À peine le professeur Binns avait-il cessé de marmotter que James s'était rué hors de la salle de classe en oubliant son manuel d'histoire de la magie sur son pupitre. Avec Severus, ils avaient mis au point une chorégraphie millimétrée qui leur garantissait de se croiser plusieurs fois par jour dans les couloirs. Las ! le vieux Binns avait traîné, déréglant tout. Severus était-il déjà passé ? se demandait James avec appréhension. Il tournait la tête de tous les côtés à la recherche de sa mince silhouette. Son cœur bondit lorsque le Serpentard, un peu essoufflé, apparut à l'autre bout du couloir : lui aussi était sorti de son cours en retard et, pour une fois, il avait réussi à semer ses camarades. James s'apprêtait à lui fourrer un papier dans la main lorsqu'il le vit lui faire les gros yeux. Une paume trapue se posa dans son dos ; c'était Remus, qui lui tendait son manuel, les lèvres pincées.

« Merci », bredouilla James en s'emparant du livre.

Remus regarda alternativement Severus puis James – tous deux prirent leur air le plus innocent – avant de s'éclipser. « Merde ! », jura Severus en le regardant s'éloigner tête basse. Comme Sirius et Peter s'approchaient, il passa précipitamment son chemin, de sorte que James resta là avec son billet à la main.

Ces rencontres furtives, où ils pouvaient se regarder dans les yeux, parfois s'effleurer la main ou se passer un mot, faisaient le bonheur des journées de James – faute de mieux. Comme tout à Poudlard se réalisait sur le mode collectif – leur intimité se résumant aux portes des toilettes et aux rideaux de leurs lits –, rares étaient les moments que James arrivait à passer en tête-à-tête avec Severus. D'autant que Sirius le surveillait, comme s'il flairait quelque chose de suspect ; il ne se privait pas de lui faire remarquer ses petits retards, son manque d'appétit, ses résultats sportifs en baisse. Quant à Severus, c'était Mulciber qui lui collait aux basques.

« Tu lui plais, à l'autre bellâtre, avait fait remarquer James d'un ton perfide un matin que Severus et lui, torses nus, échangeaient de longs baisers humides dans les douches du premier étage. Il est toujours là, à te suivre comme s'il s'était mis en tête d'être ton ange gardien. Et je le trouve bien tactile avec toi. Hier, après que tu sois redescendu avec le vif d'or, il t'a pris dans les bras d'une manière qui donnait l'impression qu'il allait te rouler une pelle. »

Tout en parlant, James caressait d'une main les flancs émaciés de Severus et de l'autre tenaillait ses tétons entre son pouce et son index. Son sexe était douloureux à force de désir. Severus, qui restait bizarrement stoïque, ne pouvait pas l'ignorer, car James avait plaqué son bassin contre le sien.

« Ne dis pas de bêtise ! s'était emporté Severus, perturbé à la pensée qu'un être aussi charmant que Mulciber pût, en retour, être charmé par lui, qui était son exact contraire.

– Pourquoi une bêtise ? » résista James en aventurant une main entre les cuisses de Severus, mais celui-ci retint fermement son poignet.

Pourquoi ne faisaient-ils pas l'amour, là, tout de suite ? s'interrogeait James en lui-même. Il ne demandait pas la lune. S'il le fallait, il laisserait Severus faire de lui ce qu'il voudrait. Il était même prêt à se contenter de le prendre en bouche, comme la dernière fois. Il ferait couler l'eau très fort, il le bâillonnerait de sa main et les autres, occupés à se savonner ou, mieux, à faire la même chose qu'eux, n'entendraient rien. La pensée qu'on pût les surprendre n'était, d'ailleurs, pas sans rajouter du piment dans l'affaire. Imaginer leurs corps, mouillés, l'un dans l'autre, qu'importait le sens et l'orifice, et Severus en train de haleter et se tortiller contre le carrelage anéantissait toute décence chez James.

« Je ne vois pas ce qu'il y aurait de surprenant à ce que tu le fasses bander, ajouta James d'une voix rauque. Tu es très excitant dans ta tenue de Quidditch, j'ai oublié de te le dire. D'ailleurs, quand on joue l'un contre l'autre, je n'arrive pas à me concentrer. Sirius n'en finit plus de me chambrer. »

James le provoquait amoureusement, car il sentait que Severus – il l'avait deviné à la réticence avec laquelle son amant venait de se déshabiller devant lui – avait honte de son physique. Son long corps à la nuque grêle, au ventre creux et aux côtes apparentes produisait la même impression douloureuse et fascinante que celui d'un lévrier. La pratique régulière du Quidditch, loin de l'épanouir, avait encore accentué sa maigreur, transformant en muscles secs le peu de graisse qu'il avait.

Cependant, les mains délicates de Severus montaient et descendaient sensuellement le long du dos de James, alternant effleurements, pincements et griffures. Soudain, le happant par la nuque, le Serpentard l'embrassa avec une intensité qui ne lui était pas familière. En réaction, James lui agrippa les fesses. Il sentit, peu à peu, Severus se tendre contre lui. Ils se mirent alors à se frotter l'un à l'autre. La sensation était exquise. James devait se retenir de toutes ses forces de déboutonner son pantalon.

« Mulciber n'aime pas les garçons ! finit par maugréer Severus dans un début de gémissement. J'ai un sixième sens pour ça, crois-moi ! »

Severus avait, en réalité, le désagréable sentiment que Mulciber le manipulait pour des raisons non élucidées. Mais il s'abstint de faire part de ses soupçons à James. Tout comme il s'interdisait de lui parler de ce que Lily appelait pudiquement ses « expériences ».

« Les garçons en général, je ne sais pas, mais toi ? s'était entêté James en passant la main dans les cheveux de Severus et en lui mordillant l'oreille. Tu es tout à fait spécial dans ton genre. Tu es le seul qui m'aies jamais plu, tu sais, à n'y rien comprendre. Et là, j'ai tellement envie de toi, c'est une torture. Je jouirais rien qu'à te regarder. D'autant que je sais bien que, sous tes grands airs, tu me désires aussi. »

Severus avait haussé les épaules comme si James eût proféré une énormité et s'était brusquement dégagé de son étreinte. Sans un mot, il avait remis son maillot de corps, sa chemise, sa cravate, son pull troué aux coudes et, par-dessus, sa vieille robe et son écharpe – sa maigreur le rendait frileux. Puis, se haussant sur la pointe des pieds, il avait lancé un bref regard au-dessus de la tringle avant de se volatiliser par l'entrebâillement du rideau de douche, plus impalpable qu'un fantôme. James s'était maudit de n'avoir pas rappelé sa dette à Severus et, piteusement, s'était fini à la main.

Le lendemain, ils se retrouvèrent à la bibliothèque – aucune chance d'y croiser Sirius, qui préférait paresser dans la salle commune. Quant à l'encombrant Mulciber, il était accaparé depuis l'aube par ses obligations de préfet-en-chef.

Severus affectait de chercher un livre dans le rayonnage à côté duquel James faisait, lui, consciencieusement semblant de réviser. Quand personne ne les regardait, ce qui arrivait assez souvent, ils se donnaient des baisers silencieux. Le Serpentard paraissait s'accommoder de ce manège – la dissimulation était une seconde nature chez lui ; à croire qu'il avait fini par y prendre goût. Mais James, lui, commençait à être las de devoir se cacher. Par intermittences, il lui prenait l'envie, un peu folle, d'embrasser Severus en public ; qu'importe, se disait-il, les réactions que cet acte susciterait dans leurs maisons respectives. Cela serait, de toute façon, l'affaire de quelques jours et puis les quolibets se tasseraient, leur entourage s'habituerait. Et la perspective de voir Mulciber devenir aussi vert que son uniforme était plutôt attrayante – James n'avait jamais apprécié ce type trop propre sur lui.

