J'ai fait un post avec le récapitulatif des couleurs d'yeux (voir de cheveux) pour s'y retrouver avec tous mes Link. C'est sur encreboueuse.
Bonne lecture !
Shadow était réduit à encore moins que son nom.
Depuis que le miroir obscur avait été détruit – par son fait – il se sentait plus faible que jamais, ses besoins s'étaient accrus, sa fatigue aussi.
Il ne pouvait pratiquement plus opérer que la nuit ou dans un environnement complètement obscurci, la moindre étincelle de lumière l'affaiblissant. Il passait des heures à dormir ou juste se reposer, ses forces lui revenant avec difficulté.
À force de rôder dans les ombres, il avait compris que les êtres vivants avaient besoin de se nourrir pour fonctionner. Il s'en était déjà fait la réflexion pendant sa cohabitation avec les autres monstres ou Vio, mais il n'en avait jamais ressenti la nécessité. Il pouvait consommer ce qu'il voulait, mais c'était tout juste de la gourmandise, n'ayant jamais faim ni soif.
Par dépit, il s'était retenté à l'expérience, maintenant que ses ressources étaient coupées, chapardant tout ce qui passait à sa portée lorsqu'il sa planquant dans l'ombre d'un des Link.
Son préféré, et sans surprise, était Vio.
Son ombre était pile poil à la bonne température et confortable. Il se sent moins obligé de se tenir sur ses gardes quand il s'y cache, s'y pelotonnant et dormant du sommeil du juste.
La talonnant de près, il y avait ensuite celle de Red. Bien qu'un peu chaude là où celle de son frère était plutôt tempérée, sans doute dû à sa manipulation de la Baguette de Feu ou de son caractère expressif, allez savoir, Shadow se sentait capable de fermer les yeux sans se forcer à rester sur le qui-vive. Enfin, pas trop, quoi.
Par contre, que ce soit les ombres de Green ou Blue, ce n'était vraiment qu'en dernier recours.
Le leader était beaucoup trop proche de leur amie d'enfance, la princesse Zelda, pour ne pas être contaminé par son aura de lumière. Rien qu'effleurer l'étendue sombre était une douleur, alors y séjourner…
Le dernier avait une ombre aux températures glaciales et bien trop nette. C'est comme s'il n'y avait aucune place pour un peu de chaos, rempli d'angles aigus et de surfaces lisses.
Qui l'aurait cru ? L'ombre de Vio était un joyeux fouillis, un méli-mélo aux couleurs chaudes et douillet où il aimait paresser le plus longtemps possible !
D'où il se trouvait et dans son état d'extrême affaiblissement, il passait son temps à observer le curieux quotidien du héros divisé, autant pour passer le temps que pour en apprendre sur eux. Certes, ils n'étaient plus vraiment ennemis, mais ce n'était jamais perdu !
Techniquement, Ganon l'avait arraché du miroir quelques mois auparavant seulement, il savait donc peu de choses sur l'extérieur, l'observant avec l'avidité d'un enfant en bas-âge, ce qu'il était ne serait-ce qu'au vu de son temps de vie. Au contact de Vaati ou encore de Vio, il avait tellement appris… Mais l'un comme l'autre abordait des concepts qui le dépassaient, ignorant sa méconnaissance des bases les plus élémentaires.
Tapis dans les ténèbres omniprésentes de la chambre de son ancien allié, il veillait sur le sommeil de celui-ci. C'était un peu ennuyeux comme activité surtout après la première heure, mais c'était le moment de la journée où il possédait le plus d'énergie.
S'incarnant, il se pencha sur la figure allongée, l'observant, intrigué.
L'expression sur le visage endormi lui était inconnue. Il la voyait à chaque fois que Vio se laissait enfin à dormir, mais nulle part ailleurs. Elle était plus commune à Red, mais c'était celle de Vio.
À plusieurs reprises, il avait pu entendre les citadins s'exprimer sur la ressemblance entre les quatre frères, mettant ça sur le fait qu'ils étaient une personne unique à la base. À chaque fois, il avait envie de s'arracher de sa cachette de fortune pour hurler sur ces cloportes, surtout quand les Link s'isolaient pour se réconforter à leur manière.
