TU PEUX TOI AUSSI COMMANDER TA FICTION
Oui tu peux toi aussi commander une fiction en te rendant sur notre histoire "Commandes de fictions" ou sur notre forum, et review le mois en cours !
Hé ! Bien le bonjour (ou le bonsoir) à toi qui arrive sur cette histoire ! Lassa01 nous a demandé : "Le plus jeune fils de George V, le prince John survit à sa maladie, on peut lui retirer ou lui laisser au choix. À déterminer quand, mais ça serait chouette et jubilant de voir Mary être ainsi diminuée que le prince tombe soit amoureux de Lady Edith ou de Lady Sybil et un mariage est organisé."
Marina Ka-Fai, une des auteurs de notre collectif, a décidé répondre à cette commande.
Disclaimer : Downton Abbey est l'oeuvre de Julian Fellowes.
Résumé : -Lord Grantham, j'ignorais qu'Aphrodite elle-même résidait en votre demeure.
La Princesse John
La maison était en effervescence. La famille royale venait à Downton Abbey! Lors de la tournée royale, elle allait s'arrêter dans le domaine pour y passer quelques jours! Une grande parade était prévue et le roi avait hâte de saluer le comte. Dès lors, le château était une véritable fourmilière. On astiquait, polissait, lustrait, en haut comme en bas, on ne savait plus où donner de la tête.
-Il te faut une nouvelle robe de bal, Edith chérie. Dit Cora à sa fille
-Une robe? Quelle idée, Maman! Répondit la jeune femme
-Mais enfin, tu vas bien danser!
-Il n'y a personne qui dansera avec moi, Maman.
Jadis, il y aurait eu Bertie. Mais la perfidie de Mary avait tout gâché, cela et sa propre peur qui l'avait empêchée de lui expliquer la vérité au sujet de Marigold. Pour rendre à César ce qui lui appartenait, sa soeur avait tout de même essayé de les rabibocher, de sorte qu'ils demeuraient amis, des vrais amis, qu'il n'y avait plus d'aigreur entre eux. Cependant, leur romance était morte. Edith s'observait dans la glace. Elle avait bientôt trente-cinq ans. Elle ne les faisait pas mais elle ne faisait plus la jeune fille présentée à George V lors de sa saison. Elle allait finir vieille fille, comme on l'avait toujours prédit. Certes, les vieilles filles n'avaient normalement pas de bâtardes et en cela, elle était encore plus heureuse d'avoir voulu se battre pour sa chère petite. Oh, elle n'était pas nécessairement malheureuse! Elle avait ses propres revenus grâce au journal dont elle avait hérité de Gregson, elle aimait son emploi, elle avait un pied à terre à Londres et surtout, elle avait enfin sa fille à ses côtés! Simplement, elle avait toujours rêvé de se marier et c'était un rêve auquel elle devait dire adieu.
-Ton père t'invitera, ma chérie. Tu sais qu'il le fera.
La noble soupira.
-Soit. Si vous y tenez, Maman, je me commande une nouvelle robe.
Quelle perte de temps et d'argent...
-Vos Majestés, Votre Altesse, bienvenue à Downton Abbey!
La comtesse s'étonna : le prince John accompagnait ses parents. Il y avait dans la suite royale un médecin. Le pauvre homme était hélas atteint d'épilepsie et si sa santé s'était fortifiée depuis son adolescence, au point que désormais on le considérait comme presque "guéri", il n'en demeurait pas moins fragile. C'était un très beau garçon qui ressemblait fort à son frère aîné, le prince de Galles, il avait notamment des grands yeux clairs saisissants.
John parcourut des yeux l'assemblée et quand son regard se posa sur la forme d'Edith, il comprit enfin la signification de l'expression "avoir un coup de foudre". Dieu, que cette femme était belle! Ses cheveux d'or, ses yeux de biche, son élégance! Ah, quelle superbe dame! On les présenta à la famille. La belle inconnue était donc la fille cadette du couple comtal.
-Lord Grantham, j'ignorais qu'Aphrodite elle-même résidait en votre demeure. Dit-il haut et fort sans quitter la jeune femme du regard
Le silence se fit, le roi et la reine surpris par une telle déclaration : d'ordinaire, John était effacé, parlait peu, comme pour se repentir de son comportement d'enfant qui était sans doute symptomatique. Il était malade après tout. Edith, saisie, ne put s'empêcher de rougir avant de se dire qu'il se montrait là simplement galant. Il aurait pu complimenter Mary mais cela aurait été peut-être cavalier puisqu'elle était mariée.
-Votre Altesse, je suis heureux de voir que d'autres personnes constatent les nombreuses qualités de mon Edith. Répondit Robert avec un sourire
Alors qu'ils rentraient dans le château, Mary donna un léger coup de coude taquin dans le bras de sa soeur, comme pour la moquer gentiment. Voilà qu'un prince fleuretait avec elle!
