La pluie battante frappait la fenêtre de la chambre mais Chloe trouvait l'image apaisante. Le son des gouttes contre la vitre accompagné des soupirs que Beca produisait à ses côtés la réconfortait. Tout semblait enfin paisible. A sa place. En ordre. Chloe soupira de contentement et se tourna dans les bras de Beca pour admirer sa petite-amie dormir. Beca avait le visage en paix. Cela faisait des semaines qu'elle n'avait pas dormi sans faire de cauchemar. Chloe sourit tendrement. Elle replaça une mèche de cheveux bruns. La veille, elles avaient récupéré Lucy et partagé la meilleure soirée qu'elles auraient pu imaginer. Le cauchemar était terminé.
Délicatement, Chloe s'extirpa des bras protecteurs de Beca pour se lever. Elle attrapa son attelle et l'enfila sans serrer les scratchs. Elle essaya de rester discrète en se dirigeant vers la coiffeuse mais c'était sans compter sur les divers vêtements et chaussures qui jonchaient le sol. Elle trébucha sur une des bottines de Beca et manqua de s'étaler au milieu de la chambre. Elle se rattrapa de justesse à la chaise mais le bruit réveilla Beca.
- Hum, reviens ici, il fait froid sans toi.
Chloe tourna un regard amusé vers la brune, nue dans son lit. Beca, au réveil, était toujours plus tendre, plus adoucie qu'après sa tasse de café. Ou bien était-ce seulement pour Chloe ? La jeune femme attrapa un t-shirt et l'enfila sans se préoccuper d'à qui il pouvait appartenir.
- Je dois prendre mes médicaments.
Beca ouvrit enfin les yeux pour voir Chloe tâtonner derrière son miroir et en extirper deux flacons de médicaments.
- C'est donc là que tu les caches, fit la brune d'une voix rocailleuse.
Elle se frotta le visage et releva les couvertures sur elle pour couvrir sa poitrine, la tête appuyée sur son coude. Chloe, assise sur la chaise, avala une gélule de chaque flacon avec de l'eau sans quitter Beca des yeux. Elle secoua l'un des flacons. L'absence de bruit indiquait qu'il était vide.
- Je n'ai plus vraiment à les cacher, maintenant.
- Tu n'avais pas besoin de les cacher, tout court.
Chloe roula des yeux mais ne répondit rien. Elle se pencha pour serrer son attelle autour de sa jambe. Le regard de Beca suivait chacun de ses gestes, elle en avait conscience. Elle le sentait couler sur sa peau, réchauffer son corps. Sans s'en préoccuper, elle se saisit de la brosse à cheveux et la passa dans ses boucles rousses. Ses yeux croisèrent ceux de Beca dans le miroir. Elles se regardèrent un instant, suspendues. Plus rien ne les séparait désormais. Elles semblaient connectées. Dans leur propre bulle.
- Tu es magnifique, finit par dire Beca, le souffle court.
Un sourire timide sur le visage, Chloe se tourna pour rejoindre la brune sous les couvertures. La chaleur sous les draps était réconfortante. Elle passa ses bras autour de la taille de Beca.
- Seriez-vous amoureuse, Beca Mitchell ?
- Complétement, souffla Beca avant de l'attirer dans un baiser fougueux, les bras autour de son cou.
Chloe caressa le tatouage sur la colonne vertébrale, remonta jusqu'aux omoplates saillantes et redescendit jusqu'au bassin, ses ongles agrippant la peau juste assez pour faire réagir Beca. Les hanches de la brune rencontrèrent les siennes dans un spasme instinctif.
- Pourquoi tu es habillée ? Marmonna Beca contre le cou de Chloe, les mains perdues sous son t-shirt.
- Parce que j'avais froid, articula Chloe dans un soupir.
Beca remonta la jugulaire avec le bout de sa langue, mordilla le lobe d'oreille de ses dents. Ses mains entourèrent deux seins fermes. Chloe siffla de plaisir.
- Et maintenant ?
Chloe passa une jambe autour de Beca et la fit basculer sur le dos. Les deux paires d'yeux embrasés se rencontrèrent.
- J'ai vraiment très chaud.
Un sourire victorieux sur le visage, Beca tira sur les bords du t-shirt pour le passer au dessus de la tête de Chloe. La rousse ne perdit pas de temps et se saisit d'un téton entre ses lèvres immédiatement après.
- On doit aller chercher Lucy, fit Beca distraitement.
Aucune des deux ne semblait vouloir arrêter pour autant. La main de Chloe glissa doucement vers l'entre-jambe enflammée de Beca mais s'arrêta juste avant, extirpant un gémissement de la brune. Chloe sourit contre ses lèvres.
- Et si on continuait ça sous la douche alors ?
Les pupilles de Beca se dilatèrent encore plus, si c'était possible. La malice dans les yeux de Chloe lui donnait au moins une dizaine d'idées peu raisonnables.
- Je te suis, fit-elle en se léchant les lèvres.
Chloe souleva les couvertures pour sortir du lit dans un gloussement. Dans la salle de bain, elles se percutèrent dans un nouvel échange de lèvres et de langues. Chloe enleva scratch après scratch de son attelle sans jamais lâcher Beca. La brune l'aida à retirer l'attelle complétement et la maintint dans ses bras.
- Ne me lâche pas.
- Jamais.
Elles s'embrassèrent à nouveau. Beca les poussa doucement sous la douche. La cabine n'était pas très grande et elles étaient obligées de se serrer pour être sous l'eau en même temps. Un vrai paradis. Les deux jeunes femmes attrapèrent du gel douche et entreprirent de se savonner mutuellement. Beca tenait fermement Chloe d'un bras autour du ventre tandis qu'elle lui savonnait la poitrine d'une main attentionnée et marquer son cou de baisers appuyés. La respiration de Chloe se faisait de plus en plus haletante. L'humidité ne l'aidait pas à reprendre son souffle. La main de Beca malaxait ses seins avec une telle ardeur que Chloe oscillait entre plaisir et relaxation. Ses fesses frappaient la mesure contre le bassin de Beca. Ses mains s'agrippaient à la robinetterie pour ne pas tomber. Chloe commençait à vouloir plus. Elle se tourna entre les bras de Beca et l'attira par le cou. Sa langue fut immédiatement accueillie par une autre dans un jouissement.
Très vite, les mains savonneuses de Chloe reprirent le chemin qu'elles avaient emprunté quelques minutes plus tôt. Beca grogna et sa main se referma sur l'une des fesses de Chloe. Elle prit un moment pour admirer le corps de Chloe sous l'eau. Les gouttelettes ruisselaient entre ses seins, le long de ses abdominaux légèrement visibles. Les effluves gourmandes du gel douche à la noix de coco n'aidaient pas à éclaircir son esprit. Son regard tomba sur l'entre-jambe accueillante de son amante. Elle s'avança doucement pour embrasser une pommette, une mâchoire, un lobe d'oreille. Chloe retint son souffle.
- Je crois que je ne pourrais jamais me passer de ça, souffla Beca haletante.
- Ca tombe bien, ce n'est pas ce que je veux non plus.
Elle prirent un peu plus de temps que prévu sous la douche mais s'il avait fallu leur poser la question, elles auraient répondu que ça en valait complétement la peine.
Le café où elles avaient décidé de se rencontrer était désert ce vendredi midi. Quinn et Rachel avaient rejoint Brittany et Santana pour le déjeuner. Le jugement de Beca passé, leurs deux amies s'envoleraient le lendemain matin pour retourner à Los Angeles et retrouver leur petite vie tranquille. Quinn tenait absolument à leur annoncer leurs fiançailles le temps qu'elles étaient en ville. Pourtant, elles étaient servies et mangeaient depuis une dizaine de minutes sans que le sujet ne sorte de la bouche de la blonde.
- Nous rendons visite à Shelby et Beth ce week-end, annonça Rachel pour faire la conversation.
Les discussions étaient plates et sans grand intérêt. Quinn remuait les paroles qu'elle avait préparé dans sa tête des dizaines de fois. Cela devait être une bonne nouvelle, comme une annonce de fiançailles devait l'être. Pourtant, une boule dans le creux de son estomac la prévenait d'ouvrir la bouche. Les regards en coin que lui jetait Rachel n'arrangeaient rien à la situation.
Quinn jouait avec la nourriture dans son assiette comme si quelque chose la tracassait. Santana avait observé le comportement de ses amies depuis leur arrivée mais avait préféré ne rien dire. Elle était sûre que Brittany sentait la même chose qu'elle. Les deux jeunes femmes semblaient tendues, contrariées. Elle avait mis ça sur le fait d'être malheureuses de leur départ mais cela semblait trop facile.
- Je dois aller aux toilettes, fit Brittany soudainement en se levant.
Rachel se leva pour l'accompagner, envoyant un regard appuyé à Quinn avant de partir. Elles en avaient discuté longtemps. Quinn avait évoqué ses craintes. Rachel avait compris qu'elle n'était pas encore totalement pardonnée de sa tentative de rupture par Santana.
La brune regarda son amie tourner son verre d'eau comme s'il s'agissait d'un bon vin. Elle en avait marre de tergiverser. Elle s'essuya la bouche dans sa serviette en papier et croisa les mains.
- Bon, Q. Tu veux bien me dire ce qu'il se passe ?
La blonde leva vaguement les yeux puis les reporta sur son verre dans un silence complet. Elle le posa finalement et se recula sur sa chaise, les bras croisés. Son assiette était presque intacte.
- Rachel a une belle bague au doigt, fit Santana en prenant une gorgée de son soda.
Quinn leva la tête dans un craquement. Comment avait-elle pu croire que Santana ne verrait rien ? D'une main fébrile, elle se gratta la nuque puis se racla la gorge.
- J'imagine que ça ne sert plus à rien de réfléchir. J'ai demandé Rachel en mariage.
- Oui, j'ai vu. Félicitations.
- Merci.
Santana but la dernier gorgée de son verre et se recula aussi sur son siège, sa serviette en papier entre les doigts.
- C'est tout ? Demanda Quinn, étonnée.
- Qu'est-ce que tu veux d'autre ? Je suis contente pour vous, répondit Santana en haussant les épaules.
Quinn avait du mal à la croire. Le visage de la brune restait fermé. Elle savait comme la décision semblait précipitée mais elle connaissait Rachel depuis huit ans et elles en avaient passé trois en couple à vivre dans le même appartement.
- On s'aime.
- Oui, c'est évident.
- Et on est ensemble depuis trois ans.
- Je sais, Quinn. Je n'ai rien dit.
- Alors pourquoi tu n'es pas heureuse pour nous ?
Santana releva un regard dur sur son amie. Elles se connaissaient depuis la maternelle, avaient fait les quatre cents coups ensemble, avaient traversé un bon nombre d'épreuves, toutes plus dures les unes que les autres. Santana connaissait Quinn par cœur et n'aimait pas ce qu'elle voyait en elle ce jour-là. Elle connaissait le côté autodestructeur de Quinn et celui qui avait une trouille bleue de se retrouver seul.
- Je serai heureuse pour vous quand tu me diras que tu ne l'as pas fait par peur qu'elle ne t'échappe.
Le silence accueillit sa déclaration. Quinn tenait tête, gardait son regard fixé dans celui de Santana. Comme toujours, la brune avait su percer à jour son masque.
- Je n'ai pas peur qu'elle parte.
- Tu la surprends en train de faire ses valises et tu lui demandes de t'épouser deux semaines plus tard. Ca ne crie pas confiance en soi, excuse-moi de te le dire.
Quinn secoua la tête. Ses craintes s'avéraient justes. Elle avait eu peur que Santana désapprouve leur union et c'était le cas.
- On travaille sur ce qui ne va pas. On consulte. On apprend à communiquer. On s'aime. Je n'ai pas demandé Rachel en mariage parce que j'avais peur qu'elle me quitte.
- Qui essaies-tu de convaincre, ici, Fabray ? Toi ou moi ?
Santana marquait un point. Si Quinn était sûre d'elle, elle n'avait pas besoin de l'approbation de qui que ce soit. Elle épouserait Rachel, quoi qu'il arrive.
- Tu as raison. Je n'ai pas à te convaincre. J'ai confiance en Rachel et en mon couple. On se mariera et tu seras là. Et tout ira bien.
