Résumé du chapitre précédent :

Pendant ses quelques semaines de congés entre ses ASPIC et le début de ses études à Ste-Mangouste, la disparition des runes sur le crâne de Draco commence à se faire ressentir, et la présence envahissante de Potter devient difficile à supporter. Draco passe un été mitigé, entre la joie simple de passer du temps avec Teddy, la rage de ce que ses parents lui ont fait, l'inquiétude au sujet des manigances de son père et un débordement d'hormones qui semble rendre Potter irrésistible.

Lors d'une balade avec Andromeda, Draco vide son sac au sujet de sa famille et de son angoisse pour l'avenir. La discussion le rapproche grandement de sa tante, assez pour qu'il lui confie penser être gay.

/

Dire ce qu'il avait sur le cœur, même dans le confort de sa propre tête, n'était pas quelque chose que Draco avait souvent fait dans sa vie, si bien qu'il fut surpris par la clarté de son esprit les jours suivants sa discussion avec Andromeda. Rien n'était réglé, ses angoisses étaient toujours présentes, mais il se sentait mieux, plus détendu, et même Potter lui semblait plus facile à gérer.

C'est pourquoi il se permit de le pousser brutalement pour le faire dévier de sa trajectoire alors qu'il s'apprêtait à fermer le poing sur le vif d'or qu'ils avaient lâché dans le jardin.

« Draco ! » S'égosilla Andromeda en-dessous d'eux alors que Potter éclatait de rire en stabilisant son balai.

Il ricana, reprenant de l'allure à la poursuite de la balle. Le vent s'engouffrait désagréablement dans son T-shirt, le faisant claquer dans son dos, mais la sensation de vitesse était grisante. Il fit un virage serré autour de la maison, et comprit en voyant son ombre sur la pelouse que Potter était déjà sur ses talons.

« Ça va se payer, Malfoy ! » Entendit-il au-delà du rugissement du vent. Il ne répondit pas malgré son sourire, trop concentré sur le vif d'or. Il perdit rapidement de l'altitude, frôlant l'herbe à sa poursuite, mais fut forcé de décrire un grand arc-de-cercle autour de Teddy et Andromeda pour ne pas les approcher de trop près à cette vitesse alors que la balle filait derrière eux.

Son cousin hurla une série de syllabes et Draco put entendre Potter rire derrière lui avant qu'il ne soit soudainement à ses côtés, l'épaule contre la sienne. Il poussa un peu plus fort son balai, l'œil fixé sur le vif d'or.

« Ce terrain est trop petit ! » Râla Potter d'une voix forte. Ils étaient sans arrêt en train de tourner en en rencontrant les limites, et Draco commençait effectivement à avoir la tête qui tournait.

La balle volante changea brutalement de trajectoire, les forçant à freiner en faisant un demi-tour serré pour ne pas la perdre de vue. Potter repartit à toute vitesse dans une bouffée de magie qui lui tapissa les poumons et lui donna la chair de poule alors qu'il le talonnait. Se fustigeant intérieurement pour son manque de concentration, il plissa les yeux derrière ses lunettes, ignorant difficilement le dos hâlé et musclé et l'épaisse cicatrice d'un Difindo sur la hanche de Potter qu'il pouvait voir sous son T-shirt soulevé par le vent.

Il se focalisa sur le vif d'or, qui sembla hésiter un instant avant de filer vers la droite. Mieux positionné, Draco le prit en chasse, Potter perdant de précieuses secondes pour tenter de le contourner.

Alors qu'ils atteignaient presque la barrière de chênes et de sapins qui entourait le jardin, Draco tendit la main en avant, les doigts à quelques centimètres du vif d'or. Potter l'imita, son balai presque collé au sien, mais ses bras étaient légèrement plus courts et ce fut Draco qui referma son poing sur la balle avec un cri victorieux, filant vers le ciel en formant de larges boucles.

Il avait mis sept ans, mais il avait enfin battu Potter.

/

Le matin du trente-et-un juillet, Draco passa quelques interminables minutes à imaginer Flitwick nu pour se débarrasser de son érection et se dépêcha de se préparer pour quitter la maison endormie et transplaner au Chemin de Traverse.

Il avait longtemps débattu avec lui-même sur la nécessité d'offrir un cadeau à Potter, mais était arrivé à la conclusion que même s'il n'avait eu aucune autre motivation, la courtoisie l'y obligeait. Était ensuite venue l'agonie pour trouver quoi offrir, qu'il avait éliminée en se disant que si Potter estimait que de la nourriture était convenable comme cadeau pour lui, il pouvait lui rendre la pareille sans risque.

Étant hors de question qu'il cuisine et prenne le risque de s'humilier, il avait donc décidé d'acheter son cadeau. Potter n'était vraisemblablement pas difficile, puisqu'il était capable d'engloutir une assiette de tripes sans vomir sous l'œil nauséeux de Draco. Il engloutissait d'ailleurs n'importe quoi tant que c'était dans son assiette, comme un Eruptif affamé.

Il se retrouva donc derrière le Chaudron Baveur pour la première fois depuis son dernier jour à Poudlard. Reprenant ses marques après son apparition, Draco vit avec horreur Londubat en uniforme discuter avec Hannah Abbott derrière le comptoir de l'auberge, et il tourna les talons pour faire rapidement s'ouvrir le mur menant au quartier sorcier quasi désert.

Alors qu'il marchait d'un pas rapide vers la boutique de Fortarôme, il se sentit exposé, presque en danger, tant il s'était enfoncé dans la sécurité de la maison d'Andromeda. Le conseil de Potter d'éviter son père n'avait de cesse de résonner dans son esprit, mais il était inquiet à chaque fois qu'il croisait un autre sorcier pour d'autres raisons.

Malgré la difficulté, il avait pris l'habitude de croiser des regards haineux dans les couloirs de Poudlard. Personne ne s'en serait pris à lui sans craindre l'intervention d'un professeur, mais ici, dans le plus grand quartier sorcier de Grande-Bretagne, il se sentait véritablement à la merci du courroux légitime de ses pairs. Et il n'était pas certain que le Ministère intercéderait en sa faveur. Surtout avec Potter en congé. Personne à part lui, probablement, n'aurait l'idée de le défendre.

La porte de la boutique de Fortarôme étant fermée, Draco regarda sa montre, puis toqua à la vitrine malgré ses dix minutes d'avance. Il garda un œil sur les alentours en patientant, et croisa le regard suspicieux d'une vieille sorcière au chapeau de tricot violet. Il détourna le regard et toqua à nouveau.

« J'arrive, j'arrive... » Souffla la voix du propriétaire, qui lui ouvrit la porte avec une mine fatiguée. « Déjà là, Monsieur Malfoy ? » Grogna-t-il.

« Désolé j'ai... Peut-être la montre qui avance. » S'excusa-t-il maladroitement.

Florian Fortarôme roula des yeux mais le laissa entrer et il le suivit jusqu'à son comptoir d'où il extirpa sa commande.

« C'était intéressant à fabriquer. Ma femme a beaucoup aimé. Un peu trop d'ailleurs. C'est un peu ... gras. »

Bien sûr que c'était gras, c'était des beignets. Plutôt que d'afficher la moue condescendante qui s'apprêtait à inonder son visage, Draco força un sourire poli et déposa la somme convenue sur le comptoir. Il laissa le glacier compter puis embarqua la boîte emballée.

« Je peux transplaner d'ici ? » Demanda-t-il.

« Heu ... Si vous voulez. » S'étonna Fortarôme.

« Merci. Au revoir. » Il n'attendit pas sa réponse et disparut.

/

Draco monta le son de sa radio pour contrer le brouhaha provenant du rez-de-chaussée, au moment où l'équipe de Quiddich de Dublin marquait contre celle de Brighton. La voix excitée de la commentatrice fit siffler ses oreilles et il baissa à nouveau le volume avec une grimace.

La maison d'Andromeda était envahie par une partie de l'Armée de Dumbledore, et il avait fui sitôt Granger et Weasley arrivés. La fin d'après-midi était belle et il avait envie d'aller voler, mais il préférait faire oublier sa présence aux invités de Potter malgré l'insistante invitation de celui-ci.

Draco avait failli accepter, après l'expression orgasmique qu'il avait affiché en mangeant ses beignets ce matin, mais il avait eu la sagesse d'attendre que ses mots traversent le brouillard dans son cerveau pour répondre.

Quelqu'un frappa à la porte, et, s'attendant à voir Andromeda, il l'informa qu'elle pouvait entrer. Potter ouvrit à la place, une Bièrobeurre dans une main et celle d'Edward dans l'autre.

« Dadaa ! » S'écria son cousin alors que Draco se redressait précipitamment dans son lit pour s'asseoir.

« Il voulait te voir. » Le renseigna Potter pendant que le bébé tentait de grimper sur le matelas. Draco se pencha pour le soulever et le déposa sur les draps devant lui. « Tu es sûr que tu ne veux pas descendre ? »

Quelque chose de douloureux se tordit dans son ventre, enflammant son irritation.

« Non Potter, je n'ai pas envie de participer à ta petite fête. » Dit-il entre ses dents, refusant de regarder dans sa direction.

Teddy grimpa sur ses jambes et attrapa sa chemise pour un câlin, et il l'enlaça en sentant sa colère se muer en tristesse.

