Check Mate DxD

Chapitre 112 : En quête de Popularité/Ninki no Tankyuu

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Finalement, Hermione comme Hariel se disaient que leur programme pour Ed était peut-être un peu ambitieux. En effet, l'enseignement de la magie sans baguette n'était qu'une première étape pour que les Sorciers deviennent de "vrais" Magiciens. Ils devaient également apprendre à utiliser leur Poche Dimensionnel et activer leur Seconde Vue. Ce qui, quand on regardait les résultats pour le moment, était loin d'être fait.

Certes, cela ne faisait que deux semaines depuis qu'ils s'étaient tous rassemblés dans la Salle sur Demande. De plus, ils n'avaient pas été capables de se voir autant qu'ils l'auraient voulu. Hermione pensait au départ organiser plusieurs réunions hebdomadaires le soir ainsi que le Weekend, mais tout le monde n'était pas libre au même moment ce qui rendait difficile de tous être ensemble.

Finalement, après une semaine de rendez-vous reportés ou annulés à la dernière minute, Hermione avait dû trouver une autre solution. Au lieu de donner des convocations fixes aux membres du groupe, elle avait décidé de mettre en place des permanences, des périodes où elle ou quelques-uns des autres tuteurs (c'est à dire Hariel et Dean, car les gens avaient encore du mal à faire confiance à Draco) seraient présents pour enseigner et aider ceux qui pourraient être disponibles.

Cette idée avait rencontré un succès déjà plus important que la précédente. Cependant, elle avait également eu une conséquence assez inattendue. En effet, à présent qu'ils connaissaient le moyen de la faire apparaître, il leur arrivait de se rendre eux-mêmes à la salle, soit pour s'entraîner, soit pour étudier ensemble. Le décret d'éducation n°25 avait eu pour effet de compromettre les cessions d'études en groupe. Jusque-là, Ombrage n'avait donné son aval que pour la reformation des équipes de Quidditch. Et encore, Angelina Johnson, la Capitaine de Gryffondor, avait dû batailler ferme.

Toujours est-il qu'à cause de ça et également parce que les préfets acceptaient rarement d'autres élèves dans leurs salles communes, les groupes de révisions inter maisons avaient du mal à se rassembler. Donc, les membres de leur groupe avaient profité de la Salle sur Demande dans ce but.

Hariel s'était inquiété au départ, mais Hermione avait statué que c'était bon pour l'alliance inter maison. L'une des choses qui manquaient à Poudlard était une sorte de lieu disponible pour toutes les maisons, un endroit où tous pouvaient se réunir pour étudier, mais aussi pour s'amuser. Dans les collèges et lycées Sapiants, on appelait ça un Foyer.

Toujours était-il qu'ils étaient à présent fin octobre et que le programme était bien loin d'avoir avancé. Cependant, aujourd'hui, Ed n'était pas du tout ce qui préoccupait Draco. Et il n'était pas le seul. En effet, ce samedi 31 octobre 2015, Hariel, en tant que Prince Pendragon-Emrys, avait été invité à la grande célébration de Samain qui aurait lieu ce soir-là.

Ce n'était pas tant qu'il quitte l'école qui gênait ses Serviteurs, non. Après tout, depuis les deux mois qui avaient précédé, Hariel s'était rendu à de nombreux évènements mondains. Des dîners et des bals, mais également d'autres manifestations en après-midi comme des goûters ou des rendez-vous pour le thé. Pour cela, il avait même dû sauter des cours. Bien entendu, ce n'était pas très grave. Rien de ce qui n'était enseigné par les professeurs ne lui était inconnu, HariEx pouvait parfaitement le remplacer aux yeux de ses camarades et Fumseck couvrait ses absences auprès de Dumbledore.

Malgré l'aversion qu'Hariel pouvait avoir pour les phœnix, celui-ci s'était montré remarquablement utile. Il avait beau être lié au directeur d'une façon ou d'une autre, cela ne l'empêchait pas d'avoir suffisamment de pouvoir pour tromper les appareils de suivi que possédait le vieil homme. C'était donc un gage de liberté pour le jeune Démon, car tous ces évènements mondains étaient plus que nécessaires.

En effet, comme il le faisait depuis le début avec l'aide de ses Chevaliers, Hariel se bâtissait un réseau. Jusque-là, il était possible que ses partisans parlent en son nom, mais ce n'était plus suffisant. Les gens voulaient le voir, converser avec lui, le comprendre et surtout connaître ses idées, si elles étaient compatibles avec les leurs ou du moins s'ils pourraient les utiliser à leur compte.

De même, Hariel avait besoin d'eux pour les diffuser. Telle personne avec qui il va prendre le thé sera convaincue par l'une d'elle et en discutera avec son conjoint, sa famille, ses amis, etc. Ceux-ci s'en trouveront alors peut-être intrigués et voudront en savoir plus. En faisant cela, ils les répandront à leur tour ce qu'ils ont entendu et cela fera boule de neige. Même si l'information était un peu déformée, ce n'était pas très grave tant qu'on parlait de lui. Et même si les rumeurs devenaient hors de contrôle, il avait des alliés qui pouvaient rectifier le tir.

Grâce à cela, alors que son auditoire avait été au départ composé principalement de ce que l'Angleterre Magique comptait d'Aristocrate, on avait commencé à évoquer son nom dans d'autres cercles moins élevés. Certains parmi les plus audacieux (incroyable pour les Sorciers, mais il en existait) ont même essayé de l'inviter. Bien entendu, Hariel a accepté souvent simplement pour rencontrer une personne ayant le courage de prendre des initiatives. Cependant, il s'était avéré, à sa plus grande surprise et à son plus grand bonheur, que leur audace ne s'était pas arrêtée à la porte de leur maison et que les conversations qu'ils avaient eues avaient été des plus intéressantes.

Évidemment, certains avaient par la suite utilisé son prestige à leur avantage, mais c'était bien sûr ce que prévoyait Hariel. De plus, celui-ci prenait à chaque fois grand soin de se souvenir des noms de ces personnes. Il se doutait qu'une telle audace serait d'une valeur inestimable au sein de son futur gouvernement. Il espérait également qu'en les positionnant à des postes clés, leur attitude ferait des émules.

Donc, ce n'était pas le fait qu'Hariel se rende à une soirée qui inquiétait Draco. Ce n'était même pas le fait qu'il s'agissait en quelque sorte de la soirée du Nouvel An magique selon l'ancienne religion (bien qu'elle n'ait en fait pas la même importance pour les Sorciers contemporains). Non, ce qui l'inquiétait, c'était plutôt le lieu où cela allait se dérouler.

« Je persiste à penser que c'est une mauvaise idée d'aller là-bas » dit-il, assis sur l'un des canapés du Repaire.

« Tu l'as déjà dit, Draco » soupira Hariel en se regardant dans le miroir.

Ce n'était pas vraiment le reflet d'Hariel Potter qu'on pouvait y voir. Pas plus que celui d'Hariel Gremory. Il partageait cependant le rouge carmin des cheveux de ce dernier, mais coiffés en une natte comme en avait l'habitude l'autre. Ils avaient aussi les mêmes yeux, la même forme de visage ainsi que la même physionomie générale. En vérité, la principale différence était la taille. En effet, le Prince Andrammax Pendragon-Emrys (puisque c'était de lui qu'Hariel avait l'apparence pour le moment) faisait une dizaine de centimètres de plus qu'eux. Cela ne le rendait pas bien plus grand pour autant étant donné qu'Hariel était en fait assez petit. Cependant, cela suffisait à maintenir l'illusion qu'ils étaient trois personnes distinctes.

Mais ce n'était pas la seule chose qui différait entre eux. Celui qui disait que l'habit ne faisait pas le moine avait tort. En tous les cas, les habits (masculins) du Prince faisaient de lui quelqu'un d'impossible à rapprocher des deux Hariel. Celui-ci portait un ensemble de magnifiques robes sorcières noir moiré d'or et aux bordures brodées du même métal. Ouverte sur le devant, elle était maintenue par de simples lacets de soies négligemment noués en ganse qui retombait élégamment. Elle révélait, par en dessous, un costume impeccable entièrement noir à l'exception de broderies assorties à celles de sa robe sur son gilet. La seule note colorée venait d'un énorme rubis rappelant ses cheveux et qui décorait sa lavallière tout aussi noire que le reste. Pour Halloween, les deux étaient une couleur appropriée.

« Il a raison, Bambi » dit Sirius. « Ce n'est pas une bonne idée d'aller chez lui. Je connais bien Lucius et je n'aime pas te savoir si près de lui. »

Hariel soupira et leva les yeux au ciel. D'abord à cause du surnom (il n'aurait jamais dû laisser Sirius regarder des Disney), mais aussi à cause de leur manque de confiance en lui. Pourtant, malgré cela, il comprenait leur inquiétude. Après tout, il allait passer toute une soirée chez rien de moins que Lucius Malefoy dans son manoir.

