Lorsque Severus reprit connaissance, il était couché dans un lit médicalisé aux draps amidonnés, une sonde dans le nez et une perfusion au bras. Combien de temps s'était-il écoulé depuis qu'il avait perdu conscience ? Et comment avait-il atterri à l'infirmerie ? À sa droite, Madame Pomfresh s'activait au-dessus de son chariot à potions, versant et mélangeant des poudres dans un verre. À sa gauche, James, le visage soucieux, l'observait en silence ; il portait encore sa cape de voyage. Madame Pomfresh lui retira précautionneusement sa sonde :

« Essayez de boire ceci ! » lui intima-t-elle.

Severus se redressa docilement dans le lit et approcha ses lèvres du verre que tenait Madame Pomfresh. Celle-ci l'aida à boire, comme un enfant. Severus ignorait quel remède elle venait de lui administrer, mais il se sentit instantanément mieux. Dans l'intervalle, James avait pris sa main dans la sienne et la serrait tendrement. Au fond de la salle, Sirius, qui lui tournait le dos, rejetait la fumée de sa cigarette par la fenêtre ouverte. Sans doute, pensa Severus, était-ce lui qui avait donné l'alerte. Mais qui avait convaincu James de revenir auprès de lui ?

Sirius jeta précipitamment son mégot par terre lorsque la frêle silhouette du professeur McGonagall apparut dans l'encadrement de la porte.

« Comment va notre malade ? demanda cette dernière en s'adressant à Madame Pomfresh.

– Son état physique n'inspire plus d'inquiétude, répondit cette dernière, faisant fi du fait que son patient gisait juste à côté d'elle. Rassurez-vous, j'ai la situation bien en main.

– Et pour le reste ? s'enquit laconiquement McGonagall en daignant couler un regard vers Severus.

– Le psychomage de Sainte-Mangouste doit arriver d'un instant à l'autre. Hagrid est allé l'attendre au portail.

– Très bien », approuva McGonagall en s'éclipsant.

Severus tourna la tête vers James en une interrogation muette. Mais ce fut Madame Pomfresh qui prit la parole :

« Nous avons des raisons de penser que vous avez besoin d'un suivi psychiatrique, dit-elle avec une sollicitude qui ne lui était pas coutumière. Et il se trouve que Mr O'Brien, qui s'est formé auprès de praticiens moldus, est très compétent dans le traitement des dépressions nerveuses, anorexies mentales et autres pathologies associées. Bien sûr, il faudra que vous acceptiez de lui parler… »

Severus avait ouvert de grands yeux : mais de quoi lui parlait-on ? Quels étaient ces horribles termes médicaux dont on osait affubler sa douleur ? Las ! James, qui tenait toujours sa main dans la sienne, sembla acquiescer d'un battement de paupières.

« … et aussi que vous admettiez le fait que vous êtes malade », ajouta Madame Pomfresh d'une voix empreinte de lassitude.

Des pas retentirent alors dans le couloir ; la porte s'ouvrit à la volée ; Hagrid précéda un homme d'une quarantaine d'années, au cheveux gris et au visage sévère, qui portait une lourde mallette à la main. D'un geste, ce dernier invita tout le monde à sortir de la pièce. Puis il alla s'asseoir auprès de Severus, sortit un bloc-notes de sa mallette, expliqua son office d'un ton distancié et employa pour finir le mot d'« adhésion aux soins » en appuyant sur chaque syllabe. Mais Severus n'écoutait pas : il ne voyait pas de quoi il devait guérir, sinon de lui-même. Il ressentait la présence de cet homme qui prétendait le soigner comme une intrusion dans son intimité, où il n'avait jamais laissé entrer personne. Aussi ne répondit-il à aucune des questions qu'il lui posa.

Au bout d'une heure d'un entretien à sens unique, le psychomage, de guerre lasse, se leva et appela Madame Pomfresh, qui attendait derrière la porte. Depuis son lit, Severus les entendit prononcer les expressions « patient réfractaire » et « impasse thérapeutique ». Alors, rassuré, il s'endormit.

JPSRJPSRJPSR

Les vacances avaient pris fin. Tous les élèves étaient, à présent, revenus à Poudlard.

Severus n'avait guère grossi, mais, sous la pression de James, qui venait lui rendre visite plusieurs fois par jour, il avait accepté de recommencer à s'alimenter. Quant à son sommeil, il était presque revenu à la normale – ses livres lui étaient, de toute façon, confisqués pour la nuit. Au bout de dix jours, Severus avait ainsi été autorisé à retourner en classe. Il devait néanmoins se présenter quotidiennement à l'infirmerie pour suivre le traitement que le Dr O'Brien, depuis son bureau de Sainte-Mangouste, lui avait prescrit.

Malgré le déni dont faisait preuve son patient, le Docteur était confiant ; il avait expliqué à Madame Pomfresh, sans prêter attention à la présence de Severus, qu'il existait des protocoles éprouvés pour traiter les « troubles du comportement alimentaire » – dont la survenue, chez un « inverti », n'avait rien que de très banal, à en croire les nombreuses études qu'il avait compulsées sur le sujet. Il avait fallu le silence embarrassé de Madame Pomfresh pour que Severus comprenne que le Dr O'Brien faisait référence à son homosexualité, qu'il considérait, de toute évidence, comme une tare de plus.

