Chapitre posté le 28 septembre 2014

Disclaimer : Kingdom Hearts ne m'appartient pas, mais à Square Enix et Disney.

L'image de couverture, provenant de la fin de Kingdom Hearts 2, appartient donc également à Square Enix et Disney.

Je n'ai joué parmi les jeux Kingdom Hearts qu'à KH HD 1,5 Remix, donc, même si j'ai vu des vidéos sur les autres jeux et me suis renseignée sur eux, il reste peut-être des incohérences.

Bonne lecture !


Chapitre 3 : Que nos cœurs se rencontrent

A son arrivée dans la cour du lycée, Kairi fut accueillie par les cris de ses camarades qui s'extasiaient probablement sur la venue prochaine de la Fête du Printemps. Selphie la délaissa aussitôt pour rejoindre son groupe de copines, dont Kairi s'était progressivement séparée depuis son retour : de toute manière, elle n'avait pas été regrettée. La jeune fille resta plantée quelques minutes au centre de la cour, soudainement indifférente à l'agitation qui régnait autour d'elle, comme déconnectée du monde. Indécise, elle avança d'un pas hésitant et s'adossa à un des palmiers qui bordaient la cour. Tout autour d'elle, personne ne faisait attention à elle; les primaires chahutaient dans un coin, évitant soigneusement les grands du lycée et les collégiens. L'unique établissement scolaire de l'île se consacrait à tous les niveaux, si bien que la population scolaire y était très hétéroclite.

En temps normal, Kairi aurait couru retrouver Riku, ou se serait jointe à sa meilleure amie pour discuter de sujets divers en attendant la sonnerie marquant le début des cours mais Riku n'était pas là et elle ne parvenait plus à faire semblant de s'intéresser aux commérages de ceux de son âge, comme si elle avait grandi trop vite, d'un seul coup, par rapport aux autres. La jeune fille garda les yeux baissés vers le sol, tentant de ne pas croiser les regards de ses condisciples qui, elle n'en doutait pas, parlaient d'elle dans son dos. Ce n'était pas qu'elle devenait paranoïaque, loin de là, mais elle avait déjà à maintes reprises surpris des rumeurs et des murmures la concernant, suivis de coups d'œil désapprobateurs. A n'en pas douter, sa soudaine exclusion, qu'elle avait elle-même provoquée, engendrait de la curiosité malsaine, sans doute aussi de la méfiance. Elle se maudit d'avoir parlé à Selphie de ce « mystérieux garçon » : si son amie ne tenait pas sa langue, elle allait hériter d'une réputation de folle à lier, ou de princesse attendant le prince charmant.

Bâillant à s'en décrocher la mâchoire sans aucune discrétion, elle jeta un regard distrait vers l'horloge surmontant les portes du bâtiment. Huit heures moins vingt. Encore vingt minutes à tenir, cela risquait d'être long. Elle avisa d'un air absent un prof quitter le bâtiment réservé à l'administration, et une idée germa brusquement dans son esprit, bien qu'elle n'en tint pas compte tout d'abord. Cependant, elle avait le temps... peut-être...

Sans hésiter davantage, Kairi quitta son arbre pour se diriger vers les portes du bâtiment administratif, déterminée. Elle esquiva avec agacement les primaires qui jouaient au football -combien de fois s'était-elle prise leur ballon ? - et en moins de deux minutes, fut devant les portes. Néanmoins, la jeune fille ignorait si elle avait le droit d'aller plus loin. Bah, elle avait promis, non ? Elle avait choisi de faire tout ce qu'il lui faudrait faire pour résoudre cette énigme. Aussi se glissa-t-elle à l'intérieur.

La porte se referma derrière elle en grinçant. Elle se retrouva dans un couloir sombre, dont la seule lumière provenait de la fenêtre à son extrémité. Les sons de la cour moururent aussitôt en murmures, étouffés par la porte de métal. Maintenant, elle n'avait plus qu'à se repérer. Attentive au moindre bruit, elle se mit en marche, constatant avec agacement que le sol était recouvert d'un épais tapis brun : s'il rendait ses pas totalement silencieux, il étouffait également ceux des autres, qu'elle ne pourrait pas entendre venir. Elle était presque sûre de ne pas avoir le droit de pénétrer dans le bâtiment administratif. Dans le pire des cas, si quelqu'un la surprenait, elle pourrait toujours sortir la fameuse excuse de « je me suis perdue », qui n'avait de chances d'être crédible qu'envers le directeur, peut-être. Elle pouvait toujours déclarer chercher la photocopieuse pour une amie. C'était plus plausible.