Savoir comment celui-ci avait réussi à retrouver suffisamment de prestige pour organiser le bal de Samain était hors de sa compréhension. Cependant, cela montrait bien une chose : il avait encore des atouts dans sa manche. L'argent en était sûrement un. L'influence qu'il avait sur le Ministre sans doute aussi. Toutefois, il était également possible que des personnes bien placées lui doivent des faveurs. Il n'était pas pensable d'avoir traîné si longtemps que Lucius dans les méandres de la vie mondaine et politique sans que certains contractent des dettes auprès de lui. Hariel le savait bien, en deux mois il avait réussi à en avoir trois. Il n'osait imaginer combien Lucius, qui était dans le circuit depuis des années, pouvait en avoir. Cela ne le rendait que plus dangereux.

Pourtant Hariel était bien décidé à braver ce danger et à passer toute une soirée chez l'homme qui était sans doute son pire ennemi après Voldemort… et Dumbledore… et aussi Azi Dahāka et Apophis… et puis Trihexa bien entendu. Oui, tout compte fait, auprès des antagonistes d'Hariel, Lucius Malefoy faisait vraiment pâle figure. Il n'était donc pas étonnant que celui-ci soit si confiant ce soir-là… et c'est exactement ce que leur dit Remus pour calmer les tensions.

« C'est vrai que Lucius est retors » dit-il. « Mais il ne tentera rien avec autant de public. Il tient bien trop au prestige des Malefoy pour ça. Tant qu'Hariel reste entouré de monde, ça devrait aller. »

« Vous voyez ? Pas de quoi s'en faire » dit Hariel.

Draco grogna, mais Sirius éclata de rire.

« Tu as gagné, mon frère ! » S'exclama-t-il en prenant Remus par les épaules. « Je cède. »

Celui-ci lui rendit son sourire, mais il s'était crispé au contact de son ami. Bien entendu, celui-ci ne le remarqua même pas. En fait, il était devenu si bon à dissimuler ses sentiments que personne ne le remarqua. Enfin, personne à l'exception d'Hariel.

« Je ne vais pas tarder à partir » dit celui-ci.

Il se tourna vers Hermione qui occupait son propre fauteuil. Dean, lui, s'était installé de guingois sur l'accoudoir. Si Hermione en était gênée, ça ne se voyait pas du tout.

« Le festin d'Halloween va bientôt commencer, non ? » Lui demanda-t-il.

« Oui, sans doute » dit celle-ci. « Tu penses être rentré pour la cérémonie ? »

« Non, je ne crois pas, malheureusement » soupira Hariel.

Il aurait aimé profiter des rites de Samain pour parler à ses parents. Deux ans auparavant, leur conversation avait été plutôt… funeste. Quant à l'année précédente, disons que la soirée d'Halloween avait été un peu trop mouvementée pour qu'il y réfléchisse. Peut-être qu'il devrait penser à demander au Seigneur Michael s'il pouvait aller les voir directement. À quoi ça servait d'avoir des contacts si on ne les utilisait pas ?

Hermione et Dean, ainsi que Draco, se levèrent pour retourner au Château. Draco jeta un dernier regard à Hariel alors qu'Hermione l'attendait sur son cercle de téléportation couleur lavande.

« Tu feras attention, hein ? » Lui demanda-t-il.

Hariel sourit puis se rapprocha de son compagnon et lui embrassa le front.

« Promis » dit-il. « Et grâce à toi, tout ira bien. »

« J'aurais aimé pouvoir faire plus » dit Draco en détournant les yeux, gêné. »

Hariel éclata de rire.

« Tu m'as fourni les plans complets du manoir et même quelques passages secrets. Franchement, je ne vois pas ce que tu aurais pu faire de plus. »

« Si j'avais été plus malin, j'en aurais appris le plus possible sur les protections » se défendit Draco. « Toutes les fois où nous y avons été ensemble, elles étaient baissées. Mais je ne sais pas ce qui se passerait pour toi si jamais Lucius venait à les mettre en place. Tu pourrais rester piégé. »

« Comme Remus l'a dit, il ne tentera rien qui pourrait ruiner sa réputation. »

« Ça n'empêche pas que si tu avais accès à plus d'informations… »

« Oh, Draco… tu avais seulement 11 ans quand il… enfin, quand tu es parti du manoir. Et même si tu avais été plus âgé, tu n'aurais eu aucune raison d'en apprendre autant à cette époque. »

« J'aurais aimé t'être plus utile. »

Hariel eut un sourire doux et posa sa main sur la joue de son compagnon.

« Tu m'es utile, Draco » dit-il d'une voix pleine d'émotion. « Tu n'as pas conscience à quel point tu es important à mes yeux. Mon fourreau, mon Avalon. Je t'aime. »

Il avait prononcé ces derniers mots dans un souffle. Draco rougit et son regard se fixa dans les iris verts du garçon qu'il aimait en retour. Pendant quelques instants, ils restèrent immobiles, se noyant dans les prunelles l'un de l'autre puis doucement, lentement, leurs visages se rapprochèrent.

« Euh… on dérange peut-être ? » Dit soudain la voix d'Hermione.

Les deux adolescents rougirent et se détournèrent.

« Tu as… très mal choisi ton moment pour intervenir, Hermione » marmonna Hariel.

« Je sais » répondit son amie avec un sourire moqueur.

Elle était parfaitement au courant de ce qu'elle avait interrompu et elle l'avait fait exprès. Hariel se disait vraiment qu'il avait une mauvaise influence sur elle. D'ordinaire, ce serait plutôt lui qui ferait ce genre d'intervention.

« Crois-moi, ma chère Hermione, ça se payera » siffla-t-il avec une expression diabolique.

Il regarda son amie dans les yeux puis son retard dériva quelques instants vers son cousin qui se tenait juste à côté avant de revenir vers elle. Les joues d'Hermione virèrent alors au rouge. Dean, lui, cligna des paupières en direction d'Hariel sans bien comprendre.

« Bon, on y va ? » Dit soudain Hermione alors que son cercle se mettait à briller.

Hariel roula des yeux avant d'embrasser à nouveau Draco, sur la joue cette fois.

« Profite bien de ta soirée. »

« J'essaierai. Mais sans toi… »

Il s'écarta de son compagnon puis avança dans le cercle qui emportait déjà ses amis.

« Comme c'était mignon » dit Sirius une fois qu'ils eurent tous disparu.

« Au moins, je dois m'estimer heureux que toi tu sois attendu pour faire une remarque » soupira Hariel en roulant des yeux.

Sirius éclata de rire.

« Bon, c'est pas tout ça, mais nous aussi on a une fête d'Halloween à animer » dit-il.

« Une fête ? Où ça ? »

« Au château de Kamala, bien sûr. »

« Sirius, les Démons ne fêtent pas Halloween. »

« Et j'en ai été les premiers surpris et horrifié » répliqua son parrain en jouant l'indignation. « C'est pour ça que l'année dernière, avec l'autorisation de Sire Zeoticus et Dame Venelana, j'ai organisé une fenêtre au château et une autre dans la ville. Comme j'ai été un peu pressé par le temps c'était limite bâclé, mais je me suis rattrapé cette année en commençant les préparatifs en septembre. Le Domaine Gremory va être le premier du Makai à fêter Halloween avec Bal Masqué et chasse aux bonbons. »

En disant ces mots, il avait l'air excité comme un enfant. Ce qu'il était en quelque sorte. D'après ce que lui avait rapporté Remus, Sirius n'était jamais vraiment sorti de l'adolescence. Certes, son incarcération avait eu des conséquences désastreuses pour sa Psychée, mais retrouvé Remus et aussi sans doute être réincarné en Démon avait réussi à lui donner la force de traverser cette épreuve et de redevenir celui qu'il était avant la tragédie survenu exactement 14 ans plus tôt.

Aux yeux d'Hariel, cette situation était des plus… inquiétante. Il était clair que Sirius refoulait le traumatisme de son long emprisonnement en s'enfermant dans un personnage qu'il connaissait. Celui de l'éternel adolescent pour qui seul comptait la fête, la baston et, à l'occasion, le sexe. C'était une situation qui était dangereuse, car Sirius était figé dans le passé pour éviter d'affronter ce qu'il avait vécu. Son déni perpétuel l'empêchait donc d'avancer, d'évoluer et d'atteindre une stabilité émotionnelle pourtant nécessaire en tant qu'Humain, mais aussi que Berserker.

Malheureusement, Sirius ne se laissait pas vraiment faire quand il s'agissait de sa santé mentale. Hariel avait tout essayé, il s'esquivait sans cesse. Il aurait pu demander à Régulus, mais la relation entre les deux frères n'était toujours pas au beau fixe et ce dernier ne voulait pas que Sirius se mette à l'éviter parce qu'il savait qu'il souhaitait qu'il se soigne. Donc il faudrait que cela vienne de quelqu'un d'autre. Quelqu'un d'encore plus proche de Sirius que son frère ou son filleul.

« Halloween, hein ? » Murmura Hariel en réponse à son parrain. « Je n'étais pas au courant. »

« Forcément, tu n'étais pas là quand… enfin, tu vois… » balbutia Sirius.

Quand il avait commencé sa phrase, Remus lui avait envoyé un coup de coude, mais il avait déjà eu le temps d'en faire bien assez pour qu'Hariel se sente mal.