-Peut-on savoir ce qu'il t'a pris, Johnnie?
Si la voix de George était ferme, elle n'était ni froide ni dénuée d'affection.
-Je vous demande pardon, Papa. C'est juste que... quand j'ai vu Lady Edith, je me suis senti comme figé sur place par sa beauté.
Le roi eut un léger sourire. A cause de la maladie de son fils, il avait toujours cru qu'hélas il le perdrait tôt. Le voir désormais jeune homme et en proie à ses premiers émois le touchait.
-C'était déplacé. Remarqua la reine Mary. Tu as dû profondément choquer cette pauvre vieille fille!
-Je m'excuserai, Mère. Je vous le promets.
-Lady Edith?
Edith se retourna, s'inclina dès qu'elle vit qu'il s'agissait de John.
-Votre Altesse Royale.
-Je tenais à m'excuser. J'ai dû vous choquer avec ma déclaration lors de notre arrivée!
Elle sourit.
-Oh, nullement! Cela m'a fait plaisir, en vérité. Il est rare que l'on me dise que je suis belle.
-Vraiment?! Le Yorkshire serait-il aveugle?
La jeune femme éclata de rire. Au loin, dans les jardins, sous la surveillance bienveillante de leur nanny, les enfants jouaient, leurs rires trouvant un écho entre les arbres.
-Nos neveux et nièces, je présume?
-Oui, vous avez mon neveu George, l'héritier de Downton. La plus jeune des filles est sa soeur Caroline. Vous avez, en bleu avec son ruban dans les cheveux, ma nièce Sybil mais tout le monde l'appelle Sybbie. Elle est la fille de ma défunte soeur.
-Je suis navré si je...
-Ne vous inquiétez pas. Sybil me manque mais sa fille me remplit de joie.
-Et qui est cette adorable fillette blonde?
-Oh. Il... Il s'agit de ma pupille, Marigold. Elle avait été recueillie par un couple de fermiers de Downton suite au décès de ses parents. Mais hélas, avec leurs trois enfants à charge et malgré tout l'amour qu'ils avaient pour elle, ils ne pouvaient pas s'en occuper décemment. Ils n'avaient pas les moyens. Alors, je suis intervenue.
-C'est un acte charitable qui vous fait honneur! Me feriez-vous le tour de vos jardins? Ils m'évoquent un peu ceux de Wood Farm.
-Wood Farm?
-Ce n'est pas très loin de Sandringham. Mes parents m'y ont envoyé afin que je me fortifie. Ma grand-mère, la reine Alexandra, me gardait un jardin à Sandringham. Quel plaisir c'était pour moi d'y aller.
Edith sourit. Ce devait être en effet merveilleux. John lui tendit le bras et, ensemble, ils commencèrent à avancer sur les chemins. La jeune femme se demandait si la vie du prince avait été compliquée : même si cela avait été pour son bien, s'était-il senti seul loin de sa maison? Pourtant, il en parlait avec aisance et nul doute que ses parents avaient mis un point d'honneur à ce qu'il fût bien entouré, aimé, choyé.
-La nourrice est-elle aimante? S'inquiéta le prince
La question étonna la cadette Crawley.
-Nous avons eu un problème avec celle que nous avions engagée alors que George n'avait encore que six mois. Elle maltraitait Sybbie.
-Dieu du Ciel, sous quel prétexte?!
-Le fait qu'elle est née d'une aristocrate britannique et d'un roturier irlandais.
-Quelle idiotie! Pauvre petite!
-Ma mère l'a renvoyée séance tenante dès qu'elle l'a prise la main dans le sac! Monsieur Barrow, notre majordome, alors sous-majordome à l'époque, nous a fait part de ses inquiétudes. Certains comportements l'avaient étonné. Nous avons engagé la nourrice actuelle et tout se passe à merveille.
-C'est important d'avoir une bonne nourrice. Du temps où j'étais à Wood Farm, ma nourrice était presque une seconde mère! Lala me choyait comme son propre enfant! Je suis encore en contact avec elle, je lui dois tant!
-C'est tout à votre honneur.
Depuis la fenêtre de la bibliothèque, Robert observait le duo errer à travers les sentiers de gravier.
-Le prince a l'air bien entiché d'Edith.
-Ne dites pas de sottises, Robert. Répondit Cora bien qu'elle souriait. Il se montre gentil. Elle est trop âgée pour lui!
-Cela n'arrêterait pas certains hommes. J'ignore s'il a un béguin pour elle mais c'est bien pour Edith d'avoir un ami. Peut-être même un prétendant. Pour son moral comme pour son ego. Elle le méritait, elle avait toujours manqué de chance...
