Check Mate DxD

Chapitre 128 : Aveuglément/Yatara

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La flèche opalescente aux reflets carmin hésita un instant avant de pointer droit en direction de la montagne.

« Comme l'indique la carte » murmura Viktor avec un soupir.

Il se tourna alors vers Cédric qui hocha la tête. Il referma sa main sur l'écaille de Svalinn et le cercle magique en forme de boussole qui la surplombait s'éteignit.

Il s'agissait de l'effet du Sortilège que leur avait fait parvenir Rossweiss. La matrice était simple et remarquablement équilibrée ce qui la rendait suffisamment solide pour l'afflux énergétique nécessaire à son utilisation. Malheureusement, tout ce qu'il pouvait faire était d'indiquer une direction. C'était tout ce que la jeune femme avait pu faire en si peu de temps.

Lors de son passage à Asgard, le Roi Odin lui avait dit qu'avant de disparaître, le peuple des Svalinnkin, les Enfants de Svalinn, habitait dans la péninsule scandinave. Ils étaient nomades donc il n'en savait pas plus, mais cela restreignait tout de même le champ des investigations. Il n'en demeurait pas moins que cela faisait plus d'un million de km² de superficie avec pour seul outil de recherche une boussole.

Rossweiss leur avait assuré que sa précision serait optimale qu'ils n'auraient ensuite qu'à suivre la piste. Cependant, Hariel avait eu une autre idée : la triangulation. Il leur suffisait de se rendre dans plusieurs lieux distincts et de noter la direction exacte où pointait la flèche et de tracer une ligne à partir de leur position. L'intersection de ces lignes marquerait forcément leur destination.

Le premier point fut assez simple à déterminer, puisqu'ils se trouvaient à Poudlard quand Hariel avait parlé de cette méthode à Viktor et Cédric. L'école étant située dans une zone incartable, ils durent effectuer un petit voyage jusqu'au sommet du Mont Ben Macdhui. Pour faciliter la localisation, Hariel avait privilégié une position bien reconnaissable pas trop éloignée au milieu du Parc National de Cairngorms.

Il leur avait ensuite fait installer une application de triangulation sur les téléphones qu'il leur avait procurés et leur avait appris à s'en servir pour trouver et entrer leurs coordonnées puis à utiliser la boussole intégrée afin de déterminer la direction exacte en degré. En associant les données dans le programme, ils avaient ainsi vu une ligne se tracer sur la carte virtuelle qui s'affichait sur leurs écrans. Elle allait bien en direction de la péninsule scandinave.

Pour le second point, ils s'étaient rendus au Japon. La raison principale est qu'ils savaient qu'ils seraient bien accueillis. Pour des Démons, se déplacer sur Terre était aussi complexe que dans le Makai. Voir même plus. Le Territoire Démoniaque était divisé en différents domaines essentiellement aux familles des 72 Pilliers. Certains appartenant à des Maisons disparues avaient été annexés par leurs pairs ou donnés à des Démons puissants. Toutefois, l'ensemble demeurait assez lisible.

Cependant, sur Terre, les choses étaient plus compliquées. Il n'y avait pas exactement de "Domaines Démoniaques" à proprement parler. Les divisions concernaient en fait les terrains de chasse. Et par "chasse" on comprend les zones sur lesquelles les Démons, encore une fois principalement provenant des 72 Pilliers, pouvaient exaucer des souhaits et en extraire l'énergie. Certaines de ces divisions étaient très anciennes et ne suivaient pas forcément les frontières politiques contemporaines. Il arrivait que les limites du territoire d'un Démon correspondent à d'antiques séparations et dépassent les actuels (ou inversement).

Il était également possible qu'à l'intérieur d'un même territoire, la majorité des terres appartiennent à une famille, mais que certaines villes soient sous la domination d'une autre (voir, dans certains cas, de Démons indépendants). La raison était que ces enclaves avaient été conquises à la suite d'un Jeu de Classement, donné par la famille en cadeau de mariage ou comme tribu. C'était le cas des possessions d'Hariel sur la péninsule britannique. Alors que l'intégralité de l'île appartenait au Clan Baal, la ville de Londres et la zone autour de Poudlard lui avaient été offertes par Sairaorg.

Cela pouvait également être une récompense de la part des Satans ou une mission. C'était le cas de Kuoh. Elle était sous l'autorité au Clan Belial qui possédait Hokkaido et toute la partie nord de l'île d'Honshu, c'est-à-dire le Tohoku, le Kanto et le Chubu où se trouvait la ville. Cependant, quand Cleria Belial, qui en avait la charge, avait été tuée, les quatre Satans l'avaient retiré de la domination de sa famille pour la confier à Rias. Tout le monde avait cru que c'était pour punir les Belial d'avoir permis à l'un des leurs de tomber amoureux d'un exorciste, Masaomi Yaegaki. De la même façon, tout le monde pensait que si le Clan Belial s'était allié avec l'Église pour exécuter la jeune femme, c'était pour expier leur honte.

Toutefois, l'affaire des Pièces de Roi et la trahison de la Fraction Royale avaient donné une nouvelle perspective à cet évènement. Une perspective plus sombre encore. Apparemment, Cleria, amatrice de ragots et de rumeurs, avait entendu parler des Pièces de Roi et avait commencé à mener des investigations. Le Clan Baal, à la tête de la Faction Royale, avait alors ordonné à leurs vassaux du Clan Belial de s'en débarrasser. La liaison de la jeune femme avec l'Exorciste n'avait été que le prétexte. De la même façon, les Satans avaient senti que quelque chose se tramait et avaient retiré la ville des mains des Belial en représailles.

Toujours était-il que Viktor et Cédric s'étaient rendus au Japon juste après avoir quitté leur Maître. La distance des points de la triangulation n'avait pas d'importance donc il n'y avait pas de problème à ce niveau-là. Après avoir entré les coordonnés, une nouvelle ligne était apparue dans le programme, croisant la première au-dessus du Galdhøpiggen, le plus haut sommet de Norvège.

À partir de là et avec les données dont ils disposaient déjà, chercher un 3e point était inutile. Il ne restait plus qu'à obtenir l'autorisation pour les deux jeunes hommes de se rendre sur place.

C'était la partie la plus délicate. En effet, toutes les maisons nobles Démoniaques n'étaient pas forcements alliés. Une simple querelle datant de plusieurs millénaires pouvait suffire à leur voir refuser l'accès. Et même s'ils rencontraient une oreille favorable, il existait de fortes chances que les propriétaires demandent une compensation (sûrement importante) ainsi que la raison de leur venue. À ce moment-là, ils pouvaient soit décider de préserver leur secret et mentir, au risque d'être découverts ou même simplement rejetés s'ils n'étaient pas convaincus, soit dire la vérité et risquer d'éveiller certaines convoitises. Parvenir à enrôler des membres d'une espèce disparue descendante d'un Dragon pouvait en faire fantasmer plus d'un.

Fort heureusement, le territoire appartenait non pas à un membre de la noblesse, mais à un Démon Réincarné. Il n'était même pas affilié à l'une des 72 Maisons puisque celui qui l'avait créé était un Extra Démon, un Démon puissant lié à aucune caste. Pourtant, son poids était indéniable puisqu'il s'agissait rien de moins que de l'ancien Dragon-Roi Tannin, Reine de Mephisto Pheles et un ami des Démons de Kuoh et de leurs proches.

C'est donc sans la moindre hésitation et sans aucune contrepartie ou question que le Dragon Démoniaque avait accepté la demande faite par Hariel au nom de ses Serviteurs. Il était même allé jusqu'à venir chercher personnellement les deux garçons pour les amener aux alentours de leur destination finale. Ils étaient donc arrivés dans une vallée entre deux montagnes au milieu duquel coulait une rivière, la Leira.

Assez larges, ses rives étaient emplies de gros cailloux qui en délimitaient le lit. L'eau glissait au travers d'elles avec un doux murmure. Autour d'eux s'étendait une plaine de terre en friche et de rochers. De l'herbe rase commençait à pousser entre les graviers et les buissons se coloraient déjà d'un vert tendre en ce début de printemps.

« Est-ce que ça ira si je vous laisse ici ? » Avait demandé Tannin.

Son corps minuscule flottait à la hauteur du visage des garçons. Il avait préféré prendre une apparence plus discrète au cas où ils tomberaient sur des randonneurs.