Trois portes et un escalier ouvraient sur le couloir, tous agrémentés d'une petite plaque annonçant leur fonction. Kairi jeta un coup d'œil à la première porte. Accueil. Non, ce ne devait pas être ça. En vérité, elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle devait chercher. Son but premier était de trouver les « archives » de l'établissement, où quelque chose comme cela, afin de voir si le fameux garçon l'avait fréquenté. Après tout, pour chaque rentrée, ils devaient fournir des montagnes de paperasse, qui devaient bien être conservés quelque part, non ? Cependant, elle n'avait aucune idée de la pièce dans laquelle ils étaient entreposés. Elle s'approcha de la seconde porte, plissant les yeux pour lire la plaque dans la pénombre. Secrétariat. Mmh...

« C'est peut-être ici. » murmura-t-elle pour elle-même.

Elle actionna la poignée et ravala un soupir de frustration en constatant que la porte était fermée à clef. Bien sûr... Vu l'heure, personne ne devait être encore arrivé. A peine eut-elle cette réflexion qu'un claquement la fit sursauter : quelqu'un venait d'abaisser la poignée de la porte d'entrée, se préparait à pénétrer à l'intérieur ! Kairi se précipita sur la troisième porte, s'attendant à moitié à ce qu'elle soit close elle aussi, mais par chance, elle coulissa et elle put se glisser à l'intérieur alors que dans le couloir, l'autre entrait.

Kairi referma la porte aussi doucement que possible, restant figée dans l'obscurité de la pièce où elle venait de pénétrer, écoutant avec appréhension les pas de l'autre se rapprocher : et s'il pénétrait également dans cette pièce ? Quelle sotte ! Elle aurait plutôt dû s'engager dans l'escalier, ou même s'excuser de sa présence tant qu'elle se trouvait encore dans le couloir ! Maintenant, elle risquait d'être prise en flagrant délit d'intrusion dans les bureaux du personnel.

Tendue, les nerfs à vif, elle perçut les pas de « l'intrus » - la seule intruse ici, c'était elle - passer devant sa porte sans ralentir et disparaître dans le couloir, une série de claquements assourdis lui apprenant que la personne empruntait les escaliers. Elle put recommencer à respirer, se détendant en tentant de faire reprendre à son cœur un rythme normal : c'était stupide de s'affoler pour si peu, elle qui avait été confrontée à bien pire il y avait seulement quelques mois !

Kairi se retourna pour jeter un rapide coup d'œil dans la pièce où elle s'était glissée : il faisait noir, mais de fins rais de lumières filtraient entre les interstices des volets métalliques de l'unique fenêtre. Elle reconnut l'endroit pour s'y être déjà rendue à plusieurs reprises : la salle aux objets perdus, là où tous les objets abandonnés dans l'enceinte de l'établissement étaient entreposés en attendant un propriétaire qui ne venait jamais. Ce n'était certainement pas ici qu'elle dénicherait de quelconques archives, elle pouvait en être certaine. En revanche, peut-être que parmi ces objets trouverait-elle quelques indices sur le garçon perdu des mémoires...

Elle alluma la lumière sans crainte que quelque intercepte la lueur dans le couloir : maintenant, elle avait un alibi : si quelqu'un débarquait, elle pourrait toujours prétendre être venue récupérer une de ses possessions égarées.

Une énorme caisse était poussée dans un coin, regorgeant de vestes, pull-overs, chaussures, et autres vêtements de toutes sortes et de toutes tailles, oubliés on ne savait comment et jamais réclamés. Kairi avait maintes fois oublié sa veste ou sa casquette quand elle était petite et avait même jadis pris l'habitude de venir fouiller le lieu. Une étagère et une seconde caisse croulaient sous le poids de babioles diverses, souvent des crayons, des jouets des maternelles ou de vieux manuels scolaires, certains entreposés ici depuis plusieurs dizaines d'années. Une véritable mine d'or : en cas d'oubli de son sac d'école, Kairi saurait où chercher de nouvelles affaires.