Il ne put s'empêcher de penser à Anthony Strallan. S'il n'avait pas monté la tête de son ami, aujourd'hui, Edith serait mariée et sans doute heureuse. Marigold serait née de lui sans devoir affronter tous ses traumatismes.
-De quoi parlez-vous? Demanda Violet qui arrivait
-Robert est convaincu que le prince John a un béguin pour notre Edith. Expliqua sa bru
La matriarche regarda sa petite-fille rire aux éclats aux côtés du jeune homme, lequel semblait boire ses paroles.
-Cora, ma chère, Robert a raison : le prince a un béguin pour notre Edith. Et il est de notre devoir de le favoriser!
-Mère, enfin, vous n'y pensez pas! Edith a treize ans de plus que lui et n'oubliez pas qu'il y a Marigold! Pensez à ce qu'il s'est passé avec Bertie! Nous avons eu de la chance qu'il se soit montré compréhensif et qu'il n'ait pas divulgué la vérité! Et même si le prince était épris d'Edith, de là à ce qu'il l'épouse!
-La princesse Louise, fille de la reine Victoria, a épousé un duc.
-Oui, une fille de reine. Pas un fils de roi.
-Henry VIII a épousé Anne Boleyn et l'a faite marquise après. Puis il a épousé Jane Seymour et encore après Katherine Howard er Catherine Parr. Cela ne serait pas sans précédent.
-Imaginez, Edith princesse!
Sur les traits paternels, rien que de la fierté née de l'amour le plus sincère.
-Je sais que vous me trouverez rabat-joie. Mais je me veux objective : l'affaire n'est pas aussi simple que vous le pensez.
Elle pensait aussi à Mary : certes, son aînée était désormais mariée, heureuse mais même si cela allait "mieux" entre les soeurs, cela restait fragile : Edith lui avait pardonné au vu de tous les efforts que son aînée avait déployés pour la réconcilier à Bertie, tout comme elle n'oubliait pas ses propres erreurs, mais elle n'oubliait pas que c'était la deuxième fois que sa soeur lui coûtait un mariage : la première fois avant le début de la guerre en mentant à ce pauvre Strallan, la seconde fois avec cette bombe lancée entre un scone et une tasse de café... Que se passerait-il si elle apprenait que sa cadette allait devenir princesse? Oh Dieu, elle repensait à ce qu'elle avait un jour dit à O'Brien et elle le maintenait : qu'il était dur d'élever des filles!
Le bal était splendide. Evidemment, la première danse qui allait l'ouvrir était avec une valse du roi avec la reine, de la princesse Mary avec son époux et des époux Crawley, de Lady Mary et d'Henry, qui avaient accueilli la famille. Edith remarqua, du coin de l'oeil, Tom qui s'éclipsait, sans doute pour rejoindre Lucy : d'après Mary, il y avait une chance entre eux. Elle l'avouait, l'idée de le voir refaire sa vie lui faisait étrange, ayant l'habitude qu'il soit "le veuf de sa soeur", son frère de coeur. Mais elle lui souhaitait tout le bonheur du monde, il le méritait et l'héritière de Maud lui semblait être douce, méritante. A voir comment elle traiterait Sybbie...
-Père, Mère, puis-je danser moi aussi? Demanda John à ses parents
La reine l'accepta, le roi lui accorda l'un de ses rares sourires. L'assemblée eut un hoquet de stupeur quand le prince s'arrêta devant la fille cadette du Comte de Grantham, lui tendant la main.
-Lady Edith, me feriez-vous l'honneur de m'accorder cette danse?
-L'honneur est pour moi, Votre Altesse.
La musique commença et le sol se vit embrasser par les talons des danseurs, les ourlets des robes des dames. Et alors qu'ils évoluaient sur la piste, George et Mary observaient le plus jeune de leurs enfants, la nostalgie les étreignant : Johnnie était amoureux. Leur bébé n'était plus si petit. Ils se soucieraient du reste plus tard : pour l'heure, il fallait lui laisser ce plaisir innocent.
-Qu'y a-t-il, Carson?
-Monsieur le Comte, un paquet est arrivé de Londres cet après-midi pour Lady Edith.
-Oui, eh bien?
-C'est que... c'est qu'il vient de Buckingham Palace, Monsieur.
La famille comprit mieux la gêne de leur ancien majordome, lequel était resté encore quelques jours pour assister Monsieur Barrow dans la remise en place du domaine. Les Crawley étaient réunis dans la petite bibliothèque pour le thé, rejoints par Isobel et Dickie. Edith se leva, remercia le domestique et ouvrit la note qui accompagnait le colis.
-De qui est-ce, ma chérie? S'enquit Cora
Robert remarqua le sourire rêveur de sa fille.