Il entendit Potter soupirer. Draco releva les yeux pour le voir poser la Bièrobeurre sur son bureau avant de retourner à la porte. Mais au lieu de quitter la pièce, il la ferma et s'appuya dessus, les mains dans le dos.

« Qu'est-ce que tu fais ? » Grogna Draco en serrant Edward contre lui, affichant sa colère pour masquer son angoisse de se retrouver bloqué dans sa chambre.

« Est-ce que tu peux arrêter de faire ça ? » Demanda Potter avec les yeux étrécis derrière ses lunettes. « Souffler le chaud et le froid, donner l'impression qu'on est amis puis aller te planquer avec un air assassin. »

Draco coinça sa langue entre ses dents pour empêcher le flot acide qui menaçait de quitter sa bouche, alimenté par sa panique d'être ainsi confronté dans un espace clos et par le tranchant criant de vérité des mots de Potter. Il força de l'air à entrer par son nez en de brèves inspirations, relâchant les traits de visage, avant de baisser les yeux vers Edward qui essayait de s'échapper.

Il le libéra de sa poigne et rangea sa baguette dans sa manche pour qu'il ne puisse pas y toucher, cherchant les mots pour faire comprendre à Potter pourquoi l'idée de participer à sa petite fête le révoltait et pour le faire quitter sa chambre le plus vite possible.

« Je n'ai pas envie d'être le Mangemort au milieu de l'Armée de Dumbledore. » Admit-il finalement en relevant un regard dur vers lui.

Potter le fixa un instant, puis s'avachit contre la porte, levant une main pour retirer ses lunettes et une autre pour frotter ses yeux.

« Il n'y a personne dans la maison qui pense ça de toi. »

« Ne te fous pas de ma gueule, Potter. » Siffla Draco, ses mots lui échappant malgré la présence de Teddy qui attrapait les parchemins de Médicomagie qui traînaient au bout de son lit.

« Je suis sérieux. » Gronda le Survivant en se redressant pour se décoller de la porte, les mains de part et d'autre de ses cuisses. « Ron, Neville et Susan savent aussi bien que moi comment tu as été poussé là-dedans. Hermione a été la première à accepter de comprendre pourquoi je te laissais venir voir Teddy alors qu'elle ne sait pas la moitié de ce que je sais. » Il déglutit, la colère quittant son visage aussi vite qu'elle y était arrivée. « Et Luna ... C'est Luna. »

Draco posa une main sur ses sourcils, l'esprit tourbillonnant à la recherche d'excuses pour échapper à cette humiliante discussion. Leur pitié lui paraissait encore pire que leur haine. Potter avait réussi l'exploit de lui donner encore moins envie de descendre.

« S'il-te-plaît. » Plaida celui-ci. Draco baissa la main pour le regarder alors que Dublin marquait à nouveau dans un tonnerre d'applaudissements. « Je voulais fêter mon anniversaire ici pour que tu puisses venir. » Ajouta-t-il d'une voix plus forte pour s'élever au-dessus du bruit.

Draco le dévisagea, mais Potter avait les yeux rivés vers sa radio alors qu'il repositionnait ses lunettes sur son nez. Il avait une telle envie de l'envoyer bouler et de lui cracher qu'il aurait peut-être dû vérifier avant s'il voulait participer à sa mascarade. Il avait mal. Mal de comprendre qu'il avait restreint ses invitations à ce petit groupe parce que le reste de son entourage le détestait assez pour ne pas vouloir mettre les pieds dans la même maison que lui. Il ne méritait pas un tel effort. Il avait envie d'être furieux mais les nœuds dans son estomac et la boule dans sa gorge étouffaient les flammes de sa colère.

« Ginny n'est pas là ? » Demanda-t-il avec malaise, le souvenir de ses regards haineux en cours et dans la Grande Salle s'imposant à son esprit.

Potter grimaça puis le regarda à nouveau.

« Non. »

Draco serra les dents, puis soupira en capitulant.

/

Portant Edward avec la désagréable impression de s'en servir comme d'un bouclier, Draco força ses jambes à passer l'encadrement de la porte du salon et son regard à soutenir ceux qui se tournèrent vers lui à son arrivée.

« Draco ! » S'exclama Lovegood alors que les conversations s'éteignaient. « Qu'est-ce que tu penses que sera ma forme Animagus ? » Dit-elle en guise de salutation.

Surpris, il arrêta de marcher en la regardant, et Potter le percuta avec une exclamation étouffée. Un nuage de son odeur enveloppa Draco qui se remit en route pour y échapper. Il s'assit sur une chaise vacante près de la cheminée, entre Andromeda dans le canapé et Londubat sur le tapis.

« Un ornithorynque. » Répondit-il, donnant le nom de l'animal le plus ridicule auquel il puisse penser, ne la connaissant pas assez pour avoir une idée plus sérieuse.

Lovegood haussa les sourcils avec excitation pendant que Weasley toussait sa Bièrobeurre en riant.

« Ça serait merveilleux. »

« Mieux qu'un hippocampe ? » Demanda Bones à la Serdaigle, qui hocha pensivement la tête.

« Certainement. »

Draco aida Edward à quitter ses genoux en le posant sur le tapis, laissant la conversation reprendre sans plus intervenir. Potter déposa sa Bièrobeurre devant lui sur la table basse puis reprit sa place sur le canapé à côté d'Andromeda.

Celle-ci adressa un petit sourire à Draco, qui essaya de lui répondre mais ne sut que soulever un côté de sa bouche. Il laissa son esprit errer pour échapper à son malaise, gardant un œil sur son cousin qui essayait d'attraper tout ce qui se trouvait sur la table au point qu'ils furent obligés de faire léviter leurs bouteilles pour éviter les accidents.

Il comprit des échanges que Lovegood avait commencé le processus qui lui permettrait de devenir un Animagus au cours de l'année scolaire, et attendait qu'un orage éclate pour pouvoir poursuivre. Potter semblait passionné par le sujet et lui posait question sur question comme s'il envisageait lui-aussi de s'y mettre.

« Tu penses que tu serais un cerf comme ton père ? » Demanda Weasley, lui faisant écarquiller les yeux. Il n'avait jamais entendu parler du fait que James Potter avait été un Animagus.

Assis en tailleur sur le canapé, son fils posa son menton sur sa main avec un air songeur.

« Je doute que la forme animale soit héréditaire. Mais ça m'est un peu égal, tant que je ne me transforme pas en truite. » Réfléchit-il, faisant rire l'assistance.

« Vu ton affinité avec les airs, je vois plutôt un oiseau. » Nota Granger, enfoncée dans son fauteuil avec Weasley par terre à ses pieds. Draco sirota sa Bièrobeurre en imaginant Potter se transformer en canard.

Il profita de l'heure avançant pour s'exiler dans la cuisine et faire manger Edward mais fut rejoint par Granger après quelques minutes, ayant tout juste eu le temps de déposer une assiette devant son cousin.

« Je peux ? » Demanda-t-elle. « Je ne le vois jamais. »

« Il mange tout seul. » Informa-t-il en désignant Teddy qui avait déjà attrapé un morceau de courgette et faisait passer ses cheveux du rouge au vert.

« Avec les doigts ? » S'étonna Granger en s'installant en face de Draco, de l'autre côté du petit garçon.

« Gette. » Déclara Teddy en lui tendant le légume avec un sourire.

« Courgette, oui. » Lui dit-il doucement, la présence de Granger le mettant trop mal à l'aise pour féliciter convenablement son cousin. « C'est pour toi, tu peux la manger. » Ajouta-t-il, avant de tourner les yeux vers la sorcière qui le regardait avec un petit sourire. « Il en met plus par terre que dans sa bouche avec une fourchette. » Fit-il ensuite pour répondre à sa question.

Granger le quitta des yeux pour observer Teddy en souriant, l'air plus décontractée que ce qu'il avait pu voir à Poudlard. Elle avait eu une année au moins aussi chargée que lui, même si elle n'avait pas eu à subir le même isolement ni les murmures sur son passage. Il s'interrogea sur la pression qu'elle s'était mise alors qu'elle n'avait vraisemblablement pas grand-chose à prouver. Toutes les entreprises sorcières et le Ministère allaient probablement s'arracher le dernier membre disponible du trio Potter.

Teddy tendit un bâton de carotte cuite à Granger, qui l'attrapa en le remerciant. Elle le mit dans sa bouche sous le rire ravi du bébé qui tenta de lui en donner un autre.

« Non merci, c'est très gentil de partager, mais le reste est pour toi. » Lui dit-elle gentiment.

Ils observèrent Teddy manger, Draco s'évertuant à ne pas gigoter nerveusement sur sa chaise, le bruit des rires et des conversations dans le salon remplissant le silence entre eux.

« Harry m'a dit que tu avais été pris à Ste-Mangouste. » Dit-elle soudainement, le forçant à la regarder à nouveau. « Félicitations. » Sourit-elle.

« Merci. » Répondit-il avec malaise. Il ne méritait pas sa bienveillance et elle lui donnait envie de fuir par les escaliers. Il tint bon, ne serait-ce que pour garder un œil sur Teddy. « Qu'est-ce que tu vas faire ? » Demanda-t-il pour détourner la conversation de lui-même.