Cependant, les cours allaient bientôt débuter et elle ne pouvait pas de permettre d'être en retard. Elle jeta un regard indécis vers l'étagère dont les quelques objets qu'elle discernait dans le fouillis lui semblaient totalement étrangers. Tant pis, elle n'avait plus le temps. La jeune fille se pencha au-dessus de la caisse à objets, commençant à farfouiller sans se préoccuper de rester discrète, soulevant de vieux sacs à dos abandonnés, des cahiers de cours aux feuilles froissées, et toutes sortes d'objets dont elle se demandait comment pouvoir les oublier sans s'en apercevoir. L'élève qui rentrait chez lui sans son cartable le remarquait bien, non ? Sans doute l'avait-il fait exprès...

Cela lui semblait bien vain de chercher quelque chose ici : ils devaient bien y avoir des milliers d'objets et comment pourrait-elle reconnaître une possession du garçon ? De plus, qu'est-ce qui lui affirmait qu'il avait oublié quelque chose dans l'établissement ou même qu'il l'avait fréquenté ? Néanmoins, elle persévéra. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour se pencher le plus possible par-dessus le bord de la caisse et atteindre le fond. Vieux journaux et magazines, tracts publicitaires, carnets défraîchis, manuels d'école, feuilles recouvertes d'écritures inconnues, crayons colorés, feutres, romans policiers, paquets de mouchoirs, boîtes de biscuits ou de confiseries, parapluies, balles de tennis... rien de ce qu'elle voyait ne lui évoquait quelque chose, encore moins le mystérieux garçon. Qu'est-ce qu'elle était allée s'imaginer ? La tête sous une pile de sacs et de feuilles d'examens aux notes médiocres - là, elle comprenait pourquoi leurs propriétaires avaient eu l'envie de s'en débarrasser -, elle sursauta brusquement quand la sonnerie retentit. C'est alors qu'en soulevant un manuel de maths dont il manquait les trois quarts qu'elle saisit un éclat de couleur du coin de l'œil, éveillant quelque chose d'étrange dans sa mémoire.

« Qu'est-ce que... ? »

L'objet en question était un petit sac bleu, mais avant qu'elle n'ait pu jeter un meilleur coup d'œil ou tendre la main pour l'attraper, il glissa entre un dictionnaire des synonymes et une pile de cassettes vidéo, disparaissant dans les profondeurs de la caisse.

« Attends ! » ordonna-t-elle sans se sentir embarrassée de s'adresser à un objet.

Malheureusement, en tendant la main pour soulever la pile de cassettes, celle-ci, en équilibre instable, bascula, entraînant avec elle un amoncellement de vieux journaux et magazines, tracts publicitaires, carnets défraîchis, manuels d'école, feuilles recouvertes d'écritures inconnues, crayons colorés, feutres, romans policiers, paquets de mouchoirs, boîtes de biscuits ou de confiseries, parapluies, balles de tennis... qui rebouchèrent l'ouverture qu'elle avait érigée, engloutissant et enfouissant le précieux objet qui avait attiré sa vue. Découragée, les cheveux en bataille et les joues rendues rouge par le sang lui ayant monté à la tête, elle s'extirpa de la caisse : peine perdue, elle n'avait plus le temps maintenant. Mais au moins avait-elle repéré quelque chose d'intéressant.

En fait, songea-t-elle en quittant les lieux sans même jeter un coup d'œil préoccupé pour vérifier que personne ne l'avait surprise, elle ignorait en quoi ce petit sac à dos l'avait attirée. Mais il lui avait immédiatement paru familier sans qu'elle puisse mettre le doigt dessus : il ne lui avait jamais appartenu, et elle ne se rappelait pas Selphie ou Riku porter ce genre de sac. Néanmoins, quelque chose d'étrange s'était agité dans son cœur. Peut-être était-ce sa nature de Princesse de cœur qui lui permettait de percevoir certaines choses de cette manière. Ce sac n'était qu'un petit détail dans sa vie, mais c'était aussi le genre de détails qui ne cessait de la titiller par la suite, comme si cet objet était un intrus dans cette caisse, comme s'il n'aurait jamais dû se trouver là, condamné à l'oubli sous des tonnes de possessions égarées.