-C'est du prince John, Maman. Nous correspondons depuis le départ de la famille royale.
Elle révéla l'intérieur du carton : une superbe broche en or représentant un faisan. Dans sa lettre, John expliquait que Wood Farm était non loin des terres où l'on chassait ces animaux mais les tirs lui causant parfois des crises, le roi avait alors interdit la pratique. Les animaux se retrouvaient de temps en temps dans les jardins et avec "Lala", ils les nourrissaient. Violet tut le fait que le faisan était aussi un symbole de flirt : après tout, le faisandage, c'était quelqu'un qui tentait de séduire une autre personne.
-Oh, que c'est adorable!
Il avait ajouté la même broche, en plus petit, pour Marigold, afin que sa pupille et elles puissent être assorties.
-Il me faudra lui répondre sous peu et lui envoyer un symbole de Downton.
-Pourquoi pas un labrador? Suggéra Robert. Ils ne sont pas notre emblème officiel mais c'est tout comme!
Tout le monde eut la bonté de ne pas commenter le rose aux joues de la journaliste mais c'était l'évidence même: elle était sous le charme du jeune homme.
-Johnnie, tu n'y penses pas?!
La reine dut s'asseoir, la main sur le coeur.
-Ma...ma... Maman, est-ce si grave? Tenta de tempérer Albert, duc d'York.
Il prit une inspiration, calma son bégaiement et expliqua que lui aussi, il s'était marié par amour. Et que si Elizabeth n'était pas une princesse, elle n'en restait pas moins noble au même titre qu'Edith, fille de comte.
-Tu as raison, Bertie. Mais Lady Edith n'est pas simplement un peu plus âgée que Johnnie. Elle a treize ans de plus! Quand Johnnie aura son âge, elle sera déjà d'âge mûr.
-Maman, l'âge est un état d'esprit. Commenta son benjamin. Je sais... Je sais que cela paraît soudain, irréfléchi et c'est pour cela que je ne suis pas opposé à l'idée de longues fiançailles. Mais je l'aime, Maman. J'aime Edith, je l'aime bien sincèrement et je veux faire son bonheur.
-T'aime-t-elle en retour?
Ce fut la première question du roi.
-Oui, Papa. Sinon, je ne me tiendrai pas ici devant vous à vous annoncer mon intention de la demander en mariage. J'ai conscience que c'est soudain. Mais j'ai eu un véritable coup de foudre en la voyant et elle, à force de me côtoyer, a fini par développer de réels sentiments à mon égard. S'il vous en faut la preuve, j'ai des lettres.
Des lettres qu'il relisait mille fois avant de dormir dans lesquelles elle lui avouait ressentir de l'amour pour lui, ses craintes aussi en raison de sa malchance : Strallan qui l'avait abandonnée, Gregson hélas mort en Allemagne, la brouille entre le marquis de Hexham et elle qui a causé la fin de leur idylle même si leur amitié avait résisté. Il la comprenait et ne voulait la brusquer en rien. Les fiançailles longues étaient avant toit pour elle, pour la rassurer. Enfin, si elle disait oui.
-Et sa pupille?
-Elle viendrait vivre avec sa marraine et moi. Il est hors de question de la lui arracher.
-Johnnie... Reprit Mary. Es-tu sûr de toi? Le mariage est une entreprise parfois compliquée et tu es si jeune!
-Je n'ai jamais été aussi certain d'une chose dans mon existence, Maman.
-Je dois en parler au conseil. Déclara le roi. Le mariage des membres de la famille royale doit être approuvé. Mais compte sur moi, mon cher fils, pour appuyer tes intérêts et les nombreuses qualités de Lady Edith.
John enlaça son père.
-Papa, je n'ose pas en demander plus!
La visite du prince John incognito à Downton Abbey causa autant d'émotion pour la maison que la visite royale officielle. Le fait qu'il était revenu expressément pour Edith excitait l'imagination même si les plus pragmatiques essayaient de se raisonner. Robert se retenait de les espionner par la fenêtre alors que le duo discutait sur un banc dans les jardins, Théo gambadant sur la pelouse.
-John... Je crois savoir la raison de votre visite.
Les yeux du prince s'illuminèrent.
-Mais...
Son coeur commença à se déliter.
-Avant que vous ne disiez quoi que ce soit, j'ai un secret à vous révéler. Confia la jeune femme. Je n'ai pas eu le courage de le dire à Bertie Pelham et il l'a apprise par une autre personne, ce qui a causé la fin de ce qui aurait été, j'en suis certaine, une merveilleuse histoire. Il m'a comprise, il m'a pardonnée mais cela a mis fin à notre romance.
-Quoi que cela puisse être, si Bertie vous a pardonnée de l'avoir caché, c'est que ce n'est pas si affreux!
