Check Mate DxD
Chapitre 109 : Problème d'éducation/Kyouiku Mondai
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Hariel prit le sachet et observa la plume. Sa seconde vue lui permettait de suivre les lignes de codes magiques qui l'imprégnaient. Il n'y avait aucun doute. C'était bien une authentique Plume à Sang.
« Je t'avais dit que cette femme était dangereuse » dit Hermione sur un ton sombre.
« Et je ne l'ai pas contesté » lui répondit son interlocuteur en reposant l'objet sur la table entre eux.
Il prit l'un des sandwichs que les Brownies du château avaient préparés pour eux et mordit dedans. Le matin même, Hermione était venue le voir pour lui dire qu'ils devaient parler. À midi, il s'était donc rendu au Repaire et avait trouvé son amie qui l'attendait à côté d'une haute pile de petits en-cas. Elle avait alors sorti la Plume à Sang scellée et lui avait rapidement expliqué ce qui était arrivé la veille.
« Et cette fois, est-ce que tu comptes faire quelque chose ? »
Hariel souffla avec énervement avant de répondre.
« Non. Je n'ai pas le temps. »
« Pas le temps ? Mais tu ne vois pas ce qu'elle fait ? Elle a essayé de me torturer avec cette plume ! Et je ne suis même pas sûr que celle que je lui ai confisquée soit la seule qu'elle possède ! Et si elle les utilise sur d'autres élèves ? Et même si ce n'est pas le cas, elle pourra toujours trouver autre chose ! Tu es le seul qui peut faire quelque chose ! Tu n'as pas le droit de ref… »
« Hermione ! » S'écria soudain Hariel. « Est-ce que tu imagines un peu tout ce que j'ai à faire ? En plus de jouer les élèves modèle et stupide ici, je dois en même temps jouer le rôle du Prince dans les soirées mondaines afin de renforcer son influence et gagner des partisans. Je dois également travailler avec les Chevaliers pour créer un tout nouveau gouvernement, préparer l'entrée en bourse de la SPE Trust, écrire une thèse et tout en même temps me tenir prêt au cas où Trihexa pointerait le bout de ses sept museaux dans le Makai ou pire, sur Terre. Alors, non, je suis désolé, mais je ne peux pas tout faire ! Même pour moi c'est impossible ! »
Hermione cligna des yeux, surprise par l'éclat de son ami. En même temps, elle commença à éprouver une certaine dose de culpabilité. Elle ne s'était pas rendu compte qu'il était déjà surchargé de travail. Elle avait tellement l'habitude de le voir tout réussir facilement qu'elle s'était mise à tout rejeter sur lui.
« Je suis désolé » dit-elle.
Hariel soupira. Il était déjà plus calme.
« Je sais. Le truc, c'est que Ça ne va pas s'arranger quand je serai sur le trône. Ça veut dire que tu vas devoir apprendre à te débrouiller toute seule, à prendre tes propres décisions sans me consulter. Surtout si elles concernent ton peuple. »
Hermione sentit sa gorge se serrer. C'est vrai. Elle était reine à présent. Cela s'assortirait sans doute de devoirs. Sans compter ceux de Grande Prêtresse. Mais elle ignorait ce que c'était. Il n'y avait pas de livres pour expliquer cela, pas de manuel. L'unique moyen pour elle de savoir ce qu'il fallait faire c'était de solliciter des réponses de ceux qui en avaient déjà la charge. Ceux qui régnaient déjà sur la Faerie et celles qui avaient assumé la charge d'être servante de la Déesse avant elle… ou peut-être même qu'elle pourrait demander à la Déesse elle-même.
« Très bien » dit-elle finalement, un air à la fois décidé et fataliste sur le visage. « Je… je vais m'occuper d'Ombrage. Je vais trouver une solution. »
Percevant le désarroi de son amie, Hariel se pencha et lui prit les mains.
« Le fait que tu t'en occupes ne veut pas dire forcément que tu doives t'en occuper seul » dit-il. « Je suis sûr que Dean serait ravi de t'aider. »
Hariel retint un ricanement en la voyant rougir.
« Et je suis certain que Draco ou Proteus le feraient également. Même Ginny ou Luna ou même Ron. Et si tu as besoin de conseils, je suis là. Je ne serais peut-être pas toujours en mesure de t'assister, mais au moins on pourra parler. »
Hermione eut un petit sourire.
« Merci » dit-elle.
Elle allait reprendre le sachet contenant la plume quand Hariel le récupéra sous son nez.
« Je pense que je peux tout de même remettre ça à Mme Bones pour toi » dit-il.
« Je croyais que tu n'avais pas le temps. »
« D'agir ici. Mais je dois la rencontrer pour m'assurer de son soutien. J'en profiterai pour lui donner la plume. »
« Tu penses que ça suffira ? »
Hariel souffla.
« Non. Pas encore. Elle a le soutien de Fudge. Les deux mois d'été où je n'étais pas là lui ont été favorables en termes de popularité. »
« Mais le Tournoi des Trois Sorciers qu'il a organisé a pourtant été un fiasco » s'indigna Hermione. « Personne n'a vraiment gagné. »
« À nos yeux, oui, mais aux yeux du Monde Sorcier, parmi les vainqueurs il y avait les deux de Poudlard contre une de chacune des autres écoles. Ils se fichent que ce ne soit pas régulier. Pour eux, Fudge a fait un coup d'éclat. Et les perturbations que Dumbledore et moi avons causées par la suite lui ont permis de renforcer son influence en rassurant le peuple. D'ailleurs, le fait que Voldemort reste muet ne fait qu'ajouter de l'eau à son moulin. »
« Mais c'est délibéré de sa part, non ? Voldemort, je parle. Il reste caché pour donner aux gens un faux sentiment de sécurité. »
« Oui, est aussi pour se débarrasse de ses ennemies. Si Dumbledore et moi sommes jetés de la scène alors, il pourra revenir tranquillement. »
« Et même si les Sorciers vous supplient d'intervenir, il doit penser que vous serez trop blessés pour accepter » rajouta Hermione, pensive.
« Probablement » acquiesça Hariel.
Puis il sourit.
« Personnellement, Je ne vais pas m'en plaindre. Qu'il se fasse discret m'arrange. J'ai déjà beaucoup trop de choses à faire pour m'intéresser à lui. »
Hermione ricana à ces mots.
« Je t'imagine très bien en cas d'attaque lui dire de revenir plus tard parce que tu es trop occupé. »
Hariel ricana à son tour. Il espérait juste que son amie n'ait pas remarqué qu'il était forcé. Que les actions de Voldemort ne soient pas visibles ne voulait pas dire qu'il n'était pas actif. Et il était prêt à parier que cela avait à voir avec les étranges rêves qu'il faisait depuis son retour du passé, des rêves de portes et de longs couloirs…
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Dean soupira.
Deux jours. Cela faisait à peine deux jours et il en avait déjà assez de l'école. La plupart des professeurs leur avaient dit à quel point cette année allait être dure afin de les préparer aux BUSEs. Dean avait été assez inquiet à ce sujet, mais il s'avérait que ce n'était pas du tout nécessaire. Les cours étaient simples. Très simples. Trop simples.
Dean avait toujours été un bon élève. Il travaillait suffisamment pour avoir de bonnes notes à Poudlard et aussi pour ses cours privés des vacances. Cependant, ça, c'était avant son aventure sur Dakara.
Afin de permettre à son esprit de supporter la masse d'informations qui avaient été téléchargées dans sa tête, Ahiram avait dû graver à même la peau de son crâne de puissantes runes qui avaient énormément augmenté ses capacités cérébrales. Il ne l'avait pas remarqué au départ, mais depuis la rentrée, c'était très clair : non content d'avoir une bien plus grande mémoire, son intelligence pure s'était accrue. Il lisait plus rapidement, comprenait des concepts assez complexes (comme ceux expliqués dans le manuel de Défense) bien plus vite et raisonnait avec une plus grande clarté qu'il ne l'avait jamais fait.
En clair, il s'ennuyait en cours. Grâce à sa mémoire, des informations qu'il ne croyait pas avoir retenu des années précédentes étaient là, bien fraîche dans son esprit. Et celle qu'il lisait à présent dans ses livres de cours demeurait aussi vive qu'au premier instant. Avec ça, il savait que les BUSEs, et même les ASPICs étaient dans la poche, comme Hariel m'avait prévu. Il lui suffisait de lire tous ses manuels de cours plus quelques autres conseillés par les professeurs et de pratiquer un peu pour réussir les premiers. Avec quelques efforts et lectures supplémentaires, il pourrait atteindre le niveau des seconds et après… après il espérait que cela tiendrait toute l'année parce que sinon il allait drôlement s'ennuyer.
C'était à se demander comment faisait Hariel les années précédentes… Quoiqu'en y réfléchissant bien, il semblait toujours faire quelque chose de personnel comme rédiger une thèse, lire des livres de médecine pour se détendre, programmer une intelligence artificielle meurtrière… Hermione était dans le même cas. Elle avait son projet de Potion et aussi celui de créer des boucliers contre les Impardonnables. Il y avait aussi ses préparatifs pour les différentes fêtes celtiques tout le long de l'année. Et puis à présent, il était sûr qu'elle allait également militer contre Ombrage.
