Check Mate DxD

Chapitre 110 : Une Question de Pouvoir/Chikara ni Tsuite

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Hermione attendait dans la salle commune de Serdaigle, nerveusement appuyée sur un canapé. Ses yeux papillonnaient autour de la pièce, évitant l'endroit qu'elle voulait absolument s'abstenir de regarder : la porte menant aux dortoirs des garçons.

Soudain, il y eut un déclic et Hermione ne put se retenir de tourner la tête dans sa direction. Son cœur se serra quand elle vit Hariel entrer. Il semblait tellement différent de d'habitude. Comme si ce n'était pas vraiment lui. Comme si ce n'était pas du tout lui. Pendant son attente, la colère d'Hermione s'était transformée en angoisse. Mais à présent, elle était revenue alors qu'elle contemplait le dernier méfait de Dolores Ombrage.

Pourtant, la femme ne leur avait déjà rien épargné. Une semaine auparavant, le lundi, paraissait dans le journal la nouvelle qu'elle était nommée Grande Inquisitrice de Poudlard ce qui lui permettait, grâce au Décret d'Éducation n°23, « d'exercer un contrôle sans précédent sur l'école de Sorcellerie Poudlard ». Ça, c'était ce que rapportait l'article. Dans les faits, cela voulait dire que le pouvoir de la femme était à présent presque équivalent à celui du directeur. Le fait était sous-entendu par son titre, mais son but premier était la surveillance, le contrôle et la répression des élèves, mais aussi des professeurs.

En effet, ses premières mesures avaient été de faire passer des inspections afin de vérifier leur niveau. Selon Percy Weasley, le nouvel assistant du Ministre, qui avait été interviewé, « il s'agit d'une étape inédite et passionnante dans le projet du Ministère de traiter concrètement le problème de ce que certains appellent la "baisse de niveau" à Poudlard ». Déjà, qu'elle avait « révolutionné l'enseignement de la Défense Contre les Forces du Mal » et « bien entendu, remporter un succès immédiat », toujours selon Percy Weasley…

D'ailleurs, celui-ci sera brouillé avec sa famille à cause de ça. Les Weasley soutenaient presque unanimement Dumbledore. C'était des gens honnêtes qui croyaient dans les idéaux que le directeur leur faisait miroiter. Percy, lui, avait décidé de se vouer à ceux (tout aussi fallacieux) de Cornélius Fudge. Il s'enorgueillissait alors que le Ministre était presque incapable de retenir son nom. Tout ce qu'il savait c'est qu'il était membre d'une famille proche de Dumbledore et qu'il souhaitait semer la zizanie entre eux pour affaiblir son adversaire. Bien entendu, Arthur et Molly Weasley avaient parlé de cela à leur fils et bien entendu, celui-ci avait pris la mouche et les avait quittés sans leur donner de nouvelles.

La seule fois où il l'avait fait c'était pour envoyer une lettre à Ron. Il enjoignait son frère (qu'il croyait encore le meilleur ami d'Hariel) de laisser tomber celui-ci pour éviter que le "fou furieux" ne l'entraîne avec lui dans sa chute et de persuader sa famille de faire de même avec Dumbledore. Hariel était au courant parce que le Gryffondor la lui avait montrée. Il ne lui avait rien dit, mais Hariel s'était parfaitement rendu compte de sa douleur. Tout comme Ron, Percy avait durement ressenti la pauvreté de ses parents, se tournant vers des gens qui pourraient lui permettre de satisfaire ses ambitions. Ron savait qu'il avait eu un comportement semblable auparavant, mais voir son frère tomber si bas lui faisait horreur. Il était heureux d'avoir redressé la barre avant de devenir comme lui.

Toujours est-il que depuis sa nomination, Ombrage avait déjà fait plusieurs inspections à commencer par le professeur Flitwick. Ce n'était pas très étonnant compte tenu de l'ascendance Gobeline du directeur de Serdaigle. Celle-ci se voyait dans sa petite taille, son âge plus que vénérable ainsi que ses oreilles légèrement pointues. Les positions xénophobes d'Ombrage étaient connues d'Hariel, et donc d'Hermione, depuis longtemps.

Celle-ci avait été suivie de deux autres dès le lendemain. D'abord McGonagall et puis… Hagrid. En effet, celui-ci venait juste de revenir à Poudlard et avait réintégré son poste pour son plus grand malheur. Il avait tout de suite été pris pour cible par Ombrage, comme on pouvait s'y attendre, à cause de son ascendance Géante. Le problème, c'est que si Flitwick était un vétéran des classes et un homme sûr de lui, ce n'était pas le cas d'Hagrid dont l'inspection avait été plus que catastrophique d'après Proteus. Celui-ci ayant choisi Soin aux Créatures Magiques en option de 3e année, il s'était donc trouvé en première ligne du désastre. Si on en croyait la définition du travail de Grand Inquisiteur, alors il était fort probable qu'Ombrage demande son renvoi… et l'obtienne.

Hariel avait bien essayé de s'y opposer, mais comme le lui avait dit Amelia Bones, Ombrage avait trop d'influence. Il avait d'abord tenté de l'attaquer en mobilisant l'opinion publique au travers de Rita. Toutefois, même un article témoignant du choix de nom malheureux renvoyant à l'Inquisition Chrétienne n'avait pas suffi à réveiller les mentalités. C'était comme si Fudge avait donné à son adepte le pouvoir de « brûler sur le bûcher » quiconque sortait du rang et pourtant personne ne faisait rien. Personne ne protestait. Pas pas peur, pas forcément, ou par conviction, pas tout le temps, mais juste parce qu'ils étaient habitués à obéir.

Hariel avait alors demandé à ses Chevaliers s'il y avait un moyen pour le Magenmagot de faire cesser cette chasse aux Sorcières, mais apparemment, ce n'était pas anticonstitutionnel. Le pire, c'est qu'en fait, de l'avis d'Hariel c'était une excellente idée. Le manque de supervision du Gouvernement sur l'école était assez effrayant dans le Monde Magique Britannique. Dans le Monde Sapiant, les professeurs étaient inspectés et évalués plusieurs fois tout au long de leur carrière. Le but n'était pas de sanctionner ces professeurs, pas toujours, mais de les aider à progresser dans leur façon de donner les cours en fonction de la manière dont les élèves assimilent l'enseignement. Malheureusement, comme beaucoup de bons outils dans de mauvaises mains, le système s'était transformé en arme de répression.

Dolores Ombrage avait donc fait régner la terreur dans l'école toute la semaine et son dernier méfait datait du matin même. Cette fois, pas d'article de journal, mais un message affiché orgueilleusement dans un cadre de bois à côté des autres à l'entrée de la Grande Salle :

« Décret d'éducation n° 24 : Tous les élèves de Poudlard devront porter les uniformes dédiés à leur sexe. »

C'est pourquoi, malgré son sentiment de colère et d'outrage, elle avait accompagné Hariel alors que celui-ci rentrait à leur dortoir afin de se changer. Et à présent, il se trouvait devant elle, affublé d'un pantalon trop large et de chaussures informes. Sans compter le pull qui lui tombait presque au genou et la chemise qui lui dépassait des manches. Mais le pire, c'était son air perdu et ses yeux fuyant derrière ses lunettes rondes.

« Est-ce que ça va ? » Demanda Hermione, inquiète.

L'expression de son ami se modifia et un sourire apparut au coin de ses lèvres.

« Bien sûr que ça va » dit-il. « Si même toi, qui me connais si bien, tu te fais prendre, c'est que mon air de chiot abandonné est crédible. »

Hermione soupira. Elle détestait quand il se servait d'elle comme cobaye.

« Ça ne te dérange vraiment pas ? » Insista-t-elle. « De devoir mettre un pantalon. »

« Ce n'est pas la mort » répondit Hariel en roulant des yeux. « Bon, ça fait longtemps que je n'ai pas fait ça, mais je devrais survivre. Et puis c'est encore un autre jeu d'acteur. »

« Même le fait que ton uniforme semble trop grand ? »

« Tu as vu ? » Dis Hariel en écartant les bras pour qu'elle puisse bien l'examiner. « Je veux faire croire que j'ai été obligé de demander à quelqu'un de m'en prêter un. Ça me donne l'air dépenaillé n'est-ce pas ? »

Ça, pour avoir l'air dépenaillé, il avait l'air dépenaillé.