-C'est à propos de Marigold...
Elle déglutit avant d'oser se lancer.
-Marigold est ma fille illégitime.
Confus, il ne comprit pas de suite.
-Son père est Michaël Gregson. Il était marié à Lizzie Gregson, hélas internée pour folie et son état de santé ne laissait apparaître aucun espoir de guérison. Elle ne se souvenait même plus de lui...
-Et Gregson est parti en Allemagne pour devenir citoyen allemand, divorcer puis vous épouser puisque la loi d'ici interdit un divorce dans le cas de l'aliénation mentale d'un époux.
-Oui... Il était prêt à devenir le citoyen du pays le plus détesté d'Europe pour mon honneur.
-Et Marigold est un cadeau d'au revoir.
Peu à peu, la langue d'Edith se délia. Il était si aisé de se confier au prince! Elle lui expliqua comment elle avait appris sa grossesse, ses peurs, son envie d'avorter puis sa rétractation, le fait qu'elle s'était laissée influencer sur quoi faire, les Schroeder, les Drewe... oh Dieu du Ciel, cette pauvre Mrs Drewe, quelle catastrophe cela avait été!
-Je n'ai pas le droit de vous juger. Vous avez fait ce que vous pensiez le mieux dans une situation impossible. Et vous vous êtes battue pour Marigold.
-Je ne me séparerai pas d'elle.
-Et je ne vous le demande pas.
-Mais John, cela complique tout et...
-Et je vous aime, Edith Crawley.
Il lui prit les mains.
-Je vous aime de tout mon coeur et j'aimais déjà beaucoup Marigold parce qu'elle était chère à votre coeur. La savoir votre fille ne me la rend que d'autant plus précieuse.
-Mais vos parents... ils doivent savoir. La vérité finit toujours par se savoir et je refuse de les prendre au piège.
-Nous le leur dirons.
-Nous?
-Bien sûr.
Cora eut un hoquet de stupeur quand John se mit à genoux puis un cri de joie quand elle vit sa fille l'enlacer.
Edith était fiancée.
-C'est une sottise, Edith!
-Grand-Maman, s'il vous plaît...
-Tu vas gâcher tes chances, ma chérie.
-Je les ai gâchées avec Bertie en me taisant.
-Cela n'était pas réellement de ton fait.
Piquée, Mary ne rétorqua pas. Tout le monde était réuni après le dîner, comme de coutume, et le sujet sur toutes les lèvres était la bague au doigt de la jeune femme... et le fait qu'elle voulait dire au roi et à la reine la vérité sur sa pupille.
-Edith, ma chérie, ce que tu veux faire est tout à ton honneur et je suis fière de toi. Commença Cora.
-Mais il y a un mais, n'est-ce pas?
-Si le roi et la reine acceptent, il n'est pas dit que le reste de la famille acceptera. Le prince de Galles, une fois roi, ne révélera sans doute pas la vérité pour éviter trop de scandales mais la vie de Marigold sera infernale.
-Et c'est mon devoir en tant que mère de faire barrière. John fera barrière.
- Tiens, tu l'appelles déjà John. Commenta Violet. Il le sait déjà? Pour Marigold?
-Je le lui ai dit.
-Par Saint George!
-Mary? S'enquit la future princesse
-Je rejoins Grand-Maman, c'est risquer tes chances pour rien et tu ne vas pas en rajeunissant.
-C'est charmant...
-Edith. Je ne souhaite pas de mal à Marigold, tu le sais. Et je ne veux pas ton malheur non plus. Même si tu n'y crois pas nécessairement et je ne t'en blâmerai pas. Mais c'est jouer avec le feu.
Edith princesse... l'idée lui paraissait étrange et sotte! Edith, membre de la famille royale! Elle n'en avait ni les épaules ni le charisme et encore moins la beauté. Avant, elle aurait peut-être agi contre. Mais comme sa soeur le lui avait dit : elle était mauvaise quand elle était malheureuse. Là, elle était aux anges. Sa cadette la connaissait définitivement bien...
-Je pense que c'est la chose à faire. Trancha Robert. Il est malavisé d'entrer dans un mariage dans un mensonge et encore plus quand il s'agit de la famille royale. Les risques sont là mais dans le pire des cas, tu sortiras la tête haute : le roi et la reine sauront que leur fils a aimé une femme honnête qui n'a pas voulu lui tendre un piège pour avoir une part du lion. Et toi, tu auras la conscience en paix du devoir moral accompli.
Ce n'était pas la première fois qu'Edith se rendait au palais mais elle s'y sentait toujours aussi impressionnée, encore plus alors qu'elle était reçue, en privé, par le roi et la reine en personne. Ils se montraient avenants quoiqu'un peu engoncés.