Bref, lui aussi devait se trouver rapidement un projet pour éviter de périr d'ennui.
À ce moment-là, Dean se frappa le front. Mais bien sûr. Il en avait déjà un de projet. Les Runes de Chair. Il s'était passé tellement de choses, il y avait eu tellement de révélations et de moments forts depuis deux semaines qu'il avait oublié l'un de ses principaux objectifs. Tout ce qu'il lui restait à faire, c'était travailler avec Ahiram pour apprendre les principes de cette technique et les appliquer pour répliquer les symboles qu'Hariel avait tracés sur sa poitrine plus de deux ans auparavant, mais en les gravant directement dans sa peau.
« Où tu vas ? » Lui demanda Seamus alors qu'il se levait de son fauteuil.
« Je… je vais me coucher » répondit-il à son ami. « Je suis claqué. »
« Oh, je vois » dit l'Irlandais avec un sourire grivois. « T'as une petite crampe. »
« Hein ? » Couina Dean en écarquillant les yeux.
« Oh ça va, je dirais rien, ça arrive à tout le monde d'être une peu tendue. Juste, ferme bien les rideaux au cas où Neville ou moi on remonterait. Pas que ça me dérange de te surprendre le poireau à l'air, mais faudrait pas traumatiser notre petit Neville. »
Dean, le visage en feu, ne répondit pas. Il tourna les talons et se précipita vers l'escalier menant aux dortoirs.
« Te trompe pas de côté » entendit-il derrière lui.
C'était toujours Seamus qui le fixait avec un air goguenard. Il avait crié à travers la salle commune de Gryffondor, attirant les regards de ceux qui s'y trouvaient encore, notamment des filles qui le scrutaient avec suspicion. Dean jeta une œillade noire à son camarade de chambre avant de se précipiter sur l'escalier de gauche. Il gagna rapidement le dortoir dédié aux cinquièmes années et souffla en fermant la porte derrière lui.
Décidément, Seamus ne changeait pas. Il avait toujours été moqueur et bruyant. Avec la puberté, il était en plus devenu extrêmement grivois. Mais bon. Ce n'était jamais méchant. Et puis s'il agissait comme d'habitude avec Dean, cela voulait dire qu'il ne se méfiait pas de lui à cause de ses liens avec Hariel.
Il soupira.
Seamus faisait partit de ceux qui croyaient ce qui se disait dans la Gazette. Sa mère était une Sorcière donc il avait été abreuvé des mensonges du Ministère pendant tout l'été. Dean avait été tenté d'essayer de lui parler le jour de la rentrée. Sa réaction avait été assez violente. Il n'avait pas attaqué Dean ou même insulté, mais il s'était mis en colère et était tout simplement partit. Heureusement, dès le lendemain, tout était redevenu normal, mais après ça, il avait abandonné l'idée de le raisonner. Il ne voulait pas se brouiller avec son ami.
Chassant ses idées noires, il se dirigea vers son lit, s'assit sur le matelas et scella ses rideaux d'une seule pensée. Bien sûr, ce n'était pas pour faire ce que Seamus croyait qu'il allait faire. C'était juste pour s'isoler.
« Ahiram ? » Appela Dean. « Tu es là ? »
« Bien entendu. Où veux-tu que je sois ? » Demanda l'esprit du vieil homme dans sa tête.
« C'était juste… pour savoir » balbutia son hôte. « J'aimerais que tu m'apprennes vraiment les Runes de Sang… sauf que je ne sais pas comment on va faire. »
« Le mieux serait sans doute que tu me rejoignes. »
« Tu veux dire… dans ma chambre ? »
Il n'y était pas retourné depuis son départ de Dakara. Habituellement, il communiquait juste avec son colocataire par la pensée. Il ne savait même pas vraiment comment faire. Pourtant, décidé à essayer, il s'installa confortablement sur son matelas et ferma les paupières. Il se concentra alors sur l'image de sa chambre, ou plutôt de celle qu'il avait aperçue dans son esprit et souhaita s'y rendre pour retrouver le vieil homme qui se trouvait dans sa tête.
Il se rendait compte tout de même que c'était assez gênant que quelqu'un partage ses pensées et puisse regarder par ses yeux. Cela voulait dire qu'il pouvait voir quand il… enfin, qu'il faisait la chose que Seamus avait insinué qu'il allait faire. Il devait même savoir quand il ne faisait qu'y penser.
« Dans ces cas-là, j'évite de regarder » grogna une voix près de lui.
Surpris, Dean ouvrit les yeux. Il cligna des paupières quelques instants en voyant un plafond blanc et non pas le baldaquin de son lit. Il regarda autour de lui et vit qu'il avait réussi. Il était à présent bien dans la réplique de sa chambre qui se trouvait dans son esprit. Enfin, à quelques détails près. Dean avait déjà remarqué qu'elle était plus importante et plus remplie que l'originale. Merlin lui avait dit qu'il représentait les changements de sa psyché. Il était donc normal qu'elle prenne de l'ampleur à mesure qu'il grandissait lui-même.
Il regarda autour de lui. Il n'était venu ici que deux fois et à chacune d'elle, il n'avait pas vraiment eu le temps de détailler les lieux. De forme approximativement carrée avec une porte menant à un couloir et une autre ouvrant sur un placard. Son lit se trouvait du côté droit de l'entrée, au milieu contre le mur avec en face un bureau et une bibliothèque. À gauche de son lit se trouvait une étagère avec des magazines et des modèles réduits.
D'ordinaire, il y avait des affiches de joueurs de foot, mais elles avaient disparus, remplacées par des cadres photos avec des souvenirs. Plusieurs représentant ses parents, Hariel et Hermione étaient posés sur sa table de nuit. Sa bibliothèque était remplie. Plus que d'habitude. Quant aux modèles réduits, certains reproduisaient des objets connus et d'autres moins. Ils devaient provenir des connaissances de Merlin.
D'ailleurs, en parlant de ça, son regard se tourna vers sa droite. Là où normalement devrait se trouver sa fenêtre, il y avait une porte. Elle ressemblait aux deux autres, mais Dean savait qu'elle était différente. Derrière, il y avait une véritable tempête de savoirs anciens et complexes. À certains moments, la porte s'ouvrait pour en laisser passer quelques-uns au fil des pensées et interrogations de Dean. C'était Ahiram qui était chargé de la refermer et d'ordonner les connaissances afin qu'elles n'envahissent pas l'esprit de son hôte.
D'ailleurs, en parlant du vieil homme, celui-ci se trouvait au pied de son lit, le regardant avec énervement.
« Tu es venu pour apprendre ou pour admirer le paysage ? » Grogna-t-il.
« Désolé » grimaça Dean. « C'est juste que je ne m'étais jamais vraiment rendu compte de comment c'était ici. »
« Il n'y a pas grand-chose à voir » renifla Ahiram.
La chambre faisait bien deux à trois fois le volume de l'originale et pratiquement aucun des murs n'était visible. Ils étaient soit remplis de photos, soit recouverts par la bibliothèque et la grande étagère. Il était probable donc que celle-ci augmentait en taille à mesure qu'il emmagasinait et assimilait souvenirs et connaissances. Cependant, cela restait un mouchoir de poche par rapport aux grands espaces dont l'homme avait l'habitude.
« Tu ne t'ennuies pas trop ? » Lui demanda Dean.
Ahiram haussa les épaules.
« J'ai beaucoup à faire avec les connaissances Alteranes… ainsi que les tiennes. »
Directement branché à son esprit, l'ancien membre d'un peuple peu développé avait rapidement assimilé la civilisation de son hôte. Il en savait à présent à peu près autant que lui sur l'époque moderne et surtout sur ses codes. Son apparence s'en était d'ailleurs trouvée modifiée. Ayant accès à la mémoire maintenant parfaite de Dean, il avait pu avoir un aperçu de la mode en vogue à cette époque. Il avait cependant opté pour un style assez daté consistant en un costume en tweed gris avec chemise et gilet, un peu comme un vieil universitaire. Il lui aurait été facile d'avoir n'importe quelle apparence même une plus jeune, mais il avait conservé ses traits originels et trouvait que cette tenue était plus en accord avec son âge vénérable. Dean n'avait rien dit. Il n'en avait pas besoin, Ahiram savait ce qu'il pensait.
« Et puis, je peux visiter le château également » poursuivit-il.
« Le château ? Quel château ? » S'étonna Dean.
« Pourdlard, bien sûr » dit Ahiram.
Il se dirigea vers la porte de la chambre et l'ouvrit. Dean se leva de son lit et le rejoignit. Celle-ci débouchait bien sur un couloir, mais c'était loin d'être celui de chez ses parents. Il pencha la tête à l'extérieur pour regarder le vaste corridor au sol dallé de pierres lisses et aux murs formant des dentelles minérales jusqu'au plafond et garnis de larges baies vitrées au travers desquelles il pouvait voir un parc bien connu.