Elle courait aussi vite que ses jambes le lui permettaient, les corridors du château défilant au coin de ses yeux. C'était difficile de se repérer dans cette semi-obscurité, seulement éclairée par quelques torches enchantées tremblotantes. Des ombres gigantesques se dessinaient sur les murs, s'étalaient sur le sol, recelant mille dangers. Mais le plus terrible des dangers se trouvait derrière elle. Elle n'osait même pas se retourner pour s'assurer que l'autre ne les poursuivait pas. Seul les échos de leur pas sur le marbre froid se faisaient entendre au cœur de la forteresse lugubre et vide, à la pénombre glacée.

Ses deux compagnons couraient à ses côtés, s'évertuant à repousser les Sans-cœur qui, toujours plus nombreux, semblaient naître du sol pour se précipiter vers eux, leurs yeux jaunes luisant d'une manière peu amicale. Elle n'y prêtait aucune attention ils étaient peu nombreux et ses compagnons s'en chargeaient sans trop de mal. Non, tandis qu'elle fuyait vers l'avant, à travers les salles désertes et les couloirs vides de la forteresse, ses pensées s'envolaient vers l'arrière, vers la salle qu'elle venait de fuir, où quelque chose de terrible venait de se produire.

Son compagnon de droite, Dingo comme il s'était aimablement présenté, se jeta sur un Sans-cœur qui s'était précipité sur leur route, l'écrasant à l'aide de son bouclier. Kairi et le troisième individu, un canard du nom de Donald, l'évitèrent aisément, poursuivant leur route, bientôt rattrapé par leur compagnon. Une petite troupe de monstres voulurent leur barrer le passage et furent accueillis par un Foudre X lâché par Donald. Les trois compagnons ne ralentirent pas, passèrent une double porte pour se retrouver devant un élévateur où ils se jetèrent. L'engin s'ébranla en direction du sol.

Kairi observa nerveusement le décor environnant : l'ascenseur, une simple plate-forme circulaire entourée d'une barrière de fer, évoluait dans ce qui semblait être une haute tour, dont le plafond n'était constitué que d'un vitrail soutenu par une armature de fer. Le longs des parois, à chaque étage, s'ouvraient des portes donnant sur des balcons ou d'autres ascenseurs, créant ainsi un véritable dédale en perpétuel mouvement. Elle observa s'éloigner l'entrée d'où ils s'étaient échappés avec appréhension : leur ennemi allait-il les rattraper ? Et Riku ? Qu'allait-il devenir ?

« J'espère qu'ils pourront nous rejoindre » murmura-t-elle.

Elle avait parlé pour elle-même mais Donald l'entendit et laissa échapper un caquètement furieux.

« Nous rejoindre ? Certainement pas ! » s'exclama-t-il en dardant les environs d'un regard inquisiteur. Il n'avait pas oublié que le forteresse regorgeait de Sans-cœur volants qui se feraient une joie de leur fondre dessus.

«Je parlais de Riku et de … précisa-t-elle, mais elle fut interrompue par le volatile.

-Comment peux-tu te soucier de ce traître ?! »

Kairi faillit lui répliquer que le traître en question était un de ses meilleurs amis mais elle se contint. Elle jeta un coup d'œil anxieux vers le haut. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Qu'était-il arrivé à Riku ? Et à...

« Nous y voilà ! » avertit Dingo.

En effet, l'ascenseur venait de stopper à un balcon. Sitôt qu'ils posèrent pied à terre, une horde de Sans-cœur fondit sur eux, aussitôt repoussés par Dingo et la magie de Donald. Kairi se jeta en avant pour activer l'interrupteur actionnant l'ouverture d'une porte qui s'enfonçait dans les profondeurs du château.

« Par ici ! »

Les trois compagnons se ruèrent hors de la tour aux ascenseurs pour se retrouver dans un petit couloir aux murs épais qui déboucha dans l'immense hall d'entrée de la forteresse, paisible pour le moment. Elle entendit le glouglou de la fontaine en bas des escaliers et s'élança à la suite des deux autres : droit devant elle, à l'autre bout du hall, se dressaient les immenses portes de pierre. Une fois franchies, ils seraient dehors, et presque hors d'atteinte. Mais... bien que son instinct de survie lui commandait de courir, son cœur ne le voulait pas. Ses amis étaient encore ici, en danger. Et les autres Princesses figées dans le sommeil ? Ils ne pouvaient les abandonner ainsi.