« Tu es givré, mon pauvre James, lui répondit Severus d'une voix très calme après qu'il lui eût exposé son idée.

– Pourquoi ? Ça ne te soulagerait pas, toi aussi ?

– On va se faire tomber dessus à bras raccourcis, l'avait refroidi Severus en retournant s'asseoir à l'autre bout de la table, le nez dans un grimoire. Imagine seulement la réaction de ton cher Sirius – d'ailleurs, tu me fatigues avec Mulciber, mais toi, n'as-tu jamais pensé à cesser de fréquenter cet individu ? »

James ne répondit rien. Severus reprit d'un ton doctoral :

« Et je te rappelle que le règlement de Poudlard, que tu n'as évidemment pas lu, prohibe toute manifestation d'affection entre élèves. »

James pesta dans sa barbe : cet animal à sang-froid l'horripilait autant qu'il l'attirait.

« Sev', je veux bien comprendre que tu préfères rester dans l'ombre, mais, entre nous au moins, ne pourrait-on pas mettre les choses au clair ? »

Après s'être discrètement assuré qu'aucun élève ne se trouvait à proximité, Severus tourna ses yeux sombres vers James :

« C'est-à-dire ?

– Qu'est-ce que tu attends au juste de moi, Severus ? Manifestement pas que je te baise entre deux portes, à ce que j'ai cru comprendre.

– En effet », murmura Severus en un lointain écho.

Le Serpentard n'en dit pas davantage. On ne lui avait jamais appris à parler de ses sentiments. Il n'avait pas les mots pour le faire et, surtout, pas le courage. Face à un garçon qu'il aimait – car il aimait James de toutes les fibres de son corps –, il était beaucoup plus simple pour lui de jouer la partition de l'indifférence ou du sarcasme. Seulement James commençait à le connaître ; Severus avait conscience qu'il ne pouvait plus lui dissimuler son embarras aussi facilement qu'autrefois. Alors, faute de mieux, il fit mine de lire le grimoire rébarbatif qu'il venait de tirer du rayonnage, trouvant un refuge dans ses longs cheveux. Sous la lumière crue de l'opaline, les mots dansaient la farandole, sans lien entre eux.

« Regarde-moi, Severus », lui demanda James d'une voix si douce que Severus en eut des frissons.

Le Serpentard se garda bien de relever la tête. Mais James, qui étirait lentement son bras vers lui, ne s'en formalisa pas.

« J'ai mis du temps à comprendre pourquoi tu étais si peu pressé qu'on couche ensemble, poursuivit James à voix basse. Je croyais que je ne te faisais pas d'effet. J'étais un peu vexé, je te l'avoue. Et puis j'ai fini par réaliser que c'était le contraire. »

Severus continuait obstinément de fixer sa page. Sa vue s'était troublée, mais il n'y prit pas garde, car, en cet instant, il était comme tourné vers lui-même.

D'un geste désinvolte, James referma le grimoire, le privant de toute contenance. Severus cligna des yeux.

« Je suis tellement premier degré, n'est-ce pas ? reprit James avec un demi-sourire affreusement séduisant. Comme, du reste, tu passes ton temps à me le dire… Mais je me soigne. »

Severus écarquilla les yeux avant de les reposer prudemment sur la couverture du grimoire, en cuir repoussé.

« Vraiment ? », murmura-t-il.

James émit une espèce de soupir, puis, penchant le buste, il chercha la main de Severus sous la table. Il la trouva qui reposait sur son genou. Lorsque James la prit entre les siennes, Severus se laissa faire, puis, lentement, releva les yeux vers lui. Ils avaient tous les deux les paumes moites.

« Moi aussi, je t'aime », chuchota James les yeux dans les siens.

Severus eut comme une absence, puis, de sa main libre, il s'essuya furtivement les yeux.

« Tu vois, on n'en meurt pas, ajouta James, à qui ce geste n'avait pas échappé.

– T'es vraiment qu'un connard », hoqueta Severus en rouvrant rageusement son livre.

Mais quelque chose, en lui, semblait s'être détendu et il fut presqu'agréable pour le reste de la journée.

JPSRJPSRJPSR

Comme ils le faisaient chaque soir avant de remonter dans leur salle commune respective, James et Severus échangèrent un baiser derrière le pilastre du grand escalier. En temps normal, ils en restaient chastement là. Mais, ce soir-là, James entraîna Severus sous les marches et plongea la main dans son pantalon sans que celui-ci y trouvât à redire. Rapidement, les choses prirent une tournure telle – les yeux de Severus se révulsèrent – que les deux garçons durent s'isoler dans le placard à balais, une pièce si étroite et encombrée qu'ils n'avaient d'autre choix que de rester debout.

Retenu par le bras de James, qui enserrait sa poitrine, Severus s'abandonna alors à sa main savante en poussant des couinements délicieux. Puis, au prix de quelques contorsions, il s'agenouilla entre les jambes de James et régla sa dette avec un aperçu du Paradis. Alors que chacun, encore tremblant, remontait le pantalon de l'autre, ils convinrent d'un rendez-vous dans la nuit pour approfondir le sujet.

Il était temps, pensa James sur le coup de minuit alors qu'il s'extirpait le plus discrètement possible de son lit. Son uniforme plié sous le bras et ses chaussures à la main, il fila se changer aux sanitaires, dissimulant son pyjama au-dessus du réservoir de la chasse d'eau, avant de se planter devant le miroir où il décoiffa ses cheveux, se rinça la bouche, donna un coup de rasoir à son menton et finit sa toilette en tapotant ses aisselles avec de l'eau de Cologne. Dans un éclair de lucidité, il s'avisa alors qu'il était ridicule de se faire beau pour un garçon qui, manifestement, se souciait de sa propre apparence comme d'une guigne. Mais il avait sa fierté, tout de même.

Alors que James traversait le couloir à tâtons pour ne pas se faire repérer, il sentit une main le saisir brutalement par le col de sa chemise. Une lumière, projetée en pleine face, l'éblouit.

« Tu vas le retrouver, n'est-ce pas ? »

C'était Sirius, en pyjama, la carte du Maraudeur à la main, qui pointait sur lui le faisceau de sa baguette, le scrutant de pied en cap. Comme James, aveuglé par la lumière qui jaillissait de la baguette, ne pipait mot, Sirius crut nécessaire de préciser, du même ton inquisiteur :

« Tu vas retrouver Servilus ? »

James aurait pu nier, avancer le nom de Lily ou s'inventer une autre raison de découcher. Seulement la question de Sirius n'en était pas une ; elle sonnait comme un reproche. Et, cette nuit-là, James n'était pas le moins du monde disposé à se justifier.

« Je vais coucher avec Severus, corrigea-t-il en soutenant le regard gris acier de son ami. Cela te pose problème ? »

Sirius, visiblement, ne s'attendait pas à ce que James assumât la chose avec une telle effronterie. Sonné, il relâcha son emprise et recula de deux pas, sans pour autant détourner sa baguette ; il semblait vouloir tenir son ami en joue.

« C'est pas sérieux entre vous, hein ? » chercha-t-il à se rassurer cependant qu'il flairait James avec inquiétude.

Mais ce dernier observa un silence éloquent.

Alors Sirius abaissa sa baguette et secoua vivement sa tête chevelue comme s'il espérait se réveiller d'un cauchemar :

« C'est pas juste pour… t'ôter d'un doute ? balbutia-t-il à regret. Je connais des gars qui ont essayé une fois et…

– C'est Remus qui a vendu la mèche ? » l'interrompit James dans un soupir de lassitude.