C'était bien Poudlard. Mais comment ? Pourquoi ? Est-ce qu'il était fait de ses souvenirs ?
« Je crois, oui, en quelques sortes » répondit Ahiram à sa question informulée. « Le château était déjà là quand je suis arrivé. En sondant ta mémoire, j'ai vu quelque chose en rapport avec l'Occlumencie. »
Dean cligna des yeux quelques instants avant de comprendre. Mais oui, bien sûr. Cela datait de sa deuxième année à Poudlard. Hariel lui avait appris comment se protéger mentalement au cas où Dumbledore essayait de fouiller. Il avait appelé cela « Occlumencie »… Enfin, c'était le nom que donnaient les Sorciers à cette pratique.
Le but était de créer une sorte de mur pour isoler son esprit du reste du monde. Son cousin était allé plus loin que ça. Il lui avait expliqué qu'il devait enfermer son esprit dans une construction psychique qui servirait à la fois de défense et de piège pour toute personne qui tenterait de s'introduire en lui. À cette époque-là, il se souvient qu'il avait imaginé se dissimuler au centre de la forteresse que représentait Poudlard. Mais comme il n'avait jamais eu besoin de reconstruire ses murs, il l'avait complètement oublié.
Hariel lui avait appris à se défendre mentalement pour qu'il puisse conserver ses secrets. Cette technique avait d'autant plus été nécessaire à partir du moment où il avait commencé à prétendre espionner son cousin pour le compte du directeur. Se trouvant souvent en tête à tête avec lui, il aurait été logique qu'il tente de voir si ce que disait son espion était vrai. Cependant, l'orgueil du vieil homme était tel, il était tellement sûr d'avoir réussi à persuader Dean et que celui-ci ne songerait même pas à lui mentir qu'il n'avait jamais essayé. Les murs de son château mental étaient donc intacts de même que les souvenirs qu'il avait mis à ses abords pour le tromper et qui avaient l'apparence de feux follets sur l'herbe du parc.
Grâce à eux, si Dumbledore avait tenté de regarder dans sa tête, il aurait vu une version édulcorée de la vie de Dean mise en place spécialement pour le rassurer. Après, s'il avait cherché à aller plus loin, il se serait heurté aux protections. Bien sûr, cela aurait démasqué Dean, mais ses secrets auraient tout de même été à l'abri.
Le jeune garçon s'avança dans le couloir. Jusque-là, sa forteresse avait plus tenu de l'imaginaire qu'autre chose. Cependant, une fois qu'il se trouvait lui-même au fond de son esprit, sa création retrouvait sa splendeur et son ampleur.
Un bruit soudain fit alors sursauter Dean. Il se retourna brusquement. Ahiram était sorti à sa suite et la porte de sa chambre était close.
« Pourquoi l'avoir fermé ? » Demanda-t-il.
« Ce n'est pas moi » répondit le vieil homme. « Elle se referme toute seule quand plus personne n'est à l'intérieur. »
Il eut un léger rictus.
« Et si tu essayais de la rouvrir. »
Dean fronça les sourcils et avança prudemment la main. L'expression de son mentor ne lui disait rien qui vaille. Est-ce que la porte était verrouillée ? Quand il fit pivoter la poignée, il se rendit compte que ce n'était pas le cas. Cependant, quand il la poussa il vit que derrière se trouvait une salle de classe.
« Que… où… » balbutia-t-il.
« Ailleurs. Elle se balade » répondit Ahiram. « Ça m'a surpris moi aussi. »
« Elle se balade ? Comme certaines pièces de Poudlard ? »
« En quelque sorte. Je pense que c'est un système de défense pour éviter que des intrus y pénètrent. »
« Des intrus, et moi également » grogna Dean.
Est-ce qu'il pouvait ressortir de son esprit sans passer par la chambre ? Et si non, est-ce qu'il allait devoir fouiller tout le château et ouvrir toutes les portes pour la retrouver ?
« Dans l'ordre, "je ne sais pas" et "non, ce ne sera pas la peine" » répondit Ahiram ayant une nouvelle fois entendu ses pensées. « C'est ton esprit. Tu peux décider comment les choses fonctionnent. »
Dean hocha la tête. Il referma la porte. Il réfléchit quelques instants et focalisa son attention sur sa chambre. Il voulait qu'elle soit derrière cette porte. À nouveau, il enclencha la poignée et la poussa. Cette fois, c'était bien sa chambre.
« Une bonne chose de faite » grogna Ahiram avant de s'avancer vers le bureau.
Un sac était suspendu à la chaise. Dean le reconnut. C'était la besace en peau que l'homme traînait toujours avec lui sur Dakara. Il fouilla à l'intérieur et en sortit un livre.
« Voilà. Il s'agit de mes connaissances sur les Runes de Chair » dit-il. « Je vais m'en servir pour te les enseigner. »
« Pourquoi ne pas simplement les intégrer à ma bibliothèque ? » Demanda Dean.
« J'ai essayé, mais… »
Ahiram approcha de la bibliothèque et tenta de glisser le livre sur un rayonnage. Cependant, c'était comme s'il était bloqué et que sa main tremblait, mais refusait d'avancer plus loin. C'était un peu comme quand on essaie de forcer des aimants à polarité identiques ensemble.
« Au départ, je pensais que c'était parce qu'il s'agissait de mes souvenirs personnels et que je ne pouvais pas les transférer comme ça. Mais après, j'ai réussi à les copier… »
Il prit le livre à deux mains et tira comme pour le déchirer sauf qu'il se dédoubla sous les yeux surpris de Dean.
« Mais même la copie ne rentre pas » ajouta Ahiram en réessayant d'intégrer le livre à la bibliothèque avec le même résultat.
Il récupéra celle-ci et le jeta dans la poubelle du bureau de Dean. Celui-ci se pencha pour regarder et vit qu'elle était vide.
« Mon hypothèse est qu'étant un organisme étranger, ton esprit se protège de mon influence. »
« Quelle influence ? »
« Ma mémoire surtout, je pense. Pour éviter que nos esprits se mélangent. Ce serait embêtant si tu mettais à voir mes souvenirs comme si c'était les tiens. »
« Je vois… mais l'inverse n'est pas vrai, n'est-ce pas ? Tu peux voir mes souvenirs. »
« Parce que je suis à l'intérieur de toi. Mais je ne peux pas les assimiler. J'apprends d'eux, mais ils ne deviennent pas les miens. »
« C'est quand même pas très juste, non ? » Grommela Dean.
Ahiram ricana.
« Allez, viens » dit-il finalement. « Puisque tes protections mentales sont bâties à partir d'une école, trouvons une salle de classe afin que je puisse t'apprendre ce que je sais. »
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Quelques-uns de ses Chevaliers étaient déjà rassemblés dans le salon de Simeon quand Hariel y entra. L'année précédente, la demeure de son avocat était devenue en quelque sorte leur quartier général et le jeune Prince ne voyait pas de raison de changer ce fait.
« Tenez, écoutez ça, Arthur » dit Kelsey Prewett dès qu'il l'aperçut.
Hariel leur avait demandé de ne pas l'appeler par son titre. Il avait cependant cédé pour l'emploi de son surnom de chevalier. Bien entendu, en tant que futur roi, il ne pouvait porter que le nombre son ancêtre. Toujours est-il que Kelsey, alias Perceval, retourna la feuille de papier journal qu'il lisait. Hariel eut juste le temps de voir qu'il s'agissait du Skeeter.
« Euh… Ah ! Voilà : "il fut un temps où plaider l'Imperius était suffisant pour éviter la condamnation. C'était la belle époque, celle où la majorité des personnes ayant la Marque des Ténèbres ont pu ressortir libres de nos tribunaux. À croire que la perte de leur Maître était une punition satisfaisante. Cependant, de nos jours, ce n'est plus le cas. En cette période de "paix", une telle excuse n'est plus valable. Pourtant, que ce soit les Mangemorts ou ce pauvre homme condamné, les deux ont expliqué leurs crimes par un charme immonde. Qui a été pardonné ? Sans doute celui qui avait le plus gros coffre à la banque. D'aucuns diraient que ça ne compte pas, mais cela reste une étrange coïncidence que ceux qui ont été relâchés aient tous été membres des strates hautes de la société. Et le tout, malgré les meurtres qu'ils étaient censés avoir commis. Pas de chance pour notre condamné qui écopera de six mois à Azkaban pour une simple intrusion…". »
« L'affaire Podmore ? » Demanda Hariel.
« Oui » répondit Kelsey. « C'est brillant. C'est vous qui lui avez dit d'écrire ça ? »
« Je lui ai simplement fait passer les informations sur Sturgis Podmore. Le reste vient d'elle. »
« Et bien, même si ça me fait mal de l'avouer, notre "amie" Rita a su se montrer digne de votre confiance par ce seul article. »
« C'est un peu osé, cependant » intervint Baldwin Shaklebolt.