Il avait l'impression depuis déjà longtemps… de se disperser. Le Makai, le Japon, les États-Unis, l'Angleterre… Tant d'endroit différent et de choses à faire dans chacun d'eux. Ce n'était pas tant la charge de travail qui le gênait que le fait qu'il se sentait parfois déconnecté de ceux qu'il affectionnait. Et cela le pesait.

À ce moment-là, des bras le tirèrent par-derrière dans une puissante étreinte.

« Ne t'inquiète pas, Bambi » dit Sirius d'une voix réconfortante. « Nous savons tous à quel point tu nous aimes et nous t'aimons aussi. Que ce soit tes grands-parents, ta Tante Rias et sa Suite, ton Oncle Sirzechs et sa famille, des amis au Japon ou aux États-Unis et puis nous et Draco, nous t'aimons tous très fort. Et même si nous ne sommes pas toujours ensemble et que tu as beaucoup de travail, nous savons que tu nous aimes et nous sommes tous prêts à t'aider si tu en as besoin. »

Hariel sourit en sentant son cœur se réchauffer. De temps en temps, il avait juste besoin de savoir qu'il était chéri. Cela faisait prêt de 10 ans qu'il avait quittés les Dursley et pourtant le traumatisme de ne pas avoir été aimé était encore en lui. Il avait beau avoir passé le double du temps avec sa famille qu'avec son Oncle et sa Tante Sapiants il ressentait parfois des incertitudes. Heureusement, il y avait toujours quelqu'un pour lui dire qu'il l'aimait dans ces moments-là.

« Merci » dit-il avec les larmes aux yeux.

Mais rapidement, il se dégagea de l'étreinte pour les essuyer.

« Désolé, mais je préfère ne pas ressembler à un lapin atteint de myxomatose en arrivant chez Lucius Malefoy. »

« Je comprends » dit Sirius avec un ricanement. « Nous aussi on doit y aller de toute façon. »

« Il serait temps en effet » dit Remus en se levant.

« Ah oui, maintenant que j'y pense, il y a quelque chose dont je dois te parler » lui dit alors subitement Hariel.

« Oui, quoi ? » Demanda Sirius.

« Je voudrais lui parler seul à seul. »

« D'accord, je vais plus loin » répondit son parrain.

Hariel se retint de rouler des yeux. Décidément, Sirius pouvait se montrer très peu perspicace.

« En fait, j'aurais besoin que tu ailles porter un message à Grand-Mère » lui dit-il.

Il fit apparaître un papier et un stylo et griffonna rapidement quelque chose avant de tendre le mot à Sirius.

« J'y vais tout de suite ! » S'exclama-t-il alors avec enthousiasme en le prenant.

Invoquant un cercle de téléportation sous ses pieds, il disparut dans un rai de lumière rouge en faisant un signe de la main.

« Et donc, qu'est-ce que tu voulais dire à Dame Venelana avec ce mot manuscrit alors que tu aurais pu te servir ton téléphone portable ? » Demanda Remus, suspicieux.

« Juste de m'excuser de l'avoir utilisée comme prétexte pour faire partir Sirius » répondit nonchalamment Hariel.

« Je vois » dit le loup-garou en se rasseyant dans le canapé. « De quoi voulais-tu me parler ? »

« Pour dire les choses grossièrement, je voudrais que tu arrêtes de jouer les idiots avec Sirius et que tu te sortes les doigts du cul. »

Remus sursauta et manqua s'étouffer.

« Je ne… vois pas du tout de quoi tu parles » haleta-t-il.

« Oh, je t'en prie ! Il n'y a vraiment que Sirius pour ne pas avoir remarqué que tu es amoureux de lui » renifla Hariel avec un léger mépris.

« Que je… quoi ? Je… C'est n'importe quoi ! Je… » bredouille Remus.

Hariel s'avança alors et s'assit à ses côtés sur le canapé.

« Écoute Remus » dit-il plus sérieusement en prenant les mains de son Oncle honoraire. « Je vois très bien comment tu le regardes quand lui ne te regarde pas. Je ne te connais vraiment que depuis deux ans, mais je sais ce que ça fait d'aimer en secret. »

Il n'était qu'un enfant à l'époque, mais il avait été amoureux de son Oncle Sirzechs avant de comprendre qu'il était heureux avec Grayfia. Cela avait été la même chose avec Issei. Il savait, pour l'un comme pour l'autre, que cet amour était impossible et celui-ci avait fini par disparaitre. Cela prouvait bien qu'il n'était pas aussi profond qu'il le pensait, mais les sentiments avaient été présents. Cette douleur au cœur que l'on éprouve en regardant la personne que l'on aime en se disant qu'elle ne vous aimerait jamais en retour. Et pire encore, la douleur de la voir heureuse avec quelqu'un d'autre.

Mais Remus n'en était pas encore là. Il avait toujours une chance. Sirius n'avait personne dans sa vie alors s'il faisait un effort…

« Mais comment pourrait-il m'aimer ? » Demanda Remus. « Je suis un homme et il préfère les femmes. »

« Oui, et bien je ne pense pas qu'il soit aussi strict sur ce sujet qu'il veut bien le montrer » grommela Hariel. « Après tout, j'ai discuté avec Oncle Barclay… »

Cela avait été une surprise de savoir que son Oncle et son parrain avaient eu une aventure alors qu'ils étaient encore à Poudlard. Aucun des deux n'avait jamais eu de liaison avec un autre garçon jusque-là, mais d'après ce que lui avait raconté Barclay, ils n'y avaient jamais vraiment réfléchi. D'après lui, ils n'étaient pas ensemble, c'est-à-dire qu'ils n'avaient aucune inclination romantique l'un envers l'autre, seulement sexuels. Cela avait cependant été une expérience qu'ils n'avaient pas regrettée. En particulier Sirius, d'après son Oncle. En bon Casanova qui se respecte, Sirius y avait vu un moyen d'augmenter un peu plus son tableau de chasse. Barclay n'avait plus couché avec un homme par la suite, mais il savait que Sirius l'avait fait.

« Tu vois ? Il est au moins Bi. Ça veut dire que tu as toutes tes chances, non ? »

« Mais il ne me voit que comme un ami… un frère. "Meilleurs amis loup pour la vie", c'est ce qu'il a dit. »

« Bon, d'accord, il t'a friendzoné à mort. C'est embêtant. Mais changer la situation ne tient qu'à toi. »

« Je ne vois pas ce que je pourrais faire » gémit Remus.

Hariel soupira. Il était convaincu que son Serviteur était dans le déni. Il savait quoi faire, mais il n'arrivait pas à s'y résoudre.

« Arrête d'être un ami et essaye de le séduire » dit-il explicitement.

« Oui, mais si… »

« Écoute » l'interrompit Hariel. « Je sais pourquoi tu hésites. Tu as peur que vos relations changent s'il n'est pas intéressé ou si ça tourne mal. Je comprends. »

L'obsession de Remus à vouloir tout faire pour conserver ses amis était quelque chose qu'Hariel comprenait vraiment. Lui aussi avait le sentiment que ceux qu'il aimait pouvaient se détourner de lui à tout moment. Cette odeur était irrationnelle, mais elle était encrée en lui tout comme elle l'était en Remus. Celui-ci s'était toujours considéré comme un monstre. Quand il avait rencontré Sirius, Barclay et son Père (et, dans une certaine mesure, Peter), il avait tout fait pour leur cacher ce qu'il était par peur du rejet. Et même quand ceux-ci l'avaient découvert et accepté, il y avait eu cette petite voix en permanence dans sa tête qui lui disait qu'il ne les méritait pas et qu'ils finiraient par l'abandonner en le laissant seul.

À cause de cela, pour conserver cette amitié, Remus avait fait des choix discutables. Il avait trop souvent cédé à ses amis pour éviter de les perdre au point que ceux-ci en avaient abusé. Hariel doutait qu'ils l'aient fait en connaissance de cause. Ce n'était pas dans leur nature (à part Peter, probablement). Cependant, ce simple fait avait instauré une dynamique quelque peu toxique entre eux. Remus préférait souffrir lui-même plutôt que renoncer à ses amis, rester passif pour ne pas risquer de les mécontenter et de se faire abandonner. Il avait vécu toute sa vie avec cette peur et comme Hariel, malgré le fait que du temps ait passé, il avait du mal à passer outre.

« Dis ce que tu penses et fais ce que tu veux, et ceux que ça dérange, c'est qu'ils ne comptent pas quand à ceux qui comptent, ça ne les dérange pas. »

Cette citation du Dr Seuss était exactement le reflet de l'attitude que devait avoir Remus. Puisque Sirius était son ami, jamais il ne pourrait en vouloir à Remus pour ce qu'il pense ou ce qu'il fait même si c'est en désaccord avec sa propre volonté.

« Tu… tu as raison » dit finalement Remus. « Peut-être que je devrais essayer… »

Il se leva, fit un dernier signe de tête à Hariel et puis se téléporta jusque dans le Makai. Celui-ci soupira. Il doutait vraiment que cette simple discussion ait suffi à soulager Remus. Peut-être qu'il devrait trouver l'aide d'un professionnel. Un psychothérapeute magique pourquoi pas. Peut-être qu'il y en avait à l'hôpital où il avait envoyé Sirius.