- Quand ce sera le cas, je serai là pour m'excuser d'avoir été pessimiste aujourd'hui, conclut Santana d'un clin d'œil.
Leur amitié était intacte. Quinn lui sourit légèrement. Elle vit Brittany revenir des toilettes en sautillant, Rachel sur les talons.
- San', devine quoi ? Quinn et Rachel vont se marier !
Le sourire de Santana s'élargit et elle félicita Rachel d'une accolade avant de demander à voir la bague. Plus tard, Rachel demandera à Quinn comment sa discussion avec Satana s'était passée et Quinn lui dirait que tout s'était déroulé comme prévu. Elle lui dirait la vérité un jour. Quand tous les cœurs auraient guéri.
Main dans la main, fraîchement douchées, Beca et Chloe descendirent, au rythme de Chloe, les escaliers. Dans la cuisine, seules Stacie et Aubrey étaient déjà levées. La soirée avait du traîner jusqu'aux aurores. Beca jeta un œil aux emplois du temps aimantés sur le réfrigérateur. Certaines ne devraient plus tardées à se lever si elles voulaient être à l'heure en cours.
- Ah, vous voilà ! On se demandait où vous étiez passées. La fête était pour toi, Beca. Tu aurais pu rester un peu plus longtemps, s'exclama Stacie qui feuilletait un de ces fichus magazines people.
- Tu n'avais pas l'air de me chercher quand tu dansais avec les Trebles…
Stacie leva deux sourcils. Elle n'avait jamais la langue dans sa poche et Beca aimait la défier, la contrarier pour lui montrer qu'elle n'avait pas toujours raison. Toutes les filles de la maison avaient l'habitude d'assister à leurs joutes verbales sans rien dire. Il ne valait mieux pas.
- J'étais en haut avec Chloe. Je lui ai montré la vidéo, ajouta-t-elle en servant deux tasses de café.
Beca tendit une des tasses à Chloe qui s'était assise sur un tabouret. La rousse lui lança un regard appuyé, lui intimant de ne pas trop chercher la confrontation avec Stacie. Depuis que la jeune femme s'était permise d'envoyer un message à Beca concernant leur vie sexuelle, Beca avait du mal à passer à autre chose. Sa rancune s'accroissait avec le temps. Les deux jeunes femmes pourtant habituellement complices dans leur sarcasme se confrontaient de plus en plus.
- D'ailleurs, merci à toutes les deux pour vos messages, ça m'a beaucoup touché et m'a bien fait rire, fit Chloe.
- Tu vois qu'elle a aimé, lança Aubrey à Stacie.
La jeune femme roula des yeux. Ce n'est pas tant qu'elle n'avait pas aimé l'idée mais elle avait été déçue du discours d'Aubrey.
- Tu ne t'ai pas foulé pour ta partie, rétorqua-t-elle.
Elle passa plusieurs pages de son magazine. Le sujet ne l'intéressait pas, visiblement. Chloe passa un bras sous la chemise ouverte de Beca pour l'attirer à elle. La brune n'était jamais celle qui provoquait les marques d'affections en public mais elle ne les refusait pas pour autant. Chloe fut surprise quand elle la sentit déposer un baiser dans ses cheveux. Elle ne manqua pas la marque de dégoût sur le visage de Stacie.
- Chloe a aimé, c'est le principal, conclut Aubrey d'un haussement d'épaules.
Chloe lui sourit et lui lança un clin d'œil. Elle resserra sa prise sur Beca et but son café silencieusement.
- Vous ne mangez pas ?
- Non, mon père nous attend pour le brunch, expliqua Beca.
Elle regarda l'heure sur le micro-ondes et finit sa tasse à la hâte. Chloe se leva pour mettre son reste de café dans un mug isotherme et l'emporta avec elle.
- A tout à l'heure, salua-t-elle avant de sortir de la cuisine.
Beca la suivit mais elle s'arrêta juste avant de passer l'arcade de la cuisine. Elle se tourna vivement sur Stacie.
- Au fait, Stacie, notre vie sexuelle va très bien. On a fait l'amour au moins six fois cette nuit. J'ai perdu le compte après ça. Et une fois ce matin parce qu'on n'avait pas le temps. J'essaierai de t'informer du reste mais ce sera difficile de garder le compte.
Stacie ouvrit grand la bouche et les yeux, ses joues s'empourprèrent. D'un hochement de tête et d'un regard dur, Beca quitta la pièce. Aubrey lui lança un regard affolé.
- Qu'est-ce que tu as fait ?
- Rien, je…
Elle n'avait pas pensé à mal. Elle n'avait pas pensé tout court, apparemment. Si elle avait décelé le ton de Beca correctement, elle avait merdé royalement. La colère et l'autorité avec lesquelles Beca avait prononcé ces phrases. Comme si elle lui devait ces explications. Comme si Stacie les avait demandé. Mais c'était tout comme. C'était la manière de Beca de lui dire de se mêler de ses affaires. Le message était passé.
- Aubrey, j'ai merdé.
Aubrey soupira d'exaspération. Elle avait bien compris, merci. Elle voulait des explications, maintenant. Chloe ne lui avait parlé de rien. Ce n'était donc pas si grave, si ? Voyant Stacie vraiment contrariée, elle s'avança pour poser sa main dans le bas de son dos.
- Tu peux m'expliquer ?
- J'ai joué les entremetteuses.
La blonde roula des yeux. Encore ? Qu'est-ce qui se passaient dans la tête de toutes ses amies pour toujours vouloir se mêler des histoires des unes et des autres ? Stacie lui expliqua ce qu'elle avait fait exactement. Il fallait avouer que la teneur du message qu'elle avait envoyé à Beca versait sur la création de conflit plus que vers la création d'une union.
- Super. Beca déteste ça. Tu n'as plus qu'à t'excuser maintenant.
- Non, ce n'était que le début. Tu ne la connais pas en entraînement. Elle va me le faire payer.
Aubrey secoua la tête. Elle aurait probablement réagi de la même façon à la place de Beca. Elle s'étonnait même que Chloe ne lui ait rien dit.
- Alors tu devras mériter son pardon.
Stacie acquiesça, perdue dans ses pensées. Si seulement elle avait su garder sa langue. Si seulement elle avait écouté Chloe.
- Tu penses que Chloe m'en veut ?
- Elle ne m'en a pas parlé. Je pense que tu le verrais si elle t'en voulait.
- Elle ne me parle plus vraiment ces jours-ci et elle ne m'a plus demandé de l'accompagner en rééducation depuis la dernière fois.
Aubrey ouvrit de grands yeux. Chloe lui en voulait. Stacie comprit immédiatement et plongea son visage dans ses mains.
- Je suis foutue.
La blonde roula des yeux et sourit légèrement. Elle caressa le dos de Stacie de haut en bas. Ce n'était pas si grave que ça. Une dispute passagère. Beca et Chloe lui pardonneraient un jour. Elle en était sûre.
Semaine 11 – 21 juin
Une lettre est arrivée par le coursier ce matin. J'ai cru que c'était ma sœur ou Santana et Brittany. C'était Beth. Le début de la lettre expliquait que Shelby écrirait pour elle, comme elle le dicterait. Elle me parlait de ses journées à l'école, de sa sortie au zoo. Elle sait déjà nager parce qu'ils lui ont appris à l'école. Elle a appris quelques mots en langage des signes mais elle confond toujours « manger » avec « maman ». Elle me demande de me soigner vite parce qu'elle voudrait me voir pour son anniversaire. A la fin de la lettre, Shelby s'est autorisée un paragraphe et précise que c'est un estomac sur pattes et qu'elle est en plein forme. Elle m'apprend que Rachel a renoué les liens avec elles et que c'est de cette façon qu'elle a appris comment me contacter. Elles me souhaitent toutes les deux d'aller mieux. Des cœurs, des fleurs et des papillons entouraient les mots. J'ai pleuré jusqu'à la fin, Journal. Je pleure aussi en l'écrivant. Elle me manque terriblement. La douleur est insoutenable. Je n'arrive pas à penser à autre chose que ces mots sur le papier. J'ai cru qu'en les réécrivant, ça me libérerait mais ce n'est pas le cas. Plus que jamais, j'ai envie de recommencer. Fumer me donner l'impression de planer et d'être sur une autre planète. J'adorais me rouler un joint quand mes pensées tournoyaient comme c'est le cas, aujourd'hui. A la place, j'écris et rien ne me calme. J'ai l'impression de devenir dingue. Le manque ne s'est jamais montré aussi sévère qu'à cet instant. Pourquoi faut-il que les meilleures choses soient celles qui me font le plus de mal ?
- Ecoute, Rach', je pense qu'elle mérite de savoir.
Rachel leva les yeux au ciel. Elle passa la première boucle d'oreille puis saisit l'autre du bout des doigts. Elles rendaient visite à Shelby cet après-midi là. Elles avaient profité d'un spectacle matinal sur Broadway puis Rachel avait décidé de rentrer d'abord à l'hôtel pour se changer. Elle voulait toujours être irréprochable quand elle voyait sa mère. Quinn se leva du lit et passa la main sur son pantalon pour en enlever les plis.
- Je suis sûre qu'elle serait contente pour toi. Et je n'ai pas envie de mentir à Beth.
- Ce n'est pas mentir si on ne dit rien.
Ce fut au tour de Quinn de lever les yeux au ciel. Rachel l'agaçait quand elle jouait sur les mots comme ça.
- Tu vas me dire que tu ne veux pas de ta mère à notre mariage ?
Quinn observa sa fiancée par le biais du miroir. La silhouette de Rachel s'était encore plus affinée avec les années. L'adolescente autrefois enfermée dans des vêtements amples portait des looks toujours plus extravagants mais avec un soupçon de classe qui correspondait à la Rachel adulte. Ses yeux maquillés de traits d'eyeliner noirs la montraient tellement plus confiante qu'elle ne l'était quand elle rendait visite à Shelby. Quinn savait retrouver cette adolescente dont elle était tombée amoureuse immédiatement. Elle voyait à travers les artifices, reconnaissait la jeune fille apeurée d'être aux prises du regard de sa mère.
- Je ne sais pas, Quinn. On ne peut pas juste le garder pour nous un peu plus longtemps ? J'ai l'impression qu'on passe notre temps à l'annoncer, ces derniers temps.
Quinn fronça les sourcils. Les paroles de Santana lui revinrent en mémoire. Rachel semblait avoir des doutes.
- Tu ne veux plus te marier ?
Les yeux de Rachel se percutèrent directement à l'image de Quinn dans le miroir. La blonde regardait le sol, les lèvres pincées, le visage hésitant. Rachel se tourna pour la rejoindre. Elle ne voulait surtout pas que Quinn doute de son engagement.
- Bien sûr que si !
Elle lui prit les mains, l'intimant silencieusement de la regarder. Leurs regards se croisèrent et Rachel y lut toute la peur qui se trouvait en Quinn. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Elle était la cause de cette peur, elle l'avait créé, forgée. Doucement, elle cueillit la joue de Quinn. La blonde ferma les yeux au contact chaud de la peau de Rachel.
- Je ne t'ai pas dit oui sur un coup de tête. Je ne me vois pas partager ma vie avec quelqu'un d'autre que toi.
Quinn inspira profondément et ouvrit les paupières. La sincérité qu'elle voyait dans les deux orbes chocolatées la convainquit. Elle hocha la tête distraitement. Rachel s'avança pour l'embrasser tendrement. La tempête était passée.
- Il faut qu'on y aille.
Rachel acquiesça à son tour et passa ses doigts entre ceux de Quinn pour quitter leur chambre d'hôtel. Emmitouflées dans leurs manteaux, elles prirent un taxi pour se rendre chez Shelby et Beth. Le trajet fut étonnamment rapide et sans heurt. Rachel avait tourné plusieurs scénarios dans sa tête, réfléchi à la meilleure façon d'annoncer à sa mère qu'elle allait se marier. Elle se répétait sans cesse qu'elle n'avait pas besoin de l'approbation de Shelby mais, au fond d'elle-même, elle savait que c'était faux. Une fille chercherait toujours l'approbation de sa mère. Inévitablement.