« C'est son style » fit remarquer Hariel. « Vous désapprouvez ? »
« Seulement la forme. Le fond, en revanche, est assez bien joué. Les décisions du Ministère de l'époque n'avaient pas beaucoup plu à la population, mais les protestations se sont perdues dans l'ivresse de la fin de la guerre. »
« Je me demandais » dit Hariel. « Est-ce que vous pensez que la Ministre Bagnold a touché des pots-de-vin pour favoriser la libération des Mangemorts comme Lucius Malefoy ? »
« Je ne crois pas… » dit pensivement Baldwin. « Des pots-de-vin, il y en a eu, ça, c'est certain, mais je doute qu'ils se soient retrouvés dans la poche de Millicent. Ce n'était pas son style. »
« Trop intraitable ? »
« Non. Trop incompétente » intervint Diantea.
« Je n'aurais pas formulé les choses de cette façon » grimaça Baldwin.
« Pourtant c'est le cas » insista la femme. « Elle a été choisie dans la dernière année de la guerre. À l'époque, le Ministère était gangrené par les sympathisants de Vous-Savez-Qui ou tout simplement les profiteurs. Ils ont poussé Bagnold à se présenter afin de pouvoir la manipuler et elle a foncé dans le panneau. Fort heureusement… »
« J'ai tué Voldemort avant qu'il ne lui fasse faire trop de dégâts » acheva Hariel.
« Ça ne l'a pas empêché d'en faire par elle-même » reprit Diantea. « Les célébrations de la fin de la guerre ont donné lieu à une brèche de grande envergure du Statut du Secret. »
« Il y a eu tellement de hiboux échangés cette nuit que les Sapiants les ont remarqués et les gens sont sortis dans les rues sans se déguiser » grogna Fiermont qui avait saisi la conversation au vol. « Des petits malins ont même simulé une pluie d'étoile filante. »
« Il y a eu des condamnations ? » Demanda Hariel.
« Non » siffla le doyen. "La Confédération Internationale des Sorciers a voulu donner un blâme à Bagnold, mais elle a défendu le « droit inaliénable des citoyens à faire la fête ». Vieille cruche."
À ce moment-là, Spencer Bradley entra dans la pièce accompagnée des Diggory. Ils avaient dû arriver en même temps.
« Je pense que nous sommes tous là » dit alors leur hôte, Simeon.
Hariel hocha la tête et annonça le début de la réunion. La dernière fois, il leur avait demandé de préparer à cette occasion un rapport sur leurs activités passées et en cours. La présentation était assortie de documents servant de résumé. Hariel voulait que tous ses Chevaliers soient au courant de ce que les autres faisaient. Dans un bon gouvernement, personne ne pouvait travailler dans son coin. Ce n'était pas comme ça que ça fonctionnait. Il fallait que la communication soit fluide entre les différents organismes afin que la gestion de l'état le soit également. Or, pour le moment, ce nouveau gouvernement se composait uniquement d'Hariel et de ses Chevaliers. Il était donc nécessaire de commencer rapidement les bonnes habitudes.
« Ah, au fait Ruther… hum, Yvain, j'ai quelque chose pour vous » dit Hariel quand celui-ci eut fini sa présentation.
Dans un éclat de lumière, un dossier apparut dans sa main. Il le fit flotter jusqu'à Rutherford qui s'en saisit et l'ouvrit pour prendre connaissance du contenu.
« Ce sont quelques idées que j'ai eues pour Poudlard » dit-il alors que son Chevalier feuilletait le document. « Puisque j'y suis en ce moment, je me suis dit que je pouvais commencer par ça. »
« Je vois, je vois… » dit l'homme. « Apparemment, vous avez l'intention de faire des changements en profondeur… »
« Nous allons changer le gouvernement, alors pourquoi pas aussi le système scolaire. »
« Changer le programme c'est une chose. Je m'y suis déjà attelé avec quelques experts choisis pour leur discrétion. D'ailleurs, je leur ferai part de vos idées pour modifier celui existant et ajouter des matières » dit Rutherford en agitant le brouillon qu'Hariel avait rempli quelques jours plus tôt en cours d'Histoire. « Mais là, c'est le fonctionnement de l'école elle-même que vous voulez changer. »
Il feuillette le dossier.
« Mise en place d'une interdiction de triple emploi ? »
« Ça, c'est spécialement pour McGonagall. Elle est à la fois sous-directrice, professeur de Métamorphose et directrice de la maison Gryffondor. C'est trop. À cause de ça, sa maison est la moins supervisée. Et je ne parle pas des fois où elle doit remplacer le directeur parce qu'il est en déplacement. L'idéal serait que les administrateurs n'aient pas de double emploi, mais je me contenterai du fait que la sous-directrice passe le relais de directrice de maison à quelqu'un d'autre. »
« Hum. Je vois… ensuite… annuler la coupe des quatre maisons ? »
« En fait, la remplacer par plusieurs autres prix en fonction des types de points. »
« Des types de points ? » Demanda Linea.
« Actuellement, les points des maisons sont donnés et enlevés en fonction des réussites scolaires et de la bonne conduite auxquels sont ajoutés les points gagnés lors des matchs de Quidditch. Le résultat est biaisé parce que le Quidditch fausse la donne. Il permet d'obtenir trop de points. Ça veut dire qu'une maison qui n'a pas un bon comportement ni de facultés académiques peut quand même gagner le Coupe des Quatre Maisons. Surtout si elle a aussi la Coupe de Quidditch. C'est l'une des raisons pour lesquelles Serpentard a gagné les deux pendant des années. »
Ça et la manie de Severus d'avantager sa maison au détriment des autres.
« Donc, ce que vous voulez dire, c'est que le système de point est biaisé » en conclut Lionel Diggory.
« Tel qu'il est, oui. À l'époque des Fondateurs, le Quidditch n'avait pas l'importance qu'il a aujourd'hui. L'école ne le pratiquait pas. Quand il est devenu plus célèbre, les directeurs l'ont ajouté au curriculum et modifié le système de points ce qui a rendu son but premier obsolète. »
« Donc vous voulez diviser les "types" de points afin de créer plusieurs compétitions bien différenciées ? » Conclut Rutherford.
« Oui. Au moins trois. Ça permettra sans doute à plusieurs maisons de se partager la palme chaque année et on évitera d'en célébrer une seule au détriment des autres. »
C'était, à son avis, l'un des points majeurs qui avait causé la fracture entre les quatre maisons de Poudlard. Chaque année, l'une d'elles était fêtée et les accomplissements des autres, oubliés. Si elles pouvaient toutes partager des prix particuliers, alors les tensions pourraient s'amoindrir.
« Je vois que vous voulez également proposer des cours de… d'éducation… sexuelle ? » Reprit Rutherford.
À ces mots, tous se tournèrent vers Hariel, surpris et choqués.
« Oui. Et dès la première année » confirma celui-ci sans se démonter.
« Mais… vous… vous voulez que des enfants de onze ans apprennent ce qu'est le sexe ? » Balbutia Diantea.
Hariel se retint de ricaner. Il avait même réussi à la choquer elle.
« Vous pensez vraiment que des enfants de onze ans ne savent pas ce qu'est le sexe ? C'est mignon. Mais le problème n'est pas là. Le problème c'est que vous assimilez automatiquement la notion d'éducation sexuelle à celle de l'activité sexuelle. Ce qui est faux. C'est bien plus que ça. »
« Comment ? » Demanda Fiermont.
« Il y a une grande part de biologique. Reproduction, contraception, puberté, maladie sexuellement transmissible ainsi que les connaissances de l'anatomie des deux sexes. »
« Mais est-ce que c'est vraiment nécessaire ? » Demanda à son tour Cassiopée McMillan. « Ils sont un peu jeunes pour la contraception. Ils ne vont pas déjà faire… vous savez ? »
« Et puis à quoi bon apprendre une anatomie qui n'est pas la leur » reprit Aaliyah Shafiq en rougissant à l'idée de garçons apprenant tout sur les moindres secrets de l'intimité féminine.
« Tout d'abord, on ne sait pas quand ils vont faire "vous savez". Les préparer à l'avance est nécessaire pour qu'ils sachent comment le faire quand ce sera le moment. Ils doivent pouvoir s'habituer et trouver ça normal afin que cela soit fait naturellement. Imaginez si quelqu'un se trouve enceint à l'école ? Je suis sûr que c'est déjà arrivé. »
« Et bien oui… » dit Rutherford. « Mais le règlement interdit ce genre de comportement. »
« Sauf que nous parlons d'êtres humains. La sexualité fait partie de nos besoins naturels et ce n'est pas quelques règlements qui vont les arrêter. Surtout s'il s'agit d'adolescents. »
« Donc vous voudriez supprimer ces règles ? » Demanda Simeon. « Vous n'avez pas peur qu'il y ait des débordements ? »
« Vous voulez dire des viols ? C'est possible. Mais c'est en partie sur ça que se concentre le reste du programme. Comme je l'ai dit, ce n'est pas seulement de biologie dont il est question. Il y a également tout un pan qui concernerait le côté juridique et social. Cela comprend la notion de consentement, ce que dit la loi sur le viol, mais aussi la discrimination sexuelle, le harcèlement, etc. Et également tout ce qui a trait à l'égalité homme femme. »
L'assemblée le regardait avec insistance. On sentait encore une certaine incrédulité, mais Hariel savait qu'il avait marqué des points.