Selon lui, il était nécessaire que Remus avoue ses sentiments à Sirius. Hariel était sûr qu'ils finiraient par être partagés. Et c'était ça le plus important. À la fois pour le bonheur de Remus que pour la santé mentale de Sirius. S'il y avait bien quelqu'un qui pourrait le convaincre de se faire soigner, c'était bien son amant.

Hariel soupira et se releva. Il avança à nouveau vers le miroir et ajusta sa tenue. Il soupira encore. Décidément, ce n'était pas vraiment une bonne idée de remuer des sentiments. Enfin, maintenant.

« Allez » dit-il en se tapotant les joues. « Ce n'est pas le moment de se laisser aller. C'est à mon tour de descendre dans la fosse aux lions. »

Il soupira une dernière fois puis, dans un rayon de lumière, disparut.

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Hariel n'était pas vraiment familier du tournoiement dans lequel le plongeait le transport par Cheminette. Il avait plus l'habitude d'utiliser sa téléportation ou, à la rigueur, le transplanage quand c'était indispensable (comme en situation de combat). Pourtant, il fit le nécessaire pour que rien ne paraisse sur son visage quand il émergea de la vaste cheminée du Manoir Malefoy en compagnie de Simeon.

Les convenances voulaient que l'hôte d'une fête accueille ses invités à la sortie du foyer pour les saluer et les guider jusqu'au lieu de la réception. Bien entendu, Lucius Malefoy ne dérogeait (pour une fois) pas à la règle et se tenait juste en face d'Hariel, ou plutôt du Prince, quand celui-ci s'avança dans le hall principal.

Celui-ci était à la hauteur et à la démesure de l'orgueil de la famille Malefoy. Plus haut encore que celui de Poudlard, il était également plus large et vaste. En vérité, il ressemblait plus à une nef d'église qu'à un véritable hall. C'était notamment dû aux énormes piliers fasciculés dont les faisceaux de colonnettes soutenaient les arcs qui décoraient les murs ainsi que, plus haut, l'impressionnante voûte gothique qui surplombait la salle.

L'intégralité du sol était faite de marbre blanc et de différentes teintes de gris formant une marqueterie de pierre. Au centre se trouvait bien évidemment le blason des Malefoy, un « M » d'argent sur écu écartelé en sautoir de sable et de sinople, supporté par deux vouivres dansantes, osées en pal par trois lances ornées de tritons à l'endroit de la couronne ducale et avec la devise « Sanctimonia Vincet Semper », posés à la pointe dans un phylactère ornementé de feuille d'acanthe en ses extrémités.

Hariel se retint de renifler en repensant à la devise. La Pureté l'Emporte Toujours. C'était même encore plus grotesque que le Toujours Pur, de la famille Black.

Les piliers, eux, ainsi que la voûte, étaient faits d'obsidienne d'un noir qui semblait absorber la lumière (ce qu'elle faisait probablement). Le plus impressionnant c'est que l'intégralité paraissait faite d'un seul gigantesque morceau taillé et poli. La magie ne devait pas être étrangère à cette merveille. Cependant, cela n'enlevait pas le fait que cet environnement demeurait triste et sinistre. Certainement pas le lieu où élever un enfant. Et pourtant c'était dans cette atmosphère qu'avait grandie Draco.

Hariel en avait eu le cœur brisé quand son petit ami lui avait montré pour la première fois la maison de son enfance. Hariel s'était déjà rendu au Manoir Malefoy quand il avait douze ans, mais à cette époque, il n'était pas allé au-delà des appartements de Narcissa, un endroit qu'elle avait décoré elle-même avec beaucoup de goût. Il n'avait pu voir dans quel environnement le garçon qu'il aimait avait vécu pendant plus de 12 ans que très récemment.

Pour le préparer à cette soirée, Draco ne lui avait pas seulement parlé du manoir, il le lui avait montré. Utilisant la technique des Démons de création de subespaces, il avait rajouté une pièce au Repaire qui était la réplique exacte de sa demeure ancestrale, intérieure comme extérieure.

Le Manoir Malefoy était une gigantesque forteresse formée de plusieurs corps de bâtiments et de nombreuses tours dont certaines disparaissaient dans la brume. Il était entouré d'un vaste jardin à l'anglaise pourvu d'un lac et de diverses fontaines. Des paons blancs circulaient en liberté sur les pelouses et de larges écuries accueillent un cheptel considérable d'Abraxans, des chevaux volants. Le domaine était ceint d'une imposante muraille ensorcelée qui, comme pour Poudlard, délimitait les confins de la barrière magique. Les deux ensemble dissimulaient le manoir aux yeux indésirables (Sapiants ou non) et le protégeaient des intrus.

Le seul endroit qui semblait vulnérable était un immense portail de fer forgé, mais celui-ci était gardé par d'énormes gargouilles en forme de Dragons qui soufflaient feu et tonnerre sur ceux qui tentaient de passer par la force. Il était cependant étrange qu'il y ait un portable alors que tout le monde venait par magie. Il en était de même pour la grande allée qui partait de ce portail et menait jusqu'à la grande porte du bâtiment principal. Il s'agissait en fait de reliques du temps avant le réseau de Cheminette, quand les invités arrivaient en carrosses tirés par des bêtes volantes. Celles-ci ne pouvaient passer les barrières et devaient rouler normalement en passant par la grande allée.

Ladite porte se situait juste sur la gauche d'Hariel, tout au bout du Hall. À sa droite se trouvaient les escaliers qui s'élevaient en spirale à triple révolution dans les étages. Cependant, il n'avait pas le temps de les regarder. Ni l'envie. En effet, son attention était toute concentrée face à lui où se tenait le propriétaire des lieux : Lucius Malefoy.

Toutefois, celui-ci était loin d'être seul. Il était accompagné d'un petit homme corpulent aux airs de fouine qui nageait visiblement dans de lourdes robes clinquantes et de très mauvais goûts. Cornélius Fudge. Le Ministre en personne.

Hariel se retint de sourire. Dans ce monde d'apparence, avoir le Ministre à ses côtés quand on accueille des gens serait perçu comme une marque de prestige. Et c'était exactement ce dont Lucius Malefoy avait besoin en ce moment. Cependant, cela ne rendrait le plan mis en place par le Prince et ses alliés que plus efficaces.

« Votre Altesse » dit Lucius Malefoy en s'inclinant. « C'est un honneur immense que de vous accueillir chez moi. »

L'homme ne pouvait pas se permettre de manquer aux convenances en ne saluant pas correctement un aristocrate d'un rang plus élevé que le sien. C'était également pour cette raison qu'il m'avait invité malgré leurs inimitiés. Entre autres.

« Votre Altesse ! » S'exclama alors Cornélius Fudge. « En effet, quel plaisir, quel plaisir et quelle chance que vous soyez venu. Il ne fallait pas vous déranger voyons. »

L'insulte déguisée était prévisible, mais pas moins irritante. Par cette formule, ils insinuaient que son invitation n'avait été faite que pour la forme et qu'il n'était en fait pas vraiment attendu. Pour les personnes encore présentes dans le hall, c'était assez clair. Quelques rires fusèrent. Il était d'usage chez les nobles de respecter toutes les conventions sociales. Cependant, si celles-ci étaient satisfaites alors tous les coups étaient permis. Hariel s'y attendait et il avait bien l'intention d'y répondre. Tout en respectant à son tour lesdites conventions bien entendu… enfin presque.

« C'est un plaisir de me trouver ici, Monsieur le Ministre, je n'avais rien d'autre à faire. »

Le sourire de l'homme ainsi que celui de Lucius Malefoy se crispèrent. Hariel venait tout simplement de dire qu'il n'était là que pour tromper l'ennui. De plus, il s'était adressé directement au Ministre. Celui-ci était censé avoir le rang le plus élevé, c'était Lucius l'hôte. Sa présence avait beau prouver la confiance qu'il lui portait, ce dernier n'en demeurait pas moins le maître de maison. Ne pas le saluer en premier était clairement une insulte. Ce n'était pas vraiment dans les conventions sociales, mais en tant que « nouveau noble » ce genre d'erreur pouvait être pardonné.

« Duc Malefoy » dit ensuite Hariel en se tournant vers celui-ci.

Il ne rajouta pas un mot comme pour signifier que Lucius était un invité semblable aux autres. Tant lui que le Ministre pensaient qu'il n'était qu'un jeune homme naïf et Hariel acceptait pleinement le rôle. Il n'en serait que plus facile de mettre toutes les répliques qu'il leur réservait sur le compte de sa personnalité.

Hariel inclina simplement la tête vers son hôte et son compagnon fit de même avec quelques salutations polies. Tous deux allaient s'écarter de la cheminée quand un halètement suivi d'un bruit de chute se fit entendre dans leur dos. Hariel se retourna et vit un couple de personnes âgées accompagnées d'un homme qui l'était bien moins et qui venaient d'apparaître dans l'immense foyer du manoir. La femme était bien plus âgée que son compagnon. D'allure frêle et décharnée, elle semblait avoir été déséquilibrée en arrivant.