« C'est plus que ce que nous aurions pu espérer, je vous remercie, Reine de Mephisto Pheles » répondit Cédric avec respect.

Tannin avait eu une grimace qui ressemblait à un rictus.

« Dans ce cas, je vais vous quitter » avait-il dit. « J'espère que votre entreprise sera couronnée de succès, Cavalier Diggory, Tour Krum. »

Ce n'est que lorsqu'il était partit que Viktor avait de nouveau invoqué sa boussole.

« Est-ce que ça veut dire qu'il faut aller jusqu'en haut ? » Interrogea Cédric après la confirmation de leur destination.

« C'est… une possibilité » répondit son compagnon.

La boussole n'indiquait la direction que sur un plan en deux dimensions. Ils n'avaient donc aucun renseignement sur l'altitude.

« Tu es sûre que tu veux continuer ? » Demanda Viktor à son camarade.

Celui-ci se tourna vers lui avec un sourire maladroit.

« Bien sûr. J'ai dit que je le ferais, non ? »

Il ne l'avait plus quitté après l'incident de son atelier. Ils avaient envoyé la demande de Sortilège à Rossweiss ensemble et l'avaient reçu également ensemble. Cédric était resté quand Viktor l'avait essayé au cas où il y aurait eu des complications et il l'avait accompagné à Poudlard pour parler de leur résultat à Hariel. Quand ensuite ils étaient revenus du Japon avec les conclusions de la triangulation et que Viktor était allé préparé ses affaires, il avait fait la même chose avec les siennes.

« On a commencé ensemble, on finira ensemble » avait-il dit quelques instants plus tôt au moment du départ.

Viktor n'avait rien dit. Il était secrètement assez content que Cédric l'accompagne. Ce qu'il ignorait, c'est que de son côté, Cédric était heureux que son ami ait accepté de l'emmener.

« On pourrait essayer d'aller de l'autre côté pour voir si la boussole indique toujours la même direction » dit celui-ci.

Viktor hocha la tête. Se lançant chacun un Sort de Désillusion sans baguette, les deux Démons firent jaillir leurs ailes noires avant de s'envoler. Ils partirent directement en direction de l'Est. D'après leur carte, le massif du Galdhøpiggen était moins large à cet endroit, à peine 2 kilomètres, et plafonnait à une altitude de 2000 m.

La raison pour laquelle Cédric hésitait à grimper immédiatement jusqu'au sommet était le manque d'oxygène. Même les Démons avaient besoin de respirer. Leur organisme, plus fort, pouvait le métaboliser de façon plus efficace que les humains, une fois en haut, même eux commenceraient à souffrir de quelques effets secondaires. Mais à plus basse altitude, il n'y aurait aucun problème. Ce bref passage entre les deux vallées serait donc plus aisé à condition qu'ils restent à proximité du sol.

Le ciel était clair et les nuages suffisamment élevés pour ne pas les gêner. Seul le sommet de la montagne disparaissait vraiment au milieu des chapes blanches. Le soleil froid d'avril se reflétait dans la neige des hauteurs du plateau. Si haut au Nord, il fallait encore du temps avant qu'elle ne fonde. Surtout que la température au sol était encore en dessous de 0. Moins encore là où se trouvaient les deux garçons.

Fort heureusement, ils s'étaient munis de leurs tenues de combat avant de partir. Elles ne payaient pourtant pas de mine. Les deux portaient des pantalons de cuir ajustés et des bottes militaires noires. En haut, Viktor n'avait pour tout vêtement qu'un tee-shirt noir qui serrait son torse et ses bras comme une seconde peau ainsi qu'une paire de mitaines de cuirs renforcés de la même couleur.

Cédric, lui, paraissait un peu plus habillé. Il avait une chemise blanche aux manches retroussées recouverte d'un gilet noir cintré. Les derniers boutons de son col étaient ouverts et il portait une cravate fine et noire assez lâche rentrée dans le gilet. Le harnais de son holster lui enserrait la poitrine et il portait de fins gants de cuir noir dont l'index était tronqué pour amélioré la maniabilité du doigt sur la gâchette.

Avec de pareilles tenues, des Sapiants se seraient mis à grelotter et des Sorciers se seraient aussitôt jeté des Sortes de Réchauffement. Mais c'était inutile pour les deux Démons. Comme toutes les tenues de combat magiques, en plus d'offrir une protection physique bien plus importante que ne le laissait présager le simple tissu qui les composait, elle rendait leur porteur imperméable à l'eau et au vent et immunisé contre les variations de température tout en assurant un confort et une manœuvrabilité sans égale.

Ainsi prémunis du froid et du souffle du vent, ils glissaient dans le ciel comme des oiseaux. Enfin, pas tout à fait comme des oiseaux puisque leurs ailes ne battaient pas. Leur forme effilée fendait l'air sans sembler être entravée. La dimension métaphysique des appendices empêchait qu'ils soient soumis aux éléments. Contrairement aux deux garçons. Leur corps, plus particulièrement leur visage, était protégé du souffle, mais pas du frottement.

Arrivés au bout du plateau, ils plongèrent dans la nouvelle vallée. Comme l'autre, elle était barrée par la bande scintillante d'une rivière, la Visa. Avant même de toucher le sol, Viktor invoqua à nouveau la boussole. Comme il le craignait, les nouvelles étaient mauvaises. La flèche évanescente ne pointait plus devant, mais derrière lui, son extrémité étincelante braquée directement sur la montagne.

« On ne va pas vraiment avoir le choix, n'est-ce pas ? » Grimaça Cédric en regardant lui aussi la boussole.

« Non » répondit Viktor.

« Tu veux y aller maintenant ? »

« Je préférerais. »

« Dans ce cas… »

Il y avait une distance d'environ 3 km entre l'endroit où il se trouvait et le sommet, là où indiquait la flèche. À mesure qu'ils avançaient et prenaient de l'altitude, Cédric sentait les premiers effets de la diminution du taux d'oxygène. Son souffle était plus rapide et plus profond. Il avait besoin d'engranger plus d'air afin de se sentir à l'aise. Il doutait cependant que ces effets s'aggravent trop au fil de leur montée où qu'ils en développent d'autres. L'altitude n'était pas si importante et la physiologie Démoniaque était robuste.

Toutefois, un autre problème se profilait à l'horizon. À mesure qu'ils se rapprochaient, le vent forcissait. On aurait pu penser que cela aurait chassé les nuages autour du sommet, mais c'était le contraire. Ils semblaient plus nombreux. La pression atmosphérique avait diminué. Il ne l'avait pas remarqué tout de suite, mais il sentait parfaitement de l'air arriver par en dessous signe de courant ascendant. Devant eux, les nuages étaient sombres et denses.

Rapidement, il utilisa sa Magie Démoniaque pour créer deux petites sphères lumineuses rouges. Il en mit une à l'intérieur de son oreille puis se rapprocha de Viktor pour lui tapoter l'épaule. Celui-ci tourna la tête et vit la sphère que lui tendait son ami. Il la prit et la plaça dans sa propre oreille.

« Le temps se gâte, on dirait » lui dit alors Cédric au travers du communicateur.

L'objet enchantait transmettait parfaitement sa voix sans être couverte par le hurlement du vent.

« Il vaudrait donc mieux nous dépêcher » dit Viktor avant d'accélérer.

À cause de cela, il manqua complètement l'expression inquiète sur le visage de Cédric. L'une des raisons pour laquelle il avait insisté pour venir était de garder un œil sur son camarade. Il s'était rendu compte que sa recherche de ses origines commençait lentement à tourner à l'obsession et il savait ce que ce genre de sentiment pouvait provoquer. Lui-même avait été hanté par sa propre perfection afin d'être digne de son père et de sa famille au point de se perdre lui-même. Ce qu'il craignait à présent, ce n'était pas de perdre mentalement son ami, mais physiquement.

Au départ, Cédric avait insisté pour qu'ils attendent de pouvoir y aller ensemble, avec les autres membres de la Suite, mais Viktor avait refusé. Hariel lui avait également demandé s'il ne précipitait pas un peu les choses en partant aussi rapidement sans même avoir fait de recherches préalables ou de réfléchir à un plan d'action pour mener son investigation à bien. Mais Viktor ne voulait rien entendre. À ce moment-là, quand Cédric avait croisé le regard de leur Maître, celui-ci lui avait implicitement dit de faire attention à lui.

