Jonas rencontre Catrin un soir d'été. Molly et lui ne sont plus ensemble depuis près de six mois. Elle lui manque parfois mais les disputes et les reproches dans ses yeux, eux, ne lui manquent. Jonas s'accoude au bar et commande une bière au barman. Cela fait longtemps qu'il n'est pas venu dans le monde moldu. Il se rappelle les vacances d'été en Grèce et les sorties dans les établissements de bord de mer. Cette année, il n'est pas parti là-bas avec le reste de la famille. Il est remplaçant pour l'équipe d'Angleterre et se doit d'assister à chaque entraînements avec assiduité. La Coupe du Monde se rapproche à grands pas. Jonas sait qu'il a eu de la chance, qu'il aurait pu perdre sa place dans le milieu à tout jamais.

Le serveur revient avec sa bière. Jonas la porte à ses lèvres tandis que son regard scanne la pièce. Le pub est bruyant ce soir-là. Il diffuse un match de rugby et les supporters de l'équipe jouant en vert ont envahi l'établissement. Il sourit. Cela lui rappelle l'ambiance des matches de Quidditch. Jonas a toujours pensé que le rugby était le cousin moldu de son sport favori.

Il fronce les sourcils lorsque ses yeux se posent dans un coin de la salle. Une femme est entourée de deux hommes visiblement éméchés et semble essayer de les faire partir sans y parvenir. Jonas hésite quelques secondes avant de se dire qu'il doit intervenir. Il attrape sa pinte et se dirige d'un pas décidé vers eux.

— Je suis désolé, chérie, je discutais avec le barman, ment-il en s'asseyant en face d'elle.
— Bill ! Je disais justement à ces messieurs que mon petit-ami n'allait pas tarder à arriver.
— Bonsoir messieurs, déclare Jonas en leur souriant largement.

Les deux amis échangent un regard, marmonne un vague bonjour avant de partir.

— Merci, déclare la femme lorsqu'ils se sont éloignés.

Elle a les cheveux châtains et les yeux bleus, comme Molly. Toutefois, contrairement à son ex compagne, la Moldue ne porte pas de lunettes et les siens sont plus foncés.

— Je m'appelle Catrin, au fait, dit-elle en lui tendant la main.
— Jonas, réplique-t-il en la serrant.

Il espère que les lourdauds ne les ont pas vus faire. Cela serait bête qu'ils comprennent qu'ils se sont fait avoir et reviennent.

— Vous n'êtes pas venu pour le rugby ? s'étonne-t-elle.
— Non, j'avais juste besoin de sortir un peu, réplique-t-il en portant sa bière à ses lèvres.
— Rupture difficile ? demande la jeune femme.
— Comment avez-vous deviné ?
— Parce que je suis dans le même cas, dit-elle en souriant tristement.
— Je suis désolé, répond-il sincèrement.
— Pourquoi ? questionne-t-elle gentiment. Ce n'est pas de votre faute.

C'est vrai. Ce n'est pas de sa faute.

— Comment avez-vous découvert ce bar ? demande-t-elle, sans doute pour changer de sujet.
— J'habite dans le coin.
— Vraiment ? Moi aussi. Je viens d'emménager dans une coloc, réplique-t-elle en souriant. J'avais du mal à m'imaginer vivre de nouveau seule. C'est ridicule, n'est-ce pas ?
— Pas plus que ça, dit-il sincère. Je dois vous avouer que, de mon côté, aussi ce n'est pas tous les jours faciles.
— Vous étiez ensemble depuis longtemps ?
— Quatre ans. Enfin... Presque quatre ans. On a une fille d'un an et demi ensemble.

Il ne sait pas trop pourquoi il lui dit cela. Il sait très bien que l'annonce de sa paternité fait souvent fuir ces possibles conquêtes. Peut-être ne la voit-il pas ainsi ? Peut-être que le fait qu'elle vive la même chose l'incite à parler ?

— Elle s'appelle comment ? questionne-t-elle gentiment.
— Alicia. Elle est... Elle est très calme, beaucoup plus qu'on aurait pu l'imaginer. Tout le monde nous avait prédit un ouragan pourtant.
— Tous les enfants sont différents. Je suis bien placés pour le savoir, je suis assistante maternelle.

Jonas ne sait ce qu'« assistante maternelle » peut bien signifier. Il imagine que si Eurydice était là, elle aurait pu lui donner la réponse, après tout elle a suivi l'Étude des Moldus en option, et cela en plus du cours obligatoire. Toutefois, sa sœur n'est pas là et il doit faire sans.

— Vous avez toujours voulu faire ça ?
— D'aussi loin que je me souvienne oui, répond-elle. Je viens d'une grande famille et c'était toujours moi qui m'occupais de mes cousins plus jeunes, explique-t-elle.

Les enfants ! Elle s'occupe des enfants !

— Et vous ? Que faites-vous dans la vie ? demande-t-elle.
— Je suis sportif professionnel, réplique-t-il tentant de rester le plus vague possible.
— Ah ! Vraiment ? Et dans quel sport ?
— Euh... Rugby, ment-il.
— Vous ne semblez pas vraiment sûr de vous, remarque-t-elle.
— Cela se passe assez mal dans mon équipe dernièrement. Je n'aime pas trop en parler.

Un deuxième mensonge qui, il l'espère, permettra que Catrin cesse de poser des questions.

— Oups ! Désolée alors.

Le silence s'installe entre eux plusieurs minutes. Jonas boit sa bière en grandes gorgées. Il n'a jamais été à l'aise avec les silence. Catrin, elle, sirote son cocktail tranquillement. Son sourire avenant n'a pas quitté ses jolis lèvres peintes.

— Dites Jonas ! Vous aimez l'art ?
— L'art.
— La photographie pour être exacte.

Il ne s'y est jamais intéressé plus que cela. La seule chose que Jonas sait, c'est que contrairement aux photographies sorcières, celles des Moldus restent statiques.

— Je n'y connais rien, avoue-t-il espérant ne pas le regretter. Pourquoi ?
— J'ai un ami qui expose ses photos dans une galerie. Je me disais qu'on pourrait y aller ensemble dans la semaine... un soir de préférence.

Il sourit et se sent rougir malgré lui. Jonas ne le sait pas encore mais c'est le début d'une relation qui durera près de sept ans.