« Lady Diggory ! » S'exclama Hariel en se précipitant vers elle afin de l'aider à se relever avec le soutien de Cédric.

« Ça va, ça va » dit sèchement Rebecca en se remettant sur ses pieds. « Décidément, le voyage par Cheminette n'est plus de mon âge. Toute cette agitation… on aurait pu croire que l'hôte de la fête aurait ouvert sa zone de transplanage. »

Bien entendu, cette remarque visait directement Lucius dont les mâchoires s'étaient resserrées en l'entendant. Il était d'usage que les grands domaines magiques soient protégés contre les transports comme le transplanage. Personne ne voulait que des étrangers, ou pire, des voleurs ou des criminels puissent entrer chez eux quand ils le désiraient et c'était on ne peut plus normal. Les Démons faisaient la même chose. D'ailleurs, eux, comme les Sorciers, possédaient une salle spéciale de leur domicile où les protections pouvaient être abaissées pour permettre d'apparaître.

Cependant, depuis l'invention de la Cheminette, les propriétaires avaient tendance à ne plus utiliser ces salles pour privilégier l'arrivée par ce biais. Ils étaient par là même assurés de voir tous ceux qui pénétraient chez eux (raison pour laquelle l'hôte accueillait personnellement les invités). Toutefois, cela demeurait l'un des moyens de transport les moins pratiques et le plus souvent également le plus salissant (à cause de la suie). Les arrivées par Cheminette étaient donc souvent l'occasion de plaintes du fait de vêtements souillés, mais aussi de chutes. Particulièrement chez les personnes âgées.

Bien évidemment, cet incident-là n'était pas le fruit du hasard. En vue d'humilier Lucius et de diminuer l'influence de Fudge qui avait en quelque sorte lié son sort au sien, Lady Rebecca Diggory avait accepté de jouer le jeu.

« Sachez que je passe ma vie à jouer un rôle » avait-elle dit quand Hariel lui avait proposé sans plan mais sans obligations aucunes. « Jouer les vieilles femmes fragiles ne sera donc pas un problème pour moi. Mieux encore, cela va induire tous les vermisseaux qui tentent d'avoir mes faveurs en erreur et ils vont croire qu'ils ont une chance de me faire fléchir. Ce dont, bien évidemment, ils se mordront les doigts. »

Devant le sourire diabolique de la matriarche, Hariel avait mis le plan en marche. Grâce à leurs téléphones, il était facile de communiquer discrètement les uns avec les autres. Un système qui allait leur servir par la suite.

« Allez-vous bien, Lady Diggory ? » Lui demanda alors Hariel.

« Très bien, je vous remercie Votre Altesse » répondit-elle.

Son ton était encore sec, mais moins mordant que ce dont les gens avaient l'habitude de sa part. En effet, pour beaucoup, Lady Rebecca Diggory était une partisane du Prince pour qui elle avait une certaine « affection » (ou du moins autant que son rôle de mégère lui permettait). Grâce à cela, les mêmes « vermisseaux » qui désiraient l'aborder s'étaient tournés vers Hariel pour tenter d'obtenir ses faveurs. Comme ils n'étaient pas des vermisseaux aux yeux de tous et qu'Hariel savait qu'il pouvait bénéficier de leur aide, c'était un bon moyen d'attirer des gens à lui afin de leur parler et de les convertir à sa cause.

« Duc Diggory, Héritier Diggory » poursuivit Hariel en se tournant vers Lionel et Cédric. « Je vous souhaite le bonsoir. »

Bien entendu, les deux hommes le saluèrent à leur tour et c'était là que le plan d'Hariel prenait tout son sens. Normalement, les convenances auraient voulu que la première personne à laquelle les Diggory s'adressent soit Lucius. Cependant, Hariel avait fait en sorte de l'éclipser sans la moindre entorse à l'étiquette. En effet, il s'était précipité pour aider Rebecca Diggory. Ne pas le faire aurait été considéré comme dégradant. Ce faisant, ne pas la saluer par la suite aurait également été totalement grossier et puisqu'il l'avait saluée elle, il ne pouvait pas ne pas saluer les autres Diggory qui lui avaient répondu.

Bien entendu, s'ils avaient été seuls, cela n'aurait pas eu la moindre importance, mais comme tout à l'heure, certaines personnes n'étaient pas encore entrées dans la salle de bal et avaient donc été témoins de la scène et donc de l'humiliation de Lucius Malefoy et Cornélius Fudge. Pourtant, le plan d'Hariel n'était pas encore fini, loin de là.

« Me ferez-vous l'honneur de vous escorter jusqu'à la fête ? » Demanda alors Hariel à la Matriarche de la Maison Diggory.

« Cela aurait été avec plaisir, mais je suis toujours un peu las à cause de cette chute. Il va me falloir reprendre mon souffle. »

Lucius s'avança vers eux, probablement pour proposer à Rebecca Diggory de l'accompagner vers un lieu plus adapté au repos, mais il n'en eut pas le temps. En effet, à ce moment-là, d'autres invités arrivèrent et se heurtèrent presque aux Diggory, Hariel et Simeon. La surprise les fit évidemment s'arrêter et s'enquérir de ce qui se passait et à leur tour, ils ignorèrent Lucius.

Le groupe forma alors une sorte de congestion avec, au centre, Lady Rebecca et le Prince. La première tentait de reprendre ses esprits après sa chute et le second l'attendait pour la conduire à la fête. Comme il lui avait proposé, il ne pouvait pas bouger tant qu'elle ne serait pas prête. En tant que Noble, il ne pouvait revenir sur sa parole. Simeon et les Diggory étaient également « coincés » avec eux quand aux autres invités, après avoir été informés de ce qui se passait, ils ne pouvaient décemment pas se rendre dans la salle de bal sans avoir au préalable prit des nouvelles de la Duchesse Douairière de la Maison Diggory.

Évidemment, après cela, ils auraient pu saluer Lucius, mais, que ce soit Lionel ou Simeon (et dans une moindre mesure, Cédric), les deux avaient pour mission d'amorcer le dialogue pour les faire rester. Bien entendu, parmi les nouveaux venus il y avait aussi des Chevaliers et certains alliés d'Hariel mis dans la confidence et qui relançaient les conversations pour éviter de perdre des gens. Mais au final, personne ne paraissait vouloir partir vu que toute l'action semblait se passer ici. Le groupe, de plus en plus imposant, avait également attiré des personnes déjà présentes et les avait fait sortir de la salle de bal pour assister au spectacle.

Parmi eux se trouvaient aussi quelques chroniqueurs mondains qui ne manqueraient pas de raconter les évènements ou les écrire. Il y avait même Rita Skeeter. La femme était parvenue à se faire inviter sans même l'intervention d'Hariel, seulement grâce à ses contacts et son bagout. En à peine deux mois elle avait presque réussi à reconquérir le prestige qu'elle avait encore l'année précédente et même plus, car maintenant elle était Rédactrice en Chef de son propre journal.

Alors qu'il faisait semblant de veiller sur Rebecca Diggory, Hariel vit du coin de l'œil Diantea Greengrass apparaître dans les flammes vertes de la cheminée. C'était le signal, un signal que la vieille Matriarche à ses côtés avait également remarqué.

« Je me sens bien mieux à présent » dit-elle. « Merci d'être resté auprès de moi, Votre Altesse. »

« Mais c'était un véritable privilège, Lady Diggory. Pouvons-nous y aller ? »

« Avec grand plaisir » répondit la femme en en prenant le bras tendu du Prince.

Ils se mirent alors à traverser le hall en direction d'une gigantesque double porte qui ouvrait directement sur la salle de bal. Ils étaient bien évidemment suivis par Simeon, Lionel et Cédric ainsi que toutes les personnes qui étaient arrivées après, entraînés par les Chevaliers, mais également par l'intérêt que représentait le jeune Prince. Aucun d'eux ne se rendit compte qu'ils avaient omis de saluer l'hôte de la soirée et son invité d'honneur, le Ministre de la Magie. Tous les deux se retrouvèrent alors seuls devant la large cheminée, obligés de demeurer là jusqu'à ce que les derniers convives en aient franchi le seuil. Malheureusement, à cause de la congestion, ils n'étaient pas sûrs de qui était et n'était pas présents à la réception. Ils ne pouvaient donc pas bouger, car si jamais l'un d'eux venait à se présenter en retard et ne trouvait personne pour l'accueillir, le résultat pour leur honneur serait désastreux.

Hariel n'avait pas besoin de regarder en arrière pour voir que les deux hommes bouillaient de colère de devoir rester dans le hall vide alors que le Prince devenait le centre d'attention de tous. Cependant, il savait que c'était en pure perte. La liste des invités étant connue (ce genre d'information était monnaie courante dans la presse mondaine), il avait suffi pour Kelsey Prewett de venir un peu en avance et d'utiliser son téléphone portable pour donner les noms des personnes déjà présentes et de celles qui arrivaient. Au début de la congestion, il s'était déplacé à côté de la cheminée pour bien reconnaitre les nouveaux venus et les rajouter à la liste. Quand celle-ci avait été complète, il n'avait plus eu qu'à envoyer un message à Diantea Greengrass pour qu'elle se présente à son tour.