Il se souvenait que cinq jours plus tôt, Remus les avait surpris, Severus et lui, à se passer des mots doux à la sortie d'un cours.

« Mettons que je vous ai vus vous chauffer tout à l'heure », sifflota innocemment Sirius.

James sentit la honte lui picoter les joues comme un gant de crin : il devait admettre qu'au fil des jours, minés par le désir insatisfait qu'ils avaient l'un pour l'autre, Severus et lui avaient pris de plus en plus de risques – cela devait fatalement arriver.

« Plus exactement, je t'ai vu le branler », précisa Sirius, avec son tact habituel.

Un silence pesant s'abattit entre eux. Mais James se rendit rapidement compte que sa gêne à lui n'était rien comparée à celle de Sirius : à en croire son regard vide, il était en train de se repasser la scène en détails, sans parvenir à réprimer son trouble.

« Je n'ai jamais rien vu d'aussi dégueulasse que sa bouche ouverte…, finit-il par lâcher, écœuré.

– Ça te va bien de jouer les père-la-pudeur, ironisa James. N'empêche que tu as regardé. Tu as fini par apprécier, j'espère ?

– Putain, mais qu'est-ce que tu lui trouves ? finit par exploser Sirius. Il est zarbi, miteux, un sac d'os, moche comme un pou. Et puis sa dégaine de tafiole…

– Parle de lui sur un autre ton, tu veux bien ? le moucha James. Car en l'insultant, vois-tu, tu m'insultes aussi. »

Tout agressif qu'il fût, Sirius ne semblait pas vouloir se fâcher avec son ami ; aussi opta-t-il instantanément pour ce qu'il croyait être un subtil changement de tactique :

« Tant qu'à te taper un mec, t'aurais pu trouver mieux. C'est pas le choix qui manque, surtout chez les Poufsouffle ; tous des folles, ceux-là. Tu es au courant que cette traînée de Serpentard s'est faite enculer par la moitié de Poudlard ?

– Et toi, tu es passé sur le corps de combien de filles ? le cingla James. Ce n'est pas toi qui nous racontais tantôt tes orgies avec les cousins Spencer ? »

Désarçonné par la virulence de l'attaque, Sirius ravala sa salive en toussant :

« Voilà que tu t'y mets aussi. Vous vous êtes donné le mot pour me faire passer pour une ordure, décidément.

– Je ne vois vraiment pas où est le problème à ce que je sorte avec Severus, dévia James. Qu'est-ce que ça change à notre amitié, dis-moi ? »

À ces mots, les narines de Sirius se dilatèrent. Il se mit à dévisager James avec une expression déroutante. Ce dernier frissonna. Pour la première fois de toute l'histoire de leur relation, il avait senti l'ombre d'une équivoque passer entre eux.

« Ne me dis pas que tu es jaloux ? » s'écria tout à coup James.

La question était sortie toute seule, comme un coup de feu. Il s'en mordit aussitôt la langue. Voulait-il vraiment connaître la réponse ?

En face de lui, l'impulsif Sirius parut, pour une fois, réfléchir ; son effort d'introspection, qui creusait des ridules sur son front, était assez comique à voir.

« Au fond, peut-être bien… que oui », finit-il par répondre d'un ton hésitant.

James éclata d'un rire nerveux. Parce que c'était tout bonnement impossible. Les occasions, surtout l'été dernier, avaient été trop nombreuses. Ils s'étaient retrouvés à se déshabiller l'un devant l'autre, à se doucher ensemble, à s'endormir dans le même lit. Et, à aucun moment, Sirius, y compris les fois où il avait trop bu – et Merlin sait si cela s'était souvent produit ! –, n'avait eu un comportement tendancieux. Pas même la nuit où, éméchés, ils avaient fait l'amour côte à côte dans une botte de foin – James avec sa régulière de l'époque, la fille cadette du voisin ; Sirius avec une créature de passage qui, une fois la chose faite, avait voulu se faire payer. Alors que leurs corps déculottés se touchaient presque, Sirius s'était gardé de toute avance – pourtant, selon ses dires, il adorait les plans à plusieurs –, ni osé un regard au moment où James, incapable de survivre à plus de cinq va-et-vient, s'était répandu sans retenue, en bramant comme un cerf.

Malgré l'état d'hébétude dans lequel James avait sombré après l'acte, il se rappelait encore la manière bruyante et désordonnée dont Sirius avait, après ça, fait son affaire, retournant sans ménagement sa partenaire sur le ventre. En y repensant, James fut soudain pris d'un doute : se pouvait-il que ce fût son orgasme à lui, précisément, qui ait mis le feu aux poudres chez Sirius ? Il préféra balayer l'idée d'un nouveau rire.

Sirius observait James d'un air passablement désemparé, incapable d'interpréter son silence et ses rires. Tout à coup, il sembla prendre conscience de la portée de son aveu.

« En tout bien tout honneur, tenta-t-il de se refaire d'un ton mal assuré. Te fais pas de film, surtout... »

La voix rocailleuse de Sirius s'était éteinte dans une sorte de trémolo. James ne put s'empêcher de glousser une nouvelle fois ; comme il était touchant, le spectacle de ce grand orgueilleux plongé jusqu'au cou dans l'embarras ! Il aurait presque eu envie de l'embrasser pour voir sa réaction. Mais, par respect pour leur longue amitié, il jugea préférable de s'en abstenir. Car si ambiguïté il y avait, que gagnerait-il à la dissiper ? La situation actuelle lui convenait très bien.

« T'inquiète, le rassura James, sur le ton de la plaisanterie. Je te connais. »

Le visage de Sirius s'assombrit. Il sembla vouloir dire quelque chose, mais aucun son ne passa la frontière de ses lèvres ourlées et, finalement, il baissa les yeux. Il avait l'air complètement défait. Et James eut de la peine pour lui.

Au bout d'une dizaine de secondes, il se résolut enfin à s'arracher à cette situation gênante :

« On m'attend. Au revoir ! », lança-t-il d'un ton qu'il voulut dégagé.

En un éclair, il avait pivoté sur ses talons et enchaîné plusieurs enjambées.

« Oublie pas la vaseline quand tu le baiseras, entendit-il distinctement grogner derrière lui. Les mecs, ça mouille pas. »

James s'arrêta net, outré. Il se retourna vers Sirius, prêt à lui faire expier ce qu'il venait de dire en le forçant à manger la carte du Maraudeur. Mais seule une ombre épaisse lui faisait face : sentant sur lui le souffle du boulet, Sirius avait jugé préférable d'éteindre sa baguette. James se saisit de la sienne, balança à l'allumer puis renonça. Une affaire plus urgente l'attendait.

« Tu ne changeras donc jamais, bordel ? » pesta-t-il en se remettant en route.

JPSRJPSRJPSR

James et Severus s'étaient rejoints dans un coin isolé du parc, devant le hangar où étaient remisés les véhicules de service. Comme le marchepied de la vieille diligence qui devait abriter leurs ébats avait cédé, James avait précédé Severus pour l'aider à monter. Alors que Severus saisissait la main qu'il lui tendait, il revint à la mémoire de James que c'était ici qu'il s'était vu, un an plus tôt, faire l'amour à Lily, moins pour se venger d'elle, qui l'avait pourtant humilié, que pour punir Severus de… il ne savait trop quoi, à vrai dire. Était-il possible qu'il se soit menti à lui-même pendant toutes ces années ? Qu'il ait toujours ressenti pour Severus, sous couleur de mépris, cet attachement morbide qui, à présent, le consumait ?

