Jonas se retourne dans le lit mais la place à côté de lui est vide et déjà froide. Il se redresse, papillonne des yeux avant de bâiller largement. Des bruits en provenance de la cuisine lui viennent aux oreilles, puis des pas qui se dirigent vers la chambre.
— Oh ! J'espère que je ne t'ai pas réveillé, souffle Daisy, un plateau dans les mains.
Ses longs cheveux sont lâchés en une cascade aussi blonde que les blés. Jonas adore ses cheveux. Il aime glisser ses doigts dedans surtout lorsqu'ils font l'amour.
— Non, je me suis réveillé tout seul, réplique-t-il en souriant. Petit-déjeuner au lit ? demande-t-il en souriant.
— Tu as tout compris, rétorque Daisy en s'asseyant sur le lit.
Avec précaution, elle pose le plateau sur ce dernier.
— Mmh ! Des œufs brouillés...
— Je sais que tu adores ça !
Il sourit largement avant de commencer à manger. Daisy fait les œufs brouillés presque aussi bien que son père. Il perd légèrement son sourire en pensant à ce dernier. Il ne cuisine presque plus depuis le décès d'Eurydice. Il n'est plus allé assister à aucun match de Quidditch non plus. Ce n'est plus pareil sans elle, sans sa voix qui animait presque chaque rencontre de la Ligue. Le décès de sa sœur a été soudain, brutal. Une simple crise cardiaque, aussi bête que cela, l'avait terrassée deux semaines avant son quarante-neuvième anniversaire. La famille avait eu du mal à se remettre de cette terrible perte. Leur mère était restée enfermée dans la chambre d'enfance d'Eurydice pendant près de deux jours tandis que leur père avait tout simplement disparu presque autant de temps. Il n'avait jamais dit où il était allé durant cette triste période et personne n'avait osé lui demander.
— A quoi tu penses ? questionne Daisy, le coupant dans ses réflexions.
— A mon père. A ma sœur, réplique-t-il. Ça va faire deux ans dans trois mois. Je suis déso...
— Ne t'excuse pas ! Je comprends parfaitement. Quand... Quand mon père est mort, ça... ça a été très dur pour toute la famille, surtout ma grand-mère.
Jonas sait que Daisy a perdu son père lorsqu'elle était en cinquième année à Poudlard. Cela avait été une année difficile pour la jeune fille de quinze ans qu'elle était à l'époque.
— Parfois j'ai du mal à me dire que cela va faire trente ans dans deux ans, ajoute-t-elle pensive.
Le silence s'installe entre eux et seul le bruit des couverts le brise.
— Jonas, déclare Daisy. J'ai quelque chose à te dire.
Il relève son visage vers elle. Elle ne le regarde pas ; ses yeux sont fixés sur une tache que le thé a fait en se renversant quelque peu sur les drap violet. Finalement, elle se décide et plante son regard dans le sien. Elle semble déterminée.
— Je suis enceinte, lâche-t-elle, et je compte le garder.
Jonas la fixe sans rien dire, il ne sait de toute manière pas ce qu'il peut répliquer.
— J'ai quarante-trois ans, Jonas. Je pensais que je n'aurais jamais d'enfant mais... mais je pense que c'est l'occasion ou jamais, continue-t-elle décidée. Je ne te demanderais rien si c'est ça qui t'inquiète. Jonas ?
— Tu... Tu es enceinte ? bredouille-t-il.
— En effet, réplique-t-elle. Je sais que ça doit être un choc pour toi. Je ne m'y attendais pas moi-même.
— Tu... T'en es à combien ?
— Dix semaines, répond-elle. Je... Je sais que tu n'es pas prêt à quitter Rachel, Jonas. Tu ne le seras sans doute jamais. J'ai fini par le comprendre.
— C'est juste pas le moment, Daisy. C'est tout !
Les disputes sont de plus en plus fréquentes dans le couple. La dernière en date : une sombre histoire de balai rangés dans le mauvais placard. L'atmosphère est tendue et Jonas finit par se demander si, pour le bien de leurs trois garçons, Rachel et lui ne devraient pas se séparer.
Il fréquente Daisy depuis près d'un an. Il l'aime bien Daisy. Elle ne se prend pas la tête et ne lui reproche pas son manque d'investissement dans l'éducation de leurs enfants. Sans doute car ils n'ont pas d'enfant ensemble. Enfin... Pour le moment.
Daisy ne lui reproche pas non plus de faire une préférence pour sa fille aînée, Alicia, qu'il a eu avec Molly Weasley. L'homme a du mal à comprendre ce genre de reproche. Alicia a vingt ans, on ne peut tout de même pas comparer la relation qu'il a avec elle et celle qu'il entretient avec ses fils, dont le plus vieux ne va tarder à avoir sept ans, non ? Ce n'est quand même pas de sa faute si son fils, contrairement à son aînée, ne s'intéresse pas au Quidditch. Les jumeaux, quant à eux, sont trop jeunes pour comprendre de quoi il s'agit. Souvent, Rachel lui rappelle de temps en temps que lui-même avait reproché à son père d'avoir été plus proche d'Eurydice que de lui, lorsqu'il était adolescent puis jeune adulte. Toutefois, Jonas assure, à chaque fois, que cela n'a rien à voir. Eurydice et lui étaient tous les deux des passionnés de Quidditch comme Alicia. Son fils est différent. A sept ans, rien ne le rend plus heureux que de concocter des potions sous la supervision de sa grand-mère paternelle. Les deux situations n'ont donc rien en commun.
— A quoi tu penses ?
— Au fait que je suis un mauvais père, selon Rachel, réplique-t-il.
— Tu n'es pas un mauvais père, Jonas. Sans doute un mauvais mari mais pas un mauvais père, répond Daisy.
La femme sourit en voyant le regard presque vexé que lui lance son amant.
— Enfin Jonas ! Si tu étais un bon mari, tu n'aurais pas inventé cette histoire de reportages sur les niffleurs sauvages en France pour venir passer quelques jours chez moi, réplique-t-elle.
Jonas a arrêté sa carrière de joueur trois ans plus tôt. A quarante ans tout juste, il avait compris que son corps n'était pas prêt à subir autant que lors de sa glorieuse jeunesse. Il avait, dans un premier temps, pensé à se reconvertir dans le journalisme sportif avant qu'une visite au parc zoologique qu'avaient crée Rolf et Luna Scamander ne le fasse changer d'avis. Trois ans plus tard, Jonas ne regrette pas.
— Je vais la quitter, assure-t-il.
Daisy lui sourit sans rien dire. Il sait qu'elle ne le croit pas.