Son arrivée avait donc été le signal que plus personne d'autre ne devait venir et qu'il pouvait à présent conduire le cortège des convives jusqu'à la fête où il aurait l'occasion de briller sans que Lucius Malefoy ou le Ministre ne puisse rien n'y faire.

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La salle de bal des Malefoy possédait un sol féerique. Il ressemblait à un immense miroir empli de fumée mouvante qui s'éclairait de lueurs irisées sous les pieds de personnes qui marchaient dessus. Sa beauté n'avait rien à envier au plafond de la Grande Salle de Poudlard, et pour cause, ils avaient la même origine.

À une certaine époque, avant que les Sorciers ne soient en autarcie, ils avaient pour coutume de faire bâtir d'incroyables architectures en utilisant les talents de Créatures magiques. Les Nains avaient le génie des constructions, les Elfes, des jardins, les Gobelins, des divers systèmes d'évacuation, quant à certains membres du petit peuple, leurs enchantements étaient très prisés pour la décoration. Évidemment, de nos jours, tout le monde, ou presque, avait oublié les contributions de ces Créatures et même rejeté la possibilité qu'ils aient pu avoir quelque chose à voir avec les merveilles de leur univers. Comme pour beaucoup de choses, ils mettaient ça sur le compte des savoirs qui avaient été perdus au cours des siècles.

Bien entendu, Lucius avait vu les choses en grand. C'était également pour cela qu'il avait invité autant de personnalités, afin de montrer sa richesse et le faste de sa demeure, mais aussi de ses qualités d'hôtes. Un buffet avait été dressé au fond de la pièce. Les grandes tables étaient recouvertes d'une fine couche de fumée en guise de nappe. Celle-ci se mouvait comme des serpents de vapeurs sur toute la surface jusqu'aux extrémités où elle retombait au sol avant de se fondre avec lui.

Des chandeliers d'argents étaient placés à intervalles réguliers et les cristaux noirs qui tenaient lieu de bougies jetaient des éclats sombres aux alentours. Des sculptures dantesques qui semblaient faites de glaces obscures étaient disposées entre eux. Celle qui se trouvait exactement au centre du buffet était bien plus grande. Immense, elle paraissait presque toucher le plafond et figurait un homme cornu, probablement le Dieu Cernunnos, ou alors, fait ironique, le diable lui-même, comme si Lucius, sans le savoir ou sans se l'avouer, s'était laissé contaminer par la véritable fête d'Halloween et les représentations populaires et judéo-chrétiennes du Souverain des Démons.

Outre ces décorations, les tables étaient recouvertes de centaines de plateaux de mets différents salés et sucrés, sandwichs, petits fours, quiches, tartelettes, pâtisseries, brochettes de viandes et de fruits, verrines, gâteaux, cakes, biscuits… des monceaux de douceurs à arranger dans une assiette afin de les déguster avec de petits couverts d'argents. Des pyramides de verres de cristal étaient disposées à divers endroits. Les alcools qu'il contenait, les meilleurs vins et les champagnes les plus onéreux, semblaient y couler en continu depuis la voûte. Le léger glouglou des liquides était accompagné du tintement des verres qui s'entrechoquaient doucement.

Des plateaux volants passaient entre les invités pour leur proposer des assortiments de mets ou de boisson. Il était bien sûr impensable de laisser le service à des Elfes de Maison, surtout pour un évènement de cette ampleur et de cette classe. Cependant, Hariel sentait bien leur magie derrière ce ballet gracieux d'argenterie. Il avait souvent remarqué que les Sorciers du gratin avaient tendance à dissimuler les Brownies à leurs services. La plupart du temps par honte pour leur pauvre mise.

Le plafond de la salle avait été ensorcelé pour ressembler à une canopée d'arbres automnaux. Leurs feuilles dorées, jaunes, rouges et oranges s'agitaient lentement au rythme d'un vent factice. Certaines se détachaient de leurs branches pour voleter doucement vers le sol, mais disparaissaient avant d'atteindre les invités. Des centaines de petits cristaux étaient suspendus dans les airs pour accompagner le ballet féerique des feuilles. Du sol, on avait l'impression que la voûte céleste avait été engloutie par l'arborescence.

Comme il s'agissait d'un bal, il y avait bien évidemment des musiciens. Ceux-ci étaient installés sur plusieurs estrades dispersées dans la pièce, mais celle-ci, au lieu d'être au sol, flottaient au-dessus de la foule. Portés par de gros nuages d'orages parsemés d'éclairs, ils circulaient nonchalamment au travers de la salle tout en jouant des musiques d'ambiance avec doigté.

Tout cela avait dû coûter une fortune à Lucius Malefoy, mais il était évident que celui-ci avait parfaitement compris le concept de nécessité de dépenser de l'argent pour faire de l'argent. Il désirait éblouir ses invités pour que ceux-ci se souviennent de cette soirée et surtout que c'était lui qui l'avait l'organisée. Il espérait ainsi éclipser les rumeurs et chuchotements qui courraient à son sujet depuis des mois à présent. Et quoi de mieux qu'une fête pour changer les idées du bouton mondain britannique ? Et il savait également que le bruit allait aussi se répandre parmi les couches populaires, avides de tous les potins provenant des hautes sphères de la société. Comme pour les Romains, il suffisait d'offrir du pain et des jeux aux Sorciers pour les contenter.

Mais Hariel ne s'intéressait pas aux fastes de cette fête, aussi impressionnant fût-il (même s'il devait admettre à contrecœur qu'ils surpassaient ceux qu'il avait pu voir dans le Makai). Comme il l'avait prévu, il était la coqueluche de la soirée. Aux côtés de Rebecca Diggory, il avait accueilli la plupart des invités. Ceux-ci étaient donc presque agglutinés autour de lui. Ceux qu'il avait déjà rencontrés à d'autres évènements parlaient avec lui comme s'ils se connaissaient depuis des lustres. Ils pouvaient alors se vanter auprès de leurs amis, ceux qui n'avaient pas encore eu la chance de discuter avec lui et qui ne faisait des pieds et des mains rien que pour tenter de le saluer.

Tous voulaient pouvoir ressortir de cette soirée avec la certitude que tous les autres se souviennent qu'ils avaient été ensemble. Ainsi, a d'autres occasions (n'importe lesquels), ils pourraient dire : « Comme je le disais au Prince l'autre soir… » ou « J'en discutais justement avec Son Altesse… », n'importe quelle formule qui pourrait leur apporter plus d'admiration que le discours insipide qu'ils étaient censés avoir échangé.

Ce n'était pas compliqué de s'attirer la sympathie des Aristocrates. Il suffisait d'avoir des titres prestigieux et/ou un quelconque pouvoir politique et économique. Cependant, même si tous pouvaient s'accorder sur le fait qu'il soit un Noble acceptable ne voulait pas dire qu'ils pensaient qu'il serait un Roi acceptable. Son âge était son principal obstacle. Pour tout le monde, le Prince n'avait que 17 ans. Pour eux, il était bien trop inexpérimenté pour régner. S'ils devaient jamais l'appuyer pour monter sur le trône, ils demanderaient sans doute à ce qu'il attende quelques années. Cependant, Hariel ne voulait pas attendre. Il savait que ce n'était pas nécessaire. Il devait donc trouver un moyen pour que ces nobles Sang-Purs ne voient plus seulement son âge, mais plutôt sa maturité. Et pour cela, il devait faire valoir les deux choses qui leur importaient le plus : le sens des traditions et le pouvoir.

Mais ça, c'était la phase 3 de son plan. Pour le moment, il en était toujours à la phase 2 : sociabiliser. La Phase 1 avait été simple, faire en sorte que les invités le voient lui plutôt que Lucius ou le Ministre. La Phase 2 consisterait à conserver leur attention le plus longtemps possible. Malheureusement, à peine une demi-heure après son entrée dans la salle de bal, un tintement de verre se fit entendre, attirant les regards de l'assemblée vers l'estrade où se trouvait le maître de maison.

L'un de ses partisans (peut-être même Fudge lui-même) avait dû venir faire un rapide inventaire des invités pour que Lucius soit sûr de n'en laisser aucun arriver sans qu'il ne soit présent. Enfin, aucun n'ayant répondu. S'il était impoli pour un hôte de ne pas accueillir ses convives, si ceux-ci arrivaient alors qu'ils n'avaient pas répondu à l'invitation, ils ne devaient s'en prendre qu'à eux-mêmes. Lucius ne pouvait pas être blâmé pour des invités qui ne s'étaient pas annoncés avant. Encore une fois, c'était les conventions sociales.

C'était assez dommage, car cela mettait fin à la phase 2. Mais si les prévisions d'Hariel étaient justes, alors il allait bientôt pouvoir amorcer la phase 3.