Postée devant les escaliers de la maison typiquement new-yorkaise, les yeux rivés sur la porte bleu foncé, Rachel hésitait à monter les marches. Quinn en avait déjà monté trois et s'était retournée pour lui demander si elle venait. A chaque visite, les mêmes peurs assaillaient Rachel. Et si le manque d'une mère dans sa vie se faisait encore plus ressentir à leur retour ? Et si Shelby ne voulait finalement pas la voir ? Et si Beth lui en voulait de partager leur mère ? Quinn le savait. Elles en avaient déjà discuté. La situation était particulière, inhabituelle. Personne ne pouvait comprendre mieux qu'elles les enjeux.
- Tu es plus forte que ça, souffla Quinn en lui tendant la main.
Les yeux de la brune passèrent de la main au visage de Quinn. Le sourire qu'elle y trouva lui rappela toutes les épreuves pendant lesquelles Quinn avait été à ses côtés. Le regard déterminé, elle prit sa main et elles montèrent l'escalier.
Beth les accueillit avec l'enthousiasme et l'énergie d'une enfant de cinq ans. Le cœur de Quinn se serrait à chaque fois qu'elle lui rendait visite. Beth grandissait si vite. Elle retrouvait les traits physiques des Fabray dans son visage, la rébellion de ses années lycées dans sa personnalité. La malice du père de Beth dans ses pupilles.
- C'est moi qui aie fait les cookies. J'ai presque brûlé la cuisine mais Maman a ouvert le four à temps.
Quinn et Shelby partagèrent un regard amusé par-dessus leurs tasses de thé. Depuis leur arrivée, Beth occupait toute la conversation avec une éloquence impressionnante. Elle s'était empressée de montrer ses derniers dessins d'école à Quinn et Rachel, mais surtout Quinn. Elle avait raconté des tas d'histoires sur ses copains d'école, ses petites disputes enfantines. Shelby avait rajouté des détails par ci, par là, pour donner plus de réalité aux récits.
- Rachel fait très bien les cookies. Elle pourrait t'apprendre, un jour, fit Quinn d'un sourire.
La petite blonde aux cheveux bouclés regardait maintenant Rachel avec des yeux plein d'espoir. Rachel fronça les sourcils vers Quinn. Elle n'aimait pas comment Quinn la mettait sous les projecteurs. Si elle ne participait pas aux conversations, c'était pour une bonne raison.
- On peut en faire maintenant ? Demanda Beth, déjà partie pour la cuisine.
- Je…
Shelby vit immédiatement le désarroi et l'hésitation de Rachel alors elle décida d'intervenir.
- Non, Beth, chérie, il y a assez de cookies pour le moment.
L'enfant bouda dramatiquement, les bras croisés, une moue sur le visage. Cela fit rire Quinn qui l'attira à elle pour l'embrasser sur les joues pour la faire rire. Sa relation avec Shelby était toujours un peu tendue, parce qu'elle lui en voulait de faire autant de mal à Rachel. Mais sa relation avec Beth ne pouvait pas être plus naturelle. C'était tout ce que Quinn avait espéré quand elle avait repris contact après sa cure. Son rôle dans la vie de Beth était peut-être bizarre de l'extérieur mais ça lui convenait. Elle avait l'affection de son enfant sans avoir vécu les contraintes d'avoir un nouveau né dans les bras à seize ans.
- Beth a commencé les leçons de piano, tu veux montrer à Quinn ce que tu as appris ?
La voix de Shelby était douce et constante quand elle s'adressait à Beth. Rachel ne pouvait s'empêcher de se demander si elle aurait employé le même ton avec elle. Le visage de l'enfant s'illumina et elle sauta des genoux de Quinn pour lui prendre la main et l'emmener vers la salle de musique. Quinn jeta un regard désolé à Rachel mais son sourire trahissait sa bonne humeur. Rachel ne pouvait pas s'opposer à ça. Personne ne le pouvait et elle n'aurait certainement pas tenté de se mettre entre Quinn et sa fille.
Du coin de l'œil, elle vit Shelby prendre une gorgée de son thé puis elle l'entendit se racler la gorge. Les occasions de discuter étaient rares. Quinn s'arrangeait toujours pour ne pas laisser Rachel seule avec Shelby. Cette fois, c'était loupé.
- Comment vont tes études ? Des projets d'auditions ?
Rachel observa Shelby un instant. Les cheveux bruns, les yeux marrons, la mâchoire saillante, le nez grossier. Comment pouvaient-elles se ressembler à ce point et ne pas se ressembler à la fois ? Distraitement, Rachel tourna sa cuillère dans sa tasse presque vide.
- Tout va bien. Il n'y a pas vraiment d'occasion pour auditionner à Atlanta mais ça me va. J'aime vivre une vie plus simple. Tout est moins rapide qu'ici.
Shelby acquiesça sans grandes convictions. Elle connaissait Rachel. Au moins un peu. Mieux que ça, elle se connaissait elle-même et Rachel partageait son amour pour la scène. S'en éloigner était comme essayer de respirer sous l'eau. Elle avait passé quelques années en apnée, à essayer de percer. Elle connaissait la douleur que ça infligeait.
- Et tu écris encore ? Même pour toi.
- Non, plus tellement. Ma vie n'est plus aussi mouvementée qu'avant, sourit Rachel. Je n'ai plus autant de drames desquels m'inspirer.
- Ah, vraiment ? Pourtant, je suis sûre que vivre avec Quinn ne doit pas être de tout repos.
Le ton était innocent et sans sous-entendus mais Rachel prit la mouche aussitôt. Shelby sourit parce qu'elle préférait voir Rachel réagir que de discuter avec cette version diluée de la jeune femme qu'elle avait mis au monde.
- Quinn et moi allons très bien, articula Rachel à travers ses dents serrées. Elle va beaucoup mieux, elle suit sa thérapie et n'est pas retombée dans la drogue depuis son overdose.
- Qu'est-ce qui ne va pas, alors ?
Rachel releva un regard tellement surpris qu'elle ressemblait à un cerf pris dans les phares d'une voiture. Shelby tenta de lui prendre la main mais elle se recula sur sa chaise et s'entoura de ses bras.
- Je sais dire quand ma fille ne va pas bien.
- Beth n'a pas l'air malade.
- Ne joues pas à ça. Je parlais de toi.
- Tu as perdu le droit de m'appeler comme ça quand tu m'as laissé seule au milieu d'un auditorium avec un pichet en verre pour remplacer ta présence.
Mère et fille se fusillèrent du regard. Aucune ne semblait vouloir lâcher la première. On pouvait entendre les notes de piano courir à travers les couloirs. Finalement, Shelby soupira et baissa des yeux embués. Elle avait loupé tellement de choses. Elle leva deux mains en l'air.
- Tu as raison, c'était injuste. Je suis sûre que Quinn te rend très heureuse.
- On va se marier, lâcha Rachel.
Les yeux de Shelby se jetèrent directement sur la main gauche de Rachel pour y trouver une bague de fiançailles sertie d'un diamant discret. Elle sourit tristement. Encore une étape de la vie de Rachel qu'elle louperait sûrement.
- Félicitations. Je suis heureuse pour vous. Et je te remercie de me l'avoir dit.
- Je ne voulais pas te le dire. C'est Quinn qui le voulait. On est presque venues que pour ça.
La tête penchée, Shelby analysa la posture de Rachel, son visage tendu. Tout criait la défense. Elle était fatiguée d'avoir ce genre de rapports avec sa propre fille.
- Je m'excuse pour la façon dont je t'ai traité. C'était égoïste de reprendre contact avec toi pour tout abandonner quelques mois plus tard.
Rachel renifla. La voix de Shelby avait trahi son émotion. Elle avait cru pendant longtemps qu'elle avait besoin de ces paroles pour guérir mais elle n'y croyait plus. Elle n'avait plus confiance aux mots que prononçait Shelby parce qu'après chaque parole réconfortante se cachait un coup de poignard. Que croyait-elle ? Qu'elles pouvaient tout arranger par un simple coup de baguette magique ? La vie n'était pas une pièce de théâtre où le troisième acte résolvait tous les problèmes. C'était bien plus complexe que ça. Rachel sentit la colère monter en elle et emprunter chaque vaisseau sanguin, chaque recoin de son système nerveux.
- Tes excuses ne valent plus rien. Est-ce que tu sais ce que ça fait de grandir sans mère ? De se demander à quoi elle ressemble ? Jour après jour. Si elle a la même voix que moi ? Tout ça pour me rendre compte que tu es exactement tout ce que j'espérais. Sauf une maman. Tu es partie en me disant que tu ne pouvais pas t'occuper de moi, tout ça pour adopter un nouveau né deux semaines plus tard.
- Rachel…
Shelby se leva mais Rachel l'arrêta d'une main. En voyant l'état alarmant dans lequel se trouvait Rachel, les larmes lui montèrent aux yeux.
- Est-ce que tu imagines ce que c'est ? De penser qu'on ne sera jamais assez ?
Rachel pleurait à chaudes larmes. La peur et la frustration se déversaient dans ses mots comme un venin. Elle avait contenu tellement pendant trop longtemps. Une séance de thérapie ne serait sûrement pas assez pour déballer tout ça.
- Je sais ce que ça fait.
Rachel hoqueta parce qu'elle n'y croyait pas. Comment Shelby pouvait-elle imaginer pouvoir comprendre ? Elle s'essuya les joues rageusement mais la laissa parler.
- Ma mère a eu cinq enfants de trois pères différents. Je n'ai jamais connu mon père. Je suis l'aînée. Celle qui est arrivée la première par accident. Celle qui devait s'occuper de tout le monde.
Shelby gardait les mains croisées. Elle jouait avec ses bagues, absorbée par des souvenirs qui ne semblaient pas très agréables. Rachel n'avait aucune idée du passé de Shelby. Elle connaissait les maladies familiales parce qu'elle avait posé des questions mais Shelby n'avait jamais partagé de détails sur son enfance. Etonnamment, ça lui en bouchait un coin. Elle n'osait plus l'interrompre. Sa curiosité atténuait sa colère.
- Ma mère chantait dans un cabaret plutôt médiocre. On passait de ville en ville. Elle avait un homme dans chaque port. J'ai même soupçonné qu'elle gagnait de l'argent de cette façon, pendant un moment, tellement notre maison de fortune était devenue un repère pour hommes mariés.
Rachel la vit serrer les doigts jusqu'à ce que ses jointures devinrent blanches. La douleur des souvenirs se voyait dans ses traits. Mais ça n'effaçait pas son comportement. Rachel ne comprenait pas encore le rapport.
- Au lycée, un de mes professeurs a remarqué que j'étais douée pour chanter. Je faisais partie de la chorale. Ca me permettait de rester éloignée de la maison un peu plus que les autres. Je voulais prendre des cours de chant et de danse mais bien sûr, ma mère n'en avait pas les moyens. Elle me répétait que j'étais bonne qu'à laver les sols, elle essayait de me dissuader.
Shelby ricana tristement. Si seulement sa pauvre mère pouvait la voir maintenant. Si seulement elle savait comme sa carrière avait été belle.
- Quand j'ai eu dix-huit ans, je suis partie pour New York avec un sac à dos et le reste de monnaie que ma mère gardait dans sa trousse à maquillage. J'en avais marre de la voir gâcher son argent dans des cigarettes alors que mes frères et sœurs portaient des vêtements sales et ne mangeaient pas à leur faim. En y réfléchissant, c'était très égoïste et c'était surtout du vol mais… Je suis arrivée à New York.
Elle secouait la tête, comme si elle regrettait déjà les mots qui allaient sortir ensuite.
- Et là j'ai compris qu'elle avait raison. Je n'étais pas assez bonne pour la scène. Personne ne voulait de moi.
- Tu m'as déjà raconté tout ça. Ca n'excuse pas…
- Non, ce n'est pas une excuse. J'aurai du être meilleure que ça. J'aurai du faire mieux que ma mère. Mais tout ce qu'elle m'avait appris, c'était le rejet et l'intérêt. Le profit. Chaque personne autour d'elle devait lui servir à quelque chose. Je ne me suis jamais sentie comme sa fille et comme je ne voulais pas travailler autrement qu'en chantant, j'étais une perte de temps.
Une larme roula sur la joue de Shelby et elle l'essuya du revers de la main. Ses yeux rencontrèrent enfin ceux de Rachel et la jeune femme retint son souffle. C'était la première fois qu'elle voyait autant de sincérité dans les yeux de sa mère.