« Mais ça ne te dérange pas ? Je veux dire, ce qu'a fait Ombrage ? Tu n'es pas en colère contre elle ? »

« Bien sûr que je suis en colère contre elle. Je la déteste depuis que je la connais. Ce qu'elle a failli te faire et ce qu'elle me fait maintenant ne fait qu'ajouter au dégoût que je ressens déjà. Mais j'ai décidé d'en prendre mon parti pour l'instant. En plus, sans le vouloir, elle me rend service. »

« Vraiment ? » Demanda Hermione, sceptique.

« Bien sûr. Même en faisant profil bas, je suis toujours un garçon qui s'habille en fille. Pas vraiment discret. Et je ne pouvais pas me remettre à porter des pantalons comme ça, tout d'un coup, ça aurait été encore moins discret. Mais maintenant que j'y suis obligé, ça n'étonnera personne et je vais faire partie du lot. Tout bénef. »

Hermione le regarda alors qu'il reprenait son sac pour se rendre en cours. Elle n'était pas dupe. Comme il le disait lui-même, elle le connaissait bien. Très bien même. Elle savait donc quand il n'allait pas bien et aujourd'hui, c'était le cas. Mais elle ne dirait rien. Elle se contenterait de faire comme lui et d'ajouter ce nouvel affront à la note de la femme. Celle-ci était d'ailleurs déjà drôlement salée et Hermione ferait en sorte qu'elle la paie dans son intégralité.

Foi de Grande Prêtresse de la Déesse et de Reine du Printemps.

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« Elle a tenu deux semaines. Impressionnant » commenta Draco d'un ton sarcastique.

Hariel, lui, paraissait inquiet. Son petit ami venait d'obtenir sa première retenue avec Ombrage. C'était un peu le but recherché après tout. Il avait passé les deux dernières semaines à titiller la femme et comme un Dragon endormi (un petit Dragon très moche) elle avait fini par réagir au mépris des risques.

« Ne t'inquiète pas. Elle n'osera pas me blesser. »

Hariel savait que Draco essayait de le réconforter. Cette femme était tellement mauvaise et il se sentait si… impuissant. Il avait décidé de jouer selon les règles et c'était plus dur que prévu. Il espérait que personne n'aurait à payer pour ses choix. Surtout pas Draco.

Mais ce dernier ne pensait pas à ça. Tout ce qu'il voyait, c'était un moyen d'aider Hariel. En prenant toute la place, en attirant toute l'attention d'Ombrage, il l'éloignait de son petit ami. Ce seul fait était suffisant pour lui. C'est pour cela que son cœur était léger quand il se rendit dans le bureau de la Professeur de Défense ce soir-là. Il chantonnait presque.

Cependant, sa bonne humeur s'évanouit quand la porte s'ouvrit toute seule et qu'il pénétra dans la pièce. Hermione avait beau l'avoir prévenue, la décoration était des plus monumentalement hideuse. En plus, il régnait à l'intérieur une entêtante odeur de rose. En parcourant les lieux du regard, il finit par remarquer le gros pot-pourri déposé sur un guéridon près du mur, dans un tout aussi immonde bol de faïence rose et doré. Cette retenue commençait mal. D'autant que la chaleur de la pièce rendait l'odeur encore plus lourde.

« Ah ! Monsieur Black ! Entrez, je vous prie ! » Roucoula Ombrage.

Draco plissa les yeux, méfiants. La femme était bien trop joviale. Presque plus que pendant ses cours.

« Asseyez-vous à cette table et sortez un parchemin et une plume » dit-elle en lui désignant le même petit bureau auquel Hermione avait été installée un peu plus d'une semaine plus tôt.

Cependant, si elle voulait qu'il en utilise une à lui, cela signifiait qu'elle ne comptait pas lui fournir de Plume à Sang. C'était presque dommage. Il s'était pourtant préparé pour faire comme son amie et lui confisquer l'objet. Juste au cas où. Mais manifestement, Ombrage n'était pas aussi inconsciente que ça. Draco décida donc de s'exécuter. Il alla s'asseoir et prit son matériel dans son sac alors qu'Ombrage allait chercher un livre dans sa bibliothèque. Elle se mit à le feuilleter pour trouver une page en particulier. De là où il était, Draco pouvait voir le titre.

« Grandeur du Ministère de la Magie Britannique de ses origines à nos jours. Tome 18 »

L'auteur n'était pas visible. Mais on aurait dit à Draco que c'était Ombrage elle-même qu'il l'aurait cru sans problème.

« Voici » dit la femme en lui amenant l'ouvrage. « Vous me copierez ce chapitre dans son intégralité. Si à onze heures vous n'avez pas fini, vous reviendrez demain. »

« Demain ? Un samedi soir ? » Demanda Draco.

Il n'avait jamais entendu parler de retenue un samedi soir.

« Il ne fallait pas faire le vilain, » répliqua Ombrage avec sa voix enfantine. « Ça vous apprendra. »

Elle a même dit le mot vilain, grinça intérieurement Draco. Elle avait encore enlevé des années à leur âge mental supposé. Draco se retint de soupirer et jeta un coup d'œil au chapitre à copier. Son sourcil se souleva de perplexité quand il en vit le titre.

« L'avènement de l'âge d'or Sorcier : Cornélius Fudge ou le Ministre de l'Excellence. »

C'était définitivement Ombrage ou un autre lécheur de botte de Fudge qui avait écrit ça. Draco parcourut les premières lignes du texte avec une perplexité grandissante. « Après le temps de la célébration venait le temps de la reconstruction. C'est alors qu'apparut un candidat tout désigné pour remplacer Millicent Bagnold au plus haut poste de notre état. Cornélius Fudge était une force tranquille qui, dès son entrée au Ministère, s'imposa comme l'homme de la providence. C'est la raison pour laquelle son illustre nom fut cité dès qu'il fut question d'un nouveau chef pour notre grand pays. Cornélius Fudge, rappelons-le… »

« Allons, » roucoula Ombrage. « Je sais que le texte est passionnant, mais le tout n'est pas seulement de le lire, mais de le recopier. »

Draco se retint de soupirer, prit sa plume, la trempa dans l'encrier puis commença à tracer des lettres sur son parchemin. Devoir subir le reste de ce texte était presque pire que la douleur continue de la Plume à Sang. Mais il le faisait pour Hariel. Ombrage devait croire qu'elle avait au minimum un peu de pouvoir sur lui avant qu'il la détrompe. En soufflant le chaud et le froid, il espérait qu'elle ne se préoccupe que de lui… et pas d'Hariel.

« Tout va bien, ? » Demanda la femme au bout d'un moment. « Vous comprenez tout ? »

« Oui » répondit simplement Draco en essayant de se concentrer juste ce qu'il fallait sur le texte pour éviter qu'il ne s'imprime dans sa mémoire.

Suivre le récit de la vie de Fudge presque seconde par seconde depuis qu'il portait des langes était suffisant pour le traumatiser pour toujours. Il espérait d'ailleurs, sans trop y croire au vu du niveau de détails, que ses aventures sexuelles seraient tenues sous silence parce que sinon il ne s'en remettrait pas.

« Je prendrai bien un thé » dit finalement Ombrage. « En voulez-vous un également ? »

« Non. Merci » répondit poliment Draco.

Il préférait éviter de froisser la femme quand il était seul avec elle. Question de prudence. Cependant, c'était cette même prudence qui lui avait fait refuser le thé. Elle était bien trop gentille. C'était louche. Soit elle cherchait à l'amadouer, soit elle cherchait à le droguer.

« Je vous mets tout de même une tasse ici » dit-elle en posant celle-ci sur le bureau qu'il occupait. « C'est au cas où. Tout le monde a le droit à une pause. »

Elle voulait décidément le droguer. Draco décida donc d'ignorer la boisson et de se concentrer sur son « travail ».

« Vous admirez beaucoup le Prince, je me trompe ? » Demanda-t-elle au bout de quelques secondes.

Draco répondit par un bruit inintelligible en faisant semblant de se focaliser sur son écriture.

« Je veux dire, d'après les rumeurs, il vous aurait sauvé la vie, non ? »

« Si » répondit distraitement Draco.

« Un personnage altruiste, donc. Mais pensez-vous que cela suffise à diriger un pays ? »

Alors voilà où elle voulait en venir. Elle cherchait à le rallier à la cause de Fudge. Ça, c'était une démarche stupide.