C'est la raison pour laquelle il se mit à accélérer à la suite de Viktor et plongea à son tour dans le nuage.

Il se retrouva alors… dans le vide. Un vide gris, oppressant, qui étouffait le moindre son. Voulait-il toujours dans la bonne direction ? Avait-il dévié ? Il reconnaissait à peine la gauche de sa droite. Il aurait pu tout aussi bien avoir fait demi-tour sans s'en rendre compte. Et s'il n'y avait eu la gravité, il se serait également demandé où étaient le haut et le bas.

« Viktor ? Viktor ! » Appela-t-il.

Sa voix lui paraissait faible, étouffée. Pourtant son ami devait l'avoir entendu dans les communicateurs. Mais il ne semblait pas vouloir répondre, trop occupé sans doute à suivre la flèche de sa boussole. Sauf que Cédric, lui, n'avait pas de boussole. Il ne pouvait pas suivre une flèche qui le mènerait à son camarade… ou peut-être que si.

Il existait une variante au Sort des Quatre Points qui permettait de retrouver une personne. Ce dernier était utilisé comme boussole. Il suffisait de poser sa baguette à plat sur la paume de sa main et de prononcer la formule pour que la pointe de celle-ci indique le Nord. En introduisant un nom dans la formule, on pouvait aussi la diriger vers celle-ci… enfin, si elle se trouvait assez proche. Le Sortilège en lui-même était assez simple. Il pouvait donc l'utiliser sans baguette. Il ne savait pas si cela marcherait sans, mais il devait essayer. Après tout, des Sorts dépendant généralement de la baguette elle-même, comme celui-là ou le Sort Lumos, il en avait déjà réussi, alors pourquoi pas celui-là ? D'autant que, refusant de s'arrêter, il risquait de perdre sa baguette à l'utiliser en plein vol.

« Pointe Victor Krum ! » Incanta-t-il, la paume de sa main tendue devant lui.

À sa grande surprise, un cercle jaune vif, sa couleur magique, très semblable à celui du Sort de Recherche de Viktor, se matérialisa par-dessus. Soit les deux Sorts avaient des origines communes, soit l'inconscient de Cédric avait recréé la forme de la magie qu'il venait de voir. Toujours était-il que la flèche opalescente se mit à tourner rapidement avant de pointer légèrement vers la droite.

Il avait donc bien dévié de sa trajectoire. Il la rectifia aussitôt et accéléra dans la direction donnée. Malheureusement, à mesure qu'il progressait, le vent semblait de plus en plus puissant. Il avait du mal à avancer et devait lutter contre le souffle en utilisant plus de magie. Il avait le tournis. Ses efforts continus lui demandaient énormément de force et donc, d'oxygène pour alimenter son organisme. À une telle altitude, il n'y en avait plus une concentration suffisante pour appuyer son avancée.

Soudain, la pointe de la flèche pointa dans l'autre sens. Cédric jura et fit immédiatement demi-tour. Cette fois, le vent était dans son dos et il devait se contrôler pour ne pas être propulsé au loin. Malheureusement, la flèche continuait de changer constamment de direction sans raison.

« Viktor ! » Se mit-il alors à appeler. « Viktor, où est ce que tu es ? Je ne te trouve pas ! »

« En bas ! » Entendit-il au travers au travers de son communicateur. « Au sol ! »

Cédric retarda en dessous de lui, mais il ne voyait rien. Rapidement, il commença à descendre. Trop rapidement. À cause du brouillard, il ne se rendit compte que trop tard à quel point il était proche du sol. Quand il aperçut enfin l'amas de rochers sombre sur lequel il se précipitait, il sûr qu'il ne pourrait pas s'arrêter à temps. Il parvint cependant à réduire son allure tout en se roulant en boule pour atténuer l'impact.

Celui-ci fut tout de même extrêmement douloureux. Il heurta la pierre irrégulière en plein sur l'épaule. Il n'entendit pas de craquement, mais rien ne disait que ses os n'étaient pas fêlés. Il tomba ensuite sur le côté où, heureusement, il fut rattrapé par la neige molle. Il se redressa aussitôt et porta la main à son épaule blessée tout en serrant les dents pour éviter de crier.

« Cédric ! »

La voix était à la fois dans son oreille et assez proche de lui. Levant la tête, il vit une forme, une silhouette, avancer dans sa direction. Rapidement, Viktor se matérialisa au travers du vent et du brouillard et s'agenouilla près de Cédric.

« Tout va bien ? » Demanda-t-il en posant sa main sur son épaule.

Mais c'était la mauvaise. Cédric gémit et s'écarta brusquement.

« Tu as mal ? » Demanda à nouveau Viktor.

Cédric souffla entre ses dents. La douleur lui donnait envie de hurler après son ami pour avoir souligné l'évidence, mais il se retint.

« Je… ne pense pas que ça soit cassé » dit-il finalement, tendu.

« Je vais t'aider à te relever » dit Viktor.

Il se remit sur ses pieds et tendit la main vers Cédric. Celui-ci la prit avec son côté valide et le laissa le tirer vers le haut. Il gémit tout de même de douleur, mais parvint à se mettre debout. Il vacilla. Au sol, le vent demeurait assez fort et il soulevait la neige poudreuse qui volait partout.

« Tu pourras tenir ? » Demanda alors Viktor. « Je crois qu'on touche au but. »

« On devrait redescendre. Attendre que la tempête se calme. »

« Mais non, regarde ! On touche au but je te dis ! »

Il tendit sa main avec l'écaille à l'intérieur. Celle-ci vibrait et scintillait. Elle n'avait encore jamais fait ça.

« Je vais t'aider » décréta Viktor.

Il se plaça alors du bon côté de Cédric, prit son bras valide et le passa par-dessus ses épaules.

« Vas-y, appui toi sur moi » dit-il en passant dans le même temps le sien autour de la taille de son camarade.

Celui-ci voulut protester, mais le contact avec le corps de Viktor l'en empêcha. Même au travers des vêtements, il pouvait sentir la chaleur de l'autre. Ou peut-être était-ce son propre corps qui brûlait à son contact. Il se laissa donc entraîner par son ami au milieu du blizzard.

Ils n'avançaient pas très vite. Le vent les ralentissait. Cependant, la force physique accrue de Viktor leur permettait de garder le cap et grâce à leurs tenues de combat, ils étaient au sec et au chaud.

« Regarde ! » Dit alors Viktor. « Je te l'avais dit, on se rapproche ! »

Dans sa main, l'écaille vibrait plus fort encore. Son éclat avait également augmenté et elle commençait à rougeoyer. Toutefois, Cédric remarqua aussi que le vent avait forci.

« Ce n'est pas naturel » dit-il. « Plus elle s'agite et plus la tempête se déchaîne. Il doit y avoir des protections. »

« Mais non, tu vas voir, on va y arriver ! » S'écria Viktor en l'entraînant avec lui.

Comme Cédric l'avait dit, le vent était de plus en plus violent à mesure qu'ils avançaient. Il était si puissant qu'il commençait à le ressentir sur son visage et le froid dans son corps. Ce fut d'abord un frisson puis il sentit le bout de ses extrémités picoter. À présent, le frisson glacé remontait le long de son dos et même la chaleur qu'il éprouvait au contact de Viktor ne suffisait plus. Il tentait par tous les moyens d'utiliser sa magie pour se réchauffer, mais il n'y parvenait pas. C'était comme si, à l'intérieur de cette tempête, elle était devenue aussi glissante que du verglas. Il ne pouvait même pas accéder à sa Dimension de Poche.

Pourtant, son camarade continuait à avancer alors même qu'il plissait les yeux à cause du vent et de la neige et qu'il serrait son poing autour de l'écaille. Celle-ci était maintenant d'un pourpre étincelant, comme chauffée au rouge. Toutefois, Viktor ne la lâchait pas, au contraire. Il luttait pour la garder en main tant les vibrations se faisaient plus fortes.

Cédric ne ressentait même plus la douleur de son épaule tant son corps était engourdi par le froid. Poussé par Viktor, il avançait, un pas après l'autre. Mais ces pas devenaient de plus en plus lents, de plus en plus difficiles. La neige sous leurs pieds n'arrangeait pas les choses. Poudreuse, épaisse, elle formait un tapis dans lequel ils s'enfonçaient. Le vent était à présent si violent que les Sortilèges de leurs vêtements étaient totalement dépassés. Cédric plissait les yeux autant qu'il le pouvait et se protégeait de son bras blessé. Mais les petits flocons propulsés par le souffle trouvaient toujours le moyen de frapper sa peau telle de minuscules dagues aiguisées.