« Je vais suivre le cursus du Ministère pour entrer au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques. »

Draco la fixa sans comprendre. Elle pouvait faire tout ce qu'elle voulait, et elle allait s'enterrer dans le département le plus chiant du Ministère ?

« Pourquoi ? » Laissa-t-il échapper d'un ton perplexe.

Granger eut un sourire crispé, et détourna le regard pour observer Edward.

« Je veux améliorer les droits des Elfes de Maison. » Dit-elle à voix basse.

Draco cligna des yeux puis se mordit doucement la langue pour ne pas rire ou pire, la traiter d'idiote. Croyait-elle que les familles sorcières qui en avaient à leur service allaient la laisser faire, meilleure amie de Potter ou pas ? Les Elfes eux-mêmes étaient terrifiés à l'idée de se retrouver libres. Qu'espérait-elle accomplir ?

Il s'éclaircit la gorge puis lui souhaita bon courage. Ce n'était pas une conversation qu'il avait envie de mener.

/

Août 1999

C'était idiot, mais son premier jour de cours à Ste-Mangouste n'était que la seconde fois qu'il mettait les pieds à l'hôpital. Lors des rares occasions où il avait eu besoin de consulter un Médicomage dans sa vie, ses parents avaient toujours fait appel à un Guérisseur privé, un vieux sorcier à la barbe grisonnante qui l'avait ausculté comme s'il était un bout de viande avariée et qui ne répondait jamais à ses questions.

S'il était au courant pour le cercle runique, son comportement vis-à-vis de lui et le désintérêt de son père pour son légitime outrage avait finalement du sens.

Le changement d'environnement était effrayant. Il n'avait vraiment connu que le Manoir et Poudlard dans sa vie, et n'avait jamais eu besoin de s'adapter à un nouveau lieu. Et Draco n'était pas une personne particulièrement friande du changement. Surtout dans des conditions potentiellement hostiles.

Il pouvait presque sentir le regard de Corner, assis derrière lui, sur sa nuque. Comme s'il tentait d'y percer un trou avec l'énergie de sa haine.

A sa gauche était installée Hannah Abbott, qui l'avait salué d'un étroit sourire et d'un hochement de tête lorsqu'ils étaient entrés dans la classe. Et derrière l'ancienne Poufsouffle et à côté de Corner se trouvait le quatrième et dernier membre de leur minuscule promotion, un Français tout droit sorti de Beauxbâtons du nom de Lazare des Courrières.

Devant eux, debout sur l'estrade où se trouvait un bureau et un simple tableau noir pivotant, le Directeur de Ste-Mangouste, le Guérisseur Ilan Malcom, leur faisait grâce de sa présence avec un discours très strict sur le règlement de l'hôpital. Il parlait néanmoins comme s'il récitait un poème ennuyeux et tellement répété que les phrases avaient perdu de leur sens, ce qui rendait le tout assez difficile à suivre.

Heureusement, ce qu'il disait était inscrit mot pour mot sur un long parchemin sous les yeux de Draco.

« Pour conclure. » Déclara finalement le directeur d'une voix profonde et d'un ton d'avertissement. « Même si vous n'êtes que des étudiants, nous attendons de vous confidentialité, professionnalisme, ponctualité, assiduité, perfectionnisme. Le fait d'être des élèves ne vous dédouane pas des responsabilités des Guérisseurs titulaires. Vous n'êtes pas qu'à l'école, vous êtes sur un lieu de travail où une mauvaise décision peut être la différence entre la vie et la mort d'un patient. Est-ce bien clair, Monsieur Malfoy ? » Termina-t-il avec irritation, le faisant vivement lever les yeux vers lui.

« Oui. » Prononça-t-il malgré sa soudaine panique d'avoir été ainsi isolé. Avait-il donné l'impression de ne pas suivre ? Ou était-ce un avertissement considérant son palmarès à Poudlard ? « C'est clair. Guérisseur Malcom. » Ajouta-t-il de façon un peu saccadée.

Le directeur étrécit les yeux dans sa direction mais se désintéressa ensuite de lui.

« Bien. Bonne chance à tous. » Lâcha-t-il avant de descendre de l'estrade et de quitter leur salle de classe sans plus de cérémonie.

/

Les premières semaines de cours filèrent sans guère laisser le temps à Draco de souffler, ni même de vraiment voir le temps passer. Il passait ses journées enfermé dans les sous-sols de Ste-Mangouste à absorber des quantités considérables d'informations sur le corps sorcier sain, à étudier la biologie, la microbiologie, l'Arithmencie avancée appliquée à la Médicomagie, le mécanisme d'absorption des potions et les connexions et flux du noyau magique, le tout sans jamais utiliser sa baguette.

Malgré son entraînement en ayant suivi neuf matières à Poudlard, Draco avait terriblement mal au poignet, et ce n'était qu'à force d'écrire. Rien d'autre. Il s'endormait à peine la tête sur l'oreiller, de toute façon.

Mais rentrer tous les jours chez Andromeda était incroyablement confortable. Certes, ses journées étaient dures, mais passer la porte d'entrée et voir Teddy se jeter sur ses jambes pour l'accueillir était tellement réconfortant. Merlin, qu'il aurait été bien s'il avait pu vivre cela tous les jours lorsqu'il était à Poudlard. Terminée l'angoisse de ne pas avoir accès à son dortoir. De devoir dîner au milieu de ses camarades de classe. Même si sa promotion actuelle était loin d'être amicale, il ne se sentait plus isolé. Il avait Edward et Andromeda. Et… Potter.

« Vous n'avez pas de devoirs à faire ? » S'étonna celui-ci en coupant ses spaghettis.

Draco se teint à sa fourchette en s'empêchant de commenter cette ignominie.

« Non, pas pour l'instant. » Répondit-il en se réintéressant à son assiette. « Mais ça ne saurait tarder. »

Il n'avait pas hâte. Le rythme était déjà extrêmement soutenu et il arrivait à peine à relire ses cours du jour avant de s'effondrer le soir. Il espérait que les leçons seraient un peu moins denses lorsqu'arriverait le moment où il devrait produire des papiers sur ses différentes matières.

« Vous en aurez certainement lorsque vous commencerez vos rondes. » Nota Andromeda de son côté de la table. « Ah, c'est un peu étrange de t'imaginer à la place de ces petits étudiants aux yeux écarquillés qui trainent partout dans l'hôpital. » Sourit-elle. « Je suis triste de ne pas être là pour voir ça. »

Draco eut un sourire hésitant. Il aurait certainement été un confort pour lui de savoir sa tante parmi les Guérisseurs à talonner pendant ses rondes. Mais il attendait tout de même le moment où ils seraient autorisés à circuler dans Ste-Mangouste avec anticipation. Ils ne pourraient effectuer aucun geste Médicomagique avant leur deuxième année, mais voir en pratique tout ce qu'ils étudiaient l'intéressait énormément. Même si ça signifiait qu'il allait être confronté aux regards de patients sur sa personne.

« Est-ce que vous donniez des cours ? » Lui demanda-t-il après avoir terminé sa bouchée de spaghettis.

« Je l'ai parfois fait en remplacement du Guérisseur McLaggan et du Guérisseur Denver, oui. Mais jamais pour les Première-Années. Je suis trop spécialisée. » Expliqua-t-elle.

Andromeda avait été Médicomage au service de pathologie des sortilèges où les Guérisseurs concentraient leur expertise sur les contre-malédictions, la levée d'enchantements et le traitement des atteintes de sortilèges au corps des sorciers. C'était le plus gros service de l'hôpital et celui qui semblait le plus intéressant aux yeux novices de Draco.

« J'aime bien le Guérisseur Denver. » Intervint Potter en essuyant sa bouche avec sa serviette, et Draco vit avec surprise que son assiette était déjà vide. Il le regarda du coin de l'œil s'appuyer contre le dossier de sa chaise en croisant les bras, ce qui mettait un peu trop en avant ses biceps et ses pectoraux pour son confort.

« Pourquoi ne suis-je pas surprise. » S'amusa Andromeda. « C'est le plus Poufsouffle des Poufsouffles de Ste-Mangouste. Impossible à détester. »

Le Guérisseur avait fait partie de ceux étant intervenus pendant leurs cours et lui avait semblé être un homme aimable et bienveillant mais sans guère de relief. Draco avait néanmoins été bien trop concentré sur sa leçon pour réellement s'intéresser au sorcier en particulier.

Le Guérisseur McLaggan, le responsable du service de Pathologie des Sortilèges, lui avait fait une plus forte impression. Vif, énergique, passionné par ce qu'il racontait mais carré dans ses explications. Le fait qu'il soit très séduisant malgré ses quelques vingt ans de plus que lui avait peut-être aidé aussi.

« McLaggan était un Serpentard ? » Demanda-t-il en faisant tourner sa fourchette pour attraper un petit tourbillon de pâtes.

« Raté. » Sourit Andromeda.

« Serdaigle ? » Supposa-t-il avec un sourcil haussé.

« Encore raté. » Rit-elle en levant les yeux vers lui. « Mais je t'accorde qu'il a dû être difficile à placer pour le Choixpeau. »

« Gryffondor ? » Emit Draco d'un ton dubitatif, récoltant un hochement de tête amusé de la part de sa tante.

« Rares sont les gens qui tombent dans tous les stéréotypes de leur maison, mais c'est vrai qu'il fait très… Serpentard. Il est très ambitieux. »

« La maison ne veut rien dire. J'ai failli être placé à Serpentard. » Fit remarquer Potter en décroisant les bras pour attraper son verre d'eau.

