La première chose que notifia Derek en arrivant à l'étage fut la porte de la chambre qu'occupaient Stiles et Isaac.

Ouverte. Elle était ouverte. Et même si depuis sa position, l'ancien alpha percevait avec netteté la présence d'un seul cœur battant à allure régulière dans la pièce, il tint à vérifier par lui-même s'il n'était pas en train de rêver et… Isaac se trouvait effectivement seul dans le lit, toujours inconscient. Il avait l'air détendu, le visage décrispé, empreint d'une espèce de sérénité qui le surprenait tout autant qu'elle lui faisait froncer les sourcils. Et si voir son presque frère aussi détendu après ces derniers jours incertains aurait dû calmer son appréhension, il n'en fut rien.

Parce que le problème restait le même : Stiles n'était pas là. Evidemment, Derek se doutait bien qu'il n'avait pas disparu à proprement parler. Son loup, bien plus rapide d'esprit que sa part humaine, sentait déjà sa présence dans une autre pièce. La chambre voisine. En fait, ses sens l'avaient déjà capté, mais il avait besoin de comprendre.

Comprendre comment Stiles avait pu passer d'une immobilité totale à une possibilité de mouvement normale.

Il avait passé des jours allongé, inconscient, extrêmement faible. La morsure de Scott l'avait plongé dans un état tel que l'on ne savait toujours pas s'il était sorti d'affaire. Alors… Comment ? Comment son pouls, qu'il percevait d'ici, pouvait-il être si régulier ? Derek s'en alla, laissant Isaac se reposer en refermant la porte derrière lui.

Quelques secondes plus tard, il déboula dans la chambre qu'occupait Lydia. Et même s'il avait senti par avance la présence de Stiles, Derek ne put empêcher la surprise de déformer ses traits. Quoique le mot n'était pas assez fort pour caractériser le sentiment qui le prenait.

Il s'agissait plutôt d'un choc.

Car si Stiles restait d'une pâleur inquiétante, il était bien là, assis au bord du lit, près d'une banshee tout aussi troublée que lui. Entre les mains de Stiles, son bras blessé, débandé. Les bandelettes tachetées de rouge reposaient sur les draps, délicatement enlevées – pas déchirées. Mais Derek ne s'attarda pas sur ce détail car déjà, lui venait à l'esprit l'idée, le besoin de reprendre Lydia avec lui pour la soigner. Et c'est là qu'il posa les yeux sur la raison précise du trouble de la rouquine elle-même.

Son bras ne présentait plus aucune marque. Les griffures ? Disparues dans leur intégralité avec pour seule trace de leur passage, une cicatrice blanche légèrement boursoufflée. Le souffle de Derek se coupa un instant. Qu'est-ce que…

- Je sais pas ce que je… Je sais pas.

Les mots, à peine articulés, mirent un coup à la réflexion naissante de Derek. La voix de Stiles était rauque et l'on devinait les efforts qu'il faisait pour faire sortir des sons de sa gorge après tant de jours à ne rien pouvoir faire d'autre que dormir. Quoique le résumé était grossier, mais l'ancien alpha ne pouvait faire mieux pour l'instant. Car il ne savait pas comment Stiles avait vécu ces derniers jours… Comment il les vivait encore. Et son visage, loin de l'aider à faire le tri dans les innombrables idées qui pleuvaient par centaine dans son esprit, ne fit rien de plus que le plonger dans une confusion plus profonde encore.

Parce que Stiles semblait tout aussi perdu qu'eux, si ce n'est plus. Il avait l'air fébrile de celui qui se retrouvait victime d'une situation échappant totalement à son contrôle… Si bien qu'il ne se réjouissait même pas de l'espèce de guérison de la blessure de Lydia… Dont il n'était d'ailleurs même pas censé être au courant ! Et ses yeux, ses yeux… Ils restaient les mêmes, leur nuance ne changeait pas.

Mais une question prit le pas sur toutes les autres, assommant Derek d'un doute si lourd qu'il ne sut quoi faire.

Stiles était-il toujours humain ?

Alors voilà, Derek n'arrivait pas à se défaire de la paralysie qui le clouait ainsi à l'entrée de la chambre. Pourtant, il fallait qu'il bouge, qu'il fasse quelque chose. Qu'il rassure autant Stiles que Lydia, les deux peinant à sortir de leur torpeur respective et présentant un état de choc aussi différent que fort. Parce que l'air de rien… C'était Derek l'aîné, ici. Par définition, il était celui qui disséminait la confiance et protégeait. Pas besoin d'être un alpha pour cela, même si ce statut faciliterait grandement la résolution de la situation… Sans qu'il y ait besoin de quelque grand discours que ce soit. Le problème, c'est qu'il n'était pas dans un bien meilleur état que Stiles et Lydia et qu'il n'avait aucun moyen de se calmer, d'autant plus qu'il n'oubliait rien de ce à quoi il avait assisté, avec Jackson.