Et puis soudain. Plus rien. Plus de vent. Plus de neiges. Le froid était toujours présent, mais plus aussi mordant.

« Regarde ! » S'exclama alors Viktor. « On y est ! »

Cédric baissa son bras et rouvrit ses yeux. Le soleil brillait à présent. Il n'était pas très chaud, mais bien visible, car tous les nuages s'étaient dissipés. Les deux garçons se trouvent debout sur une éminence rocheuse. Il n'y avait rien autour d'eux de plus haut. Ils étaient parvenus jusqu'au sommet.

« On… on y est… mais… où… » balbutiait Viktor.

Ses yeux étaient fixés sur la boussole. L'écaille avait cessé de vibrer et de briller, quant à la boussole, elle, semblait parfaitement fonctionner… sauf que la flèche tournait sur elle-même. Continuellement.

Normalement, cela aurait dû vouloir dire qu'ils étaient arrivés, mais autour d'eux, il n'y avait rien. Rien que du vide.

0o0o0

Hariel regardait tout le monde s'agiter autour de lui.

La nouvelle de la réapparition de Grendel et surtout l'identité de sa cible avait mis le Monde des Démons en émoi. C'est la raison pour laquelle les membres de sa Suite étaient présents. Sirzechs avait envisagé de rappeler également Cédric et Viktor, mais Hariel l'en avait empêché. Ils étaient sur une piste importante pour le moment. Inutile de les déranger.

Son oncle avait fini par accepter, à contrecœur. Il avait cependant renvoyé Hermione et Dean sur Terre. Ils savaient que le Dragon était à la poursuite de leur ami, mais rien ne disait qu'il ne voudrait pas aussi s'en prendre aux autres personnes présentes ce jour-là. Il était donc plus prudent qu'ils retournent chez eux où ils seraient à l'abri au lieu de se trouver dans l'endroit le plus évident où pourrait être gardé Hariel.

Un peu plus tard, Rias était arrivé avec sa propre équipe. Issei était là également bien que toujours quelque peu hagard. Cela faisait plus de 3 mois qu'il était poursuivi par la Malédiction du Diabolos Dragon God et qu'il n'avait pas regardé une paire de seins sans souffrir de violentes migraines.

Une abstinence aussi longue pour quelqu'un qui n'avait eu en tête que les poitrines des femmes depuis qu'il savait ce que c'était était une torture pour lui, mais également quelque chose d'infiniment dangereux. Si elle devait se poursuivre trop longtemps, cela pourrait conduire à un effondrement psychique irréversible. Azazel, qui avait entrepris des recherches dès la fin de la Guerre des Dragons Maléfiques semblait avoir une liste, mais pour le moment, il n'avait rien dit. Selon lui, il voulait être certain du succès de l'opération. Tout échec pourrait rendre son état permanent voir, le tuer.

Cependant, en homme loyal qu'il était, c'était plus de la situation d'Hariel que sur son propre sort qu'il était inquiet. En vérité, ils étaient tous inquiets. Grendel était un adversaire fantastique et le fait qu'il soit lâché dans la nature sans que personne n'ai d'information était encore plus préoccupant. Sirzechs avait envoyé des patrouilles sur tout le territoire Démoniaque et avait fait appel à leurs alliés des autres Mythologies. Hariel était l'un des Héros de la Guerre, ils pouvaient au moins garder un œil sur la situation et prévenir le Satan en cas de mouvement étrange.

Ce que Sirzechs craignait le plus. C'était que le Dragon fonce directement sur Hariel en détruisant tout sur son passage. Le mieux aurait donc été de le déplacer vers un lieu isolé pour éviter les victimes collatérales, mais l'homme s'y refusait. Il voulait son neveu dans un endroit sûr comme Kamala, un endroit où il savait qu'il pourrait assurer sa sécurité.

Cependant, il demeurait alerte et stressé. Les séquelles de la Guerre se faisaient encore sentir en lui et il ne savait pas s'il aurait la force de contrer Grendel. Son humeur affectait ainsi tout le monde autour de lui.

Toutes… sauf Hariel. Parmi tous ceux présents dans la pièce, il était le seul à être parfaitement calme, détendu et serein.

0o0o0

« On a dû manquer quelque chose… »

« Viktor… »

« Ou alors peut-être que c'était seulement l'entrée… »

« Viktor… »

« Tu ne comprends pas ? C'est toi qui as dis que la tempête n'était pas normale. C'était ça ! C'était l'entrée ! Et maintenant qu'on se trouve à l'intérieur de la barrière… »

« Viktor ! »

À ce cri, ce dernier se tourna vers son camarade. C'est à ce moment qu'il s'aperçut de son état. Tremblant de froid, il était pâle et ses lèvres ainsi que le bout de son nez et de ses doigts étaient presque bleus.

« Je… désolé » dit-il. « Je n'avais pas remarqué que… qu'est-ce qui s'est passé ? »

« La tempête était si forte que les protections sur mes vêtements n'ont pas tenu. Toi, ça va ? »

« Euh… »

À présent qu'il y pensait, ils se rendent compte en effet qu'il sentait encore les séquelles du froid. Pourtant il ne semblait pas aussi atteint que son camarade. Cela devait être grâce à ses capacités de Tour.

« Pourquoi tu ne t'es pas jeté un Sort de Réchauffement ? » Demanda-t-il.

« La Magie… je n'arrivais pas à l'utiliser. C'était comme si la tempête m'en empêchait. »

« Ce qui prouve bien qu'elle était d'origine magique ! »

« Ça, j'aurais pu te le dire » grinça Cédric.

En fait, il l'avait dit.

« C'était forcément ça, la barrière » reprit Viktor. « Si on a réussit à la passer ça veut dire… »

« Est-ce qu'on pourra parler de ça après s'être réchauffé ? »

« Euh… oui » balbutia Viktor. « Tu veux que je t'aide ? »

« Je veux bien. »

À cause du froid, il avait du mal à se concentrer. Sans compter que la sensation qu'il avait ressentit précédemment, quand il avait voulu utiliser sa magie, était encore dans sa tête et ce n'était pas particulièrement agréable. L'impuissance, cette impression de n'arriver qu'à effleurer cette partie de lui sans pouvoir l'atteindre comme il en avait l'habitude. Il préférait attendre de voir si elle fonctionnait de nouveau avant de prendre le risque.

Heureusement, le Sort que lui lança Viktor marcha parfaitement. Il sentit la magie de son camarade se mêler à la sienne, preuve qu'elle était, à son grand soulagement, à nouveau accessible. Puis, iI commença à ressentir la légère douleur de la peau glacée qui se distend et le fourmillement de son sang qui recommençait à couler normalement alors qu'une chaleur agréable se diffusait dans son corps et séchait ses vêtements. Malheureusement, sans l'engourdissement provoqué par le froid, sa douleur à l'épaule émergea à nouveau, plus forte encore qu'auparavant.

Il grogna, chancela et porta sa main à son bras pour tenter de le maintenir en place et diminuer la sensation désagréable.

« Oh non ! C'est vrai ! Tu es blessé ! » S'exclama Viktor en se penchant vers son ami. « Il vaudrait peut-être mieux redescendre pour soigner ça. De toute façon, on devra bien se mettre à la recherche de mon peuple maintenant qu'on a franchit la barrière. »

« Viktor… je ne sais pas comment dire… je ne suis pas tout à fait certain qu'on soit vraiment de l'autre côté de la barrière. Ça ressemble quand même énormément à l'endroit qu'on vient de quitter. »

« Normal ! Si c'est une Terre Étrange, il est possible qu'elle ait été copiée à partir de l'original. C'est pour ça que ça n'a pas l'air d'avoir changé. »

Sauf que les paysages se modifient au fil des siècles. Pas sur les Terres Étranges, mais en dehors, si. Que la Norvège d'il y a des milliers d'années soit exactement semblable à la Norvège de maintenant était plus qu'improbable. De plus, il n'avait pas l'impression d'être hors de leur réalité. Les sons, les couleurs, les odeurs que lui renvoyait sa Vision Magique étaient les mêmes que ceux qu'il captait auparavant. Les mêmes que dans leur monde.

