Le premier mot que prononça Isaac à son réveil fut un nom, et plus précisément un surnom.
« Stiles. »
Le jeune loup avait un air malade. Un teint pâle et des cernes impressionnants tant ils creusaient le haut de ses pommettes. Le pire ? Ses yeux. Son regard quelque peu fiévreux. Conscient et absent à la fois.
- Il va bien, fit Derek, en passant un linge sur le front un peu trop chaud de son presque petit frère.
Isaac le regarda d'un air indéchiffrable avant d'ouvrir sa bouche aux lèvres trop sèche, de la refermer, avant de la rouvrir et de lâcher péniblement dans un souffle rauque :
- Je sais quand tu mens, Derek.
Parce qu'il restait un loup et qu'il avait entendu le raté net qu'avait fait son cœur. Ses sens, il ne les contrôlait pas vraiment, même la faiblesse ne pouvait les restreindre en cet instant. Alors forcément, l'angoisse prit le pas sur le reste sans qu'il y fasse vraiment attention.
Derek secoua la tête. Il ne mentait pas. Pas vraiment. Il enjolivait juste un peu les choses, comblait comme il pouvait les trous que creusait son ignorance.
- Il est en vie, se corrigea-t-il.
- Le Nemeton… Ça a marché ? Demanda péniblement Isaac.
Parler était un réel effort et pourtant, il ne pouvait pas s'en empêcher. Il avait besoin de savoir car il ne faisait que penser à l'hyperactif. C'était viscéral. Son visage était littéralement ce qui lui était apparu en premier avant qu'il n'ait ouvert les yeux. Dès lors que son esprit s'était mis à fonctionner, Stiles s'était invité dans sa tête. Il y était encore. Il refusait d'en partir.
Et Derek qui mettait un temps fou à lui répondre ! Isaac sentit sa gorge – sèche – se serrer. Il fallait que ça ait marché.
- Derek, dis-moi que ça a fonctionné, articula-t-il d'une voix suppliante.
Le regard colorimétriquement indescriptible de Derek se voila mais il devait être sacrément déboussolé car sa main vint se glisser dans les boucles blondes du jeune loup. Isaac se crispa. Pas parce qu'il trouvait le geste bizarre, déplacé ou dérangeant. Non, il n'avait juste pas l'habitude de voir Derek avoir un geste affectif physique envers lui. Envers personne. Ce geste, c'était quelque chose de rare, de réconfortant, de… Précieux. Derek n'aimait pas toucher les autres. Mais passer sa main dans les cheveux d'Isaac de cette façon, ça allait. Et le concerné savait qu'il s'agissait pour Derek d'une manière de lui apporter du réconfort à lui, qu'il considérait comme son petit frère. Parce que l'ancien alpha savait qu'Isaac avait besoin de contacts. Son angoisse était-elle si visible, si tangible ? Était-elle plus grande que celle qu'il sentait émaner de Derek ?
- Je n'en sais rien, Isaac.
Un souffle rendu ténu et rauque par l'émotion, conséquence de l'ignorance. Comme Jackson, comme Deaton, comme Isaac… Derek était dans le flou le plus total. Mais il restait là et ses caresses dans les cheveux bouclés d'Isaac ne cessaient pas. Le jeune loup ferma les yeux, profita autant que possible de cette marque d'affection physique. Le privilège était là, bien réel et Isaac eut l'impression qu'il lui donnait de la force. Une force particulière, qui le poussa à faire une demande particulière sans qu'il ne songe à l'idée de la retenir.
- J'ai besoin de le voir, tu peux… Tu peux m'aider à marcher ?
Il avait les yeux ouverts et ses iris de la couleur d'un ciel d'été ne quittèrent pas ceux, un peu plus verts, de cet homme qu'il considérait comme son grand frère. D'instinct, il sut que Derek n'allait pas lui refuser sa demande, parce qu'elle n'avait rien d'étrange. Elle n'était pas non plus déplacée. D'autant plus qu'Isaac, dans son état, ne pourrait rien faire. C'était à peine s'il pensait être capable de se mettre debout. Ouvrir les yeux, parler… C'était déjà un gros effort.
Derek avala péniblement sa salive mais finit par lâcher :
- Tu ne pourras pas marcher. Je vais te porter.
S'il avait été plus en forme, Isaac aurait lâché une vanne un peu nulle comme il en avait l'habitude – traîner avec Stiles lui avait fait prendre ce chemin-là –, mais pas cette fois. Pas de « je suis trop lourd pour toi » ou de « je ne suis pas une princesse, Derek ». Juste une acceptation des plus silencieuses. Il n'avait pas envie de se battre, de faire le fier et de toute façon, il n'avait pas d'ego à satisfaire. Pas en cet instant, en tout cas. Il ne faisait pas partie de ces gens qui avaient besoin d'entretenir une image dépourvue de défauts. En d'autres termes, Isaac n'était pas Jackson, même s'il savait que celui-ci s'était bien détendu de ce côté-là. Il commençait à voir depuis un moment que tous ces efforts ne servaient à rien : on l'appréciait pour ce qu'il était, pas pour ce qu'il croyait devoir être. Et petit à petit, il le comprenait – ce n'était pas faute de l'avoir harcelé à ce sujet !
