Note de l'auteur: Bonjour tout le monde, voici le deuxième chapitre de Longue Nuit. On va entrer dans le vif du sujet aujourd'hui, vous allez voir. Ce n'est pas un chapitre très très long, mais j'espère quand même qu'il vous plaira !
Merci énormément pour l'accueil de cette fic, notamment aux personnes qui prennent le temps de me commenter, c'est hyper encourageant et motivant pour moi !
Je réponds ici à la review en guest de Nova : Merci énormément à toi de m'avoir laissé un commentaire ! Comme je le dis, ça me touche que tu aies envie de suivre mon histoire, et merci beaucoup pour tes éloges sur mon écriture ! Tu vas vite voir de quoi il retourne avec ce chapitre-ci, et j'espère que la suite de cette fic te plaira !
Allez, bonne lecture, et n'hésitez pas à me faire des retours si vous le souhaitez !
Chapitre 2 - Hyôga
Tout était allé si vite.
Tout se mélangeait dans sa tête. Les cosmos furieux de Camus et Hyôga, quelques temples au-dessus. Puis, plus rien. Milo avait paniqué, essayé de sonder leurs énergies, plusieurs fois, en vain. Il n'avait reçu que le vide et le silence. Une heure était passée, une heure où il n'avait pu y croire. Puis, la déesse avait fini par apparaître. Dans un cosmos éclatant, puissant, éblouissant, même. Et la compréhension que rien de ce qu'il avait cru jusqu'à ce jour n'avait été vrai. L'imposture avait été dans son camp.
Il avait monté les marches avec la déesse et ses pairs. Tous les autres chevaliers avaient arboré une mine affreuse, de remords ou de fatigue. Ils avaient trouvé quelques cadavres sur le chemin, mais la véritable hécatombe avait commencé après son temple. Du sang partout, des visages sans vie, et Milo avait compris à ce moment-là à quel point il avait eu raison de laisser Hyôga s'en sortir, pour sa propre survie. Et à quel point il avait eu tort, lorsqu'il vit ces deux corps sans vie sous une épaisse couche de givre.
Il n'avait pas pu réagir, il n'avait pas su. Tout simplement parce que ce qu'il vit à ce moment-là n'avait pas eu l'air réel. Le visage bleui par le froid de la seule personne qui avait fait vibrer sa vie lui avait semblé sortir d'un cauchemar. La seule chose qui compta fut le cosmos d'Athéna, et son choc. Un choc assourdissant, comme le silence de la nuit sur le Sanctuaire.
Quelques jours plus tard, Athéna donna une cérémonie pour les chevaliers d'or tombés au combat, ainsi qu'une énorme majorité de chevaliers d'argent décimés par les affrontements fratricides.
Tous les chevaliers encore en vie se tinrent là, en silence, devant la multitude de pierres tombales. La jeune femme égrena des paroles solennelles en mettant en avant leur courage, et leur loyauté malgré les évènements et l'imposture dont tous avaient été victimes. Elle leur souhaita un repos apaisé dans le royaume d'Hadès.
Après les enterrements multiples, les chevaliers d'or prirent l'initiative, à la demande de Mû, de verser leur propre sang pour expier leurs erreurs et renouveler les armures de ceux qui les avaient combattus.
Tous sortirent de cette séance exsangues, fatigués, effondrés, mais ils l'avaient fait. Ils avaient lavé leur honneur.
C'était bien tout ce qu'il leur restait.
Ses coups sifflaient dans l'air. Il frappait le marbre de ses colonnes, de la terre. Il courrait partout. Il enflammait son cosmos, puis refrappait. Un, deux, trois coups d'Aiguille Ecarlate, dans un conifère. Puis il recommençait. Jusqu'à ce qu'il n'ait plus de souffle. Jusqu'à ce que son corps lui supplie d'arrêter. Parfois, même là, il ne s'arrêtait pas, il continuait. Il apprenait lui-même le sens de ses propres paroles, la reddition ou la mort. Et il n'était pas question d'abandonner, de se rendre. Il irait au bout de lui-même, il deviendrait plus fort. Quoi qu'il puisse lui en coûter. Il devait oublier.
C'était le seul moyen pour lui de faire taire ce qu'il avait vu, ainsi que la sourde douleur au fond de lui. Il était le dernier chevalier d'Athéna, gardant le dernier temple avant que l'ennemi ne l'atteigne. Il devait être irréprochable.