Mais ça, Viktor ne semblait pas vouloir le voir. Il était comme prit dans son délire de retrouver son peuple, son origine, ses racines… il était comme certaines des personnes abandonnés durant l'enfance et qui pensaient que tous les problèmes de leur vie s'effaceraient s'ils pouvaient retrouver des membres de leurs familles, voir même leurs parents. Et c'était normal pour lui.

En à peine 1 an, la vie de Viktor avait changé du tout au tout. Non seulement il n'était plus humain, mais il avait appris des choses sur sa famille, des choses horribles. Son père avait tué sa mère et l'avait traîné dans la boue en l'accusant de les avoir abandonnés. Durant toute son enfance, Viktor avait été pris entre les mensonges que lui avaient racontés Vassily et sa propre connaissance du fait que celui-ci était un menteur. Il avait vécu avec deux visions de son histoire qui pouvaient toutes les deux être vraies ou fausses, deux incertitudes qui l'avaient empêché de se construire totalement. Il avait donc suivit la voie tracée par d'autres jusqu'à ce qu'Hariel lui en ouvre une autre.

Il s'y était engouffré, mais à présent il était un peu perdu. Tout le monde auparavant lui avait dit qui il était et quelles attentes ils avaient pour lui. Hariel lui avait donné des tâches, mais il n'avait pas d'attente. Il ne lui avait pas imposé qui il était, mais lui demandait qui il voulait être. C'était assez déroutant pour lui.

Cédric fut sortit de ses réflexions quand Viktor se pencha pour passer un bras derrière ses genoux et un autre dans son dos. Il le fit basculer et le souleva contre lui.

« Qu… qu'est-ce que tu fais ? » S'écria-t-il d'une voix suraiguë.

« Ça va être difficile pour toi de voler avec ta blessure. Mieux vaut que je te porte, non ? »

Cédric marmonna une réponse inintelligible. Il était trop préoccupé par le torse de Viktor qui se pressait contre sa hanche. Tout ce qu'il espérait à présent, c'était qu'il n'allait pas…

« Tu as de la fièvre ? » demanda alors son camarade.

« Quoi ? » Gargouilla Cédric.

« De la fièvre » répéta Viktor. « Tu es tout rouge. »

« N… Non, c'est juste le… le Sort de Réchauffement qui fait effet c'est tout. »

« Si tu le dis. Tiens passé ton bras derrière mon cou pour garder l'équilibre. »

Cédric obéit et se laissa porter alors que Viktor s'envolait pour descendre de la montagne. Pour distraire son esprit du souffle de son compagnon qu'il sentait dans son cou, il se demandait ce que lui pensait. Est-ce que cela lui faisait quelque chose de le tenir comme ça, dans ses bras ? Ou alors était-il trop obnubilé par sa recherche ? Cédric ne savait pas. En fait, il avait peur de savoir.

Au bout d'un instant, les deux garçons arrivèrent au bord d'un lac assez vaste. Si comme Cédric le supposait ils étaient toujours dans le monde réel, alors ce devait être le Juvvatnet. Viktor le déposa sur une pierre de la berge et s'agenouilla près de lui. Il y eut un bref éclair et il se retrouva avec sa baguette magique à la main, pointé sur l'épaule de son ami.

« Tu te l'es démise et il y a de légères fractures sur l'os. Le muscle est froissé, mais il ne semble pas déchiré. Je pense que je peux te soigner. »

« Tu connais des Sorts de Guérison ? » Demanda Cédric en grimaçant alors qu'il écartait le col de sa chemise pour voir les dégâts.

Il y avait une énorme ecchymose qui entourait l'épaule. Les veines éclatées avaient coloré sa peau en rouge et brun depuis la moitié du bras jusqu'à la base du cou et du haut de son pectoral jusqu'au bout de l'omoplate.

« Connaître les premiers soins c'est important pour un sportif professionnel. Surtout s'il veut reprendre le match assez rapidement. »

Viktor avait légèrement grimacé à ces mots. Il avait appris ces Sorts parce que son entraîneur l'aurait renvoyé sur le terrain même agonisant sous prétexte qu'il n'avait pas le droit d'abandonner une équipe qui de toute façon le méprisait parce qu'il avait deux fois plus de talent qu'eux tout en étant deux fois plus jeune.

« Je commence par endormir la douleur. Il va falloir remettre l'os du bras en place. »

« Vas-y » grogna Cédric.

Il sentit alors l'élancement dans son épaule diminuer en même temps qu'une chaleur un peu poisseuse se diffusait à cet endroit. Cependant, même ça n'empêcha pas le cri de souffrance qu'il poussa quand Viktor, non pas avec sa baguette, mais à la main, remboîta l'humérus.

« Put… » souffla Cédric avant de de serrer les dents.

« Ça va aller » dit Viktor. « Maintenant, un sort pour résorber les dégâts aux muscles et aux vaisseaux sanguins. Par contre… pour l'os, ça va être plus difficile. Je ne connais pas de Sort pour ça et je n'ai pas de… »

« De Poussos ? » Acheva Cédric.

D'un geste, il fit apparaître deux petites fioles. L'une d'elles contenait une potion jaune à l'aspect assez dégoûtant et l'autre, un bleu assez vif. Pour l'avoir assez utilisé, il savait que la jeune était du Poussos. La seconde devait être un anti douleur.

« J'avais prévu une trousse de secours, au cas où… » dit-il. « J'aurais peut-être dû la sortir avant que tu ne t'acharnes sur mon bras d'ailleurs. »

« Désolé. »

Cédric prit la potion jaune et en enleva le bouchon. De la fumée s'échappa alors du goulot. Il grimaça, mais finalement la porta à ses lèvres et la but cul sec. Au goût atroce se mêla aussitôt la brûlure quand elle descendit le long de sa gorge.

« Merlin que j'ai horreur de ça » grogna-t-il avant de tousser.

Il déboucha ensuite la seconde fiole et en avala le contenu. Après le Poussos, tout pouvait avoir bon goût, même l'étrange mélange de chou et de piment que lui inspirait la potion anesthésiante. Fort heureusement, elle était assez efficace. Il sentit immédiatement la douleur résiduelle s'estomper. Il savait à présent qu'il n'aurait plus à s'en inquiéter avant quelques heures.

« Ça va mieux ? » Demanda Viktor.

« Ça ira. »

« Bien, on y va quand tu es prêt. »

« Aller où ? » Demanda Cédric, perdu.

Viktor se redressa et pointa son doigt vers ce qui ressemblait à des bâtiments au bord du lac.

« Il doit bien y avoir des gens là-bas, non ? Je pourrais leur poser des questions sur ma mère. »

La respiration de Cédric se bloqua dans sa poitrine puis il souffla fortement.

« Viktor, je sais pas comment te dire… mais je doute que "ça" se soit des habitations créées par les Svalinnkin. »

Lui qui avait toujours vécu dans le monde Sorcier, il avait tout de même eut une année entière pour se familiariser avec la culture (dont l'architecture) Sapiante. Et ce que lui montrait son ami était résolument trop moderne. De là où il était, il pouvait apercevoir de l'acier et du crépi. Pas des matériaux qu'on s'attendrait à voir utilisés par une civilisation millénaire.

Mais Viktor n'écouta pas quand Cédric lui fit part de ses doutes. Il ne l'écoutait, ni lui ni le bon sens. Il partit finalement en direction des bâtiments et Cédric n'eut d'autre choix que de le suivre. Il voulait trouver des arguments pour tenter de faire entendre raison à son camarade, mais il craignait sa réaction.

« Ça a l'air vide » dit Viktor en regardant à travers des vitres (une preuve de plus en faveur de Cédric).

Des bruits leur parvinrent alors aux oreilles. C'était des sons métalliques étouffés, comme si des dizaines de personnes tapaient avec des bouts de noirs sur des plaques en bronze. Ils étaient accompagnés de temps à autre par des aboiements de chiens. En se retournant, les deux garçons virent quelque chose bouger au loin, une masse blanche et cotonneuse. À mesure qu'elles se rapprochaient, ils se rendirent compte qu'il s'agissait en fait de moutons.