-Vous avez souhaité nous rencontrer, Lady Crawley? Commença la reine Mary
-En effet, Majesté. Pour mon plus grand bonheur, Son Altesse, le prince John, a demandé ma main.
-Et pour le nôtre aussi. Vous savez qu'il a eu une enfance précaire sur le plan de la santé, aussi le voir se marier est une grande joie pour nous.
-Son Altesse m'a demandé ma main malgré un secret que je lui ai révélé. Et je ne me sens pas capable de l'épouser sans que vous soyez dans la confidence. Cela serait à la fois inique mais malhonnête de ma part.
Les époux ne changèrent aucunement d'expression. Mais elle se doutait que leur imagination devait bouillir.
-C'est à propos de ma pupille Marigold.
-Nous savons qu'elle vous suivra, nous l'accueillerons.
-Et je vous en suis extrêmement reconnaissante. Mais je ne saurai pas vous voir l'accueillir alors que vous ne savez pas qui elle est réellement.
-Et qui est-elle?
-Marigold est ma bâtarde.
La souveraine se raidit.
-Expliquez-moi son histoire, Lady Crawley. Ordonna le roi
La jeune femme leur expliqua alors son abandon à l'autel par Anthony Strallan, comment elle avait rencontré Michaël Gregson. L'histoire de la pauvre Lizzie. Le plan pour qu'ils puissent quand même se marier, la disparition, la grossesse, l'angoisse de l'absence, les Schroëder, les Drewe, l'annonce de la mort de l'homme peu après son arrivée à Berlin et la raison de la romance avortée avec le marquis d'Hexham, lequel allait accompagner le prince de Galles lors de son long voyage.
-Votre histoire m'évoque ma tante Thyra.
Il était rare que le roi s'épanche. Il n'en rajouta pas plus mais elle comprit : Thyra, soeur d'Alexandra de Danemark et tante maternelle de George V, avait une vilaine rumeur qui lui collait à la peau. A 18 ans, elle se serait éprise d'un homme, aurait mis au monde sa bâtarde, laquelle aurait été confiée à une famille. L'absence de la princesse à la cour parentale aurait été expliquée par une jaunisse.
-George! S'exclama la reine
-Lady Crawley. Je dois en parler avec la reine, avec notre famille. Mais je vous promets de ne pas vous tenir dans l'inquiétude trop longtemps. Et sachez que votre démarche nous touche et vous fait honneur. Vous avez commis une erreur, certes. Cependant, vous ne verserez pas dans le mensonge. John accepte-t-il Marigold?
-Il m'a indiqué que oui. Qu'elle lui était déjà chère parce qu'elle était ma pupille mais qu'elle l'était désormais encore plus en raison de la vérité.
Un mois plus tard, le roi appela lui-même Edith, lui annonçant qu'il aurait le plaisir de l'appeler sa belle-fille.
Robert s'installa au lit aux côtés de Cora. Théo dormait déjà près de la cheminée, faisant aller ses petites pattes, rêvant sans nul doute de courses folles, d'os, de jouets et des câlins de sa famille si aimante.
-Vous rendez-vous compte, mon aimée? Nous avons mis au monde et élevé une princesse!
L'américaine sourit à son époux.
-C'était pourtant bien mal engagé! Si on m'avait dit Sybil, je l'aurais difficilement cru mais Edith!
-Et pourtant, c'est bien Edith et après tous ses malheurs, on dirait que Dieu veut enfin lui offrir le bonheur qu'elle mérite. Par Saint George, nous sommes les parents d'une princesse!
-Mary doit en être verte de jalousie...
-Pourquoi donc? N'est-elle pas heureuse avec Henry?
L'idée d'une de ses enfants malheureuse était l'un des cauchemars du comte.
-Oh, elle l'est. Mais c'est de Mary et d'Edith que nous parlons. Si Mary est heureuse dans son ménage et qu'elle doit être contente, dans le fond, que sa soeur trouve chaussure à son pied, je pense qu'il y aura toujours une part d'elle qui la jalousera : à ses yeux, Edith lui est inférieure. La place aurait dû lui revenir.
-Cora... Pensez-vous que nous avons été de mauvais parents?
La question étonna la noble.
-Mauvais? Robert, nos filles sont toutes devenus des femmes accomplies et respectables! Avec certes quelques ratés mais elles sont humaines!
-Peut-être. Mais cette haine entre nos deux aînées... Edith que nous avons si souvent négligée... Parfois, je me demande si je n'aurais pas dû être plus présent, faire plus d'effort. Le domaine est mon quatrième enfant, mon cinquième en pensant à notre pauvre petit garçon, mais j'ai souvent le sentiment qu'il est passé avant mes enfants de sang, ce qui est d'une cruauté sans nom.