Draco tourna un œil critique dans sa direction. Le Survivant représentait pour lui l'archétype du Gryffondor : téméraire mais impulsif, déterminé mais peinant à voir autre chose que ce qui se trouvait juste sous son nez. Draco ne pouvait pas prétendre beaucoup le connaître et était conscient qu'il devait avoir d'autres plumes à son chapeau qu'il ne pouvait pas voir du fait de la distance entre eux… Mais à part sa capacité à se jouer des règlements pour obtenir ce qu'il voulait, il n'arrivait pas vraiment à percevoir ce qui aurait pu l'amener à Serpentard. Mais il devait y avoir quelque chose. Le Choixpeau ne se trompait pas.

« Je ne sais pas comment prendre votre absence de surprise. » Murmura Potter avec amusement en rabaissant son verre après une gorgée.

« Je le prendrais bien, de la part de deux Serpentards. Ça n'aurait pas été bon pour toi qu'on se sente insultés. » Pouffa Andromeda. « Tu as raison, ça ne veut pas dire grand-chose. Ce sont les personnes qui modèlent la maison et non l'inverse, et c'est impossible de diviser les gens en quatre catégories distinctes. C'est d'autant plus flagrant en vieillissant, vous verrez. »

/

Septembre 1999

Les nuits de Draco étaient rarement complètes, même si l'épuisement l'emportait dès qu'il se glissait dans ses draps sans lui laisser le temps de réfléchir à quoique ce soit. C'était souvent Edward qui le réveillait au milieu de la nuit en pleurant. Et parfois il s'agissait de ses cauchemars, où il se faisait avaler par l'armoire à disparaître puis recracher dans les donjons du Manoir, ou engloutir par les flammes du Feudeymon, ou encore où il découvrait symbole après symbole sur son corps sans réussir à comprendre ce qu'ils signifiaient.

Mais cette nuit-là, ce fut un énorme bruit dans la maison qui le réveilla en sursaut. Paralysé par le sommeil et le cœur tambourinant, Draco ouvrit les yeux dans l'obscurité. En l'espace de quelques secondes, les pires scenarios venant expliquer le vacarme défilèrent dans son esprit. Les Mangemorts attaquaient la maison. Son père venait le chercher. Il était toujours à Poudlard, la dernière année écoulée n'étaient qu'un rêve particulièrement réaliste et la bataille venait de commencer.

Draco se redressa vivement dans son lit, la baguette déjà à la main alors que quelques bruits sourds se faisaient entendre depuis la chambre voisine et que la distinctive petite voix d'Edward s'élevait de l'autre côté.

Il quitta la chaleur de ses draps d'un pas mal assuré, le cœur dans la gorge, et ouvrit doucement sa porte pour regarder dans la pénombre du couloir. Edward commença à geindre, l'empêchant d'entendre quoique ce soit d'autre. De la lumière s'échappait de sous la porte de Potter pour caresser le parquet, et de l'autre côté du couloir, Draco put voir la porte d'Andromeda s'entrouvrir et son visage dépasser de l'encadrement et se découper dans la pénombre. Il sortit silencieusement de sa chambre sous les cris de détresse de Teddy.

« Draco ? Qu'est-ce que c'était ? » Demanda Andromeda dans un murmure en sortant à son tour, serrant son peignoir autour de sa taille avec sa baguette serrée entre ses doigts.

Draco secoua la tête pour lui signifier son ignorance puis fixa l'accès à l'escalier en tentant d'en percer les ombres du regard. Ils étaient sous Fidélius. A moins que Lovegood ait été attrapée et forcée de divulguer l'emplacement de la maison, aucune personne mal intentionnée ne pouvait entrer. A priori.

Andromeda entra rapidement dans la chambre de son petit-fils dont les pleurs s'intensifiaient. Sur la gauche de Draco, la porte de Potter s'ouvrit, faisant déborder la lumière de la chambre dans le couloir, et le Survivant en émergea d'un pas mal assuré, torse nu et dégageant un nuage invisible de magie qui vint frapper son visage de plein fouet.

Trop anxieux pour en être excité, Draco se tourna vers lui en crispant sa main moite autour de sa baguette.

« Hey, hm… Désolé. » Emit Potter d'une voix rocailleuse en marchant dans sa direction. « Je vais le rendormir. »

« Il y a eu du bruit, qu'est-ce que- »

« C'était moi, désolé. » Poursuivit le Survivant avec une expression crispée, le dépassant pour rejoindre la porte de la chambre d'Edward.

Eberlué, Draco leva lentement sa main libre vers son nez en le suivant du regard, les yeux rivés sur la cicatrice courbée qui quittait son caleçon sombre pour épouser sa hanche.

Potter disparut dans la chambre de son filleul, et Draco l'entendit offrir les mêmes excuses à Andromeda avant de refermer sa propre porte.

Le cœur battant toujours la chamade, il resta un moment allongé sur le dos, partagé entre les résidus de sa terreur, une excitation inappropriée, et ses interrogations quant aux occupations de Potter dans sa chambre qui avaient réussi à faire trembler la maison en pleine nuit. Il se rendormit néanmoins avant Edward.

/

Corner ne lui adressait pas la parole, ce dont Draco était reconnaissant. C'était probablement le mieux qu'il puisse obtenir de lui, et il s'en satisfaisait pleinement. Il ne l'ignorait pas, son regard bouillant de haine semblait constamment posé sur lui, mais il contenait son venin et semblait s'efforcer de suivre leurs cours et de ne pas laisser sa présence l'entraver dans ses ambitions.

Abbott était bien trop préoccupée par la monstrueuse quantité d'informations à absorber pour vraiment lui prêter attention. Mais elle n'était pas sur ses gardes comme pouvait l'être Corner, et elle le saluait tous les jours comme elle le faisait avec les deux autres.

Lazare, dont le nom de famille était trop pénible à prononcer même avec ses propres lointaines racines françaises, était beaucoup plus difficile à cerner. Son amabilité était détachée, et il quittait leur classe à chaque courte pause pour s'adresser aux élèves des années supérieures dans les couloirs des sous-sols. C'était certainement l'attitude la plus stratégique, que ce soit pour se renseigner sur les attentes de leurs professeurs ou pour échapper à l'ambiance étouffante de leur classe.

Corner lui-aussi s'échappait à chaque fin de cours, s'offrant et offrant à Draco quelques minutes de répit sans la présence de l'autre. Il ne restait donc bien souvent qu'Abbott et lui dans la petite pièce.

« Erm, Malfoy ? Est-ce que… Je pourrais jeter un œil au début de tes notes ? » Lui demanda-t-elle ce jour-là avec une expression mêlant anxiété et crainte.

Draco lui jeta un coup d'œil surpris puis lui tendit le paquet de parchemins qu'il s'apprêtait à ranger dans son sac. Elle l'attrapa avec soulagement et le posa avec révérence à côté de ses propres notes pour les lire en les suivant du doigt.

« Merci… Les notes de Michael sont incompréhensibles et Lazare m'intimide un peu… » Dit-elle avec un rire crispé.

Draco sortit des parchemins vierges de ses affaires avec les sourcils haussés. Devait-il comprendre qu'il était moins intimidant que Lazare malgré leur historique commun ? Il ne s'en était jamais particulièrement pris à Hannah, mais elle avait tout de même fait partie de l'Armée de Dumbledore.

« Pourquoi est-ce qu'il t'intimide ? » Préféra-t-il demander.

Leur camarade de classe n'avait rien d'effrayant, en tout cas de son point de vue. Il était certes aussi grand et plus large que lui, mais il n'avait pas l'air mauvais.

« Comment dire… On dirait qu'il est à l'épaisseur d'une baguette de se foutre de ma gueule quand je lui parle. » Marmonna-t-elle en tournant un parchemin pour rapidement lire le suivant.

Draco eut un rire involontaire. C'était vrai que Lazare avait l'air moqueur, même s'il leur adressait finalement assez peu la parole.

« Je vois ce que tu veux dire. »

« Et de toute façon il est tout le temps en vadrouille. » Conclut Abbott. « Comment tu fais pour aussi bien écrire à la vitesse à laquelle on doit prendre des notes ? » Demanda-t-elle d'un ton envieux sans quitter ses parchemins des yeux.

« Erm, l'habitude. » Supposa Draco.

« Il n'y a même pas de tâches ! » Remarqua-t-elle en tournant une nouvelle page.

« J'ai une encre à séchage rapide. » C'était absolument indispensable pour lui qui avait le côté de la paume passant systématiquement sur les passages qu'il venait d'écrire. Cela signifiait qu'il avait souvent de l'encre difficile à retirer de ses doigts tenant sa plume, mais c'était peu cher payer face au confort de ne pas avoir à se préoccuper d'attendre que son encre soit sèche pour continuer à écrire.

« Oh, je peux l'essayer ? » Demanda Abbott avec intérêt.

Amusé, Draco lui tendit son encrier et elle y trempa sa plume avant de recopier un passage de ses notes sur ses propres parchemins. Elle s'amusa ensuite à appuyer sur ses mots nouvellement inscrits.

« Génial. » Rigola-t-elle en admirant l'absence de tache au bout de ses doigts.