« Très chers invités, bienvenue chez moi » commença Lucius d'une voix mielleuse. »Je vous remercie d'être venus si nombreux dans ma modeste demeure. Je lève mon verre à cette soirée. »

Beaucoup de gens l'imitèrent.

« Comme chaque année, nous nous retrouvons pour célébrer l'Halloween, cette tradition ancestrale de notre peuple. Car, en effet, rien n'est plus important que la tradition. Elle est ce qui nous rassemble et définit notre identité en tant que Sorcière. C'est par la tradition que nous vivons et qui nous fait vivre. Les rites sur lesquels nous avons bâti notre civilisation sont les fondements mêmes de notre Magie. Car la Magie est tout. Elle est notre sang, notre chair, notre lignée, notre force. C'est par elle que nous nous distinguons du commun. C'est sa pureté qui nous définit dans cette société. Et rien n'est plus pure Magie qu'une lignée saine et forte, une lignée passée que nous célébrons en cette nuit. Alors à nouveau, je lève mon verre à vous, mes invités, et à nos lignées. »

Il y eut des applaudissements et des verres levés. Hariel, lui, retint un rictus. Comme attendu de Lucius, tout tournait autour de la pureté du sang et de la Magie qui en découlait. Rien de surprenant pour lui. Mais c'était également très bon dans le sens où cela donnait à Hariel toutes les munitions dont il avait besoin. Mais il patienterait jusqu'à ce que ce soit son tour.

Après Lucius, Fudge monta sur l'estrade pour prendre la parole à son tour. Il fit un long discours grandiloquent qui reprenait un peu celui qu'Ombrage avait fait à la rentrée. Il était surtout question (comme pour Lucius) de tradition, mais surtout des dangers de la changer. Le mot « évolution » fut repris plusieurs fois, toujours dans un contexte négatif. C'était bien évidemment une critique dirigée directement lue au travers de ses propos dans l'article qu'il avait donné à Rita quelques semaines auparavant. Encore une fois, rien auquel il ne s'était pas attendu. En tant qu'adversaire politique, qu'il attaque ses positions n'avait rien d'extraordinaire ou même de vicieux. Pourtant, et contre toute attente, le Ministre réussit à surprendre Hariel à la fin de son long monologue.

« Mais je ne voudrais pas monopoliser la parole pour ce soir » dit-il. « L'heure n'est pas aux discours pompeux et aux grandes phrases, mais plutôt aux réjouissances. C'est pour cela que, sans plus attendre, je vais laisser ma place à quelqu'un qui, je suis sûr, saura mieux encore que moi parler de nos belles traditions. Votre Altesse Pendragon-Emrys ? »

Hariel se retint de cligner des yeux de surprise.

« Cela vous dérangerait-il de gratifier cette assemblée de quelques mots avant le début des festivités ? »

Il ne s'était pas du tout attendu à ça. Il avait bien sûr l'intention de parler, mais il pensait qu'il serait nécessaire que l'un de ses alliés amène le sujet. Que ses adversaires lui demandent d'eux-mêmes de prendre la parole était… inespéré. C'était un peu comme creuser sa propre tombe. Feignant d'être gêné, il traversa donc la foule qui s'écarta sur son passage et se dirigea vers l'estrade. Il monta à son sommet et se tourna vers l'assemblée.

« Tout d'abord, je tiens à remercier notre hôte, le Duc Malefoy et M. le Ministre pour leurs discours éclairants » commença-t-il. « Leurs paroles étaient très… révélatrices. Tout au long de leurs oraisons, j'ai énormément entendu le mot "tradition", mais sans jamais qu'ils n'expliquent ce qu'étaient ces traditions. Ce soir par exemple. Quelle est donc cette tradition qui nous rassemble ce soir ? D'aucuns diraient que c'est tellement évident et ancré en nous qu'il n'est pas nécessaire d'en parler ou d'expliquer. Mais je m'inscris en faux. Comment arriver à transmettre ces merveilleuses traditions qui constituent notre société si nous ne prenons plus la peine de les expliquer à autrui ? La réponse est simple. On ne peut pas. Et c'est la raison pour laquelle elles finissent par tomber dans l'oubli. »

Les yeux d'Hariel étaient fixés sur l'assemblée pour que chacun pense qu'il s'adressait à lui en particulier. Lucius et Fudge, qui s'étaient installé dans le fond pour jouir du spectacle de la supposée débâcle orale du Prince, étaient à présent blêmes de rage. Hariel se retint de sourire. Il n'avait pourtant même pas encore commencé.

« Ce soir, j'ai entendu le mot "Halloween" être prononcé pour désigner cette célébration. Penser que tant d'entre nous croit qu'il s'agit là d'un nom traditionnel me brise le cœur. Le mot "Halloween" est une contraction de l'expression "All Hallow's Eve", la Veille du Jour de tous les Saints, une fête qui précède la Toussaint, qui est, elle-même, la célébration de Saints. Mais de quels Saints s'agit-il pourrait-on se demander ? Il s'agit bien sûr des Saints chrétiens. Au VIIIe siècle, Le Pape Grégoire III a décidé de placer la fête de la Toussaint, alors célébrée après Pâques, le 1er novembre afin de supplanter les festivités païennes que nous partagions à l'époque avec les Sapiants. L'Église a fait la même chose en déplaçant la naissance de son Messie à la date des célébrations de Noël. Cependant, pour ce qui est de ce soir, il convient de rappeler qu'aux temps anciens, où les traditions avaient encore un sens, cette fête qui nous rassemble était appelée Samhain. »

L'auditoire était captivé. Lucius et Fudge, de leur côté avaient du mal à contenir leur colère, mais aussi leur malaise. Tous deux avaient été pris en défaut de, non seulement se tromper sur les traditions ancestrales des Sorciers, mais leur avoir publiquement substitué une version, non seulement Sapiante, mais dont l'origine provenait également de leurs ennemis naturels, les religieux. Si jamais ce fait venait à être rapporté, alors ce serait une catastrophe. Et il était certain qu'il me serait. Après tout, Lucius s'était assuré que les chroniqueurs et journalistes mondains seraient présents ce soir. Ils se trouvaient dans l'assemblée et eux aussi écoutaient le Prince.

« À l'origine, Samain était la célébration de la transition » continua Hariel, « du passage. Elle séparait la saison claire de la saison sombre, marquant donc ainsi le début de la nouvelle année. Et comme toute transition ou passage, elle était le point où les limites étaient les plus indistinctes. C'est pour cela que c'est également la période où les frontières entre notre monde et les autres sont aussi ténues. En cette heure, les vivants et les morts peuvent se rencontrer et même les divinités peuvent se mêler aux mortels… »

Le silence s'installa après ses derniers mots. Il y avait dans ses paroles une sorte de solennité que personne n'osait briser. Hariel sortit sa baguette et l'agita. Une large bougie d'un noir de jais apparut alors face à lui, flottant dans les airs.

« En cette nuit particulière, nous honorons aussi la Déesse sous sa forme d'Aïeule. Nous célébrons sa mort pour le cycle éternel. Puisse cette lumière éclairer son chemin dans les ténèbres jusqu'au renouveau. »

Quelque chose se diffusa alors dans les airs. Un souffle de magie empli d'odeurs de pomme, de cyprès, de cèdre, de girofle et de myrrhe. L'air autour de la mèche de la bougie sembla onduler et une flamme noire apparut alors. C'était le signe. Le signe que la Déesse avait entendu la prière rituelle et y avait répondu.

Quand les festivités de Samain étaient encore célébrées et qu'une fête était organisée, celle-ci commençait toujours par cette prière. Habituellement, c'était l'hôte qui la pratiquait pour attirer des augures favorables à sa famille et à celles des invités pour la nouvelle année. Encore une fois, Hariel avait supplanté Lucius dans ses prérogatives, faisant de lui, symboliquement, le véritable hôte.

Comme la bougie devait brûler toute la soirée, Hariel la laissa flotter au même endroit, sur l'estrade. Il rejoignit ensuite la foule qui se rassembla à nouveau autour de lui. Les invités étaient encore plus enthousiastes et avides de lui parler. Pourtant, ils s'écartèrent au passage de Lucius qui avait toujours le Ministre en remorque.

« Un discours assez impressionnant, Votre Altesse » dit-il d'une voix contrôlée.

Son expression, elle, était totalement neutre. Cependant, un œil averti comme celui d'Hariel, pratiquant la lecture à froid, voyait très bien les signes de la profonde colère qui habitait l'homme. Ton haché, contraction de la mâchoire, plissement léger des paupières… tous les indices indiquant qu'en vérité Lucius Malefoy était fou de rage. Exactement ce que recherchait Hariel qui décida de remuer le couteau dans la plaie.

« Je vous remercie Duc Malefoy » dit-il avec un sourire qui se voulait sincère.

« C'était assez incroyable Votre Altesse ! Comment en savez-vous autant sur les traditions sorcières ? »

Bien entendu, Hariel n'avait pas à le faire seul. Il se retint d'afficher une expression triomphale quand Lucius tourna un regard courroucé vers Cédric. En tant que jeune membre de leur congrégation, il avait, tout comme le Prince, une sorte de passe-droit pour faire des erreurs de protocole. Comme par exemple, interrompre quelqu'un de plus titré que soi.