C'était les cloches qu'ils avaient autour du cou qui faisaient le bruit métallique. Les aboiements, eux, provenaient bien sûr du chien qui les accompagnait. Celui-ci, après avoir ramené l'une des bêtes qui s'écartaient, retourna se poster auprès de son maître. C'était un homme d'une trentaine ou quarantaine d'années à la chevelure et la barbe épaisse blond sale qui avançait à l'arrière du troupeau en s'aidant d'un bâton.

« Ah ! Ben, voilà quelqu'un ! » S'exclama Victor en se jetant le Sort de traduction des trois singes à lui-même avant de se diriger vers lui.

« Viktor, attends ! » S'écria alors Cédric en le retenant par l'épaule. « Je ne crois pas… non, je suis sûr que nous ne sommes pas au sein de la barrière de Svalinn et que cet homme n'est pas un Svalinnkin. Regarde-le ! Regarde comme il est habillé ! »

En effet, celui-ci portait vieux jean rapiécé couvert de taches de terre et d'herbe, une chemise à carreaux aux manches retroussées et aux couleurs passées et, par-dessus, un blouson sans manches molletonné qui semblait assurément être fait d'une matière plastique.

« C'est un berger » dit simplement Viktor. « Rien qu'avec ça, tu devrais te dire qu'on est plus vraiment dans notre réalité, non ? »

Cédric n'eut pas le temps de démontrer à quel point cette remarque était absurde. En effet, une sonnerie stridente se fit alors entendre. L'homme fourra sa main dans la poche de sa doudoune et en sortit un téléphone portable. Celui-ci était assez ancien. Peut-être une vingtaine d'années. Il avait un clavier physique à chiffres et un écran minuscule. Rien à voir avec les appareils qu'Hariel avait fourni aux garçons, mais c'était tout de même un véritable cellulaire.

« Et ça ? Tu ne vas pas me dire que ça ne te met pas la puce à l'oreille ? »

« Ma mère est bien sortie pour rencontrer mon père. Ils doivent avoir les moyens de traverser et ils ont ramené des objets. »

« Des téléphones portables ? À l'intérieur d'une barrière ? Rien que celle de Poudlard fait frire un appareil un tant soit peu sophistiqué dès qu'on l'utilise et tu penses qu'une si puissante que les Dieux n'arrivent pas la trouver leur permettrait de fonctionner ? Mais réveille-toi un peu ! On est pas de l'autre côté de la barrière. Je ne sais pas ce que c'était que cette tempête, un piège ou quoi que ce soit, mais on est toujours sur Terre, dans notre dimension et cet homme n'est pas un Svalinnkin, c'est juste un berger Norvégien ! »

En entendant ces mots, Viktor blêmit. Il ouvrit la bouche, comme pour répondre, mais aucun son ne sortait de ses lèvres. Ses yeux se firent soudain durs et il serra les poings. En le voyant le fixer de cette façon, Cédric prit peur pendant un instant. Mais finalement, Viktor s'effondra. Il gémit de désespoir alors que son visage s'affaisse et que ses mains se relâchaient. Il glissa ensuite le long du mur du bâtiment et s'assit sur le sol.

« Oui… oui. Tu as raison, je suis désolé » dit-il. « Je crois que j'avais vraiment envie que ce soit vrai. »

Il avait tout occulté. L'apparence du bâtiment, celle du berger et même le téléphone portable. Il avait tellement voulu que ça soit réel. Qu'il avait trouvé le lieu d'où venait sa mère. Mais il se leurrait et il le savait.

Faisant attention à sa blessure, Cédric s'assit à côté de lui. Ne sachant pas vraiment que dire, il se contenta de lui donner une bourrade. Viktor se fendit d'un léger sourire avant de soupirer, de fermer les yeux puis de poser sa tête sur l'épaule de son camarade. À ce geste, Cédric se contracta. Il sentit ses joues chauffer et les battements de son cœur s'accélérer. À nouveau, il percevait la chaleur de Viktor près de lui et cette fois, il pouvait également respirer son odeur. C'était un parfum à la fois frais et musqué, une senteur boisée légèrement chimique de déodorant qui masquait malheureusement un peu trop celui, naturel, plus animal du garçon. Par-dessus, il pouvait aussi sentir le piquant mentholé de son après-rasage. L'ensemble de ces fragrances faisaient presque perdre la tête au jeune Démon.

Que devait-il faire ? Que devait-il dire ? Devait-il même dire quelque chose ou simplement laisser Viktor se reposer contre lui ? C'est cette solution qu'il choisit. Lentement et avec une certaine appréhension, craignant de déranger, il posa à son tour sa tête contre celle de Viktor. Celui-ci ne bougea pas. Cédric décida donc de se laisser aller. Il ferma alors les yeux, profitant ainsi de la chaleur et du parfum de Viktor ainsi que de la sensation de ses cheveux courts et drus, mais également très doux contre sa joue.

Au loin, les cloches du troupeau de moutons, leurs bêlements réguliers ainsi que les aboiements du chien et l'air que fredonnait le berger recouvraient le bruit des battements de son cœur et aussi, sans qu'il le sache, ceux de Viktor. Pour la première fois depuis longtemps, les deux garçons se sentirent en paix.

« Vous êtes perdus, les jeunes ? » Demanda alors une voix toute proche, les faisant sursauter et crevant la bulle de tranquillité dans laquelle ils se trouvaient. « Si vous vouliez aller au centre, c'est un peu tôt. Il faudra encore deux semaines pour le début de la saison d'été. »

« Euh… non, c'est gentil » répondit Viktor.

Il était le seul à avoir compris la phrase. Cédric n'avait pas utilisé le Sport des Trois Singes si bien que tout ce qu'il avait entendu, c'était du Norvégien.

« On se reposait juste avant de reprendre notre marche. »

« Si vous le dites » dit le berger en haussant les épaules.

Il s'éloigna ensuite pour retourner auprès de son troupeau tout en continuant à fredonner.

« Écoute, si ça peut te consoler, dis-toi que tu es plus proche du but que tu ne l'as jamais été » dit finalement Cédric.

Il sentait qu'il devait dire quelque chose, n'importe quoi, pour réconforter son ami.

« Pendant des mois, tu n'as rien trouvé et là, on est à deux pas. Je comprends que tu te sentes… excité, mais tu ne pensais quand même pas y arriver du premier coup ? Ça va peut-être prendre un peu de temps, mais je suis sûr qu'on va finir… dis, tu m'écoutes ? » Demanda finalement Cédric.

Mais il était évident qu'il n'écoutait pas. Le regard fixé sur le dos du berger, il plissait les yeux comme s'il tentait de se souvenir de quelque chose. Dans le même temps, ses lèvres bougeaient toutes seules. Cédric n'entendait pas ce qu'il disait, mais il parvenait tout de même à percevoir un léger air de musique qui ressemblait fortement à celui que susurrait l'homme.

Soudain, les yeux de Viktor s'écarquillèrent. Il se releva d'un bond et partit à la poursuite de ce dernier. Surprit, Cédric resta quelques secondes interdit avant de lui emboîter le pas, non sans, cette fois, lancer le Sort de Traduction sur lui-même.

« Excusez-moi » appela Viktor.

Le berger se retourna et attendit que le jeune homme arrive à sa hauteur.

« Cette… Cet air que vous chantez, ça vient bien d'une chanson sur une fée qui émerge d'un lac ? »

« C'est ça… enfin, la plupart du temps. La version que me chantait ma grande mère parlait d'un esprit, mais je sais qu'il en existe différentes versions. Vous la connaissez ? »

« Oui. Ma… mère me la chantait quand j'étais petit. »

« C'est qu'elle devait être du coin alors. J'ai jamais entendu cette comptine ailleurs que par chez nous. D'ailleurs, je vais vous faire une confidence… »

Le berger se pencha vers Viktor avec un air de conspirateur.

« On dit que le lac dont il est question dans la chanson, c'est celui-là, le Lac Juvvatnet. »

Puis, soudain, il explosa de rire.

« Je te raconte pas les gens qui ont essayé de draguer ce lac à la recherche du Pays à l'Envers. Comme au Loch Ness avec leur monstre. J'espère que t'es pas comme ça sinon tu vas être déçu » dit-il en frappant amicalement l'épaule de Viktor. « Aller, je m'en vais retourner à mon troupeau. Bonne journée les jeunes ! »

Il se détourna à nouveau, cette fois chantant à pleins poumons.

« Il venait du Pays à l'Envers, le pays béni où le feu et la glace se mêlent dans le sang des Hommes, le pays sous la montagne où vit la race ancienne… »

« Alors c'est ça… » marmonna Viktor.