Madame Pomfresh suivit à la lettre les instructions du Docteur. Chaque matin, dimanche compris, Severus était soumis, nu comme un ver, au verdict de la pesée. Toute nouvelle perte de poids, même infime, serait sanctionnée d'un internement à Sainte-Mangouste, menaçait Madame Pomfresh. Et les parents de Severus, qu'on avait pour l'instant laissés, selon son vœu, dans l'ignorance de son état, devraient être mis au courant. Outre le poids de Severus, Madame Pomfresh consignait sa tension et son pouls sur un registre qui était ensuite acheminé par hibou express au Dr O'Brien.

Trois fois par jour, sous le regard vigilant de Madame Pomfresh, Severus ingurgitait d'écœurantes potions censées combler les carences dues à sa sous-alimentation chronique. Il était également contraint d'avaler une dizaine de pilules dont le Dr O'Brien avait assuré, sans autre précision, qu'elles lui feraient du bien. Celles-ci le plongeaient, en réalité, dans un tel état d'abrutissement qu'il décida bien vite de les coincer dans ses joues en attendant de pouvoir les recracher à l'abri des regards.

Après les repas, Madame Pomfresh le gardait une heure sous sa surveillance – Severus avait deviné que le Dr O'Brien le soupçonnait de se faire vomir. L'infirmière essayait alors de lui arracher des confidences, usant tour à tour du chantage, de l'intimidation ou de l'apitoiement. Severus, buté, ne lui cédait rien. Il avait fini par se convaincre que le Dr O'Brien cherchait moins à le guérir de ce dont il souffrait qu'à le punir de ce qu'il était. Tant qu'à être traité comme un réprouvé, se disait Severus, ne pourrait-il pas faire en sorte de le mériter ?

En attendant l'heure de pouvoir retrouver sa chambrée, il se pelotonnait près de la cheminée de l'infirmerie pour dévorer l'Anthologie des sorciers célèbres, dont il regrettait qu'elle ne réservât qu'une place infime aux Mages noirs, qualifiés de « détraqués ». S'il arrivait que l'auteur soulignât leur puissance, ce n'était que pour mettre en valeur l'héroïsme des Aurors qui avaient réussi à les anéantir. Surtout, aucune explication n'était donnée sur ce qui les avait conduits à basculer du côté de l'ombre. Quel diagnostic le Dr O'Brien aurait-il porté sur eux ? s'interrogeait Severus. Peut-être avaient-ils seulement voulu, comme lui, prendre leur revanche ?

De temps à autre, après les cours, le professeur McGonagall venait prendre des nouvelles de Severus. Elle s'asseyait à côté de lui comme l'eût fait une mère, lui posait des questions. Mais, elle aussi, échouait à percer ses défenses. La vérité était que Severus chérissait ses secrets comme un refuge.

« C'est le monstre qui vous ronge que vous devez combattre, pas nous ! lui avait lancé un jour McGonagall. Faites-nous confiance ! Dites-nous ce qui vous tracasse !

– Arrêtez seulement de me maltraiter ! », avait répliqué Severus.

Il ne se montrait pas plus loquace avec James. Et James, lui, ne savait pas par quel bout aborder le sujet ; il se sentait coupable de l'avoir abandonné, sans état d'âme, le temps des vacances.

Au cours d'une promenade vespérale avec Severus, à laquelle Madame Pomfresh avait consenti à condition qu'ils rentrassent à une heure décente, James osa, enfin, effleurer le sujet. Il avait craint de se faire agonir de reproches, mais ce fut pire : il se heurta à un mur. Severus, les joues creuses, les yeux horriblement cernés, lui soutint qu'il allait bien, parfaitement bien, qu'il ne comprenait pas le souci qu'on disait se faire pour lui, ajoutant que le Dr O'Brien était un tortionnaire et Madame Pomfresh, son âme damnée. James sentit ses nerfs le lâcher :

« As-tu une idée de l'état dans lequel tu te trouvais lorsque je suis revenu à Poudlard ? lui cria-t-il. Tu étais cadavérique ! Tu as même réussi à rendre Sirius inquiet ! Sirius !

– J'avais juste un peu de mal à dormir, minimisa Severus. Et je n'avais pas tellement envie de descendre au réfectoire pour voir ton copain se bâfrer comme un porc… »

James leva les yeux au ciel, consterné : Severus ne changerait jamais.

« …copain dont le moral, soit dit en passant, ne semblait pas plus vaillant que le mien, souligna Severus. Et pourtant, lui, personne ne se mêle de vouloir le soigner.

– Il faut le comprendre, maugréa James, sans relever la seconde phrase. Son frère a pris la Marque avec la bénédiction de ses parents. À sa place, je serais...

– Quelle Marque ? le coupa Severus en remontant son écharpe sur son nez.