Milo se faisait des entraînements personnels à l'écart des maisons pour éviter que les gens ne se posent des questions. Il n'avait pas envie ni de regards ni encore moins de pitié. Du reste, personne ne pouvait comprendre, et personne ne le pourrait. C'était ainsi.
Lui restait sa mission de chevalier d'or, ce pourquoi il était né, et il entendait la mener à bien avec toute l'énergie qu'il pourrait y mettre.
Milo finit par lâcher prise. Il avait les poings en sang à force de taper dans ce tronc d'arbre. Tronc d'arbre qui, somme toute, ne lui avait rien demandé. Camus lui aurait sans doute dit en le voyant qu'il mettait en danger sa santé, mais de là où il était, il ne pourrait plus rien lui dire. Jamais.
Le Scorpion poussa un soupir de rage et il se résigna. Ça ne servirait à rien de continuer pour aujourd'hui.
Milo regagna péniblement son propre temple, d'humeur massacrante. Cela faisait quelques mois qu'il essayait d'atteindre une stase plus puissante encore que le septième sens, mais pour l'instant, à part se mettre au bord de l'inconscience, il n'arrivait à rien, et cela l'énervait.
Peut-être que le combat qui l'avait opposé au Cygne lui avait rappelé la dure réalité. Celle de ne jamais se reposer sur ses acquis, de ne jamais baisser sa garde.
Le Scorpion marcha lentement jusqu'à son évier, et passa ses mains en sang sous l'eau. Le froid lui fit du bien.
Le froid…
Lui faisait-il encore du bien ?
Le froid, c'était le temple du Verseau.
L'image du cadavre de Camus se superposa dans son esprit. Milo poussa un cri de rage et de peur face à la vision. Il n'en pouvait plus de voir ce souvenir. Il le revivait tous les jours depuis la mort de son frère d'armes. La sensation, le souvenir, tout le film s'était inscrit dans son cerveau comme sur une pellicule qui ne voulait pas s'arrêter de tourner.
Le huitième gardien se passa de l'eau sur le visage. Il fallait qu'il se change les idées. N'importe quoi pour pouvoir oublier. Juste une seconde.
Il se dirigea vers sa salle de bain, et sortit une trousse de secours de son armoire à pharmacie. Il en extirpa une bande blanche, qu'il enroula autour des plaies sur ses mains. Ainsi, ce serait plus présentable.
Ce fut à ce moment-là qu'il entendit toquer à la porte de chez lui. Un visiteur inopportun, vu l'humeur dans laquelle il se trouvait. Ce n'était vraiment pas le moment.
Le Scorpion respira un grand coup. Il était hors de question qu'il se montre en état de faiblesse. Même s'il fallait faire semblant, il lui faudrait être un minimum avenant. Il essaya de se recomposer.
Milo fit le vide dans son esprit, et partit de sa salle de bain d'un pas décidé. Il ne voulait pas faire attendre la personne qui avait frappé, cela ne ferait que déclencher des questions supplémentaires.
La porte qu'il ouvrit lui révéla Hyôga. Le chevalier du Cygne avait un air appréhensif sur le visage. Le jeune chevalier de bronze, sans son armure et sous cet angle, lui sembla bien plus frêle.
« Bonjour, Milo, le salua-t-il poliment.
- Bonjour, Hyôga », s'entendit prononcer le Scorpion.
Un ange passa. Le Cygne avait l'air de ne pas être complètement sûr de s'il devait se trouver là. Plutôt étrange de la part d'une personne qui l'avait si farouchement combattu à cet endroit même.
« Que me vaut l'honneur ? s'enquit un Milo qui n'avait pas envie d'attendre trente ans que le jeune homme ne se décide à parler.
- Je suis là pour te remercier, pour mon armure, lui répondit avec hésitation le jeune homme. Tu as donné ton sang pour la réparer, et elle est tellement puissante, maintenant.
- C'est la moindre des choses, éluda Milo avec un geste de la main. Du reste, c'est surtout Mû qui en est responsable. Il fait un travail impressionnant.
- Je lui suis reconnaissant, mais c'est grâce à toi si mon armure est aussi belle, réfuta un Hyôga sûr de lui. En tant que chevalier, c'était important pour moi de te dire merci.
- Bah… de rien », fit Milo en se grattant la tête, gêné.