« Qu'est-ce qui est "ça" ? » Demanda Cédric. « Je n'ai pas compris. Qu'est-ce qui s'est passé ? »

« C'est ça ! » S'exclama à nouveau Viktor en se tournant vers son camarade et en le prenant par les épaules pour le secouer.

Cédric grogna d'inconfort à cause de sa blessure. La potion anti douleur faisait encore effet, mais cela ne voulait pas dire qu'il pouvait encaisser de tels mouvements.

« Oh pardon ! » Dit Viktor en retirant rapidement ses mains. « J'ai… j'ai oublié. Mais j'étais juste… enfin… je crois que ça y est. Je crois que j'ai compris ce qui n'allait pas. »

Il était presque encore plus excité que tout à l'heure.

« Je me suis trompé depuis le début. Ce n'est pas au sommet de la montagne qu'il faut chercher, c'est en dessous ! Il nous faut trouver un passage dans le lac pour aller sous la montagne ! »

« Attends ! Tu m'as perdu là » s'écria Cédric. « Comment tu en es arrivé à cette conclusion ? »

Viktor allait répondre, mais soudain, il se figea. Fermant les yeux, il prit plusieurs respirations ce qui eut pour effet de le calmer. Tout à l'heure, il avait perdu le contrôle parce qu'il s'était laissé submerger par ses émotions. Il ne devait surtout pas laisser les choses se reproduire. Il devait développer posément à Cédric son raisonnement de façon à ce que celui-ci l'accepte.

« La chanson du berger » explique-t-il, « elle parle d'une fée ou d'un esprit qui part d'un endroit appelé Pays à l'Envers se trouvant sous une montagne et où le feu et la glace se mêlent dans le sang de ses habitants. »

La lumière se fit alors dans l'esprit de Cédric

« Svalinn était un Dragon de Feu et de Glace » dit-il. « Donc ceux qui ont ces deux éléments dans leur sang sont… »

« Ses descendants. Les Svalinnkin » conclut Viktor.

« D'accord. Je comprends le raisonnement. Mais ça pourrait tout aussi bien être une légende liée à eux, non ? »

« Sauf que c'est ma mère qui me la chantait et qu'elle était une Svalinnkin. »

Cédric fut obligé de convenir.

« Écoute, la Magie de Svalinn nous a conduits ici et pointe sur la montagne. De plus, nous avons une légende parlant de montagne et de lac qui n'est racontée qu'ici et par une personne qui est le sujet même de la légende. C'est quand même une sacrée coïncidence, tu ne trouves pas ? »

« Effectivement » en convint une nouvelle fois Cédric. « Sauf que cette comptine date de plusieurs générations puisque c'est la Grand-mère du berger qui lui a raconté. Comment ça pourrait parler de ta mère ? »

« Ça ne parle pas d'elle, pas directement. Ça parle des Svalinnkin en général » expliqua Viktor. « Dans la chanson de ma mère, la fée sort du lac afin de se mêler aux humains pour trouver l'amour. Elle retourne ensuite sous le lac avec lui et leur enfant. Cette chanson explique en fait comment les Svalinnkin se reproduisent ! »

« Ils… sortent de leur pays afin de trouver un conjoint en dehors de leur communauté afin d'éviter la consanguinité » conclut Cédric.

« Exactement ! » S'exclama Viktor.

Toutes les pièces du puzzle s'emboîtaient parfaitement. Katya Svalinn, la mère de Viktor, avait quitté la Terre Incertaine des Svalinnkin, le Pays à l'Envers, sous le Mont Galdhøpiggen, pour trouver un époux. Elle avait rencontré Vassily Krum et s'était mariée avec lui. Mais ça s'était mal passé avec lui alors elle avait voulu le quitter avec Viktor, mais il l'avait tuée. Quant à la comptine… peut être que c'était une habitude des parents Svalinnkin ou alors c'était juste le cas de Katya qui, sentant que son mari devenait dangereux, avait préféré prendre des précautions et laissé des indices à son fils.

« Donc, ce qui nous reste à faire… c'est fouiller les profondeurs de ce lac » dit Cédric en se tournant vers la grande étendue miroitante et glacée.

À ce moment-là, Viktor se sentit légèrement honteux. Son camarade venait de faire les frais de son inconscience. Il ne voulait pas une nouvelle fois l'entraîner dans une aventure rocambolesque. Il lui avait très bien fait comprendre qu'il l'accompagnerait là où il irait. C'était donc à lui de faire attention à l'endroit où il amenait son ami et comment ils y allaient.

« On pourra attendre que tu te sentes mieux si tu préfères » dit-il.

Cédric se retourna alors vers lui, surpris.

« On peut y aller tout de suite si tu veux. »

Mais Viktor secoua la tête.

« À cause de la tempête, les protections de nos vêtements sont abîmées. Mieux vaut les faire réparer avant. En plus. Tu es blessé. Il te faut le temps de guérir. »

« Avec la magie, ça va être rapide » protesta Cédric. « Je peux être prêt demain. »

« Je doute que Sire Averroès te laisse partir aussi facilement » dit Viktor avec un rictus.

Cédric grimaça en songeant au médecin Démoniaque capable de faire passer Madame Pomfresh pour un chaton.

« Il n'est pas obligé de savoir » fit-il remarquer d'une voix pleine d'espoir.

« Pas la peine d'y penser. Je te conduis chez lui dès que nous sommes rentrés. Quelques gestes de premiers soins et potions ne suffisent pas pour guérir complètement une blessure. »

Viktor ricana à la nouvelle grimace de son camarade. Il passa son bras autour de son cou et activa un cercle de téléportation sous eux. Il espérait que Cédric ne remarque pas que ce contact rapproché lui plaisir un peu trop…

0o0o0

Tout le monde se retourna vers la porte quand celle-ci s'ouvrit. La tension était palpable. Chacun était sur ses gardes. Toutefois, il ne s'agissait que de Serafall Léviathan. La jeune femme avait un air grave qui lui était assez inhabituel.

« On a retrouvé Grendel » dit-elle sans préambule. « Il est sur Terre, en Roumanie. On l'a repéré dans l'ancienne capitale des Tepes. »

Sirzechs frappa du poing sur la table.

« Mais ça n'a aucun sens ! » S'exclama-t-il. « Qu'est-ce qu'il ferait là-bas ? »

« Nous l'ignorons » dit sa camarade.

« Est-ce qu'il y reste quelque chose ? Certains de ses clones peut-être… » demanda Rias.

« Nous sommes certains d'avoir tout nettoyé » dit Serafall en secouant la tête.

« Il doit y avoir une autre raison alors. Est-ce qu'on est-ce sûr que c'est lui ? »

« Nos hommes sont formels. Ils étaient suffisamment proches pour l'identifier sans équivoque. »

« Et ils n'ont pas été détectés ? » Interrogea Sirzechs en fronçant les sourcils avec incompréhension. « Ce n'est pas… très crédible. »

« C'est ce que je me suis dit aussi » acquiesça Serafall. « La seule explication est qu'il les a laissé partir. »

« Mais dans quel but ? » Demanda Remus.

Sa question plongea l'assistance dans un silence pensif et angoissé.

« Peut-être que… » commença alors Gasper.

Il s'arrêta en voyant que tout le monde le fixait et rougit. Il n'avait en ce moment qu'une seule envie, c'était de se cacher dans l'un de ses cartons. Il était un Dhampire d'une puissance phénoménale capable de contrôler le temps et d'obtenir les pouvoirs de la Bête de Balor, mais il tremblait toujours comme une feuille quand il se trouvait en société.

« Qu'est-ce que tu voulais dire, Gasper ? » Demanda Issei d'une voix rassurante. « Parle ! Nous t'écoutons. »

« C'est… c'est peut-être idiot… »

« Peu importe. Pour le moment, tous les avis comptent. »

« Peut… peut-être qu'il voulait que nous soyons au courant de l'endroit où… où il se trouve. »

« Il est vrai que Grendel n'a jamais été quelqu'un de très subtil » dit pensivement Serafall. « Mais de là à attirer à lui les armées Démoniaques. »

« Peut-être que ce n'était pas nous tous à qu'il voulait révéler sa position, mais à une personne en particulier » dite alors Sirzechs.