« Et il y a également tout un volet psycho-émotionnel conséquent » reprit-il. « Tristan, vous avez demandé en quoi le fait que les enfants apprennent d'autres anatomies que la leur était important. Ça l'est, car cela permet de développer la connaissance et le respect naturel pour l'autre sexe. Toute cette éducation a également pour but d'accroitre l'estime de soi, de son corps et le respect de celui des autres. De leur corps, mais aussi de leur identité de genre ou orientation sexuelle. »
« Mais est-ce vraiment à l'école de faire ça ? » Demanda Rutherford. « De tels sujets… intimes ne devraient pas être évoqués en dehors du cercle familial. »
« Et c'est là que vous faites erreur. Cela ne ferait que marquer la sexualité de tabous. Si personne n'en parle, cela amène justement aux problèmes comme les grossesses d'adolescents, les viols, le sexisme, l'homophobie, la transphobie… Alors oui, parler de sexe peut être gênant, mais ça ne doit pas être honteux. »
Hariel s'arrêta pour fixer chacun de ses Chevaliers. Ceux-ci semblèrent réfléchir quelques instants avant de hocher la tête.
« Autre argument contre l'apprentissage de la sexualité à la maison est que les parents ne sont pas formés à ça » reprit-il. « Et les professeurs non plus. Il faut pour cela des spécialistes, des gens éduqués sur ce sujet. »
Ce qui serait sans doute le plus difficile à trouver dans le Monde Sorcier Britannique. La solution serait peut-être d'aller les chercher ailleurs.
« Je pense que je vous ai donné matière à réflexion pour quelque temps » dit finalement Hariel. « On va donc pouvoir passer à la suite. Euh… Spen… Cynon ? Je crois que c'est à vous. Comment est-ce que le mouvement social avance ? »
« D'un point de vue théorique ça va » répondit le jeune homme. « J'ai rédigé des conventions collectives et particulières qu'il faudrait faire adopter, mais vu que nous ne sommes pas protégés par un droit du travail… »
« Pas encore » précisa Hariel. « Vous pourriez travailler là-dessus pour que nous l'intégrions à la Constitution. »
« Surtout que je vais avoir le temps… » grogna Spencer.
« Pourquoi ça ? »
Le jeune homme soupira.
« Je suis au point mort au niveau du mouvement syndical à proprement parler. Je n'arrive pas à intéresser mes collègues. »
« Ils ne souhaitent pas un système hiérarchique plus juste ? » Interrogea Linea.
« La plupart se contentent de ce qu'ils ont. Soit ils ont été découragés, soit ils n'ont aucune volonté de faire carrière parce qu'ils sont entrés au Ministère par défaut. »
« Comment ça ? » Demanda Baldwin.
« Et bien, ils ne savaient pas quoi faire après l'école ou ils ne savaient pas bien les diplômes qu'il leur faudrait pour faire carrière et n'ont pas obtenu les ASPICs nécessaires. Et comme les emplois du Ministère ne requièrent pas toujours de diplôme, ils ont postulé pour avoir un travail. »
« Mais il y a pourtant un rendez-vous d'orientation en 5e année, non ? »
« Parce que vous vous savez ce que vous voulez faire plus tard à 15 ans ? » Demanda Spencer, sarcastique, en rejoignant la pensée qu'Hariel avait eu quelques jours plus tôt.
« Le problème » intervint celui-ci, « c'est que les jeunes Sorciers ne sont pas du tout au courant des différentes options de carrière quand ils sont à l'école. Dans n'importe quel établissement scolaire Sapiant, il y aurait de la documentation sur les choix possibles ou un professeur spécialisé pour les renseigner. C'est obligatoire. À Poudlard, les élèves doivent déjà savoir ce qu'ils veulent faire quand ils rencontrent leur directeur de maison. »
« Donc il faudrait que l'école dispose d'une telle documentation à l'avenir… » dit sensiblement Rutherford.
« On pourrait même aller plus loin et organiser un salon des métiers. »
« Qu'est-ce que c'est ? » Demanda Simeon.
« Une manifestation publique dans laquelle différents corps de métiers sont invités à monter un stand et envoyer des intervenants pour les représenter. Pareil pour les établissements d'éducation supérieure. »
« Intéressant… » dit Rutherford. « Cela permettrait non seulement aux élèves de pouvoir obtenir des informations factuelles auprès de gens faisant vraiment le métier qui les intéressent, mais aussi aux intervenants de faire une sorte de démarchage. De nombreux corps de métier sont tombés en désuétude parce que les gens les connaissent mal. C'est le cas de la fabrication de baguettes. Garrick commence à se faire vieux, mais il n'a personne pour reprendre sa boutique. C'est un problème grave. »
Hariel avait pour projet de mettre en place l'apprentissage systématique de la magie sans baguette à l'avenir donc c'était moins alarmant que ce que pensait le Chevalier. Cependant, c'était un bon exemple. Si certains élèves pouvaient entrer en contact avec Ollivander ou tout autre artisan méconnu pour qu'ils lui parlent de leur métier, alors il était possible que ça intéresse certains indécis. Et même d'autres ayant déjà pris une décision.
Hariel souhaitait créer un pays où les gens pourraient devenir ce qu'ils voulaient.
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Simeon soupira. La réunion venait de finir et il avait l'impression d'avoir encore plus de travail qu'auparavant. Heureusement, il allait bientôt pouvoir se reposer un peu sur d'autres personnes. Pendant l'été, il avait pris contact avec Eugenia Jenkins, l'ancienne Ministre de la Magie devenue avocate des droits civils qu'il avait rencontrée pour la première fois lors du bal de Noël du Ministère. Fiermont pensait qu'elle était trop exaltée pour faire partie de leur association secrète. Cependant, les choses étaient un peu différentes à présent.
En effet, l'implication de certains membres de leur groupe avec le Prince allait commencer à être connue. Il avait été décidé que, pour ce qui était des nobles, chacun serait amené à l'accompagner à l'une ou l'autre des réceptions auxquelles il allait devoir faire honneur cette année-là. Comme cette fois-ci sa campagne pour le trône était officielle, il était temps pour ses associés de se dévoiler. Ils pouvaient donc ainsi plaider sa cause librement auprès d'alliés potentiels de même que servir d'intermédiaire aux gens spontanément intéressés.
De plus, cela leur permettait de rassembler plus facilement des partisans afin de les assister dans leurs tâches. Les "experts" de Rutherford chargés de l'aider à créer un programme scolaire innovant étaient dans ce cas. Et il n'était pas le seul à avoir son propre "cabinet" à présent. C'était pour cette raison qu'il avait fait appel à Eugenia Jenkins. Elle avait l'expérience et les contacts. Grâce à elle, il avait pu rassembler plusieurs avocats et spécialistes juridiques de différents horizons et domaines de compétences afin de travailler ensemble sur la tâche qui lui était allouée et pour laquelle il avait énormément besoin de soutien : rédiger un nouveau texte de loi.
Bien entendu, tout cela était encore secret et ceux qui étaient impliqués dans le projet avaient tous signé un contrat magique de non-divulgation. Ils ne pouvaient pas risquer que la population, surtout dans le camp de Fudge ou des suprémacistes de sang sache qu'ils comptaient modifier les textes législatifs en profondeur. Le mot d'ordre d'Hariel était l'égalité pour tout et tout le monde, quel que soit la race, l'affliction ou le statut de sang. Bien entendu, cela n'allait pas plaire à tous. Pourtant ce projet avait été accueilli avec enthousiasme par Eugenia dont les droits des non-Sang-Purs avaient toujours été la priorité.
« Bedivere ? » Demanda Hariel alors que tous les autres étaient déjà partis.
« Votre… Arthur ? » Lui répondit Simeon. « Que puis-je pour vous ? »
« J'aimerais que vous organisiez un entretien privé pour moi avec Amelia Bones. »
« Euh… très bien » répondit l'avocat. « Quel "vous" ? »
Hariel se tourna vers lui et cligna des yeux, surprit avant d'éclater de rire.
« Oui, excusez-moi » dit-il. « Pour Andrammax. J'aimerais pouvoir jauger son impartialité et lui soumettre quelque chose. »
« Très bien » acquiesça Simeon. « Je prends rendez-vous pour… »
« Demain soir, grand maximum » l'interrompit Hariel.
« De… demain soir » balbutia l'avocat.
« C'est cela, merci d'avance. »
Il lui fit un sourire et un petit signe de la main avant de disparaître dans un cercle de lumière. Simeon soupira. Encore plus de travail finalement.
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Fleur n'était jamais allée jusqu'à Paimpont et sa forêt. Elle n'en avait jamais eu l'utilité puisqu'elle n'était pas une « vraie » Veela. Et étant une Sorcière de Sang-Pur ignorante de ce que faisaient les Sapiants, elle ne s'était pas attendue à ce que ce soit aussi… animé.