- Quand j'ai compris que j'étais enceinte, je me suis vue reproduire le même schéma. J'avais peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir te donner la vie que tu méritais. Finalement, j'ai fait le bon choix, tes pères ont fait du beau boulot.
Elle sourit légèrement. Rachel aurait voulu lui rendre mais sa colère ne tarissait pas.
- Tu n'aurais jamais du me contacter au lycée.
- Non, c'est vrai, avoua Shelby. J'aurai du consulter avant de le faire. J'ai suivi une thérapie pour pouvoir te dire tout ça.
Rachel ouvrit de grands yeux. Dans sa tête, la personne forte et indépendante qu'était Shelby ne pouvait pas s'accorder avec la vulnérabilité qu'elle montrait à l'instant. Savoir qu'elle avait travaillé sur elle-même spécialement pour Rachel lui retournait l'estomac. Mais dans un bon sens ? Elle n'en était pas encore sûre.
- Tu ne l'as pas fait pour moi, fit durement Rachel, méfiante.
- Non, bien sûr. Je l'ai surtout fait pour moi. J'avais tellement de choses à régler. Des relations passées qui avaient échouées sans que je ne comprenne pourquoi. Quand j'ai commencé à mettre de la distance entre Beth et moi sans le vouloir, je me suis dit qu'il était temps de faire quelque chose. Puis tu es venue sur le tapis et j'ai compris que je m'en étais toujours voulue de ce qu'il s'était passé.
Rachel acquiesça distraitement, repassant en boucle les dernières paroles de Shelby. Son travail à elle ne faisait que commencer mais les blessures encore ouvertes de l'adoption de Beth par Shelby restaient un frein dans sa relation avec Quinn, restaient un sujet qu'elles avaient des difficultés à aborder.
- J'ai commencé une thérapie, moi aussi.
Shelby fut étonnée de l'apprendre et, dans un sens, contente de la confiance que lui donnait Rachel.
- En fait, c'est aussi une thérapie de couple, parce qu'on a traversé pas mal de choses avec Quinn ces derniers temps et… J'ai pris conscience que son overdose n'était pas vraiment du passé pour moi.
L'admission de Quinn en hôpital avait encore un goût amer dans la bouche de Shelby. Elle savait qu'elle ne pouvait pas régler les problèmes de tout le monde, mais elle n'avait pas pu s'empêcher de penser qu'elle faisait partie du problème.
- On aura probablement d'autres discussions comme celle-ci à l'avenir alors.
- Je ne sais pas. Je ne me vois pas t'appeler à chaque fois que j'ai une révélation, fit Rachel en balayant ses paroles d'un geste de la main.
- Et pourquoi pas ? Je serai contente de pouvoir t'aider. Ca me donnerait l'impression de faire partie de ta vie.
Rachel leva les épaules. Elle n'était pas encore sûre de vouloir de Shelby dans sa vie. Elle ne s'en sentait pas encore prête, en tout cas.
- Je sais que je fais partie des causes du mal-être qui te suis.
- Je vais très bi…
- Non, Rachel, ça se voit, interrompit Shelby. Et tu as le droit d'aller mal. C'est compréhensible. Vous avez traversé tellement de choses avec Quinn et vous êtes encore si jeunes.
Sans pouvoir s'y opposer, Rachel accepta que Shelby lui prenne la main. Au fond d'elle, elle avait besoin de ce réconfort que seule une mère pouvait offrir.
- Si tu as la moindre question ou juste l'envie de me hurler dessus, n'hésite pas à m'appeler.
Rachel lui serra la main. Elle n'était pas sûre de mettre un jour cette promesse à exécution, trop apeurée qu'elle serait de découvrir qu'il s'agissait de paroles en l'air. Mais elle accueillit néanmoins le soupçon d'espoir que ça lui donnait.
- Je veux me racheter, Rachel. Je veux faire partie de ta vie. Je n'ai pas su être l'adulte que tu avais besoin en étant enfant. Autorise-moi à être celle qui peut t'épauler dans ta vie d'adulte.
Hésitante, Rachel n'eut pas le temps de rejeter l'idée qu'elle se faisait accaparer par une boule d'énergie blonde. Quinn rejoignit la table juste derrière elle et lui jeta un regard inquiet. Elle avait remarqué les rougeurs autour de ses yeux.
- Rachel ! Quinn dit que tu chantes comme Maman. Tu veux bien chanter avec moi, s'il te plaiiit ?
Décidément, elle aurait une discussion avec Quinn sur le fait de toujours la mettre au pieds du mur.
- Pas maintenant, trésor. Tu dois te préparer. Ton cours de danse commence dans une heure, expliqua Shelby.
- Est-ce que Quinn et Rachel peuvent venir ?
- Oui, si elles n'ont rien de prévu.
L'enthousiasme de Beth était contagieux. Quinn souriait jusqu'aux oreilles et Rachel put y lire toute l'envie de voir Beth danser dans ses yeux. Elle lui demandait silencieusement la permission. Levant les yeux au ciel, Rachel sourit et accepta.
- Trop cool ! Je vais chercher mon sac.
La fillette repartit en courant pour prendre les escaliers et monter dans sa chambre. Shelby secouait la tête, dépitée d'autant d'énergie.
- Elle est tellement heureuse que vous soyez là. Vous lui manquez beaucoup.
- Elle nous manque aussi, sourit Quinn. J'ai hâte de voir comme elle se débrouille.
- Oh, tu vas être surprise de voir comme elle est déjà très douée. Elle possède ta grâce naturelle et ton port de tête. Et elle prend ça très au sérieux.
Quinn baissa la tête timidement sous les éloges, un sourire fin sur les lèvres. Elle n'avait pas l'habitude que Shelby se montre si ouverte. Rachel observa les deux femmes discuter. Quinn était tellement plus à l'aise face à Shelby qu'elle ne l'avait été quand elles étaient encore au lycée. Elle était bien dans ses chaussures et confiante dans la personne qu'elle était devenue. Shelby semblait avoir pardonné les travers de Quinn quand elle était adolescente. Tout semblait aller pour le mieux entre elles et Rachel se surprit à sentir un poids se libérer de ses épaules. Elle n'avait pas imaginé comme l'entente entre Quinn et Shelby étaient importantes pour elle.
- Son cours donne une représentation en décembre pour Noël. Vous devriez venir la voir.
Quinn se tourna immédiatement vers Rachel pour lui donner tout pouvoir sur la décision. Leurs visites à New York étaient toujours plus un supplice pour elle que pour la blonde. Rachel réfléchit rapidement. Elles n'avaient encore rien de prévu pour les fêtes et un Noël à New York lui rappellerait de vieux souvenirs. Puis Shelby faisait un pas vers elle. Le tout premier. Elle les invitait à partager un moment de sa vie avec Beth. C'était sa manière de leur montrer qu'elles comptaient. Elle ne pourrait pas refuser éternellement.
- Ce serait avec plaisir, accepta-t-elle finalement d'un sourire envers sa mère.
Tout n'était pas encore pardonné et il restait un long chemin à parcourir mais elles étaient sur la bonne voie. Rachel le pensait, en tout cas. Et ce fut les épaules allégées et l'estomac dénoué qu'elle suivit sa mère dans la voiture pour conduire Beth à son cours de danse. La chose semblait si étrange et naturelle à la fois. Comme si elle commençait à trouver sa place. Enfin.
Dans la voiture, sur le retour, Beca et Chloe chantonnaient tranquillement sur l'air qui passait à la radio, Lucy endormie dans son siège à l'arrière. Chloe jouait avec les doigts de Beca sur ses genoux. Beca lui jetait des regards attentionnés de temps en temps, incapable de ne pas la regarder quand elle était près d'elle. Chloe semblait à l'aise et calme. Heureuse. Elle avait l'air plus détendue qu'elle ne l'avait été les semaines précédentes.
Arrêtée à un feu rouge, Beca observait les alentours. Le carrefour donnait vue sur plusieurs petits commerces locaux, une épicerie, un garage, une pharmacie. Beca ouvrit grands les yeux.
- Tu veux que je m'arrête à la pharmacie pour que tu puisses prendre tes médicaments ?
Elle pointa le commerce du doigt en regardant Chloe. La jeune femme montra un visage étonné avant de comprendre.
- Oh, oui, tu as raison ! Mais je…
Son visage se referma immédiatement. Elle baissa les yeux. Le feu passa au vert alors Beca avança et se gara devant la pharmacie. La brune observa sa petite-amie se triturer les mains, mordiller ses lèvres.
- Tu as oublié tes papiers ?
- Non, ce n'est pas ça. Je…
Beca lui prit la main dans un geste réconfortant. Chloe releva un regard gêné mais attendri.
- Je n'ai pas les moyens de payer, avoua-t-elle finalement du bout des lèvres.
Beca pencha la tête, les yeux tristes. Elle comprenait maintenant les réticences de Chloe mais c'était dans un sens agréable d'entendre Chloe se confier plutôt que de la voir s'agacer comme c'était le cas auparavant.
- Je peux te l'avancer si tu veux. Ou même payer tout court. Je veux dire… On est un couple et c'est pour ta santé. On peut partager ce genre de choses, non ?
Chloe sourit timidement. Beca était adorable. Mais ce n'était pas à elle de subvenir à ses besoins. Elle devait s'occuper de Lucy en priorité. La rousse commençait à secouer la tête pour refuser mais Beca lui prit les deux mains.
- Ecoute, un jour, on sera toutes les deux riches et célèbres, j'aurai gagné au moins quatre Grammy et toi, trois Oscar. On aura une maison gigantesque avec une piscine. Et tu pourras acheter tout ce que tu veux, c'est promis. Mais pour l'instant, tu as besoin de tes médicaments et je veux t'aider.
- Mais, et Lucy ?
- Quoi, Lucy ?
Les deux jeunes femmes jetèrent un regard à l'arrière de la voiture. La petite fille dormait paisiblement, ses petits doigts recourbés sur son éléphant, ses boucles brunes éparpillées sur son siège.
- Lucy a tout ce qu'il lui faut. Et elle a besoin d'une Chloe en bonne santé. Moi aussi.
Chloe sourit et secoua la tête, amusée. Elle se pencha pour embrasser Beca doucement. Quand elle s'écarta, Beca lui sourit et lui déposa un baiser sur la joue.
- Tu me donnes ton ordonnance ? J'y vais pour toi.
Chloe acquiesça, des papillons dans le ventre et se pencha pour récupérer ses documents dans son sac à main. Elle les tendit à Beca qui se détacha et sortit de la voiture avec un clin d'œil. Chloe s'affala dans son siège, surprise mais heureuse. Elle regarda Lucy dormir dans le rétroviseur. Elles avaient fait tellement de chemin. Elle avait hâte de découvrir ce que l'avenir leur réservait. Si les prédictions de Beca étaient bonnes, elles seraient définitivement heureuses.
De retour de New York, Quinn ouvrit la porte de leur appartement et laissa passer Rachel avec leurs bagages pendant qu'elle vérifiait le courrier qu'elles avaient reçu en leur absence. Parmi les factures, les publicités et les coupons de réduction, une lettre sortait du lot. Elles en avaient une chacune. Quinn ouvrit la sienne à la hâte, les sourcils froncés. Quand elle vit le logo de leur ancien lycée, ses sourcils remontèrent immédiatement sur son front.
- Rach' ! Regarde ce qu'on a reçu ! McKinley fait une fête pour les anciens élèves. On devrait y aller.
Rachel s'approcha et lui prit la lettre des mains pour la lire à son tour. Quinn observa ses yeux lire en diagonale puis ses lèvres se froncèrent.
- Je ne suis pas sûre, Quinn.
La brune avança dans l'appartement pour se départir de son manteau et de ses chaussures, épuisée du voyage qu'elles venaient d'accomplir.
- Pourquoi pas ? Demanda Quinn en l'imitant. Imagine la tête des anciens élèves quand ils nous verront arriver ensemble.
Elle s'approcha pour encercler Rachel dans ses bras et la brune lui sourit tendrement.
- Oh, c'est juste pour te balader avec ta fiancée au bras ?
Quinn balança le cou de droite à gauche. Un sourire en coin naquit sur son visage. Ses yeux brillaient de malice.
- Ma fiancée talentueuse et super sexy, souffla-t-elle en balançant ses sourcils.