– La Marque des Ténèbres, explicita James face au regard interrogateur de Severus. Le signe d'allégeance à ce taré de Voldemort, si tu préfères. Une sorte de tatouage que les Mangemorts ont sur l'avant-bras. Ça ronge Sirius, tu n'imagines pas ; il m'en a parlé de lui-même, lui à qui, d'habitude, je ne tire pas les vers du nez. »

La main de James cherchait celle, gantée, de Severus.

« Tu ne veux toujours pas me dire ce qu'il y a, Sev' ? Tu aurais voulu que je reste à Poudlard avec toi ? Mais j'étais persuadé que tu rentrais dans ta famille ! D'ailleurs, quand j'ai su que tu passais Noël ici, j'ai failli te proposer de m'accompagner.

– Qu'est-ce qui t'a retenu de le faire ? répliqua Severus d'une voix réfrigérante.

– Des raisons stupides, éluda James. Laisse tomber.

– Dis toujours, grogna Severus en repoussant sa main.

– Cela tournait essentiellement autour du fait que je m'y prenais trop tard. Je regrette. Je croyais…

– … que j'étais comme toi, murmura sourdement Severus. Que j'avais la chance qu'on m'aime. »

Sur ces mots, Severus se figea au milieu de l'allée. James l'imita. Il y avait manifestement un abcès à crever, là, tout de suite, avant qu'il n'achevât de les dresser l'un contre l'autre. Mais oserait-il… ?

« Sirius a cru comprendre que… avec ton père, tu…, tâtonna James.

– Ne me parle pas de ce sale Moldu ! hurla Severus. Jamais ! »

James le fixa d'un air stupéfait ; Severus avait une expression qu'il ne se souvenait pas lui avoir vue depuis qu'ils se fréquentaient ; et la haine qui sourdait dans sa voix, devenue sifflante, était presque effrayante :

« Tu prononces ce mot comme… comme si c'était une insulte ! lui fit remarquer James.

– Quel mot ? se braqua Severus.

– Moldu. »

Il passa entre eux un silence lourd de sous-entendus. Puis Severus cracha :

« Et « sang-mêlé », ce n'est pas une insulte, peut-être ? »

Severus lut dans les yeux de James qu'il saisissait parfaitement à quoi il faisait allusion ; Sirius, évidemment, lui avait rapporté leur conversation dans les moindres détails.

« Nous ne mangeons pas de ce pain-là, répliqua James en le prenant par l'épaule. Tu peux croire Sirius, malgré l'animosité qu'il a envers toi : pour lui, le sang ne compte pas. C'est juste un mot malheureux qui lui a échappé. À force de tremper dans ces histoires, d'entendre sa famille parler comme ça, ça a déteint sur lui, forcément. Mais l'été dernier il a rompu avec ses parents et il a essayé de soustraire son frère à l'emprise de Voldemort.

– Donc, tu me présenterais sans problème à tes parents, moi qui ne viens pas de votre milieu ? le provoqua Severus.

– Mes parents n'ont rien à voir avec ceux de Sirius ! riposta James. Ils n'adhèrent absolument pas aux thèses de ce cinglé ! Et puis… j'ai déjà prononcé ton nom devant eux, figure-toi. Il a bien fallu que je leur explique pourquoi je les plantais là alors que nous devions passer le Nouvel an ensemble…

– En parlant de moi, j'imagine, comme d'un bon ami à l'article de la mort, répliqua Severus avec aigreur. Regarde-moi dans les yeux, James : aurais-tu le cran de leur annoncer que tu es en couple avec moi ? »

James eut une longue hésitation qui crucifia Severus :

« Ce n'était pas toi qui tenais à rester discret ? tenta d'esquiver le Gryffondor.

– Et toi qui disais ne pas vouloir te cacher ! mugit le Serpentard.

– Je ne sais pas, finit par avouer James, penaud. Mais… cela n'a rien à voir avec le fait que tu viennes d'ici ou de là. C'est juste que… mes parents sont… comment dire… un tantinet conservateurs… ils m'imaginent fonder une famille… classique… »

James se remémora l'espoir qui couvait dans les yeux de sa mère lorsqu'elle lui avait demandé, au moment de partager la dinde, s'il fréquentait toujours la fille du voisin, cette petite brune qui était si mignonne avec ses nattes. James, dont les pensées étaient accaparées par le silence de Severus, n'avait su quoi répondre – se souvenait-il seulement de l'existence de cette fille? Et sa mère, qui s'était toujours exagéré sa perspicacité, avait eu un petit sourire entendu. On eût dit qu'elle s'imaginait déjà en train de bercer ses petits-enfants.

« Bref, j'ai peur de les décevoir...

– De toutes les façons, tu as honte de moi, soupira Severus, qui s'était tassé sous sa cape.