James se rappelait parfaitement de la première fois qu'il l'avait vu. C'était quelques semaines après avoir fêté ses onze ans. Severus était assis en tête-à-tête avec Lily, dans un compartiment du Poudlard Express. D'une main, il tenait un livre et de l'autre, sur ses genoux, celle de Lily. Les deux enfants semblaient proches comme frère et sœur. Sous la couronne rougeoyante que lui faisaient ses cheveux, Lily était belle comme le jour. Et lui, Severus – comme ce prénom lui avait semblé exotique la première fois qu'il l'avait entendu ! –, c'était l'ombre : un petit garçon chétif et renfermé, au faciès complètement inexpressif, mais au regard acéré, trahissant une maturité surprenante. Ses cheveux lui tombaient déjà sur les épaules et son nez improbable commençait à fleurir au milieu de sa pâle figure.

Quand James était entré dans le compartiment, les fentes des yeux de Severus s'étaient allongées et l'avaient examiné avec une curiosité mal dissimulée. Severus s'était-il amouraché de lui à ce moment-là, comme le prétendait cette diablesse de Lily, ou bien lui était-ce venu plus tard ?

James se souvenait avoir été, à l'époque, intrigué par ce garçon insolite, qu'il n'avait pas trouvé laid, bien que Sirius eût laissé échapper, depuis le couloir où il était resté posté, un grognement de dégoût à sa vue.

James avait même été tenté d'engager la conversation avec Severus, mais, lâchement, à cause du regard moqueur de Sirius, avec qui il venait tout juste de sympathiser, il s'était contenté d'un salut évasif, vaguement impoli, lequel avait été très vite suivi, en raison du mutisme de Severus, de petites piques destinées à le faire réagir. Finalement, Severus s'était fendu d'une riposte acide, mais laconique, avant que Lily ne s'interpose. James avait reporté son attention sur cette dernière et, ne doutant pas de son charme, avait tenté de lui arracher un sourire, sans succès.

De là, James avait pris Severus en grippe. Du reste, en grandissant, celui-ci était devenu infréquentable, même pour les gens de sa propre maison. Son goût pour la solitude, ses manières guindées et son sérieux inébranlable faisaient de lui une cible idéale. C'est ainsi qu'en troisième année, les Maraudeurs, qui l'ignoraient jusqu'alors, avaient commencé à faire de lui leur défouloir. À l'époque, l'indéfectible Lily était bien la seule à s'indigner de leurs agissements.

Leurs mains toujours jointes, James et Severus se laissèrent tomber sur celle des deux banquettes qui n'était pas éventrée, faisant fuir une famille d'araignées. L'endroit était, malgré tout, confortable, car Sirius, en garçon pragmatique qu'il était, l'avait équipé de nombreux coussins, d'une courtepointe suffisamment large pour abriter deux frileux ainsi que d'une lampe à huile, que James enflamma d'un coup de baguette.

Il y avait aussi, contre la portière, une sorte de caissette en métal qui contenait – comme Severus le découvrit en l'ouvrant – tout le nécessaire pour conjurer les affections honteuses, prévenir un engrossement malencontreux ou encore détendre les chairs.

« C'est drôlement bien aménagé ici, observa le Serpentard, le regard courroucé. Tu y ramènes souvent des camarades de jeu, j'imagine ? »

Le teint hâlé de James avait viré à l'écarlate ; il savait qu'il aurait dû venir faire le ménage avant d'amener Severus ici ! Il priait pour qu'il ne tombât pas sur les magazines très illustrées de Sirius, qui remplissaient le filet à bagages.

« La diligence ne sert pas qu'à moi, botta-t-il en touche.

– Tellement romantique, le baisodrome, commenta Severus de sa voix grave et légèrement voilée. Et avec quels chanceux partages-tu ce lieu si accueillant ? »

James ravala sa langue, mais Severus, qui avait progressé en légilimencie ces derniers mois, vit clignoter « Sirius » sur son front. Il laissa échapper un juron.

« Je vois. Et on ne risque pas de voir débouler ce rustre avec sa pêche du jour ?

– Il ne nous dérangera pas, assura James. Il sait que je suis ici. Avec toi. »

Les bras en tombèrent à Severus. Mais comment James avait-il pu être assez nigaud pour raconter à ce crétin de Sirius que... Ces deux garçons étaient, décidément, incapables de cultiver un jardin secret. Quand se décideraient-ils donc à grandir ?

Devinant que Severus était en train de bouillir intérieurement, James ajouta :

« Il n'a pas trop apprécié assister à notre instant d'égarement de ce soir. Alors, vois-tu, ça m'étonnerait qu'il rapplique pour la suite. »

Severus se mordit plus fort la langue : mais pourquoi fallait-il toujours que sa vie sexuelle finisse étalée au grand jour ?

« Il a vu ça et il ne t'a pas refait le portrait ? s'étonna-t-il ensuite en haussant les sourcils.

– Il t'a seulement traité de tous les noms et ajouté que, tant qu'à faire, je ferai mieux d'aller avec un Poufsouffle, mais il ne m'a pas retenu…

– Vu comment il m'exècre, ça a dû lui en coûter, bailla Severus en se frottant les yeux. Sûr que ce con tient à toi ».

James tressaillit à cette saillie : mais comment Severus faisait-il pour être aussi perspicace ?

Sans crier gare, ce dernier le prit par le menton et le força à relever la tête.

« Mais tu ne m'as pas donné rendez-vous ici pour me parler de Sirius, je suppose », lui chuchota-t-il dans la bouche.

La voix de Severus était suggestive, pressante même, comme toujours dans ces moments-là, mais aussi inhabituellement nerveuse. James se rendit alors compte que les doigts fuselés qui trituraient son menton tremblaient comme une feuille. Se dégageant d'une torsion du cou, il recula pour pouvoir observer Severus. En cet instant, le Serpentard, d'ordinaire impénétrable, avait l'air encore plus mal à l'aise que lui.

« Tu as peur, toi aussi ? l'interrogea James, surpris.

– Ça se pourrait, éluda ce dernier, sans le regarder.

– Tu as l'habitude des garçons, pourtant !

– Mais pas de toi… » répondit-t-il dans un souffle, avant de lever vers James un regard hypnotisant.

Le sang de James ne fit qu'un tour. Se dressant sur ses genoux, il prit Severus par la nuque et l'embrassa à en perdre haleine. Cependant que les mains de Severus dégringolaient de ses omoplates à ses reins, James l'attrapa par les épaules, le renversa autoritairement sur la banquette, dos contre l'assise et, avec ses genoux, vint prendre ses hanches en tenaille. D'un mouvement du bassin, il assura son assiette, faisant rouler ses fesses sur les cuisses de Severus. Le tissu de son pantalon, au niveau de l'entrejambe, semblait prêt à craquer sous la protubérance que formait son sexe érigé.

Severus ne put se défendre de regarder ; il sentit alors son propre sexe se raidir. Il ferma lentement les yeux. Il lui semblait qu'il rêvait. Sa première fois avec James. Le beau garçon qui le hantait depuis tant d'années. Celui dont il n'avait eu de cesse de se répéter qu'il n'était pas pour lui. Aussi rayonnant, admiré, inaccessible que lui était terne, méprisé, souillé.

James s'était penché au-dessus de Severus. Ce dernier sentit qu'on le déshabillait avec maladresse. James lui retira sa robe, puis son pull, avant de s'escrimer sur sa cravate défraîchie, pour laquelle Severus avait inventé une technique de nouage – toujours sa manie de se distinguer.

« C'est pas vrai ! entendit-il James maugréer. Tu t'es sapé comme pour aller en cours. »

Severus faillit répondre qu'il n'avait pas trop l'habitude des rendez-vous galants, son expérience en matière de sexe se résumant à des copulations impromptues.

« Avoue que tu as ensorcelé cette fichue cravate pour me rendre fou ! continuait à grommeler James en s'acharnant.

– Ne la déchire pas, s'il te plaît, je n'en ai qu'une », répliqua posément Severus.