« Après tout, il faut être un homme de poigne, décidé, ouvert… comme notre Ministre, vous en conviendrez en lisant ce texte » reprit Ombrage. « Je ne dis pas que le Prince ne l'est pas. Mais on ne connaît pas grand-chose de sa vie, n'est-ce pas ? Il est né dans les anciennes colonies d'Inde, je crois. »

« C'est… c'est ça » répondit difficilement Draco.

Il s'essuya le front. Décidément, la chaleur était assez étouffante à présent. Et cette odeur. Un peu plus et elle lui faisait tourner la tête.

« C'est bien loin de notre Mère Patrie » souligna Ombrage. « Vous savez ce que font ses parents ? »

« Ils sont morts » répondit distraitement Draco. « Il y a longtemps. »

Son corps s'engourdit quand il se rendit compte de ce qu'il avait dit. Pourquoi est-ce qu'il avait répondu à sa question ? Pourquoi est-ce qu'il avait répondu aux autres ? Certes, il était concentré sur son écriture, mais pas à ce point. En temps normal, il ne se serait pas autant laissé aller. Il devait y avoir une autre explication. Il devait la trouver. Mais c'était dur de réfléchir avec cette chaleur. Et cette odeur qui continuait à lui faire tourner la tête.

Une odeur ? Mais oui ! Ça devait être ça ! Ça ne pouvait être que ça ! Il y avait quelque chose dans le pot-pourri. Une potion sans doute. Et la chaleur du feu la faisait s'évaporer en même temps qu'elle engourdissait son corps. Contrairement à ce qu'il croyait, le thé n'était qu'une diversion. Il avait pensé à une potion de vérité, mais le plan de la femme était plus subtil. Au lieu de le forcer à dire la vérité, elle l'étourdissait pour l'empêcher de mentir et de dissimuler les choses.

Mais il était un Démon. Son esprit était protégé. Il fallait juste qu'il se concentre pour repousser les effets de l'odeur.

Draco soupira. Cela allait être une longue nuit, mais il allait réussir. Si Ombrage voulait qu'il parle alors, il allait parler.

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Contrairement aux bureaux du Ministère Britannique, ceux du Ministère de Bulgarie étaient assez récents. Non pas qu'il n'existait pas de pouvoir centralisé, mais plutôt que le fait d'être proche du gouvernement Moldu… Sapiant était une idée assez nouvelle. En fait, l'idée d'une unité nationale sorcière en Bulgarie elle-même était assez nouvelle.

Comme beaucoup de peuples slaves, les Sorciers de ces régions possédaient un système clanique développé. Chacun de ces Clans avait son propre territoire et se battait, soit pour le préserver, soit pour l'étendre. La Confédération Internationale des Sorciers fermait les yeux, car ils respectaient le Statut du Secret. Leurs éclats de Magie visibles par les non-magiques étaient le plus souvent attribués au folklore. Mais ce n'était rien de plus que ce que d'autres pays expérimentent déjà. Généralement, les témoins étaient peu nombreux et quand ils le racontaient, soit cela s'ajoutait à la liste déjà longue des croyances populaires, soit ils étaient traités de fous.

Les seuls mouvements militaires d'envergure que le territoire connaissait étaient causés par des affrontements entre des Clans Sorciers alliés et les Factions Tepes ou Carmilla. Fort heureusement, les deux Clans Vampiriques ne s'étaient jamais alliés contre les Humains utilisateurs de Magie sinon les infractions au Statut du Secret (que les Vampires ne respectaient de toute façon pas) auraient été bien plus importantes. De plus, de tels conflits n'étaient pas arrivés depuis plus de deux siècles et ne risquaient pas de se produire de sitôt. La prise de pouvoir de Valéry sur le Clan Tepes et ses accords avec la Reine Carmilla ainsi que leur adhésion à l'Alliance des Trois Factions changeaient la donne même si les Sorciers, eux, l'ignoraient.

Pourtant, dans la globalité, le système fonctionnait assez bien de cette façon. Cependant, tout cela avait changé avant le milieu du siècle dernier et avec l'expansion allemande à l'Est. Adolf Hitler était fasciné par l'ésotérisme. Son obsession passait par les artefacts, mais aussi par des alliances avec des loges occultes comme la Société Thulé dont les idées pangermaniques et xénophobes rejoignaient les siennes. Ce que beaucoup ignoraient, toutefois, c'était que la loge était secrètement dirigée par Gellert Grindelwald, premier Mage Noir du XXe siècle et homme dont la chute a précipité l'ascension de Dumbledore.

Aucun des autres membres n'était des Sorciers, ils étaient juste manipulés par lui. Tout comme Adolf Hitler. Grâce à lui, des commandos secrets de la Wehrmacht avaient opéré des raids dans plusieurs villages de Clans dans tous les pays Slaves. Avec à l'aide de la Magie de Grindelwald et des Chevaliers de Walpurgis, les fiers guerriers avaient été capturés et emmenés pour expérimentations. Quel que soit le mépris que Grindelwald pouvait avoir pour les Sapiants, il avait reconnu les expertises scientifiques au point de laisser des Mengele en puissance charcuter des Sorciers, hommes, femmes et enfants pour découvrir les secrets de la Magie et comment en obtenir une puissante.

La guerre avait donc laissé cette partie du continent européen exsangue de forces vives avec de nombreux déséquilibres de pouvoirs. Des régions entières avaient été vidées de ses Sorciers, laissant la place libre à de nouvelles conquêtes. Devant la situation, La CIS avait décidé de réagir. La coopération entre les Chevaliers de Walpurgis et les Nazis avait créé une brèche majeure dans le Statut du Secret. Selon la Confédération, ils ne pouvaient plus permettre que des dissidents s'associent avec des États Sapiants. La solution avait alors été la nécessité que des gouvernements Sorciers initient eux-mêmes les relations avec ceux locaux afin de sauvegarder le secret en échange d'une aide dans des cas impliquant la Magie.

De nombreux pays opéraient déjà avec ce système. Certains depuis des siècles comme la France, l'Espagne ou encore les États-Unis. D'autres étaient même plus que liés puisque les têtes des États magiques et non magiques se confondaient comme en Angleterre, au Japon et jusqu'à récemment, en Chine.

Cependant, pour coopérer avec un gouvernement en place, il fallait soi-même posséder un gouvernement cohérent. Les Slaves n'étaient pas les seuls à avoir une organisation clanique. Mais les abus de la guerre les avaient affaiblis et ils n'opposèrent que peu de résistance aux contraires de certaines tribus africaines ou des îles de l'océan Pacifique. Selon leur territoire, les Clans se rapprochèrent de tels ou tels pays, formant de véritables États magiques comme celui de Bulgarie.

Celui-ci avait donc à peine plus d'une soixantaine d'années et son siège se trouvait sous l'un des ensembles architecturaux officiels du pays : le Largo. Construit dans les années 50 dans le plus pur style classique stalinien, il avait été utilisé comme base pour les bureaux du Ministère de la Magie Bulgare. À l'instar du Woolworth Building de New York, le siège du MACUSA (le Congrès Magique des États-Unis d'Amérique), en empruntant une entrée particulière, les Sorciers pouvaient pénétrer dans une seconde version du bâtiment superposé à la première.

C'était par cette entrée que Viktor passait tous les matins depuis plus d'une semaine. Il aurait très bien pu transplanter ou utiliser le système de Cheminette, mais il préférait marcher dans sa ville natale. Sa grand-mère possédait un petit appartement à proximité des Jardins de Knyazeshka qu'il habitait pendant son séjour. De là, il avait à peine une vingtaine de minutes de marchés pour se rendre au Largo. La balade était assez agréable et il n'était pas pressé. Les Archives Ministérielles n'ouvraient qu'à 9 h et il était généralement debout bien plus tôt. Il avait donc le temps de courir dans les jardins avant de rentrer chez lui prendre une douche, un solide petit déjeuner et de ressortir pour marcher tranquillement jusqu'à la grande place.

De là, il lui suffisait de contourner le bâtiment principal jusqu'à une zone éloignée et ensorcelée. Une porte se trouvait entre deux arcades de briques brunes avec un Sorcier en faction qui ouvrait le passage aux visiteurs. À partir de cet endroit, on traversait par un bureau d'accueil et un portique de sécurité qui vérifiait les baguettes avant d'entrer dans le hall. Celui-ci n'avait rien à envier à l'Atrium du Ministère Britannique. Il différait cependant complètement de l'intérieur rigide du bâtiment Sapiant.