-Et après cela, vous pensez encore être un mauvais père? Les mauvais pères ne se posent pas ce genre de question. Vous avez vos faiblesses. Mais dès que vos filles ont eu besoin de vous, vous avez été là : vous avez permis à Sybil de connaître le bonheur avec Tom et vous l'avez protégée après les événements en Irlande. Vous avez défendu Mary, son honneur, et lui avez pardonné pour Pamuk. Et Edith! Elle aussi, vous l'avez pardonnée. Vous l'avez aidée avec Marigold, vous avez essayé de l'aider dès la disparition de Gregson, vous êtes restée avec elle quand lui a été annoncée l'horrible nouvelle! Non, vous n'êtes pas parfait mais vous êtes un père aimant, à l'écoute, assez moderne dans sa manière de penser et surtout, vos filles passent toujours avant le reste. Je n'aurais pas su rêver meilleur papa pour mes petites filles!
Elle lui caressa la joue avant de l'embrasser.
-Peut-être suis-je un bon père parce que j'ai la meilleure des femmes à mes côtés pour élever mes petites filles?
-Vous me flattez, Robert. Mais j'apprécie.
Le mariage eut lieu en juillet 1928.
Les journaux, lesquels avaient longtemps décrié la jeune mariée en raison de la différence d'âge, s'étaient adoucis face au bonheur évident qui émanait du couple. Le peuple avait été particulièrement touché de voir que la future princesse n'oubliait pas sa pauvre pupille, au contraire elle était l'une des petites filles avec son panier de fleurs aux côtés de la très jeune Elizabeth, qui était guidée par sa maman. L'on s'étonna encore plus de voir le roi, pourtant si froid, donner la main à cette fillette infortunée alors qu'elle se sentait un peu perdue face à la foule. Si George V acceptait Edith et Marigold, le royaume entier ne pouvait que se soumettre.
Les britanniques furent peu à peu conquis par cette femme moderne mais proche d'eux.
Ils l'adorèrent complètement quand le jour de Noël 1928, le palais partagea avec eux le présent que la princesse John avait fait à la famille royale :
Edith, fille du Comte de Grantham, alors âgée de 36 ans, était enceinte.
1936
-Mère, je vous en prie!
John et Edith assistaient silencieusement à la dispute entre le nouveau roi et la reine mère. David, désormais Edward, était tombé amoureux fou de Wallis Simpson, une américaine divorcée par deux fois, entourée d'un halo de scandale.
-L'épouser est une insulte pour la monarchie!
-Bertie a pu se marier par amour, John aussi!
-Elizabeth avait toutes les qualités requises et les défauts qu'a pu avoir Edith, elle les a compensés par son honnêteté! Ta Wallis est une parvenue!
-Il y a peut-être un moyen.
La voix de la princesse John avait calmé tous les esprits. Le roi la douairière portèrent leur attention sur elle. Les années passaient, certes, mais la fille du Comte de Grantham restait belle. Elle avait un air de maturité sans en devenir une matrone et si elle avait conservé quelques kilos superflus de sa dernière grossesse survenu deux ans plus tôt, à la plus grande surprise de tous, elle s'en trouvait encore embellie. Peu à peu, elle avait su se faire une véritable place au sein de cette famille, ces beaux-frères et sa belle-soeur appréciant à la fois ses conseils avisés tout comme son esprit près à s'amuser quand il le fallait. Elle était très proche de ses neveux et nièces, notamment de Margaret Rose, la seconde née du couple d'York. L'amour qui la liait à son époux demeurait fort, constant et si la différence d'âge se constatait sur leurs corps, elle ne se faisait pas sentir dans leurs liens, leur relation. A dire vrai, leur romance inspirait bien des gens. Quant à Marigold, bien que la vérité fut toujours sensible, elle était heureuse et choyée parce qu'elle était un amour d'enfant. Son beau-père ne faisait aucune différence entre elle et les trois enfants qu'Edith lui avait donnés. Pour lui, en effet, la bâtarde de sa femme était sa fille au même titre que Charlotte (prénommée en l'honneur de la nourrice bien-aimée de John), James et Victoria.
-Une idée, dites-vous, ma fille? Déclara Mary
La vieille femme avait appris à connaître sa belle-fille et l'estimait beaucoup.
-Mère, je comprends vos inquiétudes. Il est vrai que la famille royale est un exemple pour la nation. Et l'église anglicane n'autorise pas les remariages tant que l'époux duquel on a divorcé vit toujours.
-Mais vous soutenez David.
-Bien entendu. Il est mon roi, mon frère bien-aimé et comme il l'a souligné, j'ai eu le grand bonheur d'épouser l'homme que j'aime malgré les différences qui auraient pu creuser un fossé entre nous.
Le souverain semblait ému.