Comme s'il se fût agi d'une laisse, James tira sur la cravate de Severus pour faire monter son visage à la hauteur du sien. Ce dernier rouvrit les yeux.

« Tu espérais ne pas finir nu ? le taquina James en glissant une main sous sa chemise. Ne rêve pas : je ne te laisserai même pas tes chaussettes. »

Avant que Severus eût trouvé quoi répondre, James se mit à fourailler sa bouche avec sa langue. Severus referma les yeux : la cravate, inexorablement, se resserrait autour de son cou, l'étranglant presque, cependant qu'une jouissance animale palpitait dans son ventre. James détacha ses lèvres de celles de Severus et poussa ce dernier en arrière, le retenant par les poignets tandis qu'il retombait sur la banquette.

Après bien des efforts, James vint à bout du nœud de la cravate de Severus. Il s'occupait à présent de sa chemise grisâtre. Elle lui semblait posséder un nombre anormalement élevé de boutons – ou bien était-ce qu'il n'était plus très lucide ?

Malgré la fébrilité de James, ses gestes restaient maîtrisés, affectueux. Les sourcils froncés, il tirait à demi la langue comme s'il était en train de déballer un objet précieux et fragile. Par intermittences, il volait un baiser à Severus, qui ne bougeait plus. Enfin, la chemise vola par la portière.

Comme il avait coutume de le faire avant d'enfourcher son balai, James retira ses lunettes, qui ne lui servaient qu'à voir de près. Avec une raideur comique, il les posa, branches repliées, sur la banquette opposée. Severus, qui avait rouvert un œil, en conclut que l'affaire était en train de se corser.

Alors qu'il roulotait le maillot de corps de Severus sous ses aisselles, James se fit la réflexion qu'il ne s'était jamais demandé d'où venait Severus, qui étaient ses parents, ce qu'avait pu être sa vie avant son arrivée à Poudlard. Mais avait-il besoin de savoir ? Tout, en Severus, transpirait la misère et la carence. Comment l'en guérir ?

James se mit à caresser son torse noueux tandis que, de sa bouche vorace, il agaçait ses mamelons. Au supplice, Severus finit par renverser languissamment la tête en arrière. Alors James fondit sur son cou et aspira goulûment sa peau entre ses dents. Severus respirait si vite que la tête lui tournait.

Puis vint le moment où, avec une délicatesse infinie, James fit glisser le caleçon de Severus à mi-cuisses, tirant sur l'élastique pour faciliter la libération de sa verge turgescente. Il posa une main sur son aine, glissa sur le rail que formaient ses jambes tendues et approcha sa bouche de sa verge. Lorsque Severus la sentit coulisser entre les lèvres serrées de James, il se mit à trembler d'une manière incontrôlable.

« Tu as froid ? plaisanta James en relevant la tête. On peut se mettre sous la couverture si tu préfères.

– Ce que tu peux être con, à la fin ! » glapit Severus, tandis qu'une sueur âcre perlait dans son dos.

James laissa échapper un soupir attendri :

« Et sinon, tu ne voudrais pas ouvrir les yeux, juste un peu ?

– Éteins d'abord cette fichue lumière !

– Je ne t'imaginais pas si prude, mais soit… »

James donna un coup de baguette sur la lampe, qui s'éteignit en crachotant. Heureusement, il ne faisait pas nuit noire, car la lueur de la lune, qui était presque pleine, entrait en grand par les carreaux brisés, et James pouvait encore distinguer, à travers la pénombre, à laquelle ses yeux s'habituaient peu à peu, la bouche béante de Severus.

« Je vais finir par croire que tu penses à un autre quand tu es avec moi », insinua James, qui ne pouvait empêcher ses pensées de se diriger vers Mulciber.

Il fit pirouetter sa langue avant d'engloutir à nouveau.

« Tu crois vraiment qu'avec ce que tu me fais, je suis en état de penser à quoi que ce soit ? répliqua Severus dans une espèce de râle.

– Tu ne m'as jamais dit comment tu me trouvais, fit observer James, jaloux, entre deux coulées.

– Lourd, pantela Severus en cherchant une prise à laquelle se cramponner alors que la tête de son amant amorçait un mouvement de va-et-vient. Et… bien trop bavard… aussi... »

Sans doute Severus avait-il encore quelques épithètes désagréables en réserve, mais la volupté lui coupa la parole et il conclut sa phrase par un geignement.

« Physiquement, voulais-je dire », précisa James avant de replonger.

Il comptait bien torturer ce vilain garçon jusqu'à ce qu'il hurle son désir de lui. Passant les mains sous ses fesses, il releva son bassin pour faire pénétrer son sexe jusque dans sa gorge. Severus se débattit comme s'il était en train de se noyer.

« Arrête ! suffoqua-t-il en se rattrapant aux cheveux de James. Arrête… ça… tout de suite… je t'en supplie. »

Le visage de Severus roulait convulsivement dans ses cheveux. James, en embuscade, se repaissait de ses émois. Il n'aurait pas vu d'inconvénient à le laisser venir dans les tréfonds de son œsophage. Mais les désirs de Severus étaient des ordres. Alors, la mine résignée, il le laissa choir sur la banquette. Le Serpentard rouvrit les yeux et se redressa avec peine sur ses coudes.

« Ne fais pas l'idiot, lui lança-t-il tandis qu'il reprenait sa respiration. Tu sais très bien que tu me plais physiquement. Dès le début, tu m'as plu… Ton sourire en coin dans le Poudlard Express... Je détestais te regarder, et je le faisais quand même, pour la même raison : tu me faisais perdre mes moyens.

– Parce que tu me regardais ? se récria James, flatté. Il est vrai que je n'arrêtais pas de faire le mariole pour attirer ton attention. Tu te caressais en pensant à moi ?

– Je n'osais pas, bégaya Severus, un peu choqué par la question. Ton attitude… ces filles autour de toi… et puis tes amis… tu étais toujours fourré avec eux… Je préférais ne pas me monter la tête… Enfin, ça, c'était jusqu'à ce que… Tu te souviens lorsque nous sommes allés au lac ? À un moment, tu discutais tranquillement tout nu devant moi. J'avais du mal à ne pas regarder…

– Moi, je ne me suis pas gêné », sourit James avec candeur.

Il venait de se remémorer le moment où il avait vu Severus, de dos, ressortir du lac dans le plus simple appareil. Toujours à califourchon sur lui, il déboutonna sa propre chemise, dont il se débarrassa promptement, avant de se mettre à défaire sa ceinture. Severus tendit les bras vers lui et voulut caresser son buste aux muscles bandés, sur lequel frisottaient quelques poils noirs, mais, vif comme l'éclair, James l'esquiva, glissant à bas de la banquette pour ôter son pantalon et ses chaussettes. Il parut hésiter une fraction de seconde à en faire de même avec son caleçon. Finalement, d'un geste crâne, il le retira.

Alors qu'il remontait sur la banquette, en rampant au-dessus de Severus, le regard de ce dernier remonta jusqu'à son sexe ; celui-ci était si tendu qu'il s'arcboutait à son bas-ventre.

« On dirait que je te fais de l'effet, dit Severus d'un ton taquin en effleurant le sexe de James de ses longs doigts.

– Tu n'as pas idée, répondit James. Mais je n'ai toujours pas compris pourquoi. »

Severus avait enveloppé la verge de James dans son poing. Comprenant le signal, ce dernier, qui avait les joues très rouges, se mit à ondoyer des hanches sans cesser de fixer Severus, en contrebas, droit dans les yeux. Il ne lui fallut que quelques secondes pour creuser les reins et se mettre à gémir. Les yeux de Severus se plissèrent de contentement. Pour faire durer le plaisir, le sien tout autant que celui de James, il prenait garde à relâcher sa prise à chaque fois qu'il sentait la pression devenir trop forte.