Il y eut encore un silence entre eux. Hyôga continua de fixer Milo de ses yeux clairs.
« C'est tout ce que tu voulais me dire ? s'enquit le chevalier d'or face au silence étrange de son cadet.
- Non, l'informa le Cygne. Pour tout dire, je me demandais si ça ne te dérangerait pas de discuter un peu.
- Discuter ? répéta Milo, surpris. De quoi ?
- Est-ce que je pourrais entrer ? » fit Hyôga d'une voix suppliante.
L'hôte des lieux haussa les sourcils mais s'effaça sans rien dire. Hyôga comprit l'invitation muette et s'avança dans les appartements du chevalier d'or.
Le russe regarda avec attention comment étaient faits les lieux, ébahi. Peu de chevaliers avaient le privilège de poser les yeux sur la vie privée des ors. Sur le Sanctuaire, ils étaient quasiment perçus comme des divinités. Et personne ne soupçonnerait des zones d'habitation si confortables dans des temples faits essentiellement de colonnades en marbres et d'autels à la gloire d'Athéna.
« Tu peux t'assoir, si tu veux, l'invita Milo en s'installant dans l'un de ses fauteuils.
- Merci », fit le jeune russe en se plaçant dans le canapé face à lui.
Hyôga avait l'air impressionné. Son maître avait dû l'éduquer au plus grand respect de ses supérieurs, et en tant que chevalier d'or, Milo méritait la plus grande déférence. Sans compter qu'il était un guerrier redoutable. Le Cygne se l'était vu personnellement démontrer.
« Je t'écoute », l'invita posément un Scorpion qui ne savait pas trop à quoi s'en tenir.
Maintenant que Milo avait le loisir d'observer le chevalier du Cygne dans la vie quotidienne, il trouvait avec effroi que son attitude reflétait inconsciemment celle de son maître. Peut-être dans sa manière de se tenir, ou dans son expression, il n'en était pas sûr. Mais le russe avait conservé une partie de ce qu'était Camus jusque dans sa manière d'être. Cela déchirait intérieurement le grec de noter si vite ce genre de détails. Tout lui parut si familier, mais si étranger à la fois.
« Je suis venu pour te remercier, c'est vrai, déclara Hyôga. Mais… Même si je ne suis pas sûr de ce que je veux vraiment t'en dire, je voulais aussi te parler de maître Camus. »
Milo ne laissa rien passer sur son visage. Il se contenta d'attendre la suite. Cette conversation, il s'était douté qu'elle allait finir par arriver un jour ou l'autre.
« J'ai cru comprendre, que… vous étiez amis, tous les deux, c'est bien ça ? » s'avança Hyôga avec prudence.
On sentait parfaitement que le Cygne n'était pas très sûr d'où il mettait les pieds.
Milo n'aurait pu avoir les mots pour résumer la relation qu'il avait pu entretenir avec Camus. Il lui avait toujours semblé qu'ils étaient comme les deux faces d'une même pièce. Le Verseau avait été un frère d'armes, un ami d'enfance, un amant… Son univers. Un univers entier qui avait fini par s'écrouler d'un seul coup. Dire qu'ils avaient été amis… C'était vrai, et tellement loin de la réalité à la fois.
« En effet, fut tout ce que le Scorpion trouva à répondre.
- Dans ce cas, je ne sais pas si tu l'accepteras venant de moi, mais je voulais t'offrir mes condoléances », continua Hyôga avec de la tristesse dans la voix.
Si c'était vrai que Milo s'était douté que cette conversation avec Hyôga allait finir par arriver, il n'aurait pu se préparer à la violence des pensées et des sentiments qui se bousculèrent dans sa tête à ce moment précis.
Que Hyôga, qui avait tué la personne la plus chère à son existence, vienne jusque chez lui pour le remercier et lui offrir sa compassion quant à sa tristesse, cela relevait de l'absurde. Comment était-il censé réagir à ça ? Que penser d'un tueur qui regrettait son acte ? Hyôga était-il seulement vraiment responsable de ce qu'il s'était passé ? Devait-il se mettre en rogne et lui demander de ne pas mettre du sel sur une plaie à vif ? Ou devait-il accepter ses condoléances sans broncher ?
Il ressentait tellement de choses contradictoires concernant Hyôga, qu'il avait l'impression qu'il allait exploser.