En effet, la commune de Paimpont se trouvait au cœur des bois du même nom. Elle était affiliée à la ville, mais d'autres municipalités, comme Concoret, Theorenteuc ou encore Beignon s'y trouvait également. Cela faisait donc beaucoup de lieux d'habitations non magiques à l'intérieur même d'une forêt qu'elle savait pertinemment être magique.
Ironiquement, les Sapiants aussi le savaient. La forêt était, depuis le XIXe siècle, assimilée à la mystérieuse forêt de Brocéliande issue des légendes arthuriennes et où aurait notamment résidé Merlin. Cette appellation avait amené la création de nombreux sites touristiques à l'intérieur des bois relatifs au folklore qui entourait le Magicien comme le Val Sans Retour, la Maison de Vivianne et même le Tombeau de Merlin. Et qui disait site touristique, disait bien évidemment touristes.
Une telle foule n'était donc pas l'idéal pour chercher un village de Créatures féeriques comme les Veelas malgré le fait que la pleine saison soit déjà terminée. Il n'en restait pas moins pas mal de monde, notamment les autochtones. De nombreux autochtones qui regardaient la jeune femme avec insistance.
Cependant, cette fois ce devait être plus à cause de la voiture de laquelle elle était descendue que pour elle-même. Son Charme Veela s'était finalement dissipé le jeudi matin bien qu'il soit revenu à plusieurs reprises depuis. C'était comme des poussées de fièvre aléatoire sauf que ce n'était pas elle qui avait de la fièvre, mais toutes les personnes autour d'elle. Fort heureusement, en ce moment ce n'était pas le cas. C'était donc bien la magnifique Excalibur Phaéton rouge et noire prêtée par Hariel qui était en cause. Grâce à un cercle de téléportation, Heathcliff les avait amenés jusqu'à Renne. Mais c'était le plus loin qu'il pouvait aller avec la magie. Ils avaient alors effectué le reste du trajet en voiture.
Donc oui, c'était probablement l'ancien véhicule que tous fixaient. La seule autre solution serait le regard perdu et effrayé de Fleur. Elle savait que le lieu était connu des Moldus… enfin, des Sapiants. Cependant, elle ne s'était pas du tout attendue à voir autant de monde. Elle était même un peu paniquée. Elle qui avait passé toute sa vie entourée de Sorciers, tous ces gens non magiques la mettaient mal à l'aise. Surtout que la dernière fois (qui était aussi la première) qu'elle s'était retrouvée face à autant de ces gens, ils s'étaient tous ou presque mis à lui courir après.
Elle était également inquiète de trouver le village. Si toutes ces personnes habitaient ces bois depuis toutes ces années, comment n'étaient ils pas tombés dessus ? La réponse était assez évidente, bien sûr. Il devait être protégé par des sorts puissants. Plus que pour des lieux comme Beauxbâtons ou Poudlard. Les écoles étaient isolées. Ici, la population traversait la zone sans jamais trouver le village. Ce n'était pas pour rassurer la jeune fille. En effet, cela voulait dire qu'il allait être plus difficile à découvrir.
« Essaie de te fier à ta magie » lui dit Hariel.
« À ma magie ? »
« Les protections utilisées probablement de la magie typiquement Vela. Tu en es une à présent. Ça devrait t'aider. Et tu peux aussi utiliser la Vision Magique. Tu sais le faire non ? »
« Euh… oui… bien sûr » balbutia la jeune femme.
« Lié à ta nature, tu devrais être capable de trouver le village même s'il est dissimulé. »
« D'accord » soupira Fleur.
« Très bien alors, bonne chance »
« Merci »
Son interlocuteur raccrocha. Fleur regarda son nouveau téléphone portable, soupira puis le rangea dans sa poche.
« Je vais y aller, Heathcliff » dit-elle au Démon en se rapprochant à nouveau de la voiture.
« Très bien, Mademoiselle Fleur » répondit celui-ci. « Je vais rentrer à Londres, mais n'hésitez pas à m'appeler en cas de problème. »
Fleur hocha la tête et laissa partir le véhicule. Nul doute qu'elle se téléporterait dès qu'elle ne serait plus en vie de personne.
« Faire confiance à ma magie… » murmura-t-elle pour elle-même. « Plus facile à dire qu'à faire… »
Si elle devait arpenter toute la forêt, cela allait lui prendre du temps. Heureusement, Hariel avait prévu le coup et l'avait équipé pour la randonnée. Short, débardeur, chaussures de marche… elle n'avait jamais été aussi peu féminine, mais au bout de trois quarts d'heure à déambuler sur les chemins du bois, elle était assez contente de les avoir. Il faisait chaud et sa tenue légère lui permettait de sentir l'air frais qu'il y avait sous les frondaisons. De plus, elle était incroyablement confortable et pratique, surtout le short. Cela la changeait des jupes et des robes à un tel point qu'elle se jura presque de ne plus jamais en mettre et de ne plus porter ces tenues "pour garçon".
Finalement, elle émergea de la forêt au bord d'un lac. D'après le panneau explicatif qu'elle trouva, il s'agissait du Miroir aux Fées. Épuisée par plus d'efforts qu'elle n'en avait jamais faits, elle décida de se reposer. Elle s'assit sur une pierre et fit apparaître l'une des bouteilles d'eau qu'Hariel l'avait pressée d'emporter. Elle en comprenait à présent l'utilité.
Se fier à sa magie avait dit Hariel. Cela faisait pas mal de temps qu'elle marchait et elle n'avait pas senti grand-chose. Elle avait juste pris une direction au hasard en sortant de Paimpont et suivi l'un des chemins balisés. Peut-être qu'elle devait être plus "active" dans sa recherche. C'était ennuyeux parce que la Vision Magique n'était pas une de ses spécialités. Elle aurait dû s'y entraîner, mais elle avait été obligée de se consacrer à la maîtrise d'Incinerate Anthem. Du coup, elle n'était pas trop sûre de ce qu'elle voyait.
Elle voulut néanmoins essayer. Elle devait tout tenter. Elle ferma donc les paupières et se concentra quelques instants pour "activer" cette capacité. Cependant, quand elle rouvrit les yeux, rien ne semblait différent d'avant. Pourtant elle était certaine de sentir l'énergie magique fluctuer en elle. Elle soupira de frustration face à l'échec. Elle allait laisser tomber quand elle entendit quelque chose. Un chant ?
Elle désactiva sa Vision Magique et s'aperçut que le chant avait disparu. Quand elle l'activa encore une fois, il lui parvint à nouveau aux oreilles. Donc c'était bien une manifestation magique. Le terme de Vision était trompeur. Tous les phénomènes n'étaient pas visibles et chacun pouvait percevoir le même phénomène différemment. Comme il disait, l'esprit des Magiciens traduisait les informations de ce 6e sens en activant les autres. Il appelait ça la synesthésie. Toujours est-il que ce chant était bien une manifestation magique. La première qu'elle percevait. Elle ne savait pas si c'était dû à la Magie Veela, mais il n'y avait qu'un seul moyen de découvrir si c'était le cas.
Elle se releva puis se mit à longer l'étang du Miroir aux Fées par la droite. Selon les panneaux qu'elle suivait, elle se rapprochait du Val Sans Retour. Elle était tellement absorbée par le chant qu'elle ne remarqua même pas que la lumière du soleil commençait à baisser. Des chapes de brume se mirent à glisser à ses pieds sans qu'elle s'en rende compte. En fait, elle ne se rendait pas compte de grand-chose. Elle était comme hypnotisée.
Soudain, le chant cessa et Fleur reprit ses esprits. Elle cligna des yeux puis regarda autour d'elle. Elle savait qu'elle se trouvait encore dans la forêt, mais elle était entourée de brouillard. Elle tourna sur elle-même cherchant l'endroit d'où elle venait, mais elle ne s'en souvenait plus.
À ce moment-là, elle entendit un rire. Celui-ci résonna à travers la brume si bien qu'elle était incapable de savoir d'où il provenait. Il fut bientôt rejoint par un second.
« Qui est là ? » Demanda-t-elle.
Les rires redoublèrent.
« Tu entends ? Elle demande qui est là » dit une première voix.
« La pauvre chérie » répondit une deuxième.
Ces voix semblaient familières à la jeune femme, mais l'écho les déformait trop pour qu'elle les reconnaisse. Elle poussa un cri quand quelque chose lui frôla la jambe. Alors que les rires redoublaient, elle baissa les yeux, mais il n'y avait rien.
« Retarde comme elle a peur, ma sœur » reprit l'une des voix.
« Oui, alors que ce n'était qu'un petit coup de vent de rien du tout » se moqua la seconde.
« Qui êtes-vous ? » Demanda Fleur d'une voix forte. « Montrez-vous ! »
« Oh ? Tu entends, ma sœur ? La petite Fleur veut qu'on se montre ? Elle ne nous a même pas reconnues. »
La seconde voix ricana.
« Comme c'est blessant. »
Donc elles la connaissaient, se dit Fleur. Elle, cependant, n'arrivait toujours pas à reconnaître les voix.