La Magie permettant des prouesses techniques hors du commun, la décoration le faisait ressembler à un château de Fantasy avec des murs de marbres scintillants et des gargouilles d'or qui suivaient les visiteurs des yeux. D'immenses tapisseries mouvantes témoignaient de leur passé tribal et guerrier de même que de nombreux trophées de chasse. Cependant, les gens qui se déplaçaient au milieu de ce faste détonnaient à peine tant la mode Sorcière de Bulgarie était aussi peu avancée que celle d'Angleterre.

En vérité, le seul qui ressortait était Viktor. Il portait un jean sombre aux reflets dorés ainsi qu'une chemise rouge en partie ouverte sur un débardeur anthracite. Lui-même n'avait pas encore tout à fait l'habitude de ce genre d'accoutrement vu que quelques mois auparavant, il s'habillait encore comme tous les badauds qui le dévisageaient à présent. Certains le reconnaissaient, d'autres non. En tout les cas, il semblait que le consensus était de le laisser tranquille. Il faut dire que les personnes présentes étaient loin d'être de la tranche d'âge de ses fans habituels.

Cela convenait parfaitement à Viktor qui était ainsi plus libre de ses mouvements. Cela lui permit de se rendre facilement à l'ascenseur et de monter jusqu'à l'étage des archives. Il y resta presque toute la journée sans trouver ce qu'il cherchait. Il ne s'arrêta qu'une heure au plus pour aller manger à la cafétéria du Ministère avant d'y retourner jusqu'à ce qu'il soit prié de partir, à 18 h, l'heure de la fermeture.

Comme c'était encore l'été, il faisait jour quand il ressortait. Habituellement, il prenait le temps de se promener jusqu'à ce qu'il ait faim et choisisse un restaurant, mais ce soir il était attendu. Sa grand-mère, Petrana Krum, lui avaient posé une condition quand elle lui avait prêté son appartement : il devait venir dîner avec elle le samedi soir, dormir sur place et rester le dimanche entier pour se reposer. Viktor avait accepté. Il adorait sa grand-mère.

En effet, on ne pouvait pas faire plus différent que Vassily et Petrana Krum. Cette dernière blâmait d'ailleurs son défunt mari qui avait instillé son amertume dans le cœur de son fils depuis tout petit. Avant la guerre, les Krum étaient un Clan puissant et leur territoire s'étendait de Sofia jusqu'aux montagnes de Rila. Malheureusement, à cause des rafles, lui et sa grand-mère avaient été les seuls survivants. Ils n'étaient plus assez nombreux pour pouvoir conserver leurs terres et elles leur avaient été dérobées dans les premières années de l'après-guerre, alors que la région était en proie au chaos. Après l'unification, certains Clans avaient pu garder une certaine maîtrise sur leurs domaines, mais jamais les Krum n'avaient pu retrouver un semblant de prestige. Du moins jusqu'à ce que Viktor devienne le plus jeune joueur de Quidditch professionnel de l'histoire du jeu.

« Tu arrives tôt » dit Petrana quand il sortit de la cheminée. « Tu vas pouvoir m'aider à faire la cuisine. »

« Oui, Baba » répondit docilement Viktor avec un sourire.

Cela ne le gênait pas. La vieille femme, considérée comme fantasque par tout son entourage, avait toujours été partisane de l'égalité des sexes. Grâce à elle, Viktor savait cuisiner, coudre et faire le ménage, le tout sans Magie. Il aida donc sa grand-mère à préparer son fameux kavarma et mit la table pour deux à l'extérieur pour profiter des derniers rayons du soleil et du paysage. Petrana habitait un modeste chalet que lui avait offert Viktor avec son salaire de joueur professionnel dans une communauté magique dispersée autour des sept lacs de Rila, dans les montagnes du même nom.

Si le système clanique s'était affaibli avec le nouveau gouvernement, la population avait gardé l'habitude de résider dans ce genre de communautés réduites. Ceux qui habitaient dans les villes, même la capitale, étaient rares. Ils préféraient des petites agglomérations isolées comme celle-ci. Mais de toute façon, avec la Magie, rien n'était vraiment jamais isolé.

« Alors, qu'ont donné tes recherches ? » Demanda Petrana à la fin du repas comme qu'elle et Viktor étaient encore à l'extérieur à siroter des verres de rakiya.

Cette eau-de-vie de prune bulgare se buvait généralement en entrée, mais la vieille femme n'avait jamais fait les choses comme les autres.

« Rien, pour le moment » répondit Viktor.

« Notre Clan est vaste. Ou plutôt il l'était. »

« Je sais, Baba » dit le jeune homme.

La raison pour laquelle il se rendait tous les jours aux Archives Ministérielles était pour faire des recherches sur l'histoire de son Clan. Il était persuadé que son pouvoir était génétique et il pensait que remonter son ascendance lui donnerait des indices. Il avait déjà remonté celle de sa famille aussi loin qu'il le pouvait et était passé à celles qui lui étaient liées par mariages ou qui avaient été assimilées par conquêtes.

Pour le moment, il n'avait rien trouvé. Il y avait quelques Sorciers puissants parmi ses ancêtres, mais aucun avec des pouvoirs de protection. Enfin, pas aussi notables. Mais bon, cela ne voulait pas dire qu'il n'y avait rien. Tous les Clans ne tenaient pas des archives précises de leur histoire. Certains n'en tenaient même pas du tout. La plupart des documents étaient récents. C'étaient le plus souvent des compilations des nombreux récits oraux que possédait chaque Clan. Ceux-ci étaient souvent vagues et tous semblaient avoir leur propre version des événements. Ce n'était donc pas de documents des plus fiables, mais c'était la plupart du temps tout ce qu'il y avait.

« Et tu ne penses pas que ça pourrait venir de… »

« Non » dit brutalement Viktor en interrompant sa grand-mère.

Viktor n'avait jamais pu mentir à sa grand-mère et lui avait tout raconté. Le tournoi, sa mort, sa résurrection, son départ de chez son père, sa vie de Démon, ses combats et surtout le mystérieux pouvoir qui courrait dans son sang. Fidèle à sa réputation d'originale, mais aussi à sa loyauté sans failles à sa famille, Petrana avait tout accepté. Elle lui avait dit qu'elle était là pour lui en cas de problème et qu'elle l'aiderait comme elle le pourrait avec ses recherches. Viktor appréciait son soutien, mais ce qu'elle suggérait était au-dessus de ses forces.

Bien entendu, il n'avait pas eu besoin d'attendre qu'elle finisse sa phrase pour savoir à quoi ou plutôt à qui elle faisait allusion.

Katya. Sa mère.

Mais il ne voulait plus en entendre parler depuis des années. Son père lui avait dit qu'elle était morte, mais lui savait très bien qu'elle était partie et n'avait plus donné signe de vie. Il s'était retrouvé seul avec son père et celui-ci s'était vengé sur lui. Oh, pas physiquement, non. Viktor était déjà assez costaud pour son âge et son père était assez malingre. Il n'était pas non plus un très bon Sorcier donc il ne pouvait pas utiliser la Magie contre lui. La violence avait été presque exclusivement psychologique. Vassily Krum avait passé toute l'enfance de son fils à essayer de le convaincre qu'il ne valait rien.

Et puis il avait montré un certain talent pour le Quidditch et son père avait vu en lui, non seulement un moyen d'obtenir la carrière qu'il n'avait jamais eu, mais aussi de redorer à leur nom la puissance que son propre père avait passé la fin de sa vie à déplorer. Pourtant il n'avait pas changé d'attitude pour autant. Il était devenu l'entraîneur de son fils, mais il continuait à le traiter comme s'il ne serait jamais assez bon. À cette époque, les sentiments de Viktor étaient conflictuels. Il détestait son père de lui faire vivre ça, mais il cherchait à tout prix à gagner ne serait-ce qu'un peu de respect.

Hariel avait changé ça. Grâce à lui, il avait cessé de vouloir impressionner son père, car il savait que le jeu était biaisé depuis longtemps. À ce moment-là, il n'était plus resté que sa haine, une haine si forte qu'elle avait, pendant quelques instants, éclipsé celle qu'il éprouvait pour sa mère. Il l'avait même défendue. Pourtant, à présent, sa haine d'elle était revenue, plus forte que jamais. Il ne voulait rien avoir à faire avec elle. Pour lui, il était impensable que son pouvoir vienne de son côté de la famille.

Il ne voulait pas que ce soit le cas.

« Désolé » dit finalement Petrana. « Je n'en parlerai plus. »

Viktor hocha la tête. Le silence s'installa entre lui et sa grand-mère. Pourtant, au bout d'un moment, il se leva de sa chaise.