/

Du revers de la main, Draco essuya la pluie qui avait eu le temps de lui maculer le visage alors qu'il courrait pour rejoindre la maison. Etudier dans des sous-sols le coupait du monde, et il était sans arrêt surpris par la météo s'aggravant de jour en jour et par la faible luminosité lorsqu'il rentrait.

« C'est Dada tu penses ? » Entendit-il Potter prononcer depuis le salon alors qu'il fermait la porte derrière lui. Un petit gloussement d'Edward le fit sourire même s'il était un peu déçu de devoir le partager avec le Survivant.

Il les trouva installés près de la cheminée, le plus petit assis sur le ventre du plus grand qui avait incliné son fauteuil en arrière. Potter était toujours en uniforme et Teddy jouait avec l'ordre de Merlin qui était accroché à sa poitrine.

L'apprenti Auror le salua, attirant l'attention du bébé sur lui. Edward se jeta presque sur le côté dans sa précipitation pour descendre du fauteuil, le faisant balancer entre crainte qu'il se fasse mal, amusement, et fierté qu'il soit si pressé de le rejoindre. Potter se contorsionna pour le rattraper de justesse et le déposa par terre avec un soupir soulagé, puis Teddy trottina jusqu'à lui avec un large sourire qu'il ne se lasserait jamais de recevoir.

Draco posa ses affaires sur le canapé et s'accroupit pour l'enlacer puis le soulever, inspirant son odeur de bébé, de lessive et de… Potter.

« Bonjour Teddy. » Le salua-t-il avec un baiser sur la tempe, auquel son cousin répondit en lui griffant accidentellement la gorge de ses petits ongles acérés.

« Bah. » Lui dit-il en remuant les fesses.

« Tu es déjà dans mes bras. » Lui fit-il remarquer en reculant la tête pour voir son regard aussi pourpre que la robe d'uniforme de Potter.

« Je pense qu'il veut dire bain. » Traduisit ce dernier en redressant magiquement le fauteuil avant de se lever. « Ça te dérange si je m'en occupe ? Je viens seulement de rentrer et je l'ai à peine vu ces derniers jours. »

Un peu déçu mais compatissant, Draco lui rendit Edward après l'avoir embrassé une dernière fois. Sa résidence permanente chez Andromeda avait certainement réduit le temps que Potter pouvait passer avec son filleul.

« Ça va ? » Lui demanda le Survivant en étrécissant les yeux derrière ses lunettes, réajustant sa prise sur Edward qui se mit à babiller des syllabes sans queue ni tête en tirant sur son col.

« Oui. » Répondit Draco avec étonnement en récupérant son sac sur le canapé. « Pourquoi ? »

« Tu as l'air… Mentalement distant. »

Draco haussa les sourcils en se redressant. Avait-il déjà été mentalement proche, avec Potter ? Peut-être un peu cet été, malgré lui et avec beaucoup de pensées embarrassantes. Mais c'était vrai qu'ils avaient encore moins discuté ces derniers temps.

« C'est l'effet de dix heures de cours de Médicomagie. Je suis assommé. » Expliqua-t-il.

Potter eut un sourire étroit puis grimaça lorsqu'Edward lui mit un doigt dans l'oreille.

« Tu veux courir avec moi demain matin ? » Lui proposa-t-il étrangement.

Draco le lâcha du regard pour regarder le déluge tombant bruyamment dehors, puis le regarda à nouveau avec incrédulité.

« On risque de courir dans la boue mais il est prévu qu'il fasse beau demain. » Argumenta le Survivant avec un haussement d'épaules.

« Erm… » Réfléchit Draco. Cela faisait effectivement sept semaines qu'il restait assis toute la journée, et son corps lui hurlait de se dépenser, mais il ne savait pas s'il aurait le courage de sortir s'il risquait d'avoir de la boue jusqu'aux chevilles. « Ça dépendra de ma nuit. » Supposa-t-il.

« Ok. Disons que si tu n'es pas descendu à huit heures, je pars tout seul. » Décida Potter.

« D'accord. » Approuva Draco. Si Teddy le lui permettait, il adorerait pouvoir faire une grasse matinée, mais il doutait de réussir à lâcher le rythme que Ste-Mangouste lui imposait de toute façon.

/

Salazar que Potter courait vite malgré ses plus petites jambes. Il avait mis bien peu de temps à disparaître au détour d'un des chemins forestiers, et ce n'était pas tant que Draco craignait de se ridiculiser en glissant dans la boue – il était au-delà du ridicule avec Potter, il n'allait pas s'encombrer de ce genre de préoccupations, il avait déjà assez à gérer à son sujet – mais plutôt qu'il ne voulait pas se casser quelque chose et prendre le risque de rater des cours. Hannah lui prêterait sans doute ses notes, mais ce n'était pas la même chose que d'entendre la leçon directement de la bouche d'un Guérisseur et de l'écrire en temps réel.

Son côté compétitif le poussa malgré lui à néanmoins accélérer sa course, ses pas dans les flaques éclaboussant les feuilles mortes et les cailloux tapissant le chemin. Il put suivre Potter à la trace à un embranchement, l'empreinte de ses baskets parfaitement visibles dans la boue. L'air frais était humide et chargée des odeurs de l'automne, et c'était un plaisir trop rare ces derniers temps que d'être dehors, dans la lumière, et de respirer les parfums de la nature.

Partagé entre surveiller où il mettait les pieds et l'observation des couleurs des feuillages autour de lui, Draco finit par voir Potter au loin. Il s'apprêtait à disparaître à nouveau derrière les arbres lorsqu'il le vit glisser et chuter dans la boue, lui faisant brutalement expirer un rire avant de se mordre les lèvres. Il s'était peut-être fait mal. Mais c'était tout de même très drôle à voir.

Il le rattrapa à petites foulées, l'entendant rire et grogner à la fois en s'asseyant par terre.

« C'était une très belle chute. » Commenta-t-il, ne pouvant contenir un ricanement en le voyant retirer ses lunettes de son visage à moitié maculé de boue.

« Merci. » Rigola Potter en essuyant sa pommette d'un coup de poignet avant de grimacer. « Merlin, j'en ai dans la bouche. » Il postillonna par terre alors que Draco se mettait à rire franchement.

Le Survivant releva son visage vers lui en s'essuyant les lèvres du dos de la main, les yeux plissés avec amusement.

« Malfoy qui se fout de ma gueule, ça faisait longtemps. »

Draco rit de plus belle. La boue formait la trace de ses lunettes autour de son œil droit, et bon sang, ça faisait du bien de rire à gorge déployée. Il dut poser ses mains sur ses genoux pour garder son équilibre, l'hilarité le faisant presque pleurer.

Potter pouffa de rire.

« Aide-moi à me relever au lieu de te marrer, enfoiré. » Rit-il en lui tendant une main.

« Pour que tu me tires dans la boue ? » Ricana Draco, secouant la tête. « Tu m'as pris pour Boursouffle de trois semaines ? »

« Ça ne m'avait pas traversé l'esprit, mais maintenant que tu le dis… » Emit Potter après un rire surpris.

S'esclaffant, Draco recula de quelques pas en prévention d'un mauvais coup.

Potter roula des yeux et appuya ses mains dans la terre humide pour s'aider à se relever avant d'abandonner avec un sifflement de douleur et d'examiner la paume de sa main. Il n'y avait rien d'autre à y voir que de la boue.

« Tu t'es fait mal ? »

« J'ai dû m'écorcher, rien de grave. » Réagit le Survivant en ne prenant appui que sur son autre main pour se relever.

Le prenant en pitié, Draco s'avança et lui tendit un bras pour l'aider.

« Si tu me fais tomber, j'apprends à Teddy à t'appeler Ryry. » L'avertit-il, faisant s'esclaffer Potter qui lui attrapa l'avant-bras de sa main blessée pour se hisser debout.

Merlin ça avait été une erreur. La pression de ses doigts sur sa peau, aussi dégoutants soient-ils, le foudroya et bloqua sa respiration dans sa poitrine. Il recula d'un pas alors que Potter le lâchait pour regarder l'état de ses vêtements avec une expiration amusée. Ce n'était même pas sa magie qui l'avait attaquée. Ça n'avait été qu'un contact, innocent et éphémère. La gorge nouée, Draco regarda Potter passer une main au-dessus de l'autre pour sommairement la nettoyer magiquement. Il retira quelques petits cailloux du bout des ongles puis passa sa main devant son visage pour retirer le plus gros des traces de boue s'y trouvant à l'aide de la magie.

Même absolument répugnant, cet enfoiré était sexy.

« Tu as pris ta baguette ? » Lui demanda-t-il en remettant ses lunettes.

« Heu… Non. » Réagit Draco avec un temps de retard.

Potter émit un son désapprobateur et sortit la sienne de sa manche pour la lui tendre.

« Tu peux me désinfecter ça ? » Interrogea-t-il en lui présentant sa paume abîmée.

Draco cligna des yeux puis haussa un sourcil en passant son regard de sa baguette à son visage. Mais la curiosité l'emporta sur sa récalcitrance à toucher la baguette de quelqu'un d'autre, et il attrapa la fameuse branche de houx avec un mélange d'anticipation et d'inquiétude.

Aucune divinité ne vint le foudroyer et la baguette s'installa paisiblement entre ses doigts.