Soudain, James se dégagea du poing de Severus ; son regard s'était voilé ; surtout, il semblait gêné.

« Severus, murmura-t-il d'une voix implorante. J'ai tellement envie de… de te… Est-ce que tu veux bien ? »

Ses yeux cherchaient désespérément sur le visage de Severus une réponse à la question qu'il n'osait pas poser. Ce dernier voulut sourire pour l'encourager, mais il ne fit que redoubler la confusion de James, qui ne se rappelait pas avoir jamais vu une expression pareille sur sa face tragique.

« Sinon, on le fait à la main, conclut penaudement le Gryffondor, qui se sentait plus stupide que jamais.

– Tu crois vraiment que je me suis carapaté de mon dortoir en pleine nuit pour une branlette ! » gronda Severus.

Le Serpentard roula sur le côté et étira son bras pour s'emparer de la caissette dont, après quelques fouilles, il tira un pot d'une substance indéterminée qu'il lança à James comme il l'eût fait d'un cognard :

« Ça devrait faciliter les choses. »

Et, sans un mot de plus, Severus se recoucha, sur le ventre cette fois-ci, de sorte que James ne pouvait plus qu'entrapercevoir son visage. Severus croisa les bras pour s'en faire un repose-tête et, de nouveau, ferma les yeux. On l'avait si souvent pris par derrière contre un mur, une table, parfois même par terre qu'il ne sentait pas le courage d'affronter le regard de James. Il attendit, avec appréhension, que ce dernier veuille bien prendre les choses en main. Pendant ce temps, James, silencieux désormais, louchait sur sa chute de reins, aussi nerveuse et galbée que dans son souvenir du lac.

Severus tressaillit comme si un courant électrique eût parcouru son corps ; la main puissante de James venait de se poser dans le creux de ses reins et marquait son territoire. Puis elle remonta le long de son échine, modela une vague de chair à hauteur de sa taille fine avant de venir balayer ses cheveux, qui obscurcissaient le haut de son dos, afin de mettre à nu sa nuque frémissante. Severus sentit alors James lui écarter les cuisses avec précaution. Au mouvement de balancier qui ébranla l'assise de la banquette, il devina qu'il était en train de s'agenouiller entre ses jambes. Un courant d'air le fit frissonner. La remise était ouverte à tous les vents et on était en plein hiver.

James lui massa le bas du dos puis, n'y tenant plus, il approcha sa main de sa croupe, lovée dans le creux de l'assise. Comme envoûté, il tâta, palpa, soupesa. Il se rappela la manière dont Sirius l'avait nargué en soulignant quel « joli cul » avait Severus. Pour une fois, il avait raison : rehaussé par une cambrure affolante, ce fessier était, d'un point de vue plastique, la chose la plus admirable qu'il y eût chez Severus ; un postérieur lisse et rebondi comme celui d'une fille, mais d'une étroitesse et d'une fermeté toute masculine. De ses pouces, James écarta craintivement ses fesses et vit, au creux du sillon, une fronçure circulaire.

Même si cette voie attisait depuis longtemps la curiosité de James, il n'avait pas osé l'emprunter avec ses partenaires féminines. Il était loin d'être un amant aussi expérimenté qu'il le laissait accroire à ses amis. La vérité, c'était que son manque d'endurance ne lui autorisait guère de fantaisie. Autant dire que l'exploration dans laquelle il s'apprêtait à se lancer lui paraissait risquée : il craignait, faute de pouvoir situer la frontière entre douleur et plaisir, d'être brutal ou, pire, décevant.

Seulement, en dessous de lui, un corps terriblement désirable s'arquait, ondulait, frétillait comme s'il le réclamait. Alors James s'empara du pot, qu'il faillit lâcher tellement il était troublé, et dévissa le couvercle. Il préleva une noisette de la crème translucide qu'il contenait avant de se baisser et de venir, avec le bout de son index, titiller l'œillet à la carnation brunâtre. La caresse s'éternisa, car James s'interdisait de forcer le passage. S'impatientant, Severus tendit son bras en arrière pour attraper le poignet de James, puis, d'un mouvement brusque, il recula en sa direction. James sursauta en sentant son index s'engainer jusqu'à la deuxième phalange. Complètement tétanisé par l'étroitesse du chemin, il n'osa plus prendre d'initiative. Alors Severus, qui tenait toujours son poignet, se chargea d'amener son doigt à destination.

Bientôt Severus en quémanda un second. James le laissa guider sa main, s'efforçant de mémoriser les gestes qu'il lui enseignait et guettant chacune de ses réactions avec anxiété ; car il lui semblait que Severus s'était crispé lorsque son majeur s'était introduit en lui : était-ce parce qu'il souffrait ou bien se retenait-il juste de jouir ?

Le visage aux yeux clos de Severus s'était détendu. Il lâcha le poignet de James, lequel poursuivit docilement sa tâche. À chaque pénétration, il élargissait un peu plus le passage. Lorsque, prenant appui sur ses mains, Severus se mit à aller et venir sur ses doigts, James s'inclina pour déposer un baiser dans son cou. Il finit par se coucher sur lui, frottant sa joue contre la sienne et faufilant son sexe tendu entre ses jambes. À mesure qu'il sentait son amant s'ouvrir sous ses caresses, il s'enhardissait. Il osa un troisième doigt et en fut récompensé par un murmure lascif.

Son cœur se mit à battre plus vite. Serpentant sur l'assise de la banquette, Severus répétait son prénom. James se remit sur les genoux. Il vit alors les fesses de Severus remonter vers lui en une invite impudique : ce dernier avait glissé un coussin sous son bassin, pour lui faciliter la tâche. James n'aurait pas eu plus chaud si on l'avait plongé dans un bain de lave. Détournant le regard, il s'efforça de penser à autre chose. Il récita quelques leçons, pensa à Rusard, se remémora l'odeur des chaussettes de Sirius. Mais rien n'y fit. La vision de cette superbe croupe en attente submergeait tout.

Avec son bras gauche, James ceintura Severus, le souleva et le fit se mettre à quatre pattes avant d'encager ses hanches dans ses mains. Severus se raidit un peu, car cette position lui rappelait des étreintes dégradantes. Mais peut-être, se raisonna-t-il, James en avait-il besoin pour s'exciter, voire passer outre le fait qu'il était un garçon ? Severus pouvait l'entendre ahaner dans son cou. Déjà, son sexe impatient entrait en lui. Severus étouffa un hurlement de douleur dans l'assise de la banquette.

Au prix d'un effort sur lui-même, James pénétra Severus avec patience, tout autant par égard pour celui-ci, dont il voyait la bouche se tordre, que pour tenter de contenir le plaisir atroce qu'il éprouvait à être aussi fermement engoncé. Une fois tout entier à l'intérieur de Severus, il attendit. Même au repos, la sensation était exquise, plus intense que tout ce qu'on avait pu lui en dire.

Peu à peu, les muscles du dos de Severus se relâchèrent, sa respiration devint moins hachée et son visage aux pommettes cramoisies se défroissa.

« Je t'en prie », dit-il à James d'une voix éteinte.

En équilibre sur les hanches de Severus, James donna, tout d'abord, des coups de reins prudents. Mais bien vite, sa vue se brouilla ; il sentait des spasmes de plaisir inhabituels secouer son bas-ventre. Était-ce l'étroitesse du passage qui lui faisait cet effet ? Ou bien était-il galvanisé par le flot de grossièretés qui s'était mis à jaillir de la bouche de Severus ? Toujours est-il qu'au bout de quelques allers-et-retours, un court-circuit se produisit en lui. Agrippant les frêles épaules de Severus, il se mit à le charger comme un fou. Il l'entendit hoqueter, geindre, le supplier, mais, dans l'emballement, il ne comprit pas s'il lui demandait d'arrêter ou de continuer.