– C'est de moi dont j'ai honte, le corrigea James en chassant cet embarrassant souvenir de sa mémoire. Je sais que c'est risible, vu que tout le monde, à Poudlard, est au courant. Seulement, vis-à-vis de ma famille…. gifle-moi si tu veux, mais laisse-moi un tout petit peu de temps… s'il te plaît, Sev'. »

Y avait-il au monde, en cet instant, voix plus charmante que celle de James ? Severus, qui frissonnait, se souvint brusquement pourquoi il l'aimait. Alors qu'il réchauffait son visage glacé dans son écharpe, James enroula un bras autour de sa taille fluette et l'attira doucement contre sa poitrine. Comment résister ? Fatigué, grelottant et surtout à court d'arguments, Severus desserra les dents et se laissa embrasser. Pire encore, lorsque leurs lèvres se désunirent, il suspendit ses bras autour du cou de James et lui rendit son baiser comme s'il devait ne plus jamais avoir l'occasion de lui en donner un autre. Le contact de sa peau, sa chaleur, son odeur – il ne s'en rendait compte que maintenant – lui avaient tellement manqué !

À cette heure, ils auraient déjà dû être rentrés, Severus le savait. Madame Pomfresh veillait près de la porte. Mais les mains de James s'étaient glissées sous sa cape ; le fourbe jouait à l'exciter, caressant son ventre, agrippant ses fesses. Severus sentit ses jambes flageoler, son sexe se raidir. Voilà, il venait de se faire avoir. Lamentablement. Son corps, comme toujours, finissait par se rappeler à lui. Il était incapable de la moindre résolution. Il se haïssait.

« Je ne te dégoûte pas dans l'état où je suis ? chuchota-t-il à James alors qu'il sentait la main de ce dernier se faufiler subrepticement dans son pantalon.

– Ne sois pas idiot, grommela ce dernier en collant son front au sien. Je te préfère plus enrobé, c'est certain, mais il y a bien assez de chair en toi pour que je te fasse l'amour.

– Et si moi, je ne voulais pas ? crâna Severus, mais, rien qu'à penser à ce que James s'apprêtait à lui faire, il avait déjà du mal à parler.

– Menteur ! Ma main, à laquelle tu ne peux rien cacher, me dit que ça t'a manqué.

– Pas autant qu'à toi, si j'en crois la manière dont tu me sautes dessus !

– Ce que tu peux être de mauvaise foi, répondit James, qui en avait profité pour accrocher son autre main dans le bas de ses reins. Enfin, cela fait partie de ton charme... »

Sans plus de cérémonie, il se mit à caresser le sexe de Severus, qui sentit ses joues cramoisir. Depuis leur première étreinte, James avait bien progressé dans la connaissance de ses goûts sexuels ; à présent, il savait très précisément comment le faire hurler de plaisir et il n'y manquait pas.

« Tu devais t'appuyer contre moi, Sev', ou tu vas tomber, le taquina James en le voyant se tortiller dans une tentative désespérée de retenir ses gémissements. Cela te plaît ce que je te fais ? En tout cas, j'ai l'impression que tu n'as plus froid. Voudrais-tu que j'aille plus vite, comme ça ? »

Severus était au supplice : alors que James lui parlait d'une voix terriblement sensuelle, sa main le masturbait à un rythme frénétique. Et sa langue, qui lui paraissait bouillante en comparaison du froid environnant, titillait le lobe de son oreille. Merlin, pourquoi fallait-il que le sexe avec James fût aussi bon ? Severus aurait voulu que cet instant ne s'arrêtât jamais ! Lorsque la main de James abandonna le creux de ses reins pour se glisser entre ses fesses, il ressentit un désir foudroyant ; il se raccrocha à l'épaule de son amant en hoquetant.

« Sombre connard ! gémit-il tandis que l'index de James le pénétrait délicatement. Je ne vais pas tenir longtemps si tu continues à me chauffer comme ça !

– Mais qui te parle de tenir ? susurra James, qui savait que, chez son amant, les insultes étaient un signe annonciateur de jouissance. Je ne vais pas te prendre, tu sais. Je vais juste te sucer et tu vas gentiment venir en moi. Tu pourras même me tirer les cheveux, comme tu aimes. »

À ces mots, il poussa Severus contre le tronc d'arbre le plus proche. Puis il se laissa tomber à genoux dans la neige, passa la tête entre les pans de la cape de Severus et, tirant d'autorité son pantalon vers le bas, prit son sexe dans sa bouche. Il n'en fallut pas davantage pour faire défaillir Severus. James ne détourna pas le visage tandis que ce dernier se répandait dans sa gorge en poussant des râles d'agonie, comme s'il se libérait de toutes les frustrations qu'il avait accumulées ces dernières semaines.

« James… », expira Severus comme un remerciement.

Ses jambes le lâchèrent. Il crut qu'il allait s'évanouir quand il sentit les bras de James, qui s'était précipitamment relevé, le rattraper.

« Pardonne-moi…, murmura ce dernier en le serrant étroitement contre lui. Je ne voulais pas te faire souffrir, je te le jure. Je t'aime. »

La vue de Severus se voila. Il se sentait fragile, tout à coup, faible à en mourir, même, contre ce corps vigoureux. Et, paradoxalement, tellement vivant.

JPSRJPSRJPSR

Le professeur Sinistra avait retenu Severus après le cours d'astronomie. Elle s'était laconiquement enquis de sa santé, du ton poli mais distant qu'elle affectait en toutes circonstances, avant de replonger dans les notes qui s'éparpillaient sur son bureau. Severus, interdit, avait sagement attendu qu'elle lui donnât congé. C'était alors que son professeur avait fait le tour du célescope pour venir glisser dans ses mains une liasse de documents.