Un vent de panique souffla dans la pièce. Celui-ci augmenta encore quand la voix inquiète de Draco résonna à leurs oreilles.

« Quelqu'un a vu Hariel ? »

0o0o0

La tour dans laquelle ils s'étaient combattus avait été totalement détruite. Ce n'était plus qu'un tas de ruines sur lequel se tenait Grendel. Nonchalamment allongé, mais le torse bombé et le cou raide, il semblait trôner sur un trésor. Son seul œil valide était fixé droit devant lui, sur un petit point qui grossissait à mesure qu'il avançait.

« Je vois que tu as reçu mon message, Hariel Gremory » dit l'énorme Dragon au tout jeune Démon. « Je savais que tu viendrais me combattre. Tu es comme moi. L'orgueil est le pire de tes péchés. »

« En effet » dit Hariel avec un sourire. « Mais je pense que tu seras le seul à en pâtir. »

Il n'avait pourtant pas l'air habillé pour se battre. Il ne portait pas son uniforme de cuir et ses cheveux volaient au vent. Le seul signe qu'il était prêt à en découdre, c'était la présence Excalibur dans sa main.

« Tu sais que dès qu'ils se seront aperçus de ma disparition, ils se précipiteront ici. Si le combat entre nous s'éternise, tu risques de te retrouver en infériorité numérique. Ce n'est pas très équitable pour toi. »

Le Dragon ouvrit grand sa gueule et éclata d'un rire sonore.

« Cela ne rend le défi que plus intéressant, petit Démon. Tiens-toi prêt ! »

D'un coup de ses ailes puissantes, Grendel se souleva des gravats sur lesquels il était juché et s'éleva dans les airs. Hariel ne perdit pas de temps et d'un ample geste du bras fit apparaître un champ de bulles tout autour du Dragon.

« Tu crois que je n'ai pas vu ton combat contre Crom Cruach ? » Ricana le Dragon. « Je connais tous tes tours, petit Démon ! »

Puis, avec une agilité surprenante de sa part à cause de son corps massif, il se mit à zigzaguer entre les bulles à une vitesse effarante. Sa cible était bien évidemment Hariel. La griffe tendue en avant, il sentait tellement que la victoire était proche qu'il ne remarqua pas le sourire rusé sur les lèvres d'Hariel ni n'entendit les quelques mots qu'il murmura.

« Je n'en attendais pas moins de toi, Grendel. »

À ce moment-là, celui-ci referma sa griffe sur la mince silhouette d'Hariel, mais tout ce qu'il happa fut… du vide.

« Quoi ? » Fit-il avec étonnement.

Il était tellement abasourdi qu'il perdit le contrôle de ses ailes et s'écrasa. Les quelques pavés qui recouvraient encore le sol s'envolèrent, mêlés à la terre soufflée par l'impact. Avec un grognement, Grendel se redressa.

« Où es-tu passé, sale petit rat ? » S'écria-t-il.

Seul un gloussement lui répondit. Le Dragon regarda autour de lui, mais il ne vit rien. Il voulut s'envoler à nouveau d'un coup d'aile, mais cette fois, il ne put décoller. C'était comme si quelque chose le retenait. Il baissa les yeux et vit que le trou qu'il avait créé en s'écrasant s'était rempli d'eau. En se mélangent à la terre, c'était devenu une boue si visqueuse qu'elle le clouait à terre.

« Tu savais que le sol en dessous de la ville était extrêmement riche en argile ? Je l'avais remarqué la dernière fois. J'avais ruiné mes chaussures » dit la voix d'Hariel, toujours invisible. « Or il s'avère que les silicates qui composent l'argile ont tendance à se lier aux molécules d'eau en créant une substance boueuse d'une grande… adhérence. »

Alors qu'Hariel continuait son discours, Grendel se débattait pour se dégager. Malheureusement, le trou était trop profond. Pire encore, l'argile qui se trouvait au fond se ramollissait à cause des trombes d'eau qui semblaient venir de nulle part. Cela provoquait un effet de succion qui tirait l'énorme carcasse du Dragon vers le bas. En clair, il s'enlisait.

« Tu… tu vas voir ! Je vais sortir de là et tu ne pourras pas m'échapper une seconde fois ! »

« Une seconde fois ? » Dit Hariel avec dédain. « Encore aurait-il fallu que j'aie à t'échapper une première fois. Ce n'était pas le cas puisqu'à aucun moment, je n'ai été en dessous de toi ! »

Grendel leva soudain les yeux et vit la silhouette du jeune Démon apparaître à quelques mètres au-dessus de lui, brandissant Excalibur. Dans le même temps, toutes les bulles qui flottaient encore dans les airs éclatèrent… mais sans causer de dégât. Il s'agissait simplement de véritables bulles de savon. Il comprit alors qu'il avait été joué. Les fausses bulles explosives devaient le forcer à attaquer directement au lieu d'utiliser son feu et ce qu'il pensait être Hariel Gremory n'avait jamais été qu'une illusion. Le vrai Hariel avait toujours survolé la situation bien à l'abri, invisible. Il avait eut raison depuis le début. L'orgueil de Grendel ne lui avait jamais fait envisager que la personne qu'il avait sous les yeux n'était pas réelle. À présent, comme l'avait dit son adversaire plus tôt, il en pâtissait.

« Sache que cela fait 2 ans que je m'entraîne pour ce moment » dit Hariel d'une voix claire.

Et il abattit sa lame.

0o0o0

Draco fut le premier à apparaître suivit de près par Sirzechs. Les autres arrivèrent justes après, en groupe compact. La plupart des membres de la Suite d'Hariel ne savaient pas du tout où se rendre. Ils n'avaient donc pas pu être aussi rapides que le Pion pour rejoindre leur maître.

La tension qui régnait en eux apaisa quelque peu quand ils aperçurent celui-ci nonchalamment assis sur une pierre.

« Vous avez mis un peu plus de temps que ce que j'aurais pensé » dit-il avec un sourire.

« Les barrières que tu as mises autour de l'endroit n'ont pas vraiment aidé » fit remarquer Sirzechs sur un ton des plus sévères.

Draco, lui, se précipita sur son compagnon et l'ausculta sous toutes les coutures pour voir s'il allait bien. Une fois rassuré, il jeta un œil à la fois scrutateur et hostile à l'homme qui se tenait aux côtés de son bien-aimé.

Assez grand, il avait une carrure dans la moyenne, mais dont on devinait les muscles secs sous ses vêtements. Il portait un complet veston de service noir avec des gants, une chemise et même un nœud papillon d'une couleur identique et des souliers vernis. Son teint pâle contrastait avec ses cheveux longs noirs impeccablement coiffés en arrière et retenus au niveau de sa nuque par un simple ruban. Ses yeux, ou plutôt, le seul valide, d'une teinte d'argent liquide, étaient emplis d'un mélange de dédain et de colère rentrée. L'autre était totalement blanc et barré d'une cicatrice allant de son front au milieu de sa joue.

« Ah oui, je ne vous ai pas présenté, je crois » dit Hariel sur un ton enjoué en voyant les regards de tous braqués sur l'inconnu. « Voici mon second Majordome. »

Il jeta un coup d'œil plein de malice à ce dernier. Celui-ci répondit alors par une flambée de haine qui traversa son iris gris scintillant. Il ne dit cependant pas un mot. Le sourire d'Hariel s'agrandit.

« Allons » le gronda-t-il avec une voix encore plus réjouie, « dis bonjour, Grendel ! »

À suivre…

Et voilà un autre chapitre de terminé. Désolé, ça a pris du temps. En fait, quand je l'ai commencé, je rentrais de vacances. Pendant ce temps, j'avais complètement oublié que j'avais déjà un chapitre de VORACITY en cours… donc j'ai dû le terminer.

J'espère que vous avez apprécié la petite aventure (qui n'est pas fini) de Viktor et Cédric. Et encore des petits moments chou pour vous.

En tout les cas, pour ce qui est de Grendel, voilà une affaire rondement menée. La seule raison pour laquelle je l'ai fait survivre avant, c'était pour cette scène. C'était pas grand-chose, mais j'espère que ça vous a plu. Par contre, quant à savoir comment il est devenu le Majordome d'Hariel, à vous de le deviner 😉. Vous avez jusqu'au chapitre suivant.

En tout les cas, n'hésitez pas à me laisser des commentaires et je vous dis à la prochaine fois.