C'était, de toute manière, trop tard : la machine de la jouissance s'était mise en route, il avait perdu tout contrôle ; car c'était trop bon, trop serré, trop chaud, trop doux. Empoignant les cheveux de Severus, James lui renversa la tête en arrière, enroula sa main autour de son cou et le neutralisa en écrasant sa pomme d'Adam tandis que, par derrière, il le pourfendait de toutes ses forces. Pour finir, il poussa Severus en avant, lui enfonça le visage dans la banquette sans craindre de lui broyer la nuque et, indifférent à ses cris, le harponna à plusieurs reprises avant de se décharger en lui en bramant.

Quelques secondes plus tard, James revenait à la conscience. Son corps inerte recouvrait celui de Severus. Allongé à plat ventre sur la banquette, les yeux clos, ce dernier semblait se remettre de ses émotions. James décolla sa poitrine de son dos trempé de sueur et laissa sa main s'égarer dans ses cheveux emmêlés, déposant un baiser entre ses deux omoplates. Il voulut lui dire quelque chose, mais ne trouva pas les mots. Il ne pouvait pas lui resservir les niaiseries dont il usait habituellement après l'amour. Car ce qu'il ressentait pour Severus était bien plus fort, bien plus profond. Mais il avait peur. Peur d'être rejeté. Il se sentit soudainement nul. Alors, retombant sur Severus, il fit rouler sa tête à côté de la sienne, priant pour qu'il lui pardonne.

« James ? » entendit-il une voix l'appeler.

Severus avait relevé la tête et tordait à présent son cou vers lui. James évita son regard. Était-ce la honte de s'être comporté, sur la fin, d'une manière si bestiale ? Ou bien le dépit d'avoir à peine tenu trois minutes ? Ou encore l'émotion inédite qui l'avait traversé au moment de l'orgasme ? À moins que ce ne fût, tout simplement, un effet de la fatigue mêlée à la détente qui suivait l'amour ? Toujours est-il que ses épaules se relevèrent et qu'il éclata en sanglots.

Il sentit Severus se dégager, basculer en chien de fusil, l'inviter, d'une pression sur sa hanche, à se tourner vers lui puis le prendre dans ses bras. Alors que leurs poitrines entraient en contact, James sentit, avec un mélange d'effroi et d'humiliation, le sexe toujours dressé de Severus taquiner son ventre. Tout à sa jouissance, il n'avait même pas prêté attention à celle de son amant. Il voulut se racheter, mais alors que sa main était sur le point de s'emparer de la verge de Severus, ce dernier lui expliqua qu'il n'avait pas besoin de ses services. James crut que c'étaient ses larmes, ces ridicules larmes, qui rebutaient Severus, mais le sourire mi-moqueur, mi-aguicheur que lui adressa ce dernier le détrompa tout autant qu'il l'inquiéta. Au moins n'avait-il pas l'air fâché.

« Tu as l'air d'avoir aimé ça, badina Severus. À croire que tu en rêvais depuis toujours. »

Approchant sa main du visage de James, il lui essuya tendrement les joues.

« À mon tour », murmura-t-il alors.

James réprima un hoquet.

« Ton tour ?

– Tu oublies vite. Mais je vais te rafraîchir la mémoire, fais-moi confiance ».

Avec une force dont James ne l'aurait pas cru capable, Severus le retourna sur le ventre et l'enfourcha à hauteur des genoux. D'une main, il saisit son poignet pour lui faire une clef de bras ; de l'autre, il se mit à lui malaxer vigoureusement les fesses. Les larmes de James avaient cessé de couler comme par magie. Pétrifié par l'audace de Severus, et un peu excité aussi, même s'il avait du mal à se l'avouer, il se laissa dominer. Sans doute, se dit-il dans un effort pour être compréhensif, Severus était-il en train de se mettre en condition pour se masturber sur lui ?

James sentit les cheveux de Severus lui chatouiller le cou, sa bouche lui mordiller l'oreille.

« Je vais te montrer comment on fait jouir un garçon qu'on aime ».

James cessa de respirer. Qu'est-ce que Severus venait de dire ? Était-ce de lui, James Potter, qu'il parlait ? Mais pourquoi le faire jouir ? N'avait-il pas déjà assez joui ?

Alors que James se perdait en conjectures, il sursauta, car Severus, qui le maintenait toujours plaqué contre l'assise, venait d'aventurer un pouce humide dans la fente de ses fesses.

Comprenant soudain ses intentions, James faillit l'éconduire, le frapper même. Mais comment s'opposer au sort auquel lui-même venait de le vouer ? C'était prévisible, inéluctable. Severus n'était pas une fille. James devait faire un effort. Ce n'était qu'un mauvais moment à passer. Et peut-être, au fond, n'était-ce pas aussi horrible que cela en avait l'air ? Certains racontaient même qu'on pouvait y prendre plaisir.

Cependant Severus, peut-être pris d'un remord, avait retiré son pouce. James recommençait à respirer quand, derrière lui, il entendit un bruit caractéristique : celui d'un pot qu'on dévisse et revisse – Severus était parvenu à accomplir la manœuvre d'une seule main, l'autre tenant toujours James en respect. Une nouvelle angoisse s'empara de James : se pouvait-il que Severus ne cherchât, en inversant les rôles, qu'à lui faire payer la rudesse avec laquelle il l'avait lui-même traité tout à l'heure ? Pour autant, il ne chercha pas à se sauver. Il méritait ce qui était en train de lui arriver.

James sentit la bouche de Severus prendre possession de sa nuque, qu'elle mordit avec zèle, puis descendre tout le long de son dos, centimètre puis centimètre, jusqu'à atteindre le creux de ses reins. Severus consentit alors à rendre sa liberté au bras de James, qui s'était engourdi. Celui-ci le ramena péniblement sous sa tête. Severus poursuivit sa descente et se mit à dévorer les fesses de James.

Ne sachant pas quoi faire de ses mains, James attrapa le coussin le plus proche et y appuya son menton. Severus n'allait tout de même pas…, songeait-il avec une sueur froide. Jusqu'à ce que sa tête se vidât de toute pensée : une langue nerveuse comme un serpent, était venue s'insinuer au plus intime de lui-même, le faisant vibrer à chacun de ses contacts chauds, mouillés et râpeux. Pris d'un tournis, James serrait le coussin entre ses bras : il avait tellement honte, mais comment résister à la félicité que cette caresse indécente lui procurait ? Tandis que son érection revenait au galop, il écarta involontairement les cuisses, exposant son appareil génital à l'appétit de Severus, qui se mit à lécher.

« Par la barbe de Merlin ! » cria James d'une voix de gorge.

Ses amis avaient raison : ce garçon était perfide, tordu, maléfique.

« N'attends rien de ma pitié », marmotta une voix derrière lui.

James sentit Severus remonter le long de son dos. Posant soudain une main à côté de sa tête, Severus colla sa bouche à son oreille et se mit à lui parler, d'une manière à la fois suave et obscène, cependant qu'avec l'un de ses doigts – sans doute l'index –, il commençait à le pénétrer gentiment. C'était incontestable : Severus savait y faire, pensa James, la tête coincée dans son coussin. La sensation était perturbante, mais absolument pas douloureuse ; aussi s'efforça-t-il de ne pas opposer de résistance.

« Détends-toi encore », reprit Severus en faisant aller son doigt plus loin.

James eut un léger sursaut, ressentit comme une impression d'abrasion, mais celle-ci s'estompa bien vite. La voix de Severus était devenue presque chantonnante : elle berçait affectueusement James tandis que son doigt fouissait de plus en plus profondément en lui.