« Le support de mon cours sur les lunes de Jupiter, expliqua-t-elle. Vous me le rendrez lorsque vous aurez terminé de recopier. Rien ne presse. »

Serrant les papiers contre sa poitrine, Severus l'avait remerciée avec chaleur. L'attention, à vrai dire, le touchait. De tous ses professeurs, Madame Sinistra était la seule qui manifestait le désir de l'aider. Ses collègues, eux, semblaient, curieusement, indisposés par son zèle à rattraper le retard qu'il avait pris dans son travail en raison de son séjour à l'infirmerie : McGonagall l'avait sèchement éconduit lorsqu'il l'avait interrogée sur le programme de la semaine écoulée ; Lloyd, son professeur de défense contre les forces du mal, lui avait rétorqué d'un ton pédant qu'il ne professait que de vive voix ; même Slughorn, son directeur de maison, s'était borné à répondre, sans un regard pour sa pitoyable personne, qu'il n'avait qu'à se procurer les notes d'un camarade.

« Je sais à quel point vous êtes studieux, Severus, avait ajouté le professeur Sinistra en se rasseyant – il se rendit compte avec stupeur qu'elle s'était mise à l'appeler par son prénom, sans doute détendue par le fait qu'ils étaient seuls. Peut-être même… trop studieux, à y bien réfléchir. Tout du moins, c'est ce que pensent certains de mes confrères. Votre directeur également, bien qu'il se montre plus mesuré dans son jugement. Il est vrai – ne niez pas – qu'on perçoit chez vous l'envie d'aller au-delà des frontières du savoir. En cela, vous me rappelez parfois… »

Le professeur Sinistra n'acheva pas sa phrase ; son regard s'était perdu dans le vide. Severus savait à qui elle faisait allusion. Et, inexplicablement, parce qu'il n'aurait pas dû, il se sentit flatté.

« Comment pourrait-on être trop studieux ? rétorqua-t-il dans l'espoir d'amener le professeur Sinistra à préciser sa pensée. Ne s'agit-il pas d'une qualité ?

– Il y a des curiosités nécessairement malsaines, se reprit le professeur Sinistra en le fixant d'un air où il perçut une fascination trouble. Vous devriez profiter davantage de votre jeunesse. Mais je sais que vous êtes un brave garçon. »

Le pensait-elle ? voulait-elle s'en convaincre ? ou bien croyait-elle, en témoignant sa confiance à Severus, pouvoir encore le ramener dans le droit chemin ? Cahier sous le bras, Severus dévalait rêveusement l'escalier en hélice de la tour d'astronomie, se laissant tomber d'une marche sur l'autre. Pour autant qu'il pût en juger, Madame Sinistra avait un âge proche de celui qu'avait sa mère. Peut-être les deux femmes s'étaient-elles connues du temps de leur scolarité à Poudlard ? Son professeur avait-elle été frappée par la ressemblance de Severus avec sa mère au même âge, qui se jouait de leur genre respectif ?

JPSRJPSRJPSR

Après un dernier regard à la cabane de Hagrid, Severus, emmitouflé jusqu'aux yeux dans sa cape, s'enfonça dans la Forêt interdite. Ce n'était pas la première fois qu'il s'y aventurait en quête d'ingrédients pour ses « expériences », mais jamais aussi loin et, surtout, jamais aussi tard ; il était près de deux heures du matin. Severus progressait au travers des buissons épineux à la seule lueur de sa baguette, la mouchant dès qu'un bruit suspect – grognement, bris de branche, battement d'ailes – se faisait entendre. Dans ce lieu isolé et hostile, une mauvaise rencontre était si vite arrivée…

Après un quart d'heure de marche, Severus parvint à une mare gelée aux eaux phosphorescentes à proximité de laquelle se balançait mollement ce qu'il était venu chercher : l'Ataraxine, une plante d'ombre réputée pour ses propriétés psychotropes et qui, à la manière d'un perce-neige, fleurissait en hiver. Sa forme, étirée et retombante tel le cou d'un cygne malade, était trop caractéristique pour pouvoir la confondre avec une autre.

Severus s'accroupit et faucha trois brins avec la serpette rouillée qu'il avait trouvée dans l'appentis de Hagrid, veillant à trancher au ras du sol pour que son larcin ne fût pas découvert par le garde-chasse au cours de ses rondes de routine. Avec maladresse, il tassa les brins dans une fiole en verre teinté qu'il fourra dans la poche intérieure de sa cape. Puis, aussi vite que le lui permettaient ses bottes gorgées de neige fondue, il s'en retourna au château avec son butin.

Severus préférait ne pas imaginer la sanction qui l'attendrait s'il se faisait prendre avec cette substance, qui figurait sur la liste noire du Ministère. Mais c'était plus fort que lui ! La nuit dernière, il avait lu dans un grimoire dérobé dans la cave de la bibliothèque – là où Madame Pince cachait les ouvrages interdits – que cette plante, lorsqu'elle était inhalée, altérait en profondeur la mémoire, ôtant aux souvenirs qu'elle recélait leur dimension émotionnelle et éradiquant du cœur toute joie comme toute peine. Severus frémissait d'excitation à l'idée des applications qui pourraient être faites de cette plante. Mais sur quel être humain les tester ?