Pourquoi personne ne comprenait la douleur qu'ils vivaient ? Ils n'avaient pas été dissocié par plaisir ou volonté ! Et même lorsqu'ils avaient tenté de se réunir, c'était trop tard. Chaque personnalité s'était trop incarnée, avait eu trop d'indépendance pour être de nouveau capable de s'imbriquer dans la même conscience.
Peut-être aux prémices de leur ultime quête, mais pas à sa fin.
Alors, les remarques dessus blessaient plus que ce à quoi pouvaient penser ces innocents.
Zelda avait tenté d'expliquer le bon comportement à tenir, mais autant souffler sur les pâles du moulin à eau ! Ce serait sans doute plus efficace…
Imperceptiblement, Shadow extrayait une main à la peau grise, encerclant une cheville à sa portée en un soutien muet avant de vite se retirer, craignant autant un coup de pied que le soleil.
Surtout que c'était aberrant de tenir un tel discours ! Blue, Red, Green et Vio étaient aussi différents que pouvaient l'être quatre individus, qu'ils soient frères ou de simples inconnus !
Perdu dans ses pensées, il eut la surprise de se découvrir avoir grimpé sur le matelas pour mieux scruter le profil endormi.
Aussi silencieusement et imperceptiblement qu'il en était capable, il retourna au sol.
L'aube était encore lointaine et son énergie allait commençait à décroître.
Ses pieds se murent et il se promena dans la pièce. Il la connaissait par cœur à force d'y faire les cent pas, mais aussi en hantant les côtés de Vio qui y passait trop de temps à son goût. C'était un peu mieux maintenant qu'il avait fini d'aménager son bureau à son goût, y partageant ses journées, mais ce n'était pas encore ça.
Tout l'espace de la chambre était dévoré par les meubles, dont deux bibliothèques lourdement chargées, il ne restait plus grand-chose du tapis sous ses pieds.
Se laissant tomber par terre en soupirant d'ennui, il examina le dos des livres, déchiffrant avec difficulté le syllabaire hyruléen dont il n'était pas encore habitué. À force d'espionner par-dessus l'épaule de Vio, il avait assimilé quelques sons et syllabes, mais il était loin d'être capable de comprendre les ouvrages épais que semblait affectionner l'ancien traître et se contentait des intitulés ou les feuilleter de loin en loin grâce à sa vision nocturne.
Il ne comprenait pas l'intérêt que portait son ancien acolyte à ces tas de papier mais il mettait ça sur son incapacité à lire sans buter sur une rune ou deux. C'était sans doute plus amusant quand la lecture était aussi fluide que l'était la manipulation de la magie pour lui !
Sans y prendre garde, il vocalisa ses pensées et son déchiffrage laborieux n'était plus uniquement à l'intérieur de son crâne, résonnant entre les murs de la chambre plongée dans le noir.
Il ne s'en rendit pas tout de suite compte, et ce fut un murmure somnolant qui s'en chargea, la surprise manquant de le dissoudre en une flaque d'ombre, mais à la place il se pétrifia, retenant sa respiration, attentif.
— Shadow ?
Son cœur parut battre plus fort à l'appel de son nom. Il reconnaîtrait entre mille cette manière de le prononcer, sans doute car Vio était bien le seul à le faire d'une façon aussi affectueuse.
Et parce qu'ils n'étaient que tous les deux dans cette pièce étroite. Alors, à moins qu'un meuble soit subitement doué de parole, celui qui s'exprimait ne pouvait être que l'ancien Link.
Presque timide, il se tourna vers le lit occupé.
Si le héros ne pouvait pas le voir, lui si, mais quand leurs yeux se croisèrent, il fut persuadé que c'était volontaire, ignorant l'air perdu et hésitant dans les pupilles bleu persan.
Il avait été repéré. Dans un instant, Vio allait surgir du lit, attraper son épée et le pourfendre…
Retenant toujours sa respiration – il n'avait pas vraiment de poumon, c'était juste un automatisme pris à force de frayer avec des êtres non constitués de magie – il compta les secondes.
Mais rien.
Tout juste Vio se frotta-t-il les yeux, l'air dépité, avant de se retourner de l'autre côté, un soupir déçu quittant ses lèvres.