« Laisse-toi aller ».

Soudain, le doigt de Severus se recourba et James éprouva quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti, un bien-être venu de nulle part qui lui donna le sentiment de décoller. C'était donc ça, l'indicible plaisir dont on lui avait parlé. Bien malgré lui, il laissa échapper un râle sonore tout en frottant spasmodiquement son sexe contre l'assise de la banquette.

« Attends un peu pour venir ».

L'introduction des doigts suivants arracha à James quelques tortillements, mais c'était de l'inconfort plus de la douleur ; du reste, la perspective de la jouissance à venir, dont il venait d'avoir un trop bref aperçu, lui aurait fait supporter bien pire.

Les doigts se recourbèrent une nouvelle fois, lui arrachant un cri, puis se retirèrent. James se sentait vide. Derrière lui, le pot fut dévissé et revissé. Une main chaude se posa sur sa hanche droite. James bascula, se retrouva sur le dos, rouvrit les yeux. Severus poussait un coussin sous ses fesses pour lui enrouler les hanches. Puis il vint se placer entre ses cuisses, qu'il remonta en crapaudine, posant les mains à plat de chaque côté de lui, son visage face au sien. Avec un peu d'hésitation, James appuya ses chevilles sur les épaules de Severus ; la position dans laquelle il se trouvait lui semblait totalement inconvenante et même risible, mais il appréciait de pouvoir contempler le visage de Severus, qui semblait très ému.

Car avant James, Severus n'avait vu que deux fois se présenter l'occasion de prendre un garçon ; un Poufsouffle curieux, et peu gris, qui l'avait entrepris après une soirée aux Trois Balais, mais qui avait battu en retraite dès l'étape de la préparation à cause de la douleur ; et un Serdaigle qui, relevant sa robe, sous laquelle il était nu, lui avait aimablement offert son postérieur sur un banc du parc, une nuit de juin ; Severus s'en souvenait encore avec des papillons dans le ventre, même si le garçon, maniéré au possible, n'était absolument pas son genre.

« Si tu souffres trop, dis-le moi et j'arrêterai », chevrota Severus.

Puis il ajouta, avec un clin d'œil complice :

« Ne te sens pas obligé d'assurer, pour une fois. »

James ne répondit rien. Il s'appliquait à regarder Severus dans les yeux, pour ne pas trop penser à ce qu'il s'apprêtait à lui faire et à la terreur que cela lui inspirait.

Severus baissa alors les yeux, comme s'il cherchait quelque chose, puis son visage fatigué se rapprocha et James sentit quelque chose de bien plus volumineux que des doigts commencer à s'immiscer en lui. Il retint Severus avec son bras.

« Attends », hoqueta-il.

Severus s'arrêta net. Pour s'empêcher de crier, James mordit jusqu'au sang le dos de sa main : il souffrait comme si on l'écartelait de l'intérieur. Devait-il forcément être ainsi ? Ou était-ce juste parce qu'il était trop tendu ? Sans doute, se disait-il, subsistait-il en lui des blocages qui l'empêchaient d'apprécier l'expérience. La peur de ne pas être un homme ?

Severus lui caressait silencieusement le ventre, les flancs, les pectoraux. Puis il entrecroisa les doigts de sa main gauche avec les siens.

« Veux-tu qu'on arrête là ? lui proposa-t-il. Je ne t'en voudrais pas. Je me rends bien compte de ce que ça représente pour toi.

– C'est censé faire un mal de chien ? se borna à demander James.

– Plus ou moins, répondit Severus d'une voix éraillée tout en promenant l'index de sa main droite sur la joue de James. L'anatomie peut compter, mais il me semble que la mienne n'a rien d'exceptionnel. Ça dépend surtout de ton niveau d'excitation. Et de ton seuil de tolérance à la douleur, aussi.

– Tu es en train de me dire que je suis douillet », tenta de plaisanter James.

Severus ne répondit pas immédiatement ; tout en laissant sa main gauche dans celle de James, il s'était remis, de l'autre, à le masturber. Le Gryffondor sentit la machine repartir au quart de tour cependant que la douleur – était-ce une illusion ? – semblait refluer.

« En fait, c'est un équilibre subtil entre douleur et plaisir, expliquait Severus en accélérant le va-et-vient de sa main. Si tu consens à lâcher prise, le plaisir finira par l'emporter et tu oublieras que tu souffres.

– Alors poursuivons », marmonna James en serrant les mâchoires.

Il n'était pas certain d'avoir tout compris à ce que venait de lui raconter Severus, mais il avait l'irrépressible envie de lui faire plaisir. Et, plus encore, le secret espoir de partager un orgasme avec lui.

« Tu es sûr ? » insista Severus.

James opina du chef.

Alors, d'un trait, Severus le transperça. Tout courageux qu'il fût, James n'était pas parvenu à retenir un cri. Ses doigts serraient la main délicate de Severus à la briser. Difficilement, ses yeux se rouvrirent ; il dévisagea alors Severus d'un air hagard, à la recherche d'un soutien. L'air grave, ce dernier se remit, avec sa main, à le distraire de sa souffrance. James ne savait plus ce qu'il ressentait, où il en était, s'il voulait vraiment continuer.

Mais grâce au savoir-faire de Severus, il réussit finalement à s'abandonner au plaisir d'être plein. L'aiguillon du désir revint alors le poindre ; son sexe se redressa ; de lui-même, il commença à soulever et à abaisser son bassin. Il se retrouva très vite à agripper celui de Severus pour l'attirer au plus profond de lui, dans une impulsion si soudaine que celui-ci en perdit l'équilibre.

Enfin, pensait Severus avec une joie inexprimable, James capitulait, James se rendait, James se donnait à lui. Il en avait la chair de poule. Il lui semblait qu'il n'avait jamais été aussi amoureux de lui qu'en ce moment où il plongeait à corps perdu entre ses reins.

Un bruit de ressac, ponctués de râles d'effort et de gémissements, résonnait à présent dans la moiteur de la diligence. James donnait le rythme, se montrait exigeant, insatiable. Au-dessus de lui, Severus, le visage fermé, les abdominaux contractés, regardait ailleurs afin de rester concentré. D'abord, il fixa le nombril de James ; puis sa clavicule droite ; et enfin, parce que la vision d'un fragment de son corps suffisait à l'embraser, un point au-dessus de sa tête, noyé dans l'ombre.

« Oh, Severus…, agonisa soudain James, qui ne parvenait plus à garder les yeux ouverts. Se-ve-rus. »

Entendre la voix pantelante de James scander son prénom lui porta le coup de grâce : Severus ne retint plus ses coups, à l'audible satisfaction de James. Alors qu'il était sur le point de défaillir, il reprit en main le sexe de James, qu'il avait délaissé dans le feu de l'action, et l'acheva sans pitié tandis que, dans un ultime spasme, il s'abîmait en lui.

Il s'écroula, harassé, dans ses bras. Il crut s'entendre bredouiller quelque chose. Sans doute avait-il dit qu'il l'aimait. Toujours est-il que James le serra contre sa poitrine à lui faire craquer les os et se remit à pleurer. Alors Severus en fit de même, sans retenue. Ils étaient pathétiques, complètements pathétiques, comme peuvent l'être deux garçons de dix-sept ans qui ne connaissent pas grand-chose à l'amour.

Quatre heures du matin sonnèrent à la tour de l'horloge. James et Severus commençaient à avoir froid. Ils tirèrent la courtepointe sur leurs corps nus, échangèrent encore quelques baisers puis, sans plus penser à rien d'autre qu'au bonheur fugace d'être l'un contre l'autre, ils finirent par s'endormir.