Isaac grimaça légèrement lorsque Derek le prit dans ses bras pour le porter. Remarquant directement que le bouclé réagissait d'une façon peu désirable à ce mouvement pourtant doux, l'ancien alpha lui prit sa douleur tout en marchant. Isaac poussa un soupir tremblant et se détendit instantanément. Pourquoi son corps lui faisait aussi mal ? Cette interrogation le poussa à en articuler une autre, qui y était intrinsèquement liée :
- Au Nemeton… Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Derek s'arrêta brusquement en arrivant devant la porte dans laquelle Stiles se reposait. Jackson veillait toujours sur lui, il entendait son cœur battre à l'intérieur de la chambre. Sa gorge se serra, sa bouche s'assécha et il évita à tout prix de croiser le regard d'Isaac.
- On en discutera plus tard, finit-il par répondre Derek d'une voix blanche.
Pas qu'il soit réellement difficile de parler de cet évènement. Pas qu'il s'y soit passé quelque chose de foncièrement horrible. En fait, Derek ne savait tout bonnement pas quoi dire. Parce qu'il n'avait rien compris, et Jackson non plus. Il leur fallait un peu de temps pour digérer. Et le temps en question n'effacerait aucun de leurs souvenirs – ce n'était pas possible. On ne pouvait pas oublier ça.
En passant, Derek se dit qu'il devrait appeler Deaton incessamment sous peu. Juste au cas-où. Peut-être que ses lumières éclaireraient ses neurones à lui ? Même là, il n'en était pas certain. Ce dont Jackson et lui avaient été témoins s'était révélé si incongru que tous deux se demandaient si c'était explicable. Derek, qui baignait pourtant dans le surnaturel depuis sa naissance, n'avait aucune idée de ce que cet évènement pouvait signifier… Tout comme il se révélait incapable de deviner la suite des évènements. Stiles allait-il s'en sortir, ou les effets de la morsure de Scott étaient irréversibles ? A ses yeux, l'état de l'hyperactif n'avait pas réellement changé. La seule différence, c'est qu'il ne semblait pas s'aggraver davantage pour le moment. Il stagnait, en apparence. Derek ne saurait dire, par conséquent, si c'était rassurant ou non.
De son côté, Isaac n'insista pas. De toute façon, il était fatigué et les explications pouvaient attendre. Tant qu'il pouvait voir Stiles, le reste importait peu. Jackson leur ouvrit doucement la porte en leur indiquant d'un geste de ne pas faire de bruit. La pièce était plongée dans la pénombre et si Isaac gardait la plupart de ses sens intacts, sa vue lupine ne fonctionna pas vraiment – c'est à peine s'il distingua la silhouette humaine dans le lit. Il était trop faible. Alors, il ne prit pas la peine de garder les yeux ouverts. Inutile. Il se laissa simplement déposer sur le lit et sentit instantanément la chaleur vacillante du corps immobile de Stiles. Un frisson le parcourut. Isaac était un loup-garou, et pourtant il avait froid. Froid. Il se glissa alors péniblement sous les draps et remercia Jackson et Derek dans un murmure. Il ne chercha même pas à voir s'ils étaient partis. lsaac n'hésita pas une seconde et se rapprocha de l'hyperactif. Il avait besoin de le sentir. De se dire qu'il était là, bien vivant. Alors, il l'entoura de ses bras, dans un geste pas juste amical. Un geste dont la profondeur était inimaginable. Isaac n'en était pas conscient. Il ne savait même pas pourquoi Stiles occupait chacune de ses pensées. Ce n'était ni amoureux, ni obsessionnel. C'était juste là. Il pensait à lui, sans pouvoir s'en empêcher. Comme s'il le devait, tout simplement. C'était une évidence incompréhensible et il ne pouvait l'ignorer.
Sitôt que son odeur – quoiqu'un peu face – eut empli ses narines, Isaac se détendit. La chaleur émanant du corps de Stiles sembla soudainement augmenter, mais il n'y fit pas vraiment attention. Un sentiment de déjà vu le prit alors que la fatigue le gagnait à nouveau à une vitesse folle. Il avait une main sur le ventre de l'hyperactif, par-dessus son t-shirt. Était-il réellement en train de sentir celle de Stiles se poser sur la sienne ? Le déjà vu frappait aux portes de son esprit. Mais Isaac sombra dans les abysses du sommeil avant même de chercher à vérifier si ce qu'il sentait était réel ou non.