Les paroles restèrent bloquées dans la gorge. Il ne savait pas s'il devait le remercier poliment pour sa sollicitude ou le renvoyer de son temple à coup d'Aiguilles Ecarlates bien placées.
« Je comprendrais que tu n'aies pas envie d'entendre ça de ma part, après ce que j'ai fait, s'amenda le Cygne. C'est peut-être indélicat, mais étant donné que je ne suis pas le seul touché par sa disparition, je me suis dit que je devais au moins t'en dire un mot. »
La sollicitude de Hyôga ne réparerait pas ce qu'il s'était passé, et ne lui ramènerait pas Camus.
« Je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre vous, finit par déclarer Milo en contenant sa peine. Tu as fait ce que tu as pu pour protéger la déesse, et nous étions tous dans l'erreur. C'est malheureux mais on ne pourra plus changer ce qu'il s'est passé.
- J'aurais aimé l'éviter, mais je n'ai pas eu d'autre choix qu'affronter mon maître, lui révéla la voix chagrine du russe. Il m'a enseigné les dernières choses qu'il savait pendant son dernier combat. »
Cela, Milo n'en doutait pas. Il savait que Camus, malgré sa volonté de fer de servir Athéna, avait sans doute voulu former son disciple jusqu'à la fin. Et cela lui avait coûté sa propre vie.
« Nous avons tous les deux perdu une personne chère, compléta Hyôga. Toi un ami, moi, le maître qui m'a enseigné tout ce que je sais. Je ne sais pas si tu pourras me pardonner, mais je me suis dit que peut-être nous pourrions nous épauler devant cette perte. »
Milo ferma les yeux un instant. Cela faisait beaucoup de choses d'un seul coup, mais Hyôga avait raison sur un point. Même si Camus avait représenté deux choses différentes pour eux, ils étaient unis dans leur peine. Et lui-même, il avait déjà commencé le travail en acceptant de donner son sang pour réparer son armure.
Il n'y avait même pas réfléchi à deux fois. Il avait su à ce moment-là que cela avait été la bonne chose à faire. Comme si quelque part, il s'était dit que c'était son devoir, en raison de toute l'affection qu'il vouait à Camus, de veiller symboliquement sur son disciple.
« Ce n'est pas mon pardon que tu devrais obtenir, prononça sagement mais tristement Milo. Pardonne-toi déjà à toi-même, ce sera pas mal. J'ai du respect pour toi en tant qu'adversaire, et maintenant que Camus n'est plus là, je ne pourrais jamais te tourner le dos, ce serait insulter sa mémoire. »
Du reste, se dit-il, son pardon ne concernait que lui-même. Hyôga eut l'air touché par ses mots, puisqu'il lui fit un sourire.
« Merci, Milo. Ces mots sont importants pour moi. Tu es vraiment un grand chevalier, et j'ai beaucoup à apprendre encore. »
Puis il lui tendit une main et le regarda droit dans les yeux, plus sûr de lui.
« Tu étais un ami de mon maître, et en tant que tel, j'aimerais apprendre à te connaître, si tu en avais envie aussi. Peut-être que nous pourrions essayer de devenir amis. »
Milo ne répondit rien. Il se contenta de serrer la main du jeune chevalier de bronze face à lui.
« Faisons honneur à la mémoire de ton maître » prononça le Scorpion sur un ton solennel.
Hyôga fit un maigre sourire, visiblement heureux de la tournure des évènements. Peut-être même soulagé que ça n'ait pas mal tourné. Cela aurait amusé le Scorpion en d'autres circonstances, mais il n'avait pas vraiment le cœur à rire. Le monde lui semblait éteint depuis que le Verseau en était parti.
Le russe était tout ce qu'il lui restait de Camus, et peut-être qu'il fallait qu'il l'accepte ainsi.
Le gardien des lieux finit par se lever de son siège et avec un sourire conciliant, il prit un ton plus décontracté.
« Alors, qu'est-ce que je nous sers pour trinquer à notre amitié ? »
Le sourire de Hyôga se fit plus franc.
« Un chocolat chaud.
- Va pour un chocolat chaud, alors. »
Dans les semaines qui suivirent, Hyôga rendit visite à Milo de temps en temps. Comme il l'avait annoncé, ils apprirent à se connaître davantage.
Et lorsqu'ils s'en sentirent la force tous les deux, ils allèrent ensemble déposer des fleurs sur la tombe de Camus du Verseau.