« Et bien, contrairement à ce que pensent certaines personnes, je me soucie des traditions de notre peuple. Cependant, je refuse de les appliquer sans les comprendre pleinement. J'ai donc fait quelques recherches. »

« Des recherches… fructueuses diraient-on, Votre Altesse » siffla Lucius.

« Allons Duc Malefoy, ne vous mettez pas Martel en tête » dit innocemment Hariel. « Que vous ne soyez pas au courant n'est pas si grave que ça. J'ai vraiment dû faire de très importantes investigations pour retrouver nos véritables traditions. »

Sous-entendue, la culture magique britannique s'était tellement dégradée qu'il était nécessaire de creuser en profondeur pour séparer le vrai du faux.

« La prière que j'ai dite tout à l'heure en était un exemple » rajouta-t-il. « Depuis mes découvertes, je pratique ces rituels chaque année avec Simeon… et Draco bien sûr. »

La réaction de Lucius à ce nom fut moins évidente que ce que ne l'aurait pensé Hariel. Un léger et bref froncement de sourcils et un frémissement de la lèvre. Sans plus. Il avait vraiment un incroyable contrôle sur ses émotions.

« Draco ? Avez-vous dit ? De qui s'agit-il ? » Interrogea quelqu'un dans l'assemblée.

Hariel retint un sourire de triomphe. Il avait espéré que quelqu'un pose la question. Si personne ne l'avait fait, cela aurait été la tâche de l'un de ses partisans. Mais heureusement, cela n'avait pas été le cas. Grâce à cela, il allait pouvoir parler de Draco.

« Il s'agit de mon pupille » intervint Simeon comme il était convenu. « Draco Black. C'était auparavant votre fils, n'est-ce pas, Duc Malefoy ? »

« "Était" étant le mot qui convient en effet » siffla Lucius. « Mais ce n'est pas un sujet de conversation approprié pour une célébration, vous ne trouvez pas ? »

Il claqua des doigts et les musiciens se remirent à jouer. Au même moment, les différents plateaux volants remplis de victuailles recommencèrent à circuler. Il était évident que Lucius voulait changer de sujet. Mais ce n'était pas comme si ses invités allaient se laisser faire à présent qu'ils avaient été appâtés.

« Je crois me souvenir de quelque chose comme ça » dit quelqu'un. « N'aurait-il pas été déshérité ? »

« C'était il y a plus de trois ans si je me souviens bien » ajouta quelqu'un d'autre. »

« C'était juste un an avant que Lady Malefoy meurt en couche si je me souviens bien. »

« Pauvre Lucius. Veuf et sans Héritier en si peu de temps, qu'elle misère… »

« Et vous ne vous êtes pas encore remarié, Votre Grâce ? » Demanda une femme qui semblait définitivement très intéressée. « Trois ans, c'est long pour un deuil, surtout s'il n'y a aucun Héritier pour reprendre votre nom. »

« Au fait, je croyais qu'il était mort… le jeune Black je veux dire. D'ailleurs, pourquoi ce nom de Black ? »

« Allons, mon cher, souvenez-vous, sa mère était une Black. »

« Mais pour pouvoir prendre ce nom, il faudrait l'accord du Seigneur Black. Or, il n'y en a pas depuis… »

« Non, mais il y a un Régent. Quel scandale ça avait été ! Le seul candidat pour le poste était l'époux de la sœur aînée de Narcissa, Andromeda, un certain Ted Tonks. »

« Ça ne fait pas très Sorcier comme nom. »

« En effet, c'est un né-moldu. C'est pour ça que cela a fait scandale. Toujours est-il qu'il a tout de suite accepté que le jeune Draco prenne le nom de sa mère. »

« Mais pourquoi le confier à vous Régent Pendragon-Emrys ? »

« Oh ! Je me souviens ! Les journaux avaient rapporté qu'il avait été attaqué peu de temps après avoir été déshérité et être parti du manoir et qu'il avait été retrouvé par Son Altesse sur ses terres. »

« Déshérité ? À son âge ? Qu'avait-il pu bien faire ? »

« Peut-être, engrosser une fille. »

« À 11 ans ? »

« J'ai failli le faire au même âge. »

« Vous êtes immonde. »

Et la conversation se poursuivit encore et encore avec pour sujet la raison pour laquelle Draco avait été déshérité ou celle pour laquelle Lucius ne s'était pas remarié. L'une des hypothèses qui avaient failli faire exploser de rire Hariel était que Lucius était en fait stérile et que Draco n'était pas son fils, raison pour laquelle il avait été chassé. Celles-ci étaient tout autres, bien entendu, mais que la possible stérilité du Seigneur Malefoy soit abordée était des plus amusant puisque c'était vrai. Grâce à Narcissa, celui-ci n'était plus capable de procréer. C'est pour cela que son nom s'étendrait avec lui. Mais le plus intéressant était de voir l'expression neutre de Lucius se fissurer peu à peu sous l'avalanche de commentaires sur sa personne. Il voulait être le centre de la fête, mais il ne s'attendait pas à ça.

Le voyant prêt à exploser, Hariel décida de lui porter le coup de grâce.

« Je suis désolé mes amis, Draco s'est bien confié à moi sur les circonstances qui entourent son départ, mais il ne m'appartient pas de vous le révéler. »

« Oh ! Quel dommage ! Je suis sûre que ça aurait été intéressant. »

« Oui » dit Hariel en fixant Lucius. « Très intéressant.

« Votre Altesse ! » S'exclama alors Lucius. « Un mot, je vous prie. »

Le silence se fit dans l'assemblée. Tous regardaient le maître de maison avec surprise. Demander à parler à un invité seul à seul n'était pas chose courante, mais cela se faisait. Cependant, un tel éclat n'était pas dans les habitudes de Lucius Malefoy.

« Mais avec plaisir, Duc Malefoy » répondit Hariel.

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Hermione cligna des yeux. Surprise.

Elle marchait. Elle ne savait pas où elle était. Elle ne savait pas où elle allait. Elle ne savait pas pourquoi elle y allait… et pourtant elle y allait.

Elle ne se souvenait même pas comment elle était arrivée ici.

Elle se rappelait s'être éclipsée de la fête d'Halloween avec Draco, Dean et Proteus. Elle se rappelait qu'ils avaient pratiqué ensemble le rituel de Samain. Elle se rappelait également avoir demandé de l'aide aux ancêtres et puis… et puis rien. Elle était là. Elle marchait.

Devant elle s'étendait un chemin envahi de brume. De part et d'autre, les arbres formaient comme une haie d'honneur. Elle ne reconnaissait pas les lieux et pourtant cela semblait familier. Elle savait qu'elle devrait savoir où elle se trouvait et pourtant… pourtant elle n'y arrivait pas. Son esprit était comme dans la brume. La même brume que celle qui se trouvait autour d'elle.

Elle sentit alors quelqu'un lui prendre le bras pour marcher avec elle.

Elle tourna la tête et reconnut… la Déesse.

« Bon retour au Pays des Fées ma petite Reine. »

À suivre…

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Vous tous, je suis désolé que vous ayez dû autant attendre. La première semaine où je devais écrire ce chapitre, je suis tombé malade. J'ai même cru que c'était le Covid mails finalement bonnet c'est vite parti. Sauf que quand j'ai recommencé à écrire j'ai souffert du syndrome de la page blanche. Finalement au bout de deux semaines j'ai repris VORACITY. J'ai pu ensuite repartir sur de nouvelles bases et finir ce chapitre tout en écrivant le suivant. Cela fait donc deux chapitres cette semaine. Je suis pardonné ?

Si vous vous demandez pourquoi Sirius appelle Hariel « Bambi » c'est parce que celui-ci est un faon, le fil d'un cerf… comme l'était James. L'idée n'est pas de moi, je l'ai lu dans un fic, mais… je sais plus laquelle.

« Dis ce que tu penses et fais ce que tu veux, et ceux que ça dérange, c'est qu'ils ne comptent pas quand à ceux qui comptent, ça ne les dérange pas. ». Cette citation du Dr Seuss (qui a écrit le Grinch, le Lorax, le Chat Chapeauté, etc.) est vraiment l'une de mes citations préférées.

Si vous me connaissez et que vous avez lu Prince des Neiges, notamment les premiers chapitres, vous saurez que j'adore l'héraldique. Bien entendu, si ça ne vous parle pas (ce que je comprends tout à fait vu à quel point c'est abscons, mais je voulais me la péter), il vous suffit de vous rendre sur la page de la famille Malefoy sur le Wiki Harry Potter (Français ou Anglais). J'ai essayé de le décrire du mieux que je pouvais… enfin, en langage héraldique.

J'ai par contre upgradé le manoir Malefoy, parce que celui qu'on voit dans les films… non, mais allô, quoi ! On parle des Malefoy, là. Un truc de la taille qu'ils nous montrent, ça devrait à peine être assez grand pour servir de niche pour le crups.

Merci de m'avoir lu et encore désolé de l'attente. N'hésitez pas à m'envoyer des commentaires et je vous dis à tout de suite.