Il se faufila par la poterne, dont il avait contrefait la clef, et dévala jusqu'aux cachots. Il pénétra dans la classe de potions, déposa la fiole sur une étagère de l'armoire, derrière une pile de manuels usagés qui la dissimulait, puis, sur la pointe des pieds, remonta par l'escalier principal ; passa, le cœur battant, devant la loge de Rusard, qui exhalait un remugle fétide ; traversa le hall d'entrée comme une ombre. Enfin, se guidant avec ses mains, il s'engagea dans le couloir menant à l'escalier qui desservait les dortoirs de Serpentard.

Lorsque Severus approcha de sa chambre, un rai de lumière palpitait sous la porte et il entendait distinctement des bruits de voix. Il ouvrit : ses trois camarades de chambrée étaient assis sur leurs lits respectifs, parfaitement éveillés. L'attendaient-ils ? se demanda-t-il tandis qu'il pénétrait précautionneusement dans la chambre. Une odeur de soufre flottait dans l'air. Le regard de Mulciber tomba sur les bottes crottées de Severus, que celui-ci retirait avec difficulté.

« Tu ne t'es pas fait choper par Rusard ? lui demanda innocemment son camarade en repliant un parchemin dont il venait de faire la lecture aux deux autres à en croire leurs postures.

– Heureusement non », maugréa Severus en poussant ses bottes contre le mur.

Il accrocha sa cape humide à la patère :

« Que faisiez-vous ?

– C'est plutôt à toi qu'on aurait envie de poser la question ! se gaussa Avery. Tu crois qu'on ne t'a pas vu lancer un sortilège d'Assurdiato pour filer en douce ?

– T'es encore allé baiser avec l'autre, je parie ? » lui lança Rosier d'un ton agressif en le fixant de ses yeux bouffis.

Severus ne jugea pas utile de répondre.

« J'imagine que tu reviens de la Forêt interdite, suggéra Mulciber en pointant du doigt l'épaisse boue noirâtre collée à ses bottes.

– On ne peut rien te cacher », répondit Severus.

Il rangea discrètement sa serpette dans le tiroir de sa table de chevet.

« Qu'est-ce que tu es allé y foutre à cette heure ? grogna Rosier, qui ne semblait pas d'humeur à le lâcher. C'est encore plus dangereux qu'en plein jour. Un délire avec Potter ?

– J'avais envie de prendre l'air, prétendit Severus en commençant à se déshabiller derrière l'un des montants de son lit. Au demeurant, Rosier, j'ignorais que j'avais des comptes à te rendre. Pendant ce temps-là, laisse-moi deviner, tu jouais à la bataille navale ?

– On discutait, répliqua Avery, qui ne paraissait pas avoir saisi l'ironie de la question de Severus.

– Nous parlions de Black, intervint Mulciber avec un sourire indéfinissable. Regulus Black. Tu le remets ? Un garçon de notre maison, un peu plus jeune que nous. Très sympathique. Rien à voir avec son grand frère. Il vient d'envoyer un hibou. »

Les yeux de Severus tombèrent sur la lettre que Mulciber tenait à la main. Il se figea. Un froid terrible s'était répandu dans ses veines. Comment Mulciber pouvait-il assumer avec une telle légèreté de correspondre avec un garçon dont tout le monde, à Poudlard, savait qu'il s'était enrôlé chez les Mangemorts – il n'était pas réapparu après les vacances d'hiver ?

Il n'y avait qu'une explication à ce mystère : Mulciber, à qui Severus ne connaissait ni famille ni ami ni fiancée, n'était pas le bon camarade qu'il paraissait être. Il servait de rabatteur à Voldemort. Ses manières avenantes, son éloquence, sa beauté presque surnaturelle – dont Severus se souvenait qu'elle avait éveillé en lui l'amour des garçons – étaient autant d'armes dont il usait pour vaincre les résistances, séduire les indécis. Severus comprenait enfin la raison de l'emprise de Mulciber sur les élèves de Serpentard.

« Black nous raconte comment cela se passe pour lui depuis qu'il… a quitté Poudlard, reprit Mulciber dont les yeux ne quittaient pas le visage pâli de Severus. Ça t'intéresse ? Tu veux lire ? »

Il lui tendait aimablement la lettre, comme il lui aurait passé le journal. Malgré la tentation qu'il en avait, Severus ne la prit pas. Il prétexta être harassé et se glissa entre les draps seulement vêtu de son caleçon. Les autres l'imitèrent. Chacun tira les rideaux de son lit et Mulciber éteignit la lumière.

JPSRJPSRJPSR

À Poudlard, les maisons ne se mélangeaient pas entre elles à table ; mais aux Trois Balais, tout était permis. Severus pouvait partager la même banquette que James, et le second enlacer amoureusement le premier, sans que cela ne choquât personne – hormis Sirius qui, affalé en face d'eux, les fusillait du regard pour leur signifier qu'ils violaient un pacte de non-agression. Il est vrai que d'habitude, lorsqu'ils se trouvaient en la présence de Sirius, les deux amants faisaient un effort pour se tenir. Mais ce soir, l'hydromel aidant – c'était la première fois que Severus y goûtait et James avait déjà trop bu –, ils se comportaient à peu près comme s'ils étaient seuls au monde.