Rachel ricana et s'appuya sur la pointe de ses pieds pour l'embrasser tendrement. Quinn adorait la charmer. C'était son petit jeu favori. Faire rougir Rachel. La brune se recula légèrement et reprit son sérieux. Quinn perdit son sourire mais elle resserra son étreinte.
- Je ne suis plus retournée à Lima depuis la mort de Finn, avoua Rachel d'une voix timide.
Quinn comprit immédiatement la difficulté de retourner dans leur ancien lycée. L'endroit conservait tellement de souvenirs. Des évènements qu'ils auraient tous préféré oublier. La grossesse de Quinn En faisait partie. La mort de Finn aussi. La débâcle du mariage de Schuester. L'accident de Quinn. Les brimades et les humiliations quotidiennes. Quinn avala sa salive difficilement. En y réfléchissant bien, elle n'était pas tellement sûre de vouloir y aller.
- On ne peut pas fuir constamment le passé, finit-elle par dire. Ce sera difficile pour nous deux.
Rachel hocha la tête. Elle oubliait parfois comme la période avait été aussi traumatisante pour Quinn. Elle s'avança pour venir poser sa tête contre la poitrine de la blonde et serrer ses bras autour d'elle.
- On a aussi passé quelques bons moments là-bas.
- On a gagné quelques compétitions, sourit Quinn.
Rachel pouffa de rire. Ils avaient brisé la pyramide hiérarchique du lycée à leur époque. Quinn était au meilleur de sa forme en tant que capitaine des cheerleaders.
- Tu en as gagné pas mal à toi toute seule.
Quinn rit également. Tout paraissait si important à l'époque.
- Tu te souviens des dessins dans les toilettes ?
Rachel aspira une goulée d'air de surprise. Elle avait oublié les dessins pornographiques que Quinn avait dessiné dans les toilettes. Les dessins qui représentaient Rachel.
- Tout parait clair maintenant, rit la brune. Tu ne pouvais pas être plus directe.
Quinn rougit légèrement. Comme elle avait pu être dans le déni pendant ses années lycée.
- On peut toujours y réfléchir. Voir si San' et Brit' y vont.
- Oui, et Kurt et Blaine.
- Et Tina et Mercedes.
Elles rirent ensemble. Si toute la troupe se rejoignait, il était presque sûr qu'elles se joindraient à la fête également. Sans Finn, la bande d'amis avait su rester soudée. La fête ne serait pas la même mais ils pouvaient au moins se souvenir des bons moments ensemble.
Quinn embrassa une dernière fois Rachel sur le front avant de s'extirper pour se rendre dans la cuisine et allumer la bouilloire.
- Tu sauras être dans la même pièce que Sam sans l'étriper ?
Rachel roula des yeux en la rejoignant. Le jeune homme avait gardé son béguin pour Quinn toutes ces années et, même s'il était bien conscient qu'il n'avait plus aucune chance, ses yeux se montraient très baladeurs. Et Rachel se montrait très protectrice de Quinn dans ces conditions. Seulement pour l'honneur de Quinn, évidemment. Rien d'autre.
- S'il ne te reluque pas, ça devrait aller, répondit finalement Rachel très sérieusement.
Quinn explosa de rire. Elle se tourna pour s'appuyer contre le plan de travail et pencha la tête pour l'observer. Elle aimait secrètement voir Rachel jalouse, même si la brune n'avait aucune raison de l'être.
- Il y aura peut-être St James.
Les lèvres de Rachel se froncèrent dans une moue de dégoût. Elle s'avança juste à côté de Quinn et se hissa sur la pointe de ses pieds pour prendre deux tasses dans l'armoire.
- J'imagine qu'on serait à égalité avec tous nos exs présents.
Quinn se tourna légèrement et passa une main sous le pull de Rachel pour caresser la peau hâlée dans le bas de son dos.
- On n'est pas obligées d'y aller, rassura Quinn. On peut dire qu'on est trop occupées à préparer notre mariage. Ou on ne peut rien dire du tout et ne pas répondre.
- Ou on peut y aller pour enfin mettre un terme à tout ça, fit Rachel d'un sourire fin.
Quinn l'observa verser l'eau dans les tasses, y mettre une cuillère de miel et un sachet de thé dans chacune d'entre elles avant de lui en tendre une. Elle prit sa tasse et la fit claquer contre celle de Rachel.
- Aux nouveaux départs.
Rachel sourit et reclaqua sa tasse contre celle de Quinn. Elle se pencha pour l'embrasser sensuellement.
- Aux nouveaux départs, murmura-t-elle contre les lèvres de la blonde.
Elle reposa sa tasse et prit l'autre des mains de Quinn pour la poser également. Elle encercla ses bras autour du cou de la blonde, qui passa ses mains dans son dos, tout en approfondissant le baiser.
Leurs anciens camarades n'avaient rien à leur envier. Elles étaient fières de ce qu'elles étaient devenues et encore plus fières de ce qu'elles deviendraient.
Inspirant profondément puis expirant doucement, Aubrey tentait de mettre en pratique les exercices de respiration qu'elle avait appris en cours de yoga mais cela s'avérait inutile pour ce qu'elle s'apprêtait à faire. L'angoisse qu'elle ressentait à l'idée d'affronter son père n'avait jamais été aussi importante.
Le téléphone à la main, Aubrey profitait de l'absence de Stacie pour utiliser sa chambre. A l'abri des oreilles indiscrètes de la maison, elle ne voulait pas que toutes les Bellas sachent comme son père la détestait pour ses préférences. Elle partageait énormément de choses avec ses amies, mais pas ses conversations téléphoniques.
Dans un dernier souffle, Aubrey appuya sur le bouton vert et mit son téléphone à l'oreille. Son cœur résonnait au rythme des sonneries. Si son père ne répondait pas, elle n'était pas sûre de trouver le courage de lui dire la vérité à nouveau. Les bips dans son oreille semblaient trainer à chaque sonnerie. Puis la voix rocailleuse du général Posen se fit entendre.
- Ma chère fille, comment vas-tu ?
- Père. Très bien, je…
- Aurais-je encore oublié d'envoyer le chèque à l'association des vétérans d'Indonésie ?
- Non, non, je t'appelais pour te dire…
Les sourcils froncés, Aubrey ne savait vraiment pas comment aborder le sujet. Elle qui habituellement était tellement articulée. Elle perdait pourtant tous ses moyens face à son père.
- Eh bien, Aubrey, je t'ai habitué à finir tes phrases. Qu'y a-t-il donc ? Je n'ai pas toute la journée, j'ai une réunion avec l'ambassadeur de Turquie pour discuter d'un accord commercial entre nos forces armées.
- Je… Il faut que je te dise…
La gorge sèche, le ventre noué. L'acide dans son estomac s'accroissait au fur et à mesure que les secondes passées. Il fallait que ça sorte. Elle ne pouvait pas garder sa relation avec Stacie secrète éternellement. Elles méritaient toutes les deux mieux que ça.
- Je suis amoureuse, lança-t-elle enfin, interrompant son père qui venait de commencer une nouvelle tirade sur la façon dont elle ne parlait pas comme il lui avait appris.
La nouvelle fut accueillie par un silence puis le général Posen s'exclama de joie.
- C'est fantastique ! Depuis combien de temps ?
- Quelques mois, à vrai dire. Je voulais… Je préférais être sûre, chevrota la blonde.
- Ma fille, toujours prudente. Comment s'appelle-t-il ? Je connais ses parents ?
- Non, tu ne… les connais pas.
L'hésitation était palpable de chaque côté du combiné. Le général Posen était un homme intelligent et même si Aubrey se plaignait de ne pas le voir suffisamment, il connaissait sa fille. Aubrey prit une profonde inspiration. Une phrase, une seule, et elle pourrait dire à Stacie qu'elle l'avait fait.
- Elle s'appelle Stacie Conrad. C'est une femme, ajouta-elle pour enlever toute ambiguïté.
Malgré le silence de plomb qui tomba dans son oreille, Aubrey ne put s'empêcher de sourire. Elle l'avait fait. Elle était libre. Stacie était intelligente, talentueuse et méritait mieux que d'être traitée de la sorte.
- Je sais que ce n'est pas ce que tu espérais pour moi et j'ai longtemps hésité. Crois-moi, père, si je pouvais changer mes préférences, je le ferai. Mais je l'aime et je ne peux plus vivre dans le secret.
Le général Posen ne répondit rien et, pendant un temps, Aubrey crut que la ligne avait été coupée. La réalité commençait à la rattraper et Aubrey frotta ses mains moites sur son pantalon, alternant le téléphone d'une oreille à l'autre.
- Père, vous êtes toujours là ?
Un raclement de gorge se fit entendre puis l'appel s'interrompit. Aubrey retira le téléphone de son oreille pour l'observer attentivement. Son père lui avait raccroché au nez. L'angoisse se resserra autour de son estomac et elle leva une main à sa bouche pour étouffer un sanglot. Ses yeux s'embuèrent immédiatement. Elle s'effondra sur le lit, le téléphone toujours enfermé dans une main crispée. Elle l'avait fait, mais à quel prix ?
Stacie la trouva quelques heures plus tard dans le même état. Elles pleurèrent ensemble, dans la solitude de la chambre de Stacie. Malgré le réconfort et les mots d'amour prononcés, Stacie était terrifiée de ne jamais être assez pour Aubrey. De ne jamais être capable de combler le vide que son père venait de former. Elle lui promit d'essayer malgré tout. Parce qu'elle l'aimait et c'était ce qui comptait le plus. C'était ce qui devait peser le plus lourd dans tout ça.
Selon Beca, c'était en forgeant qu'on devenait forgeron. Ou quelque chose de plus inspirant mais elle n'avait pas la bonne expression pour le moment. Ce qui était sûr, c'était que ce jour-là, après deux heures intensives à répéter la chorégraphie sur une chanson de Taylor Swift, elle n'était plus très sûre que l'expression s'avérait juste.
L'équipe avait répété tellement de fois l'enchaînement que plus rien ne semblait rentrer. Beca avait donné le solo à Stacie parce qu'elle pensait que la jeune femme était capable de l'assumer mais chaque note lui semblait difficile.
Dès les notes finales de la chanson, Beca appela à la fin de l'entraînement. Les applaudissements retentirent et Beca se dirigea vers son sac pour s'emparer de sa bouteille d'eau. Elle en but une bonne moitié avant de se rendre compte que Stacie l'avait suivi. Sans vraiment lui prêter attention, elle se saisit de son téléphone pour vérifier qu'elle n'avait aucun message. Chloe était seule avec Lucy à la villa. C'était la première fois qu'elle la gardait sans supervision.
Stacie se racla finalement la gorge et Beca releva les yeux. Son amie semblait troublée, les sourcils froncés, les lèvres pincées. Stacie n'était pas du genre à s'en faire pour quoi que ce soit, sauf quand c'était extrêmement important, comme les compétitions ou ses études.
- Je peux te parler ?
Beca ouvrit de grands yeux devant l'air peu assuré de la jeune femme. Elle n'avait pas l'habitude de voir Stacie si peu sûre d'elle.
- Oui, bien sûr. Je t'écoute.
Beca soupçonnait que ça avait quelque chose à voir avec Aubrey qu'elle avait vu quitter la maison les yeux bouffis quelques jours plus tôt. Elle s'affaira à ranger ses affaires pendant que Stacie parlait.
- Je sais qu'on n'est pas en très bons termes, ces derniers temps, toi et moi. Je voulais m'excuser d'avoir envoyé ce message. Tu as raison, ça ne me regarde pas. Juste, s'il te plait, ne te venge pas sur l'équipe. Elles n'y peuvent rien, c'était ma propre stupidité.
Beca leva un sourcil. Elle ne comprenait pas bien ce que Stacie voulait dire.
- Je ne me venge pas sur l'équipe.
Stacie pouffa de stupeur, amusée. Elle se tourna pour montrer la scène où elles s'étaient entraînées.
- La chanson que tu as choisi, le fait de me donner le solo et de nous démener à répéter alors qu'on est toutes épuisées. Tu vas me dire que tu ne l'as pas fait exprès ?
Beca secoua la tête et se passa les mains sur les hanches. Elle regardait ses chaussures, essayant de comprendre. Elles s'entraînaient sur Bad Blood parce que Chloe avait prévu l'enchaînement bien avant son accident et qu'elles avaient besoin de nouvelles chorégraphies pour les autres chansons. Beca avait choisi Stacie parce qu'elle pensait que sa tessiture fonctionnait bien sur la chanson et non pour les paroles qu'elle représentait. Une lueur de compréhension se répandit sur son visage et elle rit.