« Je vais me coucher, Baba » dit-il simplement.

« Dors bien, Vnuk » répondit la vieille femme.

Viktor entra dans la maison et monta à l'étage jusqu'à la chambre qui avait toujours été là sienne. Il avait prétexté aller dormir pour pouvoir rompre ce moment gênant entre lui et sa grand-mère, mais une fois allongé sur le lit il se dit qu'une bonne nuit de sommeil lui ferait du bien. Il serait encore temps demain de s'excuser auprès de Petrana. Il aurait donc le reste de la journée pour se détendre. Il faudrait d'ailleurs qu'il écrive à Hariel. Il ne lui avait pas donné de nouvelles depuis son arrivée… et puis peut-être qu'il écrirait aussi à Cédric.

0o0o0

Draco se sentait de plus en plus mal au fur et à mesure de sa lecture. Tout le week-end, il avait attendu de voir ce qu'Ombrage allait faire des informations qu'il avait lâchées lors de sa retenue. Il savait parfaitement que le risque qu'elle les communique à la Gazette du Sorcier était grand, mais cela restait tout de même une assez mauvaise surprise.

Une main se posa sur son épaule, l'interrompant dans sa lecture. Il tourna la tête et vit que c'était Hariel.

« Je suis… » commença-t-il.

Mais son petit ami posa un doigt sur sa bouche pour le faire taire.

« Arrête » dit-il fermement. « Tu n'as rien fait de mal. »

« Je n'aurais pas dû lui parler. »

« Cela lui aurait mis la puce à l'oreille. À la place, tu as identifié le piège et tu l'as contré en ne lui révélant que des détails de l'histoire que nous avions convenue. »

Depuis quelque temps déjà, depuis qu'il savait qu'il allait devoir sortir au grand jour, Hariel avait pris le parti d'inventer une histoire au Prince. Il avait besoin d'un passé cohérent qu'il pourrait raconter aux gens qu'il rencontrerait par la suite. En effet, nul doute que tout le monde allait être curieux à son sujet. Il lui fallait donc quelque chose à dire pour les mettre en confiance.

Mais c'était aussi là qu'était le problème. Dans la confiance. Tout ce qu'il pourrait dire serait, par nature, faux, puisque le personnage du Prince n'existait pas. Celui que les gens allaient rencontrer cette année et celui qui allait monter sur le trône seraient deux personnes différentes. C'était un peu comme une tromperie.

Il lui avait donc fallu trouver une histoire proche de la sienne sans qu'elle ne le soit trop pour éviter que des ennemis comme Dumbledore ne fasse le lien. De plus, il voulait détourner l'attention en parlant de ses intentions lors de son règne. Ça au moins, ça ne changerait pas.

« Mais il n'en reste pas moins que je lui ai fourni des munitions pour qu'elle publie ça ! » Grogne Draco.

Il avait accentué le dernier mot en frappant la surface du journal. À son avis, ce torchon ne méritait pas mieux. L'article qui avait été écrit sur Hariel… enfin, sur le Prince, était franchement insultant. Il ne savait pas si c'était Ombrage qui l'avait rédigé elle-même ou qu'elle avait donné des consignes précises à cette Patricia Stimpson qui avait signé le papier ou encore si c'était cette journaliste qui avait fait ça d'elle-même, mais Draco se sentait vraiment mal en ce moment.

Le thème général du texte était à peu de chose près ce qu'Ombrage lui avait dit dans son bureau que le Prince n'avait pas la carrure nécessaire pour régner. Cependant, elle s'appuyait également sur son histoire personnelle pour soutenir son propos. Malheureusement, rien de ce qu'elle racontait n'était faux (du moins dans la mesure où elle n'était pas au courant de sa véritable identité). Mais elle utilisait les informations qu'elle avait pour en tirer des conclusions fallacieuses.

Par exemple, le Prince était censé avoir déjà dix-sept ans et était donc majeur et apte à réclamer ses sièges au Magenmagot en lieu et place de son Régent, Simeon. Et bien, dans son article, Stimpson insinuait que cela pouvait venir d'un manque de volonté à s'investir dans les affaires de l'État et que cela pourrait continuer avec son règne. Elle sous-entendait aussi qu'il soit possible que Simeon seul soit responsable de son ambition de monter sur le trône. Selon elle, la plus grande implication de l'avocat était suspecte et pouvait démontrer son désir de se servir du futur Roi comme d'un fantoche.

Elle était également dithyrambique sur les origines du Prince. Depuis longtemps déjà, Simeon faisait circuler l'histoire qu'il avait passé son enfance en Inde. Vu les liens entre ce pays et l'Angleterre, cela aurait pu avoir un certain sens sauf que cela ne concernait que leurs parties Sapiantes. Les Sorciers anglais n'avaient jamais été très colonialistes. C'était plus par manque d'ambition ou un mépris de ce qui se passait en dehors de leur territoire qu'à choses, mais, mais c'était un fait. Cela n'avait toutefois pas empêché certaines familles d'aller s'installer dans les terres colonisées en se servant des facilités offertes. À l'abri grâce aux autorités anglaises sapiantes (et donc de la couronne anglaise dont ils dépendaient toujours) ils pouvaient être libérés du gouvernement magique anglais sans dépendre non plus des Indiens. L'inverse était aussi vrai, les jumelles Padma et Parvati Patil en étaient le parfait exemple.

Cependant, les Sorciers qui avaient décidé d'émigrer dans les colonies étaient souvent considérés comme des déserteurs par les continentaux. Hariel avait au départ choisi l'Inde comme lieu d'origine pour le Prince pour expliquer que personne n'en avait entendu parler. Malheureusement, cela risquait à présent de se retourner contre lui.

Le fait qu'il ait été élevé dans le monde non magique ne plaidait pas non plus en sa faveur. Dans l'histoire qu'Hariel avait concoctée, ses deux parents étaient morts de maladie, le forçant à aller vivre chez le frère de son père. Celui-ci avait beau être Sorcier, il avait épousé une Sapiante, Indienne de surcroît. Stimpson avait joué sur le traditionalisme de certaines couches de la société pour signifier qu'une telle éducation, si loin de la pure culture britannique avait fait du Prince un candidat moins apte à régner sur son peuple.

« C'est bizarre, son nom me dit quelque chose » fit remarquer Hermione qui lisait l'article par-dessus l'épaule de Draco.

« C'était une élève de Poudlard qui a eu son diplôme l'année dernière » lui expliqua Hariel. « Rita l'a engagé quand elle s'est retrouvée à court d'inspiration, mais elle l'a doublé. »

« C'est quoi ? Une arriviste aux dents longues ? » Demanda son amie.

« Disons qu'elle a appris avec la meilleure » dit le jeune Démon avec un ricanement. « Par contre, pour la profondeur et le style ce n'est pas encore. Elle est loin d'avoir autant d'impact que Rita. »

« Alors, pourquoi la choisir ? » Demanda Dean.

« Elle est devenue la coqueluche du journal » répondit Hariel en haussant les épaules. « Elle est la toute jeune diplômée qui s'est retrouvée entre les griffes de la journaliste arriviste et qui a héroïquement réussi à faire paraître la vérité sur le monstre. »

« Et donc tout le monde s'est retourné contre Rita. »

« Elle a régné par la peur, normal qu'elle ait déchanté. »

« Mais tu ne crains pas que le fait qu'ils aient choisi la "petite chérie des médias" soit pénalisant malgré son style ? » Demanda Hermione.

« Au début, peut-être. Mais la nouveauté, ça passe vite. Si on doit reconnaître quelque chose à Rita, c'est qu'elle sait tenir un auditoire sur la durée. Pendant toutes les années où elle a écrit, elle n'a jamais lassé ses lecteurs, notamment parce qu'elle leur donnait régulièrement ce qu'ils voulaient : de l'innovation et de l'excitation. Par contre, ça, c'est le premier vrai article de Stimpson depuis celui sur Rita. Si elle n'augmente pas son rythme, sa carrière risque d'être aussi brève qu'un feu de paille. »

« Il n'empêche que cet article pourrait bien te porter un rude coup, non ? » Insista Hermione.

« Oui, sans doute » répondit son ami. « Mais ce n'est pas aussi grave que ça en a l'air parce que ça va m'ouvrir une perspective que j'attendais. »

« Laquelle ? » Demanda Dean en fronçant les sourcils.