« Revelio » murmura-t-elle en lançant le sort sans baguette dans la brume en espérant la dissiper.
Il y eut d'autres gloussements.
« Tu entends ? Elle essaie de nous forcer à nous montrer. »
« Elle ignore que sa petite magie n'est pas de taille contre la Brume Enchantée qui nous sépare des Moldus. »
"Quand vous dites « nous » vous voulez parler des Veelas ? Vous êtes des Veelas ?"
« Et même si c'était vrai ? » Demanda l'une des voix sur un ton aigre.
« De toute façon, tu n'as rien à faire ici » ajouta la seconde. « Va-t'en. »
« Je ne peux pas. Je… je dois parler à ma grand-mère, Joséphine. »
« Et qu'est-ce que tu lui veux, hein ? Qu'est-ce que tu lui veux ? » Demanda l'une des voix, cette fois, clairement en colère.
« Ça ne vous regarde pas ! » S'écria Fleur.
« Ah, ça ne nous regarde pas ? Tu vas voir si ça ne nous regarde pas ! »
« Petite peste ! »
Les deux voix se mirent à chanter alors que le vent se levait tout autour de la jeune femme. Celui-ci la frôlait, la poussait, la tirait… elle voulait résister, mais sa tête tournait à cause des voix qui résonnaient à l'intérieur. Elle tenta de se boucher les oreilles, mais c'était comme si ça ne servait à rien. Elle voulait utiliser sa magie pour que ça s'arrête, mais elle n'arrivait pas à se concentrer. Alors elle fit la seule chose à laquelle elle pouvait penser : elle cria.
Aussitôt, le chant cessa et deux autres cris se firent entendre suivis du bruit de deux choses lourdes tombant avec fracas dans les buissons. Fleur referma la bouche et retira ses mains de ses oreilles puis regarda dans la direction du son. Elle vit alors deux silhouettes se redresser. Elles étaient suffisamment proches pour qu'elle puisse distinguer leurs traits. Toutes deux avaient des cheveux aussi blonds que les siens ainsi que les mêmes yeux bleus.
« Margot ? Louise ? » S'exclama Fleur en reconnaissant ses deux cousines.
« Tu as osé utiliser ta magie sur nous, petite peste ! » Dit Margot alors qu'elle et sa sœur s'approchaient d'elle.
« Je vous signale que c'est vous qui avez commencé ! »
« Parce que tu n'as rien à faire ici, espèce de vache à lait ! »
« Mais qu'est-ce que vous avez tout avec mes seins ! » Fulmina la jeune Démone.
Certes, les torses étroits de ses parentes n'étaient pas au même niveau que le sien, mais elles possédaient toutes deux des poitrines assez développées. Enfin… elles n'étaient pas plates.
« On va te le faire regretter, cousine ! » S'exclama Margot.
Mais alors qu'elle et sa sœur ouvraient la bouche pour chanter à nouveau, une voix les interrompit.
« Ça suffit ! » Dit-elle.
L'ordre avait fait vibrer l'air. Aussitôt, les deux Veelas et la Magicienne se tournèrent vers la silhouette qui avait prononcé ces mots. Elle était grande et mince. Son port était altier, mais sa physionomie tout entière paraissait vaporeuse, un effet renforcé par la robe de voiles bleus qui la recouvrait. Ses cheveux blonds cascadaient dans son dos jusqu'à ses pieds et ses yeux azur étaient dardés sur les trois jeunes femmes.
« Grand-mère Joséphine ! » S'exclama alors Fleur avec joie.
La femme sourit. Elle avait beau être l'aïeule de la Démone, elle semblait à peine plus âgée. Les seules traces sur son corps étaient des rides discrètes aux coins des yeux et de la bouche.
« Bonjour ma petite fille » dit-elle. « Bienvenue à Brocéliande. »
« Grand-mère ! » S'exclama Louise. « Elle ne peut pas rester ici ! Elle doit partir ! »
« Bien sûr que non, ma chérie » répliqua la vieille femme. « Nous allons la mener au village. »
« Mais elle ne peut pas y aller ! » S'exclama à son tour Margot. « Elle n'a pas le droit ! Ce n'est pas une Veela. »
« Sur ce point, tu as raison, mon enfant » dit Joséphine sans se départir de son sourire. « Fleur n'est pas une Veela. Raison de plus pour qu'elle vienne avec nous… »
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Amelia Bones observa l'adolescent, non, le jeune homme qui se trouvait devant elle. Oui. C'était bien un jeune homme. Après tout, le Prince Andrammax Pendragon-Emrys avait dix-sept ans.
Ses longs cheveux rouges étaient ramenés en arrière en une queue de cheval qui dégageait son visage aux traits gracieux. Ses yeux, d'un vert émeraude saisissant, étaient braqués sur elle. Elle avait l'impression de les avoir déjà vus, mais elle ne savait plus trop où.
Confortablement installé sur son fauteuil, les jambes croisées, il portait un pantalon de lin décontracté, mais chic ainsi qu'un gilet cousu de fils d'or et une chemise à jabot décoré d'un gros rubis. Il était arrivé avec une cape couleur Camel que son avocat et tuteur, le Régent Simeon Randall-Delûte, lui avait prise quand elle l'avait invité à s'asseoir.
« Votre Altesse, que me vaut le plaisir ? » Demanda la Directrice du Département de Justice Magique.
« Plusieurs choses en vérité » dit celui-ci.
Il avait une voix douce, mais posée et ferme. Amelia voyait parfaitement comment quelqu'un pourrait obéir à une personne avec cette voix-là. Elle le regarda se tourner vers son avocat et lui faire un signe de tête gracieux. Aussitôt, celui-ci s'avança et déposa un sachet transparent sur le bureau de la femme. Celle-ci était loin d'être ignorante. Elle savait que cette matière s'appelait « plastique » et venait du Monde Moldu. Cependant, elle ne savait ni vraiment comment c'était fait ni à quoi cela servait.
En revanche ce qui se trouvait à l'intérieur de la pochette, ça, elle savait ce que c'était.
« J'imagine qu'elle n'est pas à vous » dit Amelia.
« L'un de mes contacts à Poudlard me l'a envoyé » répondit le Prince.
« À Poudlard ? » S'étonna la femme.
Les Plumes à Sang étaient des objets réglementés. Très réglementés. Tous les possesseurs devaient être enregistrés auprès du Service des Usages Abusifs de la Magie qui se trouvait affilié à son Département. Personne de Poudlard n'était inscrit sur ce registre, elle en était certaine. Cependant… Cependant, à présent qu'elle y pensait, il existait un ancien employé de ce Service qui était actuellement en poste à l'école.
« Qui… qui était en possession de cet objet ? » Demanda Amelia.
« Je pense que vous avez déjà vos soupçons, n'est-ce pas ? » Dis le Prince en la fixant.
Amelia Bones avait près de cinquante ans. Elle était connue pour sa rigueur et son sang-froid. Pourtant ce regard la fit frissonner. C'était comme s'il lisait en elle. Était-ce vraiment le cas ? Laissait-il vraiment dans ses pensées ?
« Je ne lis pas dans vos pensées » dit-il soudain. « Juste sur votre visage. Celui-ci est très révélateur. Mais ce n'est pas le sujet. »
« Je… oui bien sûr » dit Amelia. « En effet, je pense savoir de qui il s'agit. Quant à la raison pour laquelle elle possède ce genre d'objet. »
« Mon contact m'a dit qu'elle avait l'intention de lui faire écrire des lignes avec » dit fermement le Prince.
Amelia écarquilla les yeux.
« Vous vous moquez de moi ? »
« Je ne me permettrai pas. »
« Mais… savez-vous bien ce que ce genre de pratique pourrait occasionner comme dégât ? »
« J'ai déjà utilisé une Plume à Sang. Je suis bien conscient de ce qu'un usage unique peut faire. Quant à savoir ce qu'en ferait un répété, je ne peux qu'hasarder des hypothèses. J'imagine qu'outre la douleur, la phrase finirait par se graver dans la chair de façon irrémédiable. »
« Et avec les mêmes propriétés qu'une véritable blessure » ajouta la Directrice du Département de Justice Magique. « Perte de sang et risques d'infection. »
Elle était pâle. Ombrage était la créature de Fudge. Si elle en était rendue à ces extrémités, cela voulait dire que le Ministre le lui avait ordonné… pas qu'il faille la pousser beaucoup. Amelia s'était toujours méfiée de la femme.
« Et donc ? Que comptez-vous faire ? » Demanda le Prince.
Son interlocutrice réfléchit.
« D'abord… il faudrait pouvoir prouver qu'il s'agit de la sienne » dit-elle. « On ne peut pas se contenter de la parole de votre "contact". »
« À cause de son influence ? »
Amelia grimaça.
« Pour autant que j'aimerai que ce ne soit pas le cas et que toute personne ait la même valeur aux yeux de la loi, oui, c'est un fait. La parole d'un élève, même s'il est sous votre protection ne vaudra pas lourd contre celle de la Sous Secrétaire. »
« Mon contact n'est pas Draco » précisa le Prince.