« Vu le nombre de fois où tu es blessé, c'est le genre de sorts que tu devrais apprendre… » Fit-il remarquer avant de balader la baguette de Potter au-dessus des plaies dans sa paume.

Le Survivant eut un rire dubitatif avant d'accepter sa baguette que Draco lui rendait.

« Merci. » Il la pointa dans sa direction avec un regard d'avertissement. « Ne te balade pas hors de la maison sans baguette. » Ordonna-t-il avant de la ranger dans sa manche crasseuse.

« Où veux-tu que je la mette ? » Railla Draco en baissant les yeux vers son accoutrement. Il n'avait pas de manches, il n'allait tout de même pas la coincer dans ses sous-vêtements.

« Mets-la dans une chaussette s'il le faut, mais ne sors pas sans baguette. » Répéta sérieusement Potter avant de sortir de sa flaque pour repartir au pas de course.

Draco le regarda s'éloigner, son expression sarcastique se muant peu à peu en inquiétude. Quelque chose lui disait que ce n'était pas un avertissement à prendre à la légère.

/

Novembre 1999

Draco enfila la blouse verte qui lui donnait un air plus malade que les patients de l'hôpital, ignorant les grommellements de Corner de l'autre côté du vestiaire qui pestait contre l'injustice de devoir encore faire une ronde avec lui. Il s'était presque habitué à sa mauvaise humeur et à la sécheresse de leurs quelques échanges. Ça ne leur empêchait pas de travailler correctement côte à côte.

Draco glissa sa baguette dans la poche de son uniforme et ferma son casier dans un grincement, puis alla attendre l'ancien Serdaigle en feuilletant les dossiers leur étant affectés près de la porte. Après deux intenses mois de cours, leurs journées étaient maintenant divisées en périodes de rondes et de leçons, leur permettant de se balader dans Ste-Mangouste en observation de leurs différents tuteurs pendant une demi-journée.

« Quelle est la sentence ? » Entendit-il Corner grogner en s'approchant de lui.

« Dragoncelle, dragoncelle, dragoncelle, Eclabouille. » Énonça-t-il en relevant les yeux pour savourer sa consternation.

« Putain de bordel de merde. »

Draco lui tendit les dossiers et sortit des vestiaires du sous-sol pour se diriger vers les escaliers, Corner sur ses talons. Ils rejoignirent leur tutrice, la Guérisseuse Yantar, au deuxième étage, et commencèrent leur ronde sous sa direction.

N'ayant jamais eu la chance, ou le malheur, de contracter la Dragoncelle, Corner fut obligé de passer son temps à jeter des sorts désinfectants sur lui-même entre chaque visite. Les patients verdâtres et hagards ne leur prêtèrent pas beaucoup d'attention, occupés qu'ils étaient à contrôler leurs éternuements étincelants et à observer leur Médicomage vérifier l'action des remèdes qu'on leur avait fait prendre.

Draco préférait cela aux regards mauvais de certains patients assez alertes pour remarquer qu'il était dans leur chambre.

« Bientôt l'heure. » Commenta Corner, la voix étouffée par le sortilège de protection qui entourait son nez et sa bouche d'un filtre magique.

Draco consulta sa montre. Ils avaient effectivement bientôt terminé leur heure et demie de ronde au service des virus et microbes magiques et ils devaient s'apprêter à rejoindre le premier étage pour effectuer celle au service des blessures par créatures vivantes. Leur tutrice du jour était tellement à l'ouest qu'elle oubliait régulièrement leur présence et il savait qu'elle n'avait pas en tête le fait qu'ils devaient s'éclipser.

« Guérisseuse Yantar ? » L'interpella-t-il quand elle eut relâché son sort de diagnostic. « Le Guérisseur Smethwyck nous attend. » Lui rappela-t-il, et elle agita une main distraite dans leur direction pour leur signifier qu'ils pouvaient partir.

« Et bien je n'ai rien appris. » Commenta Corner en quittant la chambre avant d'agiter sa baguette avec des gestes agacés autour de lui pour éliminer toute trace de virus. Draco l'imita.

Il ne lui répondit pas. Corner parlait plus souvent pour lui-même qu'à son intention, et avait tendance à s'offusquer de l'entendre réagir à ses propos. Ils redescendirent les escaliers en silence, traversant un couloir mal éclairé jonché de brancards. Les admissions étaient rares dans le service des blessures par créature magique, et aucun dossier ne leur avait été adressé dans la boîte des apprentis dans les vestiaires. Il était probable qu'ils passent l'heure et demie suivante à éplucher d'anciens dossiers dans la minuscule salle d'archive de l'étage.

Dépassant le détour d'un couloir, Draco reconnut Susan Bones qui faisait des allers et venues entre deux allées de chaises hétéroclites, rongeant l'ongle de son index. Derrière elle, un Auror plus âgé était assis stoïquement, un énorme bandage entourant son bras droit.

Une pierre tomba dans l'estomac de Draco. Qui de Potter, Londubat et Weasley se trouvait dans la salle de stase magique à côté d'eux ? Il accéléra le pas malgré lui, et la sorcière leva un regard anxieux dans sa direction.

« Oh, Malfoy. » Dit-elle doucement en s'arrêtant de marcher. L'autre Auror tourna brutalement la tête en entendant son nom, dardant un regard glacé vers lui avant de visiblement se détendre. Draco comprit qu'il avait cru voir apparaître son père.

« Qui est là-dedans ? »

« Harry. » Répondit Bones.

Potter ne pouvait pas lui laisser trois mois de cours sans atterrir à Sainte-Mangouste. Un frisson d'horreur lui parcouru le dos à l'idée de ce qu'il allait découvrir, mais il fit les quelques pas qui le séparaient de la porte pour mettre la main sur la poignée.

« Qu'est-ce qu'il a ? » Demanda Corner derrière lui.

« Attaque de loup-garou. »

Le sang de Draco acheva de se glacer.

« Morsure ? » Interrogea l'ancien Serdaigle, énonçant la question qu'il avait lui-aussi sur les lèvres.

« Je ne pense pas. » Répondit Bones d'une petite voix.

Bien que légèrement rassuré, Draco ne pouvait s'empêcher de penser que si Potter était dans la salle de stase, c'était que son état était grave. Il ouvrit la porte et entra dans la pièce, Corner à sa suite.

/

La pièce obscure aux lambris de chêne était illuminée par la lueur bleutée de l'arc qui vibrait de magie au-dessus du torse de Potter. Celui-ci, débarrassé de son uniforme pour n'en garder que le pantalon, était étendu, inconscient, sur le brancard qu'on avait glissé sous l'instrument servant à suspendre la progression de sortilèges ou contaminations.

« Toujours pas de trace d'infection. » Commenta la Guérisseuse Petycule, une sorcière âgée au courts cheveux noirs et au visage austère.

Le Guérisseur Smethwyck émit un son signifiant qu'il avait entendu, restant concentré sur le travail qu'il effectuait sur les côtes de Potter. Les traces de griffes étaient déjà moins impressionnantes que lorsqu'ils étaient entrés. Corner s'était d'ailleurs déjà assis sur une chaise dans un coin par ennui. Draco était resté debout assez loin pour ne pas gêner les titulaires, mais assez près pour voir les quatre lacérations s'estomper peu à peu, le dossier médical de Potter entre les mains.

Les griffes de loup-garou ne transmettaient pas aussi facilement la lycanthropie que les dents, mais il restait possible que de la salive pénètre dans les plaies. L'arc de stase, conjugué à des sortilèges de désinfection, était censé, selon les brèves explications de Smethwyck après leur arrivée, aider à contrecarrer l'infection si elle était présente.

Draco relâcha doucement ses épaules et jeta un coup d'œil au profil bleuté et détendu de Potter, puis baissa le regard vers le dossier qu'il avait entre les mains. Il l'ouvrit et tourna les pages avec une curiosité mal placée. Il avait techniquement le droit de regarder les dossiers des patients de ses tuteurs, et était tout aussi contraint qu'eux à la confidentialité, mais le fait qu'il s'agisse de Potter rendait l'exercice différent.

Il s'arrêta sur une liste d'antécédents et regretta immédiatement son geste.

Là où il trouvait d'habitude un bref historique des blessures et infections précédentes des patients pouvant affecter leur santé future, il tomba sur un inventaire qui le remplit d'un tel malaise qu'il en eut la nausée.

Les mots maltraitance infantile, famine ayant entraîné des troubles de la croissance, claustrophobie, nyctophobie, et syndrome de stress post-traumatique le forcèrent à fermer le dossier et à souhaiter ne l'avoir jamais ouvert, plus que la liste interminable de sortilèges et malédictions dont il avait été victime en plus de deux Avada Kedavra en l'espace de dix-neuf ans.

Il serra les doigts autour du dossier en fixant Potter sans réellement le voir, le cœur au bord des lèvres et l'esprit en ébullition, son cerveau reclassant tout ce qu'il savait sur Potter et tout ce qu'il avait cru savoir.

Ils durent quitter la salle pour rejoindre leurs deux autres camarades en classe avant que le Survivant ne se réveille, et Draco ne put qu'en être soulagé. Il n'avait aucune idée de la façon dont il allait pouvoir lui faire face avec ces informations à l'esprit.