« Imagine que tu es le Prince et tu vois cet article, qu'est-ce que tu fais ? »

« Puisque c'est toi… »

« Oublie que c'est moi. Pense juste à ce que tu ferais si quelqu'un remettait tes motivations ou tes aptitudes en doute. »

« Je serais en colère… et je voudrais que les gens connaissent mon point de vue ? »

« Exact. Et donc ? »

« Donc le meilleur moyen serait de m'adresser aux gens par le biais de la presse. Mais pas le Skeeter, pas tout de suite… »

« C'est bien, continu » l'encouragea Hariel.

Il ne voulait pas être insultant envers Dean, mais il savait qu'il n'aurait jamais été capable de suivre ce raisonnement aussi loin avant ce qui était arrivé pendant l'été. Les deux cousins avaient déjà eu des discussions techniques depuis la rentrée et Hariel s'était rendu compte que certains concepts étaient tout d'un coup plus clairs pour lui. Certes, il ne savait pas tout et c'était normal. Il lui faudrait pour cela avoir plus de connaissances scientifiques de ce monde. Cependant, certaines des explications qu'Hariel lui avait faites avaient semblé éveiller une lumière en lui. C'était agréable de converser avec quelqu'un de son niveau à nouveau.

« Si je voulais m'adresser à la foule, je voudrais le faire sur un média à grande audience. La Gazette est peut-être l'endroit d'où est venue l'insulte, mais c'est aussi le principal journal d'information… sauf que le Ministre a la main mise sur elle donc, il va lui ordonner de refuser. Cela me forcera à m'adresser au seul autre journal d'information qui existe même si son audience est plus faible. »

« Exact » acquiesça Hariel.

« Mais puisque tu sais que la Gazette est sous le contrôle de Fudge, pourquoi tous ces détours ? » Demanda Draco. « Pourquoi ne pas s'adresser directement à Skeeter ? »

« Pour démontrer à la population que justement la Gazette n'est pas digne de confiance. Si je dis qu'elle a refusé de m'entendre, cela va faire réfléchir quelques personnes. »

« Sauf qu'après cet article, ton influence n'est pas… réduite ? » L'interrogea Hermione.

« Un peu. Mais seulement en tant qu'Héritier présomptif de la Couronne. Quoi qu'il puisse arriver, pour le peuple, je suis toujours celui de deux Fondateurs et même de Merlin. Tu sous-estimes son influence à lui. Pour les Sorciers, c'est presque un Dieu. »

« Faisant de toi une sorte de Messie » en conclut son amie. « Ils ne voudront peut-être pas que tu les diriges, mais tu resteras tout de même important à leurs yeux. Je comprends. Sauf que ça ne t'aidera pas à monter sur le trône. »

« C'est vrai. Mais il lui suffit de continuer le plan. Avec ce qui se passe avec Dumbledore et à cause de cet article, je pars de plus bas, mais ma tactique ne va pas changer. Je vais socialiser un maximum et faire adhérer le plus possible de personnes à ma cause. C'est le Magenmagot qui doit voter si, oui ou non, l'État va se soumettre à moi. Je dois donc les mettre de mon côté ou faire en sorte que la population m'aime suffisamment pour faire pression sur eux. »

« Et tu penses que ça sera assez ? Je veux dire, si ça dépend du Magenmagot, vu comme ils sont corrompus… »

« Justement, c'est à cause de ça que je vais les appâter. Leur soif de pouvoir. »

« Je ne comprends pas. »

« Je t'ai déjà expliqué la véritable origine des Sang-Purs, non ? »

« Oui, ce sont des familles dont le fondateur a été choisi par la Magie pour recevoir un titre en récompense d'un haut fait. »

« C'est ça. Sauf que ce n'est pas tout. En devenant "Pur" ces fondateurs, ainsi que les membres de leur famille, que ce soit par le sang ou par mariage, reçoivent pour mission de diffuser la Magie. »

« Oui, je crois aussi avoir lu quelque chose comme ça » dit la jeune fille en fronçant les sourcils. « Mais je n'ai pas bien compris ce que ça voulait dire. »

« Ça signifie qu'ils ont une capacité naturelle à capter et diffuser la Magie à leur entourage, les rendant plus en contact avec leur propre Magie et donc plus puissant. »

« Comment ça se fait ? » Demanda Hermione.

« En fait… » commença Hariel.

« Ce sont des liens d'allégeances » l'interrompit Dean.

Ses yeux étaient légèrement dans le vague. Hariel m'avait déjà vu comme ça. Il entamait l'assimilation des informations qui surgissaient dans son cerveau. Elles devaient avoir été transférées du réservoir créé dans son esprit et étaient en train d'être ordonnées par Ahiram.

« L'énergie magique se diffuse à travers des liens immatériels entre les sorciers qui transcendent le temps et l'espace à la manière de la Magie de l'Héritage. Un titre donné par la Magie nécessite de protéger ses autres enfants qui, en échange, prêtent serment au porteur, créant un lien entre eux. »

« Mais aujourd'hui, ça n'existe plus » intervint Hermione. « Je veux dire, personne ne fait de serments d'allégeance aux Sang-Purs. »

« D'une certaine façon si, puisqu'en tant que citoyen, nous sommes naturellement sous l'autorité de notre gouvernement » répliqua Hariel.

« Ce n'est pas vraiment la même chose. »

« Nous obéissons à ces mois et en échange, il nous garantit le bonheur. C'est assez proche. Surtout que, qui parle de gouvernement parle aussi de Magenmagot, où sont rassemblés les nobles. »

« Je vois… mais quel rapport avec toi ? Je sais que tu es théoriquement un Sang-Pur, mais… »

« Autrement dit, je suis un noble. Et qui est le premier des nobles ? »

Hermione fronça les sourcils. Puis la lumière se fit dans son esprit et elle écarquilla grand les yeux.

« Le Roi » dit-elle. « C'est le Roi. »

« En effet. Le Roi est le premier des nobles et donc la première des "antennes" magiques. »

« Jusque-là, j'arrive à suivre. Mais en quoi le fait que tu soit couronné pourrait augmenter le pouvoir des Sorciers. »

« C'est simple, comme pour tout, plus tu es puissant et plus tu peux faire de choses. Dans cette situation, la puissance définit la quantité de Magie que je peux capter et rediffuser. »

Et Hariel était surpuissant. Le bond en avant magique allait donc être assez incroyable… sauf que ça, la population l'ignorait. Cependant, ce qu'elle savait, c'était qu'il descendait de plusieurs Maisons influentes, dont celle de Merlin. Cela pouvait justement sous-entendre un certain pouvoir.

« Je suis presque à peu près sûr que certains des membres du Magenmagot vont chercher à me tester durant cette année pour évaluer la puissance afin de déterminer la peur une fois que je serais sur le trône. »

Effectivement, c'était un argument de poids. Sauf que…

« Tu n'as pas peur de renforcer aussi Voldemort et les Mangemorts ? Ils sont aussi des Sorciers Britanniques après tout. »

« Sauf qu'ils n'ont aucune allégeance au gouvernement. Cela ne les concernera donc pas du tout. »

« Donc… si Voldemort ne veut pas se retrouver à combattre des Sorciers rendus plus forts par leur Roi, il devrait faire en sorte de t'empêcher de monter sur le trône. »

« C'est ça. Cela voudra dire que Fudge ne sera pas le seul à essayer de m'arrêter. Tu peux être sûr que Lucius Malefoy va l'appuyer plus que jamais. »

Hermione soupira. Oui, les ennemis s'accumulaient dangereusement sur eux. Tout ce qu'elle espérait, c'est qu'ils parviendraient à parer toutes les offensives avec des personnes hostiles qui se cachaient dans tous les coins…

À côté de cela, ses propres préoccupations lui semblaient bien dérisoires.

0o0o0

« Décidément, elle ne se sent plus » souffla Hermione avec colère.

On était jeudi. Elle et les autres Serdaigles, accompagnées des Serpentards, sortaient du cours de Défense. Heureusement, cela n'avait duré qu'une heure et c'était le dernier de la journée. Avoir ce cours deux jours de suite n'était définitivement pas une partie de plaisir. Surtout qu'il n'y avait pas vraiment de changement entre les deux… à part la durée. Le mercredi, ils avaient deux heures et le jeudi, une seule. Habituellement, cette dernière servait pour la théorie et l'autre, la plage horaire la plus longue, pour la pratique.