-Je n'ai pas eu le plaisir de rencontrer assez Wallis pour me faire une idée de sa personne. Mais Mère, vous le savez fort bien : le métier de roi est exigeant, difficile. Il est nécessaire d'avoir à ses côtés une personne pour aider à soutenir le poids de la couronne. Une personne pour vous aimer au-delà de l'image régalienne. Et si cette personne est Wallis, je ne peux qu'encourager l'union.
-Et comment contournerez-vous le conseil? L'église?
-David et Wallis pourraient se marier en Ecosse. La loi sur le remariage des divorcés ne s'y applique pas. Et pour rassurer le conseil, le mariage pourrait être morganatique. Ainsi, David épouserait Wallis, vivrait heureux à ses côtés mais la couronne passerait alors à son frère Bertie puis à sa fille Elizabeth si un petit frère n'arrive pas pour compléter un peu plus la famille, puisque les enfants de David et de Wallis n'hériteraient pas. Cela rassurerait le gouvernement et le roi serait heureux. Car c'est cela que les britanniques souhaitent plus que tout : le bonheur de leur monarque. Pour ce qui est du titre, on trouvera bien quelque chose. Vous m'avez tous laissé une chance. Je tiens à en faire de même pour Wallis, sinon cela serait inique de ma part. Cela serait oublier d'où je viens.
John regardait son épouse avant tant d'amour et de fierté!
-C'est une idée merveilleuse, Edith! Le mariage morganatique!
-Vos enfants n'hériteraient pas. Gardez-le en tête.
-Ils hériteront de l'amour de leurs parents, ce qui est bien mieux.
S'il n'y avait pas eu sa bru, la reine Mary n'aurait jamais considéré l'affaire. Mais Edith existait. Aussi, elle accepta d'essayer.
En 1937, le roi Edward VIII épousait à Balmoral, dans la plus stricte intimité, Wallis Simpson.
En 1939, la Seconde Guerre Mondiale éclatait.
La princesse John fut la première à dénoncer publiquement le nazisme, l'antisémitisme et engagea à son service des juifs exilés d'Allemagne pour montrer l'exemple. Son mari, lui, au-delà de savoir que cela faisait partie des convictions intimes de sa femme, savait également qu'elle n'avait jamais pardonné à Hitler et à ses chemises brunes la mort de Michaël Gregson. Lors de ce conflit, le prince Albert, duc d'York, se fit remarquer pour son courage, sa résistance et il appuya ainsi son frère : jamais un roi d'Angleterre ne se rapprocherait d'un tel fanatisme.
Le 06 février 1952, usé par la guerre et par son tabagisme, Albert mourut, laissant un souverain effondré et une famille brisée. La même année, il déclara officiellement que sa nièce Elizabeth lui succèderait.
Elizabeth devint reine le 28 mai 1972 à l'âge de 46 ans.
Malgré ses 80 printemps, sa tante Edith assista, infatigable, au couronnement.
1992 était réellement l'anus horribilis de la reine Elizabeth II. Le divorce d'Anne, celui d'Andrew, l'incendie du château de Windsor... et aujourd'hui, le 11 novembre 1992, jour de l'Armistice, sa tante Edith, centenaire, venait de rendre son dernier souffle. Le décès de son mari John l'année précédente l'avaient profondément ébranlée et la souveraine se demandait si la princesse ne s'était pas laissée glisser afin de le rejoindre plus vite. A ses côtés, Margaret était inconsolable : elle avait été tellement soutenue par elle lorsqu'elle avait souhaité épouser Peter Townsend! Ce n'était pas pour rien que sa fille aînée s'appelait Edith! Charles et Camilla étaient profondément abattus : eux aussi devaient leur amour à la bienveillance de la défunte, laquelle s'était battue également pour qu'ils puissent être ensemble, quoi que la reine-mère Elizabeth ou Dickie Mountbatten puissent en dire.
Le peuple allait la pleurer.
Edith avait toujours été saluée pour ce mélange de traditions et de modernité : oui, le mariage était important mais pourquoi priver les divorcés du bonheur de se remarier? L'église avait fait le nez mais l'Ecosse recevait avec bonheur les épousailles.
-Dire qu'elle a eu la chance de devenir arrière-grand-mère il y a seulement quelques mois!
La fille cadette de Marigold, Violet, avait mis au monde un petit garçon, Eugene.
-A-t-elle précisé ce qu'elle souhaitait pour ses funérailles?
-Elle veut que son coeur soit enterré dans la chapelle de Downton Abbe aux côtés de ses parents ou de sa soeur Sybil.
Downton qu'elle n'avait jamais cessé d'aimer.
Ils remarquèrent alors le sourire aux lèvres de la morte. Margaret embrassa tendrement son front.
-Tu as retrouvé Oncle Johnnie. Dis-lui bonjour pour nous.