- Je ne t'ai pas choisi pour le solo à cause de ce qu'il s'est passé. Franchement, Stacie, je suis plus mature que ça, non ?
La jeune femme leva les épaules, un sourire en coin sur le visage.
- Oui, je suis en colère contre toi parce que tu t'es immiscée dans notre vie et tu t'es attaquée à un sujet sensible. Mais je t'ai donné le solo parce que je pense sincèrement que tu as la meilleure voix pour la chanter. Chloe avait choisi la chanson bien avant son accident et comme je n'ai pas eu le temps de travailler sur les autres arrangements, j'ai choisi celle-là pour aujourd'hui.
Stacie hochait la tête en signe de compréhension. Elle s'en voulait terriblement de ce qu'elle avait fait. Elle avait vraiment cru que Beca l'avait prise en grippe tout le long de l'entraînement.
- Je suis vraiment désolée. Avec le recul, je comprends comme ça aurait pu mal tourner.
- Tu as de la chance qu'on discute, Chloe et moi, acquiesça Beca. J'aurai pu prendre ton message aux mots et pensé qu'elle s'amusait à raconter notre vie à tout le monde. Je l'ai pensé, en fait. Mais elle a su me faire entendre raison.
La brune se tourna pour enfiler son pull puis son manteau et son écharpe. Elle passa son sac sur son épaule et tendit un poing fermé vers Stacie.
- Sans rancune ?
La jeune femme sourit et tapa son poing contre celui de Beca.
- Merci, Cap'.
- Pas de problème. Entraîne-toi sur le refrain quand tu as le temps. Je suis sûre que tu peux atteindre les bonnes notes avec de la pratique.
Stacie lui sourit et partit prendre son sac. Elles quittèrent l'auditorium avec le sourire aux lèvres, leur querelle déjà oubliée.
Quand Beca passa la porte, elle fut accueillie immédiatement par sa fille qui baladait à quatre pattes dans tout le rez-de-chaussée. Chloe la suivait de près et se réjouit de voir Beca enfin rentrée. Beca prit Lucy dans ses bras et couvrit ses joues de baisers. Chloe s'approcha pour l'embrasser.
- Désolé, j'essaie de lui donner un peu de liberté mais elle est tellement rapide, expliqua Chloe.
- Ne t'en fais pas, tu gères ça très bien, lui sourit la brune.
Elle reposa Lucy au sol et l'enfant partit tout de suite vers le salon. Beca rit en voyant Chloe se précipiter à sa suite alors qu'elle enlevait ses chaussures et son manteau. Elles étaient plus au moins seules pour le moment. Stacie devait rejoindre Aubrey au lodge pour le reste de la semaine. Ashley et Jessica étaient de corvée pour les courses. Amy devait rejoindre son petit ami. Lily avait disparu après l'entraînement. Seule Cynthia Rose devait se trouver dans la maison à réviser pour un examen.
Beca rejoignit Chloe dans le salon où un tapis de jeu en forme de puzzle en mousse avait été fabriqué pour Lucy. Des jouets étaient éparpillés sur le tapis, dont les voitures que Vittoria avait offertes à Lucy. Chloe était assise sur l'un des coins. Elle envoyait des voitures vers Lucy qui lui ramenait systématiquement. De la musique passait à la télévision et Beca reconnut Stevie Wonder.
- Elle a mangé une compote et un boudoir. Ses dents ont l'air de l'embêter encore, fit Chloe en fronçant les lèvres.
- Je lui mettrai de la crème ce soir.
Beca s'assit en face de Chloe. A elles deux, elles encadraient parfaitement Lucy. La petite fille se précipita sur sa mère quand elle l'entendit fredonner l'air qui passait dans la pièce. Les deux jeunes femmes sourirent.
- J'ai découvert qu'elle avait plus ou moins les mêmes goûts que toi en musique. Tu chantais beaucoup en étant enceinte ?
Beca rentra la tête timidement entre ses épaules. Elle sourit narquoisement.
- J'écoutais surtout du pop/rock au lycée. Et du rap.
- Essaie Linkin Park, elle adore, fit Chloe en lui faisant glisser la télécommande.
Les yeux de Beca s'illuminèrent de curiosité. Elle appuya sur plusieurs boutons pour changer de musique. Quand les premières notes de Bleed it out retentirent, Lucy s'arrêta net et s'assit pour danser sur ses fesses, les mains en l'air. Beca éclata de rire. C'était l'une de ses chansons préférées du groupe. Les deux jeunes femmes chantèrent en rythme. Lucy s'approcha de Chloe et s'appuya sur elle pour se lever. Chloe lui prit les mains et la fit danser. Lucy rit aux éclats. Beca se dit qu'elles auraient du mal à la coucher mais que ça en valait la peine.
Chloe prit Lucy dans ses bras et l'embrassa sur les joues. Elle fit semblant de lui dévorer le cou. Lucy explosa de rire. Elle la remit debout ensuite pour l'encourager vers le milieu du tapis. Beca et Chloe s'attendaient toutes les deux à la voir s'abaisser pour rejoindre Beca à quatre pattes. Elles ne s'attendaient pas à la voir faire deux pas hésitants.
- Becs, regarde !
- Je vois !
Lucy balbutia doucement sur ses jambes alors Chloe la sécurisa de deux mains sur les côtés avant de la lâcher pour l'encourager à rejoindre Beca. La brune s'approcha, les mains en avant, pour rendre la tâche plus facile à Lucy qui tenait pour le moment bien debout au milieu du tapis. Elle fit un premier pas hésitant, sous les cris surpris de Chloe. Puis un deuxième et un troisième et ensuite elle courut se jeter dans les bras de sa mère qui l'empêcha de tomber.
Beca la serra fort dans ses bras, l'embrassant dans ses cheveux. Elle regarda Chloe avec tellement de fierté et de larmes dans les yeux que la rousse ne put retenir son émotion non plus.
- Je n'y crois pas.
- Encore une fois ! Je la filme ce coup-ci.
Beca embrassa une dernière fois Lucy sur le front puis la positionna debout face à Chloe.
- Tu vas voir Chloe, ma chérie ?
Lucy utilisa les mains de Beca jusqu'à ce qu'elle fut obligée de lâcher. Chloe s'était approchée pour réduire la distance considérable entre elles. Lucy fit les derniers pas pour rejoindre Chloe, hésitante et prudente mais en rigolant, comme si elle avait conscience de la joie que cela procurait aux deux jeunes femmes.
Chloe et Beca acclamèrent sa réussite. Beca applaudissait en reniflant, tellement heureuse d'avoir pu assister aux premiers pas de sa fille.
- Tu l'as eu ?
- J'ai tout filmé ! On pourra faire un énorme diaporama pour ses dix-huit ans.
Beca éclata de rire et se leva pour les rejoindre. Chloe l'attira à elle et elles s'embrassèrent puis elles couvrirent Lucy de baisers chacune leur tour.
- Tu pourras m'envoyer la vidéo ? Mes parents vont vouloir voir ça.
- Evidemment. Et je le montrerai à toutes les filles, fit Chloe en riant.
Elle attrapa Lucy pour la chatouiller dans les côtés. Beca la regarda jouer avec Lucy, la câliner, l'embrasser comme si c'était la sienne. Son cœur se remplit d'amour pour les deux personnes auxquelles elle tenait le plus au monde. Doucement, Beca posa sa tête sur l'épaule de Chloe.
- Je t'aime.
Chloe tourna un regard étonné vers elle puis lui embrassa le front. Elle posa sa tête sur celle de Beca et l'encercla d'un bras. Ensemble, elles regardèrent Lucy jouer.
- Je t'aime aussi.
Trois coups à la porte retentirent. Rachel fronça les sourcils. Elle n'attendait personne. C'était le milieu d'après-midi. Quinn était au café pour régler quelques détails avant la reprise des cours. Elle avait prévu de l'attendre devant une comédie musicale. Se détendre était un vrai challenge ces derniers temps.
Sans plus y réfléchir, Rachel se leva du canapé et alla ouvrir la porte pour y découvrir Beca, un sac à langer en bandoulière et Lucy dans un porte-bébé.
- Beca ? Quinn n'est pas là, elle est au café.
- Je sais, c'est toi que je suis venue voir.
- Vraiment ?
Etonnée, Rachel laissa passer la jeune femme, après l'avoir serré dans ses bras, et l'entraina dans le salon où Les Misérables étaient en pause. Elle lui proposa un café que Beca accepta volontiers. Quand Rachel revint avec les tasses et des biscuits, Beca avait détaché Lucy et la tenait sur ses genoux.
- Ca fait plaisir de vous voir, sourit Rachel en s'approchant pour embrasser Lucy sur la tête.
- Oui ! Désolé, je ne peux plus me permettre de voyager léger, fit Beca en rangeant les affaires qu'elle avait éparpillé sur le canapé.
- Je comprends, rit Rachel. Le porte-bébé te va bien.
Beca roula des yeux mais sourit face à l'amusement dans la voix de Rachel. Il y avait mieux comme accessoire de mode mais c'était plus pratique ainsi et Lucy commençait à marcher alors elle pourrait bientôt s'en passer.
- Vous vous en sortez avec tous ces changements ?
- On prend encore nos marques, avoua Beca. Surtout la nuit. Même si j'ai conscience d'avoir de la chance parce que cette demoiselle est plutôt facile à vivre, la nuit reste compliquée. Elle fait beaucoup de cauchemars.
Rachel s'étonna d'entendre cela. Lucy était tellement jeune. C'était difficile de s'imaginer qu'un enfant en bas âge pouvait avoir des difficultés à dormir.
- J'ai consulté un médecin pour savoir si c'était normal, raconta Beca en regardant sa fille jouer avec son collier. Il m'a expliqué que c'était très rare mais possible. Malheureusement, Lucy ne parle pas encore assez pour qu'on puisse comprendre alors j'essaie de la rassurer comme je peux. La présence de Chloe l'aide beaucoup aussi.
Rachel observa Beca prendre une gorgée de café. Elle s'avança pour lui poser une main compatissante sur le genou.
- Ce n'est que le début. Elle ira de mieux en mieux. J'en suis persuadée.
Beca lui sourit puis embrassa Lucy dans ses cheveux. Elle reprit une gorgée de café avant de sortir son téléphone.
- Bon, tu te doutes bien que je ne suis pas venue pour me plaindre.
- Non, évidemment, s'amusa Rachel. Même si tu ne te plains pas vraiment.
- Sémantique, fit Beca d'un clin d'œil. Figure-toi que je suis tombée sur cette vidéo en fouinant un peu.
Elle tendit son téléphone à Rachel et lui indiqua d'appuyer sur marche pour lancer la vidéo. Rachel ouvrit de grands yeux et couvrit immédiatement sa bouche d'une main. La vidéo était l'une des représentations des New Directions. Plus précisément celle qui leur avait fait remporté la compétition nationale. Elle se voyait, rajeunie de quelques années, danser et chanter avec tellement de confiance et d'assurance. Tout le monde souriait. Finn était là au milieu de la scène. Rachel arrêta la vidéo quand il commença à chanter.
Les lèvres pincées, elle tendit le téléphone à Beca et ferma les yeux un instant. Elle essayait de prendre la main sur ses émotions, de les dompter pour éviter d'exploser. Beca n'y pouvait rien, elle ne savait pas toute l'histoire derrière cette seule représentation.
Quand elle rouvrit les yeux, Beca l'observa avec alarme et gravité. Elle la vit se gratter le front pour se frotter la nuque en signe de nervosité.
- Je suis désolée, je pensais que c'était de bons souvenirs pour toi.
Rachel lui sourit de manière forcée. Elle prit une gorgée de café et garda sa tasse dans le creux de sa main. Elle secoua la tête pour se remettre de ses émotions. Ce n'était pas si grave finalement. Juste quelques chansons.
- Comment as-tu trouvé cette vidéo ?
- J'ai cherché un peu, fit Beca penaude. Après ta démonstration en karaoké la dernière fois, je voulais en voir plus. Santana m'avait parlé de vos spectacles. Quinn avait dit que vous aviez gagné mais je ne m'imaginais pas à quel point tu es douée.