Ne croyant pas à sa chance et Ganon ayant clairement oublié de lui fournir de l'instinct de survie, il sauta sur ses pieds – enfin, autant que son état le lui permettait, rendant son pas chancelant alors que sa tête lui tournait – et alla se planter le plus silencieusement possible à côté du meuble, se penchant par-dessus la silhouette allongée, l'espionnant.
Il n'avait toujours pas repris son souffle, lui permettant d'être moins perceptible.
Emmitouflé sous sa couette, Vio semblait s'être rendormi, son visage arborant de nouveau cette intrigante expression, ses mains se crispant au rythme de son songe. Curieux et un peu jaloux, Shadow hésita à s'y faufiler, voulant savoir de quoi il en retournait, mais le coût relatif à cette magie était bien trop élevé pour ses réserves limitées. Peut-être une autre fois ?
Mais ça ne suffisait pas à apaiser son envie.
Sur un coup de tête, il allégea sa densité, survolant le lit. La langue tirée, il imita la position de Vio, mais comme un reflet, s'allongeant superficiellement à ses côtés, à quelques millimètres du matelas, se mâchant la lèvre.
Une partie de lui voulait réveiller le héros. Le taquiner comme lorsqu'ils se pensaient encore alliés et se vanter faussement sur l'impossibilité de le tuer. Le tourner en dérision pour leur échec commun. Lui faire payer sa situation misérable, à devoir fuir la moindre ombre affaiblie pour ne pas s'y perdre ou disparaître à son tour. L'agonie qui le tourmentait et alimentait sa folie latente, rongeant ses pouvoirs et les rendant encore plus chaotiques qu'ils ne l'étaient à la base.
Car oui, avant d'être une ombre, Shadow était chaos.
Il se nourrissait du désordre, chaque discorde le rendait plus puissant, renforçant sa volonté et sa prise sur cette réalité.
D'ailleurs, à bien y penser, c'était peut-être pour ça qu'il se sentait si bien dans l'ombre de Vio, au milieu de ces tempêtes de couleurs… Parce que ce n'était pas les quelques prises de bec entre les frangins qu'il allait se faire une santé !
Toujours dans les airs, il s'approcha subrepticement du chevalier, leurs nez se touchant presque.
Un souffle lui échappa, caressant le visage endormi. Le nez se fronça en réaction mais rien de plus.
Il avait l'impression que ça faisait une éternité qu'il ne s'était pas plongé dans les orbes bleu persan. Cette couleur l'avait aussi ravie qu'intriguée lorsqu'ils s'étaient fait face. Il avait passé un temps infini à l'observer lorsqu'ils interagissaient, offrant parfois une oreille distraite à ses propos, trop occupé à se plonger dans ce bleu si captivant.
Mais il devait se restreindre et attendre. Attendre son heure, son temps. Attendre de réunir suffisamment de force pour rester incarné et tangible. Que la magie coule de nouveau dans ses veines comme le sang des hyliens dans les leurs, crépitant au bout de ses doigts, le moindre claquement de leurs parts tordant la réalité. Retrouver sa superbe.
Il se recroquevilla sur lui-même, ses dents pointues se refermant sur un ongle peint, le mordillant légèrement, nerveux.
Il n'avait pas besoin de fermer les yeux pour sentir les vrilles de magie s'échappant de lui. Ç'avait toujours été comme ça, permettant d'équilibrer ses niveaux et de brûler l'excédent, mais ses limites actuelles étaient basses et ces ponctions répétitives étaient presque pire que tout le reste, l'empêchant de se stabiliser suffisamment longtemps pour guérir.
Mais petit à petit, il sentait ses forces revenir. Il sentait son ancien lui revenir lentement, renaissant des cendres, tel un phénix. Enfin, son ombre, plutôt.
Malgré lui, sa main libre se tendit, s'approchant d'une joue encore un peu rebondie et saine, si saine, la caressant du revers de l'index.
— Shadow ?
Le souffle glissa sur sa peau, l'arrachant de ses pensées plus efficacement que l'appel de son nom. Il sursauta, écarquillant les yeux et se redressant tout à la fois. En examinant plus attentivement son expression, il arriva à la conclusion que Vio avait dû se réveiller un peu plus tôt – mais dormait bien lorsqu'il l'avait constaté – et peut-être même l'avait-il observé à son tour alors qu'il réfléchissait.
— Tu es bien là… Je suis bien réveillé, ce n'est pas un rêve ?