Outre un pichet d'hydromel, James avait commandé une assiette de frites pour Severus, qu'il s'était mis en tête de remplumer. Il lui donnait la becquée en l'embrassant goulûment après chaque bouchée, ce qui faisait glousser le Serpentard, dont la tête ne tenait plus droit.

« Ce que tu peux être mignon comme ça, Sev', bégaya James, qui n'avait jamais vu son amant avoir si bonne mine. Allez, encore une ! Ouvre la bouche ! »

Sirius avait levé les yeux au ciel au mot « mignon ». Son regard retomba sur sa blonde voisine, qui passait pour sa conquête du moment, et il se concentra sur son décolleté.

« Sans déconner, les gars, vous êtes bourrés comme des coings ! », leur fit remarquer Peter, hilare.

Même Remus, qui venait de rompre avec Wilkinson, se mit à rire en voyant James et Severus s'épauler l'un l'autre, à deux doigts de s'effondrer sur la table, tête la première :

« Comptez pas sur moi pour vous ramener ! plaisanta-t-il. Je n'ai pas la moindre envie de devoir vous porter sur mon dos ! »

La tête de Severus avait roulé sur l'épaule de James. Ses yeux se fermèrent tout seuls. Il avait envie de dormir. Il avait tellement accumulé de fatigue ces derniers jours. Mais pourquoi s'était-il laissé convaincre par James de tremper ses lèvres dans cette boisson scélérate, dont la saveur doucereuse masquait le feu de l'alcool ? Sans doute pour oublier la proximité de l'abîme vers lequel il se sentait inéluctablement attiré.

Un haut-le-corps prit Severus par surprise ; dans un violent hoquet, il vomit, la tête entre les genoux. Sirius s'était reculé avec une moue dégoûtée, parant les éclaboussures avec sa main. Les autres élèves regardaient la scène d'un air navré. James, lui, était trop ivre pour réagir. Déjà le tenancier accourait avec sa serpillière.

« Ça suffit ! » cria une voix claire et bien timbrée.

Mulciber avait surgi au-dessus de Severus, encore étourdi. Il l'empoigna par les aisselles, le força à se mettre debout et voulut l'entraîner vers la sortie. Severus, qui tenait à peine sur ses jambes, vacilla, s'agrippa à son camarade et, à grand' peine, se mit en branle. Alors qu'ils s'éloignaient sous le regard hagard de James, Sirius se leva d'un bond et, en trois foulées, rattrapa Mulciber, qui était sur le point d'atteindre la porte.

« Fiche-lui la paix ! ordonna-t-il en le retenant par le bras. On va se charger nous-mêmes de le ramener à Poudlard !

– J'ignorais que tu étais Préfet-en-chef de Serpentard, répliqua Mulciber d'une voix égale. Severus est sous ma responsabilité. Alors retire tes sales pattes de mon bras ou je serai obligé de faire un rapport.

– Tu crois que je ne vois pas clair dans ton jeu ? lui lança Sirius. Tu te donnes des airs de Bon Samaritain, mais en réalité… Je sais très bien que c'est à cause de toi que Regulus… »

Sirius ne termina pas sa phrase ; il semblait guetter sur le visage de Mulciber la confirmation d'insinuations qu'il n'avait pas le courage d'expliciter. Mais le Serpentard lui opposa des traits lisses comme le marbre. Avant qu'un sourire charmeur ne vienne étirer ses lèvres :

« Ne serais-tu pas jaloux par le plus grand des hasards, Black ? » murmura-t-il.

À ces mots, l'aplomb vacillant de Sirius finit de se désagréger. Mulciber en profita pour se dégager de son étreinte et disparaître avec Severus, à moitié assoupi sur son épaule.

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Après le cours de Métamorphoses, pendant lequel il avait bien eu du mal à rester éveillé, Severus avait tardé à rejoindre le réfectoire. Il était allé faire une brève sieste dans les sanitaires, assis sur les toilettes, la tête en appui contre le carrelage. Lorsqu'il en sortit, l'escalier aurait dû être vide ; il entendait pourtant un brouhaha monter jusqu'à lui, comme si quelques élèves y traînaient. Soudain, un cri perçant retentit, aussitôt suivi de clameurs et d'un bruit de bousculade. Croyant avoir reconnu la voix de Lily, Severus se précipita dans l'escalier.

Lorsqu'il atteignit l'étage inférieur, il faillit trébucher sur le corps inanimé de Mary. La jeune femme était étendue de tout son long sur le dos, sa robe déployée autour d'elle comme si elle avait lourdement chuté. Ses membres étaient d'une raideur cadavérique et une mousse verdâtre, nauséabonde, crépitait à la commissure de ses lèvres. Severus, qui connaissait tous les sorts, comprit immédiatement ce dont il s'agissait : un maléfice impressionnant, mais aux effets réversibles, qui plongeait la victime dans une espèce de catalepsie transitoire. Rien de grave ; Mary reprendrait bientôt ses esprits.