Rachel baissa la tête sous les compliments. Avec le temps, ce genre de compliments était devenu faux de la part de ses paires. Elle avait cessé de les apprécier quand ils n'étaient pas sincères. Mais Beca l'aidait, irrévocablement. Elle avait cet émerveillement sur le visage, cette passion dans les yeux. Rachel l'avait entendu dans sa voix quand elle l'avait entendu chanter au Queen's coffee.
- Tu avais un rôle pour Broadway, non ?
- Pas exactement, répondit Rachel évasivement.
Elle ne comprenait pas pourquoi la curiosité de Beca l'avait poussé à fouiller aussi loin.
- J'avais été sélectionnée comme second rôle dans une pièce de mon université. Mais j'ai tout lâché.
L'étonnement de Beca s'afficha immédiatement sur son visage. Elle fut distraite un instant par Lucy qui demandait à être posée au sol pour découvrir le salon de Quinn et Rachel. Elle regarda Lucy balader sur ses genoux dans le salon. Finalement, son regard revint sur Rachel qui avait l'air abattue. Elle prit une gorgée de tasse et la garda en main, ses coudes sur les genoux.
- Je ne comprends pas. Pourquoi tu … Tu es si talentueuse. Une voix comme la tienne, c'est tellement rare.
- Pas tant que ça, contredit Rachel. A Julliard, il y en a des dizaines comme moi.
Du coin de l'œil, Rachel vit Beca secouer la tête. Revoir cette représentation avait fait remonter tellement d'insécurité et de doutes.
- Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas de place pour tout le monde. Tu as tellement de potentiel. Tu n'as pas vu comme tout le monde te regardait quand tu as chanté à la villa ? Ils en parlent encore et ils ne savent même pas qui tu es.
Rachel rigola mais se calma très vite. Ses rêves, elle les avait enfoui il y avait très longtemps et elle n'était pas sûre d'aimer l'espoir que Beca insufflait en elle.
- C'est loin pour moi tout ça maintenant.
- Je vois, fit Beca en terminant sa tasse.
La jeune femme se leva pour aller récupérer Lucy avant qu'elle ne pose ses doigts sur l'écran du téléviseur. Sa fille sur les hanches, elle se tourna vers Rachel.
- J'étais venue te proposer une collaboration. Tu as la voix, j'ai la musique. Et en mélangeant nos talents, on pourrait…
Beca écourta sa phrase. Elle avait prévu plein de beaux discours encourageants, pensait trouver une Rachel partante pour l'aventure. Elle n'avait trouvé que de vieux souvenirs et une angoisse à peine voilée.
- Enfin, laisse tomber. Je me suis trompée.
Elle rassembla ses affaires et attacha Lucy dans le porte-bébé. Elle s'approcha de Rachel pour la serrer amicalement.
- Désolée, je ne peux pas rester plus longtemps, je dois récupérer Chloe en rééducation.
- Pas de problème. Je demanderai à Quinn de t'envoyer un message pour que vous veniez manger un soir.
Beca lui sourit et lui frictionna légèrement le bras en signe de réconfort.
- Je suis désolée d'être venue de questionner comme ça. Si j'avais su ce que ça voulait dire pour toi, je n'aurai pas insister.
- Ne t'en fais, répondit Rachel en posant sa main sur celle de Beca. Je te remercie d'être passée. Ca m'a fait plaisir de vous voir toutes les deux.
Elle se pencha pour chatouiller Lucy qui gigota dans le porte-bébé. Rachel les raccompagna à la porte. Elles se serrèrent une dernière fois dans les bras puis Rachel regarda Beca et Lucy partir. Distraitement, elle ferma la porte et s'affala contre. Sans le savoir, Beca venait de planter une graine et lui avait insufflé assez d'espoir pour qu'elle grandisse. Rachel réfléchissait déjà aux possibilités de paroles tout en forçant son esprit à se dire que ce n'était pas bien de rêver aussi ouvertement. Elle n'avait pas le droit. Elle s'était résignée. La musique n'était plus pour elle.
Semaine 12 – 28 juin
Plus que quelques jours et je pourrais sortir. Je suis terrifiée. Et si je n'arrivais pas à tenir en dehors d'ici ? En cure, c'est facile. Il n'y a rien qui circule. Mais dehors, tout devient tentant. J'en ai parlé autour de moi. Il faut que j'apprenne les bons réflexes. La drogue ne peut plus être ma façon d'évacuer ou d'oublier. Il faut que je me trouve des projets, que je m'occupe et que je sois confortable dans ce que je fais. C'est pas gagné. Je ne pense pas reprendre mes études. Revoir les mêmes personnes, traverser les mêmes couloirs, ça m'angoisse. J'ai peur de tomber sur Hayden ou pire, sur le pauvre type qui m'a violé. Imagine, Journal, si je tombais sur lui et que mon cerveau se mettait à reconnaître son visage ? De toute façon, les études, c'est une partie des déclencheurs qui m'ont poussé à l'overdose. Devoir être à la hauteur constamment est devenu trop lourd pour moi. Il faut que je trouve un boulot sympa sans grande prise de tête.
6 Juin
Je viens d'arriver chez Rachel. On a mangé ensemble et elle m'a laissé la chambre. Je resterai chez elle, au début, pour ne pas être totalement seule et dépaysée. C'est ce qui nous est conseillé. Il y a comme une tension entre nous que je n'arrive pas à comprendre. Le repas était gênant. C'est comme si on ne savait plus quoi se dire. Comme si les différences étaient trop grandes. J'espère que ça s'améliorera.
Le cabinet du Docteur Watson était comme à son habitude. Dehors, la pluie battait contre la fenêtre comme pour nettoyer les dernières traces des épreuves qu'elles avaient vécues dernièrement. Rachel était arrivée avant Quinn. La blonde devait la rejoindre après avoir fermé le café. C'était la fin de journée et l'humidité de l'hiver s'infiltrait dans tous les recoins. Rachel sentit un frisson la traverser et resserra son cardigan autour d'elle, les bras croisés. La séance serait encore une fois éprouvante.
- Mademoiselle Berry, nous pouvons commencer si vous le souhaitez, fit le Docteur Watson en prenant place dans son fauteuil en cuir.
La jeune femme rencontra ses yeux et acquiesça. Mais par où commencer ? Rachel avait appris tellement de choses ces derniers jours sur le passé de Quinn, ce qu'elle avait ressenti en cure, ce qu'elle avait ressenti avant ça encore. C'était assez flatteur de comprendre que Quinn l'avait toujours aimé. Qu'elle avait toujours été une constante dans la vie de la blonde, malgré tous les travers qui lui étaient arrivés.
- Notre dernière séance remonte à deux semaines. Comment allez-vous depuis ?
Rachel ouvrit la bouche pour répondre mais ses paroles restèrent bloquées dans sa gorge. Elle se pencha pour se saisir de son verre d'eau et en but les deux tiers.
- Je vais bien. Mieux. On discute énormément avec Quinn. Elle m'a confié beaucoup de choses. Elle me rassure aussi. Je commence à comprendre qu'on n'est pas si différentes l'une de l'autre.
- Comment ça ?
La thérapeute pencha la tête sur le côté, intriguée. Son stylo reposait dans sa main, à quelques centimètres de son bloc-notes. Rachel se racla la gorge et décroisa les bras.
- Quinn m'a donné le journal intime qu'elle a rempli en cure pour m'aider à comprendre, parce que j'avais énormément de questions sur ce qui avait bien se passer dans sa tête à ce moment-là.
La thérapeute hochait la tête en silence, attentive devant chaque parole que Rachel prononçait. Rachel appréciait le fait de ne pas être interrompue, de pouvoir expliquer ses pensées, même les plus brouillonnes, sans que le Docteur Watson n'intervienne. C'était ce qui l'avait poussé à continuer la thérapie.
- En lisant son journal, je me suis un peu reconnue. On était tellement jeunes. On partageait toutes les deux la peur d'être seule, de ne pas être aimée pour ce qu'on est. D'être abandonnée.
- C'est une peur qui est encore présente chez vous ?
- D'être abandonnée ?
- Parmi toutes les autres, oui.
Rachel prit le temps de réfléchir. Elle n'y avait pas pensé, à vrai dire. Elle reconnaissait la peur chez sa version adolescente, dans ses souvenirs. Elle avait été laissée tellement de fois. Par sa mère. Par Finn. Par les familles de ses pères qui n'avaient jamais apprécié qu'ils fondent une famille d'eux-mêmes. Et elle avait été humiliée parce qu'elle ressentait cette peur. Ca l'avait tellement poussé à se faire remarquer, en manque d'attention constante, qu'elle avait tout fait pour briller. Aux dépens de sa réputation et de ce que pouvaient bien en penser ses amis. Ca avait attiré la colère de Quinn, qui était tombée malgré elle sous son charme. Mais cette peur avait-elle disparu ? Les visages de Shelby et de Beth apparurent dans ses pensées. Les perspectives d'avenir qui s'offraient à elle parce qu'elle avait su faire la moitié du chemin, prendre la main que Shelby lui avait tendu.
- Je pense que oui, mais beaucoup moins. Enfin, je pense que c'est probablement ce qui m'a poussé à vouloir partir. A cette soirée où j'ai voulu faire mes bagages.
- La peur d'être abandonnée est parfois tellement forte qu'on choisit de partir avant d'être blessée, confirma le Docteur Watson d'un hochement de tête en prenant notes. Vous avez une idée d'où cette peur peut provenir ?
- Ma mère, lâcha immédiatement Rachel dans un rire plat.
La jeune femme expliqua alors les circonstances de sa naissance, puis de ses retrouvailles avec sa mère. Elle raconta la blessure infligée par Shelby quand elle avait choisi Beth et pas elle. Comment Quinn et elle pouvaient-elles encore se supporter était un mystère. Rachel raconta ensuite leur récente visite à New York et les perspectives de passer les fêtes de fin d'année avec sa mère.
- C'est un progrès considérable. Comment vous sentez-vous face à ça ?
- Je suis terrifiée qu'elle annule à la dernière minute. Qu'elle nous dise qu'elle ne peut pas ou qu'elle préfère garder ses distances finalement.
- Lui en avez-vous parlé ? Elle semble ouverte à la discussion.
Rachel se tritura les doigts. Derrière elle, la porte s'ouvrit doucement et Quinn passa sa tête dans l'entrebâillement. La thérapeute l'invita à entrer sans lâcher Rachel des yeux. Quinn l'embrassa sur le haut de la tête et prit place sur le siège à ses côtés sans dire un mot.
- Rachel ?
La thérapeute la sortit de ses pensées et elle regarda Quinn, lui sourit.
- Oui, euh non, je ne lui en ai pas parlé mais je pourrais sûrement lui téléphonner ce soir pour lui dire ce que je ressens. Elle m'a dit de ne pas hésiter.
- Ce serait un pas considérable. De prendre ses promesses aux mots sans se poser de question.
Rachel hocha la tête. Elle n'était pas encore sûre qu'elle appellerait Shelby le soir-même mais l'idée de lui en parler ne lui faisait pas plus peur que ça. Du coin de l'œil, elle vit Quinn lui tendre la main. Elle la saisit et la serra entre ses doigts.
- Quinn, nous avons commencé sans vous. J'ai pensé que Rachel pouvait profiter d'un peu d'intimité. Je ne pense pas que nous ayons abordé des sujets que vous ignorez, expliqua Diana Watson en lançant des yeux inquisiteurs à Rachel.
La brune confirma mais se tourna de trois quarts vers Quinn. Elle avait quelque chose à ajouter, quelque chose qu'elle venait de comprendre.
- On parlait de la peur d'être abandonnée. Et je sais que tu la ressentais aussi, quand nous étions au lycée puis pendant notre première année de fac.
Quinn acquiesça silencieusement, ses yeux couleur de miel brillaient de fierté de voir comme Rachel avait progressé. Elle ne gardait plus en elle ses émotions, elle les expliquait avec éloquence et organisation.
- Je sais maintenant que tu avais beaucoup de pression sur les épaules et que tu étais terrifiée à l'idée d'être laissée pour compte encore une fois. J'ai compris qu'on était identiques sur ce point.
- On a vécu chacune suffisamment de pertes pour l'être, affirma Quinn, son pouce formant de petits cercles sur la main de sa fiancée.