Son chuchotement se brisa pratiquement sous la crainte.
Shadow ne pouvait pas l'encourager, il devait tuer dans l'œuf l'espoir qui illuminait les traits adolescents. Tant qu'il était supposé mort, il devait se cacher, bien sûr, mais il pouvait aussi prendre son temps pour récupérer aussi frustrant que cela soit, découvrir le monde et flemmarder jusqu'à plus soif.
Tant qu'il était porté disparu, une surprenante liberté se présentait à lui, malgré ses restrictions géographiques. Plus de maître à servir, d'objectif à tenir.
— Qu'est-ce que je ferais là, Sophora, si je n'étais pas un rêve ?
L'usage du surnom fut sans doute ce qui le convainquit et il fut aux premières loges pour assister aux larmes s'écrasant contre la literie.
Ils n'avaient pas cohabité longtemps, mais le surnom était resté, après que Shadow ait voulu dire qu'il le trouvait « soporifique » mais n'y parvint pas, n'ayant entendu Vaati le prononcer qu'une seule fois et sa langue encore inhabituée aux syllabes dures de l'hyruléen s'embrouillant rapidement. Vio avait eu l'air perdu et quand il lui avait demandé pourquoi donc il lui attribuait un nom de fleur, il avait été trop embarrassé par sa bouillie de mots pour l'assumer et s'en était sortie d'une pirouette, prétendant qu'il n'avait pas l'intention de l'appeler « Link » et encore moins de s'abaisser au patronyme qu'ils avaient choisi dans l'urgence, jouant la carte de l'arrogance sans trop avoir à se forcer.
Et Sophora c'était devenu.
Il ne se débattit pas quand Vio l'attrapa maladroitement, le serrant contre lui d'une force à lui faire recracher ses tripes, reniflant contre son oreille. Tout juste arrangea-t-il sa posture.
— Ne pars pas, geint-il.
— Je ne suis qu'une ombre. Si je suis exposé à la lumière…
Mais il ne l'écoutait pas, rassurant sa prise sur lui et enfonçant son visage contre son épaule, sa respiration s'égalisant lentement au profit d'une nouvelle phase de sommeil.
Shadow pouvait se dissoudre. Il le savait. Il avait l'intention de le faire. Mais pas tout de suite.
D'abord, il allait profiter de l'étreinte, de la chaleur corporelle exercées sur lui. Il allait remplir ses poumons de l'odeur de bergamote de ses cheveux détachés. Il allait mémoriser le relief de sa peau au moyen de ses mains, quitte à les passer, encore et encore, jusqu'à pouvoir l'imaginer aux pires moments de sa solitude.
Et puis, seulement après, il se dissolvera en un filament sombre, s'échappant de l'étau exercé sur lui, se reformant au pied du lit, observant les bras vides se refermer sur eux-mêmes, rassemblés contre le torse se levant et s'abaissant au rythme des respirations paisibles.
Et, soudainement, ce fut comme un déclic dans son cerveau.
C'était ça, l'expression étrange que revêtait Vio dans son sommeil. Cette expression qu'il ne lui avait jamais vu avant de devenir le gardien de ses nuits.
Vio était paisible. Serein. Détendu.
L'un de ses pires ennemis se trouvait dans sa chambre, à moins d'un mètre d'un lui en chemise de nuit et ayant pour toute arme son oreiller, et pourtant il était apaisé.
Pire ! Il savait – pensait savoir – que Shadow était là, mais ses traits ne se modifiaient pas pour autant.
Une fois de plus, son cœur se tordit, mais d'une manière différente. Aussi inconnue qu'étrange, cette fois.
La Sophora est une plante violette, cherchez pas. Côté anglophone, Shadow donne des surnoms de fleurs ou fruits aux Link, en rapport avec les couleurs (Periwinkle/pervenche pour Vio, Strawberry/fraise pour Red, Blueberry/myrtille pour Blue, GreenBean/haricot vert pour Green). J'avais l'intention de partir sur "verveine" mais je me suis rendue compte que celle qu'on consommait pour s'apaiser n'était pas la même et donc que ses fleurs n'étaient pas violettes.
Shadow s'est grillé tout seul : ses yeux brillent dans le noir. Quand Vio l'a appelé et qu'il s'est tourné vers lui, il les a vu xD
Voracity Karn