Le regard de Severus rencontra la silhouette gracile de Lily ; celle-ci s'était laissée tomber à genoux aux côtés de son amie, dont elle tenait la main. Un peu plus loin, Avery et Rosier se poussaient du coude en ricanant comme des hyènes ; le spectacle d'une Mary inerte veillée par une Lily impuissante et choquée semblait grandement les amuser. Mulciber se tenait en retrait, le dos appuyé contre la muraille, observant la scène d'un air détaché ; il aurait pu tout aussi bien lire le journal.

« Je sais que c'est vous ! les invectiva Lily entre ses larmes. Mais pourquoi ? Mary ne vous a rien fait !

– Tu ne comprends rien, ma pauvre, éructa Rosier avec un rictus de mépris. La seule existence de cette fille est une provocation. On ne veut plus de gens comme elle à Poudlard. Ceci devrait la convaincre de la nécessité pour elle de partir d'ici. Et ne t'avise pas de cafter, la chouchoute ; tu n'as aucune preuve contre nous ! Nous as-tu entendus prononcer une seule formule ou vus agiter la moindre baguette ? »

Severus savait qu'un contact visuel suffisait. Ce maléfice était à la portée d'un élève de quatrième année. Mais il se garda bien de se manifester.

Avery se pencha sur Mary, toujours inconsciente. Severus crut qu'il était pris d'un remords et qu'il essayait de lui porter secours, mais son camarade fit mine de cracher sur elle et repoussa son corps avec le pied pour dégager le passage. Indignée, Lily se releva d'un bond et brandissant sa baguette, elle la ficha, brûlante, dans la gorge d'Avery, qui hoqueta sous la douleur. Derrière lui, Rosier s'agita comme un forcené, mais ce fut Mulciber qui dégaina sa baguette le premier. Il désarma Lily d'un geste nonchalant, la plaquant violemment contre le mur :

« Défends encore ta copine et tu seras la prochaine », lui lança-t-il d'une voix douceâtre où rampait une menace.

Collée au mur, Lily le fixait avec des yeux exorbités ; sans doute ne s'était-elle pas attendue à ce que Mulciber l'attaquât avec un tel sang-froid.

« Ce n'est pas Mary que je défends, lui cria-t-elle, mais tous ceux que vous osez appeler les Sangs-de-Bourbes ! Car figurez-vous que j'en suis ! »

Les trois camarades échangèrent un regard et se regroupèrent à l'écart pour un conciliabule. La révélation, par Lily, de ses origines semblait les plonger dans un profond embarras. Sans doute, pensa Severus, la jeune femme ne cadrait-elle pas avec l'idée qu'ils se faisaient d'une Née-Moldue. Rares, en effet, étaient les élèves qui, en termes de magie pure, pouvaient rivaliser avec elle.

Ce fut à cet instant que la jeune femme remarqua la présence de Severus, aussi immobile qu'une statue dans le chambranle de pierre.

« S'il te plaît, Sev'… dis quelque chose », l'implora-t-elle d'une voix larmoyante.

Severus regarda alternativement Lily et les Serpentards, qui s'étaient tournés vers lui. Dans quel camp se trouvait-il ? Il n'était plus certain de le savoir. Lily, évidemment, attendait qu'il prenne sa défense. Mais pourquoi l'aurait-il fait ? Que restait-il de leur amitié ? La jeune femme appartenait à une période de sa vie qu'il était déterminé à laisser à jamais derrière lui.

« Sev'… », supplia Lily en clopinant en sa direction, les bras tendus devant elle.

Elle paraissait sur le point de se jeter à ses pieds.

« Toi aussi, tu.. »

Severus recula comme s'il venait de se faire piquer par une guêpe. Sans doute Lily s'apprêtait-elle à dire qu'il avait, comme elle, grandi parmi les Moldus ; que son père en était un ; qu'il ne pouvait pas adhérer à des thèses pareilles. Et pourquoi donc ?

« Je n'ai rien à voir avec toi ! l'interrompit Severus d'une voix cassante.

– Quoi ? s'exclama Lily avec un air abasourdi. Après m'avoir fait tant de mal, tu me renies ? Crois-tu vraiment que ces ordures auront plus de compassion pour un Sang-Mêlé ? Une fois qu'ils se seront débarrassés des gens comme moi, ils s'attaqueront à toi. »

Mais Severus ne l'écoutait plus. Il sentit qu'on le prenait par le bras. C'était Mulciber qui, sans qu'il le remarquât, s'était approché de lui, enjambant le corps inerte de Mary.

« Viens », lui dit-il simplement.

Severus eut une seconde d'hésitation. Il sentait qu'il s'apprêtait à franchir un point de non-retour. Mais avait-il le choix ? Mulciber était un émissaire du Destin : il l'entraînait vers un chemin tracé pour lui depuis toujours.

Severus détourna son regard de Lily, éplorée, et suivit son camarade dans l'escalier. Avery et Rosier échangèrent un sourire de connivence et leur emboîtèrent le pas.