Bien entendu, avec le prétendu programme « révolutionnaire » d'Ombrage, les deux heures correspondaient encore à de la théorie. Enfin, parler de théorie était beaucoup dire puisque depuis le début de l'année scolaire, ils n'avaient fait que lire le manuel. Il n'y avait rien de révolutionnaire là-dedans. Et encore moins de pédagogiques. Ombrage n'était pas un professeur et de toute façon, elle ne cherchait pas à l'être. Elle était un agent sous couverture et pour le moment, elle n'y arrivait pas trop mal.

« Je dois dire en effet qu'elle est assez… pénible » souffla Hariel.

Même si le contenu de ses cours ne changeait pas, son attitude à elle se modifiait de plus en plus. Elle semblait plus joyeuse, extatique même. Bref, c'était assez effrayant. Elle continuait ses évaluations du personnel avec zèle et son emprise sur l'école ne faisait que grandir.

« À propos d'elle et de sa malveillance, tu en es où avec la Gazette ? » Demanda Hermione.

« J'attends leur réponse. J'ai envoyé la lettre lundi, bien sûr. »

« Je suppose qu'ils font traîner pour gagner du temps. »

« Possible. D'ailleurs, en parlant de "gagner" du temps, joyeux anniversaire. »

On était en effet le 19 septembre. Hermione venait donc d'avoir 16 ans.

« J'ai déposé ton cadeau au Refuge. On peut y aller tout de suite si tu veux. »

« Mmm… » répondit son amie.

Hariel fronça les sourcils. Bien sûr, il ne s'attendait pas à ce qu'elle saute de joie, ce n'était pas son genre. Mais il aurait cru qu'elle serait un peu plus enthousiaste.

« Il y a un problème ? » Demanda-t-il.

« Pourquoi il y en aurait un ? »

« Parce que tu tires une tête de six pieds de long. Allez ! Accouche ! »

Hermione soupira.

« Le truc c'est… que je n'ai pas encore reçu mon Héritage » dit-elle.

« Ton… »

« Oui. Je viens d'avoir 16 ans. Je veux dire, vraiment puisque je suis né tôt le matin. Sauf qu'il ne s'est rien passé ce matin. Pas de vertiges, de malaise ou au contraire de l'énergie à revendre où je ne sais quoi d'autre. Est-ce que c'est normal, tu crois ? »

Hariel la regarda quelques instants avant d'éclater de rire.

« Je peux savoir ce qui t'amuse ? » Demanda son amie d'une voix positivement venimeuse.

« Désolé. Désolé » hoqueta Hariel. « C'est méchant, je sais. Je n'aurais pas dû. Je dois avoir l'air d'un idiot de Sang-Pur. »

Hermione leva un sourcil.

« Désolé. Donc, l'Héritage. »

« Oui. Mon Héritage. »

« Tu pensais que cela arrivait d'un coup, comme ça, pile à la seconde exacte de ton 16e anniversaire ? »

« Je suppose que ce n'est pas le cas ? » Demanda Hermione, les joues rouges de gêne.

« Disons que ce n'est pas aussi précis. C'est comme n'importe quel état du développement physique d'une personne, ça change d'un individu à l'autre. Apprendre à marcher, la puberté… On donne un âge approximatif, mais pour certains ça se passe avant et pour d'autres après. »

« Donc, il est possible que ça m'arrive plus tard dans la semaine ou même le mois. »

« Mm… oui » répondit Hariel, un air gêné sur le visage. « Mais ça pourrait aussi être déjà arrivé. »

« Je pense que je m'en serais rendu compte. »

« Sauf si tu dormais… ou que les Réactions soient assez faibles. »

« Parce que je ne suis pas assez puissante ? »

C'était une possibilité. On appelait les Réactions de l'Héritage les phénomènes qui arrivaient à une personne quand elle recevait celui-ci. Comme Hermione l'avait dit, cela pouvait être des vertiges, des malaises, une énergie excessive voir même des effets de lumières. Cependant, ce qui était sûr, c'était que leur intensité dépendait de l'importance de cet Héritage.

« Ce n'est pas du tout ce que je veux dire. Ça ne voudrait pas dire que tu n'es pas puissante, seulement que le pouvoir que tu pourrais acquérir lors de ton Héritage ne devrait pas être très conséquente. C'est principalement dû à ton absence de lignée magique. »

« Quoi, parce que mes parents sont Sapiants ? »

« En quelque sorte. Je t'ai dit que l'Héritage était un lien qui transcende le temps, cela veut dire qu'il se nourrit de la Magie de l'ascendance du Sorcier qui se transmet de génération en génération. Étant toi-même une première génération, ta lignée n'a pas engrangé de Magie. C'est tout. »

« Donc quoi ? Les Sang-Purs auraient raison et seule une lignée parfaite permet de créer de puissants Sorciers ? »

« Alors là, pas du tout. Si c'était le cas, leurs enfants seraient de plus en plus puissants, mais ça ne l'est pas. Loin de là. De plus, les témoignages d'Héritages puissants ont beau venir de familles sorcières depuis de nombreuses générations, ce n'est pas forcément des Sang-Purs. Depuis des années, je pense qu'il y a une composante génétique qui est en jeu à ce sujet, mais je n'ai pas encore de preuve. De toute façon, dans ton cas, cela n'a pas vraiment d'importance. »

« Comment ça, ça n'a pas d'importance ? »

« Oui. Parce que tu es… »

Il regarda autour de lui. Les élèves étaient déjà partis, les laissant tous les trois, avec Draco, bien trop proches de la salle de classe de Défense au gout d'Hariel. Il n'avait pas bien fait attention précédemment avec leur conversation. Mais ils étaient couverts par le brouhaha des voix donc ça n'avait pas trop d'importance. Mais à présent, ils étaient seuls dans un couloir désert.

« Pas ici » dit Hariel.

Rapidement, il guida ses deux amis vers une salle vide et les téléporta jusque dans le Repaire.

« On sera tranquille maintenant » soupira-t-il en s'asseyant sur l'un des canapés qui ornaient la pièce.

« Et donc, tu disais ? » Reprit Hermione.

« Euh… oui. Dans ton cas, l'Héritage n'a pas d'importance parce que tu es une Grande Prêtresse. »

« Je ne vois pas le rapport. »

« Comment dire ça… » murmura Hariel pour lui-même. « Je pense qu'il faudrait d'abord que je t'explique comment fonctionne exactement la Magie. »

« Je croyais le savoir » dit Hermione d'un ton aigre.

« Tu sais comment l'utiliser, ça, c'est plus que clair. Cependant, je te parle des phénomènes internes et physiologiques liés à l'utilisation de la Magie. »

Hermione soupira. Hariel avait tellement d'avance sur elle. Elle savait que tous les livres qu'il avait lus, il les avait rapportés dans son Encyclopédie Démoniaque. Et elle-même en avait l'accès. Toutefois, elle était loin d'être une lectrice aussi rapide que lui. C'est pour ça que certains concepts lui échappaient encore.

« Je ne vais pas entrer dans les détails » dit Hariel. « Je vais plutôt utiliser une métaphore. »

Il claqua des doigts et fit apparaître un tableau blanc qui se mit à flotter dans les airs. Draco, qui s'était fait discret jusque-là, se rapprocha. Il était aussi très intéressé.

« Bon » dit-il. « Vous savez tous les deux qu'en tant qu'utilisateur de Magie, nous la stockons en nous dans des sortes de réservoirs. »

« Oui, c'est ce qu'on appelle les Cœurs Magiques » dit Draco.

Le pluriel était important. Pour les Sorciers, il n'existait qu'un seul Cœur Magique. Cependant, parmi les utilisateurs de Magie, il y avait la possibilité pour un même individu d'en posséder plusieurs. C'était le cas de métis de plusieurs races d'utilisateur de Magie. Par exemple, le professeur Flitwick devait avoir un Cœur pour sa Magie Humaine et un autre pour sa Magie Gobeline. De même, les Anges et Démons réincarnés conservaient leurs aptitudes originelles et, s'ils étaient des utilisateurs de Magie, leur Cœur. C'était le cas pour Draco ainsi que le reste des membres de la Suite d'Hariel.

De plus, une personne maîtrisant un pouvoir élémentaire possédait un Cœur séparé pour chaque élément en plus du Cœur Magique principale. Ce phénomène pouvait très bien se conjuguer avec l'autre. Par exemple, Akeno avait 3 Cœurs, un de Démon, un d'Ange Déchu et un troisième pour l'élément Foudre. De même, Hariel, lui, en possédait pas moins de 6. Celui de Démon, celui de Magicien ainsi que ceux de ses 4 éléments actifs : le Feu, la Foudre, l'Eau et l'Air. Cela était sans compter les futurs éléments qu'il maîtrisait sûrement dans l'avenir et qui seraient d'autant de Cœurs Magiques supplémentaires.