Elle ralentit imperceptiblement le pas avant de s'arrêter tout à fait devant les premières marches de l'escalier. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas s'enfuir ainsi, pas après tous les risques que ses amis avaient pris pour elle et les sacrifices qu'ils avaient faits. C'était à son tour de les aider à présent.

Donald et Dingo avaient remarqué que la jeune fille ne les suivait plus et s'étaient retournés. Ils avaient déjà traversé la moitié du hall, alors que Kairi se tenait toujours en haut des escaliers, loin d'eux. Donald lui lança un regard impatient.

« Kairi, dépêche-toi ! » l'apostropha Dingo.

Elle secoua la tête, l'air déterminée.

« Je ne veux pas les abandonner. »

Donald était très prompt à s'énerver, surtout dans la situation de stress intense dans laquelle il était plongé, cependant, il parvint à ravaler en partie sa fureur.

« On ira les secourir plus tard. On ne peut rien faire pour le moment, les Ténèbres vont envahir le palais, il faut fuir ! On ne peut pas rester ici !

-J'ai déjà fuit cet endroit sous l'influence des Ténèbres jadis. » répliqua-t-elle, très calme. Elle ne savait même pas d'où lui venaient ces mots. « Je ne le referai plus. Et je ne laisserai plus mes meilleurs amis prendre des risques pour moi sans leur venir en aide.

-Kairi ! »

Elle s'apprêtait à répliquer que son choix était fait et qu'aucune de leur paroles ne la fera changer d'avis quand elle avisa les regards horrifiés de Donald et Dingo dirigés vers elle. Non, derrière elle. Elle se retourna d'un bond pour constater qu'un Sans-cœur se dirigeait vers eux, descendant l'escalier de sa démarche pataude. Elle aurait presque pu le trouver mignon avec ses grands yeux jaunes et ses petites antennes qui s'agitaient d'un air curieux si elle avait ignoré de quelle type de créature il s'agissait. La jeune fille se hâta de descendre les escaliers en vitesse, suivie par le monstre, pour rejoindre ses compagnons.

« Un Sans-cœur nous poursuit ! s'écria inutilement Dingo.

-Je vais me charger de lui ! » ajouta Donald en brandissant son sceptre.

En réalité, le monstre ne semblait entretenir aucune intention offensive et se dirigeait lentement vers elle, la fixant de ces yeux si semblables à des torches. Elle ne bougea pas, le regard plongé dans celui, embrasé, de la créature. Dans son dos, elle entendit Donald et Dingo se précipiter vers elle.

« Kairi ! Ecarte-toi ! Il est dangereux ! »

Elle ne fit pas mine d'obéir. Ce Sans-cœur lui semblait curieusement familier. Se pouvait-il qu'il s'agisse de …

« Es-tu... ? »

« Kairi ! »

Le cri, suivi d'un coup modéré sur son épaule, la réveillèrent en sursaut. Elle se redressa aussitôt, tous ses sens encore endormis en alerte. Elle ne voyait rien, sa chevelure rousse s'étant rabattue sur ses yeux, comme d'habitude, et dans son mouvement désordonné pour se redresser, son bras heurta quelque chose qui chuta par terre. En revanche, elle entendait parfaitement des murmures et des rires étouffés autour d'elle.

Kairi reprit contact avec la réalité, repoussant d'une main ses cheveux derrière ses épaules. Tournant la tête vers la droite, elle aperçut sa voisine, Selphie, lui adresser un regard désapprobateur, et rencontra les regards mi-curieux mi-moqueurs de la classe, tournée vers elle. Non... Elle ne s'était pas assoupie en classe tout de même ? Une telle situation ne se produisait que dans les films de mauvais goût...

Apparemment non, devina-t-elle en croisant le regard du professeur, Mme Trepe, qui s'était avancée jusqu'à son bureau durant son sommeil et la toisait à présent d'un regard faussement sévère. Mme Trepe était certes plutôt intransigeante, mais elle connaissait très bien Kairi pour savoir que ce n'était pas une mauvaise élève et qu'une telle situation avait peu de chance de se reproduire. Elle avait cependant remarqué que ces derniers temps, la jeune fille semblait refermée sur elle-même, et passablement épuisée.