Ainsi, Derek n'avait aucune arme ni aucun bouclier ni pour agir correctement, ni pour se protéger. Néanmoins, il était conscient d'une chose : il lui faudrait procéder par étapes. Il s'efforça donc de revenir à la réalité, de ne pas oublier qu'il n'était pas seul dans cette histoire et que les plus ébranlés devaient être Stiles et Lydia.

- Tu… Veux bien me suivre ? Demanda-t-il en regardant l'hyperactif qui ne le quittait pas des yeux depuis son arrivée.

Stiles n'opposa aucune résistance et se leva, mais sa démarche était si fébrile, si hésitante que Derek passa un bras autour de lui et l'aida à sortir de la chambre. Il lui expliqua brièvement qu'il allait le ramener de là où il venait, le temps de discuter rapidement avec Lydia. Et comme son regard continuait d'être comme… Ailleurs, Derek s'assura à plusieurs reprises qu'il l'entendait et le comprenait. Parce que si Stiles avait prononcé quelques mots un peu plus tôt, il avait l'air de ne plus avoir la force de dire quoi que ce soit… Ni l'envie, d'ailleurs. Il était toujours très pâle, semblait éreinté et Derek… Ne saurait pas déterminer dans quel état il était, s'il allait bien ou s'il courrait encore quelque risque que ce soit. Il lui fallait contacter donc Deaton rapidement.

Ainsi, il l'aida à se rallonger non loin d'Isaac qui, lui, continuait de dormir comme un bébé. Ensuite, il lui demanda d'un ton aussi assuré que possible de rester là, au moins pour l'instant et de ne pas faire le moindre effort superflu. Si une lueur de peur passa dans les yeux de Stiles, il hocha la tête. Derek n'essaya pas de savoir ce à quoi il pensait, pour la simple et bonne raison qu'il agissait… Sans réellement avoir conscience de son propre corps, de ses mouvements et déplacements. En fait, il avançait dans un brouillard qui le rendait aveugle à certaines choses… Dont la réalisation complète de la situation.

Vint rapidement un moment où Derek laissa l'hyperactif et retourna au chevet de Lydia, dont la terreur et le choc n'étaient plus à prouver : son visage et son odeur parlaient pour eux-mêmes. Il se saisit sans hésiter de son poignet et mira son bras, toujours débandé. Et ses sens s'étendirent de leur propre chef, à tel point qu'il perçut la respiration tremblante de la jeune femme et, paradoxalement la manière dont sa peau sembla se réchauffer à son contact. De sa blessure, ne restait véritablement plus rien, mis à part ce semblant de cicatrice qui, déjà, lui paraissait un peu moins boursoufflée, comme si… Elle était en train de se résorber, de disparaître.

Derek releva un regard perdu en direction de Lydia tandis que son doigt passait lentement sur la cicatrice.

- Est-ce que… Ça te fait mal ?

Et sa voix s'éleva à peine, pas plus forte qu'un souffle :

- Non, c'est juste… Plus sensible.

Derek ne demanda rien de plus, continuant de d'effleurer juste distraitement ce qui était encore, quelques minutes plus tôt, une blessure claire et nette. Et d'un coup, l'ancien alpha eut l'impression que tout était trop pour lui. En fait, il se sentit discrètement submergé par tout ce qu'il savait, tout ce qui arrivait, tout ce qui aurait sans doute lieu dans un futur proche…

… Tant et si bien qu'il ne réussi même pas à se réjouir du réveil de Stiles qu'il n'avait, finalement, pas vraiment réalisé. C'était comme si ça s'était passé sans qu'il s'en rende réellement compte.

- Excuse-moi, fit-il brièvement à l'attention de Lydia.

Il lâcha brutalement son poignet et sortit de la pièce si rapidement qu'il ne vit pas le regard de la jeune femme s'attarder sur lui, pas plus qu'il ne le sentit. Il lui fallait de l'air, là, maintenant. Tout de suite. Appeler Deaton, faire à nouveau appel à Jackson, qui se reposait un peu de son côté et qui n'avait sans doute pas conscience de ce qui avait eu lieu.

Derek descendit et sortit s'aérer à son balcon. L'air frais, bien loin de lui faire du bien, lui brûla la peau.