/

Potter ne lui laissa pas tellement le choix. Draco reçut un oiseau en papier à l'arrière de la tête dès sa sortie de cours, et le déplia pour voir qu'il lui proposait de passer le voir s'il en avait le temps. Il hésita au milieu du couloir, Hannah le dépassant en tournant la tête vers lui avec un air inquiet.

La petite amie de Londubat était plus douce avec lui que ce qu'il se serait accordé à lui-même s'il avait été à sa place.

« Mauvaise nouvelle ? » Demanda-t-elle.

« Non. » Assura-t-il en regardant passer Corner et Lazare. Il attendit qu'ils s'éloignent pour reprendre la parole.

« Potter est réveillé. » Informa-t-il la sorcière qui sourit avec soulagement. Corner s'était empressé de raconter ce qui s'était passé à peine arrivé en classe, alors qu'il avait passé l'heure et demie de leur ronde dans un coin de la salle de stase à attendre que le temps passe.

« Tu penses que je peux aller le voir ? » Lui demanda la jeune femme.

Il haussa les épaules, ne pensant pas être la personne appropriée pour répondre.

« Je vais prendre un sandwich à la cafétéria d'abord. » Décida-t-elle en se retournant. Draco lui emboîta le pas, l'œil alerte en scannant le hall des admissions qu'ils traversaient, cherchant une trace de son père. Il ne se détendit qu'une fois qu'ils furent montés au premier étage après leur étape au sous-sol pour prendre à manger, soulagé qu'Hannah l'accompagne pour le distraire de ce qu'il avait appris sur Potter.

/

Le Survivant avait le droit à la plus grande chambre, dont la largeur paraissait disproportionnée par rapport à la taille du lit d'hôpital dans lequel il était assis pour déjeuner.

« Salut. » Lui adressa-t-il, avant d'écarquiller légèrement les yeux en voyant qui l'accompagnait. « Oh Hannah, c'est vrai que tu travailles ici aussi. »

« Salut Harry, j'espère que je ne m'impose pas, mais comme on ne s'est pas vu depuis longtemps... »

« Non, bien sûr, entre. » Répondit rapidement Potter avant de faire léviter deux chaises pour les rapprocher de son lit d'un geste de la main. Il avait l'air parfaitement normal, comme s'il n'avait pas été attaqué dans la nuit par l'une des bêtes magiques les plus sauvages.

« On peut savoir ce que tu fais près de Loups-garous un soir de pleine lune, Potter ? » Ne put s'empêcher de demander Draco avec plus de hargne qu'il n'en ressentait vraiment en entrant dans la pièce. Il vit Hannah rentrer la tête dans les épaules avant de s'installer à l'une des deux chaises, son sandwich à la main. Son côté acerbe n'était pas un trait de personnalité qu'il avait laissé voir à ses camarades ces derniers mois.

Potter hésita avant d'afficher une grimace en reprenant sa fourchette.

« Non, désolé. »

Draco contint un soupir puis s'installa lui aussi sur une chaise assez raide pour dissuader les visiteurs de dépasser les horaires de visite.

« Neville ne peut jamais rien me dire non plus, c'est tellement frustrant. » Se plaignit Hannah. « Mais je suis contente de voir que tu vas bien. Tu as pu voir le Guérisseur Smethwyck ? »

« Oui, pas de problème, je peux retourner à l'académie demain. » Répondit Potter avant de mettre un morceau de viande dans sa bouche.

« Demain ? » S'étrangla Draco avant de tousser dans sa main pour déloger les miettes qui s'étaient collées au fond de sa bouche. Une attaque de Loup-garou ne méritait même pas une journée de repos ?

« Oui j'ai ... du boulot. » Expliqua Potter avec une légère gêne. Draco leva les yeux au ciel et mordit dans son sandwich. « Pas d'infection, pas de séquelle, même pas de cicatrice. »

« Le Guérisseur Smethwyck est vraiment très bon. C'est lui qui s'est occupé de plusieurs élèves après la bataille. » Informa Hannah.

« Je doute que ce soit la première fois que Potter le rencontre. » Railla Draco.

L'interpellé lui adressa un sourire crispé, ne pouvant pas répondre à cause de sa bouche pleine.

Ils passèrent le reste de l'heure du déjeuner à discuter de Ste-Mangouste et de leurs cours, Potter essayant clairement de détourner leur attention de ce qui lui était arrivé la nuit précédente. Draco, lui, ne pouvait pas s'empêcher de penser à son dossier médical et à ce qu'il y avait lu en le regardant manger.

Il l'avait pris pour un glouton essayant de nourrir la masse musculaire qu'il avait développé avec son entraînement intensif, mais peut-être y avait-il autre chose à lire dans son comportement.

Il avait passé son adolescence à croire que Potter avait baigné dans la gloire toute sa vie, pour seulement réaliser maintenant que la réalité était peut-être diamétralement opposée. Qui avait pris le risque de le maltraiter dans son enfance ? Personne dans le monde sorcier n'aurait osé faire une telle chose après la première chute de Voldemort. Était-ce sa famille moldue ?

« On ferait bien d'y aller, Draco. » L'interpella Hannah, et il releva les yeux qu'il avait gardé fixés sur ses mains pendant une durée qu'il ne sut pas déterminer. Potter le regardait étrangement. « On a un cours de potions médicinales et Michael va nous faire un scandale si nous sommes à peine en retard. »

Draco renifla avec mépris pour masquer sa gêne puis se leva. Les potions médicinales étaient apparemment le seul sujet qui intéressait réellement Corner. Il n'avait pas été surpris de l'apprendre.

« Allons-y. Je l'ai assez entendu grommeler ce matin. »

Hannah eut un petit rire et se leva en époussetant sa blouse.

« J'étais contente de te revoir Harry. »

« Moi aussi. Merci d'être passée. » Sourit Potter avant de tourner les yeux vers lui. « A ce soir. »

Draco hocha la tête avec raideur, le souffle bloqué dans sa poitrine. Malgré leur simplicité, ses mots lui avaient paru étrangement intimes, ce qu'Hannah sembla confirmer en fermant la porte de la chambre après leur sortie.

« Je sais que vous vivez ensemble mais ça m'a fait bizarre d'entendre ça. » Rigola-t-elle, ayant été mise au courant de leur cohabitation par Londubat.

Draco eut envie de la corriger en lui disant qu'ils vivaient dans la même maison mais pas ensemble, mais cela lui paraissait vain et il eut peur de bafouiller tant il était mal à l'aise.

/

Potter, Andromeda et Teddy étaient de sortie lorsqu'il rentra en fin d'après-midi, et Draco s'arrêta à l'entrée de sa petite chambre. D'étranges pensées lui envahirent l'esprit alors qu'il évaluait l'espace dont il disposait.

Au cours de sa vie, il avait été contraint de faire des choses, poussé vers des choix difficiles, soumis à des autorités implacables et violemment puni pour ses erreurs et ses échecs, mais il n'avait jamais été vraiment enfermé. Il avait passé des jours dans sa chambre lorsque son père était trop furieux pour supporter sa vue, ou pour faire oublier à Voldemort sa présence dans le manoir, mais il ne l'avait jamais vue comme une prison.

Celle-ci était bien plus petite mais la taille n'y faisait rien dans son esprit. C'était son refuge, son monde. Mais Potter pouvait-il tolérer un endroit aussi étroit, s'il était claustrophobe ? Il n'y était entré que deux fois, à ce qu'il sache. Une fois pour le secouer après avoir découvert le désordre qui y régnait alors qu'il venait de faire retirer les runes sur son crâne. Une seconde fois où il était resté appuyé contre la porte close à son anniversaire.

Est-ce que sa chambre était aussi petite ? Il ne l'avait jamais vue, pas même lorsqu'il avait couru après Teddy pour le rattraper avant qu'il n'y entre, croyant y trouver Potter.

Draco posa ses cours sur son bureau et retourna dans le couloir, avisant la porte entrouverte voisine de la sienne. Il s'approcha et la poussa doucement, révélant une pièce quasiment identique à la sienne, le lit poussé sur la gauche, une fenêtre drapée de bleu, une malle et un long bureau courant le long du mur de droite. La seule différence était une fenêtre supplémentaire donnant sur le jardin, au-dessus du bureau. Mais elle était forcément magique, puisque c'était en réalité la buanderie qui se trouvait de l'autre côté du mur.

Quelque chose se brisa dans le cœur de Draco alors qu'il comprenait la valeur du cadeau de Potter lorsqu'il avait approuvé l'idée d'Andromeda de lui donner une chambre en divisant la sienne.

« Imbécile... » Murmura-t-il, autant à son encontre qu'à celle de Potter.

/

Décembre 1999

Son état de confusion ne fit qu'empirer au cours des semaines qui suivirent, heureusement sans incident. Il passa son temps à analyser les faits et gestes de Potter, tentant à la fois de trouver des indices de ce qu'il avait lu dans son dossier, et d'essayer de comprendre ce qui avait motivé la division de son propre refuge. Parce qu'il était persuadé que c'était ce dont il s'agissait. Il n'avait vraisemblablement plus de contact avec sa famille moldue, qu'il n'avait jamais mentionnée de près ou de loin en un an. La maison dont il avait hérité et dans laquelle il ne souhaitait pas vivre de toute façon avait été détruite. Il dormait chez Andromeda toutes les nuits qu'il ne passait pas en permanence ou en mission. Il ne quittait la maison a priori pour rien d'autre que le travail, se balader avec Teddy et faire des courses.