Son doigt passa sur la bague de fiançailles et les yeux de Rachel le suivirent puis un sourire tendre s'étendit sur son visage.
- Je suis désolée d'avoir voulue partir. J'avais tellement peur que tu replonges, que tu repartes dans tes mauvaises habitudes, à te renfermer dans ton entêtement, que j'ai préféré partir moi-même. Arracher le pansement avant que tu ne l'arraches toi-même. Mais maintenant, je sais. On est liées.
- Heureusement que je ne t'ai pas laissé faire, alors, fit Quinn d'un clin d'œil. Nous allons nous marié, annonça-t-elle en se tournant vers la thérapeute.
Le visage du Docteur Watson s'illumina. C'était toujours une bonne nouvelle, même dans la situation de Quinn et Rachel.
- Avez-vous encore l'une ou l'autre peur de vous perdre ?
- Je pense que ça ne partira jamais mais c'est pour le mieux, répondit Quinn en secouant la tête. J'ai compris que je n'avais pas le droit de te prendre pour acquise. Pas avec tout ce qu'on a traversé. Je sais aussi qu'une grande partie de ton insécurité vient de la façon dont je t'ai traité quand on était plus jeune.
Rachel baissa la tête. Quinn s'était excusée des dizaines de fois, ses excuses tombaient maintenant dans des oreilles sourdes, mais elle le faisait quand même. Elle prit le menton de Rachel entre ses doigts.
- Tu mérites tout l'amour du monde. Je suis tellement désolée d'être une partie de la raison pour laquelle tu penses le contraire. Je te promets que je travaillerai tous les jours pour te le montrer, même quand tu en douteras. Et si Shelby ou quiconque te fait du tort, tu ne seras plus jamais seule à affronter le vide que ça laisse.
Rachel lui sourit, les yeux embués. Elle leva leurs mains jointes à sa bouche et y déposa un baiser. Le silence les entoura quelques instants. Le poids des révélations faites dans cette pièce retombait autour d'elles. Elles avaient tellement à partager que ça leur paraissait ridicule désormais de se concentrer sur ce qui les séparait.
- Bien, je me demande si je vous sers à quelque chose finalement, fit la thérapeute, amusée. Vous avez fait énormément de progrès en si peu de temps, c'est du jamais vu.
- Merci, il y a du mieux, c'est sûr, sourit Quinn.
- On a encore des choses à travailler malgré tout.
- Justement, je voulais vous demander où vous en étiez l'une et l'autre dans vos carrières et vos ambitions. Vous sembliez vous confronter sur ce sujet-là.
Quinn et Rachel se lancèrent un regard plein de promesses. Elles allaient encore se disputer pour beaucoup de choses. La décoration du mariage, les goûts du gâteau, les couleurs des tapisseries dans leur prochaine maison, le prénom de leur futur enfant. Mais elles se promettaient une chose, ce jour-là, c'était de ne jamais abandonner.
Se tournant vers la thérapeute, Quinn expliqua qu'elle reprenait ses études pour finir son cursus en début d'année, sans abandonner son entreprise pour autant. Rachel évoqua ses envies de reprendre la scène, l'inspiration qui lui revenait pour écrire des chansons. Quinn la regarda avec des yeux émerveillés. C'étaient les signes que Rachel redevenait elle-même, la jeune femme ambitieuse et passionnée qu'elle avait toujours connu. Son cœur se gonfla à l'idée d'un futur prometteur aux côtés de la brune. Elle ne pouvait pas rêver mieux.
Les cailloux crissaient sous leurs chaussures tandis que Beca et Chloe passaient dans les chemins du cimetière. Beca poussait Lucy dans sa poussette, laissant Chloe s'aventurer entre les tombes et chercher le nom de son frère parmi les nombreuses identités inscrites sur les pierres.
Emmitouflées dans son manteau, la jeune femme s'était montrée détendue à l'idée d'aller rendre visite à son défunt frère. Deux mois étaient passés depuis la dernière visite de ses parents et Chloe avait confié à Beca qu'elle souhaitait dire au revoir à son frère convenablement. Elle n'avait pas pu le faire en étant enfant, clouée au lit après son don d'organe. Maintenant adulte et remise complétement de son accident, elle pouvait se rendre sur la tombe de Christopher sans que ça ne demande trop d'effort.
Beca la vit s'arrêter devant une plaque et la rejoignit en silence. Lucy jouait avec son anneaux de dentition, gargouillant joyeusement. Beca positionna la poussette derrière Chloe et lui passa une main dans le dos. Elle observa les lettres sur la plaque. Christopher était là, sous leurs pieds. Elle entendit Chloe prendre une grande inspiration. La jeune femme gardait ses mains gantées devant sa bouche, comme pour les réchauffer.
- Tu veux qu'on te laisse ?
- Non, surtout pas.
Chloe passa un bras autour de Beca et l'attira à elle. Silencieusement, dans sa tête, elle présenta Beca à Christopher. Lui raconta comme il lui manquait. Lui expliqua qu'elle était heureuse maintenant. Elle finit par s'accroupir devant la plaque. Beca la vit embrasser deux de ses doigts et les déposer sur le prénom de son frère. Ravalant ses émotions, Beca prit la main que Chloe lui proposa quand elle se releva.
- Je reviendrai bientôt, fit Chloe tout haut en s'adressant à Christopher.
Beca leva leurs mains pour embrasser celle de Chloe. Elle patienta, laissant Chloe regarder une dernière fois le prénom complet de son frère jumeau sur la plaque en pierre. Dans une dernière expiration, Chloe se tourna et lui sourit humidement.
- On peut y aller.
Elle prit les rênes de la poussette et, ensemble, Beca à son bras, Lucy gazouillant innocemment dans son landau, elles prirent le chemin de la sortie. Beca ne put s'empêcher de penser que les épaules de Chloe semblaient porter un fardeau plus léger.
La maison des Bellas était presque vide. Ca leur avait prit deux semaines entières pour la vider de toutes leurs affaires afin de la léguer à la prochaine génération de Bellas dirigée par la talentueuse Emily Junk. Beca ne se faisait pas de soucis pour elle. La jeune femme était passionnée, talentueuse et prête à en découdre avec ses prochaines recrues. Puis elle pourrait toujours appeler ses amies pour lui donner un coup de mains.
- Becs, tu es prête ?
- Un instant.
Mais Chloe montait déjà les escaliers, Lucy sur ses hanches. Elle découvrit Beca occupait à tâter le sol d'une main, une boîte à chaussures sous le bras.
- Tu ne trouves plus la planche ?
- Non ! Cette satanée planche a supporté tout le poids de mon bureau depuis qu'on a tout bougé pour faire la chambre de Lucy alors elle s'est replacée d'elle-même dans le plancher.
Chloe ricana et déposa Lucy à terre. Elle s'approcha et s'accroupit pour l'aider. Beca avait eu l'idée de passer le flambeau d'une façon différente que de simplement léguer les clés de la maison à Emily. La jeune femme était la seule qui n'était pas dans la confidence. Toutes les autres Bellas avaient donné leur accord pour que leurs noms soient inscrits dans un carnet en cuir. Elles y avaient chacune laissé un mot qui se voulait inspirant et certaines avaient indiqué leur numéro de téléphone pour garder contact. Le carnet avait ensuite été placé dans une boîte dans laquelle chacune avait déposé un souvenir qui résumait leur passage dans la maison. Beca y avait laissé les deux articles de presse qui parlaient de ses premières réussites musicales : son single avec Rachel qu'elles avaient co-écrit et celui avec Emily. Chloe y avait déposé une photo de leur première victoire avec Aubrey. Beca ne savait pas à qui appartenaient les autres souvenirs, mais la boîte contenait des sequins de costume dans un tube en plastique, un bracelet marqué de l'emblème de l'université, une perruque portait lors du mashup de Britney Spears qui leur avait assuré la victoire la deuxième année. Et tellement d'autres.
Dans un hourra victorieux, Chloe souleva enfin la fameuse planche qui devait leur servir de cachette. Beca espérait que quelqu'un tomberait sur la boîte par accident comme elle.
- Tu es sûre qu'on la trouvera ici ?
Beca souleva les épaules puis s'arrêta juste avant de placer la boîte sous la planche. Chloe avait raison, l'idée était bonne, mais si personne ne cherchait comme elles une planche tordue, la boîte ne serait jamais découverte.
- Je devrais peut-être la laisser au milieu de la pièce.
Chloe pencha la tête. Ses yeux partirent derrière Beca et elle se leva précipitamment. Lucy était sur le point de descendre les escaliers. Du haut de ses trois ans, la petite fille voulait découvrir le monde, sans avoir conscience des dangers qui l'entouraient.
- J'ai failli avoir une crise cardiaque, fit Chloe en revenant vers Beca qui s'était relevée.
Beca lui sourit et chatouilla sa fille. Dans leur couple, la plus inquiète pour Lucy était habituellement Beca, qui aurait bien recouvert toute la maison de papier bulle si elle avait pu. Mais Chloe se montrait aussi très protectrice avec l'enfant.
- Il va falloir lui apprendre à monter et descendre. Ce sera nécessaire à New York.
- On va prévoir un casque dans ce cas, blagua Beca.
- On aurait surtout du prendre un appartement avec ascenseur.
La brune souleva une nouvelle fois les épaules. Chloe se pencha pour l'embrasser tendrement. Elles échangèrent la boîte et Lucy entre elles.
- Je crois savoir où la mettre, fit Chloe en soulevant le couvercle pour regarder une dernière fois ce qu'elle contenait.
- D'accord, je te fais confiance. Je vais attacher Lucy dans la voiture. Mon père nous attend.
Chloe acquiesça et la suivit pour descendre les escaliers. Une fois en bas, Beca sortit de la maison en discutant avec Lucy de ce qu'elles avaient prévu pour elle pour la journée, alors que Chloe se dirigea vers le salon. Dans la pièce, il restait encore les différents fauteuils, la table basse, l'écran de télévision avec le karaoké installé et la vitrine qui protégeait leur trophées. Chloe s'avança vers la vitrine, ouvrit les portes et y déposa la boîte devant le trophée de leur toute dernière victoire en compétition mondiale. En se reculant, elle ferma la vitrine et prit un moment pour observer leurs victoires. Avec le temps, elles avaient recueilli des prix que Chloe ne pensait jamais gagner quand elle avait repris les rênes du groupe avec Aubrey. Elles étaient maintenant championnes du monde et elle savait qu'Emily saurait relever le défi d'être au même niveau.
Se retournant, elle prit la pièce en considération. Elle avait passé tellement de temps dans cette maison, dans cette pièce. Les soirées entre filles à regarder des films d'horreur, des marathons d'Harry Potter, Star Wars ou le Seigneur des Anneaux. A avoir dansé et chanté, alcoolisée, devant le karaoké. A avoir embrassé Beca sur ce même canapé. A avoir confié ses craintes à Stacie, à avoir écouté Cynthia Rose et Flo raconter leurs journées. Dans chaque fauteuil, elle revoyait les visages, les postures.
Avec un pincement au cœur et les yeux un peu brillants, Chloe quitta finalement la pièce. Elle leva une dernière fois le regard vers l'escaliers. La maison en elle-même allait lui manquer, pour sûr, mais ce qui lui manquerait encore plus, ce serait la présence constante de ses amies. Les mains sur le cœur, elle sortit de la maison et rejoignit Beca qui l'attendait au milieu de l'allée.
- Prête ? Lui demanda-t-elle en lui proposant sa main.
Chloe lui sourit humidement et passa son bras dans son dos. Elles regardèrent une dernière fois la maison puis Beca déposa ses lèvres sur la joue de Chloe. Chloe tourna vers elle un regard partagé entre nostalgie et contentement.
- On peut y aller.
Elles avancèrent main dans la main vers la voiture. Beca prit le volant et sa main trouva celle de Chloe immédiatement après avoir mis le contact. Elles se sourirent et Chloe frotta ses joues doucement. Beca démarra et elles laissèrent derrière elles trois ans de souvenirs. Une partie de leur vie. Les épreuves et les disputes. Les nuits d'amour et les accolades d'amitié. Les au revoir et les retrouvailles.
Il était temps. Elles avaient tout ce qu'il leur fallait. Elles pouvaient tourner la page maintenant. Et commencer une nouvelle histoire.
