'ombre du Phoenix devait être sans dessus-dessous.

— N'y-a-t-il pas un moyen pour moi de faire savoir à mes amis que je vais bien ?

— Avant toute chose, vous devez vous entretenir avec mon maître, Miss, répondit la créature.

La jeune femme se demanda s'il était autorisé et capable d'user de sa magie contre elle au cas où elle poserait des difficultés. La question suivante franchit ses lèvres sans même qu'elle s'en rende compte.

— Ai-je quelque chose à craindre de lui, Avry ?

— Qu'auriez-vous à craindre de la part de celui qui vous a sauvé la vie Miss ? s'étonna ce dernier.

Sa réponse sincère troubla Hermione. L'homme qui l'avait sauvé était pourtant un mangemort qui l'avait détesté et rabaissé pendant toute sa scolarité, qui avait plongé le monde magique dans les ténèbres en tuant Albus Dumbledore et en conduisant Harry Potter à une mort certaine.

HG-SS

Après le repas, la fatigue avait rattrapé la jeune femme qui s'était endormie sans s'en rendre compte. A la suite à cette sieste impromptue, Hermione décida de visiter les lieux et se dirigea vers les escaliers afin de s'aventurer précautionneusement vers le bas.

Le souffle court, des gouttes de sueurs dans le dos, elle arriva dans le salon. Sa jambe meurtrie était encore très faible et les efforts rendaient sa cuisse très douloureuse. Hermione regretta de ne pas avoir prise la potion anti-douleur.

Elle était arrivée dans un grand salon, dont les murs, cette fois encore, étaient recouverts de livres et la bibliothèque qui se trouvait en haut n'était rien en comparaison de celle-ci. C'était plutôt impressionnant et bien malgré elle, la jeune femme trouva ce décor plaisant. Il y avait juste la place pour une cheminée, devant laquelle se trouvait un canapé puis, dans un angle, un fauteuil. C'était simple et cosy, presque chaleureux, autant dire, tout le contraire de l'image qu'elle gardait en mémoire de son ancien professeur et de l'idée qu'elle se faisait du lieu de vie d'un mangemort avéré.

Bien évidemment, la jeune femme avait pris sa baguette et avait tenté plusieurs sorts visant à percer les sortilèges de protection, elle avait aussi tenté de contacter l'extérieur mais le tout sans succès. Comme on pouvait s'y attendre de Snape, des sortilèges de haut niveau empêchait l'intrusion mais aussi l'extraction de toute chose. C'est donc sans trop d'espoir qu'elle testa la porte d'entrée qui se trouvait au bout d'un long corridor. Évidemment, elle resta close. Elle avait sa baguette, était libre de ses mouvements mais bel et bien retenue, contre son gré, dans cette maison.

— Vous ne devriez pas vous agiter ainsi Miss, intervint Avry qui venait de faire son apparition.

Il semblait sincèrement inquiet.

— Ça va, ne t'inquiète pas. Je serai cloîtrée ici longtemps selon toi ? demanda-t-elle en se doutant de la réponse.

— Seul mon maître peut répondre à cette question Miss.

L'elfe avait l'air désolé.

— Désirez-vous qu'Avry vous apporte quelque chose ? Vous semblez un peu pâle...

— Non. Je vais simplement m'asseoir ici quelques instants.

— Avry voudrait que Miss ne force pas trop car Avry n'aimerait pas que Miss souffre à nouveau et que son maître soit inquiet.

« Snape, inquiet pour quelqu'un d'autre que lui même ? Cela ne collait vraiment pas à son image. » pensa la jeune femme.