Draco, qui lui n'avait jamais rien partagé de sa vie, n'arrivait pas à comprendre ses motivations. Qu'il partage son sanctuaire avec Weasley ou un autre de ses amis pouvait se comprendre éventuellement, mais avec lui ? La notion était invraisemblable.

Mû par son besoin de comprendre, de savoir, il prit la décision incongrue d'accompagner Potter faire des courses. Il soutint son regard perplexe alors qu'il s'apprêtait à quitter la maison.

« Tu es sûr ? » L'entendit-il dire avec surprise.

« Oui. » Affirma-t-il.

« C'est chez les moldus. » Prévint Potter.

Draco faillit abandonner mais tint bon. Il avait peut-être passé trois heures de sa vie au total dans le monde moldu et en avait détesté chaque minute, mais il survivrait.

« Je peux y aller comme ça ? » Demanda-t-il en baissant les yeux vers ses vêtements.

Potter lui fit l'affront de rire.

« Tu sais, la chemise est un vêtement moldu, techniquement. »

Draco contrôla sa surprise et espéra n'afficher qu'un léger dédain.

« Parfait, allons-y. »

Il enfila son manteau, son écharpe, et sortit de la maison dans la grisaille.

Draco détestait apparaître avec quelqu'un d'autre. L'expérience ne fut pas plus agréable avec Potter. La magie de celui-ci l'étouffa et il se sentit pris de fourmillements en arrivant dans ce qui ressemblait à un souterrain. Il toussa pour se débarrasser de la sensation d'énergie crépitant dans ses poumons, puis regarda autour de lui avec urgence.

« C'est par là. » Lui indiqua Potter en se mettant à marcher dans un couloir sinistre à la lumière clignotante, les mains dans les poches de son blouson.

« Les moldus font leurs courses là-dedans ? » Demanda Draco en lui emboîtant le pas, anxieux.

« Non, c'est un parking souterrain. » Répondit-il, sa voix créant de l'écho autour d'eux.

« Un park- Oh. » Comprit-il alors qu'ils débouchaient dans un espace gigantesque rempli de voitures de toutes les couleurs.

Il le suivit en silence en observant les engins, qu'il n'avait jamais vu d'aussi près, une foule de questions en tête mais trop embarrassé par son ignorance pour les poser. Il réprima sa panique alors qu'une voiture fonçait vers eux, et imita Potter qui se décalait pour la laisser passer. Le vacarme qu'elle produisit, un mélange de crissements et de grondements, lui fit rentrer la tête dans les épaules.

Ils sortirent à l'air libre, au milieu d'une rue fourmillant de vie, des moldus allant et venant sur les trottoirs et des bus faisant trembler le sol sous leurs pieds.

« Où est-ce qu'on est ? » Demanda-t-il en accélérant le pas pour rattraper Potter et marcher à côté de lui.

« Glasgow. » Lui répondit-il en tournant légèrement la tête vers lui. « Ça va ? »

« Oui, pourquoi ? » S'offusqua Draco avec un froncement de sourcils dans sa direction.

« Tu as l'air un peu nerveux. » Rit Potter, lui faisant étrécir les yeux. Il était nerveux. Il n'avait jamais vu autant de moldus à la fois. Mais il n'était pas près de l'admettre.

« Londres est devenue trop dangereuse ? » Railla-t-il pour détourner son attention.

Potter roula des yeux puis fixa son regard devant eux.

« Bien essayé Draco. »

Utilisait-il son prénom pour essayer de le perturber et l'inciter à penser à autre chose ? Il comprit néanmoins que oui, circuler à Londres était plus risqué que de se fondre aux moldus au sud de l'Écosse.

« Il y a quelque chose que tu voudrais acheter ? Je ne sais jamais quoi prendre pour toi à part du chocolat en poudre. » Réfléchit soudainement Potter alors que Draco s'efforçait de ne pas envoyer des regards paniqués dans toutes les directions.

« Quelque chose que je voudrais acheter ? » Répéta-t-il, surpris d'apprendre que le stock de ce qui lui permettait de soutenir son impressionnante consommation de chocolat chaud venait de Potter et non d'Andromeda comme il l'avait cru.

« Je ne sais pas ... Du vin ? »

« Du vin ? » Toussa-t-il.

« Du champagne ? » Essaya encore Potter avec une grimace.

Draco fut tenté de s'arrêter au milieu de la route, mais la crainte de le perdre dans la foule l'en empêcha.

« Est-ce que tu me prends pour une sorte d'alcoolique ? Je n'en bois jamais ! » S'insurgea-t-il en calquant à nouveau son rythme au sien après avoir légèrement ralenti.

« Non ! » Répondit rapidement Potter en tournant un visage alarmé vers lui. « Je ne sais pas trop pourquoi je pensais à ça... Je me disais ... Peut-être que tu pourrais trouver quelque chose qui t'es familier ? »

« Je ne comprends pas ce que tu essayes d'articuler, Potter. » Soupira Draco, le cerveau divisé entre sa surveillance des environs, le fait de ne pas laisser des moldus lui rentrer dedans, et ses tentatives de comprendre où le Survivant voulait en venir. « Je n'ai quasiment jamais bu d'alcool. »

« Ce n'était qu'un exemple. »

« Je m'y connais plus en magie noire qu'en vin. » Ajouta-t-il.

« C'est bon, j'ai compris. » Gémit Potter, ses épaules s'affaissant avec défaite. « C'était un exemple. Je ne sais pas, quelque chose que tu voudrais manger, ou boire. » Explicita-t-il enfin.

Draco regarda droit devant lui en réfléchissant. Il ne s'était jamais posé cette question. A Poudlard et au Manoir, il avait mangé ce qu'il y avait devant lui sans s'interroger. Même au restaurant avec ses parents, son père avait toujours choisi pour lui, et il ne lui était jamais venu à l'esprit de contester ses décisions. Qu'il s'agisse de la Marque des Ténèbres ou de ce qu'il y avait à table au dîner, son avis n'avait jamais été demandé.

« Je pourrais me nourrir de chocolat et de Bièrobeurre, pour être honnête. » Dit-il doucement, déclenchant un rire surpris chez Potter.

« Est-ce vraiment un régime approprié, Guérisseur Malfoy ? » Se moqua-t-il en déviant légèrement vers la droite pour les diriger vers un énorme magasin aux vitrines couvertes d'affiches ventant des prix plus bas que leurs concurrents.

Le cœur de Draco eut un drôle de sursaut en entendant le titre employé, et il se sentit sourire malgré lui.

« Probablement pas. » Admit-il avec amusement.

/

Draco était épuisé par la quantité d'informations et de couleurs autour de lui. Il n'avait pas plus compris Potter et il était prêt à transplaner chez Andromeda immédiatement malgré le monde autour de lui. Ils étaient bloqués dans une file d'attente depuis plus de dix minutes.

« Tu veux donner l'argent à la dame ? » Le taquina Potter, le tirant de son observation des confiseries entreposées à côté de la caisse.

« Très drôle, Potter. » Grimaça-t-il. Le Survivant garda son expression amusée malgré tout.

« C'est ta première fois dans un supermarché ? »

Draco hocha imperceptiblement la tête, le défiant du regard de se moquer, mais Potter se contenta d'afficher un air compatissant.

« J'ai eu du mal à venir dans ce genre d'endroit après la guerre. » Dit-il à voix basse. « Trop de monde, trop de bruit ... Mais finalement, j'aime bien pouvoir me balader sans me faire harceler. »

Draco n'osa pas répondre, de peur d'interrompre ses aveux, et l'imita quand il avança d'un pas en suivant les clients précédents. Il voyait bien, pour l'avoir assez observé ces derniers temps, qu'il n'était pas aussi détendu qu'il voulait le faire croire. Son pas avait été pressé, et il avait plusieurs fois vu sa main droite se tendre comme s'il s'apprêtait à dégainer sa baguette attachée dans le holster d'Auror qu'il avait sur l'avant-bras sous son blouson. Il n'avait pas perçu de source précise pouvant justifier sa vigilance, mais Draco ayant lui-même été submergé par son expérience sur les lieux, il n'était pas capable de dire s'il y avait eu une raison ou pas de s'inquiéter.

« Tu venais dans ce genre d'endroit avec ta famille ? » Essaya-t-il de demander lorsqu'il lui parut clair que Potter n'allait pas poursuivre.

Il vit son profil se contracter une seconde avant de reprendre une expression neutre.

« Pas vraiment, non. »

Ce n'était ni le lieu ni le moment pour essayer de poursuivre, et quelque chose en lui lui intimait d'abandonner le sujet de toute façon. Ils arrivèrent en bout de file, payèrent et quittèrent le supermarché en silence, puis transplanèrent chez Andromeda.

/

Note de Maelström : Si vous avez un compte utilisateur sur FFNET, n'oubliez pas de réactiver la réception de notifications par e-mail dans votre profil (AccountSettings) car FFNET l'a désactivée par défaut et vous ne recevrez pas d'alerte lors de la publication d'un nouveau chapitre si vous ne la réactivez pas tous les 90 jours. Pratique, n'est-ce pas ? -_-

Vous pouvez aussi me rejoindre sur Discord sous l'ID HydrusMaelstrom pour discuter et être alertés !