« Mlle Kairi, dit-elle d'une voix amusée. La nuit a été trop courte ? »

Elle ne répondit pas, se contentant de risquer un sourire crispé.

« Il faut apprendre à se coucher de bonne heure, Kairi. Passez me voir à la fin du cours. »

Suite à ces paroles, elle repartit à son bureau comme si de rien n'était. Kairi tenta d'ignorer ses camarades qui s'évertuaient à la lorgner, bien qu'elle sentit ses joues chauffer d'embarras. Elle n'avait vraiment pas de chance aujourd'hui. Elle n'avait même pas eu le bonheur de faire un rêve paisible, non, il avait fallu qu'elle revive les angoissants moments suivants son réveil dans la forteresse, des mois auparavant. Elle échangea un regard embarrassé avec Selphie qui avait pris le parti d'en rire, puis voulut prendre son crayon pour constater qu'en plus de la chance, sa trousse manquait également à l'appel : normal, c'était l'objet qu'elle avait envoyé au tapis lors de son réveil.

Elle se pencha, pour se rendre compte que bien sûr, le contenu entier de sa trousse s'était déversé sur le sol. Kairi entreprit de ranger stylos, crayons et feutres à leur place le plus rapidement possible, avisant au passage que certaines babioles se trouvaient dans sa trousse depuis tant de temps qu'elle en avait oublié l'existence, comme ce joli stylo argenté orné d'un petit dessin en forme d'étoile qu'elle croyait avoir perdu il y a des années...

Elle posa la main sur ledit stylo et marqua un temps d'arrêt : pourquoi la vue de cet objet lui procurait la même sensation que celle du petit sac à dos ? Un souvenir ancien jaillit soudain dans sa mémoire.


Kairi devait avoir cinq ans. Elle pleurait. Depuis des semaines, c'était devenu une habitude de s'isoler de ses camarades ou de sa famille adoptive pour libérer ses larmes. Elle n'avait que cinq ans, mais avait déjà subi des épreuves qu'aucun enfant ne devrait avoir à subir. Tout était flou dans sa mémoire, mais les images de monstres surgissant des Ténèbres, des maisons en flammes, de ses parents disparaissant dans un tourbillon obscur restaient présentes en elle, marquées à jamais dans son cœur. Par la suite, elles s'estomperont, et elle redeviendra la jeune fille insouciante et enjouée telle qu'on la connaissait. Mais jamais elle n'oubliera.

Assise dans un coin de la cour, à l'écart de ses condisciples, elle laissait ses mains froisser un dessin, représentant des enfants contemplant une pluie d'étoiles filantes.

« Hé Kairi ! »

Elle releva la tête. Un de ses camarades, dont elle ignorait le nom, se dirigeait vers elle en souriant d'un air avenant et vint s'asseoir à ses côtés.

« Pourquoi tu pleures ? »

Elle ne répondit pas, se détournant, embarrassée que l'on s'intéresse à ses larmes.

« Tu penses encore à ce que les autres ont dit ? Laisse-les parler. »

Elle avait souri à ces mots. Il ignorait tout de son passé et pensait naïvement que les commentaires moqueurs de ses camarades à l'égard de son dessin étaient la cause de son chagrin. Il était toujours d'une nature très optimiste, presque inentamable. Il avait souri en retour et avait sorti un petit stylo argenté de sa poche.

« Tu sais ce que c'est ? »

Il désigna le petit signe en forme d'étoile sur le capuchon du stylo.

« Ça représente un fruit Paopou. Tu es nouvelle ici, tu ne connais peut-être pas cette légende : en fait, les fruits Paopou lient les gens pour l'éternité ! » expliqua-t-il avec fierté.

Il semblait tout heureux de son savoir. Kairi jeta un coup d'œil dubitatif au stylo, puis parvint à esquisser un vrai sourire. L'enfant sembla ravi.

« Garde-le, dit-il joyeusement. On est amis maintenant ! »

Elle prit le présent d'une main hésitante, ayant peine à croire que l'autre la considère déjà comme une amie : elle ne lui avait encore pas adressé la parole...

« Je suis Sora au fait. »


J'ai bien peur que la fin fasse assez cliché...

Hé bien, merci de votre lecture. J'accepte les reviews, même en anglais.