« C'est cela » approuva Hariel. « Maintenant, imaginez que ce ou ces Cœurs sont des bassins et que la Magie qu'il contient, c'est de l'eau. »

Il fit un léger mouvement vers le tableau et une image apparut à sa surface.

« Maintenant, pour être utilisée, la Magie, l'eau donc, doit être sortie du bassin par le Magicien. »

« À l'aide d'un seau, je suppose » proposa Hermione qui commençait à comprendre la métaphore.

« C'est ça » acquiesça Hariel alors que l'objet apparaissait sur le tableau. « Le Magicien prélève la Magie du cœur comme on le ferait en prélevant de l'eau avec un seau. »

« Sauf que s'il continue à prélever, le bassin va se vider » continua Hermione.

« Encore exact. C'est pour ça qu'il se remplit au fur et à mesure grâce à un robinet qui s'arrête tout seul quand le bassin est plein. »

« Donc si on continue la métaphore, j'imagine que le robinet est relié à une… euh… une nappe phréatique qui représente la Magie ambiante. »

« Oui. Le corps capte la Magie ambiante et la répartit dans les Cœurs. »

Comme la Magie ambiante était relativement pure, elle était aussi transformée à l'intérieur du corps pour correspondre au type de Magie, mais c'était un autre sujet.

« Le point que je veux expliquer, c'est que bassin, seau et robinet n'ont pas la même capacité selon l'utilisateur de Magie. »

Certains avaient des Cœurs plus ou moins gros. C'était notamment le cas d'Hariel chez qui sa Capacité de Magie Démoniaque était démesurée. De même, le « seau » ou Capacité d'Extraction, comme il l'appelait (le bassin représentant la Capacité de Stockage), pouvait être plus ou moins important. Plus cette Capacité d'Extraction était élevée et plus le Magicien pouvait lancer des sorts puissants. En effet, si celle-ci était trop juste, alors il ne pourrait pas rassembler la force nécessaire quoiqu'il fasse, même s'il possédait une énorme Capacité de Stockage.

Au contraire, une grande Capacité d'Extraction ne servait à rien si la Capacité de Stockage était trop réduite. C'était même dangereux. En effet, si la personne qui se trouvait dans ce cas de figure tentait de lancer un sort puissant, alors son Cœur risquait de se retrouver vider ce qui peut être mortel. En particulier si son « robinet » ou Capacité de Restauration était trop faible.

La Capacité de Restauration correspondait au débit d'énergie Magique que le corps captait afin de restaurer ses réserves. Certains pouvaient se remettre en quelques secondes et d'autres en plusieurs heures. Une nouvelle fois, la Capacité de Restauration était liée à la Capacité de Stockage. Par exemple, qu'une personne mette plusieurs heures pour être à nouveau à son maximum de Magie ne voulait pas forcément dire que sa Capacité de Restauration était faible, mais peut-être que sa Capacité de Stockage était très élevée. Et donc, qu'il fallait plus de temps pour la remplir. Au contraire, une durée de recharge rapide pourrait signifier une Capacité de Stockage assez faible.

Connaître ses Capacités permettait aux utilisateurs de Magie de mieux la réguler et la manipuler.

« Mais ces mesures, ces Capacités, elles ne peuvent pas évoluer au fil du temps ? » Demanda Hermione.

« Pour ce qui est de la Capacité de Stockage, oui » répondit Hariel. « Avec de l'entraînement, il est possible d'augmenter la contenance du Cœur Magique. »

En fait, celui-ci comme son homologue physique était des muscles. Plus on les utilisait et plus ils étaient forts.

« Pour ce qui est des Capacités d'Extraction et de Restauration, en revanche, c'est plus complexe. Il n'est pas possible de les modifier de la même façon. »

« Mais c'est possible » demanda Hermione avec espoir.

« Oui. Pour cela, il faut un afflux brusque et incontrôlé de Magie provoquant un agrandissement de la Capacité de Stockage. »

« Comme… l'Héritage ? » Interrogea Draco.

« Exactement. Ou avec la rupture d'un sceau. Mes propres Capacités d'Extraction et de Restauration, ou CE et CR pour faire court, sont en perpétuel développement depuis que j'ai 6 ans. C'est pareil aussi, par exemple pour Issei, à chaque fois qu'il débloque un niveau de pouvoir de son Sacred Gear. Et il y aurait également mon couronnement. »

« Oui… tu as dit lundi que cela augmenterait la Magie des Sorciers » comprit alors Hermione. « Donc ce que tu voulais dire exactement, c'est que le lien va causer un afflux de Magie qui va provoquer un accroissement de la Capacité de Stockage… la CS de tout le monde, ce qui va, en même temps, augmenter leur CE et leur CR. »

« Exactement. »

« Donc, ce que tu veux dire, c'est que même si je n'ai pas reçu d'Héritage, je pourrais toujours devenir plus puissante grave à l'entraînement et au moment de ton couronnement. »

« En fait, pas du tout » répondit Hariel.

Il se tourna vers le tableau et fit un geste.

« Tout ça, ça ne te concerne pas du tout » dit-il alors que l'image du bassin, du seau et du robinet était tout à coup barrée.

« Mais tu as dit… »

« J'ai dit que cela n'avait aucune importance pour toi parce que tu es une Grande Prêtresse. En tant que telle, tu n'as ni bassin, ni seau, ni robinet, tout simplement parce que toi, tu es dans la nappe phréatique. »

« Quoi ? »

« Ton statut fait que tu es partie intégrante de la Magie elle-même, de son flux et tu la manipules directement. »

« Et… qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? »

« Pas de limite de Stockage, d'Extraction ou de Restauration. En clair, pas de limite du tout, c'est ça que ça veut dire d'être Grande Prêtresse. »

En entendant ça, Hermione cligna des yeux puis se mit à chanceler. Fort heureusement, Hariel convoqua un siège d'un geste. Hermione s'effondra à l'intérieur et resta figée quelques instants en essayant de digérer ce qu'elle venait d'apprendre. Pas de limite ? Clairement, il devait y en avoir. Sinon, pourquoi Morgane et Nimueh étaient-elles mortes ? Si leur pouvoir de Grande Prêtresse était sans limites, alors elles n'auraient pas pu être tuées (ou n'auraient pas fait l'ascension). Il devait donc y avoir quelque chose… mais pas les limites des Sorciers.

Hermione eut un sourire amer. Elle savait si peu de choses. Elle voulait apprendre, mais elle était tellement lente. Elle avait parfois l'impression de faire du sur place alors que les autres progressaient. Le seul réconfort qu'elle avait à présent, c'était celui qu'elle aurait le pouvoir de ses ambitions.

Et l'une d'elles consistait à battre Ombrage à son propre jeu ici, à Poudlard. Et pour cela, elle avait une idée…

À suivre…

.

Et voilà un nouveau chapitre avec pas mal d'explications. J'espère que ce n'était pas trop indigeste…

Quand il m'arrive de lire des fics où Harry est en cinquième année et qu'il affronte Ombrage, elle est souvent décrite comme une idiote alors qu'en fête, malgré son fanatisme elle est assez rusée. Je voulais faire ressortir ça. Ça sera d'autant plus amusant quand elle va tomber 😁.

Bon, l'histoire de la Bulgarie était pas prévue. Je l'ai imaginée au dernier moment parce que la majorité des anciens bâtiments qui auraient pu accueillir le Ministère étaient des églises et que j'avais la flemme de chercher autre chose que le Largo. J'ai donc dû me décarcasser pour trouver une raison plausible à la présence du Ministère Bulgare dans un bâtiment aussi récent. Finalement, je ne pense pas m'être trop mal débrouillé. J'ai même pu faire un clin d'œil au monde de DxD.

L'histoire des Capacités m'a été inspirée par Hajime Kanzaka, auteur du light novel Slayers, adapté en Anime dans les années 90. Je regardais quand j'étais gosse… et après. En tout les cas, dans une interview, il a décrit les Capacités de Stockage et d'Extraction en les appelant Pool Capacity et Bucket Capacity (Capacité de Bassin et Capacité de Seau). J'ai repris l'analogie en ajoutant un petit concept, et voilà. Qu'est-ce que vous en pensez ?

En tout les cas, n'hésitez pas à me laisser des commentaires et je vous dis à dans deux semaines !