« Ce qui lui apportera sans doute encore moins de crédit » soupira Amelia.
« Et si je vous dis qu'il est possible de prouver que la plume lui appartient bien ? »
« Je suppose que vous voulez dire en détectant l'empreinte magique ? Si votre contact, vous et votre avocat l'aviez touché, même dans cette pochette, il y aura eu des transferts d'énergie. »
« Ce n'est pas le cas justement » dit le Prince. « Mon contact n'a pas utilisé de magie pour la prélever et ce sachet est étanche à la mana. »
« Je vois… intéressant… » dit la femme. « Cependant, Madame Ombrage pourra prétexter qu'elle gardait cette plume en souvenir de son travail au Service des Usages Abusifs de la Magie et qu'elle n'avait aucune intention de l'utiliser pour une punition. Elle pourra même dire que votre contact s'est introduit dans son bureau pour lui voler l'objet en représailles de sa retenue. »
« Je vois » soupira le Prince. « Donc ça ne suffira pas. Qu'est-ce qu'il faudrait pour entamer des poursuites ? »
« Plus de preuves et de témoignages » répondit Amelia.
« Surtout s'ils proviennent de gens influents… »
« Malheureusement oui. »
« Et ma parole ne suffirait pas ? »
« Ce serait un témoignage indirect. »
« Donc il faut attendre qu'elle continue à torturer des élèves ? » Demanda le Prince.
Il semblait énervé. Amelia avait l'habitude des personnes qui jouaient la comédie. L'indignation, la compassion, la loyauté… elle savait repérer les menteurs. Dans son métier, c'était indispensable. Pourtant elle en était certaine. La colère du Prince était authentique.
« Le mieux serait un flagrant délit » dit-elle finalement.
« Un flagrant délit par quelqu'un qui compte » renifla son interlocuteur. « Or, pour le moment, à Poudlard, personne n'est en odeur de sainteté. »
C'était vrai. Si jamais un élève ou même un professeur en venait à se plaindre, ce satané Fudge accuserait Dumbledore d'essayer de renverser l'opinion et lui par la même occasion. Pas qu'elle pense que le vieil homme se soucie vraiment de ses élèves.
« Le mieux serait que votre contact conseille aux personnes qui ont été victimes d'Ombrage d'écrire à leurs familles pour qu'elles portent plainte. Quand on en aura suffisamment, on pourra monter un dossier contre elle. »
« Très bien » soupira le Prince. « Mais si elle fait surveiller le courrier ? »
« Elle n'en a pas le droit » répondit fermement Amelia.
« Elle n'avait pas non plus le droit d'utiliser une Plume à Sang, mais ça ne l'a pas empêché d'essayer. »
Amelia ouvrit la bouche pour répliquer, mais ne trouva rien à répondre alors elle la referma. Légalement, Dolores Ombrage ne pouvait pas lire le courrier de quelqu'un d'autre. Cependant, cela restait très facile à faire pour quelqu'un décider à enfreindre la loi. La protection de la correspondance était un véritable problème dans le Monde Sorcier. Rien n'empêchait d'intercepter une chouette postale ou de la suivre jusque chez son destinataire.
« Pour le moment, c'est tout ce que je peux faire » dit-elle finalement.
« Je m'en contenterai donc » soupira le Prince.
Il se pencha pour récupérer le sachet, mais Amelia fit plus rapide.
« Je vais tout de même ouvrir un dossier d'investigation sur elle de façon discrète » dit-elle. « Cette pièce y figurera. »
« Vous pensez mener l'enquête vous-même ? » Demanda son interlocuteur en se réinstallant dans son siège.
« Dans ma position, ce serait difficile » répondit-elle. « Je devrais la confier à des Aurors… de confiance. »
« Vous voulez dire qui ne sont pas à la solde de Fudge » fit remarquer le Prince avec un sourire désabusé.
C'était vrai. Au fil de son mandat, Fudge avait particulièrement soigné ses amitiés. Avec la noblesse, bien sûr, mais aussi avec les forces de l'ordre. Avec les pots-de-vin qu'il gagnait des premiers, il était facile de graisser la patte des seconds… et de tout de même conserver un joli bénéfice. Elle avait confiance en la probité de Rufus Scrimegeour, le Chef du Bureau des Aurors. Cependant, ce n'était pas l'homme le plus flexible qui soit et il était à certains moments trop politique.
« Dans ce cas, je vous proposerais deux noms » dit le Prince. « Kingsley Shaklebolt et Nymphadora "Tonks" Black. »
Amelia cligna des yeux. Shaklebolt était un Auror vétéran assez doué et un bon formateur. C'était d'ailleurs lui qui avait été en charge de la Recrue Tonks, devenue rapidement Recrue Black quand son père avait été nommé Régent de cette Maison. Celle-ci était un bon élément avec un talent rare et appréciable malgré sa maladresse. En bref, c'était tout les deux de bons éléments qui seraient à même de mener l'enquête à bien.
Sans compter qu'elle pouvait être certaine qu'ils n'étaient pas à la botte du Ministre. En fait, s'ils étaient à la solde de quelqu'un, ce serait plutôt Dumbledore. Vu la relation qu'il avait nouée avec le jeune Prince, c'était normal que celui-ci puisse nommer des hommes à lui. Pas qu'elle apprécie le directeur plus que le Ministre, mais à ce niveau-là, elle n'avait pas vraiment le choix.
« Je prendrais votre suggestion en considération » dit Amélia.
Le Prince hocha la tête et se leva.
« Je vous remercie de m'avoir reçu » dit-il avec une légère révérence.
Il laisse Maître Randall-Delûte l'aider à mettre sa cape puis se dirigea vers la sortie. Mais juste avant de passer la porte, il s'arrêta et se tourna à nouveau vers la femme.
« Une dernière question » dit-il. « Pensez-vous que la société sorcière britannique actuelle, soit idéale, en tout point ? »
Amelia cligna des yeux.
« Pourquoi cette question ? »
« Répondez-y juste. »
Amelia réfléchit. Est-ce que la société actuelle était vraiment idéale ?
« Je pense qu'il y a toujours la nécessité de l'améliorer » dit-elle prudemment.
« Réponse de politicienne » ricana le Prince. « Je m'en contenterai. Et que répondriez-vous si je vous disais que je comptais l'améliorer une fois sur le trône ? »
« Je dirais que tant que vous restez fidèle à la loi… »
« À la loi ? Ou à la justice ? »
Amelia fronça les sourcils. Pourquoi faire cette distinction ?
« Bonne journée, Mme Bones » dit finalement le Prince sans qu'elle ait eu le temps de lui poser la question.
Il inclina la tête et sortit laissant la femme avec toutes ses interrogations. Cependant tout au fond d'elle-même, elle imaginait une raison pour laquelle il avait parlé, non pas de loi, mais de justice. Et, du plus profond de sa conscience, elle espérait qu'elle était dans le vrai.
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Hariel estimait que la rencontre avec Amelia Bones s'était bien déroulée. Mieux que ça même. Il espérait vraiment que la femme verrait tout le positif qu'il pourrait amener à son futur Royaume. En fait, elle s'était tellement bien déroulée qu'il pensait que rien aujourd'hui ne viendrait entamer sa bonne humeur.
Malheureusement, il avait tort. Ce fait lui sauta aux yeux quand il prit la Gazette du Sorcier que lui tendait Hermione et qu'il en lut le titre.
« Dolores Ombrage nommée Grande Inquisitrice de Poudlard »
À suivre…
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Et voilà un autre chapitre de fait. J'espère qu'il vous a plu.
Tout le passage sur l'éducation sexuelle vient notamment du fait que ce moment, je regarde New York Unité Spéciale, une équipe de policiers qui enquêtent sur les crimes sexuels donc je suis à fond dans ça en ce moment. Mais ce n'est pas tout. Les idées défendues par Hariel proviennent d'une proposition de programme qui devait commencer dès la maternelle. Bien évidemment, à ce moment-là, des bigots et des idiots (souvent les mêmes) avaient accusé le gouvernement de vouloir apprendre la masturbation aux enfants de 4 ans. Bien entendu, c'était faux. Le but était d'introduire les notions d'égalité homme femme et de connaissance de la diversité sexuelle et de genre dès le plus jeune âge.
D'un point de vue personnel, j'ai reçu une éducation sexuelle complète assez jeune. J'ai appris comment s'utilisait un préservatif vers l'âge de 10 ans avec des personnes faisant partie d'une organisation de bénévoles parlant de la contraception. Mes deux grands-parents en faisaient partie et les personnes qui sont venues nous voir ne l'ont pas fait quand j'étais à l'école, mais au catéchisme. De plus, avant même les cours de 4e sur la reproduction, j'avais déjà visité le musée de la capote (oui, ça existe, dans la ville de Condom), appris l'anatomie du vagin féminin et regardé une série démission scientifique sur la sexualité dans son ensemble. Alors oui, je pense que l'éducation sexuelle est importante et qu'elle peut se faire dès un âge jeune sans perturber les enfants.
En tout les cas, n'hésitez pas à me laisser des commentaires et je vous dis à dans deux semaines.
